SÉANCE

du mercredi 4 novembre 2020

16e séance de la session ordinaire 2020-2021

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Marie Mercier, M. Jean-Claude Tissot.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, celui des uns et des autres, celui du temps de parole et des gestes barrières.

Confinement et commerce (I)

Mme Laurence Harribey .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Oui, la situation sanitaire est grave ; oui, il faut freiner la circulation du virus ; oui, nous devons être responsables, comme nous l'avons été en votant la déclaration du Gouvernement.

Encore faut-il que les décisions soient justes et équitables. Mais comment justifier la fermeture de petits commerces qui appliquent les règles sanitaires au motif qu'ils ne seraient pas essentiels ? Un fer à repasser acheté en grande surface serait-il plus essentiel qu'un livre acheté en librairie ? Monter dans un bus bondé serait-il plus sûr qu'une balade en forêt à plus d'un kilomètre de chez soi ? Où est la logique, pour quelle efficacité ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques .  - (« Oh ! » sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; murmures de protestations sur diverses travées à gauche et à droite) Veuillez excuser MM. Le Maire et Griset, qui sont en réunion, en ce moment même avec l'ensemble des organisations syndicales, ainsi qu'avec les fédérations des commerçants. (Même mouvement)

Dans cette crise sanitaire, dès lors que le fameux « R », soit le taux de reproduction du virus, dépasse 1,6, notre objectif était de le diviser par deux...

Mme Laurence Harribey.  - Ce n'est pas ma question !

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - ...J'y réponds !

M. David Assouline.  - Non !

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Il s'agit donc de diviser par deux les interactions sociales des Français. D'où le confinement, décision difficile, d'autant qu'elle conserve l'ouverture des écoles et la possibilité limitée de travailler, dès lors qu'il ne peut y avoir de télétravail...

M. David Assouline.  - Quelle en est la logique ?

Mme Laurence Harribey.  - Telle est la question !

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Dans ce cadre, il était indispensable de limiter les déplacements, notamment dans les commerces. Les laisser tous ouverts reviendrait à ne fermer que les bars et les restaurants. D'où la difficulté et la responsabilité inhérentes à une telle décision...

M. David Assouline.  - Quelle logique ?

Mme Laurence Harribey.  - Le fait que ce soit vous qui nous répondiez et votre réponse, illustrent votre respect du Parlement ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur plusieurs travées au centre et à droite)

Pourquoi ne pas changer votre logique, en pensant d'abord mesures sanitaires et non commerces « essentiels » ? Il faudrait faire contribuer ceux qui tirent parti de la crise et que les GAFA abondent un fonds de soutien au commerce de proximité. (« Très bien ! » à droite) Faites-donc confiance aux élus locaux ! (Applaudissements sur les mêmes travées) Modifions la gouvernance de la crise en nous appuyant sur le Parlement, au lieu de lui faire la leçon comme le Premier ministre l'a fait hier à l'Assemblée nationale. (Bravos et applaudissements nourris sur les travées des groupes SER, CRCE, Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC) Si la responsabilité est partagée, la décision doit l'être aussi. (Même mouvement)

Confinement et commerce (II)

M. Christian Bilhac .  - (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE) La deuxième vague frappe notre pays de plein fouet. Les indicateurs sont dans le rouge. Le nombre de personnes infectées dépasse celui de mars.

Le Gouvernement a donc décidé par un décret du 29 octobre de fermer tous les commerces « non essentiels », dont nombre de petits commerces, selon des critères bien flous. D'où une incompréhension doublée d'un sentiment d'injustice, alors que ces commerces ont pris toutes les mesures sanitaires nécessaires. On redoute un coup de grâce pour l'économie locale ; les mastodontes du commerce en ligne et de la grande distribution, eux, restent ouverts alors qu'il y a plus de promiscuité dans un hypermarché que dans une petite librairie.

Dans la commune de Péret, 1 000 habitants, dont j'ai longtemps été maire, le seul salon de coiffure peut recevoir un seul client à la fois, en appliquant des règles sanitaires strictes. L'Association des maires de France demande un réexamen de ces mesures.

Pour calmer la grogne, vous avez annoncé un fonds de 100 millions d'euros pour accompagner la digitalisation, et mettre en place un service de « clic et collecte ».

Avec mon groupe, le RDSE, nous vous demandons d'autoriser l'ouverture des petits commerces de proximité par dérogation accordée par le préfet, à la demande des maires, ce qui remettra au coeur du dispositif le couple maire-préfet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)

M. Cédric O, secrétaire d'État .  - (« Ah ! » « Oh ! » à droite) La Constitution dont nous nous réclamons tous dispose que n'importe quel ministre du Gouvernement...

Voix à droite. - C'est vous ! (Sourires sur les mêmes travées)

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - ...est habilité à représenter tout le Gouvernement et à répondre à sa place...

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Très bien !

(On proteste, sur quelques travées des groupes SER et Les Républicains, en appelant d'autres ministres ou le Premier ministre à prendre la parole.)

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Soulignons l'engagement exceptionnel de ce Gouvernement pour soutenir les petits commerces. (On le conteste vigoureusement à droite.) Un commerce qui a fait moins de 10 000 euros de chiffre d'affaires en novembre 2019 verra celui-ci intégralement compensé. (Nouvelles marques de protestation sur les mêmes travées)

M. François Patriat.  - Très bien !

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - En outre, le « clic et collecte » n'est pas décompté, donc il peut même réaliser un chiffre d'affaires supérieur en novembre 2020 à ce qu'il était en 2019 (On en doute à droite.)....Cela conduit d'ailleurs certains petits commerces à préférer la fermeture à une réouverture trop contrainte par les règles sanitaires, qui imposeraient par exemple un seul client à la fois par salon de coiffure...

MM. Jean-Raymond Hugonet et Rémy Pointereau.  - Allons ! C'est faux !

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - C'est un engagement très fort de l'État pour le fonds de solidarité : 15 milliards d'euros par mois, plus les cotisations sociales, les prêts garantis prolongés jusqu'au 30 juin 2021... (Interruptions à droite) la situation est compliquée, mais l'État est aux côtés des petits commerces. (Bravos et applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Très bien !

Confinement et commerce (III)

M. Daniel Salmon .  - Le confinement est devenu indispensable pour la sécurité sanitaire, mais les petits commerces vivent une inégalité de traitement dramatique et insoutenable avec les géants du numérique en ligne et les grandes et moyennes surfaces. Les commerçants ferment, tandis qu'Amazon ouvre des entrepôts partout sur le territoire : ce modèle économique n'est pas durable, détruisant des dizaines de milliers d'emplois, dévitalisant nos centres-villes, bétonnant les terres agricoles, avec un bilan carbone catastrophique.

J'en appelle à la responsabilité de tous et notamment des collègues de droite, qui pleurent la disparition du petit commerce mais en parallèle autorisent l'implantation des grandes surfaces ou de vingt nouveaux entrepôts d'Amazon (Exclamations à droite)

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Très bien !

M. Daniel Salmon.  - ... un peu partout en France, comme à Belin-Béliet, en Gironde où le géant chinois Alibaba va implanter un centre logistique de 71 000 mètres carrés, en plein parc naturel régional. Et je pourrais évoquer les conditions sanitaires des salariés de la vente en ligne !

Pour un modèle économique juste et résilient, à quand un gel de l'implantation des entreprises de vente en ligne, comme le demande la Convention citoyenne, un moratoire sur leur ouverture, et une contribution exceptionnelle d'Amazon et des grandes surfaces en faveur des commerçants et artisans obligés de fermer ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST)

M. Cédric O, secrétaire d'État .  - Votre question me permet de remettre en perspective ce que représente Amazon. Oui, il faut accompagner les petits commerces, mais la psychose française sur Amazon n'a aucun sens. En effet, le e-commerce, c'est 10 % du commerce en France ; Amazon, c'est 20 % du e-commerce. Il n'y a pas un pays européen où Amazon est plus bas qu'en France. Si les Français augmentaient leurs achats de e-commerce à 60 %, cela viendrait dans les poches d'entrepreneurs et de salariés français, comme C-discount chez la sénatrice Harribey, avec 2000 emplois ! (Interruptions sur les travées du groupe SER ; M. Jean-Claude Tissot proteste.)

Avec le confinement, le clic et collecte, ce sont plus d'emplois en France, plus d'entrepôts en France, et plus de salariés en France ! (Nouvelles protestations sur les travées du groupe SER ; M. Fabien Gay proteste également.)

MM. Éric Bocquet et M. Pascal Savoldelli.  - Et moins d'impôts en France !

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - La Banque des territoires donne des fonds à chaque mairie pour numériser davantage les petits commerces locaux. Quelque 72 % des petits commerces allemands sont numérisés, contre 30 % en France. Il faut doubler le nombre de TPE-PME numérisées, comme en Italie ! En outre, 60 % de l'e-commerce est capté par des entreprises françaises. Numérisons le petit commerce dans la durée, sinon il connaîtra des difficultés ! (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI)

Confinement et commerce (IV)

M. Pierre-Jean Verzelen .  - Il n'y a pas d'élus responsables et d'élus irresponsables. Gouverner, en ce moment, n'est pas évident ; la santé publique, la santé des Français doit être au-dessus de tout.

Le reconfinement est partiel : écoles, collèges, lycées, certains commerces, les grands groupes, les GAFA continuent à fonctionner ; d'autres ferment, d'où des incompréhensions, légitimes.

Mon conseil : sortez de cette notion de produits de première nécessité, car tous pourront peu ou prou faire valoir des arguments ; conservez comme seule boussole la sécurité sanitaire ! Certains commerces pourront ainsi rester ouverts, d'autres fonctionner à la marge, d'autres encore livrer. Soyez au rendez-vous pour apporter aux commerçants et indépendants la visibilité, le soutien, la confiance et l'accompagnement que nous leur devons ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

M. Jean Castex, Premier ministre .  - (Marques de satisfaction et applaudissements sur plusieurs travées des groupes INDEP, RDSE, Les Républicains ; exclamations sur les travées du groupe SER) J'ai souhaité intervenir pour bien préciser à nouveau la stratégie du Gouvernement. Mesdames et messieurs les sénateurs, écoutons-nous ! Hier soir, avec M. Véran, (Exclamations à droite) je me suis rendu à l'hôpital du Sud Francilien. Ce que j'ai vu et entendu des soignants témoigne d'une situation sanitaire grave, dont la prise en compte est le préalable à toute décision et tout débat. Hier, plus de 430 personnes sont mortes en France de la covid-19. Toutes les tranches d'âge sont touchées : j'ai vu hier deux personnes de 27 ans et de 33 ans en état très grave ! Personne n'est à l'abri. Dans tous les pays, en navigation à vue, des mesures de freinage très lourdes, des reconfinements sont décidés.

La deuxième vague est là, elle est arrivée beaucoup plus vite et fort qu'on ne le pensait. (Murmures à droite)

D'où la décision d'un reconfinement, pour faire en sorte que chacun reste chez soi le plus possible, pour éviter les flux et interactions propices à la propagation de l'épidémie.

Oui, il s'agit d'un confinement adapté. (Exclamations à droite) Lors du premier confinement, on pouvait déjà aller travailler, prendre les transports en commun, mais nous avions fermé les établissements scolaires avec des conséquences très préjudiciables pour les enfants, démontrées par des études scientifiques. Nous avons écouté la Société française de pédiatrie qui nous a demandé de ne pas reconfiner les enfants.

Troisième dérogation : sortir pour se procurer des produits de première nécessité, pour manger. Il y avait déjà inégalité lors du premier confinement : les grandes surfaces restaient ouvertes et elles pouvaient vendre tout produit. Alors, c'est un crève-coeur pour les petits commerces !

Doit-on agir pour accompagner et indemniser ceux qui doivent fermer ? Évidemment, oui !

Y a-t-il un seul pays européen qui soutient mieux son économie ? (« Non ! » sur les travées du groupe RDPI) Ce matin, le Conseil des ministres a adopté le projet de loi de finances rectificative 4 qui comprendra toutes ces mesures de soutien et j'espère que vous le voterez. Nous recevons tous les commerces, nous préparons avec eux l'échéance du 12 novembre, mais cet engagement ne pourra être tenu que si la situation sanitaire s'améliore. Ce n'est pas une décision contre les commerces, mais pour la santé des Français. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE et INDEP)

Lutte contre le terrorisme

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) « Dites à mes enfants que je les aime » : ce sont les derniers mots de Simone, assassinée avec Nadine et Vincent, en la basilique Notre-Dame de Nice, par un immigré tunisien islamiste radical.

La France doit déclarer la guerre à l'islamisme politique qui veut détruire nos valeurs, nos libertés, notre civilisation. S'en donne-t-elle les moyens ?

L'immigration n'est pas la cause première du terrorisme mais les trois derniers attentats montrent qu'elle en est une des conditions. Il est temps de stopper le désordre migratoire !

M. Philippe Pemezec.  - Oui !

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Chaque année, 300 000 personnes sont venues de pays musulmans, s'installent légalement en France, auxquelles s'ajoutent 150 000 demandeurs d'asile.

M. Roger Karoutchi.  - Oui.

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Êtes-vous prêts à revoir les conditions d'obtention du droit d'asile, à réduire le regroupement familial que votre Gouvernement a étendu aux mineurs étrangers isolés...

M. Philippe Pemezec.  - Très bien !

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - ... et à remettre à plat le droit des étrangers pour avoir vraiment les moyens d'expulser ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ainsi que sur quelques travées du groupe UC)

M. Jean Castex, Premier ministre .  - Je choisis de vous répondre...

M. David Assouline.  - Vous ne répondez qu'à la droite !

M. Jean Castex, Premier ministre.  - ... compte tenu de la gravité du sujet de et de votre terre d'élection où je me rends ce samedi.

J'ai d'abord, comme vous tous, une pensée pour les trois victimes odieusement, lâchement, assassinées à Nice, qui font hélas suite à de trop nombreuses victimes.

C'est l'ennemi qui nous a déclaré la guerre, je me permets de rectifier. Il faut clairement l'identifier, car c'est la première condition pour gagner et nous gagnerons cette guerre : ce ne sont pas tous les étrangers ni tous les musulmans, mais les tenants de l'islamisme radical qui ont des relais en France, y compris parmi les citoyens français. Nous devons les traquer.

Il faut modifier la loi, dit-on. Je ne ferai pas l'injure au Sénat de lister toutes les lois votées en la matière ; par toutes les majorités. Il faut appliquer effectivement les lois existantes et c'est ce que nous faisons.

Bien sûr le corpus législatif mérite d'être adapté. Ce doit être le cas par exemple pour le suivi des réseaux sociaux dont se servent les ennemis de la République ; pour renforcer les moyens de renseignement aussi. Bien avant l'odieux attentat de Conflans-Sainte-Honorine, le Président de la République avait annoncé un projet de loi très ambitieux pour renforcer nos outils de lutte...

M. Philippe Pemezec.  - Des actes !

M. Jean Castex, Premier ministre.  - Encore aujourd'hui, nous avons dissous une association, comme tous les mercredis...

M. Philippe Pemezec.  - Très bien !

M. Jean Castex, Premier ministre.  - Nous débusquerons ces lâches, qui se cachent derrière de fausses associations introduites dans des mosquées, où sévissent des imams radicaux qui ne prêchent pas la religion, mais la haine. Un par un, nous les traquerons ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Vous ne m'avez pas répondu sur l'immigration massive qui fragilise notre pays. Il faut la réguler. Nous voulons tous défendre la France et c'est aussi comme cela que nous relèverons le défi de l'intégration et referons communauté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Confinement et commerce (V)

Mme Françoise Férat .  - Encore une question sur la fermeture des petits commerces. Les mesures sanitaires sont primordiales, mais la fermeture des petits commerces est difficilement compréhensible. Beaucoup sont à bout de souffle malgré les aides et ne survivront pas. Vous creusez la dette et c'est un drame humain. Quelque 13 millions de Français ne sont pas connectés à internet ; le clic et collecte n'est en aucun cas un substitut. Aucun cluster n'a été relevé dans les librairies, les auto-écoles, chez les coiffeurs, d'autant que les commerçants ont investi pour la sécurité sanitaire et se sont adaptés aux gestes barrières. Nous assistons aujourd'hui à un débat absurde sur les produits essentiels. La pâte à tartiner est essentielle, mais pas les livres ! À côté, les sites de vente en ligne sont ouverts 24 heures sur 24. Vous enrichissez les GAFA, pendant que meurent les commerces de centre-ville !

Lors de l'examen des projets de loi instaurant l'état d'urgence sanitaire, le Sénat avait voté à l'unanimité la possibilité pour le préfet d'autoriser l'ouverture des commerces de détail - via la limitation du nombre de clients, la prise de rendez-vous... Et si vous faisiez confiance aux territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Cédric O, secrétaire d'État .  - (« Oh ! » à droite) Je me concentrerai sur les mesures d'aide, encore insuffisamment connues, ayant déjà répondu sur les autres points. Grâce au fonds de solidarité, toutes les entreprises de moins de 50 salariés ayant fermé administrativement bénéficieront d'une aide mensuelle allant jusqu'à 10 000 euros ; de même que les entreprises de moins de 50 salariés des secteurs de l'hôtellerie-restauration ou de l'événementiel ayant subi une baisse de leur chiffre d'affaires de plus de 50 %. D'autres pourront recevoir jusqu'à 1 500 euros. Je le répète, le clic et collecte ne rentre pas dans le calcul du chiffre d'affaires.

Les exonérations de cotisations sociales s'appliquent pour toutes les entreprises ayant fermé et celles de certains secteurs ayant subi une perte de chiffre d'affaires de plus de 50 %. Le prêt garanti par l'État peut être contracté jusqu'au 30 juin 2021, au lieu du 31 décembre 2020 précédemment.

L'État pourra accorder des prêts directs si l'entreprise demeure sans solution de crédit. Un crédit d'impôt de 30 % est également accordé à tout bailleur renonçant à percevoir un mois de loyer pendant le confinement.

Confinement et commerce (VI)

M. Éric Bocquet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) La pandémie n'a pas les mêmes conséquences économiques pour les multinationales du numérique et les petits commerces de proximité. Prenons le cas du géant Amazon... (Exclamations) Les records de valorisation s'enchaînent à Wall Street. La valeur d'Amazon en Bourse a augmenté de 73,6 % depuis le 1er janvier 2020 pour atteindre 1 650 milliards de dollars, soit le PIB de la Russie, excusez du peu !

La fermeture des commerces de proximité va aggraver la concurrence déloyale.

Mais le scandale, c'est que les trois quarts des bénéfices d'Amazon ne sont pas imposés ; grâce à des montages fiscaux savants et illégaux accordés par nos amis du Luxembourg...

Les rentes d'Amazon ont augmenté de 26 % au premier trimestre. Nous proposons une taxe exceptionnelle sur les bénéfices d'Amazon pour aider les commerces touchés, notamment les librairies indépendantes.

Écoutons Victor Hugo : « La lumière est dans le livre ; ouvrez le livre tout grand ; laissez-le rayonner ; laissez-le faire ! » (Bravos et applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER)

M. Cédric O, secrétaire d'État .  - (Murmures) Nous nous rejoignons sur la nécessité d'une juste taxation des entreprises du numérique. La France est leader en Europe sur le sujet ; elle a été à l'initiative des discussions au sein de l'OCDE ; les négociations internationales n'ayant pas abouti, elle a introduit sa propre taxe sur les services numériques, qui sera bien recouvrée en 2020, je vous le confirme. L'Union européenne va se saisir de la question, prenant le relais de l'OCDE, afin de faire en sorte que ces entreprises paient la juste taxation qu'elles doivent à la solidarité nationale.

M. François Patriat.  - Très bien !

Sous-préfets à la relance

Mme Nicole Duranton .  - (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI) Le 13 octobre, vous annonciez, madame la ministre de la Transformation de l'État, avec le ministre de l'Intérieur, le recrutement de trente « sous-préfets à la relance » dans le cadre du plan de relance national.

Neuf sous-préfets iront prendre leur poste en région, dix-huit dans les départements, trois en outre-mer. Leur entrée en fonction débute en ce mois de novembre pour qu'ils soient opérationnels début janvier. Je salue cette initiative de pilotage des dispositifs créés par l'État. L'objectif est de faire remonter tous les blocages administratifs, les complications de procédures, rencontrés dans les territoires.

La politique de relance se divise en trois grands volets : 30 milliards d'euros pour la transition écologique, 34 milliards pour la compétitivité et la souveraineté économique et 36 milliards pour la cohésion sociale et territoriale, soit 100 milliards d'euros pour deux ans.

Il s'agit de reconstituer le tissu économique, de renforcer le rôle de l'État dans les territoires, d'accompagner les élus et acteurs. Loin d'une conception jacobine de l'État, ce dispositif place les collectivités territoriales au coeur de la relance. Il faut en effet réaffirmer le rôle de l'État, acteur de proximité.

Comment les départements ont-ils été choisis, selon quels indicateurs ? Quels seront les critères de réussite ? Où en est leur déploiement ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)

Mme Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques .  - Merci pour cette question (« Allô ! » à droite) Effectivement, il n'y a pas de relance sans simplification et tout doit partir du terrain, là où vivent les Français. Chaque jour, les sous-préfets rencontrent les acteurs locaux, élus, chefs d'entreprise. Le Premier ministre a souhaité qu'il y ait un chef de projet, un sous-préfet à la relance dans chaque territoire. À l'heure du second confinement, nous n'avons pas le droit à l'erreur et l'État a besoin de renforts.

Ces sous-préfets seront des interlocuteurs de confiance, partout dans le pays, là où les préfets de région et de département les ont demandés pour soutenir les territoires. Ces trente sous-préfets issus de l'appel - nous avons reçu deux cents candidatures de très bon niveau, de fonctionnaires de l'État, territoriaux mais aussi de salariés du secteur privé - s'ajouteront aux sous-préfets déjà en place qui seront affectés à la relance. Ils seront déployés et opérationnels en janvier. Aucun territoire ne sera oublié.

Notre priorité est que les milliards d'euros que vous votez deviennent réalité dans le dernier kilomètre, au plus près du terrain. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)

Gestion de la crise sanitaire (I)

Mme Catherine Deroche .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ma question s'adressait à Olivier Véran, sur les déprogrammations chirurgicales. Lors du premier confinement, le déclenchement du plan blanc national a occasionné des pertes de chance en raison de retards de diagnostic ou de non prise en charge - notamment cancers et maladies cardiovasculaires.

Quelle est la stratégie du ministère, qui décide du caractère non urgent des interventions ? Quelle est la place des équipes médicales dans les décisions ? Quel est le nombre de lits opérationnels dans les hôpitaux publics et privés ? Patients et médecins sont très inquiets. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles .  - Je vous prie d'excuser Olivier Véran, qui est devant la commission d'enquête sur la gestion de la crise du covid de l'Assemblée nationale. (Murmures sur diverses travées) Dès le 28 octobre, dans un courrier, Olivier Véran a défini cette stratégie pour laquelle vous me demandez des précisions. La déprogrammation de certains soins et notamment d'interventions chirurgicales non urgentes est un des leviers mobilisés pour la continuité de la prise en charge en réanimation, pour les patients covid et non covid.

Les premiers paliers de déprogrammation ont été enclenchés dans les territoires, de même que le plan blanc pour libérer des lits. Dans les régions en tension, toutes les activités chirurgicales doivent être déprogrammées.

Hospitalisation à domicile, sorties précoces et télésuivi doivent être privilégiés. L'analyse bénéfices-risques des déprogrammations est décidée collégialement. Patients du cancer, en attente de greffes, souffrant de maladies chroniques ou en santé mentale doivent être soignés dans les meilleures conditions possibles. Tels sont les principes qui guident les déprogrammations.

Mme Catherine Deroche.  - Vous avez présenté la stratégie mais pas la place des agences régionales de santé ni celle des équipes médicales. Les associations de patients sont inquiètes. Il y a eu un espoir après les retours d'expérience de la première vague.

Certes, l'épidémie repart - et je ne la minimise pas - mais beaucoup d'interventions pour les cancers, mais aussi des traitements de la fertilité ou des examens diagnostics, ne seront pas réalisés, avec des conséquences non négligeables (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Contrats courts et crise sanitaire

Mme Monique Lubin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Des milliers de Français vont être plongés dans la pauvreté dans les prochaines semaines. L'État fait des efforts mais il reste ceux que j'appelle les invisibles : extras, CDD d'usage, cuisiniers, guides conférenciers, maîtres d'hôtel, cuisiniers, serveurs, hôtesses, livreurs, agents d'entretien et de sécurité.

Il s'agit de près de 1,2 million de salariés, qui étaient déjà menacés par la réforme de l'assurance chômage. Celle - ci a vu son entrée en vigueur reportée mais certains saisonniers n'ont pas pu recharger leurs droits à chômage à cause du premier confinement. D'autres, ne pouvant pas travailler n'auront aucun droit à recharger.

Plus d'un million de personnes appelle au secours, mais personne ne les entend.

Allez-vous consentir à une année blanche, comme pour les intermittents du spectacle ? Allez-vous enfin renoncer à votre réforme de l'assurance chômage ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, chargé des retraites et de la santé au travail .  - Merci d'avoir reconnu l'engagement du Gouvernement dans la protection des plus vulnérables et des plus modestes de notre société face à la crise sanitaire actuelle.

Oui, la crise a un impact sur eux, en particulier dans les hôtels, cafés-restaurants et le commerce, où 25 % de nos jeunes trouvent un premier emploi.

Il y a 367 000 chômeurs de catégorie A de plus depuis le début de la crise, même si la reprise du troisième trimestre a permis d'en réduire un peu le nombre.

Quelques rappels cependant : le Gouvernement a engagé plus de 8 milliards d'euros pour lutter contre la pauvreté, et plus d'1,8 milliard d'euros supplémentaires le 24 octobre pour de nouvelles mesures.

Concernant la réforme de l'assurance chômage, une concertation, menée par la ministre du travail, est en cours et elle porte notamment sur la couverture de ces salariés, à la situation desquels le Gouvernement est très attentif.

Mme Monique Lubin.  - Personne ne s'intéresse à ceux que j'ai nommés. Nous attendons une réponse concrète et non globale. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Gestion de la crise sanitaire (II)

M. Laurent Duplomb .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) « Quoi qu'il en coûte », vous avez basé la stratégie de cette crise sur le seul critère : éviter la saturation des hôpitaux.

En mars 2020, nous avions 5 000 lits de réanimation dits standards - 7 800 au plus fort de la première vague. Mais votre seul paramètre de gestion de cette épidémie reste l'engorgement des hôpitaux. Pourquoi les enseignements de la première vague ne vous ont-ils pas servi ? Pourquoi pas plus de lits de réanimation ouverts depuis le premier confinement ?

Cet été, le ministre de la Santé, entendu par le Sénat, annonçait 12 000 lits opérationnels en cas de deuxième vague. Quelle n'a pas été ma surprise, et sûrement celle des Français, de vous entendre annoncer, il y a quelques jours, une augmentation, mais à seulement 5 800 lits ! Mais monsieur le Premier ministre, où sont les 6 200 lits manquants pour arriver aux 12 000 lits ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles .  - Votre question est l'occasion de clarifier certains points que vous ignorez, ou feignez d'ignorer, et de faire le point sur la situation des services de réanimation dont je salue l'engagement.

Hier, 3 878 de nos citoyens, patients Covid, étaient pris en charge en réanimation, soit 76,5 % de nos capacités initiales de 5 100 lits. C'est au même niveau que la dernière semaine de mars.

Nous travaillons sur la déprogrammation, comme nous l'avons évoqué à l'occasion de la question de Mme Deroche, mais aussi à la mobilisation d'autres lits. Dès l'été, nous avons passé le nombre de lits à 5 800. La semaine dernière, nous en étions à 6 400 et en fin de semaine, nous en serons à 7 700. Le prochain palier sera à 10 500 lits. Nous procéderons aussi à des transferts à d'autres régions ou dans d'autres pays, même si ce sera difficile.

Le matériel ne suffit pas. Il faut aussi des hommes (On le confirme de façon ironique sur les travées du groupe Les Républicains.) : nous avons formé 7 000 professionnels supplémentaires, dont je salue l'engagement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)

M. Laurent Duplomb.  - La vérité, c'est que vous avez échoué, en vous réfugiant derrière une administration engluée dans ses certitudes technocratiques. Où sont les 10 000 respirateurs commandés dont la moitié est inopérante ? Où sont les 7 000 soignants en plus annoncés ? Pourquoi n'avoir pas travaillé sur le lien entre hôpital public et clinique privée ?

Si vous aviez mieux géré l'après première vague, nous aurions évité un deuxième confinement, voire un troisième ou un quatrième ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Menace sur Action Logement

Mme Valérie Létard .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Notre pays vit des heures graves : attentats, pandémie, crise économique et sociale. La pauvreté monte et de plus en plus de Français basculent dans la précarité. Après la perte du travail, c'est la perte du logement qui inquiète. Nos compatriotes ont besoin d'être rassurés et protégés.

Le 1 % logement, devenu Action Logement, fait partie de l'héritage de la Résistance et de l'après-guerre : garantir et sanctuariser chaque année des moyens financiers pour le logement, gérer de façon paritaire ces crédits, mener des actions complémentaires à celles de l'État dans un esprit de responsabilité sociale.

Ce modèle n'est pas celui du passé, mais un modèle d'union nationale, pour aujourd'hui.

Quelles sont les intentions du Gouvernement pour le logement et en particulier à l'égard d'Action Logement, pilier de notre modèle social ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité .  - Action Logement est un acteur essentiel, principal financeur de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), contributeur de 40 % de la production annuelle de logements sociaux. Le partenariat État-Action Logement est essentiel, comme l'a montré la récente extension de l'aide aux impayés de loyers pour les salariés modestes. Le Gouvernement ne veut pas déstabiliser cet organisme. Pour autant, il faut en moderniser le fonctionnement et la gouvernance - sans revenir sur sa gestion paritaire. La réforme de 2016 n'a pas été menée à son terme. Il faut clarifier les rôles entre Action Logement et l'État.

La concertation a débuté ; les partenaires sociaux seront reçus demain par Élisabeth Borne, Emmanuelle Wargon et Olivier Dussopt. Elle devrait aboutir au printemps 2021. Il s'agit de définir une trajectoire quinquennale ambitieuse. Si la trésorerie d'Action Logement est structurellement bénéficiaire, c'est l'utilisation optimale de la participation de l'employeur à l'effort de construction qui est recherchée afin qu'elle bénéficie à la politique du logement.

Le Gouvernement déposera un amendement au projet de loi de finances dans les prochains jours pour assurer la pérennité d'Action Logement. (Mme Patricia Schillinger applaudit.)

Mme Valérie Létard.  - Action Logement est le quasi-unique financeur du logement en France. Il ne s'agit pas d'une petite affaire !

Il est l'heure de la relance, du bâtiment de la construction, de la rénovation. Il est l'heure d'être au rendez-vous de la mobilité des salariés, d'être là pour accompagner les impayés de loyers qui pourraient menacer plus d'un million de Français !

Il faut permettre à Action Logement d'être efficace plutôt que de prévoir une nouvelle réforme qui va gripper la machine ! Nous comptons sur vous, monsieur le Premier ministre, pour ne pas passer en force mais pour privilégier une coopération entre les acteurs du logement, les élus locaux, le Parlement et l'État. Il faut gagner ce combat plutôt que de tenter de récupérer de l'argent pour le verser dans le pot commun ! (« Bravo ! » et applaudissements nourris sur toutes les travées)

Confinement et commerce (VII)

M. Vincent Segouin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette question n'est pas la mienne : elle est celle de centaines d'élus locaux, indépendants et commerçants que j'ai eus au téléphone ces derniers jours. Tous sont dans une situation désespérée, comme ce restaurateur de 62 ans qui a dû réinjecter l'épargne de toute une vie dans son entreprise et n'a plus rien ; son entreprise sera en liquidation car il ne pourra rembourser ses engagements. Il a dû être interné par le maire de sa commune à la suite d'une grande détresse psychologique.

On ne peut opposer les morts du covid aux morts économiques. Vous imposez ce confinement à des commerçants qui n'ont fait que respecter les mesures sanitaires ; aucune preuve n'a été faite que des clusters se forment dans ces commerces. Qu'allez-vous faire pour que nos entreprises reprennent leur activité au plus vite ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Cédric O, secrétaire d'État .  - J'ai détaillé les aides mises à disposition par le Gouvernement tout à l'heure. Il y a bien un primat, assumé, du sanitaire même si nous devons continuer à produire et à vivre.

Les décisions prises conduisent à de terribles effets de périmètres pour ceux qui, par exemple, vendent de la nourriture et de l'habillement. D'où la fermeture de certains rayons des grandes surfaces.

Faut-il rouvrir par capillarité et par le bas, ce qui aura pour conséquence d'augmenter le nombre de personnes dans les commerces et dans les rues ? La réalité sanitaire doit être prise en compte : un Français est contaminé toutes les deux secondes et un autre meurt toutes les quatre minutes. Il faut trouver un équilibre entre la réalité sanitaire et le soutien au petit commerce ; nous sommes sur une ligne de crête.

M. Vincent Segouin.  - Vos mesures ne sont ni à la hauteur des attentes, ni de la situation. Vous promettez 10 000 euros par entreprise, mais peu percevront réellement cette somme. Vous ne faites que reporter les charges sociales alors qu'il faudrait une exonération totale. Quant à la dette que vous créez, c'est de l'impôt au carré, comme le disait le Président de la République.

Plus je vous écoute, plus je suis désespéré par votre manque de cohérence. On laisse ouvertes les grandes surfaces et on ferme les petits commerces, on ferme les restaurants mais on autorise les restaurants d'entreprises à fonctionner, on laisse entrer des étrangers sans contrôle et en même temps on enferme les Français chez eux ! Les Français demandent de l'écoute et de la concertation. Vous n'avez plus la confiance du Sénat, ni des maires sur le terrain ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains tandis qu'on s'exclame sur les bancs du groupe RDPI.)

Situation dans le Caucase

M. Rémi Féraud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Alors que le terrorisme djihadiste frappe à nouveau notre pays et l'Europe, le président Erdogan multiplie les menaces contre la France, comme il l'a fait pour l'Autriche. Sa politique impérialiste se déploie sur de nombreux fronts - Méditerranée, Libye, Syrie, Irak, Caucase, et notamment dans le Haut-Karabakh où il soutient l'offensive de l'Azerbaïdjan. Nous soutenons la position de fermeté du Président de la République, non contre le peuple turc, mais contre un pouvoir autoritaire qui menace la stabilité de la région et la sécurité de l'Europe, alors même qu'il est membre de l'OTAN.

Les actes doivent être à la hauteur des paroles. La France va-t-elle demander des sanctions financières ? La Turquie perçoit-elle encore des aides de pré-adhésion alors que son adhésion à l'Union européenne est au point mort ? Le boycott des produits français se fait en violation de l'union douanière entre l'Europe et la Turquie. Êtes-vous prêt à demander sa suspension ?

Allez-vous saisir le Conseil de sécurité des Nations Unies sur les exactions de la Turquie contre les Kurdes de Syrie ? La France ne vend-elle plus de matériel militaire à la Turquie ?

Après la nécessaire dissolution des Loups gris, allez-vous agir contre l'influence turque sur notre territoire national ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Vos questions sont légitimes et pertinentes. Avec Ankara, la liste de nos désaccords est longue. Nous attendons que la Turquie fasse cesser sa politique agressive en Libye, au Haut-Karabakh et ses ingérences en Méditerranée orientale qui sont autant de ferments de déstabilisation.

Ces dernières semaines, un palier inadmissible a été franchi entre pays alliés. Insultes, calomnies, campagne de haine : la Turquie est passée aux menaces. Nous attendons que le président turc mette un terme immédiat à ces comportements.

Les réactions unanimes en Europe à la dissolution des Loups gris montrent que ce n'est pas une affaire franco-turque, mais une attaque contre nos valeurs européennes et l'État de droit.

Rendez-vous a été pris au Conseil européen d'octobre : si la Turquie ne modifie pas sa posture avant le conseil de décembre, nous prendrons les mesures nécessaires. Vous m'avez soumis une liste de mesures. Toutes les options sont sur la table. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)

M. Rémi Féraud.  - Nous avions alerté au moment de l'invasion dans le nord de la Syrie : nous craignions de nous montrer faibles face aux entreprises du président Erdogan. Nous serons vigilants sur la fermeté dans les mots et dans les actes de votre Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe RDPI)

Souveraineté de l'industrie de défense

M. Pascal Allizard .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les désordres géopolitiques mondiaux et la crise sanitaire ont remis d'actualité la notion de souveraineté, nationale voire européenne. Les industries de défense française continuent de produire dans notre pays, vivier de compétences et d'emplois dans les territoires et fer de lance de l'innovation. Cette excellence permet à nos armées de disposer de la meilleure technologie pour conserver la supériorité sur le terrain. Ces entreprises contribuent à notre commerce extérieur et nous permettent de rivaliser à l'export avec les pays à bas coûts.

Cependant, le confinement va laisser des traces. Les entreprises françaises de technologie suscitent des convoitises et certaines d'entre elles sont passées sous contrôle étranger.

L'entreprise Photonis, qui dispose d'une technologie de pointe sur la vision nocturne, malgré l'intervention de l'État, devrait être rachetée par un groupe américain.

Comment comptez-vous mieux protéger ces entreprises tout en leur permettant de financer leur développement ? Le Gouvernement fera-t-il aboutir une solution de rachat français pour Photonis ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Cédric O, secrétaire d'État .  - Teledyne veut racheter Photonis et a soumis une demande d'autorisation au titre des contrôles d'investissements étrangers en France. Photonis fournit l'industrie de la défense française et dispose de technologies de pointe sur la vision nocturne.

Dans le cadre de la procédure de contrôle des investissements étrangers en France, le Gouvernement a posé certaines conditions à cet éventuel investissement. Il faut protéger nos entreprises stratégiques et nos technologies, mais il faut aussi aider ces entreprises à assurer leur développement pour rester en pointe sur leur secteur. À la suite de nos échanges avec cette entreprise, Teledyne a décidé de retirer son offre de rachat.

Si Teledyne présentait une nouvelle offre, l'État l'examinerait à la lumière de ces mêmes conditions.

M. Pascal Allizard.  - Malgré ces éléments, Photonis sera racheté par ce groupe américain qui, en outre, a joué des exigences françaises pour revoir son prix d'acquisition à la baisse. C'est en tout cas la communication tonique de Teledyne.

Plus que de la communication, ou du coup par coup, nous attendons des actes forts pour notre souveraineté. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Collectes de sang insuffisantes

Mme Élisabeth Doineau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je partage cette question avec mon collègue Claude Kern. Le risque de pénurie de sang est lié aux difficultés de collecte et au manque de personnel de l'Établissement français du sang (EFS). Nous avons besoin de 10 000 dons par jour pour satisfaire aux soins d'un million de malades chaque année. Or, la crise sanitaire ralentit la collecte : moins d'étudiants, parmi les plus généreux, moins de salariés dans les entreprises. Les professionnels de l'EFS sont eux aussi touchés par le virus. Enfin, les déprogrammations puis les reprogrammations d'opérations augmentent les besoins.

L'EFS a lancé une alerte. Pourquoi avoir exclu du Ségur les professionnels de l'EFS, soit 1 000 médecins, 1 500 à 2 000 infirmiers et techniciens ? Eux aussi sont au front, plus encore depuis la crise sanitaire. Allez-vous revaloriser leurs statuts et leurs salaires ? Comment allez-vous satisfaire les besoins en poches de sang ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles .  - Les opérations indispensables comme celles nécessitant des transfusions sanguines doivent avoir lieu. Le reconfinement a suscité des inquiétudes sur le volume de dons, dont 80 % proviennent de la collecte mobile dans les campus universitaires ou dans les entreprises.

Depuis mars, les collectes ont baissé. Pour compenser ces difficultés, l'EFS a élargi ses plages horaires, mais fin septembre, nous sommes tombés à un minimum de stock que nous n'avions plus connu depuis dix ans. L'appel aux dons a été fortement relayé.

Au 3 novembre, il y a 113 000 unités de concentrés de globules rouges, soit un stock de 18 jours ; les besoins sont en recul de 11 % ; les stocks de plaquettes sont à un niveau satisfaisant.

Je conclus par un appel aux sénateurs et aux Français : prendre une heure pour donner son sang, c'est sauver trois vies.

M. le président.  - Nous nous associons à cet appel. La prochaine séance de questions d'actualité au Gouvernement aura lieu jeudi 12 novembre 2020 à 15 heures.

La séance est suspendue à 16 h 20.

présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 30.