Accès à certaines professions des personnes ayant une maladie chronique

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à améliorer l'accès à certaines professions des personnes atteintes de maladies chroniques à la demande du groupe RDPI.

Discussion générale

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État chargé des retraites et de la santé au travail .  - Nul ne peut faire l'objet d'une discrimination, directe ou indirecte, en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, garantit le code du travail. Pourtant, une partie de nos concitoyens vivent des discriminations sur le marché du travail en raison de leur état de santé.

Selon l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), un à deux millions de salariés, soit 5 % à 10 %, risqueraient une désinsertion professionnelle en raison d'une maladie chronique. Et le nombre de personnes atteintes de maladies chroniques devrait passer de 15 % de la population active à 25 % en 2025...

À l'épreuve de la maladie s'ajoutent les difficultés d'accès à l'emploi ou de maintien en emploi - refus d'embauches, d'aménagements raisonnables... Il en résulte parfois une sortie anticipée du marché du travail. Ainsi, un tiers des personnes atteintes d'un cancer perdent ou quittent leur emploi dans les deux ans suivant le diagnostic.

Ce sentiment de discrimination touche particulièrement les 3,3 millions de personnes diabétiques. Face à cette situation, il nous appartient de faire appliquer l'égalité des droits.

Ce texte propose une première réponse, avec une évaluation des textes qui encadrent l'accès au marché du travail pour identifier les restrictions d'accès qui n'ont parfois plus lieu d'être au vu des progrès thérapeutiques.

Dans la fonction publique, des conditions spécifiques d'aptitude physique sont imposées aux militaires et policiers, aux sapeurs-pompiers, aux douaniers et surveillants pénitentiaires. Des restrictions sont aussi prévues dans le domaine des transports, pour le personnel navigant, le contrôle aérien, la sécurité ferroviaire ou l'aviation civile. Souvent, elles découlent du droit européen et s'imposent donc en l'état. D'autres découlent du droit national.

Comme il l'a fait à l'Assemblée nationale, le Gouvernement apporte son soutien à cette proposition de loi qui permettra de dresser un état du droit et des connaissances sur les restrictions applicables. Certaines auront vocation à perdurer, d'autres apparaîtront comme obsolètes.

Je salue le travail de la rapporteure de l'Assemblée nationale, Mme Agnès Firmin Le Bodo. À l'initiative de votre rapporteur Xavier Iacovelli, dont je salue l'engagement, la commission des affaires sociales du Sénat y a apporté plusieurs modifications. Durée de vie du comité d'évaluation, parité de ses membres, remise du rapport au Parlement, suppression de la campagne de communication : nous sommes favorables à ces propositions.

Déjà, l'Assemblée nationale avait élargi le périmètre du texte du seul diabète à toutes les maladies chroniques.

M. René-Paul Savary.  - Très bien.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - Vous y incluez toutes les personnes connaissant un problème de santé : nous vous rejoignons, mais il faudra apporter une attention particulière aux diabétiques, qui ont exprimé de fortes attentes.

L'article 2 a été profondément modifié. Votre rédaction cible le critère de proportionnalité - or le code du travail et le droit européen précisent que les différences de traitement doivent être objectives, nécessaires et appropriées : ces différents critères continueront à s'appliquer.

Nous nous retrouvons sur l'objectif et soutenons ce texte.

M. Xavier Iacovelli, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - « Comment imaginer, en 2021, que je ne puisse être cuisinier dans l'armée, moniteur d'équitation, linguiste, brancardier, agent de restauration, géographe, mécanicien, maitre-chien, magasinier ou contrôleur de train ? Quel expert fou a pu imaginer que la couleur d'un uniforme pouvait augmenter les risques liés à nos pathologies ? »

Ce sont les mots d'Hakaroa Vallée, 16 ans, devant notre commission le 11 mai dernier. Ce jeune homme diabétique de type 1 mène depuis trois ans un combat formidable pour montrer l'absurdité de ces discriminations. Il se trouve en tribune ; je le salue, car ce texte lui doit beaucoup.

Il n'est pas seul : ils sont 20 millions de Français à subir cette double peine, à ne pouvoir réaliser leurs rêves. En Irlande, au Canada, au Royaume-Uni ou aux États-Unis, on peut être diabétique et pilote de ligne. En Espagne, le diabète a même été supprimé de la liste des maladies empêchant de postuler à un emploi public.

Je remercie mon groupe d'avoir inscrit ce texte à notre ordre du jour.

Nous sommes souvent interpellés, dans nos territoires, sur des discriminations fondées sur l'état de santé. En 2020, celles-ci ont motivé plus de 11 000 saisines du Défenseur des droits.

Selon le Conseil économique social et environnemental (CESE), les maladies chroniques toucheront 25 % de la population en 2025. L'inclusion de ces personnes est donc un enjeu incontournable du monde du travail.

Or certains emplois, notamment publics, sont soumis à des conditions particulières d'aptitude qui ne sont pas toujours justifiées. Les associations luttent pour que l'on tienne compte de l'état réel de la personne et des traitements existants, comme les pompes à insuline qui permettent d'éviter les malaises. Je salue leur engagement, notamment celui de la fédération française des diabétiques, et remercie notre collègue députée Agnès Firmin Le Bodo, à l'initiative de ce texte.

En tant que rapporteur, j'ai souhaité en renforcer la portée normative. Le comité d'évaluation des textes créé à l'article premier n'est pas de niveau législatif ; la commission a adopté plusieurs amendements, notamment pour limiter sa mission à trois ans et supprimer la présence de parlementaires en son sein.

Nous avons réécrit l'article 2 pour mieux encadrer les restrictions admises en rappelant le principe de proportionnalité. Les conditions de santé exigées doivent être justifiées par la santé et la sécurité de la personne ou des tiers. Nous avons aussi souhaité la prise en compte des traitements possibles et des moyens de compensation du handicap. La liste des restrictions devra être réévaluée régulièrement, au regard de l'évolution de la science et des emplois.

La demande de rapport à l'article 3 a été supprimée, tout comme la campagne d'information prévue à l'article 4. Je n'étais pas favorable à cette suppression, mais nous y reviendrons.

Le Gouvernement est mobilisé sur le sujet, et une mission de l'IGAS a été lancée en avril dernier. Des engagements clairs doivent être pris ; cette proposition de loi en est l'occasion.

C'est de notre pacte social dont il est question ; envoyons un message fort aux 20 millions de concitoyens victimes de discriminations, aux associations, et aux jeunes comme Hakaroa qui rêvent de pouvoir choisir librement leur avenir. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du GEST)

M. Christian Klinger .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) « Fais de ta vie un rêve et de tes rêves une réalité », disait Saint-Exupéry. Mais des réglementations obsolètes interdisent à nombre de nos concitoyens de réaliser leurs rêves.

Justin, jeune homme de 23 ans de mon département, rêve depuis l'enfance de devenir contrôleur aérien. Il allait être diplômé de l'École nationale de l'aviation civile (ENAC) en juillet 2021, mais il a été diagnostiqué diabétique de type 1 et déclaré inapte par son école. C'est la double peine ! J'ai demandé à la Direction générale de l'Aviation civile une évaluation médicale spécifique, mais elle m'a opposé un décret datant de 1990. L'Absurdistan dans toute sa splendeur !

Pourtant, en trente ans, beaucoup de choses ont changé pour les diabétiques grâce à la pompe à insuline et à l'auto-surveillance glycérique. La médecine a progressé, la réglementation doit évoluer en parallèle !

Bien sûr, certaines restrictions restent légitimes mais beaucoup de ces métiers sont compatibles avec le diabète. Les États-Unis, le Canada, l'Irlande, le Royaume-Uni acceptent les pilotes de ligne diabétiques.

Nous ne pouvons rester les derniers de la classe, surtout quand le diabète touche 5 % de la population.

Je salue donc cette proposition de loi que notre groupe soutient. Nous serons très attentifs à son application concrète. Nous devons ce travail à nos concitoyens atteints de maladies chroniques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur le banc de la commission)

Mme Colette Mélot .  - Le 3 octobre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg annulait le rejet de la candidature de la championne du monde de karaté au métier de gardien de la paix pour inaptitude physique.

Qu'ils soient diabétiques, asthmatiques ou atteints d'une affection médicale évolutive, plus de dix millions de Français ne pourront jamais réaliser leur rêve de devenir hôtesse de l'air, conducteur de train, contrôleur aérien, pompier ou militaire. Selon l'Assurance maladie, jusqu'à 20 millions de personnes pourraient être concernées !

Cette disqualification a priori semble désormais disproportionnée et discriminatoire, tant les traitements des maladies chroniques ont progressé ces dernières années.

Les associations de personnes diabétiques comme le jeune Hakaroa Vallée ont oeuvré à sensibiliser le Parlement. Cette proposition de loi, portée par la députée Agnès Firmin Le Bodo, est le fruit d'une volonté collective.

L'Assemblée nationale l'a étendue à l'ensemble des maladies chroniques, comme le préconisait le Défenseur des droits.

De nombreux pays ont déjà avancé. L'Espagne autorise ainsi l'accès à l'armée et à la police aux personnes diabétiques ou atteintes du VIH, de la maladie coeliaque ou de psoriasis. Les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni et l'Irlande ouvrent les métiers de l'aviation civile aux diabétiques, sur la base d'un examen au cas par cas.

Notre commission des affaires sociales a renforcé la portée normative du texte, tout en prévoyant une actualisation régulière des restrictions afin de tenir compte des avancées médicales. L'objectif est d'élargir l'employabilité des personnes atteintes de maladies chroniques, dans le respect des impératifs de sécurité imposés par certaines professions.

Le groupe INDEP votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur le banc de la commission)

Mme Raymonde Poncet Monge .  - Le GEST votera cette proposition de loi comme tout texte permettant de lutter contre les discriminations. Merci au RDPI de l'avoir inscrit à l'ordre du jour.

Selon les associations, des textes réglementaires limitent l'accès à certains métiers de façon disproportionnée, donc discriminatoire. Ainsi, la révision du référentiel d'aptitude physique et médicale dit Sigycop qui conditionne l'accès à l'armée, la police et la gendarmerie, tarde, alors qu'une mission d'information de l'Assemblée nationale recommande une révision relative au VIH.

En matière de diabète, les soins évoluent, ce qui implique une actualisation régulière des référentiels pour éviter leur obsolescence.

Le contrôle de l'aptitude doit s'évaluer individuellement, au cas par cas. C'est ainsi que l'on fera reculer les préjugés.

C'est d'autant plus nécessaire que les maladies chroniques comme le diabète sont qualifiées de maladies du siècle. Je saisis l'occasion pour appeler le Gouvernement à soutenir les initiatives de l'OMS pour une meilleure transparence des coûts de production de l'insuline, dont le brevet a été cédé il y a cent ans pour un dollar symbolique et que trois géants pharmaceutiques, dont Sanofi vendent un prix élevé, s'assurant une rente de situation, sans pour autant financer la recherche...

La crise de la covid l'a montré : nous ne pouvons laisser aux acteurs privés, obnubilés par la rentabilité immédiate, la réponse aux besoins de santé publique. Je me réjouis que la France se soit associée à une résolution de l'OMS sur l'accès à l'insuline.

En attendant un pôle public du médicament, le GEST votera cette proposition de loi. (Applaudissements à gauche)

M. Bernard Fialaire .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Cette proposition de loi vise à favoriser l'inclusion professionnelle des 20 millions de personnes atteintes d'une maladie chronique, dont 4 millions de diabétiques. Un quart de la population active pourrait être concerné en 2025.

Une série de métiers sont interdits aux porteurs de ces maladies, comme celui de militaire, de pilote de ligne, de sapeur-pompier ou d'hôtesse de l'air, en vertu de référentiels établis à une époque où les traitements lourds le justifiaient. Mais des réglementations en la matière sont devenues obsolètes, du fait des progrès thérapeutiques.

Ces malades mènent deux combats : contre la maladie et contre les discriminations. Le législateur doit moderniser cette réglementation devenue source d'injustice en instaurant une évaluation au cas par cas de l'aptitude des candidats.

La commission a prévu que toute restriction à un emploi sur cette base doit être strictement proportionnée aux risques pour la personne et les tiers. Certaines restrictions sont légitimes. Un comité sera chargé de recenser les textes concernés dans un délai de trois ans.

Mettons un terme à ces discriminations en votant cette indispensable proposition de loi, que la commission a rendue plus rigoureuse et plus équilibrée. (Applaudissements)

Mme Laurence Cohen .  - (Applaudissements à gauche) Cette proposition de loi s'inscrit dans la continuité de la pétition lancée en 2016 par la Fédération française du diabète, du dépôt d'une proposition de loi transpartisane en 2018 et de l'adoption d'une résolution à l'Assemblée nationale. Mme Gréaume a relayé les difficultés rencontrées par les personnes diabétiques durant la pandémie.

En France, 3,3 millions de personnes sont traitées pour un diabète, soit 5 % de la population, avec des inégalités sociales et territoriales marquées.

Leur situation est partagée par les personnes souffrant d'autres pathologies chroniques et évolutives. Comment accepter qu'un militaire atteint du VIH soit exclu de la marine nationale car déclaré inapte par le service de santé des armées, sans que ses capacités réelles soient prises en compte ?

Les outils thérapeutiques ont évolué, mais pas les textes réglementant l'accès à certaines professions. Une évaluation au cas par cas est indispensable.

Marisol Touraine, alors ministre de la Santé, souhaitait en 2017 que les conditions d'aptitude soient revues ; en 2019, Agnès Buzyn avait également pris des engagements. Malgré ces belles promesses, les textes interdisant l'accès à certaines professions demeurent.

Il y a urgence à passer des paroles aux actes, alors que les maladies chroniques pourraient concerner 25 % de la population active en 2025 ! Il s'agit avant tout d'un combat contre la discrimination et pour la justice.

Nous voterons cette proposition de loi enrichie par le rapporteur, en souhaitant que le Gouvernement l'accompagne d'un engagement à agir pour une meilleure inclusion, dans l'esprit du propos liminaire de monsieur le secrétaire d'État. (M. le secrétaire d'État opine ; applaudissements sur les travées du RDPI et du GEST)

Mme Nadia Sollogoub .  - Le brillant Hakaroa Vallée a entrepris un combat courageux pour faire bouger les lignes autour de sa pathologie. Je l'ai rencontré lors de son passage au Sénat, et il m'a beaucoup impressionnée. Il est déterminé à aller au bout de son combat pour la justice.

De fait, les listes de pathologies permettant de refuser l'accès à certaines professions, discutables sur le principe, ne sont pas réactualisées en fonction des progrès thérapeutiques ou de l'évolution des conditions de travail. L'État est le principal recruteur à pratiquer cette forme de sélection, source d'injustices voire d'incohérences.

Faut-il qu'un lycéen cogne à notre porte, avec son culot insensé, pour que nous ouvrions les yeux sur une injustice ? Pas de quoi être fier. On dit aux jeunes de briser le plafond de verre, mais on inscrit dans le marbre des réglementations d'un autre âge. Je comprends la colère d'Haka.

Les traitements évoluent et de nouvelles pathologies émergent - burn-out, Covid long - qui ne figurent pas dans les référentiels d'antan. Un être humain n'est pas réductible à une maladie. Bref, le référentiel doit être révisé.

Le groupe UC votera ce texte sagement aménagé par le rapporteur, même s'il est plus déclaratif que normatif. C'est au Gouvernement de s'emparer de ces listes, de les adapter, en évitant l'écueil de l'ultra-précaution, du giga-parapluie si tendance....

Comme le dit Haka, ce n'est pas parce qu'il y a eu le docteur Petiot qu'il faut refuser tous les médecins dans la fonction publique ! Ou, pour citer le Petit prince, « c'est une folie de haïr toutes les roses parce qu'une épine vous a piqué »...

Personne ne doit être confronté à un rejet a priori, sans examen de sa situation particulière. D'autant que ceux qui se savent malades se surveillent, ce qui minore le risque. Va-t-on, au nom du principe de précaution, soumettre tous les fonctionnaires à analyse médicale approfondie ? Que ne risquerait-on de découvrir !

Attention aux immenses espoirs qui vont naître : monsieur le ministre, il ne faut pas les décevoir ! Il faut faire évoluer les référentiels, et ce régulièrement, sans attendre qu'un autre lycéen génial vienne un jour nous demander pourquoi un champion de karaté ne peut pas être gardien de la paix... (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes UC, Les Républicains et RDPI)

M. Bernard Jomier .  - Cette proposition de loi traite, au fond, de la façon dont notre société considère les personnes atteintes d'une maladie chronique.

En 2019, le Gouvernement s'était engagé à faire évoluer le Sigycop. Nous attendons toujours... Plus de 20 millions de personnes souffrent d'une maladie chronique, dont plus de 3 millions de diabétiques. Elles sont écartées de professions que les avancées thérapeutiques ont pourtant rendues tout à fait praticables pour des personnes souffrant de diabète, mais aussi d'épilepsie ou de maladies rhumatologiques.

La médecine avance, la loi traîne. L'interdiction systématique doit laisser la place à des évaluations individualisées.

De nombreuses mesures sont d'ordre réglementaire ; d'où notre amendement pour distinguer le législatif et le réglementaire.

Les règles d'accès à certaines professions relèvent du droit européen - c'est le cas de l'aviation civile, des gens de mer ou de la sécurité ferroviaire.

Fondamentalement, ce texte interroge la place de la différence dans le monde du travail. L'obligation d'emploi de 6 % de personnes en situation de handicap date de 1987, mais n'a pas eu les effets espérés. Le handicap qui survient au cours de la vie, soit 80 % des cas, entraine souvent des mécanismes d'exclusion et de désinsertion professionnelle progressive. Pourtant, de très nombreuses personnes en situation de handicap sont en mesure de travailler, et le souhaitent. Elles doivent pouvoir avoir une carrière professionnelle comme tout un chacun.

Il faut poursuivre la simplification dans l'accès à l'information et aux aides, développer les dispositifs de formation initiale et continue adaptés. À ce titre, l'augmentation du nombre d'apprentis handicapés est à saluer.

Le Défenseur des Droits a rappelé que l'état de santé reste le principal motif de discrimination dans l'emploi : nous attendons une politique volontariste ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et RDPI)

M. Dominique Théophile .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) La proposition de loi d'Agnès Firmin Le Bodo a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 30 janvier 2020. Les députés l'ont élargie au-delà des seules personnes diabétiques à l'ensemble des maladies chroniques.

Une réflexion globale s'impose sur la situation des 20 millions de Français atteints par une maladie chronique.

Le Gouvernement n'est pas resté les bras croisés ces dernières années. Mais la France continue d'accuser un retard. Cette proposition de loi accélérera les évolutions nécessaires.

Elle permettra une identification rapide des règles obsolètes ou incohérentes. Le principe de l'appréciation au cas par cas est affirmé. Nous saluons ces avancées et le travail du rapporteur pour aboutir à un texte consensuel et efficace.

Je proposerai néanmoins de rétablir l'article 4 qui prévoyait une campagne de communication publique sur le sujet, particulièrement nécessaire en Outre-mer où le diabète est un drame.

Le RDPI votera cette proposition de loi avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, UC et INDEP)

Mme Céline Boulay-Espéronnier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Un quart des Français actifs auront une maladie chronique en 2025. Les discriminations qui les frappent sont une double peine.

En 2020, le Défenseur des droits a comptabilisé 11 000 saisines au motif d'une discrimination en raison de l'état de santé. La Fédération française des diabétiques dénonce une réglementation obsolète, déconnectée des progrès thérapeutiques.

Pourquoi peut-on être pilote de ligne et diabétique au Canada et au Royaume-Uni mais pas en France ? Pourquoi, malgré l'existence de pompes à insuline de nouvelle génération, les diabétiques sont-ils exclus de la police ? Oui, il y a certaines restrictions légitimes pour des impératifs de santé ou de sécurité, mais cette proposition de loi est un grand pas vers l'inclusion des plus vulnérables dans l'emploi.

Les amendements du rapporteur ont remédié aux imprécisions du texte de l'Assemblée nationale afin d'en assurer l'opérabilité.

Je soutiens la décision de la commission de limiter dans le temps la mission du comité d'évaluation et l'obligation d'en rendre compte au Parlement et au Gouvernement.

À l'article 2, le régime dérogatoire prévu par l'Assemblée nationale a vidé de son sens le principe de non-discrimination et l'applicabilité juridique était douteuse, faute de définition claire des maladies chroniques. Comment apprécier la chronicité, quid de certaines formes d'asthme ou d'épilepsie non reconnues comme affection de longue durée (ALD) par l'assurance maladie ?

Il fallait introduire une obligation de proportionnalité. Un porteur du VIH ne pourra plus se voir interdire le métier de ses rêves, un diabétique deviendra contrôleur aérien ou gardien de la paix.

Reste la question des maladies évolutives affectant des salariés déjà en place. Les managers d'entreprises ne sont pas formés pour gérer ces situations. Le présent texte est néanmoins une première pierre à l'édifice, pour mieux prendre en compte les problèmes de santé dans le monde du travail. Nous le voterons. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nathalie Goulet et M. Martin Lévrier applaudissent également.)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Jomier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 3

Remplacer le mot :

empêchant

par les mots :

relatifs à

M. Bernard Jomier.  - Pour permettre au comité d'évaluation de travailler dans un périmètre aussi large que possible, il est important qu'il ne se cantonne pas aux textes qui empêchent l'accès à une formation ou à un emploi des personnes atteintes de maladies chroniques, mais s'intéresse aussi à ceux qui traitent de cas particuliers.

M. Xavier Iacovelli, rapporteur.  - La précision est bienvenue. Avis favorable.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - La proposition de loi me semble suffisamment claire. Élargir la compétence de ce comité à tous les textes relatifs à l'accès à une formation ou à un emploi dépassera l'objectif.

Retrait ou avis défavorable, car l'intention de l'auteur est satisfaite par la rédaction.

M. René-Paul Savary.  - Je suis déçu par cette position. La création d'un comité d'évaluation est une tâche lourde et il travaillera trois ans. C'est long, trois ans, pour ceux qui restent éloignés de l'emploi à cause de l'archaïsme des textes ! Monsieur le ministre de la Santé au travail - plus que des retraites - vous avez exprimé la volonté du Gouvernement d'avancer. Et patatras, à la première tentative pour supprimer des blocages, vous délivrez un avis défavorable ! Je voterai l'amendement.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission.  - Très bien.

L'amendement n°1 est adopté.

M. le président.  - À l'unanimité...

Amendement n°2, présenté par M. Jomier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 6

1° Remplacer le mot :

des

par le mot :

les

2° Remplacer les mots :

visant à

par les mots :

d'ordre législatif ou réglementaire permettant d'

M. Bernard Jomier.  - Le législateur a un rôle indispensable pour lancer une dynamique. Mais certains textes réglementaires mentionnent le diabète comme cause d'inaptitude, en particulier pour exercer une profession de transport. Le Sigycop est fixé par décret. Il convient de préciser que le comité d'évaluation fait des propositions à la fois au sujet des lois et des textes réglementaires.

M. Xavier Iacovelli, rapporteur.  - Les recommandations du comité porteront en premier lieu sur des évolutions normatives. La précision n'est pas nécessaire. Avis défavorable.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. Chacun se saisira de son domaine.

M. Bernard Jomier.  - Je ne vois pas en quoi la précision n'est pas utile, mais soit.

L'amendement n°2 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Jomier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéas 7 à 11 

Supprimer ces alinéas.

M. Bernard Jomier.  - L'alinéa 12 indique que la composition et le fonctionnement du comité sont fixés par décret, alors que les alinéas 7 à 11 en traitent. La Haute Autorité de santé (HAS), qui ne représente pas l'État, ne sera pas incluse dans le comité, puisqu'elle ne figure pas dans l'énumération ! Celle-ci est prématurée, d'autant qu'elle n'est pas complète.

M. Xavier Iacovelli, rapporteur.  - La composition du comité ne relève pas de la loi, mais à vrai dire sa création non plus... Le champ des personnalités qualifiées satisfait, en outre, votre amendement. Retrait ou avis défavorable.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - Difficile d'être plus explicite ! Retrait ou avis défavorable.

M. Bernard Jomier.  - Le Gouvernement nous demande très souvent de supprimer d'un texte de loi la composition d'instances, qui doit être renvoyée à un décret. Et ici, s'agissant d'une énumération incomplète, il le refuse. Adressons à l'Assemblée nationale une rédaction bien cadrée !

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

L'article 2 est adopté.

ARTICLE 4 (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié, présenté par M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Une campagne de communication publique informant sur le diabète et sensibilisant à l'inclusion sur le marché du travail des personnes atteintes de diabète est mise en oeuvre au plus tard deux ans après la promulgation de la présente loi.

M. Dominique Théophile.  - La réalité des personnes atteintes de diabète est encore mal connue, tout comme les avancées thérapeutiques. Une campagne de communication publique serait efficace pour faire reculer les discriminations et favoriser l'accès à l'emploi.

M. Xavier Iacovelli, rapporteur.  - À titre personnel, je suis favorable à cet amendement, mais la commission a donné un avis défavorable. Le Gouvernement pourrait s'engager à mener une campagne de communication sur le diabète.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - Elle ne relève pas de la loi. Mais l'IGAS a entrepris une mission sur les restrictions d'accès à l'emploi pour les personnes atteintes de maladie chronique. Nous attendons ses conclusions, en octobre prochain, pour lancer une campagne de sensibilisation étayée sur des éléments précis. Retrait ?

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission.  - La commission a supprimé l'article 4 parce qu'une campagne de communication ne relève pas du domaine législatif. Santé publique France communique très bien sur les pathologies - la campagne en cours sur le cancer le prouve. Mais j'apprécie l'engagement du Gouvernement, qui répond à une forte attente des associations...

M. le président.  - Puis-je rappeler que, si le sujet ne relève pas de la loi, l'amendement aurait dû être déclaré irrecevable ?

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission.  - Il nous a toutefois permis de débattre.

M. Dominique Théophile.  - C'était un amendement d'appel. Le diabète et, de manière générale, les maladies chroniques méritent une campagne de communication musclée, notamment dans les outre-mer.

L'amendement n°4 rectifié est retiré.

L'article 4 demeure supprimé.

INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Iacovelli, au nom de la commission.

Rédiger ainsi cet intitulé :

Proposition de loi relative aux restrictions d'accès à certaines professions en raison de l'état de santé

M. Xavier Iacovelli, rapporteur.  - L'Assemblée nationale a étendu le champ du texte à l'ensemble des « maladies chroniques » ; mais ce terme n'est pas juridiquement opérant. D'où la modification du titre.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - Sagesse bienveillante. Pour certaines situations, l'élargissement de l'intitulé est pertinent, comme pour l'impossibilité de percevoir certaines couleurs. Mais pour d'autres, ce n'est pas le cas. N'oublions pas que c'est la spécificité de certaines maladies chroniques comme le diabète qui a justifié le dépôt de la proposition. Il faut être attentif au signal envoyé.

De plus, les missions du Comité d'évaluation portent explicitement sur les maladies chroniques. Je comprends votre souci, mais je m'interroge...

M. Xavier Iacovelli, rapporteur.  - Il s'agissait de mettre le titre en cohérence avec la rédaction de l'article 2. Le comité créé à l'article premier a la capacité d'élargir son champ d'action.

L'amendement n°5 est adopté et l'intitulé de la proposition de loi est ainsi modifié.

Explications de vote

M. Bernard Jomier .  - Nous avons eu des échanges intéressants et j'en remercie le rapporteur. Ce texte va susciter de fortes attentes. Le comité travaillera pendant trois ans. Aussi, j'invite le Gouvernement à prendre des mesures réglementaires sans attendre. Je songe notamment à la révision du Sigycop. (Mme Nadia Sollogoub applaudit.)

M. René-Paul Savary .  - Le groupe Les Républicains votera ce texte et je remercie le rapporteur de l'avoir élargi à d'autres pathologies.

Monsieur le ministre, vous avez tout pour avancer, avec la mission de l'IGAS. Vous avez pris un engagement sur la campagne de communication. Le travail de l'Inspection peut aussi servir de base à des décrets, à prendre sans attendre la fin des travaux du comité.

Je compte sur votre détermination, monsieur le ministre. On ne peut plus décevoir ces personnes qui attendent depuis trop longtemps. (Mmes Nadia Sollogoub, Colette Mélot et Laurence Cohen applaudissent.)

La proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements sur diverses travées)