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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Modifications de l'ordre du jour

Droit à mourir dans la dignité

Discussion générale

Mme Marie-Pierre de La Gontrie, auteure de la proposition de loi

Mme Michelle Meunier, rapporteure de la commission des affaires sociales

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

M. Xavier Iacovelli

Mme Guylène Pantel

Mme Laurence Cohen

Mme Jocelyne Guidez

M. Stéphane Ravier

M. René-Paul Savary

M. Pierre Médevielle

Mme Raymonde Poncet Monge

M. Jean-Luc Fichet

M. Jean-François Rapin

Discussion des articles

Article premier

M. Bernard Jomier

M. Thierry Cozic

Mme Cathy Apourceau-Poly

Mme Esther Benbassa

M. Patrick Kanner

M. Jean-Claude Tissot

M. Pierre Ouzoulias

Mme Élisabeth Doineau

M. Rachid Temal

M. Bernard Bonne

M. Henri Cabanel

M. Jacques Grosperrin

M. Olivier Jacquin

M. Didier Marie

Mme Annick Jacquemet

Mme Marie-Noëlle Lienemann

M. David Assouline

M. Jean-François Longeot

M. Jean-Michel Arnaud

Lutte contre le plastique

Discussion générale

Mme Angèle Préville, auteure de la proposition de loi

Mme Martine Filleul, rapporteure de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État chargée de la biodiversité

M. Éric Gold

Mme Marie-Claude Varaillas

M. Jean-Paul Prince

Mme Marta de Cidrac

M. Pierre Médevielle

M. Jacques Fernique

Mme Nadège Havet

M. Joël Bigot

M. Olivier Cigolotti

M. Didier Mandelli

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

ARTICLE 2

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 2

ARTICLE 2 bis

ARTICLE 3

Création d'une vignette « collection » pour les véhicules d'époque

Discussion générale

M. Jean-Pierre Moga, auteur de la proposition de loi

M. Jean-François Longeot, en remplacement de Mme Evelyne Perrot, rapporteure de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports

M. Gérard Lahellec

M. Jean-Michel Houllegatte

M. Gérard Longuet

M. Pierre Médevielle

M. Jacques Fernique

M. Frédéric Marchand

M. Jean-Claude Requier

M. Jean-Michel Arnaud

Mme Vivette Lopez

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Explications de vote

Mme Nadia Sollogoub

M. Alain Houpert

M. Jean-Pierre Moga

Mme Christine Lavarde

M. Jean-François Longeot, président de la commission

Lutter contre les fraudes sociales

Discussion générale

Mme Nathalie Goulet, auteur de la proposition de loi

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur de la commission des affaires sociales

M. Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics

Mme Monique Lubin

Mme Corinne Imbert

M. Franck Menonville

Mme Raymonde Poncet Monge

M. Dominique Théophile

M. Jean-Claude Requier

Mme Cathy Apourceau-Poly

Mme Nadia Sollogoub

Discussion des articles

ARTICLE 2 (Supprimé)

ARTICLE 4

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 6 (Supprimé)

ARTICLE 8

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 8

ARTICLE 10

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur

ARTICLE 12

M. André Reichardt

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 12

ARTICLE 14

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 14

ARTICLE 15

ARTICLE 18

INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI

Explications de vote

Mme Nathalie Goulet

Mme Cathy Apourceau-Poly

Élection du Président de la République (Conclusions de la CMP)

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté

M. Éric Kerrouche

M. Dany Wattebled

M. Guy Benarroche

M. Thani Mohamed Soilihi

M. Jean-Claude Requier

Mme Éliane Assassi

M. Arnaud de Belenet

Mme Jacky Deromedi

Annexes

Ordre du jour du mardi 16 mars 2021




SÉANCE

du jeudi 11 mars 2021

70e séance de la session ordinaire 2020-2021

présidence de Mme Laurence Rossignol, vice-présidente

Secrétaires : Mme Eustache-Brinio, Mme Patricia Schillinger.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Modifications de l'ordre du jour

Mme la présidente.  - Par lettre en date du 10 mars 2021, le Gouvernement demande une modification de l'ordre du jour des jeudis 1er et 8 avril 2021.

Le Gouvernement souhaite compléter l'ordre du jour du jeudi 1er avril 2021 matin par l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à la réforme du courtage de l'assurance et sur la proposition de loi améliorant l'efficacité de la justice de proximité et la réponse pénale. Il demande également l'inscription, l'après-midi, sous réserve de sa transmission, avant la suite du projet de loi confortant le respect des principes de la République, de la nouvelle lecture de la proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification. Nous pourrions fixer le délai limite pour le dépôt des amendements de séance au lundi 29 mars 2021 à 12 heures ; et la durée de la discussion générale, pour chacun de ces trois textes, à 45 minutes.

Le Gouvernement demande l'inscription à l'ordre du jour du jeudi 8 avril 2021 matin, sous réserve de leur dépôt, des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi rénovant la gouvernance du service public d'eau potable et d'assainissement en Guadeloupe ou de sa nouvelle lecture. Nous pourrions fixer la durée de la discussion générale à 45 minutes. Le Gouvernement demande également l'inscription le matin, et éventuellement l'après-midi et le soir, avant la suite du projet de loi confortant le respect des principes de la République, du projet de loi ratifiant les ordonnances portant réforme de la formation des élus locaux. Nous pourrions fixer le délai limite pour le dépôt des amendements de séance au mardi 6 avril 2021 à 12 heures.

Il en est ainsi décidé.

Droit à mourir dans la dignité

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à établir le droit à mourir dans la dignité, présentée par Mme Marie-Pierre de La Gontrie et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe Socialiste, écologiste et républicain.

Discussion générale

Mme Marie-Pierre de La Gontrie, auteure de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et celles du GEST) Il y a sept jours, elle était notre amie, notre collègue, notre camarade, et votre ancienne collègue ministre. Paulette Guinchard-Kunstler a décidé de finir sa vie en Suisse, un pays qui pouvait l'accueillir. Que nous dit ce choix intime de la situation en France ? Contrairement à ce que prétendent certains, la législation ne répond pas à toutes les situations vécues par nos concitoyens, et notamment les plus cruelles. Certes, nous avons considérablement progressé, notamment avec les lois Leonetti, puis Clayes-Leonetti, mais l'on ne peut pas encore quitter la vie sereinement et dignement.

C'est un sujet qui traverse la société française. Le premier à l'avoir soulevé est Henri Cavaillet en 1978. Puis, l'Association pour le droit de mourir dans la dignité a été créée en 1980. De nombreuses initiatives parlementaires, sous la forme de propositions de loi, ont été prises depuis. Mais le sujet reste difficile.

À l'origine, Paulette Guinchard-Kunstler n'était pas favorable à une évolution de la législation. Lorsqu'elle a été touchée par une maladie très douloureuse, elle s'est tournée vers le monde médical et a découvert que la loi Claeys-Leonetti ne lui était d'aucune aide, et qu'elle devait s'expatrier pour mourir : une violence supplémentaire.

Nous voulons autoriser une aide active à mourir, lorsque la maladie est grave et incurable, les douleurs insupportables, la dignité de la personne remise en cause, la vie devenue insupportable, et lorsqu'aucun espoir d'amélioration ne subsiste.

Le processus est très encadré : les échanges entre médecins et avec les patients seront constants et le temps de la réflexion est ménagé. Une clause de conscience est prévue pour les soignants, qui pourront le cas échéant orienter le patient vers un confrère.

Certains estiment qu'il n'y a pas assez de recul sur la loi Claeys-Leonetti. Ce n'est pas exact. Un grand nombre de Français quittent le pays parce que la loi impose un critère de mort imminente.

D'autres diront que la réponse réside dans le développement des soins palliatifs. Je ne le crois pas : ces soins sont destinés à accompagner des personnes traversant une période de grande souffrance, mais qui ne souhaitent pas forcément une mort volontaire. En outre, 26 départements ne disposent d'aucun service de soins palliatifs et le dernier plan, qui est venu à échéance en 2018, n'a pas été reconduit.

La proposition de loi prévoit donc, en corollaire, le développement d'un accès universel aux soins palliatifs dans un délai de trois ans.

D'ici quelques mois, la France sera l'un des seuls pays européens à n'avoir aucune législation de ce type sur la fin de vie. De nombreux pays s'engagent dans cette démarche : au-delà de la Belgique, de la Suisse et des Pays-Bas, je pense au Portugal, qui a avancé il y a quelques semaines, à l'Espagne il y a quelques jours, mais aussi à l'Allemagne et l'Italie qui vont évoluer sous l'impulsion de leurs cours constitutionnelles. Certains de ces pays ont pourtant un rapport à la religion plus fort qu'en France.

Nos compatriotes sont massivement favorables à une telle évolution : neuf Français sur dix la souhaitent, y compris ceux qui ont des convictions religieuses affirmées.

Le grand nombre de propositions de loi déposées, émanant de quelque 250 parlementaires de tous bords, montre que le sujet est mûr.

Le Sénat peut choisir de participer à cette réflexion, y compris en amendant la présente proposition, ou fermer la porte au débat en la rejetant.

Reste qu'un texte sera examiné le 8 avril prochain à l'Assemblée nationale, et qu'une majorité de députés y sera favorable. Le Sénat a parfois su être actif sur les questions de société transpartisanes. Chers collègues, soyez au rendez-vous ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, GEST, RDSE et RDPI)

Mme Michelle Meunier, rapporteure de la commission des affaires sociales .  - Le recours par les Françaises et les Français à l'euthanasie et au suicide assisté est une réalité - à l'étranger mais aussi en France.

Le décès de l'ancienne secrétaire d'État chargée des personnes âgées, Paulette Guinchard-Kunstler, est le poignant rappel d'une situation qui ne peut pas durer. Ce fut aussi le choix de l'écrivaine Anne Bert qui eut recours à l'euthanasie en Belgique en 2017. L'ultime recours de Paulette Guinchard-Kunstler nous renvoie à l'angoisse existentielle de nombre de nos concitoyens que la législation ne permet pas d'apaiser.

Un nombre important de malades atteints d'une maladie incurable ne peuvent se rendre à l'étranger. En 2018, le CESE estimait le nombre des euthanasies clandestines pratiquées en France entre 2 000 et 4 000 par an.

Sur cette question délicate, nous avons un devoir de modestie. Gardons-nous de tout jugement sur les choix personnels qui concernent la fin de la vie.

Cinq ans après le vote de la loi Claeys-Leonetti, le bilan de son application est mitigé. Elle a certes permis des avancées sur les directives anticipées ou les personnes de confiance. Mais la sédation profonde et continue ne répond pas à toutes les situations. En 2018, l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a regretté l'absence d'un registre national des directives anticipées et une absence de traçabilité, aussi bien des arrêts de traitement que du recours à la sédation profonde et continue.

Les mourants sont insuffisamment accompagnés à domicile. Quand le Gouvernement autorisera-t-il le midazolam en ville, alors que la Haute Autorité de santé (HAS) le préconise déjà depuis 2020 ?

Les critères posés par la loi, décès imminent, obstination déraisonnable, laissent trop peu de place à la volonté du patient. Le caractère insoutenable de sa souffrance est appréhendé uniquement au travers des symptômes cliniques ; la souffrance existentielle est mal prise en compte. Les critères d'obstination déraisonnable, de souffrance réfractaire aux traitements et d'engagement du pronostic vital à court terme sont peu pertinents.

La loi s'applique mal à des maladies neuro-dégénératives, comme la maladie de Charcot, dont l'évolution inexorablement invalidante provoque des angoisses difficilement soutenables, ou à des états végétatifs chroniques.

Les conflits entre la famille et l'équipe soignante dans l'interprétation de la loi peuvent aussi rendre difficile l'établissement de la volonté du patient. Nous devons trouver un équilibre entre respect du libre arbitre et protection de la vulnérabilité.

Notre législation doit s'inspirer de ce qui se fait à l'étranger et de l'état de l'opinion publique, sans suivisme pour autant. En mars 2019, 96 % des Français se déclaraient favorables à un droit à une euthanasie encadrée.

Les pays du Benelux, la Suisse, le Canada, plusieurs États d'Amérique du Nord et d'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Portugal, l'Espagne autorisent l'aide active à mourir dans des conditions dignes. Bientôt, la France sera frontalière de quatre de ces pays.

La proposition de loi de Marie-Pierre de La Gontrie consacre le droit à une fin de vie digne en autorisant l'euthanasie et le suicide assisté. Elle les encadre strictement, dans le respect du libre arbitre du patient.

À l'instar de ce qui se pratique au Benelux, une commission nationale assurerait le contrôle et la traçabilité. Le cadre juridique applicable aux directives anticipées est rénové pour rendre effectif leur caractère contraignant.

Afin de répondre au mal mourir, il est aussi prévu, dans un délai de trois ans, de rendre effectif un accès universel aux soins palliatifs en tout point du territoire. Quelque 26 départements, dont la Guyane et Mayotte, n'en disposent pas.

La commission des affaires sociales a rejeté le texte, mais à titre personnel, je vous invite à en débattre. L'objectif de garantir enfin à toutes et à tous le droit de mourir dans la dignité peut nous rassembler. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, GEST, RDSE, RDPI et INDEP ; Mmes Jocelyne Guidez et Élisabeth Doineau applaudissent également.)

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - Le thème qui nous réunit est à la fois universel et puissamment intime. Il nous ramène à notre finitude. Parler de la fin de vie revient à évoquer ses conditions et la façon dont la société l'accompagne. La fin n'est plus un sujet tabou.

Le ministère de la Santé et des solidarités, c'est celui qui accompagne les Français de leur premier à leur dernier souffle, avec leurs joies, leurs peines, leurs espoirs.

Aide-soignant en Ehpad, puis médecin neurologue, j'ai assisté de près à l'imminence de la mort. Ces instants sont toujours des épreuves de vérité et de doute, parfois de sérénité.

Il y a cinq ans, le législateur a voté la loi Claeys-Leonetti, issue d'un large consensus voulu par le président François Hollande. Elle a permis de faire évoluer notre droit et nos pratiques : elle a notamment affirmé le droit du malade à demander l'arrêt des traitements et rendu contraignantes les directives anticipées.

J'ai moi aussi une pensée pour Paulette Guinchard-Kunstler, ancienne secrétaire d'État aux personnes âgées.

Selon le Conseil national consultatif d'éthique, la loi de 2016 apporte une solution dans l'immense majorité des situations - pas toutes, car certaines sont très particulières. Mais l'enjeu n'est pas tant de faire évoluer cette loi que de la faire connaître, aussi bien des professionnels que de nos concitoyens. Seuls 18 % des Français de plus de 50 ans ont rédigé des directives anticipées.

Si les soignants ne sont pas sensibilisés, ils ne peuvent appliquer correctement la loi. Durant la crise sanitaire, lorsque j'ai autorisé l'administration à domicile de produits antidouleur comme le Rivotril, je me suis parfois heurté à des réactions très négatives.

Lorsque l'on entre dans le coeur du débat, celui-ci apparaît dans toute sa complexité. Sur ce sujet intime, je ne crois pas que certaines législations soient plus « en avance » que d'autres.

À compter du mois d'avril sera lancé le cinquième plan national pour les soins palliatifs et l'accompagnement de la fin de vie. (On ironise sur les travées du groupe SER.) Il sera piloté par les docteurs Olivier Mermet et Bruno Richard. Ce plan sera triennal.

Nous y inscrirons l'amélioration de la formation initiale et continue des soignants. Avec Frédérique Vidal, nous travaillons à intégrer la fin de vie dans les formations de santé.

Nous développerons la prise en charge en ville, avec la mise à disposition du midazolam fin 2021. Il y a aussi un enjeu de moyens : le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) augmentera la dotation-socle des soins palliatifs.

Le Ségur de la santé a prévu 7 millions d'euros pour l'appui sanitaire dans les Ehpad, comprenant des astreintes de soins palliatifs.

Ce débat est essentiel et mérite de l'apaisement, du sang-froid et du temps. Nous sommes actuellement en pleine crise sanitaire, elle exige une mobilisation totale de notre système de soins : je ne crois pas que le moment soit opportun pour modifier la législation sur la fin de vie, mais nous pourrons avoir un horizon.

Pour beaucoup, la loi Clayes-Leonetti, bien appliquée, suffit. Restent quelques cas qu'elle ne peut traiter. Sur un sujet aussi sensible, sans dogmatisme, j'appelle à la prudence et à la sagesse et je me réjouis de ce débat. Chaque parlementaire peut avoir une position personnelle ; moi également, mais ici je porte la parole du Gouvernement.

Je suis ouvert à la discussion. (MM. François Patriat, Claude Kern et Yves Détraigne applaudissent.)

M. Xavier Iacovelli .  - La fin de vie interroge chacun sur son rapport intime à la vie et à la mort. La mort fait partie de la vie. Nos conditions de mort valent bien un débat égal à celui portant sur nos conditions de vie, comme le disait Marie-Guite Dufay, amie intime de Paulette Guinchard-Kunstler.

Quelque 96 % des Français sont favorables à une évolution de la législation : je remercie Marie-Pierre de La Gontrie pour sa proposition de loi et je salue l'action de l'ADMD et son président Jean-Louis Romero.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Il est présent aujourd'hui.

M. Xavier Iacovelli.  - Tous les Français n'ont pas les moyens de partir à l'étranger ; ceux qui le peuvent meurent loin de leurs proches. Selon le Conseil économique, social et environnemental (CESE) en 2018, l'offre de soins palliatifs est insuffisante et inégalement répartie sur le territoire. L'outre-mer est mal loti ; Mayotte et La Réunion par exemple n'ont pas d'unités de soins palliatifs.

Nous connaissons tous ce sentiment d'impuissance face à la perte d'un proche. Que dire lorsque cela se passe dans la souffrance, sans que le mourant ait le choix du moment pour éteindre sa propre lumière ? Je sais que beaucoup sont mobilisés, à la fois au Gouvernement - à commencer par le garde des Sceaux - et au Parlement.

Le renforcement des unités mobiles de soins palliatifs (UMSP) serait un premier pas. La proposition de loi est une réponse aux difficultés de notre législation et elle instaure un fichier national pour les directives anticipées : une avancée à saluer.

C'est une loi de liberté, qui ne crée pas d'obligation. Ce texte touche à l'intime, à notre rapport à la vie et à la mort. Chaque membre du RDPI votera en son âme et conscience.

À titre personnel et comme la majorité écrasante du groupe, je voterai ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)

Mme Guylène Pantel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Mon groupe est partagé sur cette proposition de loi, qui touche au plus intime et fait rejaillir des expériences personnelles parfois douloureuses. La « bonne mort », selon l'étymologie du mot euthanasie, ne se décrète pas, chacun en a une idée différente... qui peut changer au fil du temps.

Je salue la mémoire de Paulette Guinchard, morte par suicide assisté, alors qu'elle avait dans le passé pris position contre cette faculté. Son choix de faire connaître sa décision est une preuve de courage qui force le respect.

Le RDSE est partagé entre le maintien de l'équilibre trouvé en 2016 et un véritable droit à mourir dans la dignité.

Au-delà de l'affirmation des droits existants, il faut les appliquer. Malgré les progrès des soins palliatifs, 20 % des personnes n'ont pas accès aux produits qui pourraient les soulager, faute d'informations ou de structures disponibles. En 2018, le CESE dénonçait une offre insuffisante et inégalement répartie sur le territoire.

Créées en 2016, les directives anticipées devaient éviter des drames familiaux, mais elles sont encore méconnues. Chacun se souvient de la manière dont la famille de Vincent Lambert s'est déchirée. Nous regrettons que cela n'ait pas incité les pouvoirs publics à lancer une vaste campagne d'information sur les nouvelles dispositions.

Certains membres du RDSE veulent que chacun puisse choisir sa mort, et sont favorables à une extension de la sédation profonde et continue. Selon eux, l'article 2 est suffisamment rigoureux puisqu'il précise que la maladie doit être incurable et la souffrance inapaisable. Les médecins devraient élaborer un avis collégial, et l'un de nos amendements renforcera cette collégialité. Les avis au sein de mon groupe sont partagés, je l'ai dit. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDSE ; M. Rachid Temal applaudit également.)

Mme Laurence Cohen .  - Le philosophe Sully Prudhomme estimait qu'« Il est bon d'apprendre à mourir Par volonté, non d'un coup traître. (...) Qui sait mourir n'a plus de maître. »

La pandémie a été un miroir grossissant de toutes les difficultés attachées à la fin de vie, et notamment des pénuries de midazolam. Le rivotril a été administré en remplacement dans les Ehpad, mais pas à domicile. Les visites des proches ont été longtemps interdites.

Cette proposition de loi est plus que jamais d'actualité, même si la loi Claeys-Leonetti apporte des progrès pour la sédation profonde et continue. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE), en 2018, avait soulevé les problèmes médicaux, juridiques et éthiques que pose cet acte.

La discrimination par l'argent est intolérable : seuls les plus riches peuvent partir mourir à l'étranger selon leur volonté.

Il faut que les médecins puissent aider à mourir en cas de souffrance intolérable. Une meilleure prise en compte des besoins des patients contribue à l'égalité devant la mort. Ce texte reprend en partie une proposition de loi déposée en 2011 par notre groupe à l'initiative de Guy Fischer et Annie David, alors présidente de la commission des affaires sociales.

Le développement des unités de soins palliatifs est largement insuffisant, ainsi que l'a déploré l'IGAS le 13 février 2021 dans un rapport très critique. Entre 2015 et 2018, seulement 210 lits ont été créés en soins palliatifs. Il y a aussi d'importantes disparités régionales.

Pour mettre en oeuvre le droit à mourir dans la dignité, il faut donc faire évoluer la loi et développer les soins palliatifs, en recrutant des professionnels bien formés.

Monsieur le ministre, j'ai entendu votre engagement, que je ne crois pas en contradiction avec ce texte. Nous verrons si les moyens sont à la hauteur pour les soins palliatifs dans le PLFSS.

Le groupe CRCE votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER ; Mme Élisabeth Doineau et M. Henri Cabanel applaudissent également.)

Mme Jocelyne Guidez .  - Je remercie la rapporteure pour la qualité de ses travaux. C'est avec beaucoup de modestie que je prendrai la parole au nom du groupe UC sur un texte qui, par essence, n'est pas compatible avec une position commune ; nos votes seront donc partagés.

Un constat, une indignation s'imposent pourtant à tous : nous mourons mal en France. Pas moins de 26 départements ne disposent pas d'unité de soins palliatifs. L'environnement du décès, souvent, ne garantit pas le respect au mourant et à ses proches.

Aussi le groupe UC souhaite-t-il user de cette tribune pour demander au Gouvernement de développer des unités de soins palliatifs. Les modules de formation, initiale ou continue, des médecins doivent intégrer cet aspect.

Les lois de 2005 et 2016 restent trop méconnues : un meilleur usage des possibilités qu'elles ouvrent, comme les directives anticipées et la désignation de la personne de confiance, serait préférable à une nouvelle évolution de la législation.

Pourquoi ne pas obliger à la rédaction de directives anticipées dès l'âge de 18 ans, avec une révision tous les dix ans ?

Évoquant son expérience de médecin installée près de la frontière belge, Véronique Guillotin indiquait en commission que les malades ne demandent plus d'aller mourir à l'étranger lorsqu'ils sont en mesure de rester à domicile dans des conditions dignes.

Je voterai contre cette proposition de loi qui répond à certaines questions, mais dont les dispositions ouvrent de nouveaux problèmes, source de contentieux.

Ce texte introduit en effet un changement de paradigme avec le suicide assisté et l'euthanasie. Le législateur a jusqu'à présent préféré éviter l'acharnement thérapeutique et favoriser les traitements antidouleur pouvant entraîner la mort ou la sédation profonde et continue, sans aller jusqu'à autoriser un acte positif ayant pour seul but de donner la mort. De plus, ce texte crée une fiction juridique avec l'enregistrement du décès après euthanasie comme « mort naturelle ».

À l'article 7, la proposition de loi prévoit une consultation du partenaire de vie en l'absence de directives anticipées et de désignation d'un partenaire de confiance - mais sans préciser la durée de la vie commune. Quid de l'avis des enfants ou parents face à un conjoint récent ?

Néanmoins je remercie les auteurs de la proposition de loi pour avoir lancé ce débat important, qui met en lumière les demandes, difficultés et freins sociétaux. Je ne voterai pas la suppression de l'article premier car le débat doit avoir lieu. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Véronique Guillotin et M. Franck Menonville applaudissent également.)

M. Stéphane Ravier .  - Le sommet de l'abject se rapproche de jour en jour. Le Gouvernement reporte aux calendes grecques le projet de loi Autonomie, abandonnant nos anciens, tandis que le groupe SER, jamais en retard d'une ignominie (exclamations indignées à gauche), veut euthanasier nos malades. Ce sont les mêmes qui ont supprimé la peine de mort pour les criminels qui tuent des innocents ! (Applaudissements ironiques sur les travées du groupe SER)

Alors que nous avons mis à l'arrêt l'économie pour protéger nos anciens et nos plus fragiles ces derniers mois, vous balayez ces sacrifices pour offrir aux Français une perspective macabre dans un projet nauséabond et matérialiste, ce projet que l'on nomme par antinomie « progressiste », pour éliminer ceux qui ne sont plus jugés utiles. (Marques d'exaspération à gauche)

Le professeur Jean Bernard disait qu'il faut « ajouter de la vie aux jours lorsqu'on ne peut plus ajouter de jours à la vie ». C'est cela, la médecine humaniste. La souffrance peut faire peur, la liberté sans frein peut séduire ; mais jamais la mort précipitée ne doit être une solution. Une fin de vie confortable, voilà ce qui fait honneur à la société, à la conscience individuelle. Ne cédons pas à l'inconscience collective.

De trop nombreux paysans, commerçants, membres des forces de l'ordre se suicident parce qu'ils se sentent abandonnés : à la solidarité nationale d'endiguer ce phénomène, au lieu de légaliser le suicide assisté.

Vous voulez faire table rase de notre idéal de protection de la vie humaine au nom de la liberté - un nouveau crime commis en son nom ! Est-ce cela, la société éclairée ? Tant de Lumières vous aveuglent, en vérité.

Mme la présidente.  - Veuillez conclure.

M. Stéphane Ravier.  - Rejetez ce texte mortifère. (Les sénateurs de gauche frappent leur pupitre pour couvrir la voix de l'orateur.) Le Sénat doit plus que jamais être le rempart infranchissable qui protège la vie.

M. René-Paul Savary .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Yves Détraigne applaudit également.) Comme tout médecin généraliste, j'ai été confronté à des fins de vie insupportables de patients. Je me souviens de Jeanne, me répétant à chaque visite qu'elle voulait en finir, qu'elle souffrait le martyre. Je lui ai dit que j'étais prêt à répondre à sa volonté. (Mme Catherine Apourceau-Poly manifeste sa surprise.) J'ai alors vu dans son expression la crainte de ne plus vivre. Au fond d'elle-même, elle n'était pas prête.

La volonté d'un jour n'est pas forcément celle de toujours. En la matière, le dialogue singulier entre le médecin et le patient est primordial. Or nous avons une loi pour cela : la loi Claeys-Leonetti. Alors rapporteur du texte, notre ancien collègue Michel Amiel citait Alfred Camus qui décrivait la mort heureuse, « la tête dans les étoiles » - avant d'ajouter que ce n'est pas ainsi que les choses se passent.

Cette proposition de loi s'adresse à ceux qui veulent mourir. Elle est plus sociétale que médicale, et je ne suis pas sûr qu'elle réponde à toutes les questions. Les patients désireux de mourir le veulent-il vraiment ? Leur volonté ne peut-elle être orientée ?

Décrire la mort par euthanasie comme « naturelle », n'est-ce pas le signe d'une science à la dérive ? La clause de conscience, n'est-ce pas reconnaître qu'on ne sait pas jusqu'où aller dans l'aide active à mourir ?

Selon un collectif de médecins gériatres, dans les pays où l'aide active à mourir est autorisée, les patients peuvent ressentir une pression de la société ou de leur famille pour demander une mort anticipée.

Appliquons déjà la loi Claeys-Leonetti. Elle n'est pas encore suffisamment assimilée, puisque trop peu de Français, le ministre l'a dit, prennent des directives anticipées. Il n'y a pas d'unités de soins palliatifs sur tout le territoire. Voilà des inégalités territoriales qui ne sont pas résorbées.

Certains parlent de l'expérience de nos voisins belges et suisses, de l'exemple de Paulette Guinchard-Kunstler ; d'autres mentionneront peut-être Vincent Lambert ou Vincent Humbert. Chaque individu mérite la dignité jusqu'à son dernier souffle.

Ce texte ne répond pas aux difficultés soulevées ; dans sa majorité, le groupe Les Républicains ne le votera pas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Yves Détraigne applaudit également.)

M. Pierre Médevielle .  - Avec l'augmentation de l'espérance de vie et les évolutions de la société, la fin de vie s'invite régulièrement dans nos débats et nos consciences.

La loi Leonetti de 2005 a créé l'obligation des soins palliatifs dans l'accompagnement vers la fin de vie - des soins actifs uniquement destinés à soulager le patient et pouvant éventuellement, dans le cas des opiacés par exemple, provoquer le décès. Il n'est pas question d'anticiper la mort par l'injection d'une substance létale.

Un nouveau pas est franchi en 2016 avec la loi Claeys-Leonetti, et notamment les directives anticipées. Elle ne permet cependant pas le suicide assisté. Différence de taille : la loi Claeys-Leonetti ne s'adresse pas à des personnes qui veulent mourir, mais à celles qui vont mourir. Elle reste hélas méconnue par nombre de patients.

Cette proposition de loi nous invite, avec le suicide assisté, à un changement de paradigme. Y sommes-nous prêts ?

Ce débat mérite davantage que dix articles ; il faut un meilleur encadrement juridique. Ce texte pose plus de problèmes qu'il n'en règle.

L'article 3 qualifie le suicide assisté de mort naturelle - beau sujet d'étude pour les juristes ou les assureurs ! En vérité, chaque cas est unique et doit être traité individuellement. Les soignants le savent : la loi Claeys-Leonetti, bien appliquée, répond à la grande majorité des cas.

Le groupe INDEP ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Mme Raymonde Poncet Monge .  - La question du droit à bénéficier d'une aide active à mourir s'invite régulièrement dans nos débats de société.

Plusieurs propositions de loi ont été déposées à l'Assemblée nationale, nos voisins l'autorisent, les Français y sont majoritairement favorables. Pourquoi un tel blocage ?

On meurt mal en France : le développement des soins palliatifs est insuffisant, et la fermeture de dizaines de milliers de lits de spécialité où l'on prodiguait ces soins a aggravé cette insuffisance. Mais cela n'épuise pas la question : la Belgique, pionnière en matière de soins palliatifs, autorise aussi l'euthanasie.

Nul ne peut choisir au nom du patient qui souffre, nul ne peut définir à sa place le sens de ce qu'il lui reste à vivre. La société doit respecter ce choix individuel et le rendre effectif.

Le suicide n'est pas interdit, mais l'aide active des soignants n'est pas permise. Cela conduit à des pratiques illégales, à des suicides violents, à des départs à l'étranger, à des fins de vie indignes.

Ce texte reconnaît simplement, quand le médecin se retire, le droit à choisir le moment où l'on éteindra la lumière.

Alors qu'elle jugeait la loi française suffisante pour répondre à toutes les situations, Paulette Guinchard-Kunstler s'est finalement résolue à mourir en Suisse, preuve des insuffisances du texte.

Je vous invite à voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)

M. Jean-Luc Fichet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) À chaque exemple de fin de vie douloureuse, le sujet revient dans nos débats.

Les lois de 2005 et 2016 ont fait utilement avancer la législation, mais elles demeurent insuffisantes.

Cette proposition de loi que j'ai cosignée s'inscrit dans un contexte unanime de demande d'évolution de la part des Français, qui sont 96 % à être favorables au droit à l'euthanasie, selon l'institut Ipsos.

Cela permettrait de rompre avec un système inégalitaire devant la fin de vie. Les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg et, depuis le 29 janvier 2021, le Portugal autorisent l'euthanasie. L'Espagne s'apprête à faire de même après le vote des députés en décembre. Si comparaison n'est pas raison, nous ne pouvons en faire fi.

Cette proposition de loi autorise le suicide assisté et inscrit dans le code de la santé publique le droit à l'aide active à mourir.

La mort relève de convictions intimes ; il est toujours difficile de légiférer en la matière, mais il apparaît légitime de permettre à chacun de choisir les conditions de sa mort. Il ne peut y avoir de fin de vie digne sans accompagnement.

La proposition de loi crée aussi un registre national des directives anticipées et affirme le rôle de la personne de confiance. Elle institue un droit universel à bénéficier de soins palliatifs. Son application demande des moyens financiers et humains à la hauteur des enjeux.

Ce texte de liberté n'impose rien, mais donne à chacun la faculté ultime de choisir sa fin de vie. Par-delà les sensibilités politiques, je vous invite à le voter. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; MM. Pierre Ouzoulias et Henri Cabanel applaudissent également.)

M. Jean-François Rapin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Sophocle écrivait : « Si j'étais mort, je ne serais pas un tel sujet d'affliction pour mes amis et pour moi-même. » Ce propos de l'Antiquité prend ici toute son actualité.

La présidente Deroche le disait : la dignité humaine reste présente jusqu'au dernier souffle, malgré la déchéance physique. Suicide assisté et euthanasie sont-ils des moyens de préserver la dignité jusqu'au dernier souffle ? En tant que médecin, je ne le crois pas.

La volonté des patients peut varier, comme le rappelait René-Paul Savary ; comment s'assurer qu'elle est définitive ? Malgré la clause de conscience, le médecin engage sa responsabilité morale en acceptant ou en refusant l'aide à mourir. En réalité, chaque dossier médical devrait s'apprécier en fonction du contexte hospitalier.

L'article 4 prévoit un ordre de préférence pour les personnes de confiance ; je serais bien en peine de le faire entre mes quatre enfants...

Je salue cependant l'article 9 sur le droit universel effectif à bénéficier de soins palliatifs. Cela permet un bilan de l'offre existante, qui est insuffisante.

Jean Castex a annoncé le deuxième volet du Ségur de la santé, à savoir le lancement d'une nouvelle politique d'investissement dans le système de santé, avec une enveloppe de 19 milliards d'euros ; mais rien sur les soins palliatifs. Aussi, je mets beaucoup d'espoir dans votre annonce, monsieur le ministre.

La rapporteure a reconnu que seuls 18 % des Français ont rédigé des directives anticipées, et que 54 % ne souhaitent pas en rédiger. Preuve que les Français n'attendent pas d'évolution de la législation. C'est pourquoi notre groupe votera contre.

Il y a quelques mois, pour la première fois de ma carrière, j'ai annoncé à une jeune femme qu'elle allait mourir ; elle m'a demandé le droit à vivre dans la dignité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

M. Bernard Jomier .  - Le constat est partagé : trop de Français meurent insuffisamment soulagés, apaisés, respectés. C'est une honte collective. Comment avancer ?

Certes, une meilleure application de la loi Claeys-Leonetti améliorerait les choses, mais ce n'est pas suffisant. Il reste quelques cas, peu nombreux certes mais assez pour justifier une évolution législative, avec un cadre largement acceptable par nos concitoyens.

Pour autant, je ne suis pas favorable à la partie de l'article premier qui concerne l'euthanasie, que je ne voterai pas.

Monsieur le ministre, acceptez que le Parlement débatte et, surtout, mettez à l'ordre du jour un projet de loi sur le sujet. Je remercie Marie-Pierre de La Gontrie pour ce débat.

M. Thierry Cozic .  - « La mort n'est pas un mal, l'approche de la mort en est un », écrivait Quintus Ennius. Nos visions de la mort diffèrent, mais il est difficile de répondre aux familles que la seule issue, pour un proche souffrant, consiste à gagner quelques jours. Il faut aider à mourir dans la dignité.

En 2014, 96 % des Français étaient favorables à l'euthanasie. En 2017, 90 % étaient favorables au suicide assisté et 95 % à l'euthanasie. Professeur de philosophie à l'université de Grenoble, Jean-Yves Goffi utilise l'argument libéral de la souveraineté sur soi-même : il est tyrannique de limiter la liberté d'action d'un individu qui, agissant en toute connaissance de cause, ne fait aucun tort aux autres.

La loi de 2016 est insuffisante : beaucoup de Français qui en ont les moyens partent à l'étranger pour obtenir une aide active à mourir. Il faut changer la législation pour faciliter le libre choix. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - J'ai été alertée par une mère de famille dans le Pas-de-Calais sur la question de la fin de vie pour les personnes handicapées mentales - son fils, en l'occurrence. Elle a cherché des réponses et n'a trouvé que culpabilité, peur et honte. La loi Leonetti ne prévoit rien en la matière. Monsieur le ministre, comment est-il possible d'adapter le recueil du consentement pour ces personnes ? Les familles se retrouvent bien seules, avant comme après la mort, alors qu'elles sont hantées par la culpabilité de ne pas avoir offert une fin de vie digne à leur proche.

Mme Esther Benbassa .  - Si la loi devrait être la locomotive des changements de société, celle-ci exprime parfois des demandes que le législateur doit entendre. En matière de fin de vie, la France a du retard par rapport à ses voisins qui ont déjà mis en place des procédures d'euthanasie et de suicide assisté.

Les lois de 2005 et de 2016 améliorent les conditions de la fin de vie, certes, mais ne permettent pas de choisir celle-ci. Cela pousse certains Français à aller mourir à l'étranger : 80 personnes vont pour cela en Suisse chaque année.

Pourtant, selon un sondage Ipsos de 2019, 96 % des Français seraient favorables à l'euthanasie. La grande majorité du GEST votera ce texte. Merci à Marie-Pierre de La Gontrie et Michelle Meunier, autrice et rapporteure de ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER)

M. Patrick Kanner .  - La semaine dernière, Paulette Guinchard nous quittait à l'âge de 71 ans. La première fois que l'on croisait Paulette, on était enveloppé par sa gentillesse, sa bonté, sa gouaille, son regard franc et rieur qui ne venait pas troubler les longues mèches grises qui lui couvrait la moitié du visage. Fille de paysans, issue d'une fratrie de huit enfants, elle s'engagea dans sa vie professionnelle comme infirmière en psychiatrie auprès d'enfants autistes, mais aussi en politique dès ses 20 ans dans le syndicalisme agricole catholique, puis au PSU de Michel Rocard et enfin au PS de François Mitterrand auquel elle resta fidèle jusqu'au bout de sa vie. Maire, députée, secrétaire d'État auteure de la grande loi sur l'allocation personnalisée d'autonomie, elle était malade depuis près de quinze ans et savait par son expérience familiale à quoi la mènerait cette maladie dégénérative incurable. À cette femme qui a tant souffert, qui a tant fait pour son pays, qu'avons-nous répondu ? Va mourir en Suisse ; ici, ton corps ne t'appartient pas !

Nous parlons d'un droit fondamental pour la personne humaine de vivre jusqu'au bout dans la dignité et de choisir sa mort. « Les grandes peurs périssent d'être reconnues », écrivait Camus. Et quelle peur, je vous le concède... Méditons cette belle phrase de Marie-Guite Dufay : « Paulette avait pris sa décision. L'aimer, c'était respecter celle-ci. L'aimer, c'était la laisser partir. » Je voterai en conscience l'article premier. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)

M. Jean-Claude Tissot .  - Cette proposition de loi est la conquête d'un droit fondamental. C'est une mesure d'égalité car, aujourd'hui, seules les personnes en ayant les moyens financiers et humains peuvent partir mourir à l'étranger. Le Conseil d'État a signalé les inégalités en matière de soins palliatifs sur le territoire : 26 départements en sont dénués. Le taux de suicide des personnes âgées en France est parmi les plus importants.

N'opposons pas accès aux soins palliatifs et droit à mourir dans la dignité : les deux sont des choix dignes. Je vous invite à voter cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Laurence Cohen applaudit également.)

M. Pierre Ouzoulias .  - Sénèque disait : il y a deux dangers à éviter : se suicider quand il ne le faut pas, et ne pas se suicider quand il le faut. Il disait à ses esclaves, quelque temps avant son propre suicide : « Tam mali exempli esse occidere dominum quam prohibere », ce serait un aussi mauvais exemple d'empêcher le suicide de votre maître que de le tuer.

Depuis 2000 ans, notre humanité remue ces questions. Permettez-moi de vous parler de ce que m'a enseigné mon grand-père. Sous la torture, certains résistants préféraient se défenestrer. Mon grand-père voulait aussi décider de sa mort : « Je tente de conduire mon existence selon mes convictions humanistes ; je veux décider de ma mort ; je vous demande de m'en donner le droit au nom mon humanité. En choisissant ma mort, je veux transmettre aux générations futures l'exigence de la condition humaine : ma certitude, c'est que c'est la mort qui donne du sens à la vie. » (Applaudissements nourris sur les travées des groupes CRCE et SER ; M. Xavier Iacovelli applaudit également.)

Mme Élisabeth Doineau .  - Merci, cher Pierre Ouzoulias, pour vos paroles. Je suis favorable à cette proposition de loi, mais cela n'a pas toujours été le cas. Cette conviction est le fruit d'un cheminement personnel, de lectures et de discussions. Une amie atteinte de la maladie de Charcot est partie mourir en Suisse. Mon cheminement a été nourri par des discussions avec mon époux, mon fils et mes amis.

Que ferais-je si j'étais dans un tel état de souffrance, si ni les soins palliatifs ni la loi Leonetti ne m'apportaient de solution ? Je demanderais cette dépénalisation. Ai-je le droit de l'imposer à tous ? Mais mon choix peut être celui d'autres personnes ; je ne l'impose en rien, je le propose.

Personnellement, avec force, je suis favorable à votre proposition. Arrêtons de procrastiner, de rapport en rapport, de discussion en discussion.

Merci, monsieur le ministre, pour vos annonces. Je serai très vigilante sur les montants qui seront alloués aux soins palliatifs. Les équipes de ces services font preuve d'un humanisme extraordinaire, mais elles sont parfois impuissantes. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, ainsi que sur de nombreuses travées à gauche)

M. Rachid Temal .  - Merci à Marie-Pierre de la Gontrie pour sa proposition. Le Sénat a rendez-vous avec l'histoire : devons-nous aller vers plus de progrès ou attendre un énième rapport ? Au nom de la devise républicaine, je vous invite à aller vers la liberté de choisir la fin de vie, l'égalité devant l'accès aux soins palliatifs - qu'il ne faut pas opposer à la sédation ou au droit de mourir dans la dignité - la fraternité, qui ne peut se résoudre à ce qu'on meure si mal en France.

M. Rapin a fait état de son expérience de médecin. Je vous ferai entendre celle d'un patient. Je vis depuis quinze ans avec une maladie qui pourrait un jour me confronter avec cette situation. Je ne vois pas pourquoi la loi devrait me forcer à aller mourir dans un autre pays. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE et sur plusieurs travées du GEST, du RDPI, du RDSE et du groupe UC)

M. Bernard Bonne .  - Comme une majorité des membres de mon groupe, je voterai contre cet article premier. Je retiens l'engagement du ministre en faveur d'une loi qui comblerait les manques de la loi Claeys-Leonetti et d'une amélioration des soins palliatifs.

Mais je suis gêné par l'euthanasie, qui consiste à mettre fin délibérément à la vie de quelqu'un qui le demande. Oui, la maladie de Charcot est un cas particulier dont nous devrons parler. Mais que dire à un tétraplégique après un accident qui demanderait l'euthanasie ? Doit-on l'accepter ?

M. Rachid Temal.  - Bien sûr !

M. Bernard Bonne.  - Ou doit-on le soulager ? On a vu des personnes qui ont su retrouver des espérances malgré leur état. Que dire aux personnes handicapées, ou dans un état de mal-être extrême, demandant qu'on les aide à mourir ? Nous devons encore réfléchir...

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Jusqu'à quand ?

M. Bernard Bonne.  - Il y a une grosse différence entre laisser partir et faire partir. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Henri Cabanel .  - Je remercie Marie-Pierre de La Gontrie. Chacun a sa propre idée sur ce sujet difficile. La loi de 2016 a permis des avancées, mais est-elle suffisante ? Je remercie le ministre pour l'annonce d'un plan national sur les soins palliatifs. Cela permettra de mieux mettre en oeuvre la loi. Il y a bien les directives anticipées, mais très peu de Français les ont exprimées. Combien sont au courant de cette possibilité ? Il faut mieux communiquer sur le sujet. Comment contraindre un malade à se voir diminuer mentalement et physiquement pour avoir ce droit à mourir dignement ?

Je suis favorable à ce texte. Je souhaite rendre hommage à Mme Paulette Guinchard qui était opposée à ce droit à mourir, mais qui a changé d'avis. Pourquoi ? Cela doit nous interpeller et nous aider dans notre réflexion. (Applaudissements sur les travées du RDSE et des groupes SER et CRCE ; Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)

M. Jacques Grosperrin .  - Je connaissais bien Paulette Guinchard, à qui j'ai succédé à l'Assemblée nationale. Elle a choisi de rendre public son choix car elle voulait faire évoluer la législation. J'ai une pensée pour tous ses proches, qui sont bouleversés. C'est une décision personnelle. Collectivement, cela nous apprend que le Sénat ne peut pas légiférer dans la précipitation.

La loi Claeys-Leonetti fait l'objet d'un consensus. Elle n'est certes pas adaptée à toutes les situations - mais aucun dispositif légal ne peut être adapté à des situations singulières. Oui, il faut faire évoluer la loi, mais pas n'importe comment.

Régis Aubry, qui a accompagné Paulette Guinchard, m'a dit qu'il était effrayé de voir ce qui se passait en Belgique en matière d'euthanasie.

Ouvrir trop vite et trop fort le droit à l'euthanasie pourrait entraîner un suicide trop rapide des personnes âgées. Il faut une politique d'accompagnement du vieillissement, il nous faut de la recherche en fin de vie, il nous faut des instituts des vulnérabilités, il ne faut pas mélanger l'éthique et la morale. Ne légiférons pas sur des situations exceptionnelles ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Jacquin .  - Mon département est voisin de la Belgique et du Luxembourg. Certains compatriotes fuient notre pays pour mourir là-bas. Je souhaite vous transmettre le message du docteur Yves de Locht, de Bruxelles : « J'espère que le Parlement français prendra ses responsabilités et nous soulagera, nous, en Belgique. J'aimerais que vous voyiez l'état déplorable dans lequel arrivent des centaines de vos compatriotes qui font des centaines de kilomètres pour être libérés. » Entendons-le ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE et sur plusieurs travées du RDSE)

M. Didier Marie .  - Je salue la proposition de loi de Marie-Pierre de La Gontrie. Depuis 2016, la loi permet la sédation profonde et continue jusqu'au décès, compromis que j'estime insatisfaisant. Nous devons octroyer une nouvelle liberté : celle de mourir dans la dignité. Nous connaissons tous des situations intolérables. Certaines personnes ne peuvent pas choisir de partir, et vivent l'épreuve de la déchéance. Il faut du courage pour avouer qu'on veut en finir. Aimer ces personnes, c'est le comprendre.

Voter ce texte, c'est faire le choix de la liberté, du choix, de l'égalité et de la fraternité car c'est une preuve d'amour. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Annick Jacquemet .  - L'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose que la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. C'est la liberté de vivre, mais aussi de mourir.

Malgré les lois existantes, les fins de vie sont parfois inhumaines : des corps qui sont des plaies, des proches avec lesquels on ne peut plus communiquer qu'avec les yeux, que l'on veut aider, mais pour lesquels on ne peut rien faire... C'est inhumain.

Je remercie nos collègues de proposer une solution. J'espère que notre assemblée nous permettra d'échanger nos convictions et nos expériences personnelles.

La dernière preuve d'amour pour quelqu'un, c'est de l'accompagner jusqu'au bout et de respecter sa décision. N'est-ce pas égoïste de refuser de le voir partir ?

Monsieur le ministre, j'ai entendu vos propositions. Les soins palliatifs ne sont pas suffisamment développés. Les familles sont souvent seules face à leurs malades alités. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, SER et CRCE et sur plusieurs travées du RDSE)

Mme Marie-Noëlle Lienemann .  - Ces débats sont récurrents et je suis étonnée que nous ayons un tel retard sur d'autres pays.

Pendant des années, on nous a expliqué que la seule politique responsable était les soins palliatifs, que la sédation n'était pas souhaitable. Avec l'évolution des autres pays et face à la réalité, la loi Claeys-Leonetti a finalement été une avancée, mais insuffisante.

Où commence et où finit la liberté de chaque individu ? Dans la vision républicaine rappelée par notre collègue, elle finit là où commence la liberté des autres et là où elle porte atteinte à l'intérêt général. Dans les cas dont nous parlons, personne n'est lésé ; la société ne l'est pas non plus ! Je félicite Mme de La Gontrie d'avoir mis ce sujet au débat.

Il est important par ailleurs de faire vivre le principe de fraternité, fondé sur la dignité humaine. Permettons à toute personne qui le souhaite, quand elle estime sa dignité bafouée, de mourir. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER et sur plusieurs travées du GEST)

M. David Assouline .  - Mourir dans la dignité, c'est vivre collectivement dans la dignité. C'est l'assurance que notre dignité sera respectée jusqu'à la fin. Cela a été bien plaidé par de nombreux collègues, mêlant réflexion personnelle et acte politique. Je les en remercie, ainsi que Marie-Pierre de La Gontrie.

Le Sénat est souvent considéré, à tort, comme une chambre du passé. Or, dans son histoire, il a souvent été à la pointe sur les questions de société, étant moins soumis à la pression de l'opinion.

Poursuivons cette tradition de liberté en participant positivement au débat.

Je constate, hélas, que ceux qui ne sont pas dans l'hémicycle décideront pour les autres. La majorité n'est pas là pour échanger... (Marques d'impatience à droite)

Mme la présidente.  - Veuillez conclure

M. David Assouline.  - Je voterai ce texte.

M. Jean-François Longeot .  - À titre personnel et au nom de la liberté, je voterai l'article premier. Ce débat, certes difficile, ne peut pas être toujours repoussé. Il nous touche personnellement, mais, comme parlementaires, nous devons décider et assumer nos décisions.

Paulette Guinchard-Kunstler, qui était députée de la circonscription où se trouve la commune dont j'étais maire, n'était pas favorable au suicide assisté ; elle y a pourtant eu recours à la fin de sa vie. Cela doit nourrir notre réflexion.

Je comprends que certains y soient opposés, mais je crois que la liberté ordonne de permettre de mourir dans la dignité. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et SER, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE et du GEST)

M. Jean-Michel Arnaud .  - J'ai été élu il y a quelques mois. Famille, amis, professionnels de santé, responsables associatifs m'ont demandé de porter la voix de la tendresse, de l'amour et de la bienveillance pour ceux qui ne reconnaissent plus dans leur expérience la vie qu'ils ont eue.

Je pensais qu'au Sénat, il était possible de trouver des consensus au-delà des clivages et des idéologies.

Il faut entendre les familles et les équipes qui accompagnent les mourants : ils réclament une évolution de la législation.

Je souhaite que nous votions ce texte pour que le débat se poursuive à l'Assemblée nationale, dans un souci de dignité, de fraternité et d'humanité. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, SER et CRCE et sur plusieurs travées du GEST et du RDSE)

Mme la présidente.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par MM. Médevielle, Menonville et Chasseing, Mmes Paoli-Gagin et Mélot et MM. Lagourgue et Capus.

Supprimer cet article.

M. Pierre Médevielle.  - La loi Leonetti-Claeys, votée en 2016, modifie les dispositions applicables en matière d'accompagnement de la fin de vie. Cependant, elle n'est pas suffisamment appliquée. Attachons-nous à l'appliquer, plutôt que de la modifier.

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - À titre personnel, je suis opposée à cette suppression de l'article premier. La loi de 2016 comporte des lacunes pour certaines situations, notamment lorsque la mort n'est pas imminente. Dès lors, certains patients se rendent à l'étranger. Toutefois, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à cette suppression.

M. Olivier Véran, ministre.  - Je remercie ceux qui se sont exprimés sur l'article premier. Ces débats sont essentiels.

J'avais travaillé sur la loi Claeys-Leonetti comme député...

M. Rachid Temal.  - Socialiste !

M. Olivier Véran, ministre.  - Tout à fait. Ce n'est pas un gros mot ! Cette proposition de loi va au-delà.

L'un de mes professeurs à la faculté de médecine disait : on ne peut pas vouloir la mort, parce que l'homme ne peut pas vouloir ce qu'il ne connaît pas. Or nul ne sait ce qu'il y a après la mort. En revanche, il est concevable qu'on ne veuille plus vivre une vie devenue insupportable. La loi Claeys-Leonetti répond à cette situation : il n'y a pas de solution qui ne puisse être apportée à un patient qui serait en souffrance physique ou morale violente, irrémédiable, irréversible.

Ce texte répond à une situation différente. Comme médecin neurologue, j'ai eu à annoncer des maladies graves, des maladies de Charcot. Certaines familles m'ont demandé qu'on abrège la souffrance de leur proche. Les directives anticipées rendent les situations moins conflictuelles, mais les proches parfois s'y opposent.

Je me souviens d'un patient âgé qui avait fait un grave accident vasculaire cérébral. Il n'aurait jamais retrouvé la parole. « Que faire ? » ai-je demandé à sa femme. L'emmener en réanimation ou tout arrêter ? C'est une question très difficile, surtout qu'elle se pose le plus souvent de manière brutale.

Il est préférable de faire mieux connaître la loi de 2016 et de développer les soins palliatifs, comme je l'ai annoncé avec le cinquième plan. Quand elle est appliquée, la loi Claeys-Leonetti, qui est issue d'un consensus droite-gauche, répond aux problématiques rencontrées dans la grande majorité des cas.

Votre proposition est différente : il s'agirait ici de choisir les conditions et le moment de sa mort. Cela suppose un débat sociétal. Certains pays sont allés très loin en matière de suicide assisté et sont revenus en arrière. D'autres n'ont pas anticipé et se sont retrouvés confrontés à de violents débats, notamment s'agissant de patients mineurs.

En tant que ministre, je ne me positionnerai jamais sur le terrain de la morale. En revanche, je considère que, malgré le sérieux du travail et l'ancienneté de la réflexion, les conditions ne sont pas réunies pour adopter une telle proposition de loi, dans un contexte épidémique qui rend encore plus sensible la question des personnes âgées dans les Ehpad et les services de réanimation. (Protestations à gauche)

Le Gouvernement n'a pas de mandat pour soutenir une mesure qui n'a pas été présentée aux Français lors de la campagne présidentielle. (Vives protestations à gauche)

M. Hussein Bourgi.  - Et la souveraineté du Parlement ?

M. Olivier Véran, ministre.  - Un sujet aussi important justifie qu'on en avertisse les Français. Ce débat, légitime, se poursuivra mais en l'état, le Gouvernement est défavorable à cette proposition de loi et donc favorable à l'amendement de suppression. (Protestations à gauche)

M. Jacques Grosperrin.  - Très bien.

Mme la présidente.  - Je vous indique qu'un scrutin public a été demandé sur cet amendement.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales.  - Mme Meunier a donné sa position personnelle sur ce texte, qu'elle soutient. Néanmoins, la commission des affaires sociales, défavorable au texte, a émis un avis favorable à cet amendement de suppression.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - La rapporteure l'a dit !

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission.  - La loi Claeys-Leonetti a ses faiblesses, elle ne répond pas à toutes les situations - je pense à la maladie de Charcot. Mais ce texte n'en est pas le prolongement : il ouvre de nouveaux droits, au suicide assisté et à l'euthanasie active.

Chaque position est respectable et nous ne portons pas de jugement de valeur, tant ce sujet touche à l'intime. La dignité est inhérente à la qualité humaine : toute personne reste digne jusqu'à son dernier moment. La dignité est aussi dans le regard que l'on porte sur la personne que l'on accompagne. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP)

M. Jacques Grosperrin.  - Très bien.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Je salue la qualité des interventions qui ont montré que le Sénat est capable d'échanges transpartisans. Je vous en remercie.

S'il est voté, cet amendement videra le texte de sa substance. J'ai entendu qu'un scrutin public avait été demandé. Pourtant, ce matin, la majorité des présents, sur tous les bancs, ont exprimé leur soutien au texte, même s'il y a des divergences.

Le scrutin public pose dès lors un problème démocratique. Il ne reflétera sûrement pas la position de cet hémicycle, pourtant fourni. Je souhaite que le groupe à l'origine de cette demande de scrutin public laisse vivre la démocratie. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, GEST et sur plusieurs travées du RDPI)

M. Olivier Cadic.  - Lorsque j'étais membre de la commission des affaires sociales, j'avais exprimé à MM. Claeys et Leonetti mon insatisfaction devant l'absence de possibilité de suicide assisté en cas de maladie incurable. Une amie, dans cette situation, venait de m'appeler : elle souhaitait aller en Suisse, mais ce n'est pas si simple, elle ne l'a pas pu. Elle voulait s'endormir en tenant la main de ses enfants. Cela a duré des semaines, son fils a dû repartir outre-mer : sa dernière volonté n'a pu être accomplie. Je ne voterai pas cet amendement. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, GEST et sur plusieurs travées des groupes UC et RDPI)

Mme Laurence Cohen.  - Nos débats sont riches, nous livrons une partie du plus profond de nous-mêmes. Je respecte toutes les positions, mais je crois que le Sénat doit jouer son rôle, avancer et voter ce texte. C'est une attente des Françaises et des Français.

L'argument de M. le ministre selon lequel il aurait fallu un débat de société ne me convainc pas. Que fait-il de la souveraineté du Parlement ? L'abolition de la peine de mort n'a pas fait l'objet d'un référendum !

Je suis très attachée à la liberté de pouvoir choisir sa mort. Il est hypocrite de dire que la loi actuelle est suffisante, alors que tant d'exemples montrent le contraire.

Aller à l'étranger pose un problème de coût, et ne permet pas un accompagnement par les proches. Ne votons pas cet amendement de suppression. (Applaudissements à gauche)

M. Pierre Ouzoulias.  - Nous débattrons bientôt du projet de loi sur les principes de la République. Le premier d'entre eux est la souveraineté populaire, dont les parlementaires sont les représentants. C'est le Parlement qui fait la loi. Le césarisme référendaire n'est pas constitutif de la République.

On ne sait pas ce qu'il y a après la mort, ai-je entendu. À aucun moment notre débat n'a dépassé le cadre de la laïcité - autre principe de la République. Nous avons eu un débat noble, respectueux du sentiment religieux, un débat sur le droit.

Je me suis reconnu dans les propos de M. Arnaud : avoir fréquenté les services de soins palliatifs, cela change profondément votre conception. Vous savez bien, monsieur le ministre, que dans la pratique, le personnel médical va au-delà de ce que prévoit la loi, car il tient compte de la détresse des malades et des familles. Cessons cette hypocrisie et faisons avancer le droit, pour les protéger. (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Mouiller.  - À mon tour de saluer la qualité du débat qui a eu lieu ici mais aussi au sein de chaque groupe politique. Le scrutin public, que je confirme, garantit que la position de chacun sera respectée. J'entends les réserves de Mme de La Gontrie, mais lui fais observer qu'en 2001, son groupe n'hésitait pas à recourir aux scrutins publics ! Je ne sais pas quel sera le résultat du vote, car les positions divergent. J'attends de voir l'expression de la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Oh, la démocratie...

M. Guillaume Gontard.  - Cet amendement vide le texte de son sens et je regrette qu'il ne fasse pas l'objet d'un vote personnel.

La liberté de choisir sa fin de vie touche à ce qu'il y a de plus intime. Quelles que soient nos convictions, la réalité et l'actualité médiatique nous ébranlent. La société est demandeuse d'une évolution : 96 % des Français sont favorables à l'euthanasie.

Je comprends les réticences du corps médical mais alors que l'espérance de vie augmente, que le transhumanisme ouvre des possibilités vertigineuses, acceptons que certains puissent faire un autre choix, mûrement réfléchi, face au défi du grand âge, de la maladie, de la détérioration du corps et de la conscience. Il est temps d'inscrire cette ultime liberté dans la loi. Je suis totalement opposé à cet amendement. (Applaudissements sur quelques travées à gauche)

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Sans cet amendement de suppression, nous voterions pour ou contre l'article. Je trouve très regrettable de ne pas avoir la possibilité de voter pour cette loi. C'est illisible pour l'opinion. Avec cet amendement, on nous oblige à adopter une position renversée, hypocrite. Si vous êtes contre la proposition de loi, votez à l'issue de son examen !

Mme Michelle Gréaume.  - Chacun a sa vision propre du droit de mourir. J'ai toute confiance dans nos médecins. Ce n'est pas simple : la procédure est longue, l'issue fatale. Ce texte ne prévoit aucune obligation, c'est un choix laissé à celui qui le souhaite. Des patients mais aussi certains médecins le réclament.

Le Président de la République, sollicité en direct par certains patients, avait répondu qu'on ne pouvait apporter de réponse à leur demande. Votons cette loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission.  - Madame Poncet Monge, il n'y aurait aucune cohérence à voter un article pour ensuite voter contre le texte ! L'article premier est le coeur du dispositif. Quand bien même l'amendement de suppression ne serait pas adopté, nous voterions contre l'article ! Je ne comprends pas cette nouvelle façon de légiférer.

Nous avons débattu au sein de notre groupe du scrutin public, dont on peut penser ce que l'on veut.

M. David Assouline.  - Que du mal !

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission.  - Nos collègues ont donné des consignes de vote...

M. David Assouline.  - Ils ne sont pas là !

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission.  - Vous ne l'êtes pas toujours non plus, monsieur Assouline !

Retirer la demande de scrutin public serait inconvenant à leur égard. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°2 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°88 :

Nombre de votants 331
Nombre de suffrages exprimés 303
Pour l'adoption 161
Contre 142

Le Sénat a adopté.

L'article premier est supprimé.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Cet article était le coeur de la proposition de loi. À regret, vu la qualité du débat et le résultat éloquent du vote, en vertu de l'article 26 du Règlement du Sénat, je retire la proposition de loi de l'ordre du jour de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, GEST, UC et RDPI)

Mme la présidente.  - Acte est donné du retrait de cette proposition de loi par le groupe SER de l'ordre du jour de son espace réservé.

La séance est suspendue à 13 h 15.

présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président

La séance reprend à 14 h 45.

Lutte contre le plastique

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à lutter contre le plastique, présentée par Mme Angèle Préville et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe Socialiste, écologiste et républicain.

Discussion générale

Mme Angèle Préville, auteure de la proposition de loi .  - Chaque minute, l'équivalent d'un camion poubelle de plastiques est déversé dans l'océan : triste réalité !

Il faut agir ensemble pour lutter contre cette contamination diffuse et persistante. Ce texte, issu de ma longue réflexion personnelle et des travaux de l'Office parlementaire de l'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) que j'ai réalisés avec le député Philippe Bolo, présente des mesures préventives et ciblées. Il a été voté à l'unanimité par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Je tiens à en remercier son président Jean-François Longeot, sa rapporteure Martine Filleul, et tous ses membres. Nous devoir agir collectivement en responsabilité.

Le plastique est un des maux de notre siècle, une véritable bombe à retardement. La polyvalence des plastiques les a rendus omniprésents : résistant, il est le produit star du tout jetable. Si l'on ne fait rien, la production doublera encore d'ici à 2050 ! Environ 80 % des plastiques deviennent des déchets en moins d'un an...

Les plastiques sont très divers, avec des centaines de formulations : un polymère de base, des charges, des additifs. Mais ils sont toujours peu coûteux, légers et résistants.

Le plastique est très persistant et se fragmente dans la nature. D'où une pollution particulièrement insidieuse et diffuse. Avis aux entreprises ou industries dans le plastique : notre inaction est mortelle pour la biodiversité ! Un million d'oiseaux et 135 000 mammifères sont tués chaque année par le plastique.

La mer Méditerranée, la plus polluée au monde, reçoit 600 000 tonnes de déchets plastiques par an. Les océans sont devenus des déversoirs ; on parle même de continents de plastique. On a trouvé des micro-plastiques dans les glaces de l'Everest, dans les eaux de l'Antarctique et même dans l'air au sommet du Pic du Midi !

Environ 200 millions de tonnes de déchets plastique se sont accumulées dans les océans, 8 millions de tonnes étant déversées chaque année. La France est responsable de 80 000 tonnes par an. Chaque Français produit chaque année 66 kilogrammes de déchets plastique et ingère cinq grammes de plastique par semaine, soit une carte de crédit... Certaines molécules plastique franchissent même les barrières cellulaires : c'est tout le vivant qui est contaminé !

L'animal qui ingère du plastique ingère aussi tous les polluants qu'il a intégrés. Le plastique transporte aussi des invasifs, ce qui peut être source de pollutions et maladies. Certains composés du plastique sont des perturbateurs endocriniens. Les atteintes à la biodiversité sont massives, mais l'accumulation de déchets se poursuit.

Les deux premiers articles de cette proposition de loi reprennent des amendements adoptés au Sénat lors de l'examen de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (AGEC). Nous voulons limiter les fuites dans l'environnement, notamment industrielles, mais aussi sensibiliser les consommateurs. Il est urgent d'agir maintenant pour notre environnement et notre santé ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; MM. Frédéric Marchand et Gérard Lahellec applaudissent également.)

Mme Martine Filleul, rapporteure de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - Je salue Mme Préville, auteure d'un rapport de l'Opecst sur ce sujet primordial, et nos collègues de la commission, qui ont amélioré la loi sur l'économie circulaire. Je me réjouis de retrouver sur ce texte l'état d'esprit constructif et positif que nous avions connu à cette occasion et je forme le voeu qu'il en aille de même lors de l'examen du projet de loi Climat.

La proposition de loi s'attaque aux pollutions induites par le plastique plutôt qu'au matériau lui-même, d'où le changement d'intitulé adopté par la commission.

L'article premier renforce le cadre juridique contre les rejets de granulés qui s'accumulent sur nos littoraux et dans nos océans - 25 000 tonnes par an pour l'Europe ! La commission l'a réécrit pour contraindre les entreprises concernées à déclarer annuellement leurs pertes.

L'article 2 interdit l'ajout intentionnel de microbilles dans les détergents, qui entraîne le rejet de 36 000 tonnes de plastique par an en Europe. La commission a adopté un amendement pour laisser un temps d'adaptation suffisant aux producteurs, avec une entrée en vigueur fixée au 1er juillet 2022.

L'article 3 assimile les lâchers intentionnels de ballons de baudruche à l'abandon de déchets dans l'environnement.

L'article 4 prévoit un rapport remis au Parlement sur les impacts sanitaires, environnementaux et sociétaux des fibres textiles en plastique.

La commission a entendu encadrer l'utilisation des granulés en plastique sur les terrains de sport synthétiques. Ceux-ci rejettent 50 kilogrammes de plastique par terrain et par an, soit 16 000 tonnes à l'échelle européenne. Deux solutions ont été proposées par l'Agence européenne des produits chimiques (AEPC) : interdiction ou confinement technique. La Commission européenne et les États membres devront trancher. Le confinement a un effet limité et peut être aussi coûteux que la restriction. Le liège ou les noyaux d'olive broyés pourraient être utilisés en substitution. La commission souhaite une interdiction pour les nouveaux terrains à partir du 1er mars 2026. C'est une solution pragmatique pour les collectivités territoriales.

La commission a débattu de l'explosion des déchets liés à la restauration livrée, un marché en croissance de 30 %, avec 600 millions d'emballages à usage unique par an. Une charte a été signée à l'initiative du Gouvernement, mais elle est non contraignante et peu ambitieuse. Il faut accélérer, notamment sur les déchets non réemployables.

Cette proposition de loi pragmatique et volontariste ouvre des perspectives en vue du projet de loi sur le climat. Saisissons-nous de cette opportunité ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État chargée de la biodiversité .  - La pollution plastique est un fléau pour notre nature et notre santé. En un siècle, le plastique est devenu aussi courant que le ciment ou l'acier. Plus de 700 millions de tonnes se sont accumulées, notamment dans les océans avec de véritables continents plastiques. Songeons aux images effroyables d'océans souillés. Les gyres sont les décharges à ciel ouvert de notre civilisation inconsciente. Les nano-plastiques sont un fléau dans le fléau. On en retrouve jusque sur l'Everest...

Le Gouvernement entend être au niveau de cette urgence environnementale. Le temps des discours est révolu. Nous devons agir concrètement pour changer nos habitudes de vie quotidienne.

La sortie du plastique à usage unique est prévue à l'horizon 2040. Les pailles, les boîtes en polystyrène des fast food sont interdites. Nous tiendrons le cap avec des décrets parus et à paraître. D'ici cinq ans, le volume des emballages en plastique à usage unique baissera de 20 %.

Nous entendons favoriser le vrac, un système concret et souple plébiscité par les Français. Le projet de loi sur le climat et la résilience prévoit qu'un cinquième des surfaces commerciales de plus de 400 mètres carrés seront réservées au vrac d'ici 2030.

Grâce à la charte signée le 15 février par Barbara Pompili, les acteurs de la restauration livrée s'engagent sur les 600 millions d'emballages de leur activité.

Cette proposition de loi illustre l'engagement du Parlement. Elle démontre que l'ensemble de la représentation nationale a intégré l'urgence. La lutte contre le plastique est une responsabilité collective. Elle engage chacun dans ses habitudes du quotidien. Les lanternes comme les ballons de baudruche sont des facteurs de pollution... L'interdiction des billes dans les cosmétiques est une avancée majeure que nous devrons au Sénat.

Nous créons des filières de responsabilité élargie du producteur (REP), notamment sur les mégots de cigarette. Au même moment, contrôles et sanctions sont renforcés. Le plan de relance prévoit 40 millions d'euros sur les emballages, 150 millions d'euros sur le recyclage et 80 millions d'euros sur le tri sélectif sur la voie publique. Nous avons un cadre, des actions, des moyens.

Je vous remercie pour cette proposition de loi qui sert notre ambition collective.

M. Éric Gold .  - Polyvalents, pratiques, les plastiques connaissent un essor continu depuis les années 1950. On en produit 5 millions de tonnes par an, soit 70 kilogrammes par habitant. Seulement un quart est recyclé : ce taux augmente mais il est encore bien insuffisant !

La pollution plastique représente un désastre pour nos écosystèmes et notre santé. On les retrouve jusque dans notre alimentation - nous en ingérons cinq grammes par semaine - or ils contiennent des additifs dangereux comme les perturbateurs endocriniens. On ne sait encore pas grand-chose sur leur impact...

Je salue l'interdiction des couverts et pailles en plastique à usage unique et l'objectif de 100 % de plastique recyclé d'ici 2025 et la fin des emballages en plastique à usage unique d'ici 2040.

Cette proposition de loi anticipe la révision du règlement européen REACH.

La commission a adopté mon amendement sur les lâchers de ballons, revenant sur un régime de sanctions excessif. Le lâcher de lanternes volantes devra aussi être encadré.

Les avancées prévues restent cependant limitées. Il faut une lutte plus systématique contre le plastique, notamment dans le secteur de la livraison de repas. La charte signée en février dernier doit être contraignante.

Avec les déchets liés au Covid, une occasion a été manquée. Des solutions de désinfection et de recyclage existent pourtant.

Dans sa grande majorité, le groupe RDSE votera ce texte utile.

Mme Marie-Claude Varaillas .  - Nous remercions nos collègues socialistes pour cette proposition de loi contre un fléau des temps modernes. Mais la stratégie des petits pas est-elle la bonne ? Il faut un changement de paradigme pour traiter vraiment le problème à la racine. Il est vain d'imaginer limiter les déchets plastiques sans agir sur notre modèle de production. Nous devons en finir avec l'ordre cannibale qui pille et exploite.

La proposition de loi complète utilement la loi sur l'économie circulaire. Nous proposons que le champ d'application de l'article 2 soit élargi. Nous soutiendrons l'article 3. Le rapport prévu à l'article 4 nous paraît particulièrement opportun. Des filtres pourraient être installés sur les machines à laver ; des alternatives naturelles au plastique textile existent. Nous sommes d'accord avec l'interdiction des granulés sur les terrains de sport.

Nous proposons que la France s'aligne sur la réglementation européenne, notamment en matière de sacs plastique et de polystyrène expansé.

Nous voterons cette proposition de loi utile pour l'environnement et la protection du vivant. Et nous reprendrons les propositions des 150 membres de la convention pour le climat injustement écartées dans le projet de loi sur le climat.

M. Jean-Paul Prince .  - (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC) Nous avons profité des bienfaits des hydrocarbures jusqu'à la lie. Le plastique a été une formidable invention, un miracle industriel qui a élevé le niveau de vie de façon inédite, mais nous en avons abusé et il menace aujourd'hui les écosystèmes et notre santé. Nous devons donc revoir nos choix et réduire drastiquement la production de ces matières.

Blâmer l'utilisateur, c'est se défausser. L'industrie déverse des milliards de tonnes de plastique sur le marché : produisons moins et utilisons d'autres matériaux. Conformément au rapport de l'Opecst, cette proposition de loi comble les manques de la loi AGEC. Je salue les améliorations apportées par la commission, notamment sur les terrains de sport.

Tout cela n'est pas neutre économiquement. Le plastique représente de nombreux emplois, mais ceux-ci pourraient être reconvertis car le secteur a les moyens de sa mue.

L'immense majorité du groupe UC votera cette proposition de loi.

Mme Marta de Cidrac .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je remercie notre collègue Angèle Préville de son initiative à la suite de son rapport pour l'Opecst. Cette proposition de loi s'inscrit dans le sillage de la loi AGEC, nourrie par le travail parlementaire, avec 14 amendements en commission et 222 en séance publique. J'en avais été la rapporteure et j'en suis fière.

Le décret sur les emballages plastique à usage unique a heureusement été signé mais il manque encore deux tiers des textes d'application de la loi. La loi AGEC prévoit des avancées sur la fuite des granulés plastique. Nous attendons le décret, mais des entreprises se sont déjà engagées volontairement, notamment à travers l'opération Clean Sweep.

L'ajout de microbilles aux détergents a déjà été débattu au Sénat. La dynamique européenne est primordiale dans cette lutte : la France ne pourra tout faire seule.

Les amendements de la commission ont amélioré le texte et je salue le travail de Martine Filleul. Je pense notamment aux terrains de sport synthétiques, responsables du rejet de 16 000 tonnes de granulés plastique chaque année à l'échelle européenne, ou au changement de l'intitulé du projet de loi. Nous voulons lutter contre la pollution plastique et non abolir le plastique. Il ne s'agit pas d'affaiblir la filière française, forte de 200 000 emplois, et d'importer du plastique !

Depuis mars 2020, ce matériau a pris une grande place dans notre vie : masques, emballages plastique... Pour changer cela, il y a deux leviers. D'abord, faire de la prévention auprès des consommateurs. Ensuite, poursuivre la recherche en direction d'alternatives viables. Nous devons aussi accompagner la filière à court, moyen et long terme.

Appuyons-nous sur les initiatives existantes, n'attendons pas tout de la loi française, déjà exigeante, et évaluons la loi AGEC. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Joël Bigot applaudit également.)

M. Pierre Médevielle .  - La lutte contre la pollution plastique sera l'un des grands enjeux de notre siècle. Certains plastiques menacent l'écosystème, notre santé ou l'environnement.

Je salue la modification du titre de la proposition de loi. Il est important de travailler avec les industriels et de poursuivre la recherche pour trouver des matériaux alternatifs propres. J'accueille très favorablement l'interdiction des terrains de sport synthétiques et des microbilles dans les détergents.

Il faut aussi continuer à développer les filières de recyclage pour créer un cercle vertueux. Nos concitoyens se sentent concernés. Moi qui suis pharmacien, au moment de l'interdiction des sacs en plastique, j'avais des doutes sur la faisabilité et le coût mais nos habitudes ont changé et tout se passe bien.

La discussion sur les contenants réutilisables pour la restauration livrée intéresse les acteurs. Les industriels sont ouverts. Nous devons les accompagner.

La qualité de l'eau est excellente dans nos territoires : ressortons nos carafes en verre ! Nous devons faire plus que de l'affichage, à différents échelons. (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC)

M. Jacques Fernique .  - Léo Ferré, le premier, a fait rimer plastique avec fantastique. Le rapport Bolo-Préville montre aujourd'hui que plastique ne rime pas avec écologique.

L'essentiel du plastique devient un déchet au bout d'un an, ce qui est paradoxal pour une matière plébiscitée pour sa durabilité. Moins de 60 % des plastiques collectés sont réellement recyclés.

Le coût de la pollution n'est pas supporté par les producteurs : cela a conduit à une production insupportable. Il faut réguler et maîtriser cette bombe à retardement. Les collectivités territoriales ont des leviers d'action : la ville de Strasbourg a décidé en 2017 de supprimer le plastique des cantines scolaires.

Cette proposition de loi est une étape positive et a le soutien total du GEST. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)

Mme Nadège Havet .  - En 2017, les Nations unies ont dressé un constat effrayant : on recense entre 15 et 51 milliards de particules de plastique dans les océans. Les micro-plastiques sont partout. Sur les 400 millions de tonnes de plastique produits chaque année, 10 millions de tonnes finissent dans les océans.

L'Union européenne a agi, avec des restrictions de grande ampleur. Cette proposition de loi s'inscrit dans la même veine, ainsi que dans celle de la loi AGEC. La France joue un rôle moteur. Notre groupe soutient les articles premier, 2 et 3 du texte. Je salue la mise à l'agenda parlementaire de la question des terrains de sport synthétiques par Françoise Cartron et Frédéric Marchand dès 2018 : il faut à présent avancer. Nous poursuivrons grâce au projet de loi sur le climat et la résilience. Réjouissons-nous de la présidence française de l'Union européenne, dans neuf mois, qui sera aussi une occasion de marquer notre détermination.

M. Joël Bigot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Il y a un peu plus d'un an, nous votions la loi AGEC, dont les ambitions avaient été rehaussées par le groupe SER et le Sénat.

La France, en tant que premier producteur européen de déchets de plastique, doit être proactive, d'autant que la production doit doubler d'ici 2050.

Cette proposition de loi présente de précieuses avancées juridiques. Le rapport de l'Opecst montre l'urgence à agir : l'Anthropocène est devenu le Plasticocène. On retrouve des « larmes de sirène » jusqu'au bord de la Loire...

L'interdiction des microbilles dans les détergents est de bon sens. La question des microfibres plastique dans le textile -  par exemple le polyester  - est un impensé industriel. Elle est à l'origine d'un relargage de 18 000 à 46 0000 tonnes de plastique dans l'environnement par an. La fast fashion doit se poser quelques questions !

Je remercie la rapporteure Martine Filleul pour son travail. Sur ces questions, le Sénat montre qu'il sait dépasser les clivages partisans. J'espère que le Gouvernement s'y ralliera. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST)

M. Olivier Cigolotti .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je salue l'initiative de notre rapporteure sur l'intitulé de la proposition de loi. La crise de la covid-19 nous a rappelé à quel point la plasturgie est essentielle pour notre pays : visières, surblouses, gants... Les professionnels concernés répondent aux ambitions environnementales. Ils intègrent les exigences de l'économie circulaire, comme en Haute-Loire où Coveris Flexibles France investit 7 millions d'euros pour la plasturgie verte. En 2023, il entend produire à 85 % des produits recyclables.

Des initiatives politiques ambitieuses ont été engagées. Mais nous attendons encore de nombreux décrets sur la loi AGEC. Il faut cependant une certaine stabilité du contexte réglementaire. La proposition de loi agite le totem plastique alors que nous aurions besoin d'apaisement. Au lieu de multiplier les interdictions, aidons nos industriels à développer la recherche. Le risque est de les faire disparaître et de devoir encore importer du plastique ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC)

M. Didier Mandelli .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les plastiques sont présents dans la quasi-totalité de nos produits quotidiens et ont de nombreux apports bénéfiques. Ils améliorent la conservation des aliments, la sécurité médicale, l'isolation...

Mais la pollution plastique est une réalité. Chaque seconde, 17 000 tonnes de plastique sont déversées dans les océans : il y aura plus de plastique que de poissons en 2050 ! La France a le troisième espace maritime mondial : c'est une responsabilité importante et la problématique de la lutte contre les déchets plastiques doit être considérée avec un prisme international. Selon Ocean Conservancy, cinq pays seraient la source de plus de la moitié des déchets plastiques des océans : la Chine, l'Indonésie, les Philippines, le Vietnam et la Thaïlande émettraient à eux seuls 6,5 millions de déchets déversés dans les océans. La France peut jouer un rôle, avec ses 5 000 collectivités territoriales qui pilotent plus de 10 000 projets dans 134 pays. Via l'aide publique au développement, la France alimente le Fonds vert pour le climat à hauteur d'1,5 milliard d'euros.

La France est exemplaire depuis plusieurs années. La proposition de loi d'Angèle Préville s'inscrit dans la continuité de la loi AGEC. Je ne peux que saluer ses avancées, mais il reste beaucoup à faire : le projet de loi sur le climat favorisera des avancées.

Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Cigolotti, J.M. Arnaud et Bonneau, Mmes Loisier, Férat, Gatel, Morin-Desailly et Doineau, M. Moga, Mme Sollogoub, MM. Canevet, Duffourg, Levi, Détraigne et Chauvet, Mme Jacquemet et MM. Le Nay et Vanlerenberghe.

Supprimer cet article.

M. Olivier Cigolotti.  - L'article premier encadre les pertes et fuites de granulés de plastiques industriels dans l'environnement. Cet objectif est déjà couvert par l'article 83 de la loi AGEC qui précise qu'à compter du 1er janvier 2022, les sites de production, de manipulation et de transport de granulés de plastiques industriels seront dotés d'équipements et de procédures permettant de prévenir les pertes et les fuites.

En outre, le décret prévu par l'article 83 n'est pas encore publié. Attendons d'avoir un peu de recul...

Mme Martine Filleul, rapporteure.  - Avis défavorable. Les dispositions de l'article premier sont indispensables à la bonne application de la loi AGEC et rétablissent la position du Sénat de l'an dernier.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Les pertes de granulés sont considérables. La rédaction issue de la CMP était équilibrée. Je suis réservée sur l'obligation de déclaration annuelle de pertes. Avis favorable.

L'amendement n°1 rectifié n'est pas adopté.

L'article premier est adopté.

ARTICLE 2

L'amendement n°4 est retiré.

L'article 2 est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 2

L'amendement n°2 est retiré, de même que l'amendement n°3.

ARTICLE 2 bis

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié, présenté par MM. Lozach et Devinaz.

Supprimer cet article.

M. Gilbert-Luc Devinaz.  - Les granulés issus du recyclage des pneus en fin de vie permettent d'économiser 60 % de CO2. La date d'interdiction fixée en 2026 est trop proche pour trouver des alternatives. Enfin, le synthétique est un outil essentiel pour les collectivités, car il soulage les terrains gazonnés, dont l'entretien est lui aussi polluant. Cet article aurait mérité une étude d'impact. Supprimons-le.

Mme Martine Filleul, rapporteure.  - Avis défavorable. Le danger est considérable, avec 50 kilogrammes de rejets par an et par terrain. Il existe des solutions alternatives, et celles envisagées par la Commission européenne vont dans le même sens que ce texte.

Notre proposition est volontariste et pragmatique. Elle ne concerne que les nouveaux terrains. En outre, le délai de 2026 est raisonnable.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Avis défavorable, mais avis favorable à l'amendement n°7 rectifié qui va suivre : retarder l'échéance à 2028 est plus cohérent avec le calendrier européen.

L'amendement n°8 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié, présenté par MM. Savin, Kern, Hugonet, Belin, Pellevat et Henno, Mme Thomas, M. Regnard, Mme Belrhiti, M. Paccaud, Mmes Borchio Fontimp et Demas, MM. Laugier et Levi, Mmes Joseph et Chauvin, M. Détraigne, Mmes Deromedi et Muller-Bronn, MM. Vogel, Bouchet, Burgoa, E. Blanc, Duffourg et Chauvet, Mme Imbert, M. Meurant, Mmes Di Folco et Canayer, MM. Moga, Bonhomme, Courtial et Chatillon, Mme Gruny, M. Bazin, Mmes Guidez et Puissat, M. Cardoux, Mmes Estrosi Sassone et Ventalon, MM. Genet, Pemezec et Favreau, Mme Gosselin, MM. Bonne et Lefèvre, Mmes Jacquemet, Deroche et M. Mercier et M. B. Fournier.

Alinéa 2

Remplacer l'année :

2026

par l'année :

2028

Mme Jacky Deromedi.  - Défendu.

L'amendement n°7 rectifié, repoussé par la commission et accepté par le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 2 bis est adopté.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié, présenté par MM. Gold, Cabanel et Corbisez, Mme Guillotin et MM. Guiol, Requier et Roux.

Alinéa 2

Après le mot :

plastique

insérer les mots :

ou de lanternes volantes non biodégradables

M. Éric Gold.  - Cet amendement réserve le même traitement au lâcher de lanternes volantes non biodégradables qu'à celui des ballons de baudruche en plastique. Ces lanternes sont à la fois une source de pollution, car leurs parties métalliques sont des déchets, et un risque d'incendie.

En outre, la mention « non biodégradable » est trompeuse, aussi soutiendrons-nous le sous-amendement de la rapporteure.

M. le président.  - Sous-amendement n°9 à l'amendement n 6 rectifié de M. Gold, présenté par Mme M. Filleul, au nom de la commission.

Amendement n° 6, alinéa 5 

Supprimer les mots : 

non biodégradables

Mme Martine Filleul, rapporteure.  - Avis favorable à l'amendement n°6 rectifié sous condition d'adoption de ce sous-amendement qui supprime la référence à la nature non biodégradable des lanternes volantes.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Avis favorable à l'amendement tel que sous-amendé. Exclure les lanternes violentes biodégradables de l'interdiction n'est pas compatible avec l'impératif de lutte contre les incendies.

Le sous-amendement n°9 est adopté.

L'amendement n°6 rectifié, sous-amendé, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par Mme M. Filleul, au nom de la commission.

Alinéa 2

Après le mot : 

déchets

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

commis sur le lieu du lâcher.

Mme Martine Filleul, rapporteure.  - Cet amendement de précision garantit l'application effective de l'article 3, en assimilant un lâcher de ballons à un abandon de déchets commis sur le lieu du lâcher. Cela facilitera l'exercice par le maire de son pouvoir de police.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - ...Et rendra l'article plus opérationnel ! Avis favorable.

L'amendement n°5 rectifié est retiré.

L'amendement n°10 est adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

L'article 4 est adopté.

La proposition de loi, modifiée, est adoptée à l'unanimité.

(Applaudissements sur toutes les travées)

La séance est suspendue pour quelques instants.

Création d'une vignette « collection » pour les véhicules d'époque

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à la création d'une vignette « collection » pour le maintien de la circulation des véhicules d'époque, présentée par M. Jean-Pierre Moga et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe UC.

Discussion générale

M. Jean-Pierre Moga, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP ; M. Gérard Longuet applaudit également.) La proposition de loi crée une vignette gratuite pour les véhicules disposant d'une carte grise de collection ; cela vaudrait dérogation de circulation dans les zones à faibles émissions (ZFE). Je remercie les plus de 80 cosignataires de ce texte.

Avec la pollution croissante de l'air, les ZFE sont appelées à juste titre à se multiplier. Elles sont déjà en place dans le Grand Paris, à Grenoble et à Lyon et la loi d'organisation des mobilités (LOM) prévoit leur création à Aix-Marseille, Montpellier, Nice, Rouen, Strasbourg, Toulon et Toulouse. Avec la prochaine loi Climat qui les étendra encore, elles concerneront des dizaines de millions de Français.

Les ZFE limitent la circulation à certaines catégories de véhicule, sur la base de la vignette Crit'Air. Or les véhicules de collection ne peuvent prétendre à un bon classement.

Les intercommunalités peuvent instaurer une dérogation pour les véhicules de collection ; elle a été mise en place dans toutes les ZFE existantes. Mais demain, avec la multiplication de ces zones, qu'en sera-t-il ? Les possibilités de circulation pourraient se réduire.

Pourquoi faut-il préserver ces véhicules de collection ? D'abord pour des raisons patrimoniales. Au même titre que les cathédrales, les fleurons de notre industrie automobile appartiennent à notre patrimoine : tracteurs, véhicules agricoles ou militaires, camions de pompier, motos. Il faut entretenir ce patrimoine et pour cela, un usage occasionnel est indispensable.

Pour des raisons économiques ensuite. Cette filière d'artisanat et de TPE compte 24 000 emplois. Son chiffre d'affaires est de 4 milliards d'euros, le double de celui des sports mécaniques ! Il y a également un enjeu de transmission des savoirs.

Enfin, ces vieux véhicules que nous voyons parfois parader dans nos villes et nos campagnes procurent de la joie à leur propriétaire et à tous ceux qui les admirent. Ils entretiennent le vivre-ensemble et le lien intergénérationnel, si malmenés en temps de crise.

Ma proposition n'a rien d'élitiste : une 4CV Renault, première voiture française produite à plus d'un million d'exemplaires et première voiture neuve accessible pour un ouvrier, ou une Peugeot 203 ne coûtent pas plus de quelques milliers d'euros. C'est une passion populaire.

Ce texte serait centralisateur, m'a-t-on objecté, en prévoyant une dérogation nationale. Oui, mais la décentralisation et la différenciation consistent à autoriser des décisions différentes en fonction de situations locales distinctes. Elles ne s'appliquent pas ici : interdire à Lyon ce que l'on autorise à Grenoble serait au contraire une discrimination.

Ensuite, m'a-t-on opposé, la création d'une vignette pour les véhicules de collection ne serait pas écologique. Je m'inscris en faux : un véhicule de collection circule quinze fois moins qu'un véhicule ordinaire ; les émissions de particules fines de ces véhicules sont 100 000 fois inférieures, celles d'oxydes d'azote (NOx) 20 000 fois inférieures. L'Allemagne autorise, elle, la circulation des véhicules de collection dans ses zones écologiques depuis dix ans. C'est ce modèle que je vous propose de transposer.

Reste l'argument légistique : cette mesure relèverait du règlement. Mais combien de lois bavardes encourant ce reproche n'avons-nous pas votées dans cet hémicycle ? Trêve de malice : la loi créant les ZFE renvoie à un décret la liste des véhicules concernés par les dérogations éventuelles. C'est une erreur, car ce qui est en jeu, c'est la liberté fondamentale d'aller et venir. Le législateur doit reprendre ses droits.

Je félicite Mme Perrot de son travail et lui souhaite un prompt rétablissement. J'espérais bien entendu un avis favorable de la commission. J'escomte néanmoins que le Sénat votera ce texte, pour les 250 000 collectionneurs, pour les millions de sympathisants et pour continuer de voir briller les yeux des enfants dans nos campagnes ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Jean-François Longeot, en remplacement de Mme Evelyne Perrot, rapporteure de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - Je vous prie d'excuser Mme Perrot que je remercie pour son important travail et à qui je souhaite moi aussi un prompt rétablissement.

Cette proposition de loi a rallié plus de 80 signataires, ce qui est révélateur de l'empreinte ineffaçable des voitures de collection dans notre mémoire.

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a voulu envoyer un signal fort aux 250 000 détenteurs de voitures de collection, qui organisent 6 000 à 7 000 manifestations par an, et à un secteur de 24 000 emplois et 4 milliards d'euros de chiffres d'affaires.

Dans les années 1960, Roland Barthes écrivait dans Mythologies : « Je crois que l'automobile est aujourd'hui l'équivalent assez exact des grandes cathédrales gothiques : je veux dire une grande création d'époque, conçue passionnément par des artistes inconnus, consommée dans son image, sinon dans son usage, par un peuple entier qui s'approprie en elle un objet parfaitement magique. » La commission a été sensible à cette dimension d'un passé qui continue à imprégner le présent.

La proposition de loi vise à préserver un patrimoine à la fois industriel et culturel. Alors que nous cherchons à relocaliser des productions, le design de ces véhicules et le savoir-faire dont ils témoignent font honneur à l'excellence de notre industrie.

En outre, ces véhicules sont un vecteur d'apaisement dans les grandes villes où la circulation peut être source de tensions. Nous refusons le reproche d'élitisme : M. Moga l'a dit, un véhicule de collection n'est pas nécessairement très onéreux.

Les véhicules de collection représentent entre 0,5 et 1 % du parc roulant et parcourent en moyenne moins de 1 000 kilomètres par an. En revanche leur consommation d'essence est supérieure à la moyenne et ils émettent davantage de de CO2, notamment en cas de mauvais réglages.

Alertée sur une possible entrave à la circulation de ces véhicules dans les ZFE, la rapporteure a été rassurée par les collectivités territoriales concernées, de tous bords politiques, qui ont prévu des dérogations. L'intelligence territoriale est à l'oeuvre. De plus, le ministère des Transports a commencé des discussions avec la Fédération française des véhicules d'époque (FFVE).

Faut-il aller plus loin et voter une loi sur la libre circulation des voitures de collection ? Cela ne nous a pas semblé utile. Il est vrai que le Parlement a déjà voté des textes relevant du réglementaire, mais il est désormais plus exigeant et le Conseil d'État veille.

En l'espèce, les catégories de véhicules concernées par les dérogations de circulation en ZFE sont fixées par un décret en Conseil d'État. Une loi créerait ainsi une dissymétrie : dérogation nationale réglementaire pour les véhicules de pompiers ou de police, dérogation législative pour les véhicules de collection.

La transposition de l'exemple allemand nécessiterait non pas une loi, mais l'ajout des mots « aux véhicules de collection » à l'article R2213-1-0-1 du code général des collectivités territoriales. Les ZFE ont été conçues comme des outils à la disposition des collectivités territoriales, et le Sénat y est attaché.

La commission est donc attentive à la dimension patrimoniale des voitures de collection mais, par cohérence, n'a pas souhaité mettre en branle des mécanismes juridiques complexes.

Faisons confiance à l'intelligence territoriale et n'ouvrons pas la boîte de Pandore des dérogations nationales, ce que font certains amendements à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports .  - Qui n'a jamais vu passer, émerveillé, une 2CV, une DS, une Delage ou autre voiture de collection ? Parfois exposés dans nos villes ou sur nos places de village, ces véhicules sont une part de notre patrimoine, une tradition populaire et une trace de la part centrale qu'eut la France dans l'industrie automobile. Comme vous, le Gouvernement souhaite les préserver et en autoriser la circulation.

Les ZFE sont nécessaires dans les centres urbains les plus denses : c'est une question de santé publique. Dans les ZFE existantes, des dérogations ont été accordées aux véhicules de collection par la collectivité territoriale, compétente, alors qu'une dérogation nationale est réservée aux véhicules de police et de secours notamment.

Le projet de loi Climat simplifiera la réglementation en ouvrant la possibilité de créer des ZFE, donc de prévoir des dérogations, au niveau métropolitain.

Vous proposez une vignette spéciale, mais en renvoyant au décret la définition des véhicules de collection. Les critères existants sont insuffisamment restrictifs : tout véhicule de plus de trente ans peut prétendre à cette qualité, dont les premières Renault Espace et Twingo...

Nous travaillons à préciser la définition avec la Fédération française des véhicules d'époque (FFVE). Voici quelques pistes à l'étude : restreindre la dérogation aux véhicules les plus anciens, interdire les usages quotidiens, exclure les diesels et utilitaires, définir un kilométrage annuel maximal.

Voilà pourquoi le Gouvernement ne soutient pas ce texte mais reste en lien avec la fédération et les parlementaires pour poursuivre ce travail.

M. Gérard Lahellec .  - Les amoureux des belles jantes et des carrosseries brillantes voient dans les voitures anciennes un joyau à préserver. Comment ne pas les comprendre ?

Charles Trenet les a célébrées dans ses chansons À la porte du garage et Nationale 7. Je m'abstiendrai de vous en proposer un extrait... (Sourires)

On peut voir dans la voiture la célébration de la liberté, des congés payés, des vacances. L'émancipation même : le général de Gaulle reconnaissait ainsi la légitime aspiration des femmes à conduire une auto, commentant : « C'est le mouvement ! »

Les véhicules de collection, ce sont aussi des tracteurs, et je voue un culte au Société-Française de 1954, avec le volant d'inertie de son monocylindre horizontal, construit à Vierzon...

M. Gérard Longuet.  - Le célèbre Vierzon !

M. Gérard Lahellec.  - Il faut faire connaître ce patrimoine national. Mais il y a le texte et le contexte... et le nôtre est celui de l'urgence sociale. Si nous n'y prenons garde, nous laisserons rouler des véhicules non indispensables, alors que des véhicules indispensables aux catégories populaires seront interdits de circulation.

Ce texte est aussi en décalage avec les enjeux environnementaux.

Il y aurait enfin à redire sur le nombre de véhicules concernés : quid des 685 000 évoqués par certains en plus des 215 000 concernés par le texte ?

Le groupe CRCE s'abstiendra.

M. Jean-Michel Houllegatte .  - Si nous devions associer un siècle à son objet, ce serait l'automobile pour le XXe siècle, outil d'émancipation, de liberté individuelle, de mobilité. Fait révélateur, le premier déplacement privé de plus de 100 kilomètres a été accompli en Allemagne par une femme, Bertha Benz : elle était allée voir sa mère sans l'aval de son mari, ni celui des autorités...

L'automobile a bouleversé les pratiques de travail, avec le taylorisme et l'hyper-spécialisation, puis le lean management. Elle a modifié l'image des pays en symbolisant leur puissance industrielle. Roland Barthes, en intégrant la Citroën DS dans ses Mythologies, ne s'y est pas trompé.

Mais le XXe siècle s'est refermé sur le constat amer que notre modèle de développement atteignait ses limites. C'est dans ce contexte que nous devons examiner ce texte, notamment sa cohérence avec la lutte pour l'amélioration de la qualité de l'air : la pollution de l'air étant responsable de 48 000 décès par an, ne risquons-nous pas d'envoyer un message mal perçu ?

Des dérogations sont déjà possibles pour les véhicules d'intérêt général ou appartenant à des personnes handicapées. Devons-nous en élargir la liste ?

Nous regrettons souvent le retard pris dans la publication des décrets de la LOM. Je les énumère : services numériques multimodaux, obligation de création de stationnements vélo, covoiturage, plateformes, portabilité de certains droits. Faudrait-il que nous légiférions dans le domaine réglementaire ?

Enfin, se pose la question de la libre administration des collectivités territoriales. Aux termes de l'article R2213 du code général des collectivités territoriales, les dérogations sont prises par arrêté par le maire ou président d'EPCI qui a créé la ZFE. Faisons confiance au dialogue et à l'intelligence territoriale.

Sans méconnaître le caractère patrimonial des véhicules de collection, le groupe SER votera contre ce texte.

M. Gérard Longuet .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP) Je défendrai cette proposition de loi, à titre personnel et avec le soutien d'une large majorité des membres du groupe Les Républicains.

Nous soutenons la position des 250 000 collectionneurs, qui animent chaque année des milliers d'événements. Certains sont très prestigieux, mais la plupart témoignent d'un véritable engouement populaire.

C'est un bonheur de visiter la Cité de l'automobile à Mulhouse, mais les véhicules ne sont pas faits pour être exposés inertes : ils doivent circuler. C'est ainsi que ce patrimoine est le mieux mis en valeur. C'est ainsi également que nous préserverons la filière des professionnels - carrossiers, selliers, soudeurs - capables de les entretenir.

Il faut donner un cadre législatif à cette passion, afin que ce passé si riche ait un avenir, car si ces véhicules ne peuvent rouler, ce patrimoine s'étiolera avant de disparaître.

La proposition de loi apporte une base législative profondément nécessaire. Pourquoi ? Si le principe de précaution avait été opposé à Bréguet ou à Blériot, aucun avion n'aurait jamais volé... Les comportements sociaux, par nature, évoluent.

Il est vrai que les ZFE relèvent des collectivités territoriales. Mais, de règlement en règlement, nous risquons de glisser vers l'autorisation préalable, dans le cadre d'un plan de circulation avalisé par les ingénieurs compétents réunis dans des comités de circulation... (Sourires)

Restons sur le principe de la liberté, même encadrée. Tel est le sens du code de la route. À défaut, notre passé n'aura pas d'avenir, car nous nous serons privés de cet héritage. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP)

M. Pierre Médevielle .  - La voiture est un objet de culte qui fait rêver tous les enfants du monde, et les adultes aussi !

Les enjeux ont cependant changé avec la transition écologique, encadrée par les évolutions de la LOM. La voiture ancienne conserve une place particulière au coeur des Français. Environ 1,5 % du parc roulant serait composé de véhicules d'époque, soit approximativement un million de véhicules. Je soutiens l'idée d'une vignette ad hoc, même si j'entends les arguments du ministre.

La lutte contre la pollution de l'air est évidemment essentielle, d'autant que la Cour de justice de l'Union européenne a condamné la France pour manquement à la directive sur la qualité de l'air, mais l'impact des véhicules de collection, peu nombreux, est minime.

Il faut poursuivre les discussions pour mieux définir ces véhicules.

Les ZFE existantes ont toutes accordé des dérogations. Je souhaite que les nouvelles fassent de même. Il s'agit un secteur économique important, avec ses nombreuses manifestations de passionnés, sportives, amicales. C'est une tradition française, un élément de notre histoire familiale et individuelle.

Les enjeux d'aujourd'hui sont différents : mobilités plus variées qui nous éloignent du tout-voiture, construction de véhicules plus propres. Mais il faut voir les yeux des collectionneurs pétiller pour comprendre ce que sont les voitures d'époque. L'électricité remplacera l'essence, mais je reste attaché à l'odeur du cuir, de l'huile et du carburant. Je voterai ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées du groupUC)

M. Jacques Fernique .  - La lutte contre la pollution de l'air est un impératif ; les ZFE sont des leviers nécessaires.

Des dérogations sont néanmoins souhaitables - chacun le conçoit. Les véhicules de collection peuvent-elles en bénéficier ? Oui, si l'usage en est raisonnable.

L'Alsacien que je suis connaît le modèle allemand, qui est cohérent, pratique et rigoureux. Il est donc possible de bien cadrer, sans créer d'effet d'aubaine, et par là de concilier lutte contre la pollution et maintien d'une culture populaire.

Malheureusement, cette proposition de loi n'emprunte pas la bonne voie. Les mesures proposées sont d'ordre réglementaire. Le bon itinéraire, c'est le règlement ! Nous ne voterons donc pas la proposition de loi. Oui, Trenet était prophétique dans sa chanson À la porte du garage : vivement que, dans les ZFE, les vélos rencontrent, parfois, une poétique voiture d'époque « en freinant bien, pour ne pas (la) dépasser » ! (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Jean-Michel Houllegatte applaudit également.)

M. Frédéric Marchand .  - Au même titre que la poule au pot d'Henri IV, « l'automobile reste un lien de mémoire heureux » - pour reprendre les mots de Mathieu Flonneau dans Le Monde. Elle scande les moments glorieux ou douloureux : souvenons-nous des taxis de la Marne ou du gang des Tractions avant.

Plus de 300 000 véhicules de collection, bichonnés par des passionnés, forcent le respect lors de leur balade dominicale. Notre mantra doit être : tendre vers l'idéal et comprendre le réel. La transition écologique est un défi, il faut le relever ensemble, et non les uns aux dépens des autres.

L'amorce des ZFE donne lieu à beaucoup de fantasmes. Il faut raison garder. Les collectivités territoriales sont libres d'accorder des dérogations depuis le vote de la LOM. Elles l'ont toujours fait jusqu'à présent.

Une mesure dérogatoire n'est pas utile, mais ce débat envoie un signal positif. Les collectivités territoriales sont très attachées à la concertation. Monsieur le ministre, vous l'êtes également. Or, « quand deux forces sont jointes, l'efficacité est double », disait Newton. Nous suivrons l'avis de la commission et ne voterons pas ce texte.

M. Jean-Claude Requier .  - La pollution de l'air est très préoccupante : dans les agglomérations françaises, elle dépasse les plafonds européens, pourtant jugés insuffisants par l'OMS. Les conséquences de l'exposition aux particules fines sont dramatiques. Le coût de la pollution à Paris est de plus de 1 602 euros par habitant et par an, 1 134 euros à Lyon !

Les nouvelles ZFE dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants inquiètent les propriétaires de véhicules de collection, faiblement émetteurs de particules fines. La LOM a le mérite de ne pas ouvrir la voie à d'autres revendications - les véhicules dits historiques.

Il n'y a pas lieu de légiférer. Laissons les collectivités territoriales décider quelles mesures elles jugent pertinentes ! Les voitures électriques n'ont pas le charme d'une Traction avant, d'une Ford Mustang, d'une Dodge Charger... Les usages de ces véhicules ne sont pas les mêmes.

N'oublions pas que certains de nos concitoyens ne peuvent plus prendre leur voiture, parce que trop polluante, pour aller travailler. Avec les transports saturés, les voies encombrées, les conflits d'usage de la route, quelles solutions leur offrons-nous ? La métropole du Grand Paris veut atteindre un objectif qui suppose que l'on exclue 99 % du parc en neuf ans.

Nous soutenons le patrimoine que représentent les voitures de collection, mais une grande majorité d'entre nous ne votera pas la proposition de loi.

M. Jean-Michel Arnaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Merci à Jean-Pierre Moga pour sa proposition de loi, que j'ai immédiatement cosignée.

On lui reproche d'être recentralisatrice. Mais il ne peut y avoir de liberté de circulation différente selon les territoires ; il s'agit d'une liberté fondamentale qui relève du législateur.

L'aspect écologique doit être nuancé, car les véhicules anciens ne pèsent pas significativement dans la pollution globale, d'autant que leur usage est souvent occasionnel et leur circulation encadrée. L'usage non professionnel doit être précisé, comme le propose l'amendement de M. Moga. Une Citroën DS chère à de Gaulle serait plus polluante qu'une voiture récente ? Pas si l'on prend en compte la variable du kilométrage.

L'enjeu est aussi économique : il ne faudrait pas fragiliser les secteurs économiques liés aux automobiles de collection, depuis la mécanique jusqu'aux salons et expositions.

La dimension patrimoniale de ces véhicules est évidente. L'histoire de l'automobile, c'est celle de la chanson française, mais aussi du quotidien des Français, dont les 2CV, les Méhari, les Alpine et les Dauphine sont des témoins...

Certains de nos concitoyens leur vouent un véritable culte. Le salon Rétromobile 2019 a ainsi accueilli 130 000 visiteurs en quelques jours. Mon département accueille régulièrement des manifestations qui rencontrent un grand succès, à l'instar des 24 heures des Hautes-Alpes ou du Rallye Monte-Carlo historique.

Un grand nombre des sénateurs du groupe centriste votera ce texte. Adaptons l'usage des collections à notre temps, mais continuons à regarder cette part de notre histoire dans le rétroviseur ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Vivette Lopez .  - En cette semaine où la femme est mise à l'honneur, je rappelle que la duchesse d'Uzès, pionnière de l'automobile féminine et personnalité bien connue dans le Gard, avait obtenu une autorisation préfectorale pour conduire en 1898 ! Elle circula à quinze kilomètres par heure dans le bois de Boulogne, ce qui lui valut une amende de 5 francs... Il est vrai que la vitesse était limitée à douze kilomètres par heure à Paris ! (Sourires)

Elle qui fonda l'Automobile club féminin de France en 1926 à 79 ans, que penserait-elle de notre débat sur une vignette pour les voitures de collection ?

L'enjeu peut sembler confidentiel, mais ces voitures représentent un vrai patrimoine historique, passion de certains de nos concitoyens.

Faisons preuve de bon sens dans notre approche de l'environnement, sans quoi nous perdrons l'adhésion des Français. Nous ne parlons pas d'une élite fortunée, mais de 250 000 familles passionnées, 5 000 clubs ou associations qui organisent 10 000 événements annuels.

Ces véhicules nourrissent notre imaginaire de l'après-guerre et des Trente Glorieuses : Citroën 4CV, 2CV, DS, Renault 4, Peugeot 303, 403 ou 404...

Les filières représentent plus de 20 000 emplois - de la carrosserie à l'événementiel - générant un chiffre d'affaires annuel de 4 milliards d'euros.

La création d'une vignette ouvrirait la voie à d'autres dérogations, diront certains. Je ne suis pas d'accord. La voiture de collection pèse moins de 2 % du parc roulant et 0,05 % des kilomètres parcourus !

Les Français sont las de trop d'interdictions. Ils veulent de la liberté et un peu de bon sens ! Je voterai cette proposition de loi à titre personnel, en attendant de m'acheter, dès que je pourrai, une jolie voiture de collection. (Sourires et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par MM. Prince et Belin, Mme L. Darcos, MM. Babary, Le Nay et Janssens, Mmes C. Fournier, Herzog et Guidez et M. Genet.

Alinéa 2

Après le mot :

réglementaire,

insérer les mots :

construits ou immatriculés pour la première fois il y a plus de quarante ans ou

M. Jean-Paul Prince.  - Limiter la vignette « collection » aux véhicules disposant d'un certificat d'immatriculation avec la mention « véhicule de collection » conduirait à exclure un grand nombre de véhicules d'intérêt historique.

Ne mettons pas en difficulté tout un secteur économique. Je pense aux loueurs dans l'événementiel. Si nous restreignons cette vignette aux véhicules de plus de quarante ans, cela suffit.

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié, présenté par M. Delahaye et Mme Guidez.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les véhicules précédemment mentionnés dont la durée de mise en circulation excède une période de cinquante ans sont dispensés de cette identification.

Mme Jocelyne Guidez.  - Défendu.

M. Jean-François Longeot, président de la commission.  - La commission n'a pas adopté la proposition de loi, afin de laisser la main aux collectivités territoriales. Par cohérence, retrait ou avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué.  - Avis défavorable.

L'amendement n°1 rectifié bis n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°4 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié bis, présenté par MM. Prince, Belin, Le Nay et Janssens, Mmes C. Fournier, Herzog, Guidez et Saint-Pé et M. Genet.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Les véhicules utilitaires ou dotés d'un moteur diesel ne peuvent recevoir la vignette « collection », sauf s'ils présentent un grand intérêt historique ou patrimonial.

M. Jean-Paul Prince.  - Il s'agit d'exclure les véhicules utilitaires diesel de la catégorie réglementaire « véhicules de collection » : ils sont très polluants et présentent un intérêt historique limité, sauf exceptions qui peuvent être prises en compte dans un décret.

M. Jean-François Longeot, président de la commission.  - Retrait sinon avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué.  - Sagesse.

M. Gérard Longuet. - On ne dira jamais assez de bien du moteur diesel. Le docteur Diesel n'arrivant pas à faire marcher son moteur à huile lourde à forte compression, il s'est appuyé sur un industriel de Bar-le-Duc, M. Dyckhoff : c'est ce qui a fait de Bar-le-Duc la Mecque du moteur à compression. Celui-ci a évolué dans le temps et heureusement ; mais il a représenté une étape importante. Attention aux conséquences industrielles des enthousiasmes irréfléchis.

Je défends ce moteur, évolutif, intelligent, performant ! Il finira mieux que nous... (Sourires et applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et UC)

L'amendement n°2 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié ter, présenté par MM. Moga, J.M. Arnaud et E. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme, Bonneau et Bonnecarrère, Mme Canayer, MM. Chasseing, Decool, Delcros et Duffourg, Mme Férat, M. B. Fournier, Mmes C. Fournier et Goy-Chavent, M. Gremillet, Mme Gruny, M. L. Hervé, Mmes Jacquemet, Jacques et Joseph, MM. Kern et Klinger, Mmes de La Provôté et Lassarade, MM. Le Nay et Levi, Mme Loisier, MM. Longuet, Louault, A. Marc, Médevielle, Menonville et Mizzon, Mmes Morin-Desailly, Muller-Bronn et Paoli-Gagin, M. Pointereau, Mme Renaud-Garabedian, M. Rojouan et Mmes Sollogoub et Ventalon.

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots :

, excepté pour des déplacements entre le lieu de résidence habituelle et le lieu de travail

M. Jean-Pierre Moga.  - Défendu.

M. Jean-François Longeot, rapporteur.  - Retrait, sinon avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué.  - Sagesse.

L'amendement n°3 rectifié ter est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté, ainsi que les articles 2 et 3.

Explications de vote

Mme Nadia Sollogoub .  - Notre hémicycle compte beaucoup d'amateurs de véhicules anciens. Mon département de la Nièvre est traversé par la route nationale 7 : « On est heureux, nationale 7 ! » À Pougues-les-Eaux, la fête de la Nationale 7 rassemble 25 000 personnes chaque année. C'est un atout touristique important. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. le président.  - Merci pour cette note de romance !

M. Alain Houpert .  - Mon département, lui, est traversé par la route nationale 6. J'aime regarder dans le rétroviseur et respirer ces odeurs qui sont un véritable concentré des moments passés dans les voitures avec nos chers parents et grands-parents...

M. Jean-Pierre Moga .  - La circulation modérée fait partie de la conservation de notre patrimoine technologique qui est à protéger et dont nous pouvons être fiers. Cette proposition de loi permettra le maintien de 10 000 manifestations chaque année, lesquelles contribuent au lien social et intergénérationnel qui nous fait tant défaut actuellement.

Je vous invite à ne pas suivre l'avis de la commission et du Gouvernement et à faire plaisir à 150 000 collectionneurs et deux millions de sympathisants ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Christine Lavarde .  - Nous avons posé la question de fond touchant l'accessibilité des ZFE : que répondra-t-on demain aux familles modestes qui n'ont pas eu les moyens de changer de véhicule ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-François Longeot, président de la commission .  - Je me tourne vers le Gouvernement : monsieur le ministre, peut-on envisager une évolution du décret dans le sens voulu par le Sénat ?

La proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Lutter contre les fraudes sociales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à appliquer vingt-quatre mesures urgentes pour lutter contre les fraudes sociales, présentée par Mme Nathalie Goulet et plusieurs de ses collègues

Discussion générale

Mme Nathalie Goulet, auteur de la proposition de loi .  - Chaque année, monsieur le ministre, vous me voyez revenir comme une cousine de province, avec mon petit bagage... (Sourires)

C'est qu'il y a de quoi : une fraude de 700 000 euros a été détectée de manière aléatoire chez un pharmacien du Haut-Rhin qui falsifiait des ordonnances. Hier, au tribunal de Grenoble, trois lycéennes comparaissaient pour des fraudes sociales à l'aide médicale d'État (AME), au profit de 197 personnes résidant à l'étranger. D'après Le Figaro économie, une enquête vise une centaine de centres ophtalmologiques, grâce au lanceur d'alerte Charles Prats.

Quand on cherche, on trouve !

Cette proposition de loi est le fruit de mon travail et de mon obstination. Je le dis notamment aux sénateurs CRCE, il ne s'agit pas d'une fraude de pauvres ni d'étrangers. Le dernier rapport de Tracfin pointe 194 dossiers de fraudes aux cotisations sociales, contre 43 dossiers sur les fraudes aux prestations sociales, chère Cathy Apourceau-Poly. (Mme Cathy Apourceau-Poly opine du chef.)

Du reste, depuis le 1er janvier 2016, un inspecteur du recouvrement de l'Urssaf assure les fonctions d'agent de liaison au sein de Tracfin.

Le texte initial comportait vingt-quatre articles, reprenant des dispositions de plusieurs rapports, en particulier celui que j'ai établi avec la députée Carole Grandjean à la demande du Premier ministre et celui de la Cour des comptes.

Les services du Sénat en ont expurgé les mesures d'ordre réglementaire et en ont vérifié l'orthodoxie législative. Je suis donc peinée que certains le trouvent inabouti... Quoi qu'il en soit, je remercie la commission des affaires sociales pour son travail et le groupe UC d'avoir inscrit ce texte à l'ordre du jour.

Certaines mesures faisaient cependant doublon avec des dispositifs votés en PLFSS ou à l'étude dans votre ministère comme la carte Vitale biométrique. D'autres dispositions ont été écartées : cela a été pour moi le choix de Sophie, après d'âpres négociations, mais je n'y renonce pas pour autant.

Je considère ainsi que les conditions ne sont pas encore remplies pour éviter la fraude documentaire, même si l'article 13 du PLFSS prévoit la consultation systématique du fichier de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (Agdref). Je considère également que les fraudes fiscales et sociales doivent être combattues avec la même énergie, parallèlement à la lutte contre le non-recours, qui est l'autre défaut de notre système social.

Je ne doute plus de la volonté du Gouvernement qui a établi une feuille de route. La France est un pays généreux - 750 milliards d'euros de prestations - avec un système complexe qui permet des fraudes simples, reposant sur le système déclaratif : il faudrait à ce propos privilégier l'échange systématique de données et le « dites-le nous une fois ».

Sur 27 milliards d'euros de chômage partiel, il y aurait 200 millions d'euros de fraude... Un fraudeur content est un fraudeur qui revient : faisons en sorte qu'il ne revienne plus ! (Sourires)

Il faut aussi pouvoir chiffrer la fraude. La solution serait peut-être d'externaliser la lutte contre la fraude : la confier à l'opérateur lui-même a ses limites.

Monsieur le ministre, le rapport que j'ai rédigé avec Carole Grandjean ne pourrait-il pas être disponible sur le site du ministère ? Il est dommage qu'un travail de cette qualité échappe au grand public (Sourires ; applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDSE)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - Le Sénat a beaucoup travaillé sur cette question ces dernières années : rapport Canayer-Emery-Dumas de juin 2017, rapport de 2019 de votre serviteur, rapport de 2020 demandé à la Cour des comptes.

Nous avons ainsi fait avancer la législation : loi de 2018 ou plus récemment loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, qui compte dix articles sur ce sujet, dont quatre adoptés à l'initiative du Sénat.

La balle est maintenant dans votre camp, monsieur le ministre, et dans celui des organismes de sécurité sociale.

L'un des amendements votés par le Sénat mais écartés par l'Assemblée nationale visait une application effective de dispositifs antifraude votés il y a dix et treize ans... J'espère que vous ferez diligence sur ceux qui ont été adoptés cet automne.

Nous avons besoin de chiffres fiables. La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss) m'a confié un travail dans ce domaine.

Nous connaissons l'engagement de Mme Goulet. Je la remercie de cette initiative qui va nous permettre de débattre avec le Gouvernement.

La commission des affaires sociales a souhaité recentrer le texte sur quelques mesures clés : privilégiant la qualité sur la quantité, nous avons conservé onze articles sur les vingt-quatre initiaux. Chacun des articles qui demeurent porte un vrai sujet.

L'article 8 subordonne le versement de l'aide personnalisée au logement (APL) à la transmission d'informations sur le logement à la caisse d'allocations familiales (CAF), puis à l'administration fiscale. C'est la reprise d'une recommandation de la Cour des comptes.

L'article 14 prévoit que les prestations sont versées sur un compte de l'Espace économique européen. La commission a limité ces dispositions aux prestations conditionnées à une résidence en France.

L'article 15, concernant la sécurisation des pièces justificatives pour l'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques (RNIPP), prévoit un entretien physique dans certains cas.

L'article 17 est relatif au domicile social des assurés sociaux. Son assimilation au domicile fiscal risque de poser problème, mais cet article est une première avancée.

Le texte met l'accent sur la nécessité d'une meilleure coopération internationale, notamment européenne.

La commission des affaires sociales a supprimé l'article premier sur le répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS). Celui-ci n'est pas une gigantesque base de données, mais un portail ouvert aux organisations membres pour des requêtes individuelles. Nous devrons aller plus loin dans les semaines qui viennent sur le sujet, à la lumière du prochain rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS). Il y a là des enjeux de lutte contre la fraude mais aussi d'accès aux droits.

Monsieur le ministre, nous attendons vos réponses et des éléments sur votre feuille de route pour lutter contre la fraude sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics .  - Lutter contre la fraude est une exigence démocratique, corollaire de la contribution commune prévue par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. C'est aussi un meilleur rééquilibrage entre les droits et les devoirs. Nous devons répondre à l'attente de nos concitoyens.

Je remercie Mme Goulet pour sa proposition de loi et sa volonté de dépassionner le débat.

De grands progrès ont été accomplis ces dernières années. Les volumes de détection de la fraude ont augmenté de 30 % cette année et leur niveau a triplé sur les dix dernières années.

La lutte s'est professionnalisée avec plus de 4 000 équivalents temps plein (ETP) qui lui sont spécifiquement consacrés, et davantage de ciblage et de transmission d'informations entre structures.

Les récents rapports - au premier rang desquels figure celui de Mmes Goulet et Grandjean - ont montré le travail qui reste à réaliser, notamment dans les organismes de sécurité sociale, et les moyens à mettre en oeuvre.

Le Gouvernement est engagé dans la lutte contre la fraude fiscale. Dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, dix mesures ont été adoptées, par exemple le contrôle de l'existence des retraités à l'étranger, sur pièce mais aussi sur place. Les contrôles et sanctions des professionnels de santé sont aussi renforcés avec le déconventionnement automatique dès la deuxième fraude constatée en cinq ans, par exemple.

Avec Olivier Véran, nous veillerons à ce que la mission sur le RNCPS remette son rapport très prochainement. Cette mission doit se poser la question du stockage des données, avec l'exemple belge de Banque-Carrefour en tête. J'ai aussi demandé au directeur de la sécurité sociale un plan de prévention de la fraude fiscale qui nous permettra de mieux coordonner notre lutte contre la fraude. Vous en serez destinataires ainsi que de son calendrier de mise en oeuvre.

Cela n'est pas un aboutissement mais un point de départ. Toutes les évaluations que vous avez évoquées seront réalisées et vous en serez informés.

Notre plan d'action prévoit une cartographie des risques dans tous les réseaux d'ici l'été 2021, une procédure de sécurisation de l'identification des assurés et une procédure de vérification de leur existence s'ils résident à l'étranger.

Il prévoit aussi de mieux maîtriser la fraude en lien avec le lieu de résidence, notamment avec l'Agdref et le dispositif Visabio.

Je serai attentif à un suivi précis, sur la base d'indicateurs, et aux nouvelles conventions d'objectifs et de gestion.

Le Gouvernement vous rejoint sur l'objectif de mieux informer le Parlement sur la coopération transfrontalière, comme le propose l'article 12, et de mieux encadrer l'immatriculation des personnes nées à l'étranger, comme le prévoit l'article 15. D'autres dispositions posent des problèmes d'opportunité, paraissent difficilement applicables ou ont connu une autre suite.

Nous avons une obligation de moyens et de résultats ; ce débat est une manière de faire connaître notre action.

Je remercie à nouveau l'auteur de la proposition de loi.

Lutter contre la fraude sociale, c'est renforcer la solidarité et l'efficacité de notre système de protection sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Monique Lubin .  - Cette proposition de loi s'inscrit dans la longue liste d'initiatives de la majorité au Sénat contre la fraude sociale. Ce sujet est devenu un cheval de bataille depuis le rapport d'octobre 2019. Je citerai pour ma part le rapport du Défenseur des droits de 2017 intitulé « Lutte contre la fraude aux prestations sociales : à quel prix pour les droits des usagers ? » Il estime que des allocataires de bonne foi ne sauraient être qualifiés de fraudeurs pour une erreur ou un oubli, et relève des dérives dans les procédures de contrôle, de qualification et de sanction, aux effets parfois dévastateurs. Certains ménages déjà en difficulté doivent rembourser des indus considérables.

En mars 2017, une enquête du même Défenseur des droits a montré que les plus précaires étaient les plus susceptibles d'abandonner leurs démarches pour résoudre un problème avec l'administration. En 2018, le taux de non-recours s'établit entre 32 et 44 % pour la CMU-C et entre 53 et 67 % pour l'aide au paiement de la complémentaire santé.

Entre 7,5 et 8,2 % des allocataires des CAF ne recourent pas aux droits, souvent faute d'information et en raison de la lourdeur administrative des démarches. Ce non-recours vaut aussi pour le RSA ou les pensions de retraite.

Si la lutte contre la fraude sociale est légitime, elle doit être équilibrée. En 2015, la fraude aux prestations sociales représentait 673 millions d'euros, contre 4 milliards d'euros pour le non-recours au RSA.

La majorité sénatoriale privilégie la lutte contre la fraude à l'amélioration du recours. Or seulement 0,36 % des allocataires de la CNAF frauderaient délibérément ; 75,5 % des anomalies sont dues à des fausses déclarations ou omissions.

La recherche de boucs émissaires, la dénonciation de l'assistanat conduisent en creux à une remise en cause de notre modèle social.

Le discours de la droite entretient le flou entre les réseaux organisés et les individus isolés. Les assurés ne sont pas forcément les plus fraudeurs : 47,5 % du montant des fraudes à l'assurance maladie relèvent des professionnels de santé, 31,1 % des établissements ! Selon la Cour des comptes, les préjudices causés aux principaux organismes sociaux s'élèvent en 2019 à 1 milliard d'euros. À comparer aux 5,6 milliards d'euros de fraude fiscale recouvrés en 2018...

La fraude sociale est évaluée entre 14 et 45 milliards d'euros, la fraude fiscale, entre 66 et 88 milliards, voire 100 milliards. Hiérarchisons les priorités ! Ne laissons pas accroire que la fraude aux allocations sociales est un sport national, améliorons plutôt les dispositifs d'aide sociale. Comparons les moyens dévolus à la fraude sociale et ceux consacrés à la lutte contre le non-recours. (Mme Raymonde Poncet Monge applaudit.)

Mme Corinne Imbert .  - Je salue Nathalie Goulet et félicite le rapporteur pour son travail. J'aimerais un texte qui lutterait contre tous les types de fraude, car chaque fraude est un coup de poignard dans notre idéal républicain.

Le sujet n'est pas nouveau - citons la proposition de résolution d'André Reichardt visant à lutter contre la fraude transfrontalière ou la proposition de loi de Philippe Mouiller sur la carte Vitale biométrique.

Une proposition de loi pour améliorer l'accès aux droits et lutter contre la fraude sociale d'Éric Doligé, dont j'étais rapporteure, avait été discutée en 2016, mais n'avait pu aboutir.

J'espère que nous voterons ce texte pour envoyer un signal fort. Bien malin celui qui mesurera le montant total de ce type de fraude, qui ne cesse d'augmenter. Rappelons seulement que la France compte 74 millions de bénéficiaires de prestations sociales pour 67 millions d'habitants, que plus de 3 millions de porteurs de carte Vitale seraient centenaires et 250 auraient plus de 120 ans. (Sourires)

L'enquête de la Cour de comptes pointe une atteinte à la solidarité et un coût financier élevé. Selon le Conseil constitutionnel, la lutte contre la fraude est une exigence constitutionnelle.

À un an de la présidentielle, il faut du courage pour s'attaquer à ce problème épineux. Des solutions existent. Ce ne serait que justice pour nos compatriotes, silencieux par pudeur et honnêtes par valeur, qui se demandent ce qu'ils peuvent faire pour leur pays, et non l'inverse.

La fraude est une offense aux pères fondateurs de la sécurité sociale et à tous ceux qui oeuvrent pour la protection des plus faibles. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Franck Menonville .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Lutter contre la fraude sociale, c'est défendre notre modèle social. C'est pourquoi je salue l'initiative de Nathalie Goulet. Les enjeux financiers sont importants. Le député Pascal Brindeau estime à 14 milliards d'euros le coût annuel de ces pratiques, qui sont souvent le fait de professionnels. Il faudrait objectiver les chiffres - même la Cour des comptes se dit incapable de chiffrer précisément les fraudes. Mais tout indique qu'elles ont largement augmenté. La fraude aux organismes sociaux est estimée à 1 milliard d'euros en 2019, contre 850 millions d'euros en 2017, et on dénombre près de trois millions de bénéficiaires fantômes de droits à l'assurance maladie...

La fraude fait peser le doute sur l'efficacité et l'équité de notre modèle social. Il est urgent de repenser à l'architecture de nos bases de données, comme le RNCPS, et de revoir le versement sur une base déclarative. Il faut mieux croiser les données entre organismes sociaux et fiscaux, contrôler les historiques pour éviter les doublons.

Je soutiens aussi le développement de la carte Vitale biométrique, qui doit être sécurisée et généralisée. On estime à deux millions le nombre de cartes Vitale en surnombre. Il est indispensable d'avoir des moyens de contrôle plus performants.

La pérennité de notre modèle social dépend de notre capacité à lutter contre les fraudes. Il est temps d'agir, il en va de la crédibilité de la puissance publique. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Mme Raymonde Poncet Monge .  - La crise sanitaire se transforme en crise sociale et humanitaire. En France, dix millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté. Le revenu des ménages a chuté de 3 % - une première depuis 1949 ; 700 000 emplois ont disparu en 2020, principalement occupés par les plus précaires.

Alors que la pauvreté s'étend, que 20 % des ménages les plus pauvres ont désépargné pour des dépenses de première nécessité et que les associations nous enjoignent de lutter contre le non-recours aux droits sociaux, l'urgence serait à la lutte contre la fraude sociale ? Difficile d'être plus décalé ! D'autant qu'ici, on vise plus la fraude aux prestations que la fraude aux cotisations, pourtant estimée entre 7 milliards d'euros et 9 milliards d'euros par an.

Cela s'explique par une focalisation sur les dépenses sociales, alors que le solde résulte aussi du manque à gagner sur les recettes !

La lutte contre les fraudes est légitime, mais pas ce parti pris. Certains articles sont déjà satisfaits par le droit en vigueur. D'autres renforcent le contrôle et la surveillance des allocataires, soupçonnés d'être resquilleurs par nature. Cette stigmatisation explique en partie le non-recours : entre 30 % et 40 % des ayants droit au RSA, entre 56 % et 68 % pour la CMU-C n'y ont pas recours, ce qui représente 13 milliards d'euros par an !

Pourquoi ne pas utiliser le croisement des données pour automatiser les droits, plutôt que pour accentuer la seule surveillance et le contrôle ?

Notre priorité doit être la lutte contre la paupérisation et le renforcement des aides sociales. C'est ce que la crise requiert.

Le GEST votera contre cette proposition de loi. (Mme Monique Lubin applaudit.)

M. Dominique Théophile .  - Des enquêtes et rapports ont permis de mieux comprendre l'ampleur de la fraude sociale, notamment le rapport de Mmes Goulet et Grandjean d'octobre 2019, qui a permis un gros travail de fiabilisation du parc de cartes Vitale.

La lutte contre la fraude a été au coeur des travaux de la commission des affaires sociales. Selon un rapport de Jean-Marie Vanlerenberghe de juin 2019, 10 % des dossiers des personnes nées à l'étranger avaient été créés indûment.

La Cour des comptes estime à 1 milliard d'euros le coût de la fraude sociale, dont 290 millions d'euros pour l'assurance maladie - 1,8 fois plus qu'en 2010.

Des mesures ont été votées dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, comme l'annulation du numéro de sécurité sociale obtenu frauduleusement, le conditionnement des remboursements à l'inscription des praticiens à un ordre, ou le déconventionnement de ceux qui ont été condamnés pour fraude. Ces mesures doivent faciliter le travail des 4 300 agents qui oeuvrent contre la fraude, et le Gouvernement a récemment créé la mission interministérielle de coordination anti-fraude (Micaf).

Mme Goulet propose d'aller plus loin, et plus vite.

Si certaines mesures sont intéressantes, comme l'article 15 qui exige une copie en couleur du titre d'identité pour l'inscription au RNIPP, d'autres, comme les articles 10 et 21, sont déjà satisfaites.

La lutte contre la fraude sociale est une priorité mais elle ne peut se faire que par étape. Si nous ne sommes pas opposés à ce texte, attendons que les mesures votées récemment fassent leurs preuves. Le groupe RDPI s'abstiendra.

M. Jean-Claude Requier .  - La fraude remet en cause le respect de la loi, fondement de notre ordre social, et doit donc être combattue.

Certains collègues dénoncent une stigmatisation. En réalité, la fraude sociale n'est pas la fraude des pauvres, elle est le fait d'un public hétérogène qui ne manque pas d'idées.

En septembre, la Cour des comptes regrettait des progrès trop lents. À l'heure de la crise sanitaire, lutter contre la fraude est une exigence de justice sociale : il faut que l'argent aille là où les gens en ont besoin.

La fraude aux prestations et cotisations détectée en 2019 s'élevait à 1,5 milliard d'euros ; en réalité, elle est beaucoup plus élevée.

Selon l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), la fraude aux cotisations sociales représenterait un manque à gagner de 7 milliards d'euros à 9 milliards d'euros. L'Assemblée nationale estime à 14 milliards d'euros la fraude aux prestations sociales, d'autres avancent le chiffre de 30 milliards.

Comment la combattre ? La rédaction proposée par la commission amorce une première étape, avec des dispositions de bon sens comme l'obligation de verser les prestations sociales sur un compte français ou européen ou les obligations déclaratives renforcées pour les dirigeants d'entreprises éphémères.

C'est toujours l'honneur du Sénat de proposer le dialogue. Nous nous félicitons du plan annoncé par le ministre en février.

Il faudra aussi nous pencher sur le non-recours. Chaque année, des milliards d'euros de prestations ne sont pas réclamés, en raison de la complexité de la législation et des démarches.

Je salue la constance de Nathalie Goulet. Le groupe RDSE votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Je salue l'opiniâtreté de Nathalie Goulet dans son combat contre la fraude. Nous la rejoignons sur un point : la fraude remet en cause le consentement à l'impôt, pilier de notre société.

Mais les bénéficiaires d'allocations sociales ne sont pas les principaux fraudeurs. En réalité, ce texte s'attaque à la minorité déjà contrôlée, et laisse la majorité de la fraude impunie.

Les vrais fraudeurs, ce sont les 15 000 Français établis au Luxembourg, les 166 filiales d'entreprises du CAC40 qui détiennent des avoirs dans ce pays, les patrons qui ne cotisent pas à la sécurité sociale et font perdre 8 milliards d'euros par an à l'hôpital et à notre régime de retraites.

Votre texte pointe du doigt les petits tricheurs mais ceux-ci cachent les grands voleurs ! La fraude aux prestations sociales atteindrait 1,2 milliard d'euros, moins de 0,3 % du total des prestations. La fraude documentaire s'établirait entre 117 et 138 millions d'euros, loin des 14 milliards d'euros évoqués par certains.

Les fraudeurs ne sont pas ceux que l'on croit. La fraude à l'assurance maladie serait à 48 % commise des professionnels de santé, à 31 % par des établissements.

En parallèle, le non-recours à la CMU atteindrait 34 %, au RSA 36 %, soit plus de 3,6 milliards d'euros. Dans le Pas-de-Calais, des familles renoncent à leurs droits car elles refusent d'être stigmatisées comme « assistées »... Nos concitoyens renoncent à leurs droits car vous les stigmatisez. Ce sont les plus pauvres, alors qu'il faudrait s'attaquer aux riches et aux puissants, qui sont les vrais fraudeurs ! Nous ne voterons pas ce texte. (Applaudissements à gauche)

Mme Nadia Sollogoub .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Nathalie Goulet, forte de son expertise, nous propose de légiférer pour prendre des mesures urgentes de lutte contre la fraude sociale.

Son champ est si vaste qu'il est difficile de choisir les dispositions les plus pertinentes. C'est pourquoi la commission a recentré le texte sur quelques sujets cibles.

La fraude est par essence intolérable. Lutter contre, c'est défendre notre contrat social.

Le système français de sécurité sociale est complexe. Il fonctionne par traitement de masse et dématérialisation de l'information, ce qui ouvre la voie à des fraudes organisées.

La fraude évolue avec une agilité déconcertante ; nos parades doivent s'adapter avec la même rapidité, la police aller aussi vite que les voleurs ! L'ouvrage devra sans cesse être remis sur le métier...

Frauder, c'est voler. Il est terminé le temps des fraudo-sceptiques, quand le sujet était pudiquement glissé sous le tapis. Il faut prendre le problème à bras-le-corps. Aussi, je salue le plan d'action volontariste présenté par le ministre.

La fraude documentaire est la mère de toutes les fraudes. Les prestations fondées sur un système déclaratif, comme les APL, sont fragiles ; il faut renforcer l'échange de données à des fins de contrôle, sécuriser les retraites versées à l'étranger en utilisant des données biométriques. Nous nous félicitons aussi, monsieur le ministre, du renforcement des contrôles transfrontaliers.

Comment se fait-il que les citoyens lambda, comme moi, soient obligés de fournir des montagnes de documents administratifs - on demande ainsi aux médecins retraités qui participent à la vaccination Covid une déclaration de situation matrimoniale ou encore un extrait de casier judiciaire - pendant que des malfrats arrivent à frauder au détriment des honnêtes gens ?

Le groupe UC votera ce texte recentré. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. André Reichardt applaudit également.)

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - Je remercie tous les intervenants.

La lutte contre la fraude aux prestations et celle contre la fraude aux cotisations doivent être menées de front. Il faut lutter en priorité contre les fraudes organisées, durables et massives, car c'est là qu'il y a des recettes à récupérer.

Je partage les inquiétudes de Mme Lubin sur le taux de recours. Nous devons y travailler. Mais cela n'enlève rien à la nécessité de lutter contre la fraude. C'est parce que nous arriverons à faire payer ceux qui le doivent que nous pourrons financer l'accès aux droits de ceux qui en ont besoin.

Madame Poncet Monge, la France n'a pas perdu 700 000 emplois en 2020, mais 360 000. C'est trop, mais n'ajoutons pas de la dramaturgie ou du pessimisme à la situation. Selon l'Insee, le pouvoir d'achat moyen des ménages a augmenté de 0,6 % en 2020, preuve de l'efficacité des outils contra-cycliques - même si je n'ignore rien de l'hétérogénéité des situations.

Nous travaillons, au plan réglementaire, à éviter la falsification des documents, pilier de la fraude organisée aux prestations.

Je vous prie d'excuser mon prochain départ ; je suis attendu pour une réunion d'arbitrage budgétaire à Matignon. Olivia Gregoire me remplacera au banc du Gouvernement.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE 2 (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par Mme Lubin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le 2° du I de l'article L. 227-1 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : « , dont la réduction du non-recours aux prestations ».

Mme Monique Lubin.  - Le non-recours aux prestations est un fléau plus répandu, notamment en matière d'accès aux soins, que la fraude sociale - or la majorité sénatoriale ne manifeste guère d'intérêt pour le sujet. Nous souhaitons que la commission des affaires sociales s'en saisisse.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Il est prévu dans les contrats d'objectifs et de gestion (COG) de lutter contre la fraude à tous les niveaux - aux cotisations, aux prescriptions, aux prestations. Avis défavorable.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

L'article 2 demeure supprimé.

ARTICLE 4

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Laurence Cohen.  - L'article 4 autorise l'accès aux données des plateformes en ligne pour contrôler les assurés sociaux au détriment des libertés individuelles et du respect de la vie privée.

Pour la CNIL, le croisement de données ne doit pas se substituer à l'intervention humaine dans la prise de décision.

Les pouvoirs nouveaux en matière de contrôle, accordés à Pôle Emploi par exemple, posent problème. Le Défenseur des droits a signalé des dérives dans les nouveaux mécanismes de contrôle. Il en va de même du recours au data mining ; la définition des profils à risque n'est pas neutre.

La sécurité sociale a des outils pour lutter contre la fraude mais manque de moyens humains.

La proposition de loi ne cherche pas à améliorer les contrôles mais à durcir les conditions d'accès aux prestations sociales et à mettre en place une cyber-surveillance.

M. le président.  - Amendement identique n°16, présenté par Mme Poncet Monge, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Je m'étonne que l'on puisse proposer d'exploiter les données personnelles des bénéficiaires de prestations sociales, notamment sur les réseaux sociaux. Il s'agit d'un pas de plus vers la surveillance de nos concitoyens sur internet.

Dans le PLF2019, le Gouvernement avait proposé un dispositif similaire pour l'administration fiscale ; la CNIL s'en était émue. Cet article est-il conforme au RGPD ?

Enfin, je rappelle que des moyens de contrôle sont déjà déployés par la CAF, par Pôle Emploi, mais aussi par les départements. Le rôle de ces instances est pourtant avant tout d'accompagner les personnes en difficulté, ce qui suppose la confiance. L'obsession de la chasse aux fraudeurs peut conduire un potentiel bénéficiaire à renoncer à ses droits plutôt qu'endurer un calvaire administratif.

Nous n'avons pas besoin d'une surveillance supplémentaire encore plus intrusive qui bafoue les libertés individuelles.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Nous préférons attendre le bilan de l'expérimentation en cours en matière de fraude fiscale avant de l'étendre au champ social, d'autant que des difficultés juridiques et techniques sont à craindre.

Avis favorable aux amendements de suppression.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - Avis favorable. Il y a effectivement des difficultés techniques. Attendons les résultats de l'expérimentation dans le champ fiscal avant d'aller plus loin.

Cependant, la description faite par Mme Poncet Monge du système de collecte de données est par trop caricaturale et je ne peux souscrire à ses propos.

Les amendements identiques nos11 et 16 sont adoptés et l'article 4 est supprimé.

L'amendement n°1 n'a plus d'objet.

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 6 (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié ter, présenté par Mme Imbert, MM. Retailleau, D. Laurent, Karoutchi et Cardoux, Mme V. Boyer, MM. Pellevat et Burgoa, Mme Demas, MM. Bonhomme, Bascher, Sol, Joyandet, Vogel, Longuet et Chaize, Mmes Chauvin et Puissat, M. de Nicolaÿ, Mme F. Gerbaud, MM. Nougein et Lefèvre, Mme Gruny, M. Bonne, Mmes Deromedi et Noël, M. B. Fournier, Mme Lassarade, MM. Houpert et Sautarel, Mme Drexler, MM. Savin, Bouchet, Mandelli, Hugonet, Savary, Brisson et Genet, Mmes Bellurot et L. Darcos, MM. Le Rudulier, Somon, Babary, Boré et Bouloux, Mme Dumont, M. Piednoir, Mme Berthet, M. Charon, Mme Raimond-Pavero, MM. Pointereau, Belin et Rapin, Mmes Di Folco, M. Mercier, Canayer, Deseyne, Borchio Fontimp et Delmont-Koropoulis, MM. Meurant, Paccaud, Favreau, Laménie, Saury et Reichardt et Mme Pluchet.

Après l'article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l'article L. 114-16-1, après le mot : « État », sont insérés les mots : « , des collectivités territoriales » ;

2° L'article L. 114-16-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Les agents mentionnés à l'article L. 133-2 du code de l'action sociale et des familles. » ;

3° Après le 3° de l'article L. 114-19, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Aux agents chargés du contrôle mentionnés à l'article L. 133-2 du code de l'action sociale et des familles. »

Mme Corinne Imbert.  - Cet amendement permet aux agents habilités par le président du conseil départemental d'échanger tous renseignements et documents utiles à la recherche et la constatation de fraudes sociales.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Cette extension est légitime, vu le rôle des départements en matière sociale. Avis favorable.

M. André Reichardt.  - Très bien.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - Avis défavorable. Le code de l'action sociale et des familles autorise déjà de tels échanges entre les conseils départementaux et les caisses. Inutile d'aller au-delà.

Mme Nathalie Goulet.  - Je suis très favorable à cet amendement. Nous l'avons vu avec Carole Grandjean, les départements rencontrent des difficultés et peinent à communiquer entre eux.

M. Michel Canevet.  - Rien n'est pire que de constater les fraudes sans pouvoir les sanctionner. Je voterai également cet amendement.

L'amendement n°7 rectifié ter est adopté, et devient un article additionnel.

ARTICLE 8

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Cet article durcit les conditions d'accès aux APL en les subordonnant à la transmission d'informations sur le logement.

La fraude aux cotisations est bien plus importante que la fraude aux prestations, or vous vous focalisez sur le contrôle des allocataires, objets d'une suspicion permanente, au risque de décourager les honnêtes citoyens. Le Secours catholique dit constater une hausse du non-recours en raison des démarches administratives à effectuer...

Le texte stigmatise les plus précaires et refuse de s'attaquer à la fraude des entreprises, évaluée à 25 milliards d'euros - 25 fois le montant de la fraude aux prestations et 250 fois celui de la fraude documentaire !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Avis défavorable. La commission estime intéressant de disposer de précisions sur le logement auquel l'aide se rapporte. Cet article est inspiré par le rapport de la Cour des comptes de septembre dernier.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable.  - Avis favorable. Subordonner le versement de l'APL à la fourniture de documents sur la valeur locative du bien n'a guère d'intérêt en termes de contrôle, sachant que cette valeur n'est pas prise en compte en matière d'aide au logement.

L'amendement n°12 n'est pas adopté.

L'article 8 est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 8

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié ter, présenté par Mme Imbert, MM. Retailleau, D. Laurent, Karoutchi et Cardoux, Mme V. Boyer, MM. Pellevat et Burgoa, Mme Demas, MM. Bonhomme, Bascher, Sol, Joyandet, Vogel, Longuet et Chaize, Mmes Chauvin et Puissat, M. de Nicolaÿ, Mme F. Gerbaud, MM. Nougein et Lefèvre, Mme Gruny, M. Bonne, Mmes Deromedi et Noël, M. B. Fournier, Mme Lassarade, MM. Houpert et Sautarel, Mme Drexler, MM. Savin, Mandelli, Hugonet, Savary, Brisson et Genet, Mmes Bellurot et L. Darcos, MM. Somon, Babary, Boré et Bouloux, Mme Dumont, M. Piednoir, Mme Berthet, M. Charon, Mme Raimond-Pavero, MM. Pointereau, Belin et Rapin, Mmes Di Folco, M. Mercier, Canayer, Deseyne, Borchio Fontimp et Delmont-Koropoulis, MM. Meurant, Paccaud, Favreau, Laménie, Saury et Reichardt et Mme Pluchet.

Après l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Le code de l'action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° L'article L. 262-15 est complété par sept alinéas ainsi rédigés :

« Ces organismes peuvent recueillir les informations nécessaires à l'appréciation des conditions d'ouverture, au calcul et au maintien du droit auprès :

« 1° Des organismes de recouvrement ;

« 2° Des organismes chargés de la gestion d'un régime obligatoire de base, d'un régime complémentaire ;

« 3° Des administrations centrales de l'État ;

« 4° Du gestionnaire du régime d'assurance-chômage ;

« 5° Des collectivités territoriales.

« Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent article. » ;

2° Au second alinéa de l'article L. 262-36, les mots : « mentionnés à » sont remplacés par les mots : « mentionnés au premier alinéa de ».

II.  -  Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2023.

Mme Corinne Imbert.  - Cet amendement modifie la procédure d'attribution du RSA à compter du 1er janvier 2023. Il ne reviendrait plus au demandeur de fournir les pièces nécessaires à l'instruction de sa demande mais à l'administration ou à l'organisme de récupérer les données le concernant auprès de ses partenaires.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Sagesse. Cet amendement reprend une disposition de la proposition de loi Doligé de 2016, mais je m'interroge sur les moyens dont disposent déjà les caisses d'allocations familiales à cet effet.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État.  - Les dispositions de l'article L114-12 du code de la sécurité sociale, applicables au RSA, sont suffisantes. La récupération automatique d'informations sur les ressources des bénéficiaires se fera par le biais du dispositif de ressources mensuelles. Cela limitera les indus et rappels, simplifiera la gestion des caisses, et favorisera le juste recours aux prestations. L'amendement est donc satisfait en droit et le sera prochainement en pratique. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Corinne Imbert.  - Mon amendement est satisfait en droit, mais pas encore vraiment dans les faits. Je le maintiens.

Mme Nathalie Goulet.  - Je soutiens cet amendement utile. Cette recommandation figure dans un rapport de 2016 et nous sommes en 2021 : nous n'avons que trop attendu l'application de ce « dites-le nous une fois ».

L'amendement n°8 rectifié ter est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 10

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur .  - La commission a ouvert la possibilité de recourir à la biométrie pour contrôler l'existence des pensionnés résidant à l'étranger ou dans certains territoires ultramarins. Des conventions sont déjà conclues sur les échanges automatisés d'état civil. La rédaction issue de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 ne doit pas être modifiée. La commission recommande de ne pas adopter cet article.

L'article 10 est adopté.

ARTICLE 12

M. André Reichardt .  - Je déplore la suppression de l'article 9 par la commission, car la coopération européenne entre les organismes de sécurité sociale n'est pas assez efficace. L'insuffisance des échanges de données favorise la fraude sociale transfrontalière. Une meilleure coopération est donc essentielle, dans l'attente d'une harmonisation complète.

La commission des affaires européennes a adopté en février 2020, à mon initiative, une résolution appelant à un renforcement de la coopération entre États.

Par ailleurs, en ma qualité de président du groupe d'amitié France-Afrique de l'Ouest, je sais combien il est important d'encourager les États africains à se doter d'un état civil fiable.

La fraude sociale n'est plus acceptable. Je remercie Nathalie Goulet pour son initiative.

L'article 12 est adopté

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 12

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 12

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la fraude patronale aux cotisations sociales et les moyens pour y mettre fin.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Si la sécurité sociale dispose des outils pour lutter contre la fraude sociale, elle manque cruellement de moyens humains pour contrôler la fraude aux cotisations sociales ! Celle-ci est estimée à 25 milliards d'euros par la Cour des comptes. Nous demandons au Gouvernement de réaliser une évaluation récente sur le montant de la fraude patronale aux cotisations sociales et surtout de formuler des recommandations pour lutter contre elle.

La commission des affaires sociales stigmatise les plus pauvres et refuse de s'attaquer au coeur du problème !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Je conteste fermement cette analyse. Nous ne stigmatisons personne. Ce rapport n'apporterait rien. Avis défavorable.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. Nous partageons votre souhait d'une meilleure évaluation de la réalité de la fraude sociale. Le montant des fraudes aux cotisations est évalué périodiquement ; il a représenté en 2019 entre 6 et 8,4 milliards d'euros, soit 2 à 2,7 % des cotisations dues. De nouvelles estimations devraient être bientôt réalisées par l'Acoss et la caisse centrale de la MSA, elles seront publiées. Ce rapport n'est donc pas nécessaire.

L'amendement n°15 n'est pas adopté.

ARTICLE 14

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Laurence Cohen.  - L'article 14 rend obligatoire l'ouverture d'un compte bancaire en France, ce qui est coûteux et stigmatisant pour les bénéficiaires. Le Gouvernement ne demande pas aux entreprises de disposer d'un compte en France pour bénéficier du fonds de solidarité.

Nous dénonçons l'inégalité entre les entreprises et les personnes.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Il n'y a aucune raison objective de verser sur un compte non-européen des prestations soumise à un critère de résidence en France. La commission souhaite conserver cet article. Avis défavorable.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État.  - Seule l'obligation de versement sur un compte français permettrait des contrôles, mais le droit européen s'oppose à une telle obligation. Avis favorable.

L'amendement n°13 n'est pas adopté.

L'article 14 est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 14

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié ter, présenté par Mme Imbert, MM. Retailleau, D. Laurent et Cardoux, Mme V. Boyer, MM. Pellevat et Burgoa, Mme Demas, MM. Bonhomme, Bascher, Sol, Joyandet, Vogel, Longuet et Chaize, Mmes Chauvin et Puissat, M. de Nicolaÿ, Mme F. Gerbaud, M. Lefèvre, Mme Gruny, M. Bonne, Mmes Deromedi, Noël et Lassarade, MM. Houpert et Sautarel, Mme Drexler, MM. Savin, Mandelli, Hugonet, Savary, Brisson et Genet, Mmes Bellurot et L. Darcos, MM. Le Rudulier, Somon, Babary, Boré et Bouloux, Mme Dumont, M. Piednoir, Mme Berthet, M. Charon, Mme Raimond-Pavero, MM. Pointereau, Belin et Rapin, Mmes Di Folco, M.  Mercier, Canayer, Deseyne, Borchio Fontimp et Delmont-Koropoulis, MM. Meurant, Paccaud, Favreau, Laménie, Saury et Reichardt et Mme Pluchet.

Après l'article 14

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 114-10-3 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 114-10-... ainsi rédigé :

« Art L. 114-10-.... - I. - Dans le cadre des contrôles mentionnés à l'article L. 114-10 du présent code, en cas de circonstances susceptibles de mettre en péril le recouvrement de l'indu ou de la fraude constatés, les agents mentionnés à l'article L. 114-16-3 peuvent dresser un procès-verbal de flagrance sociale comportant l'évaluation du montant de l'indu ou de la fraude.

« Ce procès-verbal est signé par l'agent de contrôle et par la personne en cause. En cas de refus de signer, mention en est faite au procès-verbal.

« L'original du procès-verbal est conservé par la structure à l'origine du contrôle et copie est notifiée à la personne en cause.

« II.  -  La notification du procès-verbal de flagrance sociale permet de procéder à une ou plusieurs mesures conservatoires mentionnées aux articles L. 521-1 à L. 533-1 du code des procédures civiles d'exécution à hauteur d'un montant qui ne peut excéder le montant de l'indu ou de la fraude constaté. »

Mme Corinne Imbert - Cet amendement étend la flagrance sociale à tout type de fraude sociale. En matière fiscale, les agents des impôts peuvent, en cas de constatation de faits frauduleux, dresser un procès-verbal qui emporte des effets tels que des mesures conservatoires.

La flagrance sociale sera un outil à disposition des inspecteurs de recouvrement pour repérer les prestations sociales obtenues frauduleusement.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - L'idée nous semble plutôt intéressante, mais le dispositif comporte quelques défauts. Qu'en pense le Gouvernement ?

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État.  - Cette extension de la flagrance ne paraît pas souhaitable. Il suffit de montrer que les particuliers concernés ont minoré sciemment leurs ressources.

Le principal problème est souvent l'insolvabilité de l'assuré ; les effets de la flagrance risqueraient d'être disproportionnés par rapport au but recherché. Avis défavorable.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Sagesse.

L'amendement n°9 rectifié ter est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 15

M. le président.  - Amendement n°18, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission.

Remplacer la référence :

L. 161-4-1

par la référence :

L. 161-1-4

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Amendement rédactionnel.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État.  - Avis favorable.

L'amendement n°18 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié ter, présenté par M. Menonville, Mme Guillotin, MM. Guerriau, Decool, A. Marc, Verzelen, Chasseing et Wattebled, Mme Mélot, M. Lagourgue, Mme Paoli-Gagin et MM. Capus, Médevielle et Malhuret.

Après les mots :

de ces pièces

insérer les mots :

, au moment de son inscription ou ultérieurement

M. Franck Menonville.  - Un organisme de protection sociale doit pouvoir déclencher des contrôles en présentiel supplémentaires, même après l'inscription au registre.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - La rédaction du texte satisfait M. Menonville. Un texte réglementaire précisera la mise en oeuvre. Retrait sinon avis défavorable.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État.  - Les agents chargés du contrôle peuvent procéder à toute vérification ou enquête administrative concernant l'attribution des prestations ou le respect des conditions de résidence et de ressources. La personne peut être convoquée physiquement à tout moment. L'amendement est donc satisfait. Retrait, sinon avis défavorable.

L'amendement n°5 rectifié ter est retiré.

L'article 15, modifié, est adopté.

L'article 17 est adopté.

ARTICLE 18

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Laurence Cohen.  - L'article 18 habilite les agents de la sécurité sociale à mener des enquêtes judiciaires : l'État se désengage de ses obligations. Il n'est pas acceptable de leur transférer ainsi la mission des services d'enquête judiciaire au prétexte de surcharge. Il faut au contraire renforcer les moyens.

La création de la procédure judiciaire d'enquête fiscale s'est accompagnée de la création de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale composée d'officiers de police judiciaire et d'agents des services fiscaux.

L'article 18 prévoit de confier aux agents de contrôle de la sécurité sociale et de l'inspection du travail une mission qui nécessiterait la création d'un corps distinct, avec des personnels formés spécifiquement.

Vous allez détériorer la lutte contre la fraude.

M. le président.  - Amendement identique n°17, présenté par Mme Poncet Monge, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - L'article 18 fait écho à une disposition appliquée aux services fiscaux. Or il existe de larges différences de logiques entre les administrations sociales et fiscales.

Nous refusons ce changement de philosophie par rapport aux missions premières de la sécurité sociale, d'autant qu'opérationnellement, cela serait très difficile.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Nous avons de grandes réserves sur cet article. Une formation longue des agents serait nécessaire, pour un bénéfice difficile à apprécier. La coopération avec la police est déjà possible, pour des poursuites judiciaires. Avis favorable.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État.  - Pour les mêmes raisons, avis favorable.

Les amendements identiques nos14 et 17 sont adoptés.

L'article 18 est supprimé.

L'article 21 est adopté, de même que les articles 22 et 25.

INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mme Lubin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Compléter cet intitulé par le mot :

organisées

Mme Monique Lubin.  - La fraude suscite beaucoup de fantasmes et certaines instrumentalisations politiques.

Le discours récurrent tend à faire croire que notre système est en lui-même « fraudogène » et à alimenter la suspicion à l'égard de leurs bénéficiaires légitimes. Or nous sommes tous bénéficiaires de prestations sociales.

Si la lutte contre la fraude intentionnelle est légitime, elle se doit d'être juste. Ainsi, elle doit viser tous les types de fraudes, en premier lieu la fraude fiscale, bien supérieure en montants. Il faut arrêter de faire croire que la fraude aux prestations est plus importante que celle aux cotisations quand la vérité est inverse.

Il faut aussi sortir de l'amalgame du vocable « fraude sociale » les situations individuelles non intentionnelles, dues essentiellement à la complexité administrative du système de protection sociale.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Il n'y a pas que des fraudes organisées, mais aussi des fraudes individuelles. La notion générique de fraude nous convient. Avis défavorable.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État.  - Le choix de l'intitulé appartient aux auteurs du texte. Je suis très attachée aux libertés du Parlement et ne m'immiscerai pas dans ce débat. Sagesse.

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

Explications de vote

Mme Nathalie Goulet .  - Je remercie nos collègues d'avoir voté la quasi-totalité des articles de ce texte.

Je suis surprise que l'opposition sénatoriale n'ait pas voté l'article 22, qui vise des patrons voyous à travers les entreprises éphémères qui créent des distorsions de concurrence sur les territoires.

Sur la fraude frontalière, nous attendons encore des travaux.

Nous sommes tout aussi attentifs à la fraude aux cotisations sociales. Nous pavons le chemin vers le PLFSS.

Le groupe UC votera ce texte auquel il est évidemment très favorable.

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - En pleine pandémie, ce sujet n'est pas la priorité. Nos concitoyens sont inquiets, beaucoup sont dans la désespérance. Pourquoi taper une fois de plus sur les plus pauvres ?

Nous sommes bien entendu contre les fraudes, mais, en commission, l'ensemble des groupes ont dénoncé un texte inabouti. Nous avons regretté que les syndicats de salariés et les services d'inspection générale n'aient pas été auditionnés.

Nous regrettons le deux poids, deux mesures entre la fraude sociale et la fraude fiscale patronale. L'Acoss a chiffré cette dernière entre 6,8 et 8,4 milliards d'euros en 2019, huit fois plus que la fraude sociale !

Le groupe CRCE votera contre cette proposition de loi.

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

(Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

La séance est suspendue quelques instants.

Élection du Président de la République (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à l'élection du Président de la République.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - Je tiens à remercier les membres de la CMP réunie le 2 mars dernier, dont le rapporteur de l'Assemblée nationale, Alain Tourret.

Ce texte devait initialement se limiter à un toilettage technique périodique. Mais il a pris une tout autre dimension avec le dépôt de l'amendement du Gouvernement sur le vote par machines à voter. Cet amendement a été déposé très tardivement, devant la seconde chambre, sans consultation ni de l'Assemblée nationale, ni des forces politiques, ni du Conseil d'État. Cela a beaucoup ému le Sénat. Il y va du respect de nos institutions.

Je reste pourtant intimement convaincu que notre droit électoral doit évoluer, notamment dans les modalités de vote, comme l'a montré la récente mission d'information du Sénat sur le vote à distance. Mais cette réflexion doit être déconnectée de tout contexte électoral. Il n'y a pas de place pour l'expérimentation dans l'élection clé de voûte qu'est la présidentielle.

Nous avons besoin de recul pour évaluer des idées qui semblent séduisantes de prime abord mais peuvent présenter des effets pervers.

Hormis ce point, l'accord des deux chambres était possible. Je pense notamment à l'accessibilité de la campagne électorale pour les personnes en situation de handicap, à l'actualisation des listes des parrains, à la publication obligatoire des marges d'erreur des sondages, au caractère expérimental de la dématérialisation des comptes de campagne et des reçus, et à la publication des comptes de campagne en open data.

Deux sujets ont fait l'objet de discussions approfondies : la fixation d'une date limite plus précoce pour la publication de la liste des candidats et l'augmentation du plafond des dépenses de campagne, de 153 000 euros à 200 000 euros, au rythme de l'inflation.

La durée du financement de la campagne posait une question bien plus délicate : elle était fixée à un an, contre six mois pour les autres élections. Nous vous proposons une période de neuf mois qui débuterait le 1er juillet 2021, afin d'éviter un chevauchement avec les élections départementales et régionales qui aurait placé d'éventuels candidats aux deux élections en insécurité juridique.

Le délai d'un an avait été maintenu pour des primaires, mais aucun parti n'envisage d'en organiser. Nous retenons donc le délai de neuf mois proposé par le Gouvernement.

Voilà ce que nous vous proposons d'adopter de façon définitive. Je remercie la commission des lois pour la qualité de ses débats. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté .  - Notre pays connaît encore des moments difficiles, qui nous ont conduits à adapter notre calendrier électoral. Ce texte, accepté par le Gouvernement, nous invite à refermer la période dérogatoire pour regarder vers l'avenir où, vaccin aidant, les mesures exceptionnelles seront derrière nous.

Je salue l'esprit républicain qui a présidé à l'examen de ce projet de loi organique, empreint de la gravité qui sied à cette matière technique mais structurante ; car, comme le disait le juriste Rudolf von Jhering, « la procédure est la soeur jumelle de la liberté ».

La loi organique sort consolidée et enrichie par votre examen parlementaire. La durée de la campagne électorale ramenée de douze à neuf mois résulte d'une volonté de sécuriser les comptes de campagne qui vous honore : le Gouvernement en prend acte.

Je me félicite des avancées de ce texte, notamment l'accessibilité du vote pour les personnes en situation de handicap prévue à l'article 1er bis. La déterritorialisation du vote par procuration constitue aussi une avancée majeure, qui n'enlève rien à l'impératif de sécurité. Le système d'e-procuration facilitera ces procédures. Le vote par correspondance des détenus sera effectif pour l'élection présidentielle.

C'est dans ce même objectif que le Gouvernement avait proposé le vote anticipé sur des machines à voter, troisième voie entre un vote par correspondance trop peu fiable et un vote électronique pas assez sécurisé. Nous n'y reviendrons pas dans ce débat, mais il conviendra de réfléchir ensemble à de nouvelles modalités d'organisation du vote, pour autant qu'elles garantissent la sincérité du scrutin.

Je remercie M. le rapporteur qui a oeuvré à l'aboutissement de cet accord en commission mixte paritaire, et je rends un sincère hommage au Sénat.

M. Éric Kerrouche .  - Il s'agissait au départ d'un texte technique ; malheureusement, nous sommes restés à ce niveau. Il y a bien quelques avancées : date de publication anticipée du décret de convocation des électeurs, procédure de parrainage dématérialisée, vote par correspondance des détenus, déterritorialisation des procurations, accessibilité de la propagande aux personnes en situation de handicap, passage de douze à neuf mois de la durée d'enregistrement des comptes de campagne, publication des marges d'erreur des sondages...

Le vrai problème a été cette initiative à l'emporte-pièce, disruptive et mal ficelée du Gouvernement, contestée jusque par la majorité présidentielle et le rapporteur de l'Assemblée nationale, qui n'en sont pourtant pas à une couleuvre près... Je parle du vote anticipé sur les improbables machines à voter, objet d'un moratoire qui n'a pas été levé.

En démocratie, le pouvoir politique s'exerce selon des règles préétablies. Le pouvoir n'est concédé par le peuple à ses dirigeants que pour une période limitée, ce qui fait du moment du vote le pivot de la démocratie. Comme le disait Benjamin Barber, il faut avoir une conception forte de la démocratie. Elle passe par une évolution du droit électoral, alors que la linéarité de notre vie démocratique a été remise en cause par la pandémie.

Toute l'histoire des régimes représentatifs suggère une évolution vers une plus grande démocratie par un élargissement constant des publics appelés à voter, mais rien n'est plus faux.

Le droit électoral est un enjeu démocratique et politique : politique quand, dans le Sud des États-Unis, on tente de priver certains groupes, en général les minorités, du droit de vote. Enjeu démocratique quand certains se détournent du scrutin : les non-inscrits, les mal inscrits et ceux qui ne se considèrent pas compétents - ce véritable cens caché qui exclut.

Le droit électoral est un sport de combat, pour détourner la formule de Pierre Bourdieu sur la sociologie. Aucune voix ne devrait peser plus qu'une autre. Or la procuration bénéficie aux plus insérés et plus mobiles, comme, du reste, la disposition envisagée par le Gouvernement...

Si la participation baisse avec le grand âge, la procuration est une réponse. Par paresse, la majorité sénatoriale a refusé toutes nos propositions : ce n'est jamais le bon moment !

Le groupe SER votera ce texte, qui présente de petites avancées utiles, mais sans enthousiasme aucun.

M. Dany Wattebled .  - Je me félicite que la commission mixte paritaire soit parvenue à une rédaction commune et qu'elle ait maintenu l'ensemble des apports du Sénat. Je pense notamment à l'accessibilité de l'élection pour les personnes en situation de handicap, à la publication de la marge d'erreur des sondages, à la date de publication de la liste des candidats, aux règles de fonctionnement de la campagne électorale, à la revalorisation de l'avance financière faite aux candidats, à la publication en open data des comptes de campagne, à l'actualisation des listes de parrains.

Mais l'examen de ce texte a pris une dimension politique inattendue, avec le dépôt de l'amendement du Gouvernement sur le vote anticipé par machine à voter - moins de 24 heures avant la réunion de la commission...

Notre assemblée l'a fermement rejeté, ce dont je me félicite. Sur la forme, il a été déposé devant la seconde assemblée saisie, sans que l'Assemblée nationale et le Conseil d'État n'aient pu l'examiner. Sur le fond, comment voter alors que la campagne électorale n'est pas achevée ? A-t-on le même avis huit jours avant le scrutin que le jour même ? Sans compter que l'on ne sait pas où les machines seront installées.

Notre réflexion sur le droit électoral doit être apaisée, à bonne distance des échéances. Ce texte de réglage s'inscrit dans les toilettages réalisés depuis 1988. Le groupe INDEP le votera.

M. Guy Benarroche .  - Je ne m'étendrai pas sur l'avatar qu'a constitué le dépôt tardif de l'amendement gouvernemental, qui a déjà trop fait parler de lui.

Les parlementaires ont su s'accorder sur un texte équilibré. Je regrette l'abandon de la transmission électronique des parrainages, pourtant en expérimentation depuis quatre ans. Il aurait dû être aisé de sécuriser moins de 50 000 connexions simultanées, alors même qu'un téléservice sera mis en place pour le dépôt des comptes de campagne et la délivrance des reçus.

La prison est certes le lieu d'exécution d'une peine, mais elle doit aussi préparer la réinsertion. Malgré le succès relatif des bureaux de vote installés pour les élections européennes, il a été décidé de ne pas renouveler l'expérience, au profit du vote par procuration. Il appartiendra à l'administration pénitentiaire d'informer les détenus sur ce droit et ses modalités.

Le vote par procuration est désormais considéré comme une modalité propre du vote qui ne nécessite pas de justification. Soyons prudents : pour ma part, j'estime qu'il présente un fort risque d'insincérité.

Je me félicite de la publication des marges d'erreur des sondages, qui en montrent les limites, même si j'aurais souhaité aller plus loin sur les dates de publication.

Ces améliorations techniques étaient nécessaires mais nous devons aussi faciliter le vote de tous, et donner envie à nos concitoyens de voter en crédibilisant la capacité des élus de tout niveau à changer leur quotidien.

Il est grand temps de réfléchir à l'avenir de notre République et aux dangers de l'hyper-présidentialisation.

Le GEST s'abstiendra sur ce texte.

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Notre assemblée a adopté ce projet de loi organique de réglage à une très large majorité.

Le groupe RDPI se félicite de l'accord en CMP, car il en finit avec le cadre dérogatoire de nos échéances électorales. Saluons la qualité du travail des deux chambres pour un scrutin plus sincère, transparent et démocratique.

Ce texte actualise la loi organique du 6 novembre 1962. Il crée des conditions de participation aussi large que possible, grâce aux dispositions sur la publication du décret de convocation des électeurs, le vote par procuration des détenus, l'adaptation de la liste des électeurs aux élections consulaires, l'actualisation de la liste des parrains en tenant compte des dernières réformes territoriales et en y ajoutant 152 conseillers consulaires.

Il adapte les règles de financements de la campagne, dématérialise le dépôt des comptes, les reçus de dons, et prévoit la publication des comptes de campagne en open data.

Il facilite le vote des personnes porteuses de handicap, grâce aux propositions de Philippe Mouiller.

Le dépôt tardif de l'amendement gouvernemental sur le vote par anticipation n'était certes pas de bonne méthode, mais retenons-en l'objectif : favoriser la participation du plus grand nombre. Nous devons poursuivre nos réflexions pour moderniser les règles électorales afin d'améliorer la participation, la sécurité et la sincérité des scrutins.

Le groupe RDPI votera ce texte issu de la CMP.

M. Jean-Claude Requier .  - Notre satisfaction est double. D'abord, celle d'une CMP conclusive, signe d'un travail en bonne intelligence ; ensuite, celle que le Sénat ait eu la sagesse et la fermeté de rejeter l'amendement du Gouvernement, découvert au dernier moment, qui aurait permis un vote sur plusieurs jours.

Sur le fond, cela reste une piste de travail pour réorganiser le scrutin et lutter contre l'abstention. C'est la forme qui interroge : on ne modifie pas les règles du jeu avant la finale du Top 14 !

Et si je prête beaucoup de défauts à nos amis du football (Sourires), reconnaissons qu'ils savent être prudents. L'assistance vidéo à l'arbitrage a été d'abord expérimentée dans quelques matchs amicaux, puis lors de la très peu disputée Coupe des confédérations en 2017. Qu'aurait-on pensé si elle avait été tout de suite introduite à la Coupe du Monde 2018 ? Qu'aurait-on pensé d'une équipe de France qui l'aurait remportée au bénéfice de cette expérimentation contestable ? Comme dans beaucoup de domaines, la première fois est rarement une réussite... (Sourires)

Il y va de la confiance de nos concitoyens dans leurs institutions. Nous sommes satisfaits que cet amendement ait été écarté, comme celui qui réduit l'importance des élus locaux dans le parrainage. Le RDSE votera ce texte. (Mme Jacky Deromedi applaudit.)

Mme Éliane Assassi .  - Sans crier gare, sans étude d'impact, le Gouvernement a déposé un amendement autorisant le vote par anticipation sur des machines à voter. Nous avons été pris de court sur le fond et la forme. C'est une atteinte à la sécurité du scrutin, et nous nous félicitons que la CMP n'ait pas réintroduit cet amendement.

La portée de la campagne électorale ne doit pas être amenuisée. Les électeurs doivent être correctement informés. C'est pourquoi nous avions déposé des amendements sur les sondages pour éviter la manipulation de l'opinion. En matière d'exposition audiovisuelle, le principe d'égalité, et non d'équité, doit être la norme.

Nous ne pouvons laisser aux grands groupes privés le soin d'organiser la campagne : c'est au législateur de réguler l'organisation des échanges démocratiques.

Sur le déroulement de la campagne, nous regrettons l'absence de dispositif pour anticiper de possibles perturbations du scrutin. Nous défendons la forme citoyenne du scrutin contre la déterritorialisation et la complexification de notre démocratie.

Nous avions aussi déposé un amendement pour l'installation de bureaux de vote dans les établissements pénitentiaires.

Nous regrettons que nos propositions n'aient pas été retenues. Ce projet de loi organique aurait pu comporter des avancées mais reste technique : point de remise en question du système hyper-présidentiel.

Le groupe CRCE, qui plaide pour une VIe République vraiment démocratique, s'abstiendra sur ce texte qui entérine le régime actuel.

M. Arnaud de Belenet .  - Je ne reviens pas sur les aspects techniques du texte, enrichi par plusieurs dispositions opportunes.

Un amendement gouvernemental instaurait le vote anticipé par machine électronique. Le groupe UC regrette un débat peu satisfaisant sur le fond : le sujet devra être étudié à l'avenir de manière sereine et approfondie pour répondre aux évolutions de la société et au risque de crise sanitaire. Nous ne pouvons pas reporter les élections présidentielles, comme nous l'avons fait pour les régionales et les départementales.

Le groupe UC se satisfait du raccourcissement de la période électorale, pour éviter le chevauchement avec celles des régionales et départementales. C'était nécessaire pour éviter des difficultés de ventilation des dépenses de campagne.

Nous nous réjouissons du renforcement de l'accessibilité de la campagne aux personnes en situation de handicap.

Avec ce texte, le Gouvernement s'inscrit dans la pratique qui consiste, depuis 1988, à adapter le droit électoral à la veille de l'élection présidentielle. L'ambition du texte, limitée, ne bouleverse ni son organisation ni la campagne. Le groupe UC le votera. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI)

Mme Jacky Deromedi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Technique dans sa forme, ce texte n'en est pas moins essentiel à la bonne tenue de l'élection présidentielle de 2022. Ce scrutin occupe la place centrale dans votre ordonnancement politique. Les Français ne s'y trompent pas, puisqu'ils y participent en nombre.

La loi organique de 1962 nécessite des mises à jour régulières pour rester en phase avec le droit électoral ordinaire.

Ce projet de loi a été examiné dans un esprit d'échange constructif. Il fixe le délai imparti à la convocation des électeurs, et sécurise la préparation du scrutin. La transmission des parrainages, le vote des détenus, la propagande électorale sont facilités. Un article porte également sur le vote par procuration des Français de l'étranger.

Ce texte a été encore amélioré par le Sénat, qui a adapté les règles de fonctionnement de la campagne électorale. Les comptes de campagne seront disponibles en open data.

À l'initiative de Philippe Mouiller, nous avons garanti l'accessibilité de la propagande électorale aux personnes à mobilité réduite.

Je me félicite que les 152 présidents des conseils consulaires puissent désormais parrainer des candidats.

Le Gouvernement avait introduit tardivement et maladroitement un amendement sur le vote par anticipation au moyen de machines à voter. La méthode a suscité notre vif étonnement - sans parler des fragilités juridiques et pratiques du dispositif.

Espérons que cet intérêt soudain du Gouvernement pour les machines à voter le conduira à prendre connaissance du rapport qu'Yves Détraigne et moi-même avons publié sur le sujet en 2018...

Le groupe Les Républicains votera ce texte.

L'ensemble du projet de loi organique est mis aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°89 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 317
Pour l'adoption 317
Contre 0

Le Sénat a adopté.

Le projet de loi organique est définitivement adopté.

Prochaine séance, mardi 16 mars 2021, à 14 h 30.

La séance est levée à 20 h 15.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Annexes

Ordre du jour du mardi 16 mars 2021

Séance publique

À 14 h 30 et le soir

Présidence : M. Gérard Larcher, président du Sénat Mme Pascale Gruny, vice-président du Sénat Mme Valérie Létard, vice-présidente du Sénat

Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la sécurité globale (texte de la commission, n°410, 2020-2021)