Réforme du courtage (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la réforme du courtage de l'assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement

Discussion générale

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Enfin une bonne nouvelle : une commission mixte paritaire conclusive !

Cette proposition de loi vise à structurer les professions de courtiers en assurance et en opérations de banque et services de paiement, en s'inspirant du modèle de co-régulation en vigueur pour les conseillers en investissements financiers. Elle prévoit une adhésion obligatoire aux associations professionnelles agréées par l'Autorité de contrôle prudentielle et de régulation (ACPR).

Mais elle ne révolutionne pas la régulation du secteur. Elle n'apporte pas de solution aux dysfonctionnements de la libre prestation de services et ne mettra pas fin à aux pratiques commerciales déloyales - assureurs insolvables ou courtiers indélicats, dans le domaine de la construction notamment - car les associations professionnelles n'auront pas de pouvoir de contrôle.

Ces limites s'expliquent par les contraintes du droit européen.

Le dispositif est cependant bienvenu, car il complète l'activité de l'ACPR qui ne peut contrôler tous les acteurs, compte tenu de la forte atomisation du secteur.

Les missions confiées aux associations seront utiles, dans un secteur à fort turnover qui emploie plus de dix mille intermédiaires, dont beaucoup d'entrepreneurs individuels et de TPE.

La CMP a consacré trois apports significatifs du Sénat : la possibilité pour une association professionnelle de notifier à l'ACPR et aux autres associations le refus d'adhésion ; celle de formuler, dans les limites fixées par le droit européen, des recommandations en matière de pratiques commerciales et de prévention des conflits d'intérêts ; et un meilleur encadrement du démarchage téléphonique en matière de produits d'assurance, qui protégera mieux le consommateur des abus constatés notamment sur les complémentaires santé ou les obsèques.

En revanche, la CMP n'a pas retenu la disposition confiant à l'Organisme pour le registre unique par des intermédiaires en assurance, banque et assurance (Orias), plutôt qu'aux associations, le contrôle de l'honorabilité des salariés. C'était une question de fiabilité, puisque l'Orias a déjà accès au casier judiciaire des dirigeants. Mais l'Orias a besoin de temps pour approfondir cette piste.

Madame la ministre, il faut un accès direct au casier judiciaire pour éviter les faux, qui sont très faciles à obtenir sur internet - je peux vous en faire la démonstration !

Sur le démarchage téléphonique, l'obligation d'enregistrer l'appel ne s'applique qu'aux appels non sollicités, sauf quand le souscripteur éventuel est déjà lié au solliciteur par un contrat en cours, à charge pour l'assureur de produire les justificatifs. C'est une disposition de bon sens.

Ce texte ne changera pas la face du monde, mais c'est une avancée. Je regrette cependant que les interventions dans le cadre de la libre prestation de service ne puissent être abordées, alors qu'elles représentent la plupart des abus.

Je remercie la députée Valérie Faure-Muntian, auteur et rapporteure du texte, pour le travail constructif mené ensemble. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI)

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable .  - Ce texte porte une réforme utile aux courtiers comme aux consommateurs. Merci aux parlementaires, et en particulier aux rapporteurs : leurs efforts ont permis d'aboutir à une proposition commune recueillant une large approbation.

L'amendement adopté au Sénat assurant une régulation du démarchage téléphonique, inspiré par le Comité consultatif du secteur financier (CCSF), est bienvenu. Il renforce l'information de l'assuré, interdit la vente en un temps, définit les modalités de recueil du consentement et prévoit une conservation des enregistrements pendant deux ans. Cela donnera à la DGCCRF et à l'ACPR la possibilité d'assainir le secteur.

Le texte renforce aussi les garanties pour les courtiers dans leurs relations avec les associations professionnelles agréées, notamment grâce à une adhésion simplifiée et à l'obligation de motiver un refus d'adhésion. Je salue la possibilité donnée à l'ACPR de notifier une décision de refus d'adhésion.

Le Gouvernement partage la décision de la CMP de revenir à la rédaction de l'Assemblée nationale qui confie la vérification de l'honorabilité des salariés aux associations professionnelles : l'Orias n'est pas en mesure de s'en charger pour l'instant.

Les futures associations professionnelles ne constitueront pas des instances de contrôle mais auront des missions d'accompagnement.

Il s'agit de soutenir des professionnels, souvent de petites structures, qui peuvent se sentir perdus face à leurs obligations : formation minimale de quinze heures par an, médiation avec les consommateurs notamment.

Les courtiers ont jusqu'au 1er avril 2022 pour mettre en oeuvre ces dispositions. Le Gouvernement apporte tout son soutien à ce texte qu'il souhaite promulguer dans les meilleurs délais.

M. Richard Yung .  - Commencé en février 2019 avec des dispositions de la loi Pacte ensuite censurées par le Conseil constitutionnel, le parcours de ce texte s'achève avec un compromis qui n'est pas révolutionnaire mais améliore l'accompagnement des courtiers et la protection des consommateurs.

À compter du 1er avril 2022, les courtiers et intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement (IOBSP) devront adhérer à une association professionnelle agréée par l'ACPR. Celle-ci accompagnera ses membres, vérifiera leurs conditions d'exercice, offrira des services de médiation. Faute de garanties, elle pourra refuser l'adhésion d'un courtier.

Ce dispositif, inspiré de celui qui s'applique aux conseillers en investissement financier, est d'autant plus bienvenu que le secteur du courtage croît fortement, dans un contexte de taux d'intérêt bas. Nos concitoyens n'hésitent plus à faire jouer la concurrence.

Je me félicite que les associations puissent désormais signaler un refus d'adhésion, mais aussi formuler des recommandations. En revanche, le droit de l'Union européenne interdit aux associations professionnelles de contrôler leurs membres.

Concernant le démarchage téléphonique, l'interdiction explicite de vente en un temps (one shot) et l'obligation d'enregistrement des appels de vente sont bienvenues.

Enfin, l'Union européenne nous impose de faire de l'adhésion à une association professionnelle une faculté et non une obligation, ce qui crée une situation paradoxale vis-à-vis des courtiers étrangers sous le régime de la libre prestation de service, qui ne seront pas soumis aux mêmes obligations. Je suis toutefois convaincu qu'ils seront nombreux à adhérer, attirés par l'accompagnement offert par les associations.

Le RDPI votera ce texte qui adresse un signal positif au secteur. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Christian Bilhac .  - Je soulignais en première lecture la diversité et l'ancienneté du secteur du courtage. Le courtage en assurance est difficile à encadrer, avec des dizaines de milliers d'acteurs pas toujours domiciliés en France. Cette proposition de loi laisse espérer que le secteur s'organisera davantage, dans l'intérêt de la protection du consommateur et du respect des règles de la concurrence. L'obligation d'adhérer aux associations professionnelles améliorera le contrôle tout en préservant la liberté d'établissement.

Le groupe RDSE votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Éric Bocquet .  - Comme nous le soulignions en première lecture, les associations professionnelles créées par ce texte ont un rôle flou. La proposition de loi cultive l'ambiguïté sur les « recommandations » qu'elles pourront formuler qui, estime la CMP, devraient généraliser les bonnes pratiques commerciales...

Pourtant l'ACPR a récemment mis en garde TCA Assurances, ce courtier-grossiste spécialisé dans les restaurants, bars, et discothèques, très touchés par la crise : la compagnie avait anticipé le renouvellement des contrats souscrits auprès d'une société d'assurance sous le régime de la libre prestation de service, dont elle connaissait pourtant les graves difficultés.

Nous en tirons deux conclusions. D'abord, l'ACPR exerce un contrôle sérieux dont il aurait fallu renforcer les moyens, tout comme ceux de l'Orias ; la CMP a écarté son implication dans le contrôle au motif que cela allongerait les procédures, mais elles seront aussi longues si les associations professionnelles en ont la charge.

Seconde conclusion, les courtiers en libre prestation de service (LPS) doivent être contrôlés par l'ACPR, or le texte ne prévoit pour eux qu'une adhésion facultative. L'inégalité qui en résulte entre Français et étrangers est à nos yeux un motif de censure du Conseil constitutionnel.

En 2016, à Drusenheim, dans le Bas-Rhin, trois familles avaient acheté, pour 650 000 euros, trois maisons en VEFA (vente en état futur d'achèvement). Deux mois après le début des travaux, le chantier s'est arrêté : le promoteur avait cessé de payer les maçons, tout en produisant de fausses attestations de fin de travaux. Les familles continuaient à payer, sans réussir à récupérer leur garantie finale d'achèvement auprès de l'assureur, qui continue à temporiser malgré les assignations. (M. Claude Kern le confirme.)

Tant que nous n'aurons pas affronté ce fléau qu'est la LPS, qui gangrène le marché français, nous condamnerons des familles comme celles-ci au désespoir. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et UC)

M. Jean-Michel Arnaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le groupe UC se félicite de cet accord en CMP, signe que nos deux assemblées savent s'entendre lorsque l'intérêt général l'exige.

Les améliorations proposées par le Sénat ont prospéré, ce qui nous réjouit, même si elles ne sont pas suffisantes. Nous saluons tout particulièrement la garantie que représente l'adhésion à des associations professionnelles qui peuvent émettre des recommandations pour diffuser les bonnes pratiques commerciales.

En matière de démarchage téléphonique, la rédaction retenue protégera les consommateurs sans entraver les offres commerciales en cours. Les comparateurs en ligne, dont l'utilité est avérée, sont préservés.

Le contrôle de l'honorabilité restera aux mains des associations, ce que nous comprenons à la lumière des échanges avec les acteurs du secteur. Mais la vigilance s'impose, au vu du nombre important de faux extraits de casier qui circulent.

C'est un texte imparfait, mais un premier pas dans la bonne direction. Le groupe UC le votera. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur le banc de la commission)

Mme Isabelle Briquet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Vous connaissez nos réserves sur ce texte. Le courtage est un secteur où évoluent de très nombreux acteurs, contrôlés aujourd'hui par l'Orias et l'ACPR. Le Gouvernement aurait pu donner à ces derniers les moyens d'effectuer les contrôles qui s'imposent, au lieu de déléguer cette tâche à des associations professionnelles.

Créer un intervenant supplémentaire entre professionnels et instances de régulation manque de cohérence, alors que l'on supprime des organismes de gestion agréés sur d'autres marchés.

De plus, le texte ne répond pas aux dysfonctionnements liés à la libre prestation de services ou la concurrence déloyale.

L'autorégulation par des associations professionnelles, qui favorise de grandes entités de courtage, est porteuse d'un risque oligopolistique - qui n'est jamais au bénéfice du consommateur.

Je regrette l'absence d'étude d'impact, qui aurait pu nous éclairer sur les bénéfices d'un marché plus concentré. Je regrette également que l'amendement du Sénat confiant à l'Orias le contrôle d'honorabilité n'ait pas été retenu.

Ce texte consacre un recul des pouvoirs publics. Le groupe SER s'abstiendra, comme en première lecture. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Pierre-Jean Verzelen .  - Le courtier joue dans l'économie un rôle d'intermédiaire, avec une double valeur ajoutée : tiers de confiance, il sécurise la transaction, il fait jouer la concurrence et permet le bon ajustement entre l'offre et la demande.

Cette proposition de loi manquera sa cible si elle n'améliore pas la confiance ou la compétitivité. Elle va cependant dans le bon sens : les associations professionnelles à adhésion obligatoire apportent lisibilité et protection au consommateur. Elle témoigne de l'utilité du Sénat, dont plusieurs apports ont été conservés.

Ces dispositions avaient déjà été adoptées il y a deux ans dans le projet de loi Pacte. J'espère qu'elles ne conduiront pas à une hausse des prix : l'adhésion obligatoire va engendrer des surcoûts qui pourraient être répercutés sur le consommateur. Mais il est également possible que cette clarification renforce les acteurs les plus solides qui pourront absorber ces coûts sans augmenter leurs prix.

Malgré ce point de vigilance, le groupe INDEP approuve ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

M. Paul Toussaint Parigi .  - Fallait-il créer un nouvel étage de contrôle de la profession de courtier en assurance, plutôt que de s'appuyer sur les outils de régulation existants ?

Certes, les associations professionnelles pourront formuler des recommandations de bonnes pratiques en matière de conflits d'intérêts, ce qui gommera certains effets délétères du texte initial. Mais c'est une amélioration partielle.

En matière de protection du consommateur, le texte encadre mieux le démarchage téléphonique, mais les mesures restent peu ambitieuses ; il aurait fallu donner de vrais moyens de contrôle à l'Orias et à l'ACPR.

Il n'était nul besoin de désavouer la puissance publique, ni urgent de réformer le courtage par un texte dont les dispositions sont très techniques et difficiles à évaluer. Nous légiférons à l'aveugle, sans étude d'impact.

Le GEST aurait préféré discuter de la place des assurances dans le soutien à la population, en pleine crise sanitaire. Nous nous abstiendrons.

M. Vincent Segouin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Simplifier en votant un nouveau texte qui crée une strate administrative supplémentaire : la démarche me laisse sceptique. Nous avions supprimé les centres de gestion dans la loi de finances 2021, et nous créons ici une obligation administrative, avec une charge financière improductive à la clé.

J'avais déposé un amendement de suppression, considérant que l'Orias pouvait exercer le contrôle d'honorabilité, mais j'ai pris conscience depuis du nombre très élevé d'inscriptions et de résiliations dans le secteur.

J'espère que cette proposition de loi protégera les courtiers français des courtiers étrangers en libre prestation de service, qui n'ont pas les mêmes obligations de solvabilité ou de garanties financières.

Les courtiers ont aussi des obligations en matière de médiation et de formation ; compte tenu de la taille moyenne des structures, il n'est pas toujours facile de les remplir.

Les sociétés de courtage devront adhérer à une association professionnelle à partir de 2022, qui assurera la médiation, la formation et l'information sur l'évolution réglementaire moyennant une cotisation annuelle de 500 euros. Les associations professionnelles pourront prévenir l'ACPR et les autres associations en cas d'irrégularités. J'espère que les recommandations qu'elles formuleront ne se traduiront pas en obligations et en nouvelles normes franco-françaises.

J'ai été surpris du dépôt tardif de l'amendement du Gouvernement sur l'obligation d'enregistrer et de conserver deux ans les appels de démarchage. Certes, il y a quelques cas déviants, mais nous ne légiférons pas pour quelques-uns. Je me félicite que la portée de l'amendement ait été réduite.

Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

La discussion générale est close.

La proposition de loi est définitivement adoptée.

La séance est suspendue pour quelques instants.