Régulation des Gafam

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur la régulation des Gafam, à la demande du groupe Les Républicains.

M. Jean-Raymond Hugonet, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Google, Apple, Facebook, Microsoft, Amazon : la simple évocation du nom des Gafam nous plonge dans l'univers de la démesure. Ces cinq superstars de la technologie ont tout changé. L'étendue de leurs pouvoirs a remodelé et redéfini l'univers technologique.

Le smartphone dans notre poche est devenu le troisième hémisphère de notre cerveau.

Cette révolution numérique a permis à une poignée de géants de dominer le secteur et à leurs créateurs de s'enrichir démesurément. Ils abusent de leur domination, rachetant toutes les sociétés susceptibles de contrarier leur position monopolistique, comme l'ont fait Facebook avec Instagram ou Google avec YouTube. Les barrières aux nouveaux entrants sont telles que la concurrence, qui stimule l'innovation, n'est plus possible.

Les Gafam sont régulièrement mis à l'amende par la Commission européenne pour abus de position dominante ou pratiques fiscales illicites - Google a dû payer 1,5 milliard d'euros pour pratiques anticoncurrentielles exercées au profit de sa régie publicitaire en 2019 ; Facebook a été visé par plusieurs amendes pour pistages illicites.

Protéger les données personnelles et la propriété intellectuelle est un exercice kafkaïen, tant nos libertés individuelles s'accordent mal avec la survie d'une société où l'horreur le dispute à la cupidité.

Les Gafam ont fait main basse sur les données du monde et concentrent la rente technologique, au bénéfice de l'économie américaine. « Si nous refusons qu'un roi gouverne notre pays, nous ne pouvons accepter qu'un roi gouverne notre production, nos transports ou la vente de nos produits », disait John Sherman, instigateur de la première loi anti-trust aux États-Unis en 1890...

La régulation des Gafam ne peut s'opérer que conjointement sur les fronts législatif et géopolitique. La guérilla judiciaire européenne est utile mais bute à la fois sur les réticences du Danemark, de l'Irlande et de la Suède et sur l'absence de moyens budgétaires pour faire émerger des acteurs européens.

La situation de quasi-monopole des géants du Net inquiète les économistes mais aussi les politiques. En contrôlant la circulation de l'information, les Gafam disposent d'un pouvoir politique démesuré.

Le démantèlement partiel est-il une utopie ? Je ne le crois pas. On peut imaginer une voie douce en limitant leur croissance externe. On peut aussi agir plus sévèrement, comme on l'a fait envers la Standard Oil au début du XXe siècle, ou AT&T dans les années 1980.

Mais démanteler ne sert à rien si l'on n'empêche pas la reconstitution des monopoles. Cela suppose de renforcer les réglementations mais aussi d'agir sur les acteurs financiers qui arment les stratégies de concentration.

Les confinements ont renforcé la place du numérique dans nos vies et accru encore la part de marché de ce secteur ; les plateformes sont non seulement aussi riches que bien des États, mais contrôlent la communication politique, au point de menacer la démocratie.

Les réseaux sociaux donnent aux complotistes une tribune pour attaquer toute parole d'autorité. Les plateformes nous enferment, par leurs algorithmes, dans des bulles cognitives qui nous laissent à penser que tout le monde pense comme nous. Plus graves, elles ont la capacité d'influencer le débat politique en fonction des convictions de leurs dirigeants.

Le 10 décembre 1957, Albert Camus recevait le prix Nobel de littérature ; il faisait alors dans un discours mémorable le constat d'un monde soumis au libéralisme et à un progrès technique liberticide. Partageons son engagement pour maintenir un monde décent et vivable : « notre tâche consiste à empêcher que le monde ne se défasse. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Olivier Cigolotti, André Gattolin et Éric Bocquet applaudissent également.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie .  - Embrasser l'ère du numérique, c'est embrasser ses opportunités, mais aussi regarder en face les défis qu'il pose à notre économie et à notre démocratie.

Ce nouveau paradigme ne doit pas signer la fin de l'État de droit, de l'ordre public en ligne, de la concurrence loyale ou de la protection des consommateurs.

Les modèles des plateformes numériques créent certes des opportunités pour nos entreprises, mais, devenus incontournables, les grands acteurs semblent pouvoir échapper aux régulations étatiques. Cette position génère des pratiques de verrouillage de marchés, des situations de rentes ou la confiscation de l'innovation.

Les réseaux sociaux sont devenus de véritables espaces publics d'information et de la communication mais n'assument pas suffisamment leurs responsabilités démocratiques et juridiques. C'est pourquoi le Gouvernement oeuvre depuis trois ans pour un nouveau cadre de régulation des plateformes numériques.

Ceux qui maîtrisent les codes du numérique détiennent le pouvoir. L'absence de transparence des grands réseaux sociaux est une aberration démocratique. Nous avons agi au plan national, avec la loi contre la manipulation de l'information adoptée en 2018 et les initiatives contre la haine en ligne contenues dans le projet de loi sur les principes de la République, mais une véritable régulation ne peut être qu'européenne, voire mondiale.

La France appelle au retour du régulateur pour permettre au marketplace of ideas cher à John Stuart Mill de retrouver son point d'équilibre. C'est l'ambition du Digital Services Act de la Commission européenne : responsabilisation des acteurs, obligations graduées et proportionnées, transparence sur la modération des contenus et sanctions dissuasives. Il assujettit les plateformes à un devoir de diligence quant à leur politique de modération.

La France plaide pour un cadre réglementaire inédit, reposant sur des obligations de transparence, de moyens, mais aussi de coopération avec les autorités judiciaires.

Nous souhaitons aussi renforcer les obligations des places de marché en ligne. La DGCCRF peut désormais bloquer les sites pour protéger le consommateur. Là encore, l'articulation entre le droit national et le droit européen est la clé d'une régulation efficace.

L'empreinte des plateformes dans le débat public est à la mesure de leur quasi-monopole. Gratuité apparente, effets de réseau et monétisation des données sont le propre de l'économie numérique, qui obéit au principe « winner takes all ». Le régulateur a donc un rôle particulier à jouer.

La régulation des réseaux sociaux suppose une coopération interétatique, car les plateformes sont « too big to care », comme dit Thierry Breton.

Le Digital Markets Act prévoit une réglementation ex ante, avec des règles d'application immédiate pour les acteurs structurants que sont les Gafam mais aussi les BATX chinois - Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi - et certains géants européens.

C'est en comprenant les failles de la régulation passée que le Gouvernement a proposé des solutions novatrices et courageuses.

Nous avons été les premiers à adopter une taxe sur les services numériques, tout plaidant au sein de l'OCDE pour une imposition plus juste des géants du numérique.

Il est temps de mettre fin à cette exception et de revenir à une rationalité qui protège nos institutions démocratiques et forge une société dans laquelle l'innovation est au service du progrès. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Thierry Cozic .  - Il ressort d'un rapport sénatorial que le numérique émettait, en 2019, 15 millions de tonnes équivalent carbone, soit 2 % des émissions de la France, pour un coût collectif d'un milliard d'euros. En 2040, à politique constante, ces chiffres seraient de 24 millions de tonnes, 7 % et 12 milliards d'euros respectivement.

Face à leurs besoins énergétiques, les Gafam s'organisent : Amazon dit vouloir se fournir pour moitié par de l'éolien, Google achète 100 % de l'électricité qu'il consomme en énergies renouvelables via sa filiale Google Energy.

Nous ne sommes pas dupes : c'est surtout un moyen de sécuriser leur approvisionnement énergétique. L'enjeu économique prime - et renouvelable ne signifie pas forcément écologique.

La question du consentement à l'impôt se pose. La recette de la taxe Gafam - 400 millions d'euros en 2019 - est symbolique au regard des 10 milliards d'euros de chiffre d'affaires générés en France et délocalisés dans les paradis fiscaux.

Ne pouvons-nous pas instaurer une vraie taxe Gafam verte, fléchée vers les investissements d'avenir ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Oui, ce sujet est essentiel car la part des émissions liées au numérique ne fera que s'accroître. Barbara Pompili et Cédric O ont tracé une feuille de route environnementale pour le numérique, qui a pour objectif de revenir en 2025 au niveau d'émission de 2020. Notre stratégie est claire.

Faut-il pour cela utiliser l'outil fiscal ? Nous plaidons pour la convergence et la lisibilité. Une législation nationale n'a guère de portée pratique. La taxe sur les services numériques a été d'abord une façon de montrer qu'il était possible d'agir pour embarquer d'autres partenaires dans ce projet - et cela avance.

M. Thierry Cozic.  - J'entends l'ambition du Gouvernement. Le numérique consomme entre 5 et 10 % de l'électricité mondiale. Si Internet était un pays, ce serait le troisième plus grand consommateur !

Les Gafam accumulent les données personnelles dans plus de 500 data centers installés dans plus de 125 pays, qui fonctionnent 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Il est urgent d'agir avant la surchauffe.

M. Yves Bouloux .  - La capitalisation des Gafam dépasse 4 000 milliards de dollars - le double de celle du CAC 40.

Outre les menaces d'atteinte à la souveraineté des États, cette domination du marché comporte un risque de pratiques anticoncurrentielles. Le 27 mai, la France a appelé avec l'Allemagne et les Pays-Bas à une prise en compte plus forte du sujet. Les autorités de la concurrence des États membres doivent pouvoir s'en saisir.

Le tout n'est pas d'édicter des règles mais d'en assurer le respect, rapidement et efficacement. La Commission européenne a parfois mis six ans à rendre sa décision !

Est-il envisagé de renforcer les moyens de l'Autorité de la concurrence française sur ces sujets ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Pour que les avancées soient effectives, il faut que les moyens de régulation et de contrôle soient au rendez-vous. Nous souhaitons que la Commission reste l'autorité centrale - c'est ce qui fait sa force - mais s'articule au mieux avec les autorités nationales.

Au niveau français, nous avons renforcé le pôle d'expertise de la régulation numérique, avec le recrutement de treize professionnels - vingt d'ici la fin 2021 - pour aider l'Autorité de la concurrence et d'autres autorités. Nous mettons les moyens en relation avec les missions et intégrons le potentiel contentieux numérique.

Notons aussi que la part des contrôles de la DGCCRF sur les plateformes numériques est en forte hausse.

M. Pierre-Jean Verzelen .  - On ne compte plus les attaques, les injures, les appels à la violence sur les réseaux sociaux - pour toujours plus de clics, de publicité, donc de profit. Les algorithmes privilégient les contenus qui font le buzz.

Derrière les drames que ce système engendre, il y a un modèle mathématique, et donc un modèle économique.

Malgré l'influence des plateformes sur des scrutins démocratiques - Brexit, élections américaines - elles conservent un régime d'irresponsabilité, étant considérées comme de simples hébergeurs.

La question est celle de la responsabilité liée à l'algorithme, qu'il s'agisse d'hébergeurs, d'intermédiaires ou d'éditeurs.

Les Gafam peuvent-ils être tenus pénalement responsables des conséquences des contenus qu'ils mettent en avant ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Il y a effectivement un débat sur ce sujet. Les plateformes ne sont pas irresponsables juridiquement, mais le régime des hébergeurs prévoit une responsabilité limitée : elles ne peuvent être tenues responsables qu'en cas de non-retrait d'un contenu illicite porté à leur connaissance.

Nous pensons qu'il faudrait introduire un devoir de diligence, contrôlé de façon systématique par le régulateur, proportionnel à la taille des plateformes - l'équivalent du contrôle de conformité des banques sur la légalité des fonds.

M. Thomas Dossus .  - Les Gafam ont acquis une position dominante dans l'économie et dans nos vies. Par la façon dont ils façonnent notre rapport au monde, ils représentent un défi démocratique majeur.

Les algorithmes qui traitent des quantités astronomiques de données créent des biais considérables. Au lieu de favoriser le débat, le traitement et la mise à disposition de l'information sur les réseaux sociaux favorisent la segmentation et la radicalisation des opinions. On l'a vu avec l'envolée des fake news au cours de la crise sanitaire.

La transparence des algorithmes qui enferment les utilisateurs devient une urgence démocratique.

Lors d'un débat sur la haine en ligne, Cédric O m'avait répondu qu'il ignorait comment les algorithmes mettaient en avant certains contenus et qu'il n'aurait au demeurant aucun moyen de contrôler la véracité des informations provenant des Gafam. Quel aveu de faiblesse ! La passivité occidentale face aux stratégies d'influence des Gafam ne peut plus durer. Cessons de nous défausser sur Bruxelles. Le Gouvernement compte-t-il demander un droit de regard démocratique sur les algorithmes ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - C'est le coeur du Digital Services Act : obliger les plateformes structurantes, qui orientent le débat par leurs pratiques de ciblage, à faire la transparence sur leurs algorithmes afin que le régulateur européen puisse les contrôler.

Cédric O et moi-même portons cette ambition à Bruxelles, et espérons un accord dans les prochains mois.

Il faut savoir lire ces algorithmes, d'où la création, en septembre dernier, d'un pôle d'expertise numérique. L'État recrute des profils spécifiques et mène un travail sur l'intelligence artificielle avec des appels à projet sur l'audit des algorithmes numérique. Le sujet dépasse celui des seules plateformes.

M. André Gattolin .  - L'intitulé de ce débat me gêne, car il existe plusieurs régulations : celle du marché économique, celle des contenus et celle de l'usage des données personnelles. Ensuite, l'appellation de Gafam ne vise que des sociétés nord-américaines, en agitant la menace de Big Brother. Il faudrait plutôt parler de géants de l'Internet, afin d'inclure les BATX chinois.

Il n'y a pas de géant numérique sans grande puissance derrière. C'est le problème de l'Europe. Dernièrement, le message d'un universitaire français en soutien aux Ouïghours sur TikTok, filiale d'une société chinoise, a conduit à la radiation de son compte...

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Oui, le débat doit être élargi au-delà des acteurs américains. Les plateformes sont en perpétuelle mutation économique.

Deux grands pays, les États-Unis et la Chine, possèdent des plateformes structurantes. Les BATX gèrent une quantité colossale de données personnelles !

Il faut effectivement distinguer le contenu et le modèle économique, qui relève davantage du Digital Markets Act. Les plateformes empêchent l'émergence de startups innovantes. Par ailleurs, les données privées des consommateurs doivent être protégées. Les enjeux sont donc nombreux. Nous prônons une approche matricielle. La réglementation européenne a l'ambition de tous les traiter, de manière transversale, avec le Digital Services Act, le Digital Markets Act et la directive e-privacy.

M. Bernard Fialaire .  - Les géants du numérique ont une valorisation boursière supérieure à celle des entreprises traditionnelles, mais leur taux de taxation est bien inférieur en raison du caractère immatériel de leur création de valeur, qui facilite l'optimisation fiscale.

La taxation des géants du numérique suscite d'âpres débats au sein de l'Union européenne. En mai, Amazon a obtenu une victoire symbolique lorsque la justice européenne a validé les rabais fiscaux octroyés par le Luxembourg - un camouflet pour la Commission européenne. Idem pour Apple en juillet 2020.

Certains États ont tenté de faire cavalier seul, comme la France avec sa taxe de 3 % sur le chiffre d'affaires des géants du numérique, qui a rapporté 400 millions d'euros en 2019. En représailles, les États-Unis ont taxé le vin français - je viens du Beaujolais... - et les Gafam ont augmenté les tarifs pour les annonceurs.

Joe Biden a suggéré une taxe de 21 % à ces entreprises partout dans le monde, mais le Trésor américain propose désormais 15 %. Hormis les paradis fiscaux, nul n'aurait à y perdre ; les recettes de l'Union européenne pourraient même augmenter de 13 % à 50 % ! Il faut avancer sur le sujet lors du prochain G7 ou du G20 de Venise.

M. le président.  - Votre temps est épuisé, mon cher collègue.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Qu'espérer des négociations en cours à l'OCDE ?

Nous sommes en faveur d'une négociation sur les deux piliers : la révision des règles d'allocation des droits d'imposer des bénéfices générés par les entreprises les plus profitables, qui touche tous les secteurs, et l'institution d'une règle mondiale d'imposition minimale effective des multinationales. L'objectif est d'aboutir à une imposition plus équitable entre entreprises pour éviter qu'elles ne privilégient les pays à très faible fiscalité. Bruno Le Maire n'a cessé de porter cette approche et nous espérons des avancées historiques au G20.

Nous avons été les premiers à mettre en place une taxe nationale, en assumant le risque de rétorsion, afin d'ouvrir la voie. Nous sommes en passe d'obtenir un accord, mais ne relâchons pas nos efforts.

M. Éric Bocquet .  - Je salue le groupe Les Républicains pour cette excellente initiative.

M. Gérard Longuet.  - Merci !

M. Éric Bocquet.  - Le numérique a transformé notre société. Chaque minute, l'être humain produit sur la planète 300 000 tweets, 15 millions de SMS, 204 millions de mails ; et 2 millions de mots-clés sont recherchés sur Google.

Les technologies de l'information et de la communication sont plus répandues que l'électricité sur la planète. Nous offrons gratuitement nos données aux Gafam. Grâce à cette matière première, Apple est valorisé à 2 000 milliards de dollars, la moitié du PIB du Royaume-Uni !

Il est temps de réguler et, pourquoi pas, de démanteler ces grands groupes - il en a été question dans la campagne présidentielle américaine. Facebook compte aujourd'hui plus de 2,8 milliards d'usagers.

L'objet de ces groupes est d'éliminer toute marge d'incertitude, de rendre le monde prévisible, de créer un marché de la certitude totale - bref, pour citer Shoshana Zuboff, de permettre à la connaissance parfaite de supplanter la politique comme moyen collectif de prise de décision.

N'y a-t-il pas un risque que ces géants défient un jour la souveraineté des États et la démocratie ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - L'empreinte des plateformes dans nos vies est exceptionnelle. Elles créent des situations de concurrence déloyale et nuisent à la qualité du débat démocratique. Il faut se doter d'outils nationaux et transnationaux de régulation, ainsi que de moyens de contrôle, en évitant l'écueil de la censure mais aussi celui de la naïveté. Nous devons avoir des moyens de contrôle et la capacité d'infliger des sanctions financières.

Tel est le sens de la politique que nous menons et qui semble faire consensus dans votre hémicycle, ce dont je me réjouis. L'objectif est de concilier la liberté d'opinion et d'entreprendre et la régulation qui protège les citoyens.

M. Éric Bocquet.  - Le numérique est une magnifique illustration de l'intelligence humaine. Il peut être émancipateur, mais aussi nous asservir en l'absence de régulation. Les plateformes imposent déjà leur langue et leur fiscalité. Demain, sera-ce leur monnaie, leur pensée et leur vision du monde ?

M. Jean-Pierre Moga .  - D'une promesse de liberté, les Gafam sont devenues le symbole de l'optimisation fiscale et de la concurrence déloyale. En 2017, la France avait un manque à gagner fiscal de 623 millions d'euros sur les Gafam. Le chiffre est probablement bien supérieur en 2021.

La France a mis en place une taxe sur les services numériques en 2019, mais qu'en est-il des avancées à l'échelle de l'Union européenne et de l'OCDE ?

Le DSA et le DMA ont été présentés en 2020 pour mettre de l'ordre dans le chaos. La France a proposé de les durcir. Où en sommes-nous ?

Le démantèlement des Gafam n'est pas une solution en soi, il renforcerait les BATX chinois. L'Union européenne est incapable de proposer une offre domestique ; c'est regrettable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - L'absence de plateformes domestiques - commerce en ligne aussi bien que réseaux sociaux - est effectivement préoccupant. Peu d'entre elles sont redevables de la taxe sur les services numériques - qui représentent 750 millions d'euros de chiffre d'affaires global et 25 millions de chiffre d'affaires liées à la publicité ou aux services numériques.

Il faut investir dans ce secteur. Les données individuelles, économiques et logistiques ont une grande valeur. Certains de nos acteurs ont d'importantes capacités, comme Dassault Systèmes qui est présent dans la moitié au moins des projets de traitement des données de santé ; ou Schneider, qui donne un contenu technologique, orienté sur l'analyse des données et l'intelligence artificielle, à son modèle d'affaires. Nous devons les soutenir pour créer une puissance économique numérique européenne. Nous en avons les moyens.

Nous travaillons aussi sur le cloud souverain, la 5G, l'intelligence artificielle et la nanoélectronique pour restaurer des capacités de recherche et développement et de production.

M. Jean-Pierre Moga.  - Il est temps que l'Europe réagisse face à ces monopoles étrangers. Ce sont des milliards d'euros que la France et l'Europe perdent !

Mme Claudine Lepage .  - Le secteur culturel n'est pas épargné par l'appétit des Gafam. La presse fait l'objet d'un véritable pillage depuis des années. Google refuse de rémunérer les contenus dont il tire profit.

La loi du 24 juillet 2019, à l'initiative de David Assouline, a créé un droit voisin au droit d'auteur pour les éditeurs et agences de presse, mais Google s'affranchit de cette obligation, malgré la reconnaissance européenne de ce droit.

Cette attitude est inacceptable dans un État de droit. Que comptez-vous faire ? Le risque hégémonique touche aussi le sport : Amazon va diffuser en exclusivité, pour la première fois, les matchs de Roland Garros.

Quelles actions fermes l'Europe et le Gouvernement entendent-ils mettre en oeuvre pour contrer cette toute-puissance qui menace notre équilibre démocratique ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - C'est un combat complexe. La presse française a entrepris une démarche contentieuse contre Google, car il référençait moins bien les journaux qui refusaient l'exploitation gratuite de leurs contenus. En avril 2020, l'Autorité de la concurrence a obligé Google à négocier de bonne foi. Un accord a été signé en janvier 2021 avec les principaux représentants de la presse française mais sans l'AFP, par exemple. Le contentieux se poursuit, l'enjeu est de déterminer si l'accord est réellement de bonne foi.

Nous devons lutter contre tout abus de concurrence. Le DMA nous y aidera.

M. Guillaume Chevrollier .  - La montée en puissance des Gafam, qui ont désormais un poids politique, soulève des questions politiques majeures ; nous l'avons vu lors de nombreuses élections, comme dans l'affaire Cambridge Analytica où des données ont été manipulées à l'insu des citoyens. Il s'agit d'un problème démocratique. La liberté d'expression ne saurait être bafouée par des algorithmes !

La réforme de la directive sur le droit d'auteur en 2019 a été déterminante, mais il faut aller plus loin à l'approche des prochaines élections présidentielles, pour mieux contrôler l'usage des données et apprendre aux jeunes à distinguer le vrai du faux.

Quels instruments ambitieux comptez-vous mettre en place pour sécuriser les élections, et pour que les électeurs votent en conscience et en toute liberté ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Nous mettons en oeuvre une régulation des contenus au niveau national et européen, avec le DSA, afin que les contenus illicites soient retirés le plus rapidement possible. Nous nous protégeons aussi contre les attaques qui fragilisent le débat démocratique. Nous sommes très impliqués sur la cybersécurité, auprès des services publics mais aussi des entreprises.

Il convient, en outre, d'apprendre à chacun comment utiliser convenablement les réseaux sociaux. La société civile et les journalistes jouent aussi un rôle important dans la vérification des informations. Tout cela améliorera la qualité du débat démocratique.

Mais l'État n'a pas les moyens de s'assurer qu'à chaque instant, il ne circule pas de fake news sur les réseaux. C'est aussi la responsabilité de chaque citoyen de prendre du recul et de minimiser la diffusion d'infox.

M. Guillaume Chevrollier.  - L'Union européenne est désormais dépassée par les Gafam et les BATX. La présidence française de l'Union doit inscrire le contrôle et la souveraineté technologique et numérique à l'agenda politique européen !

Mme Anne-Catherine Loisier .  - La régulation recoupe le sujet de la souveraineté numérique. Nous sommes inquiets. Hier, Catherine Morin-Desailly déplorait la « gafamisation » des services de l'État et de nos fleurons, soumis à la loi américaine Foreign Intelligence Surveillance Act (FISA). Ainsi, le Health data hub a été confié à Microsoft ; Palantir gère des données de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et d'Airbus ; tandis que la gestion des prêts garantis par l'État (PGE) a été confiée à Amazon Website, qui dispose dès lors des informations stratégiques pour acquérir des entreprises.

Le savoir-faire technologique de ces géants est réel. Mais devons-nous nous livrer, avec nos données et celles des Français, à leur empire ?

Les offres françaises et européennes sont souvent équivalentes à celles de leurs concurrents américains. Pourquoi cette défiance à l'égard de nos entreprises ?

Le cloud européen Gaïa-X se construit comme une base de données unifiée et associe des Gafam ; il n'est donc pas l'outil européen de souveraineté et de protection des données que nous attendions.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Dans l'achat public, nous veillons à la qualité des offres. Nos acteurs ont un retard objectif lié à un manque d'investissements et d'interopérabilité ; nous ne disposons pas de l'ensemble des briques technologiques.

Notre stratégie consiste à créer une offre de cloud souverain de confiance, avec des briques européennes, ou étrangères mais répondant à un cahier des charges très exigeant quant à la gestion des données. Ce sera la meilleure protection contre l'extraterritorialité.

L'enjeu est de créer les cas d'usage, afin qu'un grand nombre d'acteurs publics accèdent à des offres de confiance. C'est ce qui permettra ensuite de financer l'innovation : j'invite les acteurs privés à être clients de ces offres - l'administration les utilisera dans le cadre de la stratégie Tech.gouv d'Amélie de Montchalin.

M. Rémi Cardon .  - Nous voulons créer des géants du numérique européens... mais le moteur de recherche européen Qwant patine.

Comment protéger nos acteurs qui réussissent, comme Leboncoin et Deezer, mais aussi Cdiscount ou Fnac.com ?

Amazon se développe rapidement dans l'Hexagone. Vous dénoncez une psychose, mais le nombre de visiteurs uniques équivaut à la moitié de la population française. Attendrez-vous le dernier moment pour agir, comme face à la crise sanitaire ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Ne sous-estimons pas les acteurs français et européens, dont les parts de marché sont plutôt supérieures à celles de leurs concurrents étrangers face à Amazon. Celui-ci n'a que 20 % de parts de marché en France, beaucoup moins qu'ailleurs en Europe ou dans le monde.

Il n'appartient pas à l'État régulateur d'imposer un choix au consommateur, mais de protéger celui-ci et d'assurer les conditions d'une concurrence loyale. Il faut mieux informer les consommateurs. La dimension de l'empreinte locale est de mieux en mieux comprise par les Français. Améliorer la qualité de service reste la meilleure façon de conquérir le marché.

M. Rémi Cardon.  - Allez-vous laisser nos entreprises être rachetées par les Gafam ou les BATX ? Que l'État prenne ses responsabilités fiscales !

M. Vincent Segouin .  - Depuis des années, les Gafam défraient la chronique fiscale. Google ne paie que 17 millions d'euros d'impôts en France, sur 411 millions de chiffres d'affaires - soit 4,13 % du chiffre d'affaires, bien loin des 28 % de l'impôt sur les sociétés et des 2 milliards d'euros de son chiffre d'affaires réel. La taxe Gafam n'a pas mis fin à cette distorsion de marché.

La justice européenne valide les rabais fiscaux accordés à ces entreprises destructrices d'emplois. L'Irlande taxe les entreprises à 12,5 % - contre 28 % pour la France.

L'Union européenne est aphasique, notamment en matière d'harmonisation fiscale. L'Europe va-t-elle rétablir la justice ?

L'impôt mondial minimal sur les entreprises multinationales est idéaliste et ne résoudra pas l'écart avec nos 28 %.

Comment et à quelle échelle comptez-vous agir ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - C'est dans le cadre de l'Union européenne que des avancées sont en train de se réaliser. La convergence fiscale et la profondeur des discussions y sont plus poussées qu'ailleurs, grâce à la mobilisation de notre président de la République et du ministre de l'économie et des finances. Désormais, 23 pays soutiennent la taxation des services numériques. Nous sommes aussi en passe de conclure un accord dans le cadre de l'OCDE.

Voyons le verre à moitié plein : la persévérance de la France paie. En quatre ans, nous avons beaucoup plus progressé qu'au cours de la décennie antérieure.

Mme Anne Ventalon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En nous appuyant sur des technologies massivement extra-européennes, nous risquons de perdre notre souveraineté.

L'économie numérique repose sur les algorithmes et des données complexes à analyser. Il faut recruter des spécialistes - data scientists, notamment - pour réguler les plateformes numériques. Or, ces profils sont trop absents de nos administrations nationales comme européennes.

Un rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) a préconisé de faire monter en compétences sur les enjeux numériques, de même que la Direction générale de la concurrence de la Commission européenne. Lors de la réforme sur l'audiovisuel, le Gouvernement déplorait le manque d'expertise technique de l'État, compte tenu notamment de la rigidité des règles et des rémunérations peu attractives.

Comment attirer et conserver des talents du numérique ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie.  - Nous oeuvrons à la création d'un pôle d'expertise de la régulation numérique à l'échelle nationale. Les possibilités de recrutement sont plus ouvertes grâce à la récente loi sur le recrutement dans la fonction publique.

En septembre 2020, nous avons créé une force de frappe mutualisée pour nos administrations, spécialisée sur les enjeux du numérique et des algorithmes. Cette initiative intéresse beaucoup à l'étranger. Cinq projets d'audit et d'évaluation ont été réalisés, vingt sont en cours. Cela concerne des audits d'algorithmes d'intelligence artificielle, l'évaluation de la modération des réseaux sociaux, la collecte d'informations par les plateformes... Des projets d'expérimentation sont en cours avec les grandes plateformes et l'Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria), spécialisé en intelligence artificielle. L'équipe rassemble désormais treize experts de haut niveau, ils seront vingt à la fin de l'année. Cette démarche a vocation à faire école en Europe.

Mme Anne Ventalon.  - Renforcer l'expertise est un défi de taille pour être à la hauteur des enjeux. La France est riche d'ingénieurs bien formés. Nous devons les conserver en France, être à l'avant-garde et servir d'aiguillon en Europe !

M. Stéphane Le Rudulier .  - Les armes efficaces manquent pour lutter contre la haine en ligne, face au nombre de faits signalés. Les Gafam ne souhaitent ni ne peuvent contrôler les dérives, et les cyberdélinquants ont toujours un temps d'avance.

En 2020, la loi Avia était une première tentative de prendre le sujet à bras le corps, mais le Conseil constitutionnel a censuré la majorité des dispositions portant atteinte aux libertés individuelles, et notamment à la liberté d'expression.

La Commission européenne déploiera le DSA à l'horizon 2022 pour protéger le consommateur et responsabiliser les hébergeurs.

Un délit de mise en danger de la vie d'autrui par la diffusion d'informations relative à la vie privée, familiale ou professionnelle va être instauré par la loi confortant le respect des principes de la République. Cet arsenal est-il suffisant, dans un contexte transitoire, à un an du déploiement européen du DSA ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie.  - Le DSA est encore en cours de négociation. C'est pourquoi nous décidons de mesures au plan national, notamment dans le cadre du projet de loi Principes de la République. Les plateformes doivent être contraintes de retirer rapidement les contenus illicites. Je vous invite à soutenir ces mesures, en attendant que le DSA, plus structurant et à l'échelle européenne, aille plus loin : en réunissant les autorités de régulation compétentes quant au lieu d'implantation des plateformes et des consommateurs, le dispositif créera davantage de protection.

Mme Céline Boulay-Espéronnier .  - Après dix ans de lutte au coeur de nos territoires, l'heure est venue de poser des limites à l'extension des Gafam.

Plus de 70 % de nos données sont hébergées par Amazon, Microsoft et Google. Nous envoyons des données dans des serveurs américains à longueur d'année ! L'intelligence artificielle se développe ainsi outre-Atlantique grâce à nos données, alors que nous accumulons les retards économiques et industriels.

L'administration française a certes annoncé le 17 mai qu'elle recourra à un cloud protégé, mais cela ne sera pas effectif du jour au lendemain et ne concernera pas le secteur privé.

Le projet européen Gaïa-X risque d'être réutilisé comme un cheval de Troie par les acteurs américains et chinois qui en font partie.

Comment garantir la sécurité de nos données numériques et les répartir sur notre territoire ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie.  - Les données traitées par les Gafam ne sont pas toujours stockées aux États-Unis, je pense notamment à Amazon Web Services. Les entreprises négocient souvent dans leurs conditions contractuelles qu'elles soient stockées en Europe.

Le règlement général sur la protection des données (RGPD) protège les Européens en matière d'utilisation des données privées. Il faut donner aux autorités de régulation les moyens de mener davantage de contrôle, notamment sur les algorithmes. C'est en cours de construction à l'échelle européenne et devrait être effectif d'ici 18 mois.

Nous oeuvrons à bâtir nos solutions européennes, y compris au-delà du cloud. Il faut investir dans le traitement des algorithmes et l'intelligence artificielle.

Nous avons des acteurs importants, comme Dassault Systèmes. Tout ne se passe pas aux États Unis.

Le plan d'investissements d'avenir financera massivement la cybersécurité et la 5G. À l'échelle européenne, des IPCEI (Important Projects of Common European Interest) feront émerger des briques technologiques de qualité équivalente aux briques américaines.

M. Gérard Longuet, pour le groupe Les Républicains .  - Je remercie tous les orateurs et particulièrement M. Hugonet, rapporteur de la commission d'enquête sur la souveraineté numérique avec Franck Montaugé. Toutes les interventions et toutes les réponses ont été pertinentes. Le Sénat est particulièrement impliqué sur ce sujet majeur, centré sur des rapports de puissance entre les Gafam, les BATX et les gouvernements de nos démocraties.

La convergence pour préserver un système respectueux de l'homme et de la propriété intellectuelle est très positive. Elle sera durable si le rythme des mesures nationales, européennes et mondiales est rapide.

La décision politique est lente, alors que l'initiative des acteurs est sans limite et le ressort technologique inépuisable : c'est une première difficulté ! Qui aurait pensé que TikTok séduise des centaines de millions de jeunes gens en quelques mois ? Les règlements et lois, a contrario, peinent à voir le jour après des négociations interminables au sein de l'Union européenne et de l'OCDE.

Deuxième difficulté : le système s'installe, avec des clients - certes assez infidèles  - , des fournisseurs -  certes exploités, mais qui s'en sortent  - et des actionnaires. Le politique doit prendre la mesure de cette situation.

Notre devoir de parlementaires, madame la ministre, est de vous empoisonner l'existence en vous réclamant toujours plus sur vos engagements (Sourires), que nous partageons, et sur les résultats, dont nous espérons voir le succès émerger à l'horizon. Mais l'horizon, c'est une ligne fictive qui recule à mesure que l'on avance. (Nouveaux sourires)

Que se passera-t-il aux États-Unis, où 55 procureurs ont lancé des actions ? On a cité les textes envisagés, DMA et DSA, ou acte des places de marché numérique et acte des services numériques, en français. Ils apparaissent plus équilibrés et prudents.

L'histoire montre que les États-Unis savent limiter les monopoles - je me souviens du démantèlement de AT&T lorsque j'étais ministre des Postes et des télécommunications... au siècle dernier. Comme le disait M. Hugonet, ils ont refusé un roi pour les gouverner, ils n'ont pas plus l'intention de subir l'autorité d'un monarque auto-désigné par sa performance industrielle ou son marketing, parfaitement respectables et qui rejaillissent sur le confort des actionnaires, mais qui qui ne donnent aucune légitimité pour gouverner nos sociétés. (Applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur les travées du RDPI et du RDSE)

La séance est suspendue quelques instants.