Suivi des condamnés terroristes sortant de détention

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, renforçant le suivi des condamnés terroristes sortant de détention, présentée par M. François-Noël Buffet et plusieurs de ses collègues.

Discussion générale

M. François-Noël Buffet, auteur de la proposition de loi .  - Cette proposition de loi renforce le suivi des plus de 500 condamnés pour des faits de terrorisme islamo-djihadiste qui sortiront de prison dans les prochaines années.

Le 27 juillet 2020, la loi instaurant des mesures judiciaires de sûreté à l'issue de la peine était votée ; c'était nécessaire, en raison de leur dangerosité et des risques de récidive. Dans sa décision du 7 août 2020, le Conseil constitutionnel n'a pas remis en cause le principe de telles mesures, mais il a jugé que le dispositif retenu portait une atteinte ni adaptée ni proportionnée aux droits et libertés constitutionnellement protégées.

Or un tel dispositif reste une impérieuse nécessité, les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas) n'offrant pas un cadre suffisant. Un suivi judiciaire est plus adapté.

Cette proposition de loi reprend le principe d'un suivi judiciaire post-sentenciel, décorrélé des réductions de peine, soumis à une appréciation pluridisciplinaire et l'aménage pour le rendre compatible avec les exigences du Conseil constitutionnel : le quantum est ainsi réduit de cinq à trois ans pour les peines de moins de dix ans et de dix à cinq ans pour les peines de plus de dix ans ; le texte comprend des atténuations de minorité ; il prend pour référence la peine effectivement prononcée et non la peine encourue ; il exclut de l'application de la mesure de sûreté les personnes faisant l'objet d'un sursis probatoire ; la mesure ne pourrait être prononcée que si la personne a fait l'objet d'un programme de réinsertion ; une précision est rendue implicite : le renouvellement de la mesure est soumis à une réévaluation de la dangerosité. Enfin, une gradation dans les mesures est établie : la juridiction pourra imposer certaines obligations relevant du suivi social et de l'accompagnement personnalisé, mais l'obligation de pointage et l'interdiction de fréquenter certains lieux et personnes ne seront prononcées qu'en cas d'échec des premières mesures.

Il fallait reprendre le dispositif voulu par le Sénat et l'Assemblée nationale, tout en tenant compte de la décision du Conseil constitutionnel ; les Micas sont en effet limitées à une année. Pour aller au-delà, seule une décision du juge judiciaire peut imposer des mesures contraignantes. Rien n'empêche un cumul des deux dispositifs.

Tel est l'objet de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les  Républicains)

Cette proposition de loi répond à un enjeu de sécurité publique majeur : la sortie de prison des détenus condamnés pour terrorisme toujours dangereux. Ce n'est pas qu'une question théorique puisque sur 253 condamnés définitivement, 162 sortiront dans les quatre prochaines années.

Certes, nous avons déjà des moyens de les suivre, mais ils sont insuffisants.

D'abord, les Micas créées par la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite « SILT », prononcées par le ministère de l'Intérieur ; attentatoires aux libertés, elles ne peuvent excéder douze mois. C'était la condition de leur validation par le Conseil constitutionnel.

Il y a aussi la peine de suivi socio-judiciaire, obligatoire depuis août 2020 pour les infractions liées au terrorisme, mais peu prononcées auparavant.

Il y avait les mesures d'application des peines, mais les réductions automatiques de peines ayant été supprimées en juillet 2017 pour les faits de terrorisme, elles sont devenues inopérantes pour les faits postérieurs.

Quant aux autres mesures de sûreté, elles concernent surtout les délinquants sexuels et sont associées à une évaluation psychiatrique peu adaptée au terrorisme.

L'inscription au fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions terroristes (Fijait), enfin, est assez peu efficace.

Il en résulte que pour les faits commis entre juillet 2016 et août 2020, nous disposons de moyens de suivi insuffisants : 75 % des personnes qui sortiront n'auront qu'un suivi calqué sur les réductions de peine.

Nous avons par conséquent besoin de nouvelles mesures. Après une évaluation de la loi SILT, les présidents des commissions des lois de chaque assemblée ont ainsi déposé une proposition de loi prévoyant des mesures judiciaires de sûreté à vocation de surveillance et de réinsertion pour ces condamnés, qui ont abouti au texte de juillet 2020, partiellement censuré par le Conseil constitutionnel.

Que dit ce dernier ? D'abord que le législateur est légitime à mettre en oeuvre une mesure de sûreté, fondée non sur l'infraction commise mais sur la dangerosité persistante. Il ne s'agit pas d'une double peine, mais d'une mesure de sûreté qui est d'application immédiate.

Moins positif, il juge la balance déséquilibrée entre la prévention de l'ordre public et les atteintes aux libertés constitutionnellement protégées.

Le président Buffet s'est donc attaché à y répondre : la mesure de sûreté reposera sur une évaluation avant la sortie de détention ; l'avis du juge d'application des peines antiterroriste sera requis ; un débat contradictoire devra avoir lieu ; le détenu devra avoir pu suivre des activités de réinsertion en prison ; la mesure ne s'appliquera pas aux peines avec sursis et si d'autres mesures moins attentatoires aux libertés peuvent être mises en oeuvre. Plus le détenu est dangereux, plus les mesures imposées seront importantes, ce qui est logique.

Voilà l'architecture de cette nouvelle mesure de sûreté, dont nous espérons qu'elle aura les faveurs du Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Cette proposition de loi va dans le bon sens. Je souligne la qualité de la réflexion de l'auteur du texte, qui s'inscrit pleinement dans notre objectif à tous, qui est de faire face à une menace nouvelle, terrifiante, celle d'une récidive des personnes déjà condamnées pour terrorisme.

Depuis 2017, le Gouvernement a déployé des moyens sans précédent. Dix mille postes supplémentaires de gendarmes et de policiers, création du parquet antiterroriste, augmentation du budget, création de quartiers d'évaluation de la radicalisation (QER), développement du renseignement pénitentiaire...

Depuis 2017, 36 attentats liés à la mouvance islamiste ont été déjoués. J'ai une pensée particulière pour les victimes d'actes terroristes dans notre pays.

D'ici fin 2024, 163 personnes détenues pour des faits de terrorisme en lien avec la mouvance islamiste auront purgé leur peine ; or certains présentent toujours des signes de radicalisation. Depuis 2016, le régime d'aménagement des peines a été durci ; mais on ne peut plus, dès lors, aménager la sortie de détention de ces mêmes détenus. Il y aura donc des sorties « sèches », sans suivi ni accompagnement.

Mon ministère travaille sans répit pour améliorer la prise en charge et l'évaluation de ces condamnés dans les QER. Nous ouvrirons 121 places, dont un quartier pour femmes fin 2021 à Fresnes.

Il y a aussi 188 places de prise en charge de la radicalisation et un quartier pour femmes à l'été 2021 à Rennes.

Le service de renseignement pénitentiaire, avec cent recrutements en trois ans, assure un suivi très étroit.

Malgré ce travail, il faut tout mettre en oeuvre pour garantir la sécurité de nos concitoyens face à ces sorties sèches.

La loi SILT a créé les Micas. Le projet de loi SILT 2, actuellement en débat à l'Assemblée nationale, pérennise ces mesures qui ont montré leur efficacité.

La soumission à un nouveau régime judiciaire restrictif des libertés appelle la plus grande vigilance, d'où l'avis du Conseil constitutionnel sur la proposition de loi de juillet 2020.

Le travail de réécriture engagé au Sénat doit être salué, mais ne répond pas, à nos yeux, à toutes les critiques du Conseil constitutionnel. Il n'est pas question d'ouvrir la voie à une forme de justice prédictive. Le Gouvernement a inclus dans le texte SILT une mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste qui articule le dispositif administratif et le dispositif judiciaire, avec des obligations principalement sociales.

Cette proposition de loi du président Buffet a des objectifs comparables, mais certaines obligations et interdictions qu'elle prévoit, comme l'interdiction de paraître dans certains lieux ou de fréquenter certaines personnes sont voisines de celles des Micas, ce qui les fragilise : la superposition de mesures similaires prises par des autorités différentes, mais s'appliquant aux mêmes personnes, met en danger la cohérence de l'action de l'État.

Les mesures de sûreté doivent respecter l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui touche à l'exercice des libertés. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 7 août 2020, a rappelé le caractère nécessairement adapté et proportionné des mesures qui poursuivent un objectif d'intérêt général avec les libertés constitutionnellement protégées. Or le renouvellement des mesures, notamment, laisse craindre une nouvelle censure.

Nous sommes sur une ligne de crête : il faut assurer la protection des Français en évitant toute mesure qui ne serait pas strictement nécessaire.

C'est ce que fait le Gouvernement à l'article 5 du projet de loi SILT 2, plus à même de répondre aux exigences constitutionnelles clairement établies. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Franck Menonville .  - Le déconfinement ne doit pas faire oublier le danger permanent qui plane sur notre pays.

Les faits sont simples : 469 personnes sont détenues dans les prisons françaises pour des faits de terrorisme islamiste, dont 253 condamnées définitivement et 163 qui devraient être prochainement libérées mais qui présentent un risque de récidive.

Trop d'attentats ont eu lieu sur notre sol, voire dans nos prisons ! Nous sommes plus qu'inquiets à l'égard de ces personnes parfois dangereuses du fait de leurs « convictions absolues », pour reprendre les mots de Jean-François Ricard, procureur antiterroriste, qui, comme tous les acteurs, nous dit l'urgence d'agir pour mieux protéger les Français.

La remise en liberté d'individus toujours radicalisés appelle des mesures spécifiques pour prévenir la récidive et assurer la sécurité de nos concitoyens. Mais le Conseil constitutionnel a considéré dans sa décision du 7 août 2020 que la loi de juillet 2020 était en partie contraire à la Constitution, en ce qu'elle comportait une atteinte disproportionnée à certains droits et libertés. Il n'a cependant pas remis en cause le principe de mesures de sûreté.

Cette proposition de loi est essentielle. Elle reprend le dispositif de juillet 2017 tout en prenant en compte la décision du Conseil constitutionnel. Elle a été utilement amendée en commission. Je tiens à remercier le président de la commission des lois pour son initiative. Les Français attendent de l'État qu'il les protège, c'est le fondement de notre contrat social. Le combat contre le terrorisme est un combat collectif !

Le groupe Les Indépendants votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Gérard Longuet applaudit également.)

Mme Esther Benbassa .  - La sécurité des Français et l'intégrité de notre territoire national sont des préoccupations communes à tous les membres de cette Haute Assemblée.

Mais la vision de la commission des lois est bien réductrice : toujours plus de répression judiciaire et pas assez de réflexion sur les causes du problème que l'on veut traiter.

Il faut traiter la radicalisation en prison et accompagner les détenus. Il faut aussi réfléchir sur nos pratiques socio-judiciaires de réintégration des personnes radicalisées en milieu ouvert ou semi-ouvert. Il faut revoir tout notre système, actuellement fondé sur la seule stratégie de déradicalisation. Avec Catherine Troendlé, j'ai écrit un rapport sur la radicalisation et j'ai visité de nombreuses prisons et structures qui pratiquent ce que je préfère appeler du désengagement ou du désembrigadement.

Notre approche est réductrice et confrontationnelle : il faut faire évoluer notre démarche vers le désengagement, compris comme renoncement à la violence. Le Danemark a été précurseur en la matière dès 2007 avec une méthode fondée sur le tutorat.

Nous n'avons aucun retour d'expérience sur Artemis en France.

Mme Nathalie Goulet.  - Évidemment !

Mme Esther Benbassa.  - Comment l'implication des familles est-elle prise en compte ? Comment les professionnels adaptent-ils leurs outils selon l'hétérogénéité des besoins ? Nous avons trop peu d'éléments d'analyse scientifique. Or l'enjeu scientifique et social de la prise en compte des personnes radicalisées apparaît majeur.

Ce texte est donc une occasion manquée de faire évoluer notre stratégie. Le GEST votera contre.

M. Alain Richard .  - Voici un nouvel épisode de l'adaptation de notre droit pénal au risque terroriste depuis 2012. Progressivement, notre droit se renforce et les procédures sont adaptées.

Ce droit rénové produit ses effets. Je salue tous les agents publics qui le mettent en oeuvre : magistrats, policiers, fonctionnaires pénitentiaires et des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP).

Mais l'idéologie meurtrière qui a conduit à l'acte terroriste ne disparaît pas avec l'exécution de la peine. La problématique de la déradicalisation telle qu'exposée par Esther Benbassa est intéressante, mais elle n'épuise pas le sujet : tous les détenus ne reviennent pas dans la norme et certains restent dangereux.

Reste donc à relever un double défi : rester fidèle à une justice humaniste et écarter la menace vitale qu'ils représentent.

Nous avons adopté en juillet 2020 une loi qui habilitait le juge à prendre des mesures de sûreté. Le Conseil constitutionnel a déclaré ces mesures contraires à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; il a critiqué le cumul de mesures aboutissant à priver l'individu d'une partie essentielle de sa liberté, avec des effets pouvant aller jusqu'à dix ans.

Cette loi avait pourtant l'approbation d'une large majorité de nos deux assemblées, après un travail approfondi des deux commissions des lois. Je m'étais personnellement réjoui, monsieur le garde des Sceaux, que vous ayez alors apporté votre soutien à ce dispositif.

Le Conseil constitutionnel a du moins reconnu la conformité au droit du principe des mesures de sûreté. Le risque persiste ; il faut désormais reprendre la plume en prenant en compte la décision du Conseil constitutionnel.

Il faut mettre en oeuvre un suivi particulier, sous la responsabilité du juge judiciaire.

La proposition de loi du président Buffet reprend les trois principales mesures de contrainte prévues dans la loi de 2020 et qui existent déjà dans le code pénal. Leurs durées ont été limitées.

Ce dispositif nous semble équilibré et adapté. Nous savons que le Gouvernement a aussi un projet et nous espérons un rapprochement de ces deux solutions, veillant au cumul des mesures administratives et judiciaires.

Poursuivons le débat. Monsieur le garde des Sceaux, vous pourriez incorporer les propositions du président Buffet à votre projet de loi, pour avis du Conseil d'État.

Le groupe RDPI se prononcera par une abstention compréhensive sur ce texte.

Mme Maryse Carrère .  - Les chiffres sur les prochaines sorties de détention sont inquiétants.

Notre société fait face à un double défi : réinsérer sans rien renier de notre État de droit.

Le 27 juillet 2020, la loi instaurant des mesures de sûreté a été votée, mais le Conseil constitutionnel a été contraint d'en censurer des éléments majeurs. Heureusement, il n'a pas censuré le principe d'une mesure de sûreté.

Les ajustements de la proposition de loi semblent de nature à satisfaire les exigences du Conseil constitutionnel. La nouvelle évaluation de la personne visée par la mesure prévue est une bonne chose, comme la gradation des obligations pouvant être prononcées. J'espère que le dispositif, mieux adapté à chaque situation, sera ainsi jugé constitutionnel.

Cette proposition de loi prévoit que la mesure de sûreté ne pourra être prononcée que si la personne a bénéficié de mesures de réinsertion durant sa détention. C'est un aveu d'échec de l'institution carcérale qui ne remplit pas son rôle de réinsertion...

Mme Nathalie Goulet.  - Et comment !

Mme Maryse Carrère.  - La prison punit, mais ne prépare pas assez la sortie. Que se passera-t-il si les mesures post-détention ne sont pas efficaces ?

Le groupe RDSE votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Éliane Assassi .  - Nous nous étions fortement opposés à la loi de juillet 2020, dont le Conseil constitutionnel a censuré une grande partie. Pourtant, vous continuez à considérer que les Micas sont insuffisantes et proposez un dispositif renforcé.

Le groupe CRCE n'a pas changé de position et la censure du Conseil constitutionnel nous a confortés. Nous sommes opposés aux mesures de sûreté, au nom du droit à la réinsertion après la peine. L'ancien sénateur Robert Badinter avait dénoncé une « période sombre pour la justice ». Les mesures de sûreté ne visent qu'un état dangereux : il n'y a pas de faute. Cela ne serait pas une punition mais de la prévention. Il y a un vrai danger de dérive totalitaire ! Quel message envoyons-nous aux détenus libérés ? Qu'ils seront suspectés à vie et rejetés par la République.

Ne croyez pas que ces mesures se borneront aux infractions terroristes : elles feront tâche d'huile.

En creux, les mesures révèlent l'échec du temps pénitentiaire et l'épuisement du tout carcéral. De quels moyens dispose-t-on ? Comment réinsérer si l'ex-détenu doit pointer trois fois par semaine au commissariat - obstacle évident à toute reprise d'une vie active ? La loi SILT 2 ne répondra pas davantage à ces questions.

Un an avant la présidentielle, ne serait-il pas sage de sanctuariser notre code pénal ?

Le groupe CRCE s'opposera à ce texte qui instaure une peine après la peine. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

Mme Nathalie Goulet .  - Mettons fin au suspense : le groupe UC votera ce texte.

Mais aucune loi ne nous donnera suffisamment de garanties pour faire face à ce virus mutant qu'est le terrorisme. Je travaille sur la radicalisation depuis de nombreuses années. Souvenez-vous, monsieur le garde des Sceaux, je vous ai posé votre première question d'actualité au Gouvernement sur le suivi des détenus récidivistes...

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - (La main palpitant sur la poitrine) J'en ai le coeur qui bat encore !

Mme Nathalie Goulet.  - J'ai l'honneur et le privilège d'être le sénateur de la prison de Condé-Alençon, où les détenus radicalisés posent beaucoup de problèmes et je suis abreuvée des travaux de Farhad Khosrokhavar : si nous avions suivi la question de la prison toutes ces années, nous n'en serions peut-être pas là ! Il faut plus de moyens pour les prisons, pour la justice, pour la prévention.

Je rends hommage à nos services de sécurité, pénitentiaires et de renseignement. D'après le ministre Darmanin, une des raisons du problème de sécurité est le manque de moyens de la justice. Malgré votre bon budget, monsieur le Ministre, votre navire amiral prend l'eau et il va falloir faire mieux : le « quoi qu'il en coûte » devrait être appliqué à votre ministère.

Qu'en est-il du plan de lutte contre la radicalisation annoncé par Édouard Philippe le 13 juillet 2018 ? Nous n'avons aucune évaluation.

Sans vouloir anticiper sur le débat suivant sur l'irresponsabilité pénale, de nombreux détenus qualifiés de radicalisés n'ont pas leur place en prison, mais dans des hôpitaux psychiatriques, lesquels n'ont déjà pas les moyens de prendre soin de leurs malades.

Les médecins experts, peu nombreux, ne peuvent jouer leur rôle ; quant à la prévention, elle brille par son inefficacité. Pour la énième fois, je voudrais prononcer un réquisitoire contre le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR). Loi de finances après loi de finances, nous demandons son évaluation et n'avons pas de statistiques, pas de suivi. Esther Benbassa et Catherine Troendlé ont produit un travail sur les outils de la déradicalisation : il manque clairement un maillon.

L'expertise psychiatrique fait défaut aussi, par manque de moyens financiers et humains.

D'ici le projet de loi de finances, il faudra regarder les moyens accordés à la lutte contre la radicalisation. Il faut des évaluations !

Et d'ici l'examen de votre projet de loi, nous aurons besoin d'une évaluation de l'article 429 du code de procédure pénale, qui permet des libérations conditionnelles sous condition d'expulsion. Combien de détenus dangereux pourraient-ils bénéficier de cette mesure ?

Sur toutes ces questions, le Sénat a toujours été aux côtés des ministres de l'Intérieur et de la Justice depuis 2015. Nous voterons donc ce texte, même si les moyens humains et financiers vont manquer. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Jean-Yves Leconte .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Quatre-cent soixante-neuf personnes sont actuellement incarcérées pour terrorisme ; cent soixante-deux devraient sortir dans les quatre prochaines années. Comment répondre à ce défi alors que la prison ne permet pas toujours de sortir de l'idéologie qui est à l'origine du risque terroriste ?

Cette proposition de loi - proche de celle censurée l'été dernier - ne représente pas, à nos yeux, la bonne réponse. Le risque est multiplié pour les sorties sèches. Or, 75 % des prochaines libérations seront dans ce cas, puisque les réductions de peines ont été exclues en 2016 à l'occasion d'une prorogation de l'état d'urgence et à l'initiative de la majorité sénatoriale.

Muriel Jourda a essayé d'adapter le texte aux exigences du Conseil constitutionnel du 7 août 2020, mais ses tentatives ne sont pas suffisantes pour le rendre acceptable.

Le groupe SER est opposé à ce texte pour des raisons de principe et d'efficacité. La responsabilité de la lutte contre le terrorisme doit rester à l'exécutif tant qu'il n'y a pas d'infraction. Si un crime ou délit intervient, le parquet national antiterroriste conduit les opérations.

Nous refusons la rétroactivité du droit et l'application d'une peine après la peine. Il ne peut y avoir de condamnation sans acte. Les mesures de sûreté - article 132-45 du code pénal - sont critiquées pour les anciens délinquants sexuels. Or, ce sont ici les mêmes mais les expertises médicales sont totalement inadéquates pour les anciens terroristes.

Pourquoi traiter différemment une personne dangereuse quand elle sort de prison ?

La compétition entre le juge judiciaire et le juge administratif pose problème et fragilise l'ensemble du dispositif et notre capacité à prévenir les actes terroristes. Il faut éviter toute confusion.

La prévention des actes terroristes doit également ne reposer que sur un seul responsable. Ces dispositions de sécurité intérieure ne relèvent d'ailleurs pas du code pénal mais du code de la sécurité intérieure.

Pour faire face à cet enjeu de sécurité pour nos concitoyens, il faut de la clarté entre ce qui relève de la justice et des mesures préventives. Sans respect des principes du droit - pas de peine après la peine, pas de rétroactivité, pas de condamnation sur la base de ce qu'est une personne - nous ne pourrons répondre à l'enjeu de la lutte contre le terrorisme.

Nous devons la constance de nos principes à tous ceux qui luttent contre le terrorisme et aux Français, au nom de leur sécurité.

Nous serons prochainement saisis d'un projet de loi de la Chancellerie et il nous faudra débattre alors de ces sujets. Nous voterons contre cette proposition de loi contraire à nos principes. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Stéphane Ravier .  - Soixante-deux condamnés pour des crimes ou délits terroristes sortiront des prisons françaises en 2021 sur les 469 détenus pour terrorisme. Ces chiffres font froid dans le dos quand on sait combien ces individus, que certains ont qualifié de « chance pour la France » demeurent endoctrinés, haineux et imperméables à toute réinsertion sociale. Ce sont des bombes à retardement que notre système judiciaire est incapable de désamorcer. Le risque de récidive est sous-estimé car nous ne sommes qu'au début du processus de libération de ces ennemis de la France. L'été dernier, nous débattions déjà des mesures de sortie. Nous y revoilà après la censure du Conseil constitutionnel, soucieux de préserver les libertés fondamentales de ces fondamentalistes de la haine des libertés. On croit à une mauvaise blague. Les familles des victimes passées, présentes et futures apprécieront...

La première des libertés est la sécurité des Français, qui exige des restrictions de liberté à l'encontre de ceux qui leur ont déclaré la guerre.

Débarrassons-nous de ces métastases du terrorisme ! Prenons des mesures fortes : expulsions, déchéance de nationalité, surveillance renforcée. On dit souvent que les terroristes sont des déséquilibrés, des malades... Or, c'est un critère suffisant pour la détention de sûreté depuis la loi du 25 février 2008. Mais, jamais en treize ans, elle n'a été mise en oeuvre. Rien ne sert de lutter contre le terrorisme sans combattre ses causes, dont la cause principale est l'immigration de masse, le communautarisme, lui-même terreau de l'islamisme. Réapprenons à être fiers de notre pays, de notre histoire, de notre identité.

Changeons de politique et faisons de la sécurité des Français notre priorité !

M. Henri Leroy .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) « Il faut terroriser les terroristes », disait déjà le regretté Charles Pasqua en 1986 avant le vote de lois courageuses et efficaces qui portaient son nom, hélas torpillées par ses successeurs. Nous sommes loin de cette époque où tous les responsables agissaient en harmonie pour combattre l'insécurité. Oui, l'insécurité doit changer de camp ! Oui, il faut relever la police que l'on a mise à terre, mais il faut lui en donner les moyens légaux.

Cette proposition de loi est un pas nécessaire, un début de solution à cette gangrène pour notre pays. Il faut prévenir la récidive et accompagner la réinsertion.

Sur les 269 condamnés pour terrorisme en lien avec la mouvance islamique suivie par le service de l'application des peines, 20 % seront suivis à leur libération dans le cadre socio-judiciaire, 5 % dans le cadre d'un sursis probatoire et 75 % pourront bénéficier de mesures d'accompagnement en cas de réduction de peine.

L'été dernier, nous avions voté des mesures de sûreté, mais le Conseil constitutionnel les a curieusement censurées, estimant qu'elles n'étaient ni adaptées, ni proportionnées à l'objectif poursuivi.

Cette proposition de loi en reprend l'esprit, tout en répondant aux cinq objections du Conseil constitutionnel, comme l'a rappelé Muriel Jourda. Deux précisions s'imposent ; d'abord, ce texte est indispensable à notre arsenal juridique pour lutter contre le fléau de la sortie de détention des terroristes. Ensuite, je lance un cri d'alarme : notre État de droit est ce que nous avons de plus noble, de plus grand. Enfant légitime de notre histoire, il coule dans nos veines, mais n'en avons-nous pas une conception obsolète et naïve ? Le Conseil constitutionnel censure des lois qui auraient pu sauver des vies.

La loi doit être conforme à la Constitution mais cette dernière doit être conforme à la gravité du terrorisme. Est-ce bien le cas ?

Un référendum sur l'inscription du développement durable dans la Constitution est superfétatoire. Ne devrait-on pas plutôt organiser un référendum sur la lutte contre le terrorisme ? L'urgence est indéniable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Stéphane Le Rudulier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La question de la sortie de prison de condamnés pour faits de terrorisme constitue l'un de nos principaux enjeux sécuritaires. Ainsi, 162 détenus sortiront dans les quatre prochaines années, condamnés pour la plupart d'entre eux à des peines inférieures à sept ans. Une partie de ces personnes reste dangereuse et leur séjour en prison n'a sans doute pas permis de mettre fin à leur engagement terroriste.

Toutefois, nous ne pouvons prononcer une nouvelle peine pour les mêmes faits : c'est le principe fondamental non bis in idem. Aussi, la protection de la société ne peut être recherchée que par des mesures de surveillance, d'accompagnement, de sûreté.

Nous connaissions le chemin de crête du texte de juillet dernier, mais il fallait répondre au problème des sorties sèches d'individus n'ayant parfois pas fait l'objet d'un suivi socio-judiciaire car condamnés avant la loi de 2016.

Dans sa décision du 7 août 2020, le Conseil constitutionnel a donné avec pédagogie un cadre de référence pour un texte de remplacement. Il ne s'est pas opposé au principe de l'établissement de mesures de sûreté dans le cas de la sortie de prison des détenus terroristes, et a admis la légitimité de la mesure, au regard de l'objectif à valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public. II a confirmé ainsi que la mesure de sûreté n'est pas une sanction pénale dès lors qu'elle respecte les critères rappelés dans sa décision du 21 février 2008.

Le Président Buffet, auteur de cette proposition de loi, a repris l'idée d'un suivi judiciaire post-sentenciel, conditionné à une évaluation de la dangerosité du condamné et dont la durée serait fixée indépendamment des réductions de peine accordées.

Ce texte parvient à un équilibre entre la protection des Français et le respect des droits fondamentaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Toine Bourrat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je salue la constance et la technicité de la commission des lois qui symbolise l'esprit d'équilibre et de responsabilité propre au Sénat, et qui met un point d'honneur à parfaire le droit. Michel de L'Hospital et François d'Aguesseau, dont la rigueur n'avait d'égal que l'esprit de tolérance, veillent sur nos débats.

Nous refusons d'agiter une main de velours dans un gant de fer en matière de terrorisme.

Je salue le travail de François-Noël Buffet et de Muriel Jourda pour combler un vide juridique inquiétant pour la sécurité des Français. Les futures sorties sèches nous inquiètent tous en effet.

Mon département a été meurtri par l'islamisme ; je puis donc témoigner de l'enjeu.

Le sens de la peine et sa proportionnalité sont indispensables. C'est au Sénat que nous devons la peine incompressible de trente ans et la limitation drastique des aménagements de peine. Il nous faut aller plus loin, en raison des nouveaux profils auxquels nous avons affaire. La question de la perpétuité réelle doit désormais être abordée. Les juridictions ne doivent pas être contraintes d'offrir des perspectives de libération aux condamnés.

En France, les condamnés ont en moyenne 35 ans, soit 13 ans de moins que la population française. Ceux qui le sont pour terrorisme ne font pas exception à la règle, bien au contraire. Il faut extirper de notre territoire le djihadisme d'atmosphère décrit par Gilles Kepel.

Veillons à ne pas exposer notre jeunesse à cette idéologie, dont les racines se propagent jusqu'à nos prisons. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Marc-Philippe Daubresse .  - J'ai écouté avec attention le garde des Sceaux et Alain Richard, spécialistes du sujet.

L'an dernier, le Conseil constitutionnel a censuré notre proposition de loi en validant toutefois les mesures de sûreté que nous retrouvons à l'article premier.

On peut s'interroger sur l'efficacité des Micas à l'encontre d'individus libérés. Les garanties sont en effet insuffisantes, et leur durée également. Le Gouvernement lui-même ne suit pas l'avis du Conseil d'État sur le sujet ; il s'expose donc à une nouvelle censure du Conseil constitutionnel.

Nous devons nous prononcer soit sur une mesure de sûreté soit une mesure de suivi judiciaire.

Vous avez raison, monsieur le ministre : nous sommes sur une ligne de crête juridique, et il faut éviter la superposition des mesures ; c'est pourtant ce que va faire le Gouvernement prochainement dans le projet de loi SILT 2, avec des Micas étendues et des mesures de suivi judiciaire !

La solution proposée par François-Noël Buffet est plus efficace et moins susceptible d'inconstitutionnalité que celle du Gouvernement.

Trouvons un compromis comme l'a suggéré Alain Richard.

Mme la présidente.  - Amendement n°12, présenté par Mme M. Jourda, au nom de la commission.

Alinéa 6

Remplacer la référence :

726-25-16

par la référence :

706-25-16

L'amendement rédactionnel n°12, accepté par le Gouvernement, est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°7 rectifié bis, présenté par MM. Parigi, Dantec et Dossus, Mmes de Marco et Poncet Monge et M. Gontard.

Alinéa 10

Après le mot :

exclusion

insérer les mots :

des infractions n'induisant que des atteintes aux biens matériels et non à l'intégrité physique des personnes,

M. Paul Toussaint Parigi.  - Cette proposition de loi s'inscrit dans le cadre de la lutte contre le terrorisme islamiste. Les dispositions exorbitantes du droit commun qu'elle comprend dépassent bien souvent leur but premier.

En l'état, le renforcement des mesures de sûreté à destination des terroristes islamistes à l'issue de leur peine est trop général, tout comme certaines dispositions de la loi SILT et le Fijait, qui touche d'autres individus que les terroristes islamistes.

Nous craignons que ce régime ad hoc s'applique à des militants politiques, tels qu'écologistes, altermondialistes, animalistes, corses, basques...

Dans ces cas, les dispositions pénales du droit commun sont amplement suffisantes. Il faut distinguer a minima les destructions matérielles de biens des atteintes volontaires à la vie humaine. 

Il convient donc que les individus condamnés pour des destructions matérielles soient exclus du dispositif prévu à cet article.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Cet amendement réduirait l'efficacité du dispositif prévu, puisqu'il exclurait le financement du terrorisme et l'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - J'ai la même analyse. Difficile de distinguer, en droit, différentes causes. Et quid de l'association de malfaiteurs ? Avis défavorable.

L'amendement n°7 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°11, présenté par M. Levi.

Alinéa 10

Remplacer la troisième occurrence du mot :

et

par le mot :

ou

M. Pierre-Antoine Levi  - Nous proposons de supprimer la double condition d'une probabilité élevée de récidive et d'une adhésion persistante à une idéologie terroriste pour prononcer une mesure de sûreté.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Vous voulez transformer le cumul de condition en alternative. Mais quel que soit le type de terrorisme visé, il est sous-tendu par une idéologie.

De plus, le Conseil constitutionnel a jugé les critères adaptés. Ne les modifions pas. Retrait ou avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Une référence à la seule adhésion à une idéologie présenterait un risque évident de censure constitutionnelle. Avis défavorable.

L'amendement n°11 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°10, présenté par M. Levi.

Alinéa 15

Supprimer cet alinéa.

M. Pierre-Antoine Levi.  - Ces dernières années, nous avons constaté que trop souvent des personnes figuraient sur des fichiers mais qu'elles étaient considérées comme non dangereuses alors qu'elles l'étaient, d'où cet amendement.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - En supprimant la subsidiarité de la mesure de sûreté, nous risquons les foudres du Conseil constitutionnel. Retrait ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°10 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié ter, présenté par Mme Borchio Fontimp, MM. Bascher, Bonhomme et Bonne, Mmes Boulay-Espéronnier et V. Boyer, MM. Burgoa, Boré, Cadec et Charon, Mmes Demas, Deromedi et Dumont, MM. Favreau et B. Fournier, Mmes Garnier et Garriaud-Maylam, M. Genet, Mmes Goy-Chavent et Gruny, MM. Laménie, Le Rudulier, Lefèvre et Meurant, Mmes Micouleau et Muller-Bronn, MM. Panunzi, Pellevat et Piednoir, Mme Raimond-Pavero et MM. Savin, C. Vial et Vogel.

Alinéa 18

Compléter cet alinéa par les mots :

et leur probabilité de récidive

Mme Alexandra Borchio Fontimp.  - C'est un amendement de fermeté et de crédibilité, qui se réfère explicitement au risque de récidive.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - La précision est utile : les choses vont en effet mieux en les disant. Avis favorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable. L'amendement est satisfait car superfétatoire : la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté doit évaluer le niveau de risque de la personne, outre sa dangerosité.

L'amendement n°1 rectifié ter est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°2 rectifié bis, présenté par Mme Borchio Fontimp, MM. Bascher, Bonhomme et Bonne, Mmes Boulay-Espéronnier et V. Boyer, MM. Burgoa, Boré, Cadec et Charon, Mmes Demas, Deromedi et Dumont, MM. Favreau et B. Fournier, Mme Garriaud-Maylam, M. Genet, Mmes Goy-Chavent et Gruny, MM. Laménie, Le Rudulier, Lefèvre et Meurant, Mmes Micouleau et Muller-Bronn, MM. Panunzi, Pellevat et Piednoir, Mme Raimond-Pavero et MM. Savin, C. Vial et Vogel.

Alinéa 19

Remplacer le mot :

six

par le mot :

huit

Mme Alexandra Borchio Fontimp.  - Cet amendement porte à huit semaines le placement du détenu dans un service spécialisé chargé de son observation. Il est impérieux de donner aux agents de ce service un temps d'observation et d'étude plus conséquent.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Une évaluation efficace est bien entendu nécessaire. Mais la durée de six semaines est un minimum ; de plus, aucune des personnes entendues n'a critiqué ce délai. Retrait ou avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°2 rectifié bis est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°9, présenté par M. Levi.

Alinéa 22

Supprimer cet alinéa.

M. Pierre-Antoine Levi.  - Cet amendement supprime la condition d'application des mesures de sûreté selon laquelle le détenu doit avoir bénéficié de mesures de réinsertion au cours de sa détention. Nous savons en effet que tous les détenus ne peuvent bénéficier de telles mesures. Il convient donc de supprimer cette condition supplémentaire.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - C'est une condition fixée par le Conseil constitutionnel. Les services compétents nous ont indiqué que la mise en oeuvre des mesures de réinsertion ne posait pas de difficulté. Retrait ou avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Les quartiers d'évaluation de la radicalisation et les quartiers de prise en charge mettent en oeuvre les mesures de réinsertion nécessaires.

De plus, votre amendement nous expose à une censure constitutionnelle, ce qui nous ferait perdre du temps. Avis défavorable.

L'amendement n°9 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°3 rectifié bis, présenté par Mme Borchio Fontimp, MM. Bascher, Bonhomme, Bonne, Burgoa, Boré, J.M. Boyer et Charon, Mmes Demas, Deromedi et Dumont, M. Favreau, Mme Garriaud-Maylam, MM. B. Fournier et Genet, Mmes Goy-Chavent et Gruny, MM. Laménie et Meurant, Mmes Micouleau et Muller-Bronn, MM. Lefèvre, Le Rudulier, Pellevat et Piednoir, Mme Raimond-Pavero et MM. Savin, C. Vial et Vogel.

Alinéa 26

Remplacer les mots :

d'un an

par les mots :

de deux ans

Mme Alexandra Borchio Fontimp.  - La mesure de sûreté doit pouvoir durer deux ans. Les individus visés ont commis des actes visant à détruire la République, faire tomber nos institutions et assassiner lâchement nos concitoyens. Des chercheurs et des journalistes ont mené l'enquête pour comprendre les phénomènes de radicalisation : ils attestent du caractère presque irréversible de ce phénomène.

Bien que la mesure initiale de durée maximale d'un an puisse être renouvelée, elle demeure difficilement comprise, et donc acceptée, par une majorité de nos concitoyens.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - La durée d'un an est conforme à la décision du Conseil constitutionnel. Retrait ou avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°3 rectifié bis est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°4 rectifié bis, présenté par Mme Borchio Fontimp, MM. Bascher, Bonhomme, Bonne, Burgoa et Boré, Mme V. Boyer, M. Charon, Mmes Demas, Deromedi et Dumont, MM. Favreau et B. Fournier, Mmes Garnier et Garriaud-Maylam, M. Genet, Mmes Goy-Chavent et Gruny, MM. Laménie, Le Rudulier, Lefèvre et Meurant, Mmes Micouleau et Muller-Bronn, MM. Pellevat et Piednoir, Mme Raimond-Pavero et MM. Savin et Vogel.

Alinéa 31

Remplacer le mot :

trois 

par le mot :

six

Mme Alexandra Borchio Fontimp.  - La juridiction régionale de la rétention de sûreté a besoin d'un délai raisonnable pour confirmer ou non le maintien des obligations prévu par le code de procédure pénale.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Porter le délai à six mois est difficile : une juridiction doit statuer le plus rapidement possible sur la prorogation d'une mesure attentatoire aux libertés. Retrait ou avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°4 rectifié bis est retiré.

L'article premier, modifié, est adopté.

Les articles 2 et 3 sont adoptés.

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 3

Mme la présidente.  - Amendement n°5, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur l'accès aux activités de réinsertion des personnes détenues mises en cause dans des affaires de terrorisme islamiste ou celles, écrouées pour des faits de droit commun, repérées par l'administration et par les services de renseignement comme étant « susceptibles de radicalisation ».

Mme Esther Benbassa.  - Cette proposition de loi ne prévoit aucune mesure pour éviter les sorties sèches. Le temps de la détention doit être mis à profit pour accompagner la déradicalisation et le désengagement, comme je le demandais dans mon rapport de 2017 écrit avec Mme Troendlé.

Nous demandons au Gouvernement de remettre au Parlement, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi, un rapport sur l'accès aux activités de réinsertion des personnes détenues mises en cause dans des affaires de terrorisme islamiste ou celles, écrouées pour des faits de droit commun, repérées par l'administration et par les services de renseignement comme étant « susceptibles de radicalisation ».

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - La commission des lois estime que le Sénat ne peut donner d'instruction au Gouvernement ; de plus, notre commission dispose de moyens d'investigation ; en témoigne votre propre rapport de 2017.

Il se trouve que l'Institut français des relations internationales (IFRI), en février 2021, a rendu un rapport sur le sujet qui cite votre travail. Retrait ou avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Le Gouvernement n'est pas favorable à la multiplication des rapports ; au demeurant, le Parlement a de nombreux moyens de contrôler l'activité du Gouvernement. Avis défavorable.

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

La séance est suspendue à 17 h 20.

La séance reprend à 18 heures.

Mme la présidente.  - Le garde des Sceaux n'est pas encore revenu de l'Assemblée nationale. La séance reprendra à 18 h 20.

La séance est suspendue à 18 heures.