SÉANCE

du mardi 8 décembre 2020

42e séance de la session ordinaire 2020-2021

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Daniel Gremillet, M. Joël Guerriau.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Projet de loi de finances pour 2021 (Suite)

M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, adopté par l'Assemblée nationale.

Explications de vote

Mme Christine Lavarde . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Comment résumer près de 2 800 amendements et des dizaines d'heures de débat en sept minutes ? Une maxime a retenu l'attention de notre groupe : ce projet de loi de finances (PLF) déshabille Pierre pour habiller Paul, ou l'inverse, mais à la fin tous les deux ont froid... (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains)

Je l'avais indiqué en ouverture de nos débats : le partage des crédits, parfois pour des actions identiques, entre le plan de relance et les missions budgétaires classiques crée du trouble et une absence de lisibilité. Cela a pu donner lieu à des votes déstabilisant l'équilibre budgétaire. À défaut de les cautionner, reconnaissons qu'ils mettent en exergue des difficultés réelles ou ressenties.

Je retiendrai trois grandes lignes qui constituent ce qu'aurait pu être notre plan de relance. D'abord, avec Philippe Dallier, Dominique Estrosi-Sassone et Marc-Philippe Daubresse, nous avons travaillé à une politique du logement plus efficiente, considérant que quand le bâtiment va, tout va : prolongation du prêt à taux zéro (PTZ) jusqu'en 2024, recentrage du Pinel sur les logements collectifs, taux réduit de TVA pour les immeubles destinés à un bail réel solidaire (BRS), soutien à la rénovation thermique, qui risque d'avoir du mal à trouver son public.

Nous avons aussi choisi de préserver les capacités financières des collectivités territoriales compte tenu de leur rôle éminent dans la gestion de la pandémie, le soutien aux plus démunies et, demain, dans la relance avec la contemporanéité du fonds de compensation de la TVA (FCTVA), la compensation des pertes de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) aux départements et aux EPCI et la reconduction du mécanisme de compensation des pertes de recettes du bloc communal.

Enfin, nous avons conforté les fonds propres des entreprises par des dispositifs de mobilisation de l'épargne privée : ouverture du PEA-PME, création d'un IFI-PME, augmentation du taux majoré de réduction d'impôt sur le revenu pour la souscription au capital d'une PME notamment.

Le Sénat a rejeté les crédits de certaines missions afin de ne pas donner de blanc-seing au Gouvernement. Ce fut le cas du compte d'affectation spéciale (CAS) « Participations financières de l'État », faute d'informations précises sur la recapitalisation de la SNCF et sur la participation - qui selon la presse pourrait doubler - de l'État au capital d'Air France. Même à l'ère du « quoi qu'il en coûte », une telle décision mériterait un échange avec le Parlement... Le Sénat a également rejeté le budget de l'agriculture qui n'apporte pas de réponse satisfaisante à la perte de compétitivité, et celui de la mission « Immigration, asile et intégration » qui renonce à contrôler l'immigration en amont et se contente de la rendre plus acceptable. L'aide médicale d'État (AME) atteint désormais 1 milliard d'euros : il est temps de recentrer le dispositif sur un panier de soins et sur la prévention.

Le Sénat s'est également opposé à la remise en cause de la parole de l'État sur la compensation de la suppression de la taxe d'habitation ou à l'endroit des exploitants d'installations photovoltaïques. Nous n'avons pas besoin de renforcer le climat de défiance.

Nous regrettons l'absence de plusieurs ministres qui ne sont pas venus défendre leur budget. (M. Roger Karoutchi approuve.) Ce n'est pourtant qu'une fois dans l'année et dans le cadre d'un calendrier concerté... (Mme Joëlle Garriaud-Maylam approuve.) Une ministre a reconnu qu'on apprenait des choses en venant ici : ce n'est pas du temps perdu ! (M. Roger Karoutchi opine du chef.) Il s'agissait en outre de sujets majeurs : la santé, l'écologie, l'intérieur, l'économie, la relance. Lorsque les ministres titulaires se sont déplacés, les échanges ont été nourris ; je pense à nos débats avec MM. Blanquer et Denormandie.

Je remercie, en revanche, Olivier Dussopt pour ses réponses précises et courtoises. Je félicite notre nouveau rapporteur général, Jean-François Husson, qui s'est très bien sorti de son premier PLF.

Le groupe Les Républicains votera ce PLF modifié qui répond au mieux à la crise dans le cadre contraint de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Nous défendons une écologie positive et restons inquiets de la gestion de la dette : il faut y associer le Parlement pour que ce sujet ne relève pas que d'un comité Théodule. Sur un enjeu de société, évitez de donner le sentiment d'un gouvernement d'experts ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Mme Vanina Paoli-Gagin . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Ce PLF ressemble au visage de Janus : on y voit le passé et l'avenir. Du passé relèvent le poids de la crise, la dégradation des comptes publics, les stigmates budgétaires du « quoi qu'il en coûte ». L'avenir est l'impérieuse nécessité de renouer avec une croissance fondée sur la transition écologique, de développer l'innovation scientifique, la réindustrialisation des territoires.

Le budget est placé sous le signe de la relance. Alors que nous doutons de nos choix de société dans un monde qui se bipolarise, nous devons être à la hauteur du besoin de protection qu'expriment les Français. La colère sociale monte et l'ambition de la réponse politique ne se mesure pas seulement à l'aune des deniers publics consacrés à la relance. La dette obère l'avenir des jeunes générations, déjà obscurci par la pandémie : notre taux d'endettement a bondi de vingt points en un an et les dépenses publiques représentent désormais les deux tiers de la richesse nationale.

Ce PLF nous engage-t-il sur de bons rails ? Alors que l'État a choisi de financer la crise par la dette plutôt que par l'impôt, la charge de la dette continue de baisser grâce à la politique de taux bas de la Banque centrale européenne (BCE). Ce contexte macroéconomique pourrait inciter à l'endettement, mais l'économiste Pierre Cahuc nous alerte : le miracle de l'argent gratuit pourrait bientôt cesser avec une augmentation des taux qui se précise. Nous devons changer de logiciel.

Du fait des mesures d'urgence et du confinement, les Français ont épargné 90 milliards d'euros de plus entre les mois de janvier et d'octobre. Le livret A a cumulé 25 milliards d'euros supplémentaires sur la même période - deux fois plus qu'en 2019 - et atteint un niveau historique. Cette épargne privée doit être mobilisée pour consolider nos dépenses publiques et soutenir la relance par la consommation et l'investissement dans des secteurs d'avenir. Les Français doivent être les acteurs, mais aussi les actionnaires de la transition écologique. Le PLF prévoit plusieurs dispositions intéressantes pour mobiliser cette épargne : la garantie de l'État pour l'investissement dans les PME et la bonification prorogation de l'IR-PME. Le plan de relance consacre, en outre, 2 milliards d'euros à la filière hydrogène.

Nous avons aussi voté des budgets déterminants pour la relance : les missions « Relance », « Écologie » pour le développement des mobilités et la rénovation thermique des bâtiments, « Travail et Emploi » pour le soutien aux plus précaires, « Recherche et Enseignement supérieur », que j'ai eu l'honneur de rapporter avec Jean-François Rapin, pour offrir une ossature budgétaire à la loi de programmation.

Ce PLF concrétise notre engagement en faveur d'une croissance plus durable. Le retour à la croissance est le seul moyen de retrouver la maîtrise de notre destin et de réinventer notre souveraineté, dans un monde ne sortira pas plus stable de la crise sanitaire. Alors que le risque d'un décrochage européen n'a jamais été si grand, nous avons besoin d'un État protecteur, en pointe sur le régalien.

La réussite de la relance dépendra moins des crédits qui y seront consacrés que de notre capacité à obtenir des résultats dans les territoires. Le Sénat doit y jouer un rôle clé. Je regrette toutefois que nous ayons rejeté les crédits des missions « Immigration, asile et intégration » et « Agriculture » et du CAS « Participations de l'État », essentiels à la croissance. Le groupe Les Indépendants votera le PLF. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Jean-François Husson, rapporteur général, applaudit également.)

Mme Sophie Taillé-Polian . - (Applaudissements sur les travées du GEST) À l'issue d'un examen budgétaire particulièrement dense, notre analyse n'a pas changé. Malgré nos propositions en faveur d'une plus grande justice sociale et fiscale, nous n'avons pu vous convaincre de changer de politique...

La crise nécessitait pourtant une refondation. Le poids des mesures d'urgence pèse sur la dette et, à terme, sur les dépenses sociales. Elles risquent de servir de prétexte à ceux qui voudront mener des réformes structurelles - l'autre nom des politiques antisociales - et des politiques d'austérité.

Nous rejetons cette logique contraire à l'urgence sociale et au besoin de justice fiscale : les entreprises sont à nouveau exonérées d'imposition sans conditionnalité réelle... Dans le cadre de l'examen du plan de relance, le ministre a rassuré la droite sur la conditionnalité des aides accordées tout en flattant la gauche sur la transition écologique, vers laquelle il est essentiel de réorienter l'investissement public.

Malgré nos alertes sur la situation sociale, en particulier celle de la jeunesse, nos propositions - verser le RSA avant l'âge de 25 ans par exemple - n'ont pas été reprises. Certes le Gouvernement a déclaré que la garantie Jeunes serait étendue à 50 000 nouveaux bénéficiaires, mais cela reste insuffisant, d'autant que les missions locales, même renforcées par l'amendement bienvenu de Mme Canayer, n'auront pas les capacités de les mettre en oeuvre.

Sur les violences faites aux femmes, qui ont encore augmenté pendant le confinement, il fallait des moyens supplémentaires : ils ne sont pas au rendez-vous.

La situation des collectivités territoriales s'est améliorée grâce au Sénat, mais le compte n'y est toujours pas. L'appel des 180 maires de communes classées quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) pour obtenir 1 % des 100 milliards d'euros du plan de relance n'a pas été entendu. Les inégalités territoriales dans le rural comme dans l'urbain sont toujours aussi criantes. Il faut écouter les maires !

La déception est aussi grande en matière d'écologie. Le PLF sort du Sénat avec une baisse de 30 % des crédits qui y sont consacrés par le plan de relance. Les ambitions sont revues à la baisse : alors que le Président de la République faisait, il y a quelques mois, de l'écologie un engagement absolu, la Convention citoyenne pour le climat n'est plus qu'un « truc ». Ses propositions, fruit d'un travail important de 150 de nos concitoyens appuyés par les services de l'État, ont été soit reportées, soit dénaturées - je pense au malus sur les véhicules lourds - soit tout simplement rejetées.

Pour toutes ces raisons - obstination à préserver les plus riches, mesures insuffisantes pour la jeunesse, la lutte contre la pauvreté et l'écologie - le GEST votera contre ce budget. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)

M. Julien Bargeton . - (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI) Le groupe RDPI s'abstiendra sur ce budget. Tout avait pourtant bien commencé et nous avions voté la première partie : les grandes réformes - réduction des impôts de production, maintien de la trajectoire de baisse de l'impôt sur les sociétés, suppression de la taxe d'habitation - avaient été maintenues par le Sénat. Il n'y avait pas de contre-budget ; certaines dispositions nouvelles bienvenues ont été adoptées, bien qu'elles aggravent le déficit de 15 milliards d'euros. Une paille...

Puis, patatras, arrive l'examen de la mission « Relance ». Un grand moment... « Tous les compteurs ont explosé » a dit, avec honnêteté, le président de la commission des finances, tandis que le rapporteur général reconnaissait que l'ambiance était plombée. (Mme Sophie Primas proteste.) Nous connaissons le résultat sur le budget de l'écologie d'un amendement à 2,5 milliards d'euros... Nous avons poursuivi toutefois l'examen d'amendements dont les gages n'avaient plus de sens et continué à voter de façon baroque.

Puis changement de pied : cet amendement a fait l'objet d'un nouveau vote quinze jours après. Il eût été étonnant que le Sénat s'obstinât... Mais on finit par imputer ces crédits sur la culture, déjà très touchée par la crise.

J'entends les mots d'« amateurisme », de « bricolage »... (Marques de protestation sur les travées du groupe Les Républicains) Ce débat ne restera pas dans les annales les plus glorieuses de nos débats budgétaires. La commission des finances en a d'ailleurs convenu, qui a demandé la modification du vote à l'issue de l'examen des missions.

Le Sénat a supprimé les missions « Agriculture » « Sport, jeunesse et vie associative » et « Immigration, asile et intégration » au motif des crédits insuffisants. Dans le même temps, vous mettez en garde sur la dette : étrange paradoxe ! (Mme Christine Lavarde proteste.) Mon groupe ne peut accepter que ces missions structurantes soient réduites à zéro. Vous ne pouvez pas réclamer toujours davantage de moyens et critiquer le niveau d'endettement ! (M. André Gattolin approuve.)

Quatrième point, les articles non rattachés : la boucle est bouclée et le débat redevient intéressant. Certains de nos amendements sont adoptés, sur le soutien aux agriculteurs pour sortir du glyphosate ou la TVA à 0 % sur les vaccins, tandis que l'amendement dit Coluche est voté à l'initiative du groupe Les Républicains. J'espère qu'une partie de ces avancées sera conservée par l'Assemblée nationale.

Le Sénat est souverain : il peut voter un amendement à 2,5 milliards d'euros, mais il doit en tirer les conséquences, assumer ses votes et considérer les amendements suivants sans objet. (M. Roger Karoutchi s'agace.)

Cela mérite bien notre abstention, qui constitue déjà un acte bienveillant. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI ; protestations sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Claude Raynal, président de la commission, rit de bon coeur.)

M. Jean-Claude Requier . - (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE) À contexte exceptionnel, budget exceptionnel. Après une année 2020 marquée par quatre projets de loi de finances rectificative, le volume d'amendements déposés au présent PLF a doublé en trois ans pour atteindre 2 800. Nous le voterons par scrutin public ordinaire à cause des restrictions sanitaires.

La mission « Plan de relance » est indispensable, même si cela a parfois brouillé nos débats. La réduction des impôts de production peut être considérée comme la grande mesure fiscale du PLF, l'axe majeur de la politique du Gouvernement pour améliorer la compétitivité des entreprises. Le Sénat, fort heureusement, en a limité les effets sur les finances locales.

Le débat, très technique, a rappelé la complexité de la matière fiscale qui gagnerait à être simplifiée au niveau européen, comme le souhaite le groupe RDSE, à l'initiative d'un débat sur le sujet.

En 2020, la baisse de la sinistralité liée au confinement justifie la contribution exceptionnelle demandée aux assurances ; il s'agit d'une mesure de solidarité. Nous approuvons également l'augmentation du plafond du quotient familial. Le Sénat a aussi réaffirmé dans ce texte des positions établies par des propositions de loi qu'il a adoptées, comme le libre choix du consommateur dans le cyberespace ou la répartition des rôles entre État et assureurs en cas de catastrophes naturelles.

Le groupe RDSE se félicite également de l'exonération pour les organismes de foncier solidaire, de l'extension du crédit d'impôt famille aux indépendants ou encore des mesures incitatives pour les biocarburants et de la compensation de la suppression de la taxe d'habitation pour les collectivités territoriales.

La mission « Plan de relance » ressemble plutôt à un ensemble de mesures mises en oeuvre par les différents ministères autour du triple objectif de la compétitivité de l'économie, de l'écologie et de la cohésion sociale. Elle invitait à desserrer les cordons de la bourse, mais le groupe RDSE est resté responsable.

Nous nous félicitons également de la suppression de l'article 54 sexies qui réduisait le tarif de rachat de l'électricité photovoltaïque, comme du travail mené par nos collègues Maryse Carrère et Christian Bilhac sur les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales.

Le Sénat a rétabli les anciennes règles de compensation pour les départements, prorogé le PTZ jusqu'en 2024 et redonné à Action logement les 52 millions d'euros donc l'État le privait. Nous avons aussi soutenu l'enseignement secondaire agricole et aidé le secteur viticole - il faut dire que notre groupe compte trois viticulteurs...

Notre groupe approuve les mesures de soutien à l'emploi. Nous regrettons la suppression de certaines missions, notamment du budget de l'agriculture

Les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » n'ont pas fait l'objet de débats à la hauteur de l'enjeu. Il aurait fallu voter en responsabilité.

Certes, notre assemblée a rejeté moins de crédits que les années précédentes, mais le budget reste artificiel et le déficit atteint 160 milliards d'euros, contre 80 milliards avant la crise, que nous finançons par l'endettement.

Signe de la richesse de ses opinions, le groupe RDSE se partagera entre trois votes pour et une majorité d'abstention. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)

M. Pascal Savoldelli . - Nous ne pouvons pas nous adresser au ministre Le Maire, pas plus qu'au ministre Véran lors de l'examen du PLFSS. Il est vrai que les gestes barrières sont importants, mais quand même ! (Rires et applaudissements)

On ne propose plus au Parlement de s'exprimer mais de participer.

Merci, monsieur le ministre Dussopt pour votre participation, malgré vos avis trop systématiquement défavorables à nos amendements.

Ce budget reste celui d'un fidèle serviteur du capital, pas d'une société où le libre développement de chacun est la condition du développement de tous.

Le bon sens voudrait qu'on ne réponde pas à une crise qui accroît nos dépenses par de nouvelles dépenses. Nous vous avons donc proposé de nouvelles ressources fondées sur un principe d'équité fiscale entre grandes et petites entreprises, entre commerces de proximité et géants du e-commerce. Nous avons ainsi proposé la progressivité de l'impôt sur les sociétés, la création d'une taxe sur les géants du numérique et un renforcement de la taxe sur les marchés financiers pour ceux qui versent des dividendes. Hélas, vous avez refusé toute augmentation des impôts pour les riches.

Le problème n'est pas l'argent, mais son utilisation. Il n'y a pas d'argent magique, mais pas plus de décision magique. Vous multipliez les crédits d'impôt. Lâchez-vous, supprimer les impôts des entreprises ! Vous savez que cela ne marchera pas. Il faut sortir du cercle vicieux de la dette.

Il y a des différences entre le Gouvernement et la majorité sénatoriale, mais les deux ont un point commun : ils restent fidèles au capitalisme, ou à l'économie de marché, comme vous préférez le dire. On préfère fabriquer des consommateurs que des usagers républicains.

Que dire des collectivités territoriales ? Elles sont les grandes perdantes de ce PLF, avec notamment la perte de 20 milliards d'euros d'impôts de production en deux ans. L'État ne les soutient pas suffisamment.

Quant au plan de relance, le choix du Gouvernement est clair : il préfère la logique du marché privé. Le général de Gaulle, souvent cité ici, nous éclaire sur ce qu'est véritablement un plan : « Il embrasse l'ensemble, fixe des objectifs, établit une hiérarchie des urgences et des importances, introduit parmi les responsables et même dans l'esprit public le sens de ce qui est global, ordonné et continu, compense l'inconvénient de la liberté sans en perdre les avantages ».

Mes chers collègues, ce n'est pas un plan que vous avez voté ! Où sont les objectifs et les priorités ? L'énergie est dotée de 7 milliards d'euros quand la lutte contre la pauvreté affiche 800 millions d'euros. Vous avez seulement accordé une aide de 150 euros pour les allocataires des minima sociaux, une fois ! Nous avions proposé, pourtant, de réduire à 5,5 % le taux de TVA sur les produits de première nécessité, mais vous nous avez opposé la législation européenne.

Vous parlez de nouveau monde, mais vous usez des mêmes recettes !

L'Institut des politiques publiques indique que les entreprises qui ont le plus pâti de la crise ne bénéficient pas particulièrement du plan de relance. Nous ne le voterons pas.

Avec ce budget, c'est 100 milliards d'euros d'impôt qui manqueront pour les transports en commun, pour une politique sociale ambitieuse, pour l'énergie et pour les collectivités territoriales. À croire que ce pays est devenu un régime de faveur, où seuls ceux qui participent au capital productif méritent des droits !

La relance échouera faute d'investissement public, qui a chuté de 26 % au premier semestre.

Le monopole d'une politique de l'offre est un suicide. Sans augmentation de la demande, rien ne se passera. En échange de la dette, à quoi les Français ont-ils droit ? À un chantage aux réformes structurelles et à une politique sans partage de pouvoir ni de richesse !

Ce budget ne fait que déléguer la souveraineté de l'État au marché et à la technoscience ; il ne répond pas à la crise : nous ne le voterons pas. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER)

M. Michel Canevet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le groupe de l'Union centriste salue le travail du nouveau rapporteur général. (Applaudissements sur les travées des groupeUC et Les Républicains ; Mme Nathalie Delattre et M. Olivier Jacquin applaudissent également.) Nous souhaitons, à l'avenir, que vous nous entendiez encore davantage. (M. Claude Raynal, président de la commission, rit.)

Nous souhaitons aussi saluer votre engagement, monsieur le ministre. Il est regrettable que les ministres directement en charge des missions n'aient pas été toujours présents, notamment sur le plan de relance.

Ce budget est mitigé. Nous, les centristes, ne sommes pas addicts à la dépense publique. Au contraire, nous souhaiterions ajuster nos dépenses à nos recettes. Il nous semble impossible de continuer à dépenser plus que l'on encaisse.

Bien sûr, le contexte nécessite une relance ; mais, il reste des actions à mener. Les organisateurs de classes de mer et de découverte, dont j'ai rencontré les représentants ce matin, sont inquiets : leur activité est au point mort. Il faut les accompagner, ne laisser personne au bord du chemin.

Nous avons cherché à concilier la relance et le maintien des marges des collectivités territoriales. Nous regrettons que la clause anti-délocalisation que notre groupe proposait n'ait pas été adoptée. Nous avions souhaité que l'effort soit partagé entre État et collectivités territoriales pour faire face à la suppression des impôts de production. L'amendement de Mme Vermeillet sur la contribution sociale de solidarité des sociétés allait dans ce sens.

En revanche, nous nous réjouissons de la suppression de l'uniformisation des taux de taxe locale sur la consommation finale d'électricité, proposée par Bernard Delcros et Sylvie Vermeillet.

Même chose pour la contemporanéité du versement du FCTVA : il faut qu'il évolue et, à tout le moins, que les collectivités en N+2 passent en N+1.

Nous avons apprécié les efforts du Gouvernement en faveur de la justice sociale en direction des familles et des jeunes. Ils doivent se poursuivre. Dans le même objectif, le groupe UC a proposé de relever le plafond du quotient familial et de préserver les moyens d'Action logement.

L'enseignement agricole doit être soutenu : c'est un facteur d'aménagement et de dynamisme des territoires ruraux. Nous regrettons que le Sénat ait rejeté les crédits de la mission « Agriculture » après une après-midi de débat ; cela déconsidère le travail mené.

La politique maritime n'est pas suffisamment identifiée, car partagée entre différentes missions. Certes, un ministère de la mer a été institué, mais il faudrait le traduire dans le budget. La France est une grande nation maritime : il lui faut politique cohérente dans ce domaine. L'outre-mer souffre de la même absence de lisibilité budgétaire.

Le groupe de l'Union Centriste dans sa grande majorité votera ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Rémi Féraud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La période est sans précédent, mais le Gouvernement a choisi de continuer sa route.

Le groupe SER ne votera pas ce budget, car la crise aurait nécessité de profonds changements.

La majorité sénatoriale a inscrit ses pas dans ceux du Gouvernement. Manque de soutien aux victimes de la crise, abandon de la jeunesse face à la précarité, absence de volontarisme pour la transition écologique, fragilisation des collectivités territoriales, refus de renforcer la contribution fiscale des plus riches et de grandes entreprises induisant un creusement de déficit : le groupe SER ne se reconnaît pas dans ce budget, ni avant ni après son examen par le Sénat.

L'examen de la nouvelle mission « Plan de relance » est révélateur : l'adoption de nos amendements prouve son insuffisance. Il est incomplet - des 100 milliards d'euros annoncés ne figurent au budget que 22 milliards d'euros de crédits de paiement, sans compter les 10 milliards d'euros de la réduction de l'impôt sur les sociétés - et centré sur une politique de l'offre.

Nous aurions aimé le dire à Bruno Le Maire, ministre de l'absence. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Les mesures en faveur de la compétitivité ne seront pas efficaces, faute d'être ciblées.

Ce budget n'est-il pas déjà caduc ? Le Gouvernement entend présenter de nouvelles dispositions à l'Assemblée nationale et le premier PLFR de 2021 arrivera certainement bientôt.

Le Gouvernement et la majorité sénatoriale se réjouissent de la suppression des impôts de production. Le Premier ministre a cru nécessaire de la justifier ainsi : « Le plan de relance n'est pas un cadeau fait aux entreprises ; c'est un cadeau à la France pour relancer l'économie ». Nous nous interrogeons sur l'efficacité et le coût d'une telle mesure. Ces baisses d'impôts profiteront-elles aux entreprises qui ont le plus souffert de la crise ? Sont-elles le bon outil de la relance ? Permettez-moi d'en douter.

Lorsque nous avons proposé de taxer les plus riches, dont l'épargne a crû pendant la crise, vous vous y êtes opposés.

Toutes les études, pourtant, montrent que la crise a aggravé les inégalités. Les associations d'aide sociale qui voient les queues s'allonger nous alertent, comme les maires des QPV. Les jeunes sont les premières victimes de la crise ; aussi, nous proposions de verser le RSA avant vingt-cinq ans. L'extension de la loi dite Coluche est bienvenue, mais insuffisante. Mon groupe ne réclame pas le monopole du coeur mais aurait voulu un peu plus de solidarité ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; marques d'ironie sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Cinquante ans après l'accord de Paris, sommes-nous à la hauteur de la transition écologique ?

En cette journée mondiale pour le climat, et à quelques jours de l'anniversaire de l'accord de Paris, il y a lieu de s'interroger : pourquoi convoquer une convention citoyenne pour le climat pour ensuite ignorer ses recommandations ? Cette crise aura été une occasion manquée de verdir la relance économique.

Malheureusement, le Gouvernement refuse la conditionnalité écologique - je ne parle pas de la majorité sénatoriale, qui a estimé qu'un malus symbolique sur les 2 % de véhicules les plus lourds était déjà une contrainte insupportable pour l'industrie automobile.

Nous sommes donc en profond désaccord sur ce PLF, que ce soit sur la solidarité ou la transition écologique.

Tout au long de ce budget, nous avons fait des propositions pour plus d'équité fiscale et de justice sociale. Chaque dépense supplémentaire que nous proposions dans le cadre du plan de relance était compensée par des recettes nouvelles. La droite, elle, a multiplié les réductions d'impôts sans proposer de baisses de dépenses tout en se désolant du déficit et de la dette publique.

Ayant le souci de la cohérence et de la responsabilité, nous avons voté pour une contribution exceptionnelle sur les assurances.

M. Vincent Éblé. - C'est très bien !

M. Rémi Féraud. - Le « quoi qu'il en coûte » a vécu, entend-on maintenant, et la réforme des retraites redevient d'actualité. Quelle injustice !

Malgré quelques ajouts positifs, le groupe SER ne peut se satisfaire de ce budget ; il votera contre. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. le président. - Il va être procédé dans les conditions prévues par l'article 56 du Règlement au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2021.

Nous sommes à la limite de la jauge sanitaire ; certains collègues ont pris place dans les tribunes, et je les remercie de l'intérêt qu'ils portent à nos travaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Voici le résultat du scrutin n°41 :

Nombre de votants 347
Nombre de suffrages exprimés 307
Pour l'adoption 211
Contre 96

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Interventions sur l'ensemble

M. Gérard Larcher, président du Sénat . - Au terme de 145 heures de séances, je remercie notre rapporteur général, Jean-François Husson, qui a démontré sa qualité d'écoute et sa conviction pour son premier rapport général. (Applaudissements)

Je tiens également à saluer le président de la commission des finances, Claude Raynal (Applaudissements), qui a mené à bon port nos débats en rappelant en toute bienveillance le calendrier de la discussion.

Merci aussi aux 47 rapporteurs spéciaux de la commission des finances, aux 80 rapporteurs pour avis et aux chefs de file des huit groupes politiques qui ont contribué aux débats tout au long de ces semaines.

Monsieur le ministre, je vous remercie de votre présence assidue et pour vos réponses toujours précises et courtoises qui sont appréciées. (Applaudissements)

Votre solitude a parfois suscité notre sollicitude (Rires et applaudissements) que j'ai exprimée au Premier ministre et que j'exprimerai très directement au ministre concerné car il en va de la qualité de la relation entre l'exécutif et le Parlement. Comme l'indiquait mon bulletin paroissial : « il faut nous parler ».

M. Claude Raynal, président de la commission des finances . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nous avons battu un nouveau record d'amendements : 2 750 amendements déposés, en augmentation de 11 % après les 2 465 de l'an passé. Il y a dix ans, le nombre d'amendements se montait à 1 004 - et toujours dans un délai constitutionnel de vingt jours, avec en plus l'examen du PLFR de fin de gestion.

Espérons que ce sera plus calme l'an prochain, et que nous n'aurons pas à nous retrouver dès le premier trimestre pour un PLFR1.

Malgré l'introduction d'une nouvelle mission « Plan de relance », nous avons pu respecter les délais, mais en siégeant trois samedis sur trois. Il faudra donc réfléchir à notre organisation. L'an prochain, nous fêterons les vingt ans de la LOLF. Ce sera l'occasion de faire des propositions pour faire évoluer l'examen du budget.

Le Gouvernement annonce déjà des amendements de crédits en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale ; c'est inédit, et il faudra qu'ils nous soient transmis dans les temps et non quelques minutes avant la séance, comme cela s'est déjà vu.

Je remercie tous ceux qui ont contribué à ce travail, les membres du Gouvernement qui se sont succédé en séance, et tout particulièrement le ministre Dussopt, très présent, avec lequel nous avons plaisir à travailler. Nous aurions aimé entendre le ministre en charge de la relance, au moins pendant l'examen de la mission « Plan de relance ».

Merci au Président du Sénat, aux vice-présidents, au rapporteur général avec lequel j'ai travaillé en confiance - cela le met peut-être dans l'embarras (On s'amuse.) -, aux rapporteurs spéciaux, aux rapporteurs pour avis, à tous les sénateurs, à nos collaborateurs et à l'ensemble des services du Sénat. (Applaudissements)

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics .  - L'adoption de ce budget par votre assemblée marque des différences : certaines sont surmontables, d'autres sont le fruit de divergences politiques légitimes qui relèvent du débat démocratique.

Le texte poursuivra son chemin ; quelques crédits consacrés à l'urgence et à la protection seront introduits à l'Assemblée nationale, et je veillerai à ce que les amendements du Gouvernement vous soient transmis dès leur présentation à l'Assemblée nationale.

Merci, monsieur le Président, pour votre sollicitude, merci aux vice-présidents, au président de la commission des finances et au rapporteur général. Je puis vous le dire sans, je l'espère, vous mettre tous deux dans l'embarras : j'ai travaillé en confiance avec vous et ce fut un véritable plaisir.

Merci au Sénat pour la qualité des débats. Nous nous retrouverons très prochainement même si ce n'est peut-être pas pour un nouveau PLFR... (Applaudissements)

La séance est suspendue à 15 h 45.

présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 55.