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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions orales

Suppression de la JDC pour les Français établis hors de France

Mme Hélène Conway-Mouret

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie

Conséquences des fermetures de classes ou d'écoles pour les communes

M. Jean Hingray

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire

Usine marémotrice de la Rance et tarification verte

Mme Sylvie Robert

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité

Moyens de l'OFB dans les Alpes-Maritimes

Mme Dominique Estrosi Sassone

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité

Retards de traitement des dossiers « MaPrimeRénov' »

M. Gilbert Roger

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité

Évolution du boulevard périphérique parisien

Mme Catherine Dumas

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité

Prévention des inondations en zone rurale

Mme Cathy Apourceau-Poly

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité

Agences locales de l'énergie et du climat

M. Michel Savin

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité

Tribunaux au bord de l'implosion

M. Jean-Baptiste Blanc

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Centre de détention de Muret

Mme Brigitte Micouleau

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Moyens de fonctionnement des tribunaux de commerce

M. Yannick Vaugrenard

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Suppression de la double tenue du registre d'état civil

M. Yves Détraigne

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Soutien aux radios locales indépendantes

M. Philippe Mouiller

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la Culture

Marché du livre à l'heure du numérique

M. Jean-Marie Mizzon

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture

Travailleurs et vétérans des essais nucléaires

Mme Angèle Préville

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants

Règles de calcul de la DGF

M. Hervé Maurey

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants

Cumul d'une pension d'invalidité avec une indemnité d'élu local

Mme Valérie Boyer

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants

Exportations massives de grumes vers l'Asie

Mme Marie Evrard

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques

Avenir de Sanofi à Vertolaye dans le Puy-de-Dôme

M. Éric Gold

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques

Revalorisation salariale de l'aide à domicile

Mme Else Joseph

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Indemnisation de perte d'activité des médecins de montagne

Mme Sylviane Noël

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Lutte contre les effets psychologiques et psychiatriques de la crise sanitaire

Mme Brigitte Lherbier

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Traitement de la maladie de Charcot à titre compassionnel

Mme Émilienne Poumirol

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Oubliés du Ségur de la santé

Mme Chantal Deseyne

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Traitement de l'algie vasculaire de la face

Mme Frédérique Puissat

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Coût réel des vaccins et tests antigéniques

M. Michel Canévet

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Vaccination de proximité

M. Pierre Ouzoulias

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Psychiatrie

Mme Isabelle Raimond-Pavero

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Coût des centres de vaccination municipaux dans les Alpes-Maritimes

M. Philippe Tabarot

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Inégalités d'accès aux soins dans l'Aude

M. Sebastien Pla

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Propagande électorale

M. Bernard Buis

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté

Lutte contre les escroqueries

M. Stéphane Demilly

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté

Insuffisance des effectifs de gendarmerie dans l'Ain

M. Patrick Chaize

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté

Abattoir de Forges-les-Eaux

Mme Agnès Canayer

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Agriculture de montagne et future PAC

M. Jean-Yves Roux

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Financement de la sécurité sociale (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles de la proposition de loi organique

ARTICLE PREMIER

ARTICLE 2

ARTICLE 3

ARTICLE 3 TER

ARTICLE 3 QUATER

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 3 quater

ARTICLE 4

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 4

Intervention sur l'ensemble

M. Dominique Théophile

Discussion des articles de la proposition de loi

ARTICLE PREMIER

Confiance dans l'institution judiciaire (Procédure accélérée)

Discussion générale commune

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur de la commission des lois

M. Guy Benarroche

M. Thani Mohamed Soilihi

Mme Maryse Carrère

Mme Cécile Cukierman

M. Hussein Bourgi

M. Philippe Bas

Mme Dominique Vérien

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme Christine Herzog

Mme Esther Benbassa

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article premier

ARTICLE 2

ARTICLE 3

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur

ARTICLE 4

ARTICLE 5 (Supprimé)

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 5 (Supprimé)

ARTICLE 6

ARTICLE 7

Ordre du jour du mercredi 29 septembre 2021




SÉANCE

du mardi 28 septembre 2021

5e séance de la 3e session extraordinaire 2020-2021

présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président

Secrétaires : Mme Françoise Férat, M. Joël Guerriau.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle 35 questions orales.

Suppression de la JDC pour les Français établis hors de France

Mme Hélène Conway-Mouret .  - La journée de la défense et de la citoyenneté (JDC) a été supprimée pour les jeunes Français établis hors de France dans le contexte de la pandémie, ce que je déplore.

À leur dix-huitième anniversaire, les jeunes Français sont convoqués à la JDC pour s'informer de leurs droits et devoirs de citoyens, ainsi que du fonctionnement de nos institutions. En raison de la pandémie, cette journée est actuellement organisée en ligne pour les jeunes résidant en France.

Alors que le certificat de participation à la JDC est requis pour s'inscrire aux examens et concours, mais aussi pour passer le permis de conduire, les jeunes Français établis à l'étranger se retrouvent dans une situation absurde : faute de pouvoir suivre cette journée dans leur pays de résidence, ils doivent s'acquitter à leurs frais de cette obligation en France, alors que des frontières restent fermées.

Une attestation provisoire est prévue, permettant notamment de s'inscrire aux concours, mais il faut prendre des mesures pour adapter les modalités de la JDC. Comment va-t-elle être organisée, notamment dans les pays où la situation sanitaire est fortement dégradée ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie .  - Comme ancien rapporteur pour avis de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », je suis particulièrement sensible à cette question. La JDC fait partie des remèdes contre le délitement, souvent déploré, de la cohésion nationale ; il faut absolument la préserver. Elle est aussi créatrice de droits pour nos jeunes, leur permettant notamment de passer des examens.

Nous travaillons activement à la mise en place d'une solution en ligne pour les Français établis hors de France. Le dispositif sera fonctionnel d'ici quelques semaines.

Parallèlement, il me paraît indispensable qu'une version présentielle de cette journée continue d'être proposée là où vivent d'importantes communautés françaises - je pense en particulier à Londres, Genève ou Bruxelles. Comptez sur moi pour insister sur ce point auprès de nos postes.

Plus largement, nos jeunes compatriotes résidant à l'étranger doivent avoir accès aussi à d'autres dispositifs d'engagement, à l'instar des séjours de cohésion. Tous les jeunes Français doivent bénéficier des mêmes droits !

Mme Hélène Conway-Mouret.  - La mise en place prochaine de la JDC en ligne pour les Français de l'étranger est une bonne nouvelle. Il faut répondre aux inquiétudes des familles, dont le lien avec la France est très fort, en particulier sur l'accès des jeunes aux concours.

Conséquences des fermetures de classes ou d'écoles pour les communes

M. Jean Hingray .  - Jules Ferry a construit un édifice « qui n'a rien à craindre de l'avenir, tant que la démocratie française restera consciente et soucieuse de ses devoirs », lisait-on en 1896 dans la Revue pédagogique. Madame la secrétaire d'État, êtes-vous consciente et soucieuse de ce qui se passe dans nos villages ?

Des classes ferment sans consultation des maires, suscitant l'émoi des familles et des élus. Voilà un an, pourtant, le Gouvernement avait annoncé qu'il n'y aurait aucune fermeture de classe sans accord du maire.

Les hussards de la République ne ménagent pas leur peine pour maintenir un enseignement de qualité et promouvoir l'égalité des chances. Les suppressions de classe ou d'école portent préjudice à ces objectifs et posent de nombreuses difficultés juridiques, organisationnelles et budgétaires. Qu'advient-il des bâtiments qui perdent leur destination ou des contractuels, comme les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem), avec lesquels les collectivités territoriales sont engagées ?

Envisagez-vous un moratoire sur les fermetures ? À défaut, quelles mesures d'accompagnement allez-vous proposer aux maires pour compenser les conséquences de vos décisions unilatérales ?

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire .  - Le Gouvernement a fait de l'école élémentaire sa priorité, pour consolider les apprentissages fondamentaux. Malgré la forte baisse des effectifs, nous n'avons jamais cessé d'augmenter les moyens du premier degré : depuis 2017, 9 000 postes en plus pour 300 000 élèves en moins.

Dans les Vosges, on compte 20,5 élèves par classe, contre 22,2 en moyenne nationale ; c'est donc une situation favorable. Cette année, malgré une baisse des effectifs de plus de 500 élèves, aucun poste n'a été supprimé, en sorte que ce taux d'encadrement progressera encore.

Depuis 2019, aucune école n'a été fermée sans accord du maire, conformément à l'engagement du Président de la République. En outre, nous avons décidé, exceptionnellement, qu'aucune classe ne fermerait en 2020, compte tenu du contexte sanitaire.

Nous échangeons avec les élus locaux et apprécions chaque situation. La carte scolaire se fait en concertation avec les maires, dans un esprit de dialogue constructif.

M. Jean Hingray.  - Vous égrenez des chiffres, mais les réalités du terrain sont autres. Je vous invite, ainsi que M. Blanquer, à venir dans les Vosges pour vous en rendre compte concrètement.

Usine marémotrice de la Rance et tarification verte

Mme Sylvie Robert .  - Voilà quelques années, j'ai posé une première question orale sur le désenvasement de la Rance. Depuis, la situation s'est encore aggravée, affectant tant l'attractivité touristique des communes que la biodiversité. Il est urgent d'agir !

Depuis 2019, la Commission européenne est favorable à la revalorisation au tarif « énergie renouvelable » de l'énergie produite par l'usine marémotrice de la Rance (UMR).

Toutefois, le ministère de l'environnement considère que la création d'une fiscalité écologique spécifique sur cette production n'est pas la meilleure option à court terme et renvoie au plan de gestion des sédiments. Pourtant, l'article L. 211-2 du code de l'énergie reconnaît clairement l'énergie marémotrice comme renouvelable...

Le concessionnaire, EDF, veut faire perdurer l'équipement, mais le projet de réorganisation dit Hercule, actuellement suspendu, pourrait affecter le passage en tarification verte de l'énergie produite. L'UMR pourrait être classée parmi les barrages hydroélectriques plutôt que les énergies renouvelables, ce qui compliquerait les investissements à réaliser pour désenvaser la Rance.

Quelle est la position du Gouvernement sur ce dossier ? Allez-vous soutenir le passage de l'énergie produite par l'UMR en tarification verte, en cohérence avec le code de l'énergie ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Un programme de recherche est mené avec EDF pour comprendre le phénomène de sédimentation et identifier des solutions ainsi que des actions préventives. Les conclusions en seront connues en 2023.

L'usine de la Rance produit une énergie pleinement renouvelable. Mais la concession confiée à EDF depuis 1966 n'arrivera à échéance qu'en 2043 ; d'ici là, le droit des concessions ne permet pas de modifier substantiellement l'équilibre économique du contrat. Je rappelle que la France fait déjà l'objet de deux mises en demeure par la Commission européenne.

Cette question est tout à fait indépendante d'une éventuelle réorganisation du groupe EDF.

Il faut poursuivre les travaux en cours pour trouver une solution pérenne.

Mme Sylvie Robert.  - La classification en énergie verte lèverait un frein important. Les maires, la Région Bretagne, tous les acteurs sont mobilisés. Cet engagement mérite que le Gouvernement s'y intéresse.

Moyens de l'OFB dans les Alpes-Maritimes

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - Alors que les services de l'Office français de la biodiversité (OFB) dans les Alpes-Maritimes devraient compter dix-sept inspecteurs de l'environnement, seuls huit fonctionnaires à temps plein et un à mi-temps y travaillent. Ce demi-effectif affecte les missions de police de l'environnement et de surveillance de la biodiversité dans un espace couvrant les milieux aquatique, terrestre et maritime.

Les inspecteurs doivent se rendre auprès des éleveurs après une attaque de loup pour établir le constat de dommages, mission précédemment confiée à des ouvriers forestiers formés par les inspecteurs de l'environnement de l'ancien Office national de la chasse et de la faune sauvage.

Les agents de l'OFB ne sont pas assez nombreux pour réaliser l'ensemble des constats, alors que la prédation est intense dans le département. Les allers-retours vers les zones d'estive ou de pâturage représentent parfois plusieurs heures de marche.

Sur les 30 milliards d'euros du plan de relance dédiés à l'environnement, combien iront à l'OFB dans les Alpes-Maritimes ? Entendez-vous instaurer le téléconstat attendu par les éleveurs, mais aussi par les inspecteurs obligés de se déplacer dans des zones reculées ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Nous sommes attachés au renforcement des moyens de l'OFB. En interne, un travail a été mené sur les fonctions support pour préserver la présence sur le terrain.

Même si les attaques de loup ont diminué dans les Alpes-Maritimes en 2020 (Mme Dominique Estrosi Sassone le conteste), il faut offrir aux éleveurs la plus grande réactivité possible, tout en allégeant la charge des inspecteurs.

Un constat déclaratif est à l'étude, et nous examinons avec le préfet coordonnateur du plan loup les modalités d'un constat à distance, qui restent à fiabiliser.

Des agents ont été recrutés pour faciliter les constats auprès des inspecteurs. Plus généralement, aucun opérateur lié à la biodiversité ne verra son schéma d'emplois baisser en 2022.

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Hélas, vous n'augmentez pas les effectifs, déjà insuffisants, dans les Alpes-Maritimes. Il est urgent de passer au constat déclaratif. La défense du pastoralisme passe par des moyens supplémentaires, et l'État doit répondre présent.

Retards de traitement des dossiers « MaPrimeRénov' »

M. Gilbert Roger .  - Je m'inquiète des nombreux retards dans le traitement des dossiers « MaPrimeRénov' ». Des ménages, parfois très modestes, ayant obtenu l'accord de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) pour le financement d'une nouvelle chaudière ou de travaux d'isolation, ne voient les fonds arriver que six mois, voire un an, après le chantier.

Certains sont obligés de contracter un crédit pour faire face. D'autres sont contraints de retarder le paiement des travaux à l'entreprise. Ces difficultés affectent l'efficacité de la politique de rénovation énergétique.

Comment comptez-vous améliorer le traitement des dossiers et accélérer les paiements aux ménages ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Saluons le succès sans appel de « Ma Prime Rénov' » : grâce à la mobilisation de l'ANAH, 500 000 dossiers ont été déposés depuis le 1er janvier, et nous visons les 800 000 pour la fin de l'année.

Le taux de réponse de l'ANAH atteint désormais 90 %. Déjà, 438 000 dossiers ont été traités.

Les retards, marginaux, ne concernent que 1 % des dossiers. Une task force a été mise sur pied pour traiter ces cas de manière spécifique et résoudre la plupart d'entre eux en quinze jours ouvrés.

M. Gilbert Roger.  - Oui, « Ma Prime Rénov' » est un excellent dispositif. Mais il est important que le traitement et le paiement soient rapides. Compte tenu de ce que je constate sur mon territoire, je doute fort que les retards ne concernent que 1 % des dossiers.

Évolution du boulevard périphérique parisien

Mme Catherine Dumas .  - Quelque 1,2 million de véhicules empruntent quotidiennement le boulevard périphérique parisien, central dans la mobilité et l'attractivité économique de toute la métropole. Une évolution de la gouvernance de cet axe majeur s'impose.

On connait les projets de la mairie de Paris pour créer un « boulevard urbain » : vitesse réduite à 50 kilomètres-heure, voie de gauche réservée à l'autopartage et aux transports en commun, installation de carrefours, de passages piétons et de pistes cyclables, voire de commerces. D'après une étude réalisée à l'automne dernier, les usagers du périphérique, qui sont loin d'être tous parisiens, y sont très majoritairement hostiles.

Compte tenu de l'importance de cette voie pour une population bien plus large que celle de Paris intra-muros, n'est-il pas opportun d'envisager une autorité partagée sur cette ceinture périphérique, la plus empruntée d'Europe ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Le périphérique, connecté aux axes desservant la banlieue et la province, reçoit un trafic composite.

La responsabilité en revient à la mairie de Paris, mais l'État est consulté pour avis sur les mesures touchant à la circulation. Il peut émettre des prescriptions en vue de fluidifier le trafic, s'agissant notamment des véhicules de sécurité et de secours.

À ce jour, le préfet de police de Paris n'a été destinataire que d'un plan d'aménagement de 20 kilomètres pour la future voie olympique.

Je partage votre souci de la concertation. Le préfet de région a installé une conférence stratégique sur les mobilités routières, associant l'État et les collectivités territoriales. Il s'agit par exemple d'encourager le covoiturage et de développer les transports en commun. Dans ce cadre, la région peut émettre des souhaits.

Nous appelons de nos voeux des échanges sereins.

Mme Catherine Dumas.  - Il est nécessaire de faire évoluer la gouvernance du boulevard périphérique. Je suis à la disposition de M. Djebbari pour en parler.

Prévention des inondations en zone rurale

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Depuis quelques années, les effets du dérèglement climatique s'accentuent. Les zones rurales sont particulièrement touchées, mais souvent ignorées.

Le Pas-de-Calais n'est pas épargné, qui voit se succéder inondations et sécheresses, en particulier dans la vallée de la Conche. L'artificialisation des sols est souvent en cause. Plus largement, dans la ruralité, le pilotage fait défaut et les moyens manquent.

Dans certains territoires, une majorité d'agriculteurs ne sont pas propriétaires de leurs terres. Quant aux maires, ils n'ont pas toujours le pouvoir d'entreprendre les travaux nécessaires.

Les acteurs travaillent isolément, les techniciens sont compétents mais mal coordonnés, les élus volontaires mais dépourvus de moyens.

Pour une prévention efficace, il faut un chef d'orchestre. Le maire est le plus à même de jouer ce rôle, mais les communes ont été dépossédées de la compétence urbanisme au profit des EPCI.

Quels moyens comptez-vous donner aux élus locaux pour agir ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Les collectivités territoriales disposent de plusieurs leviers pour agir en prévention des inondations, avec le soutien de l'État.

D'abord, il y a les programmes d'actions de prévention des inondations (PAPI). Ensuite, nous avons accru le fonds Barnier de 56 % cette année, jusqu'à 205 millions d'euros. Une nouvelle augmentation, de 30 millions d'euros, est prévue pour 2022.

Dans les Hauts-de-France, nos services sont pleinement mobilisés. Une information sur les différents financements disponibles sera fournie.

Ce n'est pas un problème de moyens, mais de mobilisation des outils en place et de coordination.

Agences locales de l'énergie et du climat

M. Michel Savin .  - La fragilité du statut fiscal des agences locales de l'énergie et du climat (ALEC) menace leur pérennité.

Créées par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, les ALEC accompagnent les collectivités territoriales et leurs groupements dans la prise en compte des questions énergie-climat dans leur domaine de compétence. Plus de 22 millions d'habitants sont couverts par une telle structure.

L'article 165 de la loi Climat et résilience a sécurisé leur statut juridique, mais l'absence de statut fiscal entraîne des aberrations. Ainsi, les collectivités territoriales doivent acquitter la TVA sur les subventions versées à ces organismes. Certaines ALEC sont menacées de redressement fiscal.

La fédération Flame, qui réunit les ALEC, réclame un statut proche de celui des agences d'urbanisme. Un rescrit fiscal permettrait de lever les doutes sur le régime applicable. Quand le Gouvernement va-t-il avancer sur cette question ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Les ALEC accomplissent un travail remarquable, en réseau, pour promouvoir la transition énergétique et enrichir l'expertise des territoires.

Leur statut juridique vient d'être renforcé par l'article 165 de la loi Climat et résilience. La Flame a salué cette avancée.

Sur le plan fiscal, les ALEC obéissent au droit commun : seules les contreparties pour des services à titre onéreux fournis par des opérateurs économiques sont soumises à la TVA. Ces structures peuvent bénéficier d'exonérations au titre de leurs activités non lucratives lorsqu'elles se constituent en associations.

M. Michel Savin.  - Vous n'avez pas répondu à ma question. Les ALEC font face à un blocage incompréhensible. La moitié du chemin a été parcourue : ne restons pas au milieu du gué !

Tribunaux au bord de l'implosion

M. Jean-Baptiste Blanc .  - Cavaillon est le théâtre d'une véritable guerre urbaine, sur fond de trafics de drogue. Pas un jour sans rafales de kalachnikov... Il faut agir fort et vite !

Compte tenu de la gravité de la situation, nous devons conforter l'ensemble de la chaîne police-justice.

Les quatre cabinets d'instruction du département sont au bord de l'implosion. Le tribunal correctionnel explose, du fait des procédures tentaculaires de trafics de stupéfiants, tandis que la cour d'assises siège de façon quasi-permanente.

Le procureur de la République s'est plaint du manque de moyens. On ne lutte pas contre des trafics de cette importance avec des moyens sous-dimensionnés !

Je salue le travail des magistrats, qui luttent avec acharnement contre un fléau qui pénalise au premier chef les habitants, majoritairement paisibles, de ces quartiers gangrenés. Mais l'épuisement moral gagne.

Il faut accroître les moyens de la justice sur le temps long et pour l'ensemble de la chaîne pénale. Pour Avignon, cela signifie concrètement la mise en place d'un cinquième pôle instructeur et la nomination de deux magistrats au tribunal correctionnel et d'un magistrat au pôle criminel.

Le Gouvernement a déclaré vouloir mener une guerre totale contre la drogue, mais les moyens doivent suivre.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Le Gouvernement, sous l'autorité du Président de la République et du Premier ministre, mène une action résolue pour donner à la justice les moyens dont elle a besoin.

Le budget de mon ministère a augmenté de 8 % cette année et augmentera d'autant l'année prochaine, pour atteindre 9 milliards d'euros. Plus de 2 000 emplois ont été créés en quelques mois. Nous atteignons le seuil historique de 9 000 magistrats - 700 de plus qu'au début du quinquennat.

La juridiction d'Avignon compte trente-huit magistrats. Les effectifs ont augmenté, hors magistrats, de 16 %.

Le 29 juillet dernier, la demande d'un nouveau cabinet d'instruction a été formulée dans le cadre du dialogue de gestion. J'ai reçu les chefs de juridiction à la Chancellerie. Nous sommes en train d'examiner cette demande.

D'ores et déjà, je vous annonce qu'un poste supplémentaire, auprès du parquet général de Nîmes, renforcera cette cour d'appel ; il pourra être affecté, en tant que de besoin, au parquet d'Avignon.

M. Jean-Baptiste Blanc.  - Je vous remercie de prendre la mesure de la situation. Quelque chose se joue sur mon territoire dont nous devons tous appréhender la portée.

Centre de détention de Muret

Mme Brigitte Micouleau .  - Le Sénat s'apprête à examiner le projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire. Je me suis particulièrement intéressée à son titre III, relatif au travail pénitentiaire.

En la matière, de nombreuses mesures seront prises par voie réglementaire.

Si l'utilité sociale du travail en prison n'est plus à démontrer, celui-ci ne concerne que 28 % des détenus. Le garde des Sceaux a annoncé vouloir porter ce taux à 50 % en deux ans.

Le centre de détention de Muret, en Haute-Garonne, permet à 80 % de sa population carcérale d'être éligible au travail, dans le cadre d'ateliers d'excellente qualité qui offrent aux détenus formation, accompagnement et préparation à la sortie.

Les ordonnances devront être écrites de façon collégiale. Le service de l'emploi pénitentiaire doit proposer six sites pilotes pour participer à leur rédaction. Compte tenu de l'exemplarité de son modèle, le centre de détention de Muret en fera-t-il partie ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Souffrez que je fasse durer le suspense...

Le travail en détention est essentiel, mais la situation est dégradée : de 50 % dans les années 2000, le taux de détenus qui travaillent est passé à moins de 30 %.

Je ne ménage pas mes efforts pour convaincre les chefs d'entreprise. Le travail en prison, c'est bon pour les patrons, pour les détenus et pour la société tout entière. C'est pourquoi le projet de loi que je m'apprête à vous présenter prévoit la création d'un contrat de travail spécifique.

Cinq sites pilotes vont participer à une expérimentation. J'ai le plaisir de vous annoncer que le centre de Muret en fera partie, compte tenu de l'engagement sans faille de ses agents et de sa direction sur le sujet.

Mme Brigitte Micouleau.  - Je vous remercie pour cette réponse argumentée, qui confortera les acteurs du centre de Muret.

Moyens de fonctionnement des tribunaux de commerce

M. Yannick Vaugrenard .  - Les juges des tribunaux de commerce alertent sur la situation budgétaire de leurs juridictions.

Les moyens de fonctionnement sont insuffisants. En 2016, le président du tribunal de commerce de Paris déplorait un budget annuel de fonctionnement de 12 000 euros. Constat partagé au tribunal de commerce de Nantes, avec une allocation de fonctionnement de seulement 8 000 euros en 2020 !

Cette situation entrave le bon exercice de la justice, pourtant essentiel en période de crise sanitaire. Les juges, bénévoles, sont parfois amenés à mettre la main à la poche pour assurer le fonctionnement...

Un effort national de 1 million d'euros suffirait à résoudre les questions du quotidien. Le ministère de la justice voit son budget croître de 8 % : de quelle augmentation les tribunaux de commerce pourront-ils bénéficier ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Je rends hommage aux juges consulaires, qui exercent leur fonction de façon bénévole, comme les conseillers des prud'hommes.

L'augmentation du budget de la justice est inédite depuis trente ans. Ces moyens supplémentaires seront consolidés dans le budget 2022. Les tribunaux de commerce en bénéficieront évidemment.

Pour le tribunal de commerce de Nantes, les dépenses de fonctionnement soutenues à la mi-septembre sont en hausse de 6 %, à 33 000 euros. Le budget 2022 garantira ce niveau de soutien.

Par ailleurs, le Conseil national des tribunaux de commerce travaille à un guide budgétaire, pour que les présidents de tribunal connaissent mieux la procédure d'octroi des moyens de fonctionnement.

M. Yannick Vaugrenard.  - Je vous remercie pour cette réponse, de nature à satisfaire le tribunal de commerce de Nantes.

Suppression de la double tenue du registre d'état civil

M. Yves Détraigne .  - Les communes sont désormais dispensées d'élaborer un double des registres d'état civil, à condition de justifier de conditions de sécurité renforcées nécessaires à la bonne tenue et la sécurisation des données.

En réponse à une question écrite déposée au Sénat, la Chancellerie a expliqué en 2017 qu'un arrêté devrait parfaire le cadre légal. Or il semble qu'aucun arrêté n'ait été publié à ce jour...

La suppression de la tenue du second registre papier est-elle applicable en l'état ? Sinon, quand publierez-vous le texte réglementaire manquant ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux .  - Afin de simplifier la tâche des communes, la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle a ouvert la possibilité de supprimer le double des registres, à condition que les communes disposent d'un traitement automatisé. Le décret d'application du 6 mai 2017 renvoie à un arrêté, en cours de préparation, afin d'en préciser les modalités. Je pense à la mise à jour des données en moins de 24 heures ou à la présence d'un hébergement des données sur un site distinct. L'État veut alléger les obligations des maires mais en toute sécurité. L'arrêté sera publié dans un délai d'un an, après consultation des communes et des éditeurs services informatiques.

M. Yves Détraigne.  - Je vous remercie pour cette réponse qui éclairera les communes.

Soutien aux radios locales indépendantes

M. Philippe Mouiller .  - La pandémie a mis les radios locales indépendantes ou associatives dans une situation financière délicate, malgré le fonds d'aide à la diffusion hertzienne et le crédit d'impôt temporaire de 15 % en faveur des diffuseurs.

Ces radios n'ont pas souhaité mettre leur personnel en chômage partiel, pour maintenir du lien social dans les territoires. Leurs recettes publicitaires ont fondu durant la crise sanitaire, mais leurs charges sont restées les mêmes, voire ont augmenté en raison des nouvelles contraintes techniques liées aux règles sanitaires.

Certaines attendent le versement du fonds de soutien à l'expression radiophonique, vraisemblablement en décembre, après la réunion de la commission compétente, alors qu'elles l'espéraient au printemps.

Pour soutenir le déploiement du digital audio broadcasting (DAB+) en France qui nécessitera plusieurs millions d'euros d'investissement, les radios locales sollicitent en outre la création d'une nouvelle aide, sans quoi leur survie est menacée.

Quelles mesures comptez-vous prendre afin de préserver un paysage radiophonique dense et pluraliste ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la Culture .  - Les médias locaux, dont les radios, ont joué un rôle de premier plan dans la crise sanitaire. Les radios commerciales locales ont été accompagnées par mon ministère via le fonds de soutien à l'expression radiophonique (FSER) et le crédit d'impôt au profit des diffuseurs audiovisuels pour leurs dépenses dans la création.

Les radios associatives n'ont pas été épargnées, même si elles sont moins dépendantes de la publicité. Pour elles, les crédits du FSER ont été portés à 32 millions d'euros en 2021, soit une augmentation de 1,25 million d'euros. L'adaptation du versement des subventions a été saluée. Aucune anomalie n'a été signalée dans le calendrier de versement pour Radio Gâtine ou Radio Val d'or, par exemple.

Le FSER 2022 augmentera encore de plus de 1 million d'euros, à 33,1 millions d'euros, pour accompagner la mise en oeuvre du DAB+.

Le marché publicitaire des radios a retrouvé son niveau d'avant-crise et la dynamique pour le second semestre est positive. C'est pourquoi les dispositifs exceptionnels n'ont pas vocation à être reconduits. Pour l'adaptation du FSER, nous ferons le bilan en fin d'année.

M. Philippe Mouiller.  - Je vous remercie. J'attire néanmoins votre attention sur la question de trésorerie.

Marché du livre à l'heure du numérique

M. Jean-Marie Mizzon .  - Le marché du livre est en pleine mutation. Le numérique et la pandémie ont entraîné bien des bouleversements dans les habitudes des Français en matière de lecture, avec des conséquences sur le monde de l'édition. La lecture est toujours plébiscitée, mais près de 400 000 titres sont disponibles sur support numérique : ordinateur, liseuse, smartphone.

Les achats de livres numériques ont explosé durant l'épidémie. Le nombre de téléchargements et les ventes de livres numériques ont été multipliés par sept, le nombre d'ebooks commandés a été multiplié par quinze. La lecture directe sur un ordinateur, elle, a été multipliée par trois, ce qui représente plus de 800 000 livres numériques. Enfin, la plupart des plateformes de vente de livres numériques ont enregistré des hausses d'activités allant jusqu'à 200 %. Quelle politique comptez-vous mener afin d'éviter que les libraires ne soient lésés ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture .  - La crise sanitaire a engendré une hausse au moins temporaire du développement du livre numérique, que le ministère de la culture accompagne par la loi sur le prix unique du livre numérique de 2011, un soutien au prêt numérique en bibliothèque et un plan stratégique pour développer une offre de livres numériques nativement accessibles aux personnes en situation de handicap.

Le Centre national du livre (CNL) propose trois aides pour le développement de services numériques structurants, le soutien à la publication de livres numériques, et le développement du livre audio.

Le livre imprimé représente cependant toujours 95 % des ventes en volume. Le confinement ayant eu un impact sur les ventes, le CNL, les directions régionales d'action culturelle (DRAC), en liaison avec les organismes de gestion collective et les collectivités territoriales, ont apporté pendant la crise sanitaire des aides variées : 677 auteurs ont reçu 2,26 millions d'euros d'aides d'un fonds d'urgence ; les éditeurs ont reçu 440 aides pour un montant total de 4 millions d'euros ; les libraires plus de 15 millions d'euros au titre de la compensation des pertes d'exploitation et un fonds de modernisation a déjà engagé 9 millions d'euros sur les 12 millions prévus en leur faveur.

Il faut y ajouter les mesures transversales qui ont aussi bénéficié au livre.

M. Jean-Marie Mizzon.  - Les initiatives sont nombreuses, mais le ressenti sur le terrain n'est pas à l'avenant. Puisse l'avenir vous donner raison !

Travailleurs et vétérans des essais nucléaires

Mme Angèle Préville .  - Les 300 000 vétérans qui ont participé aux essais nucléaires bénéficient désormais de la médaille de la défense de la Nation avec agrafe « essais nucléaires ». Ils sont toutefois nombreux à souffrir de lourdes séquelles ; leurs enfants et petits-enfants également. Depuis Hiroshima et Nagasaki, nous savons que les descendants des personnes irradiées peuvent souffrir de stérilité, de malformations, de cancers.

L'État ne doit-il pas leur assurer un suivi médical ? Moralement, nous devons assumer les conséquences des décisions prises par le passé. La France a déjà beaucoup attendu pour accorder à ceux qui l'ont servie la reconnaissance de la Nation. Quand prendrez-vous en compte les demandes des vétérans ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants .  - Le décret du 29 janvier 2021 crée une nouvelle agrafe « essais nucléaires » pour honorer ceux qui ont participé au développement de notre force de dissuasion nucléaire. Fin août, 1 145 personnes avaient reçu cette médaille ; elles seront bientôt 1 415. L'État reconnaît donc ce qu'il doit à ces femmes et à ces hommes.

En tant que médecin, j'invite à aborder les questions épidémiologiques avec précaution : attention aux comparaisons hasardeuses et catastrophistes.

L'Inserm a publié en 2021 une expertise collective sur la Polynésie française qui conclut qu'aucun effet transgénérationnel n'est attesté à ce jour chez l'homme, tout en recommandant un suivi attentif.

La Commission internationale de protection radiologique a programmé une expertise pour 2025, le comité scientifique des Nations Unies prévoit une étude des effets des rayonnements ionisants pour 2028, avec la participation des experts de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. Nous avons tenu une table ronde à la demande du Président de la République avec nos compatriotes polynésiens ; le président-directeur-général de l'Inserm y a apporté des réponses.

Attention, surveillance, reconnaissance : voici les principes de notre politique.

Mme Angèle Préville.  - Il convient d'assumer nos responsabilités et de reconnaître ce que nous devons à ces personnes.

Règles de calcul de la DGF

M. Hervé Maurey .  - Malgré des demandes répétées, les règles de répartition de la dotation globale de fonctionnement (DGF) sont toujours aussi injustes : elles varient du simple au double entre communes rurales et urbaines. Des études ont pourtant démontré que les charges des communes de petite taille sont sous-estimées.

Le Sénat a proposé un amendement très modérée en 2020, retoqué à l'Assemblée nationale à la demande du Gouvernement. Pourtant, tout le monde reconnaît qu'il faut revoir la règle. Or le projet de loi de finances pour 2022 est muet sur le sujet. Allez-vous y remédier ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants .  - Je sais le Sénat attentif à ces questions, mais le coefficient logarithmique part du principe que les communes ont d'autant plus de charges qu'elles ont d'habitants - constat partagé sur le terrain.

En 2021, les communes urbaines ont reçu 166 euros par habitant, contre 160 pour les communes rurales. Ces dernières reçoivent en effet, en plus de la DGF, 1,8 milliard d'euros au titre de la dotation de solidarité rurale (DSR) - abondée de 95 millions d'euros en 2022, ce qui fera un total d'augmentation de 455 millions d'euros pour tout le quinquennat - mais aussi 1,46 milliard d'euros au titre de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) - soit 5,2 milliards sur tout le quinquennat, contre 3,5 milliards sous le précédent.

M. Joël Giraud a suggéré à l'Association des maires ruraux de France de faire des propositions en concertation avec les autres associations d'élus, car on ne peut réformer la DGF que dans un esprit de consensus et de façon coordonnée. Les travaux du groupe de travail se poursuivront en 2022.

M. Hervé Maurey.  - Votre réponse me surprend : vous suggérez que la différence est justifiée, alors que jusqu'à présent, les gouvernements successifs reconnaissaient le problème. Les maires ruraux apprécieront ! Vous nous annoncez que la réflexion continue l'année prochaine, comme chaque année. Nous avons le sentiment d'être menés en bateau ; le Sénat y reviendra dans le prochain PLF.

Cumul d'une pension d'invalidité avec une indemnité d'élu local

Mme Valérie Boyer .  - Nous assistons impuissants au blues des maires, indice d'un malaise dans notre démocratie. Une élue de la commune dont j'ai été maire perçoit une pension d'adulte handicapée, soumise à condition de ressources ; son indemnité d'élu est prise en compte dans ce calcul et peut être cumulée à ces prestations, dans la limite du dernier salaire annuel moyen perçu.

Ainsi, un élu en situation d'invalidité ou de handicap ne pourra jamais toucher plus que le montant de son dernier salaire annuel moyen, alors même qu'un élu en mesure de conserver une activité professionnelle complète pourra cumuler revenus et indemnités de fonction, sans aucune limite !

Cela n'incite pas les personnes en situation d'invalidité ou de handicap à s'engager dans la vie politique.

Cumuler une pension d'invalidité et une indemnité de fonction n'est pas interdit ; le cumul est même implicitement autorisé lors des six premiers mois de la reprise d'une activité. Mais en pratique, l'addition des deux conduit souvent l'intéressé à dépasser le plafond, le contraignant de fait à renoncer à l'une ou à l'autre. Qu'allez-vous faire contre cette injustice ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants .  - La règle s'applique à tous les revenus d'activité. Près de 31 % des bénéficiaires d'une pension d'invalidité travaillent. Il faut mettre fin à cette désincitation ; aussi les règles de calcul ont-elles été assouplies dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.

La pension d'invalidité ne sera réduite que de moitié au-delà du seuil, ce qui maintient un gain financier. Les dispositions réglementaires seront prises au printemps 2022.

Mme Valérie Boyer.  - C'est une amélioration, mais la situation reste discriminatoire par rapport à un élu à la retraite ou au chômage.

Exportations massives de grumes vers l'Asie

Mme Marie Evrard .  - La filière bois a des difficultés d'approvisionnement en matières premières. Le chêne, le hêtre, les résineux et le douglas du Morvan sont concernés. En cause, les exportations de bois brut vers la Chine. Au point que le bois de construction devient difficile à trouver dans le Morvan !

Cette situation s'amplifie avec la décision de la Russie de bloquer ses exportations de grumes et de sciage auprès de son client principal, l'Asie.

L'industrie française du sciage et de la deuxième transformation est donc en grand danger avec le ralentissement de ces activités, alors que la reprise économique est là. À cela s'ajoute le gâchis écologique que constitue l'exportation de grumes en Asie, qui annule le bénéfice de la captation de carbone par le bois.

La filière bois occupe une place importante dans le Morvan ; comment allez-vous la soutenir et sécuriser ses approvisionnements?

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques .  - La filière bois doit relever plusieurs défis : faire face au changement climatique pour accroître la résilience, mais aussi faire face aux pénuries.

La consommation de bois a augmenté de 10 % en un an, ce qui, ajouté aux restrictions d'exportations de certains pays, crée des tensions sur les scieries et les industries. La capacité de nos industries à être présente sur un marché du bois de construction en plein essor est une question de souveraineté.

Le Gouvernement a saisi la Commission européenne à laquelle il a demandé des mesures de sauvegarde. Le Premier ministre a demandé à l'Office national des forêts (ONF) de privilégier au maximum les contrats avec des scieries françaises pour éviter l'exportation à la suite d'enchères.

Le plan de relance apportera un soutien de 100 millions d'euros à la filière, en plus des 200 millions d'euros déjà prévus, mais aussi 150 millions d'euros pour le renouvellement forestier en amont - soit le reboisement de 45 000 hectares - et 50 millions d'euros pour la modernisation des industries de transformation du bois en aval.

Enfin, pour assurer l'avenir à long terme de cette filière d'importance nationale, le Premier ministre a demandé aux ministres Denormandie, Pannier-Runacher et Abba d'organiser à l'automne des assises de la forêt et du bois.

Mme Marie Evrard.  - Merci pour votre réponse attendue par les territoires ruraux.

Avenir de Sanofi à Vertolaye dans le Puy-de-Dôme

M. Éric Gold .  - Le projet de cession du site de Sanofi de Vertolaye dans le Puy-de-Dôme à la société EUROApi consiste à créer, à partir de 2022, une nouvelle entité rassemblant les activités commerciales et de développement de principes actifs pharmaceutiques de Sanofi, et six de ses sites de production en Europe. Cette vente à la découpe laisse craindre le démantèlement futur du groupe et un recul de son empreinte industrielle en France. Les salariés sont inquiets, compte tenu de l'état des sites français, malgré les annonces rassurantes, début septembre, sur l'ouverture d'un bâtiment consacré à la production d'hormones.

Avec 630 CDI, 100 à 150 contrats divers, soit mille emplois au total en comptant les partenaires, l'enjeu est majeur, pour le territoire mais aussi pour la capacité de la France à produire des médicaments et à éviter les pénuries.

Le Président de la République a annoncé en juin un investissement de 7 milliards d'euros pour l'innovation en santé. Il doit servir à soutenir nos établissements déjà installés en France.

Pouvez-vous nous rassurer sur l'avenir de ces sites, notamment celui de Vertolaye ?

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques .  - La crise sanitaire a rappelé l'importance de la souveraineté sanitaire. Il nous faut des industries fortes. Sanofi a annoncé, le 24 février 2020, avoir vendu six sites européens, dont deux en France.

La société issue de cette opération, EUROApi, vise à devenir le leader européen de la production de principes actifs, derrière le Suisse Lonza, grâce à un large portefeuille de produits, des normes de qualité élevées, des prix compétitifs, des capacités industrielles et technologiques de pointe en Europe et un réseau commercial présent dans plus de 80 pays.

Le Gouvernement a demandé plusieurs garanties : les employés de Sanofi sur le territoire français se verront garantir 1 500 emplois sur les 3 200 salariés de la nouvelle entité, Sanofi gardera son siège social à Paris et restera un actionnaire de référence avec 30 % du capital.

Les 800 collaborateurs de Vertelaye apporteront toutes leurs compétences. Un nouveau site sera construit d'ici 2023, pour un investissement de 40 à 60 millions d'euros. D'ici 2025, un plan d'investissement de 190 millions d'euros y sera mis en oeuvre.

Le Gouvernement demeure attentif à la stratégie de Sanofi sur le territoire national.

M. Éric Gold.  - Les emplois doivent être préservés dans le Puy-de-Dôme.

Revalorisation salariale de l'aide à domicile

Mme Else Joseph .  - Le secteur de l'aide à domicile a été injustement oublié du Ségur de la santé. Cela a pu mettre en difficulté les départements qui avaient pris les devants. Heureusement, depuis, des mesures ont été prises, dont une revalorisation de 15 % au 1er octobre 2021 pour les salariés des services d'aide et d'accompagnement à domicile (SAAD) et des services de soins infirmiers à domicile (Ssiad)

L'État participe à hauteur de 200 millions d'euros par an. Mais il faut plus que du saupoudrage. Il faut rendre la profession attractive à long terme. Quelles mesures pérennes et durables pour le secteur ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - Cela faisait longtemps que les aides à domicile, notamment dans le secteur associatif, attendaient une revalorisation de leur salaire : elles n'atteignaient le SMIC qu'au bout de dix-sept ans d'ancienneté ! Ce métier noble mérite plus de reconnaissance et j'ai obtenu dès mon arrivée le financement de la prime Covid, que seuls quinze départements avaient versée. Elle a désormais été versée dans tous les départements.

À l'avenir, des dizaines de milliers de recrutements seront nécessaires pour accompagner le souhait de nos concitoyens de vivre à domicile le plus longtemps possible. La revalorisation des rémunérations était indispensable. Les dépenses des départements seront compensées à hauteur de 50 %, puis de 70 %. Nous devons également accompagner le secteur privé.

Le Premier ministre a annoncé jeudi dernier que le projet de loi de financement de la sécurité sociale proposerait la création d'un tarif horaire minimum de 22 euros de l'heure, garanti par un financement pérenne de l'État. Je suis pleinement engagée en faveur des aides à domicile.

Mme Else Joseph.  - Je n'en doute pas, mais les conseils départementaux s'inquiètent. Dans les Ardennes, le coût est estimé à 910 000 euros d'ici la fin de l'année. La compensation de l'État est annoncée, mais on connaît la chanson : elle ne s'élèvera qu'à 50 % en 2022. Dans les Ardennes, le reste à charge sera de 6 millions d'euros, pour un budget de 400 millions d'euros.

Indemnisation de perte d'activité des médecins de montagne

Mme Sylviane Noël .  - Quelque 300 médecins généralistes exercent dans les stations de sports d'hiver françaises et répondent aux besoins de soins des populations, notamment la traumatologie liée à la pratique des sports d'hiver.

Cette spécificité nécessite un plateau technique adapté en radiologie, échographie, en médecine d'urgence, en petite chirurgie, faisant de ces cabinets médicaux de véritables cliniques de proximité qui évitent d'encombrer les services d'urgences des hôpitaux en vallée. Cela représente des frais fixes très élevés, pour une activité soumise à une forte saisonnalité.

Or la non-ouverture des domaines skiables durant l'hiver 2020-2021 a engendré pour eux une perte de chiffre d'affaires de l'ordre de 58 %.

Sous la pression des élus de la montagne, le Gouvernement a corrigé au printemps 2021 le dispositif d'indemnisation des médecins. Mais les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) ne semblent pas avoir été informées du changement de méthode de calcul, privant les médecins de montagne des compensations promises. Il y a urgence à définir ces critères de calcul auprès des CPAM dans les meilleurs délais.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - Le dispositif d'indemnisation de la perte d'activité (DIPA) a été créé en avril 2020 pour compenser la perte d'activité des professionnels. Le Gouvernement l'a réactivé pour les professionnels de santé en zone de montagne du 1er décembre 2020 au 30 avril 2021 afin de tenir compte de la fermeture des remontées mécaniques.

Le dispositif est conçu en deux temps : une avance sur la base d'un calcul provisionnel d'abord, puis une régularisation, une fois le montant définitif de l'aide connu. Les paramètres seront communiqués en amont aux professionnels et aux CPAM.

Mme Sylviane Noël.  - Merci. Espérons une application rapide pour répondre aux inquiétudes de ces professionnels de santé indispensables à la vitalité de nos stations et de nos territoires de montagne, dont la population peut être multipliée par dix en hiver.

Lutte contre les effets psychologiques et psychiatriques de la crise sanitaire

Mme Brigitte Lherbier .  - La crise sanitaire a eu un impact délétère sur la santé psychologique de nos compatriotes. Le Président de la République l'a reconnu et a annoncé la mise en place de dix consultations gratuites chez un psychologue pour les mineurs âgés de 3 à 17 ans qui le souhaitent.

Cette mesure utile ne devrait pas se limiter aux seuls mineurs.

Certains pays voisins ont imaginé des solutions efficaces pour lutter contre ce mal-être. En Suisse, des infirmières psychiatriques sont envoyées au domicile des personnes vulnérables par des psychiatres pour évaluer les effets de la crise sanitaire sur la santé mentale de leurs patients.

En France, de telles consultations psychiatriques pourraient être prévues et comptabilisés comme des soins, afin que les infirmières soient rémunérées en conséquence.

Le Gouvernement entend-il mettre en place de telles mesures ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - La santé mentale est une préoccupation centrale du Gouvernement, comme en témoignent les assises en cours, qui seront conclues par le Président de la République.

Près d'un quart des Français souffre de problèmes de santé mentale, dès le plus jeune âge : 15 % des 15-20 ans ont besoin d'un suivi. Tel est le lourd tribut de la crise. Les passages aux urgences et les hospitalisations ont augmenté et les états anxieux et dépressifs se sont accrus.

La campagne d'information « En parler, c'est déjà se soigner » a été lancée dès le mois d'avril 2021 pour lutter contre la stigmatisation et favoriser le recours aux soins comme à la prévention.

Les dispositifs en oeuvre pendant la crise ont montré l'importance de la prévention et de la prise en charge en amont. Des mesures sont expérimentées, notamment d'écoute.

Les assises ont vocation à aller plus loin pour en finir avec ce tabou.

Mme Brigitte Lherbier.  - Le département du Nord est particulièrement touché : 19 % des habitants des Hauts-de-France souffrent de dépression, soit quatre points de plus que la moyenne nationale. Il faut utiliser en renfort les infirmières libérales en les incitant à intervenir en santé mentale. Les soins à domicile évitent l'aggravation de l'état dépressif.

Traitement de la maladie de Charcot à titre compassionnel

Mme Émilienne Poumirol .  - La sclérose latérale amyotrophique (SLA), dite maladie de Charcot, a été décrite il y a plus de 156 ans et touche des dizaines de milliers de personnes à travers le monde, dont 2 000 personnes diagnostiquées annuellement en France.

Malgré les recherches sur les microbiotes intestinaux et l'action de l'association Tous en selles contre la SLA (TECS), qui étudie le lien entre l'axe cerveau-intestin et la SLA, il n'existe aucun traitement curatif et la maladie reste mortelle.

La transplantation de matières fécales consiste à transplanter les bonnes bactéries d'une personne saine à une personne malade, afin de repeupler son microbiote. Cette mise en oeuvre est possible, son utilisation a déjà été approuvée. Les patients vivent ainsi dans de meilleures conditions de confort.

Les traitements à titre compassionnel sont réservés aux situations rares et graves, en l'absence de traitement : c'est le cas de la SLA. Il faudrait l'accord de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - Nous sommes attentifs au développement de nouvelles thérapies, dont les premiers résultats donnent espoir.

Plusieurs essais cliniques ont été autorisés par l'ANSM, notamment pour la maladie de Crohn, mais pas pour la maladie de Charcot. Plusieurs projets sont en cours d'instruction dans le cadre de l'appel à projet de BPIFrance, mais ils ne concernent pas non plus cette maladie.

La réforme de l'accès précoce et compassionnel, qui entrera en vigueur avant la fin de l'année, permettra à l'ANSM d'autoriser l'utilisation d'un médicament dans une indication thérapeutique donnée. Nous avançons donc à grands pas.

Mme Émilienne Poumirol.  - J'entends que des études sont en cours, notamment sur la maladie de Crohn, mais il faudrait y inclure la maladie de Charcot.

Oubliés du Ségur de la santé

Mme Chantal Deseyne .  - Les négociations du Ségur ont oublié certains professionnels, notamment ceux des établissements publics autonomes d'Eure-et-Loir qui ne bénéficient pas du complément de traitement indemnitaire (CTI). Ils relèvent pourtant de la fonction publique hospitalière et sont restés pleinement mobilisés pendant la pandémie. C'est inéquitable et injustifié. Cela risque de conduire à des situations de concurrence entre établissements, préjudiciable à la qualité des accompagnements.

Comptez-vous réparer cette injustice dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 et étendre le CTI à l'ensemble des catégories de personnels du secteur social et médico-social ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - Le Ségur de la santé est la réponse au sous-investissement chronique dans nos établissements de santé. C'est une rupture historique, attendue depuis longtemps. Nous avons étendu les accords à plusieurs catégories de professionnels, notamment ceux des Ehpad, à la suite de la mission Laforcade.

La revalorisation salariale est intervenue au 1er juin 2021 pour les établissements adossés à un hôpital ou un Ehpad ; elle interviendra au 1er octobre 2021 pour les établissements autonomes.

Certains secteurs ont besoin d'une remise à plat complète : pour eux, le CTI n'est pas la bonne réponse. En outre, des discussions sont parfois nécessaires avec les collectivités territoriales. Le Gouvernement est attaché à apporter une réponse pérenne et équitable à l'ensemble des professionnels.

Mme Chantal Deseyne.  - Le Ségur a permis des avancées. La revalorisation financière par le CTI reste importante, même s'il ne constitue pas l'unique levier disponible. Comment justifier des différences de traitement liées au type d'employeur ?

Traitement de l'algie vasculaire de la face

Mme Frédérique Puissat .  - J'appelle votre attention sur l'accès au traitement et le remboursement des anticorps monoclonaux pour les patients souffrant d'algie vasculaire de la face.

Je salue deux personnes présentes en tribunes qui en sont atteintes et se mobilisent fortement.

Je sais le ministre et docteur Véran très sensible à cette question : le 10 juin dernier, il a saisi l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) en vue d'une recommandation temporaire d'utilisation.

Avez-vous reçu une réponse ? La prise en charge sera-t-elle totale, comme c'est déjà le cas dans quatorze pays européens ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - Cette douloureuse maladie reste insuffisamment diagnostiquée. Différents traitements sont actuellement pris en charge, de première ou seconde intention, de recours, mais aussi des alternatives non médicamenteuses. La Haute Autorité de santé (HAS) recommande que la prise en charge par la solidarité nationale soit réservée aux seuls patients atteints de migraine sévère en échec.

La commission de la transparence de la HAS a considéré que l'amélioration du service médical rendu (ASMR) n'était que de niveau V : son remboursement ne peut donc être envisagé qu'en cas d'économies démontrées dans les coûts de traitement.

Les prétentions tarifaires extrêmement élevées de l'industrie ont fait échouer les négociations et ce traitement n'est donc toujours pas inscrit sur la liste des médicaments remboursables. Les négociations reprendront si le laboratoire se montre plus ouvert et présente des résultats tangibles.

Mme Frédérique Puissat.  - La temporalité est différente pour les patients, car c'est une maladie particulièrement invalidante.

Les parlementaires sont aux côtés du Gouvernement pour aboutir à une reconnaissance temporaire d'utilisation.

Coût réel des vaccins et tests antigéniques

M. Michel Canévet .  - Nous venons de connaître une pandémie extrêmement grave aux incidences sanitaires et financières lourdes. On peut se réjouir de la vaccination de plus de 70 % des Français, mais combien ont coûté ces vaccins ? Le prix du Pfizer serait passé de 15,5 à 19,5 euros ; celui du Moderna de 19 à 21,5 euros. Et combien ont coûté les 138 millions de tests réalisés ? Les sources varient, de 27 à 54 euros l'unité : le flou est total.

Quel est le coût réel des vaccins et des tests ? Comment sont-ils financés ? Beaucoup de collectivités territoriales se sont engagées : quelle compensation obtiendront-elles ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - Le coût de l'absence de soins sera difficile à évaluer... De mars 2020 à fin août 2021, 135 millions de tests de dépistage ont été réalisés, dont 95 millions de tests PCR au coût unitaire de 43,89 euros - assorti d'un bonus si le résultat était délivré en moins de douze heures. Sur les 14,8 milliards d'euros de dépenses exceptionnelles de l'Assurance maladie, 6,2 milliards ont concerné les tests. Cette prise en charge cessera le 15 octobre, sauf pour les mineurs, les personnes vaccinées ou sur prescription médicale.

Le coût de la campagne de vaccination pour l'Assurance maladie devrait s'élever à 1,5 milliard d'euros en 2021. Les achats de vaccins ont fait l'objet de contrats entre Santé publique France et les laboratoires, mais je ne dispose pas de chiffres consolidés.

Les collectivités territoriales ont grandement contribué à la réussite de ces campagnes. Leurs surcoûts, et non leurs coûts, seront compensés.

M. Michel Canévet.  - Il est important que la transparence soit faite et que les négociations avec les laboratoires permettent d'obtenir des prix réduits. Les tests de confort ne peuvent plus être gratuits.

Vaccination de proximité

M. Pierre Ouzoulias .  - La carte de la vaccination est celle de la pauvreté : les communes populaires sont celles qui ont les taux de vaccination les plus faibles. Ma ville de Bagneux a consacré 400 000 euros à son centre de vaccination ; elle n'a perçu de l'État qu'une aide symbolique de 76 000 euros.

Beaucoup de populations demeurent rétives à la vaccination, surtout celles dont la vie sociale se limite à la subsistance : les mesures coercitives comme le passe sanitaire sont sans effet sur elles.

Je salue la vaccination de proximité réalisée à Bagneux, place Dampierre, par les bénévoles de la Croix-Rouge. Quelque 111 personnes y ont été vaccinées, dont 39 primo-vaccinations. La vaccination est mieux acceptée quand c'est votre voisin qui vous la propose.

Comment comptez-vous encourager cette vaccination de proximité ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - J'ai moi-même visité de nombreux centres de vaccination. Les collectivités ont été au rendez-vous.

La campagne vaccinale évolue : nous devons désormais effectuer les rappels tout en poursuivant la primo-vaccination, notamment des plus précaires. Leur taux de vaccination a doublé pendant l'été, passant de 22 à 40 %.

Pour mieux les atteindre, nous avons développé « l'aller vers » : supports en vingt-trois langues, vaccination sans rendez-vous, visites systématiques dans les hébergements d'urgence, navettes et vaccibus... Quelque trois millions de SMS ont été adressés aux personnes bénéficiaires de la complémentaire santé solidarité, leur proposant un numéro coupe-file.

Nous devons poursuivre nos efforts. Les agences régionales de santé (ARS) travaillent avec les collectivités territoriales, dans la dentelle, pour identifier les personnes non vaccinées et adapter notre réponse.

M. Pierre Ouzoulias.  - Vous utilisez le « nous », mais en l'espèce, c'est la mairie de Bagneux et la Croix-Rouge qui ont oeuvré ! Comment l'État les aide-t-il ? Vous me détaillez un programme, mais j'aurais voulu une réponse sur ce qui se fait déjà. Car oui, la vaccination de proximité est essentielle.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - La ville de Bagneux sera aidée comme les autres.

Psychiatrie

Mme Isabelle Raimond-Pavero .  - La crise sanitaire a touché tous les secteurs de la santé et plus particulièrement celui de la psychiatrie. C'est un enjeu de santé majeur : une personne sur cinq sera un jour atteinte d'une maladie psychique.

Le confinement et les difficultés économiques et sociales ont accru les symptômes dépressifs, anxieux et les addictions.

Avant même la crise sanitaire, le contrôleur général des lieux de privation de liberté déplorait des services psychiatriques débordés.

Avec la crise, de nombreuses structures extra-hospitalières ont fermé ; les patients ont subi des restrictions excessives à leurs droits, ils furent nombreux à renoncer à leurs soins.

Alors que les Assises de la santé mentale et de la psychiatrie se déroulent actuellement, quelles mesures concrètes pour ce secteur ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - Ces Assises seront conclues par le Président de la République, signe de l'importance que nous leur accordons. J'ai moi-même conclu les travaux d'hier et ai été impressionnée par la qualité des interventions.

La crise a mis en exergue les difficultés de la psychiatrie, mais notre engagement à est antérieur. Conformément à la feuille de route de la santé mentale et de la psychiatrie, une dotation annuelle de financement de 100 millions d'euros a été accordée aux établissements publics psychiatriques en 2020 et 2021 ; les appels à projets nationaux lancés en 2019 par le fonds d'innovation en psychiatrie et en pédopsychiatrie, reconduits en 2020 et 2021, ont permis la création de lits, en particulier pour les mineurs, dans les territoires les plus dépourvus ; les centres médico-psychologiques (CMP) et les maisons de santé pluridisciplinaires ont été renforcés en psychologues. Notre engagement est constant.

Coût des centres de vaccination municipaux dans les Alpes-Maritimes

M. Philippe Tabarot .  - Depuis un an et demi, les collectivités locales sont à pied d'oeuvre pour protéger nos concitoyens : elles ont été exemplaires. Pourtant, elles sont bien absentes des discours du Président de la République.

Elles ont pallié les manques d'un État amorphe, d'abord pour les masques puis pour les campagnes de tests et de vaccination. Mais elles auront été saignées durant ce quinquennat déconnecté des territoires.

Les élus locaux ont été au rendez-vous, notamment dans les Alpes-Maritimes, pour augmenter les capacités des centres de vaccination au gré des annonces gouvernementales. L'État s'était engagé à compenser, mais la compensation promise, quand elle existe, est loin de couvrir les coûts réels : c'est tout juste un pourboire.

Le Président de la République est plus prompt à ouvrir le carnet de chèques qu'à honorer ses dettes. Quand entendrez-vous la colère des maires, ces supplétifs bien utiles, mais que vous asphyxiez ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - Merci pour cette question sans intention polémique... Je suis particulièrement respectueuse des collectivités territoriales, dont j'émane. Elles ont joué un rôle déterminant et collectif.

La compensation a fait l'objet d'une concertation au printemps, et a été admise par l'ensemble des parties prenantes. La mise à disposition de personnel et de locaux par les collectivités territoriales se fait à titre gratuit, au titre de leur contribution à l'effort national. En revanche, l'État prend en charge le personnel supplémentaire, ainsi que les achats de matériel.

Nous venons de lancer une campagne de rappel vaccinal pour les plus de 65 ans et les personnes à risque. Les ARS ajustent le maillage des centres de vaccination, en lien avec les élus et les professionnels de santé. La troisième dose pour toute la population n'est, à ce jour, ni actée ni écartée.

Nous continuerons à faire appel aux collectivités territoriales qui le souhaitent ; elles connaissent les conditions financières de leur intervention.

M. Philippe Tabarot.  - Votre réponse est théorique. Certaines collectivités territoriales ont été contraintes d'embaucher, sans remboursement. À Vallauris et à Grasse, l'aide de l'État, c'est zéro ; au Cannet, c'est à peine 10 %... N'abandonnez pas les communes qui s'engagent !

Inégalités d'accès aux soins dans l'Aude

M. Sebastien Pla .  - Littoral ou arrière-pays, ville ou campagne, partout dans mon département je constate un manque de professionnels de santé et d'équipements, une désertification médicale croissante. Les élus se démènent, créant des maisons de santé, recrutant des médecins, réclamant des moyens supplémentaires - un scanner à Limoux -, allant jusqu'à financer l'hélicoptère du SAMU !

Faute d'offre médicale suffisante en soins de ville comme en soins hospitaliers, la patientèle fuit vers Toulouse et Montpellier. L'acquisition d'un scanner renforcerait pourtant l'attractivité nécessaire à l'installation de nouveaux professionnels de santé.

Nos concitoyens réclament un traitement équitable. Les élus locaux ne peuvent tout régler, ni se substituer à l'État.

Que comptez-vous faire pour répondre aux enjeux urgents dans l'Aude ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - La baisse régulière du nombre de médecins depuis 2010 devrait se poursuivre jusqu'en 2025 dans de trop nombreux territoires, y compris le mien. C'est un problème structurel dont la résolution passe par un panel de solutions, adaptées à chaque territoire.

La formation des médecins prend du temps. D'ici 2025, 15 % de médecins supplémentaires seront formés. L'exercice coordonné est un fort levier d'attractivité. Il faut également libérer du temps médical : c'est pourquoi nous créons, dans un premier temps, 4 000 postes d'assistants médicaux pour aider les médecins dans les tâches administratives et déployons 400 médecins généralistes dans les territoires prioritaires.

Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) sont aussi une réponse structurelle et rapide. À Tuchan, deux médecins généralistes ont rejoint la maison de santé. À Narbonne, la CPTS du Grand Narbonne a vu le jour et deux maisons de santé pluridisciplinaires ont ouvert dans les quartiers prioritaires de la ville. À Limoux, la demande de scanner formulée par l'hôpital sera considérée avec bienveillance. À Capendu, l'Ehpad sera conforté.

M. Sebastien Pla.  - Merci pour votre réponse précise, mais 400 généralistes pour tout le territoire, c'est peu.

On ne peut laisser fuir la patientèle vers Toulouse et Montpellier. Le désert médical continue à avancer...

Propagande électorale

M. Bernard Buis .  - Les envois des documents de propagande électorale ont suscité bien des mécontentements. Lors des élections départementales et régionales de juin 2021, de nombreuses voix, notamment des maires, se sont élevées pour s'indigner du fiasco de la distribution des plis.

Malgré le développement du numérique, les Français restent attachés à la réception et à la lecture des bulletins de vote et des professions de foi. Les déboires de cette distribution ont pu inciter certains de nos concitoyens à rester chez eux.

Dans la Drôme, en 2017, les mêmes difficultés avaient été déplorées. Il faut revoir tout le système. Pourquoi ne pas confier la mise sous pli et la distribution aux préfets de département, qui pourraient s'appuyer sur les communes chefs-lieux de canton pour gagner en proximité et en qualité ?

À la veille des grands rendez-vous électoraux de 2022, il est temps d'agir.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté .  - L'abstention aux scrutins des 20 et 27 juin ne peut être imputée à ces seuls dysfonctionnements, certes intolérables. Dans la Drôme, ils découlent d'une double défaillance : celle du routeur Koba pour la mise sous pli et celle du distributeur Adrexo.

Le marché avec Adrexo a été résilié le 13 août. Un marché passé en urgence avec La Poste permettra un acheminement sécurisé pour les élections partielles jusqu'au 31 décembre, puis un marché pérenne sera passé, suivant les conclusions du rapport de la commission des lois du Sénat du 21 juillet.

Par ailleurs, la mise sous pli sera réinternalisée par les préfectures, avec possibilité de délégation à des communes volontaires.

M. Bernard Buis.  - Espérons que cela règle enfin les problèmes que nous avons connus.

Lutte contre les escroqueries

M. Stéphane Demilly .  - Chaque année, quelque deux millions de nos concitoyens reçoivent des courriers, mails et SMS frauduleux les incitant à communiquer leurs données personnelles ou bancaires ; 300 000 sont victimes chaque année de ces techniques de phishing ou hameçonnage.

Avec la crise, ces attaques se sont multipliées : faux sites d'attestations de déplacement, ventes fictives de masques, arnaques à la livraison de colis... L'hameçonnage est désormais pratiqué à très grande échelle, avec la constitution d'un véritable écosystème cybercriminel.

Pour quelques centaines d'euros, vous pouvez acquérir des millions d'adresses de messagerie et de numéros de téléphone ! Des méthodes prêtes à l'emploi sont également disponibles en ligne.

Quels moyens sont mis en place pour lutter contre ce fléau ?

M. Philippe Tabarot.  - Bravo !

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté .  - Nos forces de sécurité sont pleinement mobilisées : un réseau de 2900 enquêteurs formés aux investigations sur internet a été constitué ; nous comptons plus de 700 primo-intervenants et plus de 460 investigateurs en cybercriminalité ; un commandement de gendarmerie dans le cyberespace a été créé ; dix mille enquêteurs sont formés aux cybermenaces.

En mai 2021, des plateformes du dark web francophone, comme la Main noire et French Deep Web, ont été démantelées. La plateforme Pharos, désormais ouverte 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, a reçu 68 041 signalements d'escroquerie au premier semestre 2021, sur un total de 130 490 signalements. La plateforme téléphonique Info Escroqueries a traité plus de 25 786 appels.

Une nouvelle plateforme, baptisée Thésée, simplifiera les démarches des particuliers, renforcera le traitement judiciaire des escroqueries en ligne et facilitera le démantèlement des réseaux.

Il faut enfin citer le site cybermalveillance.gouv.fr, destiné à guider les victimes.

M. Stéphane Demilly.  - Une campagne de communication grand public à la télévision serait utile, en particulier pour informer nos aînés.

Insuffisance des effectifs de gendarmerie dans l'Ain

M. Patrick Chaize .  - Les effectifs de gendarmerie dans l'Ain sont insuffisants. Les moyens doivent être adaptés au besoin de sécurité de la population : l'Ain, en forte croissance démographique, a gagné 40 postes en quatre ans, mais une cinquantaine de postes sont non pourvus ! De plus, les ressources budgétaires de la réserve opérationnelle sont épuisées depuis septembre : tout renfort est donc exclu.

La région Auvergne-Rhône-Alpes devrait bénéficier de l'affectation d'environ 70 militaires en sortie d'école, mais cela ne permettra pas de pourvoir les 50 postes vacants dans l'Ain...

Comment le Gouvernement compte-t-il remédier à cette situation et permettre aux unités de gendarmerie aindinoises de retrouver des effectifs adaptés aux réalités locales ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté .  - La sécurité de nos concitoyens est l'une des grandes priorités de ce quinquennat. Dès 2017, le plan présidentiel a prévu la création de 10 000 postes de policiers et militaires d'ici à 2022.

Dans l'Ain, entre 2017 et 2020, les effectifs de gendarmerie, renforcés de 41 postes, ont augmenté plus vite que la population ; le taux de criminalité a baissé et le taux d'élucidation a augmenté.

Il est vrai cependant que des tensions existent sur la réserve opérationnelle, particulièrement mobilisée depuis l'attentat de Nice du 29 octobre 2020.

Le 14 septembre, le Président de la République a annoncé, lors de la clôture du Beauvau de la sécurité, une augmentation historique du nombre de réservistes opérationnels de la gendarmerie, qui sera porté à 50 000.

M. Patrick Chaize.  - Créer des postes, c'est bien ; les pourvoir, c'est mieux ! Dans l'Ain, il n'y a aucun réserviste disponible. Il faut y mettre les moyens, tout de suite.

M. Philippe Tabarot.  - Bravo !

Abattoir de Forges-les-Eaux

Mme Agnès Canayer .  - Le monde de l'élevage est un acteur de la relance économique.

Le plan Abattoirs a été annoncé en juillet 2021 dans le prolongement du dispositif France Relance. Il inclut 123 projets de modernisation. Mais ce plan est trop restrictif pour les abattoirs nouveaux ou en situation de réouverture, comme celui de Forges-les-Eaux.

Fermé depuis 2011 à la suite du départ de l'entreprise Bigard, il devrait rouvrir d'ici à la fin de l'année 2021, avec un fort soutien local, à commencer par celui du maire récemment décédé.

Mais le numéro d'agrément est toujours en attente auprès de la direction départementale de la protection des populations.

De plus, dix ans après sa fermeture, sa remise en fonctionnement est conditionnée à la mise à disposition de postes de fonctionnaires techniciens vétérinaires chargés de l'inspection sanitaire et du bien-être animal en abattoir. Or celle-ci tarde aussi...

L'abattoir de Forges-les-Eaux sera-t-il inclus dans le plan Abattoirs, et ces fonctionnaires seront-ils bientôt mis à disposition ?

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - J'attache une importance cruciale à notre réseau d'abattoirs dans nos territoires, soutien de notre production locale. Aussi ai-je demandé des fonds spécifiques dans le plan de relance.

Je sais le Président du Sénat attaché au dossier de Forges-les-Eaux. L'exploitant de cet abattoir a demandé un agrément sanitaire le 22 juillet. L'instruction se poursuit et l'agrément devrait être attribué avant la fin 2021. Les procédures de recrutement des techniciens vétérinaires seront prochainement engagées. Le dossier de l'établissement, déposé le 25 juin au titre du plan Abattoirs, sera examiné avec bienveillance.

Je vous redis mon entière mobilisation sur le sujet. Soyons fiers de nos abattoirs.

Mme Agnès Canayer.  - Cet abattoir est très attendu dans le pays de Bray. Les acteurs locaux sont fortement investis. Nous serons très attentifs à une ouverture selon le calendrier prévu.

Agriculture de montagne et future PAC

M. Jean-Yves Roux .  - Nous venons de voter une proposition de loi pour une juste rémunération des agriculteurs ; il faudrait que votre action européenne soit en cohérence.

La nouvelle PAC, c'est demain. Notre agriculture de montagne est essentielle, mais très fragile.

Ce modèle agricole suppose plus que jamais un engagement majeur des politiques publiques européennes ciblées sur la préservation des exploitations à forte valeur ajoutée environnementale. Il repose aussi sur le maintien des aides couplées, de l'éligibilité des surfaces agropastorales aux aides surfaciques, de l'aide aux jeunes agriculteurs, ainsi que sur le maintien d'aides à la modernisation des bâtiments.

L'indemnité compensatoire des handicaps naturels (ICHN) doit être renforcée et ciblée sur l'élevage, pour rémunérer à leur juste valeur les services environnementaux rendus par les exploitations herbagères et les surfaces pastorales. Enfin, nous avons besoin d'outils de gestion des risques climatiques performants et mutualisés.

Qu'allez-vous proposer dans le plan national pour sauvegarder l'agriculture et l'élevage de montagne ?

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Notre culture de montagne, nos élevages de montagne font partie de notre identité et du modèle agricole français. Soyez assuré que je soutiens avec force cette agriculture de montagne, notamment dans les enceintes européennes.

La PAC est un outil essentiel, mais la juste rémunération des agriculteurs est encore plus importante - c'est tout l'objet du projet de loi EGalim 2.

L'ICHN est une demande très forte de nos agriculteurs de montagne ; elle sera maintenue en montant - 1,1 milliard d'euros par an - et en ciblage. Dès 2023, l'État apportera 108 millions d'euros par an, en sus de la PAC, pour atteindre cette enveloppe.

Sur les paiements couplés, nous avons obtenu gain de cause, et l'enveloppe globale est maintenue.

Il y a aussi des nouveautés, sur les protéines, sur la réforme de l'IGB. Nous maintenons l'éligibilité des surfaces pastorales, nous ferons des annonces sur la gestion des risques...

Soyez assurés de mon soutien !

M. Jean-Yves Roux.  - Je sais que vous êtes un fervent défenseur des territoires ruraux et de l'agriculture de montagne, nous l'avons constaté à Corbières lors de la manifestation des Terres de Jim.

La séance est suspendue à midi trente.

présidence de Mme Laurence Rossignol, vice-présidente

La séance reprend à 14 h 30.

Financement de la sécurité sociale (Procédure accélérée - Suite)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

Je vous rappelle que la discussion générale a été close.

Discussion des articles de la proposition de loi organique

ARTICLE PREMIER

Mme la présidente.  - Amendement n°46, présenté par le Gouvernement.

I. - Alinéa 11

1° Après le mot :

présente, 

insérer les mots :

pour le dernier exercice clos,

2° Supprimer les mots :

, détaillées par sous-secteurs

II. - Alinéa 82

Supprimer cet alinéa.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles.  - Il convient de supprimer le détail par sous-secteur des administrations de sécurité sociale, dans l'article liminaire de la loi de financement de l'année.

Ce niveau de détail est contraire aux objectifs de l'article liminaire. D'abord, les sous-secteurs ne sont pas définis ; ensuite, c'est peu cohérent avec le champ des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS).

En outre, les régimes obligatoires sont suivis en comptabilité générale et non en comptabilité nationale. Enfin, la demande d'information est d'ores et déjà satisfaite par le rapport économique, social et financier (RESF).

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur de la commission des affaires sociales.  - Cette demande n'est pas excessive. Si le RESF fournit déjà cette information, il serait utile de la préciser également dans la LFSS. Avis défavorable.

L'amendement n°46 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°20, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

I.  -  Alinéas 13, 18, 19, 26, 69 et 70

Supprimer les mots :

et du régime d'assurance chômage

II.  -  Alinéas 22 et 36

Supprimer les mots :

et le régime d'assurance chômage

III.  -  Alinéa 31

Supprimer cet alinéa.

IV.  -  Alinéa 35, deuxième phrase

Supprimer cette phrase.

V.  -  Alinéas 38, 40 et 49

Supprimer les mots :

ou au régime d'assurance chômage

VI.  -  Alinéa 43

Supprimer les mots :

ou du régime d'assurance chômage ou

VII.  -  Alinéas 45, 50, 73 et 75

Supprimer les mots :

ou du régime d'assurance chômage

VIII.  -  Alinéa 53

Supprimer les mots :

ou sur les dépenses du régime d'assurance chômage

IX.  -  Alinéa 57 et 78

Supprimer les mots :

ou le régime d'assurance chômage

X.  -  Alinéa 60

Supprimer les mots :

ou sur les recettes ou les dépenses du régime d'assurance chômage

XI.  -  Alinéa 74

Supprimer les mots :

, ou au régime d'assurance chômage

XII.  -  Alinéa 83

Supprimer les mots :

, le tableau d'équilibre du dernier exercice clos du régime d'assurance chômage

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Cet amendement revient sur l'extension du périmètre des LFSS à l'assurance chômage, adoptée par la commission des affaires sociales et qui figurait dans la proposition de loi organique initiale.

L'ensemble des organisations syndicales et patronales s'opposent à cette disposition qui remettrait en cause la gouvernance et la gestion paritaire de l'assurance chômage. Elles ont - ô miracle - signé une tribune pour défendre leur position.

La gestion paritaire est un pilier de la démocratie sociale, consacrée par le préambule de la Constitution de 1946 et ne saurait être remise en cause par le Parlement.

L'exemple de la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) est mauvais puisque seules les entreprises participent à son financement.

Mme la présidente.  - Amendement n°13 rectifié, présenté par Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.

I.  -  Alinéas 13, 18, 19, 26, 69 et 70

Supprimer les mots :

et du régime d'assurance chômage

II.  -  Alinéa 22 et 36

Supprimer les mots :

et le régime d'assurance chômage

III.  -  Alinéa 35, deuxième phrase

Supprimer cette phrase.

IV.  -  Alinéas 38, 40 et 49

Supprimer les mots :

ou au régime d'assurance chômage

V.  -  Alinéas 43, 45, 50, 73 et 75

Supprimer les mots :

ou du régime d'assurance chômage

VI.  -  Alinéa 53

Supprimer les mots :

ou sur les dépenses du régime d'assurance chômage

VII.  -  Alinéas 57 et 78

Supprimer les mots :

ou le régime d'assurance chômage

VIII.  -  Alinéa 60

Supprimer les mots :

ou sur les recettes ou les dépenses du régime d'assurance chômage

IX.  -  Alinéa 74

Supprimer les mots :

, ou au régime d'assurance chômage

X.  -  Alinéa 83

Supprimer les mots :

, le tableau d'équilibre du dernier exercice clos du régime d'assurance chômage

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Selon la commission, étendre le périmètre des LFSS à l'assurance chômage ne remettrait « pas en cause le pouvoir et le rôle des partenaires sociaux dès lors que les conditions financières du régime se seront améliorées ».

Tout au contraire, c'est une remise en cause du paritarisme, alors que celui-ci est la condition de l'examen de tous les paramètres de retour à l'équilibre, à commencer par les ressources.

Le projet antisocial de réforme porté par le Gouvernement prouve qu'il ne faut pas déposséder les partenaires sociaux de la gestion de l'assurance chômage, si l'on prétend la préserver de l'austérité à marche forcée.

Pendant la crise sanitaire, l'Unedic a rempli son rôle d'amortisseur social. Réduire les prérogatives des partenaires sociaux n'est ni justifié, ni pertinent. Au contraire, l'assurance chômage perdrait en flexibilité et en adaptabilité.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°36, présenté par M. Jomier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

M. Bernard Jomier.  - Cette proposition de loi organique fait consensus en ce qui concerne la simplification du travail parlementaire, mais pas sur l'assurance chômage. On ne peut pas réformer le paritarisme avec cette proposition de loi organique.

Même s'il ne s'agit pas ici d'une étatisation de l'assurance chômage, de petits cailloux sont semés sur le chemin qui y mène.

Le Gouvernement est mal fondé à critiquer des effets dont il a engendré les causes, avec sa lettre de cadrage de 2018. Nous appelons à un débat de fond sur l'évolution du paritarisme.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°47, présenté par le Gouvernement.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - S'il devait y avoir une évolution, ce ne pourrait être qu'après discussion approfondie avec les partenaires sociaux, comme l'a dit M. Jomier.

Mme la présidente.  - Amendement n°48, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 27 à 34

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« 3° Fixe l'objectif national de dépenses d'assurance maladie de l'ensemble des régimes obligatoires de base ainsi que ses sous-objectifs. La définition des composantes des sous-objectifs est d'initiative gouvernementale. Les commissions parlementaires saisies au fond des projets de loi de financement de la sécurité sociale sont consultées sur la liste des sous-objectifs et la définition des composantes de ces sous-objectifs. Le nombre de sous-objectifs ne peut être inférieur à trois. »

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Nous supprimons la possibilité de fixer des crédits limitatifs dans l'Ondam et des ratios, qui contraignent à une ratification des crédits supplémentaires en cas de dépassement.

L'Ondam est un objectif de dépenses : il est par nature non limitatif.

La loi organique doit laisser à la loi ordinaire le soin de prévoir des mécanismes d'encadrement de la dépense. La procédure d'alerte indépendante est la plus adaptée au fonctionnement des dépenses de santé.

Le comité d'alerte est mieux placé pour apporter des corrections. Un pilotage de l'Ondam différencié en fonction de ses différents composants nourrirait un antagonisme entre médecine de ville et médecine hospitalière.

Votre proposition pourrait être perçue comme une forme de suspicion à l'égard de l'hôpital, ce qui serait particulièrement malvenu à l'issue de la crise sanitaire.

Nous voulons aussi modifier le texte sur la non-contraction entre recettes et dépenses car il y a un risque inflationniste sur les prix des produits pharmaceutiques.

N'éloignons pas l'Ondam de son objectif de transparence.

Mme la présidente.  - Amendement n°14, présenté par Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.

Alinéa 27

Après le mot :

sous-objectifs

insérer les mots :

en s'appuyant sur l'évolution des besoins de sante? de la population

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Depuis l'instauration de l'Ondam, la dotation accordée aux hôpitaux publics s'est avérée systématiquement inférieure à l'évolution des besoins de santé.

L'Ondam est devenu l'outil de la contrainte budgétaire sur les dépenses. Chaque année, des économies sont demandées à l'hôpital : 800 millions encore cette année. Qu'en sera-t-il en 2022 ?

L'endettement des structures hospitalières entrave les investissements nécessaires a? leur mission de service public.

Ce n'est pas la logique comptable de court terme qui doit dicter le niveau des dépenses de sante?, mais bien une décision démocratique sur le niveau de soins auquel toutes et tous devraient avoir accès.

Le financement des dépenses de santé doit garantir l'universalité? de l'accès aux soins. Cet amendement précise que le calcul de l'Ondam doit s'appuyer sur les besoins de sante? de la population et ses évolutions.

L'amendement n°6 n'est pas défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°33 rectifié, présenté par Mme Guillotin, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme N. Delattre et MM. Fialaire, Gold, Guérini, Guiol, Requier et Roux.

Alinéa 27, première phrase

Après le mot :

sous-objectifs

insérer les mots :

en s'appuyant sur les engagements pris pour cinq ans dans le cadre du protocole visant notamment à établir les trajectoires relatives au montant des ressources pluriannuelles des établissements de santé publics et privés

Mme Véronique Guillotin.  - Cet amendement rappelle que le protocole entre l'État et les représentants des fédérations des hôpitaux publics et privés doit déterminer l'Ondam des établissements de santé pour l'année à venir, à l'occasion de la LFSS. Le premier protocole a été conclu pour 2020-2022. Mais on manque de lisibilité et de cohérence pluriannuelle. Une trajectoire à cinq ans serait préférable.

Mme la présidente.  - Amendement n°34, présenté par M. Jomier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 29

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il s'accompagne d'une présentation de l'état des besoins, selon les territoires, des moyens humains, matériels et financiers pour satisfaire les besoins en santé de la population et assurer la réalisation effective du principe d'accès universel à un service public de qualité.

M. Bernard Jomier.  - Ces dix dernières années, l'Ondam a bien fonctionné en termes financiers. Il a été respecté à partir de 2010 mais des effets pervers sont apparus et le secteur de la santé est en permanence au bord de l'implosion.

La démarche qui consiste à établir les besoins de santé de nos populations avant de fixer les dépenses est inversée puisqu'on commence par les dotations. Il faut en revenir à la construction initiale, pour répondre aux besoins de santé des populations et des territoires.

Mme la présidente.  - Amendement n°53, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission.

I.  -  Alinéa 34

Remplacer la référence :

I

par la référence :

II

II.  -  Après l'alinéa 85

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  À la première phrase de l'article L. O. 111-10-2 du code de la sécurité sociale, la référence : « I » est remplacée par la référence : « II ».

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Amendement de coordination.

Sur l'assurance chômage, la commission n'a pas du tout l'intention de supprimer le paritarisme - même si ce dernier a tout intérêt à se renouveler. Nous sommes à la disposition des partenaires sociaux pour réfléchir à un nouveau plan de financement de l'assurance chômage, car nous devons sortir de l'impasse. La dette, hors covid, est énorme.

Le paritarisme fonctionne parfaitement pour la branche AT-MP comme pour l'Agirc-Arrco.

Mais sur l'assurance chômage, on est sorti du strict paritarisme. Quelque 14 milliards d'euros, soit 40 % des recettes du régime, proviennent de la CSG. Le Gouvernement a une primauté en droit et en fait sur le pilotage du régime depuis 2018.

Comme les partenaires sociaux ont l'illusion que ce face-à-face n'est pas mortifère pour le paritarisme, il est bien difficile de faire émerger une réforme de l'assurance chômage.

Nous voulons revoir les conditions de gestion des 35 milliards d'euros de prélèvements obligatoires concernés. Avis évidemment défavorable aux amendements nos20, 13 rectifié, 36 et 47.

J'en arrive à l'amendement n°48. La non-contraction des recettes et des dépenses ne vise pas les remises sur les médicaments. Notre intention est de clarifier l'information.

M. le ministre estime que la Constitution ne donne pas au législateur le pouvoir de fixer les plafonds de dépenses. Je ne partage pas cette interprétation.

Selon le garde des Sceaux Jacques Toubon en 2008, les objectifs de dépenses créaient pour le Gouvernement une contrainte. Mais les droits sociaux ne sont ni ouverts ni limités par cette loi.

Comme l'a rappelé Corinne Imbert lors de la discussion générale, nous voulons tirer les conséquences de ce qu'est l'Ondam actuellement, c'est-à-dire un mélange de dépenses sociales et d'interventions.

Le caractère limitatif des crédits ne fait pas obstacle au choix du Parlement quant aux modalités de leur examen, comme l'a rappelé le Conseil d'État.

Nous avons simplement instauré une procédure d'avis des commissions des affaires sociales - c'est la moindre des choses - lorsque les dotations votées en PLFSS sont largement dépassées.

Ne travestissons donc pas les modifications que la commission compte apporter à l'Ondam. Ne prétendez pas, Monsieur le ministre, que des hôpitaux seraient incapables d'accueillir des patients ou que des achats en gros de médicaments seraient impossibles du seul fait que nous aurions prévu l'avis de la commission ! Avis défavorable à l'amendement n°48.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Vous travestissez mes propos !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Selon la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, le Parlement a le droit de débattre de tels sujets.

La rédaction de l'amendement n°14 n'est pas pertinente. Nous établissons l'Ondam à partir du tableau sanitaire et social du pays et des besoins que nous identifions. Avis défavorable.

Avis défavorable aux amendements nos33 rectifié et 34 pour les mêmes raisons. Nous votons une loi annuelle et non pluriannuelle.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis favorable aux amendements nos20, 13 rectifié et 36, similaires ou identiques à l'amendement n°47 du Gouvernement.

Ne travestissez pas mes propos, monsieur le rapporteur ! Le caractère limitatif de certains objectifs de l'Ondam n'empêchera pas les hôpitaux d'accueillir des patients ni d'acheter des médicaments en gros.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Dont acte, mais j'ai bien entendu ces arguments...

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Je vous ai mis en garde sur les conséquences de votre proposition, sans remettre en cause ses objectifs.

Avis défavorable à l'amendement n°14 pour les mêmes raisons que celles évoquées par M. le rapporteur.

Retrait ou avis défavorable à l'amendement n°33 rectifié, mais le Gouvernement met en oeuvre le protocole 2020-2022 signé avec la fédération hospitalière. Nous appliquons l'Ondam hospitalier. En 2022, il progressera de 2,7 % - plus que les 2,4 % du protocole  - en plus des 12 milliards d'euros du Ségur de la santé.

Il n'y a pas lieu de l'inscrire dans la loi organique.

Avis défavorable à l'amendement n°34.

Avis favorable à l'amendement rédactionnel n°53.

M. Daniel Chasseing.  - Le rapporteur a renouvelé les propos qu'il avait tenus en commission sur l'extension du périmètre de la LFSS à l'assurance chômage. Je n'ai pas voté contre, car cela ne remet nullement en cause le paritarisme. Pourtant, 40 % du produit de la CSG finance l'Unedic. Le contrôle parlementaire ne sonne pas la fin de la gestion paritaire des partenaires sociaux. Je voterai le texte de la commission.

L'amendement n°20 n'est pas adopté, non plus que les amendements identiques nos13 rectifié, 36 et 47.

Mme Laurence Cohen.  - L'amendement du Gouvernement est paradoxal. Les parlementaires ne peuvent déposer d'amendements pour augmenter l'Ondam, article 40 oblige. Année après année, les hôpitaux doivent réduire leur budget et le rapport sur l'exécution de la loi de financement de la sécurité sociale montre que l'objectif de dépenses n'a pas été dépassé.

Or, l'amendement n°48 dit l'inverse ! Soit l'Ondam est un simple objectif et les parlementaires peuvent l'augmenter, soit il est un plafond indépassable et le Gouvernement doit rendre des comptes au Parlement quand les dépenses sont supérieures à celles votées.

M. René-Paul Savary.  - C'est exact ! Le texte de la commission ne limite pas les prestations. Nous n'allons pas réduire le budget consacré aux médicaments. Le Gouvernement s'accorde des dépassements de plusieurs milliards d'euros, sur lesquels le Parlement n'est pas consulté, mais ignore nos demandes de transparence ! Ce double jeu ne me convient pas du tout.

L'amendement n°48 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°14.

L'amendement n°33 rectifié est retiré.

L'amendement n°34 n'est pas adopté.

L'amendement n°53 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°21, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 37

Supprimer les mots :

ne faisant pas l'objet d'une mesure de compensation aux régimes obligatoires de base de la sécurité sociale ou aux organismes concourant à leur financement, à l'amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Selon la LOLFSS, la LFSS dispose du monopole sur les mesures d'exonération de cotisations sociales.

La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a limité ce monopole aux mesures non compensées par l'État, en contradiction avec la loi Veil. De 2011 à 2017, les exonérations de cotisations patronales ont atteint 198,7 milliards d'euros, dont 20,8 milliards d'euros non compensés par l'État. Ce n'est pas acceptable !

Derrière l'objectif de transparence se cache l'assèchement des recettes de la sécurité sociale.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Avis défavorable même si votre intention rejoint celle de Thomas Mesnier, à savoir l'interdiction de toute réduction de ressources de la sécurité sociale d'une durée de plus de trois ans, même compensée, en dehors d'une loi de financement.

La rédaction a été complexifiée pour tenir compte des réserves du Conseil d'État.

Selon nous, c'est une simple répétition du droit existant - pas toujours appliqué. Tenons-nous en à la rédaction initiale quitte à en rediscuter en CMP. Avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Même avis pour les mêmes raisons. Il y a un risque d'inconstitutionnalité.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Mais encore ?

L'amendement n°21 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°22, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 37

Supprimer les mots :

pour une durée supérieure à trois ans

Mme Laurence Cohen.  - Toutes les mesures d'exonération, de réduction ou d'abattement d'assiette des cotisations doivent être votées en LFSS, sans condition de durée.

Les niches sociales ont coûté 80,6 milliards d'euros en 2020. Autant de cadeaux aux entreprises qui amputent les recettes de la sécurité sociale.

Ces baisses de recettes ne sont plus systématiquement compensées par l'État depuis 2018, et constituent une remise en cause de la loi Veil.

Le déficit de la sécurité sociale est fabriqué de toutes pièces. Disons-le, au lieu de culpabiliser nos concitoyens ! Le déficit du régime général de la sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) atteindra 34,5 milliards d'euros cette année, or il y a 4 milliards d'euros de non-compensation par an depuis 2018.

Vous avez beau jeu d'assécher la sécurité sociale sans lui donner les moyens nécessaires à l'exercice de ses missions !

Mme la présidente.  - Amendement n°23, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 37

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Toute nouvelle mesure de réduction ou d'exonération de cotisations de sécurité sociale est compensée par la diminution à due concurrence d'une ou plusieurs réductions ou exonérations de cotisations de sécurité sociale existantes.

Mme Laurence Cohen.  - Nous dénonçons les allègements de cotisations sociales patronales, qui s'élèvent à 68 milliards d'euros. En comparaison, le budget consacré à l'égalité femmes-hommes, grande cause du quinquennat, n'est que de 50 millions d'euros.

Ce sont des « milliards en fuite », pour reprendre le titre du livre de mon ami Éric Bocquet. Ces allègements ont doublé entre 2013 et 2019. En dépit de leur coût exorbitant, ces dispositifs créent rarement des emplois.

Nous instaurons un principe de non-prolifération des exonérations de cotisations sociales : chaque nouvelle mesure devra s'accompagner de la suppression d'un dispositif existant pour un montant équivalent.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°22. Conservons la rédaction de l'Assemblée nationale, nous verrons en CMP.

Avis défavorable également à l'amendement n°23. Le législateur peut prévoir différents modes de compensation : suppression de niches, crédits budgétaires ou affectation d'impôts.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Même avis sur l'amendement n°22.

L'amendement n°23 pose des problèmes constitutionnels. En outre, un indicateur est présenté en annexe de la LFSS, qui a l'exclusivité de la pérennisation des exonérations non compensées.

M. Daniel Chasseing.  - Si les exonérations accordées aux entreprises ne sont pas compensées, il ne s'agit pas de cadeaux, Madame Cohen.

Il faut réindustrialiser la France. Ayons pour cela des prix compétitifs. Avec le crédit d'impôt compétitivité-emploi (CICE) et la baisse des charges pour les PME, nous avons atteint un taux horaire équivalent à celui de nos voisins européens. C'est ainsi que nous conserverons l'emploi et que nous rembourserons l'Unedic et nos dettes.

L'amendement n°22 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°23.

Mme la présidente.  - Amendement n°40 rectifié, présenté par M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

I. - Alinéa 43

Compléter cet alinéa par les mots :

ou sur la dette des établissements de santé relevant du service public hospitalier et des établissements médico-sociaux qui sont financés par l'assurance maladie et soumis à un objectif de dépenses

II. - Alinéa 58

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :

« 3° Ayant un effet sur la dette des établissements de santé relevant du service public hospitalier et des établissements médico-sociaux qui sont financés par l'assurance maladie et soumis à un objectif de dépenses ;

III. ' Alinéa 77

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :

« 5° Ayant un effet sur la dette des établissements de santé relevant du service public hospitalier et des établissements médico-sociaux qui sont financés par l'assurance maladie et soumis à un objectif de dépenses ;

M. Dominique Théophile.  - Cet amendement réintègre dans le champ des LFSS les dispositions sur la dette des établissements de santé relevant du service public hospitalier et des établissements médico-sociaux financés par l'assurance maladie.

Nous réitérons la position que nous avons défendue l'année dernière. Les LFSS déterminent les conditions de l'équilibre général et les objectifs de dépenses. Je ne vois pas en quoi cet amendement serait inconstitutionnel.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Votre amendement est contraire à la position de la commission. Nous l'avions déjà considéré l'an passé comme un cavalier social ou un tour de passe-passe.

Vous risqueriez de transformer les PLFSS en texte portant diverses dispositions d'ordre social, alors que leurs conditions d'examen sont très contraintes.

L'avant-projet de loi de financement comporte un article relatif aux contrats entre les ARS et les hôpitaux sur la reprise de la dette hospitalière : serait-ce un cavalier social, monsieur le ministre ? Avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis favorable. Il est cohérent de prendre en compte, dans la loi de financement, les conséquences sur la situation financière des hôpitaux. La Cour des comptes nous avait alertés sur ce point.

La rédaction limite le périmètre aux établissements relevant du service public hospitalier, ce n'est donc pas un cavalier social.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - La dette hospitalière est, majoritairement, une dette immobilière. Or les hôpitaux appartiennent à l'État. Vous rejetez cette dette sur la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) : c'est trop facile et constitue bien un tour de passe-passe.

Mme la présidente.  - Amendement n°24, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 53

Compléter cet alinéa par les mots :

, notamment en assurant l'accès à l'ensemble des données nécessaires pour réaliser cet exercice et sans que l'article L. 151-1 du code du commerce ne puisse s'y opposer

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Nous proposons d'améliorer l'information du Parlement sur les données de santé, actuellement limitée par le secret des affaires.

De même que nous défendons la levée des brevets sur les vaccins contre le covid-19, nous plaidons pour une meilleure transparence du marché pharmaceutique, au service de la démocratie sanitaire et de l'accès de toutes et tous aux produits de santé.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Je comprends le souci de clarté, mais on ne saurait inscrire dans la loi organique une disposition contraire au code du commerce. Au reste, avec nos pouvoirs d'enquête, nous sommes déjà en mesure d'obtenir les informations nécessaires. Avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Même avis, pour les mêmes raisons.

L'amendement n°24 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°54, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission.

I.  -  Alinéa 62

Supprimer cet alinéa.

II.  -  Alinéa 87

Remplacer les mots :

« 2° du VIII » est remplacée par la référence : « IX »

par les mots :

« 2° du VIII de l'article L. O. 111-3 » est remplacée par la référence : « 2° de l'article L. O. 111-9-4 »

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Amendement de clarification rédactionnelle.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis favorable.

L'amendement n°54 est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

ARTICLE 2

Mme la présidente.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par Mmes Lassarade et Thomas, MM. Cadec, Panunzi, D. Laurent, Pointereau et Burgoa, Mmes Puissat, Dumont et Chauvin, M. Bascher, Mmes M. Mercier, Deromedi, Malet, Joseph et Goy-Chavent, M. Cuypers, Mmes Di Folco et Gosselin, MM. Genet, B. Fournier, Bonhomme, Rapin et Charon, Mmes Bonfanti-Dossat et Gruny, MM. Longuet, Lefèvre, Bouchet et Milon et Mme Lherbier.

Alinéa 3, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, avec notamment un volet consacré aux dépenses et recettes de médicaments inscrits sur les listes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 162-17 et à l'article L. 162-22-7, à l'article L. 5126-6 du code de la santé publique et aux médicaments mentionnés aux articles L. 5121-12 et L. 5121-12-1 du même code

Mme Florence Lassarade.  - Nous complétons le rapport annexé à la LFSS par une prévision relative aux médicaments, avec une dimension pluriannuelle.

L'article LO. 111-4 du code de la sécurité sociale prévoit l'élaboration du rapport pluriannuel annexé, mais sans véritables contraintes de contenu. En particulier, la pluriannualité reste plus que limitée.

Or nous avons besoin d'offrir aux acteurs du système de santé une certaine visibilité, gage d'attractivité de la France auprès des investisseurs industriels.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°5 rectifié, présenté par MM. Henno, Bonnecarrère et Mizzon, Mme Férat, MM. Lafon, Longeot et Canévet et Mme Dindar.

M. Olivier Henno.  - La pluriannualité est précieuse non seulement pour le contrôle du Parlement et l'information des citoyens, mais aussi pour le pilotage des recettes et des dépenses.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°9 rectifié, présenté par Mme Guillotin, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme N. Delattre et MM. Fialaire, Gold, Guérini, Guiol, Requier et Roux.

Mme Véronique Guillotin.  - Défendu.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Nous concevons bien l'intérêt de cette information, mais sa place n'est pas à l'annexe B. Retrait ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Même avis.

Les amendements identiques nos1 rectifié, 5 rectifié et 9 rectifié sont retirés.

Mme la présidente.  - Amendement n°26, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

I.  -  Alinéa 3, deuxième phrase

Supprimer les mots :

et du solde de

II.  -  Alinéa 4

Supprimer les mots :

et de solde

III.  -  Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

IV.  -  Alinéa 9

Supprimer les mots :

et du solde

V.  -  Alinéa 37

Supprimer les mots :

et du solde

VI.  -  Alinéa 44, seconde phrase

Supprimer les mots :

et du solde

VII.  -  Alinéa 47

Supprimer les mots :

et du solde

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - L'article 2 renforce la logique de réduction des dépenses de la sécurité sociale, notamment avec l'indicateur des écarts. La commission des affaires sociales a ajouté de nouveaux indicateurs pluriannuels visant à imposer cette logique d'ajustement par la dépense.

Il s'agit de cibler les dépenses, jugées excessives, en occultant les multiples exonérations qui obèrent les recettes. Laurent Saint-Martin assume : il dit vouloir faire du printemps, autour du programme de stabilité, le grand moment parlementaire de débat sur les finances publiques. Pour notre part, nous refusons la logique d'austérité dictée par l'Europe à travers les indicateurs de solde.

Mme la présidente.  - Amendement n°38, présenté par Mme Lubin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I.  -  Alinéas 4, 5, 30 et 47

Supprimer ces alinéas.

II.  -  Alinéa 44, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

Mme Monique Lubin.  - L'ajout d'une annexe aux lois d'approbation des comptes de la sécurité sociale destinée à évaluer les politiques de sécurité sociale relatives à chaque branche est problématique. Le Conseil d'orientation des retraites (COR) fait déjà ce travail, en produisant des données fiables et résultant d'un consensus. Au contraire, une annexe rédigée par le Gouvernement risquerait fort d'être orientée.

Mme la présidente.  - Amendement n°32 rectifié, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 5

Supprimer les mots :

pour les réduire

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°16 rectifié, présenté par Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.

I.  -  Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

II.  -  Alinéas 56 à 60

Supprimer ces alinéas.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Le GEST est en désaccord avec l'inscription dans le marbre de la loi organique d'une règle d'or garantissant l'équilibre parfait des comptes sur cinq ans, disposition plus performative qu'opérationnelle. Sans discussion préalable des modalités permettant de réaliser l'équilibre, elle poussera, une fois encore, à l'austérité.

Au-delà du désaccord de fond, il est risqué d'instaurer une telle contrainte alors que la crise sociale durera bien au-delà de la crise sanitaire.

Il faut trouver d'autres voies de régulation que ce carcan primaire pour assurer la pérennité de notre protection sociale.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°25, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Laurence Cohen.  - La droite sénatoriale veut instaurer une règle d'or destinée à imposer la baisse des dépenses de la sécurité sociale.

M. Jérôme Bascher.  - Tout à fait !

Mme Laurence Cohen.  - Aucun enseignement n'est tiré de la crise que nous venons de traverser. Pourtant, la dégradation des capacités hospitalières est le résultat de deux décennies de compression des dépenses : on a fermé des hôpitaux, supprimé 100 000 lits, limité les investissements, maintenu un numerus clausus trop restreint.

Nous refusons cette obstination à réduire les dépenses. Il faut répondre aux besoins en dégageant les recettes nécessaires. La règle d'or, c'est l'arrêt de mort des hôpitaux !

Mme la présidente.  - Amendement identique n°37, présenté par M. Jomier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Mme Michelle Meunier.  - La seule règle d'or qui vaille, c'est le respect de la loi Veil !

Mme la présidente.  - Amendement identique n°50, présenté par le Gouvernement.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Le retour à l'équilibre des comptes publics, notamment sociaux, est une préoccupation forte du Gouvernement. La règle d'or proposée est pertinente en soi, mais inadaptée à la situation actuelle. S'imposer une telle obligation dès 2025 nous contraindrait à des coupes aveugles dans notre système de santé, que nous refusons.

Il serait contreproductif d'engager un redressement trop brutal. La solution réside avant tout dans le retour de la croissance. Ne prenons pas le risque de caler au redémarrage !

Mme la présidente.  - Amendement n°28, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéas 14, 21 et 44

Supprimer ces alinéas.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Avec les projets d'efficience des politiques sociales (PEPS), la commission pousse à la réduction exclusive des dépenses, sans autoriser de propositions alternatives en recettes.

Il faut aussi prendre en compte les conséquences positives des dépenses sociales. Par exemple, augmenter les salaires des aides à domicile entraînerait une hausse de leur pouvoir d'achat, donc une plus forte consommation ; l'amélioration de leurs conditions de vie réduirait leur stress, donc le recours aux soins et aux arrêts maladie - sans parler du surcroît de cotisations sociales.

Nous refusons les mécanismes déshumanisés autant que la conception fondée sur l'étanchéité entre les branches. La sécurité sociale est une maison commune !

Mme la présidente.  - Amendement n°51, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéas 14 et 21

Supprimer ces alinéas.

II.  -  Alinéa 44, première phrase

1° Supprimer les mots :

et indicateurs

2° Remplacer les mots :

et moyens mis

par le mot :

mises

3° Après le mot :

population

insérer les mots :

, sur des objectifs retracés au moyen d'indicateurs précis dont le choix est justifié, sur une présentation des moyens mis en oeuvre pour réaliser ces objectifs

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Les PEPS seraient redondants avec les REPS. En outre, cette logique d'évaluation est peu appropriée aux crédits, non limitatifs, de la sécurité sociale. Il est plus pertinent de poursuivre le travail concerté entrepris dans le cadre des REPS.

Mme la présidente.  - Amendement n°55, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission.

Alinéa 30

Supprimer la deuxième occurrence du mot :

et

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°44 rectifié, présenté par M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 44, première phrase

Après les mots :

lors des

insérer le mot :

trois

M. Dominique Théophile.  - Il s'agit d'encadrer le diagnostic de situation annexé au projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale : il prendra en compte les trois dernières années.

Mme la présidente.  - Amendement n°30, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 44, seconde phrase

Supprimer les mots :

et complémentaires

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - L'article 2 prévoit que les REPS comprennent une analyse de l'évolution de la soutenabilité de l'ensemble des régimes de retraite de base et complémentaires obligatoires.

Cet élargissement du périmètre des LFSS aux régimes de retraites complémentaires revient à grignoter les prérogatives des organisations syndicales, gestionnaires de ces régimes. Il y a là une dénaturation du paritarisme que nous refusons - comme pour l'assurance chômage.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°26 : il est surprenant de privilégier un pilotage de la sécurité sociale par la dépense... La commission préfère compléter le rapport en prenant en compte les dépenses et les recettes.

L'amendement n°38 supprime le compteur des écarts et l'annexe informative sur les régimes complémentaires. L'amélioration de l'information du Parlement ne remet nullement en cause la gestion paritaire. Avis défavorable.

Avis défavorable également à l'amendement n°32 rectifié. Les écarts mesurés portent aussi bien sur les recettes que sur les dépenses.

Monsieur le secrétaire d'État, nous sommes prêts à débattre de la date d'entrée en vigueur de la règle d'or. Instaurer un mécanisme de réduction de la dette sociale après la crise sera de toute façon nécessaire. En cas de crise, la mesure pourra être temporairement suspendue.

Avis défavorable aux amendements identiques nos16 rectifié, 25, 37 et 50. Les Français veulent la suppression du trou de la sécurité sociale, parce qu'ils savent que c'est la condition de la survie de notre modèle. (M. René-Paul Savary acquiesce.)

La commission souhaite que le Haut Conseil des finances publiques donne un avis sur la trajectoire financière pluriannuelle présentée en annexe B. Le Gouvernement y est-il favorable ?

Avis défavorable à l'amendement n°28. Les PEPS seront utiles à l'information du Parlement. Suivre le bon emploi des dépenses, c'est s'intéresser à la qualité des prestations. Je pensais que nous souscrivions tous à cet objectif.

Avis défavorable à l'amendement n°51. La commission a repris le chaînage vertueux imaginé par le Gouvernement pour les lois de finances. Le rapport demandé n'a pas besoin de faire 300 pages : pour les retraites, par exemple, il s'agit de connaître le nombre de nouveaux retraités ou l'évolution du niveau des pensions. Certains d'entre nous siègent à la Commission des comptes de la sécurité sociale, mais cette commission n'est pas le Parlement.

L'amendement n°44 rectifié n'est pas nuisible, mais je ne pense pas que le Gouvernement serait remonté à l'origine de la sécurité sociale... (Sourires) Avis favorable, sans enthousiasme.

Enfin, avis défavorable à l'amendement n°30. Encore une fois, la gestion paritaire n'est nullement remise en cause.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis défavorable aux amendements nos26, 38 et 32 rectifié.

Avis favorable aux amendements nos16 rectifié, 25 et 37, identiques à celui du Gouvernement.

Je sollicite le retrait de l'amendement n°28 au profit de notre amendement n°51. Madame Apourceau-Poly, nous sommes d'accord avec vous sur les PEPS, mais pas sur le reste !

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - C'est bien pour cela que je ne retirerai pas mon amendement... (Sourires)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Dans ce cas, l'avis est défavorable.

Avis favorable aux amendements nos55 et 44 rectifié.

Avis défavorable à l'amendement n°30.

M. Jérôme Bascher.  - Pour la première fois de notre histoire, la dette de la sécurité sociale a dépassé celle des collectivités territoriales, soumises à la fameuse règle d'or. Cessons de faire supporter par nos enfants nos dépenses de confort.

Selon l'article 34 de la Constitution, la loi détermine les conditions de l'équilibre financier des comptes de la sécurité sociale. L'équilibre, pas le déséquilibre !

Ce n'est jamais le bon moment, monsieur le secrétaire d'État. Mais une loi organique n'est pas faite pour un moment.

La règle d'or n'empêche pas d'investir. Au contraire : c'est parce que nous nous endettons pour financer l'ordinaire que nous ne préparons pas assez l'avenir. (On renchérit à droite.)

Je voterai contre les amendements supprimant la règle d'or, la seule grande mesure de ce texte !

M. René-Paul Savary.  - Nous sommes tous attachés à notre modèle social. Seulement, nous ne pouvons pas vivre éternellement au-dessus de nos moyens -  même si, en ce moment, le Gouvernement fait de nouvelles promesses tous les jours...

La stratégie de la règle d'or est un moindre mal pour cesser de reporter nos dépenses sur nos enfants.

Il est important de se préoccuper d'efficience : si vous augmentez les salaires sans augmenter le budget, c'est le nombre d'heures de travail qui sera réduit.

Veiller à ce que les pensions d'aujourd'hui soient payées par les cotisations d'aujourd'hui, c'est défendre le principe de la retraite par répartition !

M. Daniel Chasseing.  - Depuis mon élection, en 2014, je n'ai vu que des gestions comptables. L'Ondam est resté à 2 % entre 2013 et 2018, alors que l'hôpital avait besoin de 4 %. Ensuite, il a légèrement augmenté, à 2,5 %.

On peut très bien fixer des objectifs de moyen terme et s'extraire du protocole en cas de circonstances exceptionnelles.

Pour l'an prochain, 200 millions d'euros supplémentaires sont prévus pour les Ehpad, ce qui représente moins d'une aide-soignante nouvelle par établissement. Nous savons pourtant que les besoins vont s'envoler à partir de 2030...

Je voterai pour la règle d'or au service du renforcement de notre sécurité sociale.

Mme Véronique Guillotin.  - Il n'y a pas, d'un côté, les bons gestionnaires qui défendent la règle d'or et, de l'autre, les dispendieux qui la rejettent. Avant la crise sanitaire, nous n'étions pas loin de la règle d'or, sans l'avoir inscrite...

Si la dette a augmenté, c'est parce qu'il a fallu remettre les hôpitaux à flot. Pas plus tard qu'hier, SOS Médecins était dans la rue, car les visites à domicile sont sous-cotées.

Nous voterons les amendements identiques. (M. Henri Cabanel applaudit.)

Mme Laurence Cohen.  - Mesurons bien les conséquences de la règle d'or. Les futurs gouvernements n'auront d'autre choix que de réduire les dépenses !

On ne parle pas de l'assèchement des recettes de la sécurité sociale, qui résulte de la multiplication des exonérations de charges et de l'augmentation du chômage, conséquence de l'absence de stratégie industrielle ambitieuse.

Que chacun assume la politique qu'il défend. Pour notre part, nous voulons une contribution sur les revenus financiers des entreprises, modulée selon leurs politiques sociales et environnementales. Vous, vous voulez privatiser la santé !

M. Bernard Jomier.  - M. Chasseing a eu raison de parler de gestion comptable, mais, en réalité, c'est depuis 2010 qu'elle prévaut. Par quel mystère le constat de son échec conduit-il à proposer la règle d'or ? Le tête-à-queue est spectaculaire...

Notre système de protection sociale est un atout. Ce que vous appelez des dépenses de confort, monsieur Bascher, sont des dépenses vitales.

Le mot « recettes » est devenu tabou en matière de protection sociale, alors qu'il est sur la table pour les collectivités territoriales. Ouvrons le débat sur ce point.

Oui, l'équilibre du système est une garantie de sa pérennité ; mais ce n'est pas en baissant perpétuellement les recettes qu'on le réalisera.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - On nous parle sans cesse de la dette, mais il serait bon de l'auditer, pour comprendre comment elle s'est construite.

M. Chasseing devrait pousser son raisonnement jusqu'au bout. L'Ondam a été, des années durant, le fruit d'un pur calcul mathématique, sans prise en compte des besoins. Nous n'avons pas vécu au-dessus de nos moyens : nous avons eu des recettes en dessous de nos besoins.

Cessons d'invoquer nos enfants à propos de la dette, car ils bénéficient aussi des dépenses d'aujourd'hui. Insuffisamment, d'ailleurs : est-il normal qu'un jeune ayant des idées suicidaires attende neuf mois pour voir un pédopsychiatre, qu'un enfant handicapé soit privé d'accompagnant ?

Mme Élisabeth Doineau.  - Il faudra bien dire à quel moment nous entendons rembourser la dette sociale. La règle d'or est un contrat d'assurance pour les générations futures, qui devront pouvoir, elles aussi, faire face à leurs besoins.

L'efficience est aussi affaire de qualité. S'en préoccuper, c'est investir sur l'avenir.

Nous devons inscrire de tels outils dans la loi organique.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Figurez-vous qu'il y a des dépenses, et même des dettes, utiles ! Que devrions-nous faire des jeunes qui font la queue devant l'aide alimentaire ? Les laisser mourir ?

Les psychologues manifestent, les sages-femmes se mobilisent. Et on parle d'une règle d'or qui signifie toujours moins de personnel dans les hôpitaux ?

Nous ne dépensons pas à outrance. Au contraire, nous avons besoin de plus d'éducation et de plus de santé. Surtout dans la période actuelle, car la crise n'est pas terminée.

La dépense publique, c'est l'égalité des citoyens !

Mme Laurence Cohen.  - Bravo !

M. Philippe Mouiller.  - Depuis sept ans que je suis sénateur, je m'intéresse aux politiques publiques du handicap. Les acteurs expliquent que le secteur est mal organisé, mais, au lieu de se réorganiser, ils demandent sans cesse de nouveaux financements. Il faut fixer des limites, sans quoi les problèmes de structure ne sont jamais résolus ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Philippe Mouiller a parfaitement illustré ce débat, mal compris par certains. Il y a un peu de politique politicienne...

Mme Laurence Cohen.  - De quel côté ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - La règle d'or est une règle d'équilibre. Si les dépenses augmentent, il faut augmenter les recettes. (On renchérit sur les travées du groupe CRCE.)

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Taxons le capital !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - On peut en discuter. Avec le vieillissement de la population, les dépenses vont augmenter, il faudra donc augmenter les recettes. (Mme Laurence Cohen s'exclame.)

L'amendement n°26 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos38 et 32 rectifié.

À la demande du groupe CRCE, les amendements identiques nos16 rectifié, 25, 37 et 50 sont mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°175 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l'adoption 127
Contre 215

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n°28 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°51.

L'amendement n°55 est adopté, ainsi que l'amendement n°44 rectifié.

L'amendement n°30 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°27, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 12

Après la deuxième occurrence du mot :

mesures

insérer les mots :

, ainsi que leur impact sur les créations d'emplois et l'évolution des salaires

Mme Laurence Cohen.  - L'annexe 5 du PLFSS, qui retrace les mesures d'exonérations de cotisations sociales, reste très sommaire s'agissant de leur évaluation.

Des niches dont l'inefficacité est avérée sont rarement remises en cause. Or les sommes en jeu s'élèvent à plusieurs milliards d'euros !

France Stratégie, en septembre 2020, a évalué que les 18 milliards d'euros d'exonérations en 2016 avaient permis de créer 100 000 emplois -  soit un coût de 180 000 euros par emploi !

Ces exonérations sont scandaleuses. Comment justifier que pendant la crise sanitaire, des grandes entreprises aient profité des aides de l'État pour supprimer des emplois et distribuer des dividendes ?

Dans le même temps, des personnes modestes sont poursuivies par les CAF pour des sommes dérisoires. Demander une étude d'impact est la moindre des choses.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Il y a une erreur d'imputation. Avis défavorable. La proposition de loi introduit le principe d'une évaluation triennale de l'ensemble des niches au regard de l'objectif poursuivi.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°27 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°17, présenté par Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.

Alinéa 13

1° Première phrase

Après les mots :

de l'ensemble de ces mesures

insérer les mots :

et leur impact sur les créations d'emplois et l'évolution des salaires

2° Après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Des évaluations de l'évolution des inégalités salariales entre femmes et hommes, de la transition écologique et énergétique et du respect de l'environnement de la part des entreprises bénéficiaires de ces mesures sont jointes à cette annexe.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Les allègements de cotisations sociales accordés aux entreprises visent à créer des emplois, mais leur effet est insuffisamment évalué.

France stratégie estime le résultat pour 2016 à 100 000 emplois, loin du million d'emplois promis par le Medef.

Les inégalités salariales restent fortes : d'après l'Insee, les femmes perçoivent en moyenne 28,5 % de moins que les hommes. Or, selon la CGT (exclamations ironiques à droite), l'égalité salariale femmes-hommes apporterait 5 milliards d'euros de recettes à la CNAV - preuve que la justice sociale est aussi efficiente au plan budgétaire !

Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), 23 % des décès et 25 % des pathologies chroniques sont imputables à des facteurs environnementaux.

Les exonérations de cotisations sociales doivent être conditionnées à des engagements sociaux et environnementaux, et la représentation nationale être informée des actions mises en oeuvre par les entreprises qui en bénéficient.

La France est championne des dividendes, alors que les grandes entreprises détruisent des emplois. Orientons les aides vers les PME-PMI, plus créatrices d'emplois.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Même avis.

Mme Laurence Cohen.  - Nous soutenons cet amendement, similaire au nôtre. En matière d'égalité salariale entre les femmes et les hommes, la loi n'est pas respectée, de nombreuses entreprises y contreviennent. Quand nous le dénonçons, certains ricanent. (Mme Monique Lubin s'indigne.)

Nous devrions être solidaires pour lutter contre cette discrimination intolérable. Je rappelle au passage que c'est la grande cause nationale du quinquennat... (Mme Michelle Meunier applaudit.)

L'amendement n°17 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°29, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 15, première phrase

Après le mot :

publique

insérer les mots :

et du principe d'égalité d'accès aux soins

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - L'Ondam est un outil imparfait pour piloter les dépenses d'assurance maladie car déconnecté de l'évolution tendancielle des besoins de santé.

Faute de pouvoir maîtriser les dépenses de ville, les gouvernements jouent sur l'enveloppe dédiée aux hôpitaux, avec à la clé une réduction de l'offre publique hospitalière.

La construction de l'Ondam doit mieux prendre en compte les besoins de santé de la population et l'exigence d'égalité d'accès aux soins sur les territoires.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Avis défavorable. (On feint de s'en étonner sur les travées du groupe CRCE.) Votre amendement est satisfait : l'égalité d'accès aux soins fait partie des besoins de santé publique.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Même avis.

M. Bernard Jomier.  - Pourquoi un avis négatif ? On peut dire que tout est compris dans les besoins de santé publique !

L'égalité d'accès aux soins est déterminante -  nous connaissons tous les problèmes de désertification médicale, de fermeture de lits... Certains, à droite, proposent même des objectifs régionalisés - des Ordam - pour pallier ces inégalités d'accès aux soins. Je l'ai récemment entendu d'un président de région qui nourrit de grandes ambitions...

Votre posture idéologique est regrettable, et incomprise des acteurs de santé. Le groupe SER votera l'amendement n°29.

L'amendement n°29 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°18, présenté par Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.

Après l'alinéa 15

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Présentant, pour le dernier exercice clos, l'exercice en cours et l'exercice à venir, le montant des dépenses et des prévisions de dépenses de sécurité sociale relatif aux prix réels de l'ensemble des médicaments ;

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Dans un contexte d'inflation du prix des médicaments - le prix du vaccin contre la covid a augmenté de 2 euros - il est essentiel d'améliorer la transparence du marché pharmaceutique pour renforcer notre démocratie sanitaire et garantir l'accès aux produits de santé.

Un document budgétaire retraçant les dépenses de l'Assurance maladie en la matière permettrait aux parlementaires de jouer pleinement leur rôle de contrôle des dépenses sociales. À ce jour, les PLFSS et leurs annexes 7 ne le permettent pas.

Mme la présidente.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par Mmes Lassarade, Deseyne et Thomas, MM. Cadec, Panunzi, D. Laurent, Pointereau et Burgoa, Mmes Puissat, Dumont et Chauvin, M. Bascher, Mmes M. Mercier, Deromedi, Malet, Joseph et Goy-Chavent, M. Cuypers, Mmes Di Folco et Gosselin, MM. Genet, B. Fournier, Bonhomme, Rapin et Charon, Mmes Bonfanti-Dossat et Gruny, MM. Longuet, Lefèvre, Bouchet et Milon et Mme Lherbier.

Après l'alinéa 15

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Présentant, pour le dernier exercice clos, l'exercice en cours et l'exercice à venir, le montant des dépenses, des prévisions de dépenses de sécurité sociale et des économies relatifs aux médicaments inscrits sur les listes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 162-17, à l'article L. 162-22-7 du présent code et à l'article L. 5126-6 du code de la santé publique ;

Mme Florence Lassarade.  - Les annexes actuelles des LFSS ne permettent pas de retracer le montant des économies imputables au médicament, qui sont disséminées dans les différents sous-objectifs.

D'où l'intérêt d'une nouvelle annexe, pour plus de transparence sur le budget médicament du pays.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°4 rectifié bis, présenté par MM. Henno, Bonnecarrère et Mizzon, Mmes Férat et Guidez, MM. Lafon, Longeot et Canévet et Mme Dindar.

M. Olivier Henno.  - La pluriannualité des informations sera utile au Parlement pour contrôler, au Gouvernement pour piloter, aux citoyens, pour plus de lisibilité, mais aussi aux partenaires et opérateurs pour prévoir leurs dépenses et programmer leurs investissements.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°10 rectifié, présenté par Mme Guillotin, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme N. Delattre et MM. Fialaire, Gold, Guérini, Guiol, Requier et Roux.

Mme Véronique Guillotin.  - Défendu.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Avis favorable aux amendements identiques nos2 rectifié, 4 rectifié bis et 10 rectifié. Demande de retrait de l'amendement n°18 à leur profit.

La rédaction sera toutefois à revoir au cours de la navette.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis défavorable à l'amendement n°18 : laissons des marges de manoeuvre aux négociations.

Les amendements identiques nos2 rectifié, 4 rectifié bis et 10 rectifié, sont satisfaits. Le Président de la République a annoncé en clôture du Conseil stratégique des industries de santé un plan ambitieux en faveur de ce secteur et fixé un objectif de progression annuelle des dépenses de produits de santé au sein de l'Ondam de 2,4 %.

Les annexes 7 sont très détaillées. Inutile de créer une nouvelle annexe spécifique, d'autant que l'amendement ne s'impute pas au bon endroit. Retrait ou avis défavorable.

Mme Florence Lassarade.  - Notre amendement évite la dispersion des informations sur le médicament.

L'amendement n°18 n'est pas adopté.

Les amendements identiques nos2 rectifié, 4 rectifié bis et 10 rectifié sont adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°35, présenté par M. Jomier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 17

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...) Présentant un état des besoins, selon les territoires, des moyens humains, matériels et financiers pour satisfaire les besoins en santé de la population et assurer la réalisation effective du principe d'accès universel à un service public de qualité ;

M. Bernard Jomier.  - Même chose qu'à l'amendement n°34.

L'amendement n°35 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°45 rectifié, présenté par M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéas 18 et 19

Rédiger ainsi ces alinéas :

« a) Détaillant les actions menées en matière de financement de ces établissements et leur bilan rétrospectif, y compris les dotations et leur répartition par région ; 

« b) Retraçant l'évolution prévisionnelle de la dette de ces établissements ;

M. Dominique Théophile.  - Cet amendement supprime l'obligation d'annexer au PLFSS le détail de la structure de financements des établissements de santé, région par région et établissement par établissement. Un tel volume d'information ne serait guère exploitable. Cela risquerait en outre de focaliser le débat sur des enjeux locaux.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Nous ne voulons pas obtenir le détail par établissement, mais mieux distinguer les dotations versées aux établissements - permanence des soins, recherche - et appréhender leurs dépenses d'investissement. Avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis favorable. Le risque est d'annexer à la LFSS des données financières sur chaque établissement, qui seraient peu exploitables. Restons-en à une approche globale.

L'amendement n°45 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°31, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 39

Après le mot :

mesures

insérer les mots :

ainsi que leur impact sur les créations d'emplois et l'évolution des salaires

Mme Laurence Cohen.  - Défendu.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°31 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°19, présenté par Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.

Alinéa 45, avant-dernière phrase

Supprimer les mots :

, pour au moins le tiers d'entre elles

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Nous étendons l'évaluation de l'efficacité des mesures d'exonération au regard des objectifs poursuivis à la totalité des mesures, plutôt qu'au seul tiers prévu dans l'article 2.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Avis défavorable. Tenons-nous en à un rythme triennal.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

L'amendement n°19 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°56, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission.

Alinéas 51 à 53

Supprimer ces alinéas.

L'amendement rédactionnel n°56, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

ARTICLE 3

Mme la présidente.  - Amendement n°57, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission.

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Le premier alinéa de l'article L.O. 111-7 est complété par les mots : « de l'année » ;

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Cet amendement précise que les délais constitutionnels encadrant l'examen des PLFSS ne s'appliquent pas aux projets de loi de financement rectificative et aux projets de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis favorable.

L'amendement n°57 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°11 rectifié, présenté par MM. Requier, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol et Roux.

Alinéas 20 et 21

Supprimer ces alinéas.

M. Bernard Fialaire.  - Cette disposition élève au rang organique le « printemps de l'évaluation » qu'organise chaque année l'Assemblée nationale. Or, le Conseil d'État considère qu'elle établit « une procédure pour laquelle la Constitution ne prévoit pas de renvoi à une loi organique ». Supprimons-la, comme la commission des finances l'a fait de son côté.

L'Assemblée nationale organise ce rendez-vous chaque année depuis 2018, inutile de l'élever au niveau organique. D'autant que la Mecss de chaque assemblée contrôle déjà l'application des LFSS et les évalue.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°12, présenté par M. Savary.

M. René-Paul Savary.  - Nous ne sommes pas dans une saisonnalité de l'évaluation des comptes sociaux, mais bien dans une annualité avec le Mecss, que j'ai l'honneur de présider.

Nous sommes donc opposés à cette proposition, peu élégante au demeurant.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Au Sénat, c'est toujours le printemps : l'évaluation est continue. (Sourires)

Ce dispositif n'a pas à figurer dans la loi organique. Rien n'empêche la conférence des présidents de chaque assemblée de déterminer la façon dont elle évalue les comptes sociaux.

Avis favorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Mon analyse de l'arrêt du Conseil d'État diffère : il ne dit pas qu'il serait inconstitutionnel de faire figurer ce point dans la loi organique. Il nous semblait intéressant de pérenniser un dispositif constructif d'évaluation par le Parlement, le tout restant une faculté à la discrétion des conférences des présidents des assemblées. Avis défavorable.

Les amendements identiques nos11 rectifié et 12 sont adoptés.

L'article 3, modifié, est adopté.

L'article 3 bis est adopté.

ARTICLE 3 TER

Mme la présidente.  - Amendement n°58, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission.

Alinéa 2

Remplacer la référence :

I

par la référence :

II

L'amendement de coordination n°58, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 3 ter, modifié, est adopté.

ARTICLE 3 QUATER

Mme Laurence Cohen.  - Notre groupe s'abstient sur cet article.

L'article 3 quater est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 3 quater

Mme la présidente.  - Amendement n°59, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission.

Après l'article 3 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. O. 111-9-3 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. O. 111-9-4 ainsi rédigé :

« Art. L. O. 111-9-4. La mission d'assistance du Parlement confiée à la Cour des comptes par le premier alinéa de l'article 47-2 de la Constitution comporte notamment :

« 1° La réalisation de toute enquête demandée par les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat saisies au fond des projets de loi de financement de la sécurité sociale, dans les conditions prévues à l'article L. O. 132-3-1 du code des juridictions financières ;

« 2° La production d'un avis sur la cohérence des tableaux d'équilibre du dernier exercice clos, mentionnés à l'article L. O. 111-3-2 du présent code, ainsi que sur la cohérence du tableau patrimonial du dernier exercice clos mentionné au 1° du II de l'article L. O. 111-4-2 du même code ;

« 3° La production du rapport, mentionné à l'article L. O. 132-3 du code des juridictions financières, sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale ;

« 4° La production du rapport, mentionné à l'article L. O. 132-2-1 du même code, de certification de la régularité et de la fidélité des comptes des organismes nationaux du régime général, des comptes combinés de chaque branche et de l'activité de recouvrement du régime général, relatifs au dernier exercice clos, établis conformément au présent livre. Ce rapport présente le compte rendu des vérifications opérées aux fins de certification. »

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Cet amendement précise le contenu de la mission d'assistance du Parlement confiée à la Cour des comptes en ce qui concerne le contrôle de l'application des loi de financement de la sécurité sociale et la certification de la régularité et de la fidélité des comptes du régime général.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis favorable.

L'amendement n°59 est adopté et devient un article additionnel.

L'article 3 quinquies est adopté.

L'article 3 sexies est adopté.

ARTICLE 4

Mme la présidente.  - Amendement n°39, présenté par M. Jomier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

M. Bernard Jomier.  - Cet amendement supprime l'application de la règle d'or en 2025.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°52, présenté par le Gouvernement.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Même chose, en cohérence avec notre proposition de suppression de ce dispositif.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Par cohérence, avis défavorable.

Monsieur le ministre, vos services seront-ils prêts pour une entrée en vigueur dès septembre 2022 ? Disposerons-nous des données nécessaires sur l'exercice 2022 lors de la loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale du printemps 2023 ? Le texte du Sénat vous laissait plus de temps... La clôture des comptes, fixée au 15 mars, sera-t-elle anticipée ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Je fais pleine confiance aux services du ministère pour que tout soit prêt en temps et en heure.

Les amendements identiques nos39 et 52 ne sont pas adoptés.

L'article 4 est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 4

Mme la présidente.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par Mmes Lassarade et Thomas, MM. Cadec, Panunzi, D. Laurent, Pointereau et Burgoa, Mmes Puissat, Dumont et Chauvin, M. Bascher, Mmes M. Mercier, Deromedi, Joseph et Goy-Chavent, M. Cuypers, Mme Gosselin, MM. Genet, B. Fournier, Bonhomme et Charon, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Longuet, Bouchet et Milon et Mme Lherbier.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur la création d'une loi de programmation pluriannuelle de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie. 

Mme Florence Lassarade.  - Une loi de programmation pluriannuelle de la santé donnerait une dimension plus prospective au débat sur les dépenses de santé, tout en prévoyant des orientations budgétaires à plus long terme. Elle pourrait servir de cadre aux LFSS, sur le modèle de la loi de programmation pluriannuelle militaire.

Cet amendement demande un rapport en ce sens.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - La commission des affaires sociales n'est pas favorable aux rapports. Je m'interroge en outre sur le risque d'éventuels doublons ou incohérences.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Une rénovation en profondeur de l'Ondam est engagée, dans le prolongement du Ségur.

Le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a formulé des préconisations, des travaux complémentaires sont programmés. Dans l'esprit, cet amendement est satisfait. Retrait ?

L'amendement n°3 rectifié est retiré.

Intervention sur l'ensemble

M. Dominique Théophile .  - Nous espérions la suppression de la règle d'or et l'intégration de la dette hospitalière au champ des LFSS. Le Sénat en a décidé autrement ; espérons qu'un consensus émergera en CMP. Il serait dommage de limiter la portée des LFSS en imposant un cadre trop contraignant.

Parce que ce texte renforce l'information du Parlement, le groupe RDPI le votera, avec le regard tourné vers la CMP.

La proposition de loi organique, modifiée, est mise aux voix par scrutin public de droit.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°176 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l'adoption 250
Contre 90

Le Sénat a adopté.

Discussion des articles de la proposition de loi

ARTICLE PREMIER

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 5 et 9

Après les mots :

rendus sur

rédiger ainsi la fin de ces alinéas :

le texte déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale. La saisine est effectuée par le Gouvernement au plus tard le lendemain du dépôt.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Le texte de l'Assemblée nationale prévoit que les avis rendus par les caisses de sécurité sociale seront remis directement au Parlement et non plus au Gouvernement. En outre, les caisses auront un délai plus long pour rendre cet avis.

L'avis étant rendu après le dépôt du projet de loi, il n'est en revanche pas utile qu'il porte sur l'avant-projet de loi, qui sera, de fait, déjà caduc.

L'avancement du dépôt du texte permettra de disposer des tableaux d'équilibre suffisamment tôt pour garantir un examen serein du PLFSS.

Enfin, le texte adopté en commission empêcherait que le PLF et le PLFSS soient déposés le même jour au Parlement, ce qui réduirait le temps consacré à l'examen du PLFSS.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Sagesse. L'essentiel est que l'avis soit transmis en même temps que le projet de loi, le plus rapidement possible. Le texte semble le prévoir : le confirmez-vous ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Je confirme que la situation s'en trouvera améliorée, le Parlement gagnera plusieurs jours pour l'examen du PLFSS. Au contraire, le texte de la commission pourrait avoir des conséquences fâcheuses.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur.  - Sagesse positive.

L'amendement n°1 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°2, présenté par M. Vanlerenberghe au nom de la commission des affaires sociales

Après l'alinéa 7

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

... Au III de l'article L. 162-12-22, à la première phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 162-16-1 et au premier alinéa d l'article L. 225-1-4, la référence : « I » est remplacée par la référence : « II » ;

... A la première phrase du II de l'article L. 162-14-1-1, la première occurrence de la référence : « I » est remplacée par la référence : « II » ;

L'amendement de coordination n°2, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

L'article 2 est adopté.

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

La séance est suspendue quelques instants.

Confiance dans l'institution judiciaire (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi et du projet de loi organique, adoptés par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour la confiance dans l'institution judiciaire.

Il a été décidé que ces textes feraient l'objet d'une discussion générale commune.

Discussion générale commune

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Le constat qui m'amène est simple : notre justice fait l'objet d'une défiance grandissante dont les causes sont multiples. Le projet de loi vise à inverser cette tendance qui altère notre démocratie et notre pacte social.

Il est le fruit de mon expérience d'avocat, mais aussi des travaux des commissions que j'ai installées à la Chancellerie et des commissions des lois des deux assemblées.

La justice est considérée à tort comme un monde à part, éloignée de la vie réelle de nos concitoyens. Les Français ne la comprennent plus, ne comprennent plus son langage, la trouvent tantôt trop sévère, tantôt trop laxiste, trop lente.

Il faudra répondre à leurs attentes légitimes et rendre la justice plus transparente, plus proche d'eux et plus protectrice de leurs droits.

En cinq ans, le budget de la justice aura augmenté - un ancien garde des Sceaux parlait même de « clochardisation » de la justice. Mais on ne saurait nier la détermination du Président de la République pour donner à notre justice les moyens qu'elle mérite.

Parce que la défiance prospère sur la méconnaissance, je souhaite que nos concitoyens comprennent mieux la justice du quotidien, rendue en leur nom.

Les médias rendent compte des procès mais ne filment pas les audiences du quotidien. C'est l'objet de l'article premier.

Il ne s'agit nullement de faire de la justice spectacle (M. Philippe Bas s'exclame.), mais de l'expliquer pour qu'elle soit mieux comprise, sans porter atteinte aux droits des parties. Des garanties sont prévues pour assurer la sérénité des débats, la présomption d'innocence, la sécurité des personnes, le droit à l'oubli, le respect de la vie privée, ou encore l'intérêt supérieur des mineurs ou majeurs protégés.

J'estime depuis mes années d'avocature que le lien de confiance repose aussi sur une meilleure connaissance des professionnels du droit. C'est pourquoi j'ai prévu la présence d'avocats honoraires dans les cours d'assises et les cours criminelles départementales et je regrette que la commission des lois ait supprimé ces dispositions novatrices. C'est dans le même esprit que j'ai souhaité que les commissions disciplinaires des avocats soient présidées par des magistrats.

La restauration de la confiance ne peut s'envisager sans respect des droits des justiciables. Les enquêtes préliminaires ne pourront durer plus de deux ans - un an supplémentaire pourrait toutefois être accordé -, ce qui restaure pleinement le rôle du ministère public. Un délai dérogatoire de cinq ans est prévu pour les infractions les plus complexes liées à la criminalité organisée ou au terrorisme. Je suis défavorable à l'ajout de dérogations supplémentaires, à l'exception de celle relative aux affaires de corruption d'agents publics étrangers.

Je me félicite que les mis en cause aient accès à la procédure quand ils sont mis en avant par les médias.

Je défends avec vigueur le secret professionnel des avocats, trop longtemps foulé aux pieds. Les actes d'enquête susceptibles d'y porter atteinte - perquisitions, écoutes téléphoniques, exploitation des factures détaillées - seront mieux encadrés. J'ai entendu la crainte relative à l'efficacité des enquêtes. Mais dissipons les fausses querelles : certes, une enquête est plus facile à conduire sans garantie des droits, mais nous sommes dans un État de droit. Le problème est mal posé : l'efficacité d'une enquête repose d'abord sur le nombre et la formation des enquêteurs. La méfiance à l'encontre des avocats est déplacée. C'est une profession essentielle à l'exercice des libertés et des droits et non un adjuvant à la délinquance. Si les avocats commettent des infractions, la protection du secret professionnel ne trouvera pas à s'appliquer. Il est fantaisiste de prétendre qu'il suffit de mettre un avocat en copie d'un mail pour se soustraire à l'enquête. Je souhaite qu'un compromis se dégage au cours de la navette.

Pour ne pas correctionnaliser les viols, il faut généraliser les cours criminelles départementales. Je connais les réticences du Sénat...

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Et les vôtres !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - ... mais toutes les évaluations, y compris une étude parlementaire, concluent à la nécessaire généralisation des cours criminelles départementales.

Le rappel à la loi était devenu incompréhensible pour nos concitoyens et nos forces de l'ordre. Pis, il portait gravement atteinte à l'autorité de l'État. Il sera remplacé par un avertissement pénal probatoire, issu des travaux de magistrats de terrain et de la Conférence nationale des procureurs de la République. (Exclamations)

Si une nouvelle infraction est commise dans l'année qui suit l'avertissement, la personne sera poursuivie pour les deux infractions. Cette nouvelle mesure ne pourra être prononcée qu'en cas de reconnaissance de culpabilité et d'absence de condamnation préalable, et par le seul procureur ou son délégué. En outre, elle ne pourra concerner des faits de violence commis envers une personne dépositaire de l'autorité publique ou investie d'un mandat électif public. Son entrée en vigueur sera progressive.

Il est nécessaire de comprendre le sens de la peine. C'est pourquoi il faut refondre le système des réductions de peines : celles-ci doivent être graduées selon le mérite de la personne et l'automaticité supprimée.

Le détenu doit bien comprendre ce qui est attendu de lui. Nous voulons limiter les sorties sèches et préférons la libération sous contrainte avec accompagnement, afin de faciliter la réinsertion du condamné. C'est aussi le sens du contrat de travail du détenu que je défends. Je m'engage à ce que les coûts en soient supportés par l'État et non par les entreprises qui font le choix louable d'intervenir en prison.

La discipline des professions du droit doit être renforcée et rénovée. Chaque réclamation sera traitée avec célérité et impartialité. Ces dispositifs, bâtis avec les professions, ont été utilement enrichis par votre commission.

Ce texte contient des dispositions de modernisation du fonctionnement de la justice, en encourageant les modes amiables de règlement des différends, sans intervention du juge. Votre commission a placé le versement de la provision directement entre les mains du médiateur : c'est une bonne chose.

Je vous proposerai de faciliter le recours à la visioconférence à la demande des parties en matière civile et commerciale.

Comme je m'y étais solennellement engagé devant l'Assemblée nationale, je vous proposerai la création d'un conseil de l'accès au droit en Nouvelle-Calédonie.

Je suis convaincu que ce projet de loi fera changer le regard de nos compatriotes sur la justice. Bien sûr, un projet de loi ne suffit pas, mais toutes ses dispositions créent un choc de confiance qu'il nous appartiendra de prolonger lors des prochains États généraux de la justice, sans tabou ni censure, mais avec passion. (Applaudissements sur les travées du RDPI, MM. Philippe Bonnecarrère et Pierre Louault applaudissent également.)

Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois .  - Sixième réforme de la justice du quinquennat, ce projet de loi a pour ambition de redonner confiance en l'institution judiciaire, quand 53 % des Français ne croient pas en la capacité de la justice à répondre à leurs attentes. La justice doit être simple, rapide et effective.

Le Sénat partage ces inquiétudes, comme en témoignent ses nombreuses propositions pour redresser la justice ; encore hier à l'occasion de l'Agora de la justice organisée dans nos murs.

Ce texte s'apparente à un catalogue de mesures techniques d'inégale portée. La confiance ne se décrète pas, elle s'acquiert. Il faut pour cela un travail parlementaire serein et non des rafales de textes. La succession des messages du Président de la République brouille la compréhension : Beauvau de la sécurité, États généraux de la justice, examen du projet de loi...

La diffusion des audiences doit avoir une visée pédagogique, informative, scientifique ou culturelle : cela ne saurait être ni de la communication gouvernementale ni du sensationnalisme. En outre, la participation au procès doit être gratuite pour les parties.

Il est urgent d'apaiser le monde judiciaire. Magistrats, avocats, policiers, greffiers et officiers publics font vivre la justice au quotidien, mais sont trop souvent l'objet d'attaques infondées. Nous saluons l'augmentation des crédits et des moyens humains de votre ministère, mais regrettons l'accumulation des réformes.

La généralisation des cours criminelles départementales est prématurée. Certes, les premiers retours sont positifs, mais avec la crise sanitaire et la grève des avocats, les évaluations n'ont porté que sur un nombre restreint d'affaires : prolongeons l'expérimentation jusqu'à mai 2023.

Dans un souci d'apaisement et de clarification du rôle de chacun, la commission a supprimé la présence des avocats honoraires au sein des cours d'assises et des cours criminelles départementales.

Simone Veil considérait que la prison devait « servir à élever intellectuellement les détenus, et pas seulement les punir ». Le travail pénitentiaire a diminué de moitié en vingt ans : il ne concerne plus que 29 % des détenus aujourd'hui. Le contrat d'emploi pénitentiaire est une avancée. Nous serons vigilants à ne pas décourager les opérateurs économiques : les coûts doivent être supportés par l'État.

Enfin, dévoilé tardivement, l'avertissement pénal probatoire offrira une alternative nécessaire au rappel à la loi.

« Faire justice est bien. Rendre justice est mieux » estimait Victor Hugo. C'est en nous appuyant sur les professionnels de la justice que nous reconstruirons collectivement le lien entre les Français et l'institution judiciaire, base de notre État de droit. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur de la commission des lois .  - Le Sénat aborde cette discussion de manière constructive.

Deux éléments : voici un texte de paradoxes, et les points d'accord entre la commission de lois et le Gouvernement sont plus nombreux que nos désaccords qui sont connus et argumentés.

Paradoxe : ce texte est-il de nature à rendre confiance en la justice à nos concitoyens ?

M. Philippe Bas.  - Non ! (Rires)

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - Voilà une réponse claire et nette. Nos concitoyens doutent de la justice civile et de la justice pénale.

Le ministre s'est dit « décroissant législatif ». Or nous examinons plus d'un texte pénal par an ! Et les textes récents -  sur le séparatisme, sur le climat  - sont généreux en nouvelles infractions. Le ministre prévoit de nouveaux objectifs, de nouvelles procédures, de nouvelles dépenses....

Nous sommes en désaccord sur la réalité de l'enquête judiciaire dans notre pays, sur l'équilibre entre les droits de la défense et l'activité de conseil des avocats et sur les avocats honoraires que vous voulez introduire partout. Nous avons du mal à comprendre cette passion, sinon qu'il faudrait éviter l'entre-soi des magistrats. C'est la nostalgie du paradis perdu des avocats et magistrats hébergés dans le même palais de justice...

Nous abordons cette discussion sans tabou ni censure. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Dany Wattebled.  - « Faire une loi et ne pas la faire exécuter, c'est autoriser la chose qu'on veut défendre », disait Richelieu.

Sans une justice forte et efficace, c'est l'ensemble de la société qui vacille. Et pourtant, plus de la moitié des Français n'a pas confiance dans la justice.

Je salue l'augmentation du budget de la justice obtenue par le garde des Sceaux. Elle est significative et l'effort devra être poursuivi, notamment dans la prochaine loi de finances.

Pour que la justice cesse d'être le coupable idéal, il est nécessaire de faire mieux connaître son fonctionnement : c'est pourquoi nous sommes tout à fait favorables à la diffusion des procès.

La justice a besoin de transparence lorsqu'elle se rend, mais de secret lorsqu'elle se prépare. Ce secret doit être garanti tant que l'enquête n'est pas terminée. Il est inacceptable que des médias condamnent moralement avant le verdict du juge.

La limitation de la durée des enquêtes préliminaires est une bonne mesure, mais elle supposera le renforcement des moyens humains.

La décision de prudence de la commission des lois de poursuivre l'expérimentation des cours criminelles départementales n'est pas un signe de défiance.

Le manque de places de prison ne saurait motiver des réductions de peine. Il faut récompenser celui qui renoue avec les valeurs de notre société et qui prépare sa réinsertion.

Saluons les dispositions relatives à l'encadrement du travail des détenus qui éloigneront « l'envie, le vice et le besoin », selon les mots de Voltaire.

Je constate que la justice civile et commerciale est peu abordée par le texte alors qu'elle est plus fréquemment connue des Français.

Je suis favorable aux modes alternatifs de règlement des différends qui désengorgent les tribunaux.

Le groupe Les Indépendants votera ce projet de loi.

M. Guy Benarroche .  - Ce texte laisse un goût d'inachevé. Pourtant, l'intention était louable et le constat juste ; mais la réponse ne peut être de rogner les droits de la défense et la capacité des juges à juger.

La morale du texte qui nous est présenté semble être : « la justice est trop lente, court-circuitons-la ». Drôle de remède... Certes, la justice est trop lente, mais, dans votre course à l'affichage, vous éloignez encore plus le juge du justiciable.

Vous nous proposez un changement de philosophie du droit, qui s'écarte de la personnalisation de la peine. C'est un recul. Il faut faire plus simple, certes, mais surtout plus juste. Pourquoi pas des algorithmes ou des machines à juger ? Rien sur les mineurs - ou plutôt un amendement de rattrapage.

Trompe-l'oeil, votre remplacement du rappel à la loi... Il apporte de l'eau au moulin de ceux qui estiment que la justice ne condamne jamais assez.

Rien sur les travaux d'intérêt général (TIG). Or la prison n'est pas la seule sanction efficace. Encore faudrait-il évaluer l'efficacité...

Rien sur les conditions des détenus, en dépit du rapport de la contrôleuse générale des lieux privatifs de liberté et des multiples condamnations de la France. Vos propositions sont parfois bien éloignées des réalités de terrain : les activités culturelles ou intellectuelles ne sont pas accessibles à tous en détention.

Je regrette que la commission des lois n'ait pas supprimé l'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance sur la question du travail en prison.

Certes, le budget de la justice a augmenté, mais votre projet de loi manque d'une vision globale et va vers une justice toujours plus punitive et vindicative. C'est un leurre inefficace.

Le GEST votera donc contre ce texte.

M. Thani Mohamed Soilihi .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Le colloque de la commission des lois l'a confirmé hier : nos concitoyens ont une confiance limitée dans l'institution judiciaire.

Certes, il ne faut pas livrer la justice au tribunal de l'opinion, comme le rappelait Philippe Bas hier soir, mais saisir les ressorts de la défiance et agir sur ceux-ci. La lenteur de certaines procédures, leur opacité, le sens de l'appel interrogent.

On peut certes appréhender le projet de loi en creux : j'évoquerais pour ma part la justice de proximité, l'augmentation importante des moyens et les futurs États généraux qui s'inscrivent dans l'esprit constructif de l'Agora d'hier.

Si l'on regarde les apports du projet de loi, de nombreux points de convergence apparaissent : le fonctionnement de la justice sera mieux connu grâce à la publicité des audiences ; les enquêtes préliminaires seront ouvertes au contradictoire et leur durée variera selon leur complexité ; la protection du secret de l'enquête et de l'instruction a été utilement améliorée par les rapporteurs qui ont également renforcé les procédures disciplinaires des professionnels du droit.

Éviter les sorties sèches, ne plus automatiser les réductions de peine, créer un contrat d'emploi pénitentiaire, remplacer le rappel à la loi améliorent le sens de la peine et font consensus.

Nous débattrons de nombreux points dans les heures à venir, comme la présence de l'avocat lors des perquisitions ou la généralisation des cours criminelles départementales.

La justice doit remplir son office pour assurer notre pacte social.

Le RDPI votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Comment restaurer la confiance dans la justice quand la moitié de la population n'y croit plus ? Les Français sont partagés entre ceux qui appellent au tout répressif et ceux qui veulent vider les prisons. Je grossis le trait, mais je partage cette seconde opinion : dans le cadre de la protection judiciaire de la jeunesse, l'incarcération en centre éducatif fermé est souvent le premier pas vers la récidive et un parcours judiciaire tortueux.

Un point d'accord entre tous les Français : entre une infraction, le prononcé de la peine et son exécution, il s'écoule beaucoup trop de temps et la France a été condamnée.

Le texte dit peu de la justice du quotidien, la justice civile. Pourtant, les chiffres sont là : pour 1 million d'affaires pénales chaque année, on compte plus de 2,25 millions de décisions rendues au civil.

Ce texte est de surcroît décalé, compte tenu de l'ouverture prochaine des États généraux de la justice.

La commission des lois a substantiellement modifié ce projet de loi, qui convient pour partie au RDSE. C'est ainsi que nous sommes favorables à l'enregistrement des audiences, sous réserve des garanties apportées par la commission. Nous proposerons toutefois une expérimentation et le renforcement des garanties aux personnes enregistrées. Nous sommes également favorables à la réduction des délais de l'enquête préliminaire. Nous suivrons la commission des lois sur la prolongation de l'expérimentation des cours criminelles départementales. Comme de nombreux Français, nous restons très attachés aux cours d'assises. Nous sommes enfin favorables à la clarification de conditions de travail des détenus.

Nous défendrons des amendements sur la médiation et les huissiers.

Favorables au principe de l'avertissement pénal probatoire, nous déplorons néanmoins l'absence d'étude d'impact. Et nous regrettons le texte de la commission sur le secret professionnel des avocats : c'est un recul.

Nous saluons le contexte de hausse des crédits de la justice.

Le chemin de la confiance sera long. Nous tâcherons d'y remédier ensemble : ce texte est un premier pas.

Le groupe RDSE réserve son vote en fonction du sort de ses amendements. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Cécile Cukierman .  - Ce projet de loi nous laisse sceptiques, sur la forme comme sur le fond. Et sur le contexte : à la veille des élections, projets, états généraux et débats sur la justice se multiplient.

Ce projet de loi rassemble des mesures éparses et sans cohérence. Certes, filmer les audiences a une vertu pédagogique, à condition d'encadrer le dispositif. Mais la perte de confiance des citoyens dans leur justice a aussi d'autres causes : les citoyens doutent de l'impartialité des juges, de leur relation avec le pouvoir politique ; l'indigence des moyens de la justice affecte la qualité des décisions et les délais de jugement.

La diffusion d'images ne résoudra pas tout. Il faut des réformes institutionnelles profondes.

Ce projet de loi élude la question de la justice civile, pourtant au coeur du quotidien de nos compatriotes. Nous saluons toutefois la suppression de la juridiction nationale des injonctions de payer, créée par votre prédécesseur.

Nous saluons aussi les mesures sur le travail en détention. Le contrat clarifie les relations entre donneur d'ordre et détenu. Hélas, cela se fera par ordonnance.

Sur l'exécution des peines, ce qui est donné d'une main est repris de l'autre...

En l'état, ce projet de loi ne nous convient pas, malgré quelques évolutions positives, notamment sur le travail des détenus ou la déontologie. Nous regrettons le remplacement des rappels à la loi par un Canada Dry de justice ainsi que la généralisation des cours criminelles départementales -  les infractions sexuelles ne peuvent échapper à la justice du peuple.

Ce projet de loi relève d'une logique dictée par les aléas politiques et médiatiques. C'est dommage, car oui, il y a urgence à restaurer la confiance. L'institution judiciaire doit être tournée vers les citoyens : elle est là pour eux. Nous ne voterons pas ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Hussein Bourgi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Dans tout pays démocratique, l'État de droit se mesure à la confiance entre les citoyens et les institutions régaliennes.

Or, un Français sur deux se défie de notre système judiciaire ; pour 62 % d'entre eux, notre justice fonctionne mal. Ces chiffres cruels témoignent d'un décrochage profond.

Les tribunaux sont engorgés ; magistrats et greffiers croulent sous les dossiers ; au tribunal judiciaire de Nîmes, point de juge spécialisé dans les affaires économiques et financières ; les inégalités territoriales sont criantes ; les procédures allongent l'audiencement ; les parties civiles sont délaissées.

Monsieur le garde des Sceaux, vous vouliez améliorer la justice et les conditions de travail des magistrats, mais votre bilan est contrasté. Malgré la hausse des crédits, insuffisante, vous n'avez pas pu corriger de nombreux travers.

Les acteurs du système judiciaire sont crispés. Derrière un titre ambitieux, ce projet de loi, est une addition de mesures techniques et d'ajustements qui ne règlent pas les problèmes de la justice du quotidien.

Que dire du contexte, alors que ce texte intervient avant les États généraux ? Le message du Gouvernement est brouillé. La confiance en la justice ne se décrète pas, elle se construit jour après jour, elle se mérite.

Malgré l'intérêt d'enregistrer et de diffuser les audiences, cela renforcera-t-il la confiance ?

Je vous pensais attaché à la justice populaire. Vous l'aviez affirmé en 2017. Or vous voulez désormais généraliser les cours criminelles départementales. Vous avez le droit de changer d'avis, mais votre position est paradoxale.

Les citoyens ne sont plus que de simples téléspectateurs, entre « Au théâtre ce soir » et « Faites entrer l'accusé ». (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER)

Selon les professionnels de la justice, votre réforme pourrait avoir deux effets pervers. La nouvelle réforme va multiplier les sorties sèches ; entravant la lutte contre la récidive. En outre, certains détenus risquent de rester plus longtemps en prison, alors que l'exécutif veut réduire la surpopulation carcérale.

La suppression du rappel à la loi - 21 % des réponses pénales - n'était remplacée par rien. C'était le meilleur moyen de renforcer l'impunité judiciaire ! Le rappel à la loi représente la moitié des mesures alternatives aux poursuites. Heureusement, vous avez changé d'avis !

Nous regrettons le recours aux ordonnances aux articles 14, 15, 27 et 32. Il appartient au Parlement de légiférer ! Aussi, nous saluons le travail de la commission des lois sur ce point. Il vous faut travailler avec les Parlementaires, Monsieur le garde des Sceaux.

Nous regrettons aussi le silence du texte sur la justice du quotidien. Rien, comme souvent, sur la justice civile, commerciale ou familiale, alors que la justice civile rend 2,2 millions de décisions par an contre 800 000 pour la justice pénale.

Je crains que ce texte ne soit que de peu d'utilité. Aussi, notre groupe tentera de le renforcer. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. Philippe Bas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) J'ai été surpris du décalage entre l'objet annoncé du texte et son contenu réel.

Il compte des dispositions hétéroclites et de portées inégalées, ce qui ne justifie pas le caractère présomptueux de l'ambition affichée.

Certaines mesures sont utiles, mais nous sommes loin du grand soir du service public de la justice. Du reste, le Gouvernement annonce d'autres textes, comme s'il avait du temps devant lui et qu'il pouvait faire en quelques mois ce qu'il n'a pas accompli en cinq ans.

Il serait plus juste de qualifier ce texte de projet de loi portant diverses dispositions sur la justice, bien que cette question soit secondaire. (M. le ministre le confirme.)

Vous avez souhaité organiser des états généraux de la justice. Nous y avons participé dans le cadre de l'Agora de la justice, organisée hier au Sénat. Ce fut un moment fort au cours duquel nous avons mesuré l'engagement des professionnels.

Nous voulons aider la Chancellerie à renouer avec les professionnels du monde judiciaire.

Monsieur le garde des Sceaux, vous avez raison : nous ne pouvons laisser perdurer la défiance entre les Français et la justice ni laisser cette dernière en pâture au tribunal de l'opinion.

Les états généraux doivent commencer par un état des lieux loyal et impartial.

La justice civile rend plus de deux millions de décisions chaque année touchant au quotidien des Français : famille, consommation, loyers, licenciements, salaires... Le texte ne l'évoque pas, alors que les délais de jugement ne cessent de s'allonger pour atteindre désormais un an et je ne parle même par des prud'hommes où la situation est encore plus critique. Il ne peut y avoir de confiance dans ce contexte.

Les délais ne sont guère meilleurs en termes de justice pénale, puisqu'il faut deux ans entre l'instance et l'appel pour traiter les affaires de délinquance et soixante mois pour les affaires criminelles. La réponse pénale n'est pas efficace, alors que la France fait face à une forte augmentation des violences sur les personnes, notamment sur celles en charge de la sécurité de nos concitoyens. Le Président de la République lui-même l'a reconnu en avril. Ce constat d'échec me navre, tout autant que lui. Nos concitoyens s'en désolent et je ne suis pas sûr qu'on les rassurera avec l'avertissement pénal probatoire ou l'enregistrement des procès.

Parallèlement, les engagements n'ont pas été tenus s'agissant de la construction de places de prison. Monsieur le garde des Sceaux, vous vous dites ulcéré du procès fait au Gouvernement sur les 15 000 places de prison que le Président de la République s'était engagé à construire pendant son quinquennat et qui ne l'ont pas été.

Moi, je suis ulcéré que l'on puisse oser prétendre qu'elles l'ont été. Seules 2 000 places ont été ouvertes, mais elles avaient été engagées par Jean-Jacques Urvoas sous le précédent quinquennat, et 650 sont en cours de réalisation. Et rien de plus !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - C'est faux !

M. Philippe Bas.  - Des marchés sont notifiés pour 3 450 places, mais ne seront pas disponibles avant des années. (M. le garde des Sceaux proteste.) Cela pose un grave problème démocratique.

L'augmentation des crédits est bienvenue, mais elle arrive tardivement et demeure erratique, d'autant que les crédits sont régulièrement sous-consommés. Nous n'aurons pas rattrapé le retard à la fin du quinquennat, en fonctionnement comme en investissement.

Le budget 2022 n'est pas soutenable et n'engage à rien... Il faudra recommencer au second semestre 2022 et le compte n'y sera pas.

Le Sénat est engagé depuis longtemps pour une rénovation de la justice, qui ne doit pas être un enjeu de lutte politique ni le domaine des bateleurs d'estrade.

Mon groupe soutiendra les apports de la commission des lois et votera ce texte même si je ne suis pas favorable à l'enregistrement des audiences dont je crains qu'il ne biaise les débats. Le Sénat, comme toujours, se montrera constructif. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Dominique Vérien .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le titre de ce texte sonne comme un aveu : les Français n'ont plus confiance en la justice. C'est d'autant plus regrettable que cette institution est pourtant au coeur de notre pacte social.

Les raisons sont multiples : délais, application des peines, prévention de la récidive...

Sur le principe, ce texte est donc bienvenu. Atteint-il son objectif ?

De prime abord, j'étais favorable à la diffusion des audiences. Mais quel impact sur les parties ? Au Sénat, être filmé influe sur notre comportement. Heureusement, les rapporteurs ont encadré cette mesure.

La limitation de l'enquête préliminaire à deux ans ne concernerait qu'une minorité de dossiers. Elles sont déjà 92 % à être achevées dans ce délai. Seules 3,2 % ont une durée supérieure à trois ans. Je suis très surprise de ces chiffres et je crains de nombreux classements sans suite faute de pouvoir engager des poursuites...

Les enquêtes pour terrorisme ne seront pas concernées, de même, grâce aux rapporteurs, que les enquêtes financières.

La suppression du rappel à la loi a fait couler beaucoup d'encre, mais, monsieur le garde des Sceaux, nous vous suivrons sur la solution que vous proposez.

La généralisation des cours criminelles départementales ne peut se faire qu'à condition que les moyens humains soient accrus en conséquence. Elle paraît donc prématurée.

Je suis favorable, comme beaucoup, à la fin des remises de peine automatiques et aux mesures sur les contrats d'emplois pénitentiaires.

Il est bon également de renforcer la déontologie applicable aux différentes professions judiciaires. Il en faudra néanmoins plus pour rétablir un véritable lien de confiance, mais les mesures du texte sont bienvenues. Nous le voterons. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je veux répondre à M. Bas. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et SER) Que vous le vouliez ou non... Il y avait 8 427 magistrats au 1er janvier 2017 ; nous en sommes à 9 090 et nous poursuivons nos efforts. Ces chiffres sont incontestables. Le taux de vacances était de 6,22 % en 2017. Il sera au 1er novembre 2021 de 0,56 %, malgré vos propos.

M. Philippe Bas.  - Ai-je dit le contraire ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Oui, dans votre discours un peu fumeux et purement politicien. La critique pour la critique est insupportable ! (Exclamations outrées sur les travées du groupe Les Républicains) À vous entendre, nous n'avons rien fait ! (Marques de protestation sur les mêmes travées)

Voix à droite.  - Un peu de respect !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - C'est vous qui ne respectez pas mon travail à la Chancellerie ! (Marques de protestation sur les mêmes travées)

Mme la présidente.  - Que chacun baisse d'un ton, dans la forme et sur le fond !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je vous opposerai des chiffres : 10 000 fonctionnaires de greffes ont été recrutés entre 2017 et 2021. Sur les délais, je partage votre constat, mais les stocks n'ont augmenté qu'à cause de la covid et d'une grève de six mois des avocats. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie le conteste.)

M. Philippe Bas.  - À qui la faute ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Vous n'avez jamais connu de grèves quand vous étiez au pouvoir ? Souffrez que je réponde à vos propos ! Nous avons envoyé des personnels en nombre pour réduire les stocks aussi bien au civil qu'au pénal.

Vous avez tort aussi sur les places de prison : 7 000 seront livrées en 2022-2023. En 2018, le Président de la République a annoncé 15 000 places en dix ans. Elles seront livrées en 2027, soit 75 000 places au total, sans compter les réfections complètes comme à Fleury-Mérogis.

Vous avez peu de leçons à nous donner ; ainsi vous avez supprimé des postes de policiers...

M. Bernard Bonne.  - Ce reproche va durer vingt ans !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - ... alors que nous avons créé des postes de magistrats. Nous en avons fait plus sur la régalien sur une seule mandature que vous pendant de très nombreuses années ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Vous pensiez que j'allais aller à Canossa ? Souffrez que je vous réponde ! (Nouvelles exclamations)

Vous critiquez le manque de mesures sur la justice civile, mais nous avons considérablement accru le recours à la médiation et réformé le divorce. Bien sûr que ce texte ne suffira pas à rétablir la confiance, mais il y participera.

Comment rétablir la confiance ? Certains parlent de la justice sans la connaître. En filmant les audiences, je la montre. Il y aura un débat après la diffusion, avec des experts. Nos compatriotes appréhenderont mieux la justice quand ils auront visionné ces audiences, parce qu'ils la comprendront mieux.

Mettre fin à des enquêtes préliminaires qui durent quatre ans et demi, avec un feuilletonnage médiatique, sans pouvoir répondre, ne rendra-t-il pas confiance en la justice ?

Ce projet de loi n'est pas une révolution copernicienne, mais il fait bouger les choses. La médiation rétablira aussi un peu la confiance.

Ces petites briques ne règleront pas tout - ce serait présomptueux et imbécile de le dire - mais elles contribueront à rétablir la confiance.

Même chose pour le secret professionnel des avocats, promis par François Hollande, sans être mis en oeuvre. Les dispositions déontologiques concerneront aussi les notaires, les huissiers et les avocats. Les professionnels le demandaient.

Ces petites choses sont importantes pour rétablir de la confiance. Il restera du travail, bien sûr, notamment lors des États généraux et je regarde avec respect votre rencontre d'hier.

Selon Guy Benarroche, c'est un texte élitiste. Vous l'avez mal lu. C'est blessant ! Je parle de l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et du calcul. Se lever le matin, pour certains gamins, c'est un terrible effort m'a récemment dit une éducatrice. Il faudra le prendre en compte.

La plateforme TIG360 fonctionne à plein. Elle sera ouverte aux avocats le 4 octobre.

Hussein Bourgi a repris la déclaration que j'avais faite il y a quelques années. Va-t-on me le reprocher sans cesse ? François Hollande, lui, a dit que la justice était une institution de lâches. Je ne l'ai jamais dit, moi !

Quand j'étais avocat, j'étais opposé à la cour criminelle départementale car je ne voulais pas qu'elle balaye la cour d'assises à laquelle j'étais très attachée. Puis, ministre, j'ai vu que les magistrats et les avocats, exception faite de quelques braillards, étaient satisfaits de cette nouvelle juridiction, que les appels étaient dix fois moins nombreux qu'aux assises, qu'elle permettait de régler la correctionnalisation des viols dont les victimes ne voulaient plus, et, enfin que les audiencements étaient beaucoup plus rapides.

Cette juridiction étant plus efficace, j'ai décidé de la conserver.

J'ai renforcé la souveraineté populaire. Avant, un homme pouvait être condamné en cour d'assises sans majorité de voix du jury.

Vous avez évoqué Nîmes et Nantes. On ne peut pas faire mentir les chiffres. À Nîmes, 40 magistrats au siège, il est complet ; 11 magistrats au parquet avec deux vacances dont une sera comblée en janvier. Il y a 6 % de vacances des fonctionnaires. À Nantes, il n'y a pas de vacances de magistrats, 23 agents ont été recrutés, soit une augmentation de 11 % des effectifs. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

La discussion générale est close.

La séance est suspendue quelques instants.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme Christine Herzog .  - Ce projet de loi vise à restaurer la confiance des Français dans la justice. L'article premier autorise l'enregistrement sonore ou audiovisuel d'une audience en vue de sa diffusion. Ce n'est pas suffisant. Qu'en est-il des interrogatoires, des confrontations ou des reconstitutions ?

Le 4 février 2021 j'avais proposé, dans le cadre du projet de loi sur la justice de proximité, la possibilité pour la personne interrogée de se voir fournir un procès-verbal de son interrogatoire, signé par les deux parties.

La justice étant indépendante, elle se doit d'être la plus transparente possible. Actuellement, seule l'autorité enquêtrice peut relire les déclarations.

Monsieur le ministre, intervenez aux articles 114 et 6D-1 du code de la procédure pénale pour autoriser la fourniture de ce procès-verbal, ou une photographie de ce document.

Le grand avocat que vous êtes devrait soutenir ma proposition en faveur des droits de la défense.

Mme Esther Benbassa .  - J'ai quelques réserves sur l'article premier. Il ne faut pas que les prétoires se transforment en justice spectacle.

L'article premier va à l'encontre du droit à l'oubli, du droit à l'image et du règlement général sur la protection des données (RGPD). Les parties doivent être clairement informées de l'enregistrement. Le motif d'intérêt général est bien trop vague.

Il faut garantir le droit des personnes concernées. Pourquoi ne pas créer un juge de la mise à l'image ? Ce projet de loi ne doit laisser place à aucune ambiguïté.

Mme la présidente.  - Amendement n°231, présenté par Mme Canayer, au nom de la commission.

Alinéa 2

Remplacer le mot :

huitième

par le mot :

sixième

L'amendement rédactionnel n°231, accepté par le Gouvernement, est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°43 rectifié, présenté par Mmes Bonfanti-Dossat, Gosselin et Puissat, M. Bascher, Mme Belrhiti, MM. Burgoa, Brisson, Calvet, Bonhomme, Belin, Bouchet et Gremillet, Mmes Lherbier et Delmont-Koropoulis et MM. Milon et H. Leroy.

I. -  Alinéa 7, première phrase

Après la référence :

38 ter

insérer les mots :

, et à titre expérimental, pour une durée de cinq ans

II. -  Après l'alinéa 15

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ....  -  Au plus tard six mois avant le terme de l'expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport procédant à son évaluation.

Mme Christine Bonfanti-Dossat.  - Le Gouvernement propose que les audiences puissent être enregistrées et diffusées. L'intention est louable mais les conséquences sont nombreuses. Un enregistrement sur internet peut être détourné.

Une personne non habituée aux caméras manquera, en outre, de spontanéité, ce qui pourrait nuire à la liberté des débats.

La transparence existe déjà puisque le public peut se rendre à une audience. C'est pourquoi je demande une expérimentation de ce dispositif pendant une durée de cinq ans.

Mme la présidente.  - Amendement n°69, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

I.  -  Alinéa 7, première phrase

Apre?s la référence :

38 ter

inse?rer les mots :

et a? titre expe?rimental pour une dure?e de cinq ans

II.  -  Apre?s l'aline?a 19

Inse?rer un aline?a ainsi re?dige? :

« ....  -  Au plus tard trois mois avant l'expiration du de?lai de fin de l'expe?rimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport proce?dant a? l'e?valuation de l'expe?rimentation pre?vue au pre?sent article. »

Mme Cécile Cukierman.  - Cette mesure est précipitée. Il faut tirer les enseignements des expériences des autres pays. La CNIL n'a pas été consultée. Nous voulons une expérimentation au regard de la complexité du sujet.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°103 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Bilhac, Cabanel et Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Requier et Roux.

Mme Maryse Carrère.  - L'enregistrement des audiences est un bouleversement. Être filmé n'a rien de neutre. La transcription télévisuelle subira un montage, puisqu'elle pourra être partielle. Nous ne connaissons pas les effets d'une telle diffusion.

C'est pourquoi cet amendement prévoit une expérimentation.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Cet article modifie l'article 38 ter de la loi de 1881 sur la liberté de la presse. La commission des lois a précisé le motif d'intérêt public, Madame Benbassa : il devra être d'ordre pédagogique, informatif, scientifique ou culturel.

Nous avons apporté des garanties.

La diffusion ne peut intervenir qu'une fois tous les recours épuisés. La durée de cinq ans n'est donc pas opérationnelle. Avis défavorable à ces amendements.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable. La CNIL n'a pas à être saisie, avant le stade du décret.

Robert Badinter avait songé à l'enregistrement mais les moyens techniques n'étaient pas adaptés à l'époque. Le procès Dominici, par exemple, a été filmé, mais à cause du bruit, nous avons renoncé ensuite aux enregistrements.

Aujourd'hui, les caméras sont discrètes et elles finiront par être oubliées. Dans les dictatures, la justice n'est pas rendue publiquement. Dans une démocratie, oui. En outre, tout le monde ne peut pas assister à un procès : la contenance des salles d'audience n'est pas extensive à l'infini.

De nombreuses juridictions filment déjà leurs audiences : la CEDH, le Conseil constitutionnel, le Conseil d'État, la Cour de cassation. Si le procès Halimi avait été filmé, on aurait compris que la décision de la justice était due à un manquement dans la règle de droit.

Avis défavorable à ces amendements, donc.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ce débat est majeur.

Il ne doit pas y avoir de confusion entre les audiences, actuellement publiques sauf circonstances exceptionnelles, et ce qui nous est proposé : que des audiences non publiques soient filmées - y compris pour des mineurs, ce qui personnellement me choque.

Si une audience n'est pas publique, c'est qu'il y a une raison, liée à la matière jugée.

Certes, la personne concernée doit donner son accord. Mais lorsque vous êtes dans le cabinet d'un juge d'instruction, vous n'avez pas pour première préoccupation d'autoriser la diffusion ou non...

Je ne vois pas non plus comment on pourra respecter la vie privée et la présomption d'innocence avec ce type de diffusion.

Oui, la justice doit être rendue publiquement, mais dans les salles d'audience. Je voterai donc contre ce qui est proposé, y compris sous la forme expérimentale.

L'amendement n°43 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements identiques nos69 et 103 rectifié.

Mme la présidente.  - Amendement n°65, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 7, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

sur une chaîne du service public

Mme Cécile Cukierman.  - Nous pourrions souscrire à la visée pédagogique de la mesure : permettre à nos concitoyens de se faire une idée plus précise de la justice. Il faudrait toutefois que cela concerne des affaires du quotidien et non de grandes affaires médiatiques.

Si les enregistrements ne peuvent être diffusés sur le site du ministère, il faut au moins qu'ils le soient sur une chaîne du service public.

Mme la présidente.  - Amendement n°117, présenté par M. Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 7, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

par un organisme du secteur public de la communication audiovisuelle

M. Hussein Bourgi.  - Au regard des objectifs d'éducation civique assignés au dispositif, il paraît souhaitable que l'enregistrement et la diffusion des audiences soient réalisés par les seules chaînes du service public, moins soumises aux pressions d'audimat.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Nous comprenons l'intention, mais les garanties apportées à l'article premier sont suffisantes pour éviter le trash et le sensationnel. La commission les a d'ailleurs renforcées en prévoyant une visée pédagogique, informative, culturelle ou scientifique, quel que soit le diffuseur. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je n'ai rien à ajouter. Public ou privé, le diffuseur sera tenu se conformer aux prescriptions du législateur.

L'amendement n°65 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°117.

Mme la présidente.  - Amendement n°159 rectifié, présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Alinéa 7, première phrase

Comple?ter cette phrase par les mots :

, dans le respect du droit a? l'oubli et du re?glement (UE) 2016/679 du Parlement europe?en et du Conseil du 27 avril 2016 relatif a? la protection des personnes physiques a? l'égard du traitement des données a? caracte?re personnel et a? la libre circulation de ces donne?es, et abrogeant la directive 95/46/CE

M. Guy Benarroche.  - Le dispositif d'enregistrement et de diffusion des procès devra être compatible avec le RGPD comme avec le droit a? l'oubli.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Le règlement européen est d'application directe. Quant au droit à l'oubli, son respect est assuré par l'alinéa 74 de l'article premier. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°159 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°142, présenté par M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 7, troisième phrase

Après le mot :

avis

insérer les mots :

non contraignant

M. Hussein Bourgi.  - C'est à la justice d'apprécier, de façon indépendante, l'opportunité de l'enregistrement. La décision doit appartenir au président du Tribunal des conflits, au vice-président du Conseil d'État, au premier président de la Cour de cassation ou au premier président de la Cour des comptes, chacun pour son ordre de juridiction.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Satisfait, car l'avis simple du ministre est nécessairement non contraignant. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°142 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°217 rectifié bis, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 7, dernière phrase

1° Remplacer les mots :

sur proposition

par les mots :

après avis

2° Remplacer les mots :

les premiers présidents de cour d'appel concernant les cours d'appel et les juridictions de l'ordre judiciaire dont les décisions relèvent des cours d'appel

par les mots :

le premier président de la cour d'appel concernant les cours d'appel et les juridictions de l'ordre judiciaire de leur ressort

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Cet amendement clarifie la rédaction relative aux autorités décisionnaires en matière d'enregistrement et de diffusion pour inclure les audiences devant les tribunaux judiciaires et les tribunaux de proximité portant sur des affaires de moins de 5 000 euros.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°232, présenté par Mme Canayer, au nom de la commission.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Défendu.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Ces amendements sont bienvenus.

Les amendements identiques nos217 rectifié bis et 232 sont adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°66, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 8, première phrase

1° Remplacer les mots :

est subordonné

par les mots :

et la diffusion sont subordonnés

2° Compléter cette phrase par les mots :

et de toutes les personnes présentes

Mme Michelle Gréaume.  - Cet amendement étend le recueil de l'accord préalable a? l'enregistrement a? toutes les personnes présentes a? l'audience, et non aux seules parties au litige. Cette préconisation de l'Union syndicale des magistrats et du Syndicat de la magistrature vise notamment à assurer le respect du droit à l'image des professionnels participant à l'audience.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Les personnes présentes autres que les parties - témoins, experts, professionnels - peuvent demander leur anonymisation, ce qui paraît équilibré. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°66 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°233, présenté par Mme Canayer, au nom de la commission.

Alinéa 8, deuxième et dernière phrases

Après le mot :

audience,

insérer les mots :

qu'elle soit publique ou non,

L'amendement de précision n°233, accepté par le Gouvernement, est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°64 rectifié, présenté par Mmes Lherbier et Bonfanti-Dossat et M. H. Leroy.

Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Dans tous les cas où il s'agit d'une audience non publique, lorsque le ministère public est représenté, il peut, au même titre que les parties, s'opposer à l'enregistrement dès lors qu'il considère que l'enregistrement ou la diffusion pourrait porter atteinte aux intérêts des parties. Il peut également, à l'issue de l'audience et dans un délai de quinze jours, s'opposer à la diffusion pour les mêmes motifs.

Mme Christine Bonfanti-Dossat.  - Le ministère public, lorsqu'il est représenté, doit pouvoir s'opposer à l'enregistrement dès lors qu'il considère que sa diffusion pourrait porter atteinte aux intérêts des parties.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Pourquoi donner davantage de droits au ministère public qu'aux autres magistrats présents ? Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°64 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°100 rectifié bis, présenté par Mme M. Carrère, MM. Bilhac, Cabanel, Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol, Requier et Roux.

Alinéa 9, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, dont notamment la confidentialité des échanges entre l'avocat et son client

Mme Maryse Carrère.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°105 rectifié, présenté par M. J.B. Blanc.

M. Jean-Baptiste Blanc.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°118 rectifié, présenté par M. Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

M. Jean-Pierre Sueur.  - L'alinéa 9 de l'article premier énonce que « les modalités de l'enregistrement ne doivent porter atteinte ni au bon déroulement de la procédure ou des débats ni au libre exercice de leurs droits par les parties et les personnes enregistrées ».

Ces garde-fous peuvent être encore renforcés. Dans cet esprit, nous entendons préciser que l'enregistrement d'une audience ne pourra porter atteinte au secret professionnel de l'avocat, qui couvre tous les échanges entre celui-ci et son client.

Ces échanges sont nombreux lors du procès - le garde des sceaux le sait bien. L'enregistrement ne doit ni permettre de les retranscrire ni conduire à les restreindre, parce que les parties auraient peur d'être entendues. La confidentialité des échanges entre un avocat et son client doit rester absolue.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis très favorable. La commission des lois est fortement attachée au secret professionnel des avocats.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Cette garantie bien légitime figure déjà dans le texte : le libre exercice des droits des parties couvre les droits de la défense. Je suis donc un brin désarçonné par ces amendements superfétatoires. Retrait ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Il est essentiel de bien préciser que la caméra ne pourra capter les échanges entre un avocat et son client.

Les amendements identiques nos100 rectifié bis, 105 rectifié et 118 rectifié sont adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°67, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 10

1° Première phrase

Remplacer les mots :

qu'après

par les mots :

au plus to?t qu'un an apre?s

2° Seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Elle est re?alise?e sur le site internet du ministe?re de la justice qui veille a? la diffusion d'une varie?te? d'audiences, tant civiles que pe?nales.

Mme Marie-Claude Varaillas.  - Nous souhaitons que la diffusion des enregistrements ne puisse se faire qu'un an après que l'affaire aura été définitivement jugée et sur le site internet du ministère de la justice, sur le modèle des débats parlementaires, diffusés sur les sites des assemblées parlementaires. Il s'agit de ne pas porter atteinte à la présomption d'innocence et d'éviter la justice spectacle.

Il faudra également veiller à ce que la justice du quotidien soit montrée dans toute sa diversité. Ces enregistrements permettront à nos concitoyens de mesurer les injustices sociales à l'oeuvre, ainsi que l'indigence des conditions dans lesquelles travaillent souvent les professionnels de la justice.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - La retransmission n'est possible qu'une fois l'affaire jugée définitivement. Prévoir un délai supplémentaire d'un an paraît peu opérant.

Quant à la diffusion sur le site du ministère, elle serait contreproductive au regard de l'objectif de pédagogie auprès du grand public. Sans vous offenser, Monsieur le garde des Sceaux, peu nombreux sont nos concitoyens qui consultent ce site...

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je suis sensible à vos égards, madame la rapporteure, mais vous avez bien raison. Qui ira sur le site du ministère, outre ceux qui connaissent déjà la justice ? Avis défavorable à cet amendement suggéré par le Syndicat de la magistrature...

L'amendement n°67 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°101 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Bilhac, Cabanel, Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol, Requier et Roux.

Alinéa 11

Compléter cet alinéa par les mots :

, ni au respect de l'anonymat

M. Jean-Claude Requier.  - Cet amendement assure la sécurité de toutes les personnes participant au procès, en mentionnant explicitement que la diffusion est réalisée dans des conditions ne portant pas atteinte au respect de l'anonymat, de la présomption d'innocence et de la vie privée.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - L'anonymat ne s'applique pas à tous, certaines personnes pouvant consentir à être identifiées. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Le texte est très respectueux de ces questions essentielles. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Pourquoi identifier les personnes ? Il faut au contraire les protéger, ce qui est l'objet de cet amendement.

L'amendement n°101 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°102 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Bilhac, Cabanel et Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol, Requier et Roux.

Alinéa 11

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée : 

Les personnes enregistrées sont informées, préalablement à la diffusion, des modalités de diffusion de l'enregistrement et notamment du support, du média et de la date de diffusion de l'enregistrement. 

M. Jean-Yves Roux.  - Cet amendement renforce les garanties prévues en prévoyant l'information préalable des personnes concernées sur les modalités de diffusion.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Je comprends l'intention, mais ce serait difficile à mettre en oeuvre, surtout lors d'une diffusion tardive - il faudrait retrouver l'ensemble des personnes présentes.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - C'est bien le problème !

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°102 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°223, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 11

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette diffusion est accompagnée d'éléments de description de l'audience et d'explications pédagogiques et accessibles sur le fonctionnement de la justice.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - La commission des lois a supprimé les explications pédagogiques après la diffusion. Elles me paraissent pourtant nécessaires à la compréhension de l'audience. Par exemple, un spécialiste pourrait venir en plateau pour expliquer les tenants et aboutissants d'une expertise ADN.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Je comprends les raisons du garde des sceaux et son souhait de créer des Dossiers de l'écran de la justice. Mais inscrire cette précision dans la loi nous paraît superfétatoire. Le cahier des charges apportera davantage de détails. Avis défavorable.

L'amendement n°223 n'est pas adopté.

La séance est suspendue à 20 heures.

présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

M. le président.  - Amendement n°176 rectifié, présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Alinéa 12, seconde phrase

Après les mots :

à compter de

insérer les mots :

la fin de

M. Guy Benarroche.  - Le droit à l'image et à l'identification est un sujet sensible et délicat. Une des parties au procès peut être amenée à donner son accord pour être identifiée et le regrette ensuite. Ce texte prévoyait une possibilité de rétractation jusqu'à quinze jours après le début de l'audience. Il nous semble préférable de faire courir ce délai à compter de la fin de l'audience.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Précision utile : avis favorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°176 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°210 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 15

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le fait de proposer une telle contrepartie aux parties au litige ou aux personnes enregistrées est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - L'enregistrement est soumis à un accord écrit, qui ne peut faire l'objet d'aucune contrepartie. Nous proposons d'assortir cette interdiction d'une sanction afin de la rendre plus effective.

Madame de La Gontrie, je l'espère, me suivra sur cet amendement qui répond à sa volonté d'encadrer l'enregistrement des mineurs.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Nous avons apporté des garanties, mais faut-il aller jusqu'à la pénalisation ? C'est un peu prématuré : des professionnels des médias se laisseraient-ils aller à de telles pratiques ? Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - On n'est jamais à l'abri de telles tentations. Avis favorable, sait-on jamais.

L'amendement n°210 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°68, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 17

Supprimer cet alinéa.

Mme Cécile Cukierman.  - Cet amendement nous prémunit contre la justice spectacle.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Ces enregistrements peuvent avoir une utilité pédagogique. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable également. Certaines chaînes diffusent presque tous les soirs des enquêtes où des instructions sont filmées, sans aucune restriction. J'en suis régulièrement choqué. Cela ne sera plus possible grâce au texte que vous allez voter.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Le ministre nous expose enfin la raison d'être de ces dispositions. Aujourd'hui, l'enregistrement peut avoir lieu, mais à la discrétion du ministre. Il est bon d'encadrer cela, mais il ne s'agit pas seulement des audiences : auditions, auditions de témoins, confrontations sont aussi concernées par l'alinéa 17. C'est là qu'est le danger : filmé dans un cabinet d'instruction, on se retrouvera plus tard acteur d'un documentaire... Votons cet amendement qui interdit de filmer ces séquences.

Mme Cécile Cukierman.  - Nous avons tous ici à coeur d'éviter une justice spectacle, qui veut laver plus blanc que blanc, sans satisfaire personne. Oui à la transparence, oui à la démocratisation, mais sachons raison garder.

Si l'objectif est de mieux faire comprendre l'institution judiciaire, de la rendre plus accessible, ce n'est pas avec des émissions rébarbatives sur un site que personne ne consulte que l'on y arrivera. Cela ne changera rien au rapport de confiances entre les Français et la justice.

Vous pouvez hausser les épaules, Monsieur le ministre, mais l'alinéa 17 va trop loin.

Il y a dix-huit mois, notre pays a été mis en confinement, et on a vu des professeurs de médecine s'affronter sur les plateaux, sans que tous puissent en saisir les enjeux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Merci de me laisser lever les épaules, de me laisser respirer (marques d'amusement de Mme Marie-Pierre de La Gontrie). Tout cela se pratique de façon sauvage aujourd'hui,...

Mme Cécile Cukierman.  - C'est un problème.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - ... il faut l'encadrer. Pourquoi tronquer la procédure pénale et réserver l'enregistrement à l'audience ? Je veux aller partout, des prud'hommes au juge aux affaires familiales, du greffier au juge d'instruction, pour montrer la justice à nos compatriotes. C'est l'unique but de cet article.

Si vous préférez ces émissions sans pédagogie, avec des pratiques étranges, libre à vous.

L'amendement n°68 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°202, présenté par le Gouvernement.

Après l'alinéa 18

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« III ter.  -  La cession des droits sur les images enregistrées emporte de droit transfert au cessionnaire des obligations et interdictions prévues par le présent article.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Cet amendement impose les règles fixées à l'article premier aux cessionnaires des images filmées. Ces garanties doivent perdurer dans le temps.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Cela me semble quelque peu surabondant, compte tenu de l'incrimination spécifique de diffusion. Mais excès de précaution ne saurait nuire : avis favorable.

Mme Éliane Assassi.  - Monsieur le ministre, avec le respect que j'ai pour vous, votre réponse à Mme Cukierman me laisse pantoise. Vous érigez vos propositions en alpha et oméga de ce qu'il faudrait faire. (M. Éric Dupond-Moretti le conteste.) Vous n'avez pas eu la courtoisie de répondre à l'intervention de Mme Cukierman en discussion générale, méprisant les élus de mon groupe. Cessez ces mouvements de tête, monsieur le ministre !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je peux quand même bouger sur mon banc ?

Mme Éliane Assassi.  - Et permettez-moi de répondre à vos mouvements. Soyez respectueux de ceux que nous représentons, même si nous représentons si peu à vos yeux... Vous n'êtes pas dans un prétoire ici, mais au Sénat !

M. Jean-Michel Arnaud.  - Bravo !

Mme Éliane Assassi.  - Vous négligez donc les propositions de Mme Cukierman. Regardez-moi ! (M. Éric Dupond-Moretti souffle.) Ce que vous proposez est insuffisant et ne répond pas à la question fondamentale : comment rétablir la confiance dans la justice ?

L'amendement n°202 est adopté.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Notre débat a convaincu le groupe SER de ne pas voter cet article, car trop d'incertitudes subsistent. Nos rapporteurs écrivent dans leur rapport que l'initiative du Gouvernement est très incertaine quant à sa mise en oeuvre, que son impact n'est pas connu, que le dispositif est conçu comme un instrument de communication du ministère sans avoir à supporter les frais de tournage et de diffusion... On sent un certain manque d'enthousiasme du côté des rapporteurs ! On aurait pu imaginer que le dispositif fût expérimental ; il ne l'est pas. Tout cela n'est pas mûr.

De plus, les fictions télévisées ne s'arrêteront pas, puisqu'elles relèvent de la liberté de création.

M. Gérard Longuet.  - Je m'abstiendrai par respect pour le travail de la commission. Je partage les doutes de mes collègues Sueur et Cukierman. Le numérique a une mémoire permanente -  quand on filme, c'est pour l'éternité  - , alors que le judiciaire a vocation à être effacé par la prescription. Ce décalage pose problème.

Monsieur le garde des Sceaux, il est vrai que nous sommes abreuvés d'enquêtes-vérité, mais nous avons un service public. Pourquoi ne pas lui confier le soin de restituer ces moments, avec d'excellents professionnels de l'audiovisuel conseillés par d'excellents professionnels de la justice ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Parce que personne ne va regarder. Il y a plus de public dans les salles d'audience qu'au théâtre. « Faites entrer l'accusé » sur le service public a attiré beaucoup de téléspectateurs.

Je veux du pédagogique ; l'intérêt pour une affaire est le principal facteur d'attraction pour les téléspectateurs. France Inter a essayé de faire rejouer un procès avec des comédiens ; ça a fait flop, les gens veulent de la vérité.

Je sais bien que ces mesures ne sont pas l'alpha et l'oméga de l'apprentissage de la procédure, mais c'est un premier pas.

L'article premier, modifié, est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article premier

M. le président.  - Amendement n°119, présenté par M. Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 706-52 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « d'un mineur victime » sont remplacés par les mots : « d'une victime » ;

2° À la fin du deuxième alinéa, les mots : » du mineur » sont remplacés par les mots : « de la victime ».

M. Hussein Bourgi.  - Cet amendement étend l'enregistrement audiovisuel de l'audition au cours d'une enquête à toutes les victimes de crimes et délits sexuels, quel que soit leur âge.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Ce dispositif existe déjà pour les mineurs, plus vulnérables. L'élargissement aux majeurs alourdirait les procédures et les commissariats ne sont pas équipés. Retrait ou avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable.

L'amendement n°119 n'est pas adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°160 rectifié, présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Alinéas 2 à 7

Supprimer ces alinéas.

M. Guy Benarroche.  - Sous couvert de justice rapide, le Gouvernement nous propose des solutions dignes du lit de Procuste. La majorité des enquêtes préliminaires durent moins de six mois - et seulement 3,2 % plus de trois ans... On ne peut pas faire croire que c'est le manque de volonté des magistrats qui fait durer les enquêtes... D'où cet amendement de suppression.

M. le président.  - Amendement n°106 rectifié, présenté par M. J.B. Blanc, Mmes Bonfanti-Dossat et V. Boyer, MM. Brisson, Cambon, Charon et Chasseing, Mme Joseph, MM. B. Fournier, Genet, Gremillet, Lefèvre et Longuet, Mme M. Mercier et MM. Mouiller, Sautarel et Somon.

I.  -  Aline?a 3

Remplacer les mots :

deux ans

par les mots :

un an

II.  -  Aline?a 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« L'enque?te peut toutefois se prolonger des de?lais de recours e?ventuels lorsque le suspect ou le plaignant e?ventuel auront exerce? des recours contre un refus de demande d'acte ou le suspect une demande de nullite? d'un acte. À l'issue de ce de?lai, faute pour le procureur de la Re?publique de classer sans suite ou de prendre une de?cision de renvoi devant une juridiction de jugement ou une mesure alternative aux poursuites, une information judiciaire est ouverte. » ;

III.  -  Aline?as 5 a? 7

Supprimer ces aline?as.

M. Jean-Baptiste Blanc.  - Deux ans plus un an, c'est trop long et peu opérant puisque la plupart des enquêtes durent moins de deux ans. Nous proposons une enquête préliminaire d'un an maximum. À l'issue de ce délai, une information judiciaire serait automatiquement ouverte.

M. le président.  - Amendement n°226, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 6, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Il en est de même si l'enquête porte sur des infractions mentionnées aux articles 435-1 à 435-10 du code pénal ou sur les délits de recel ou de blanchiment de ces infractions.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - La commission des lois a prévu une dérogation aux délais de deux et trois ans pour les enquêtes portant sur des faits de fraude fiscale, de corruption ou de blanchiment de ces délits : c'est excessif. Mon amendement s'en tient à la corruption internationale.

Comme me l'a indiqué M. Bohnert, procureur de la République financier, la limitation des délais d'enquête sera de nature à améliorer l'efficacité de la justice et la sécurité juridique des personnes, mais le délai total de trois ans prévu en droit commun ne paraît pas adapté en matière d'enquête portant sur des faits de corruption commis par des agents étrangers.

Si l'on multiplie les exceptions, la règle ne tient plus.

Aujourd'hui, les enquêtes préliminaires ne sont encadrées par aucun délai. En basculant automatiquement vers l'enquête judiciaire, on donne accès au dossier à la personne mise en cause : ce n'est pas l'impunité qui est au bout du délai, mais l'instruction. Ne vidons pas le texte de sa substance. Instruction, détention provisoire, justice des mineurs sont insérées dans des délais. Faisons de même pour l'enquête préliminaire.

Il y a des enquêtes préliminaires de quatre voire cinq ans qui ne sont pas closes, avec un feuilletonnage médiatique insupportable, qui crève des réputations.

M. le président.  - Amendement n°161 rectifié, présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ces délais sont également portés à trois ans et à deux ans lorsque l'enquête porte sur des crimes et délits mentionnés aux articles L. 173-3, L. 216-1 et L. 216-6 du code de l'environnement et sur les délits de pollution de l'air, de l'eau et des sols.

M. Guy Benarroche.  - Quel excellent plaidoyer ! Je comprends votre volonté de limiter la durée des enquêtes préliminaires, mais les chiffres sont têtus : cela ne concerne que 3,2 % des dossiers.

Mon amendement de repli allonge le délai de droit commun pour les délits et crimes environnementaux. Les preuves sont en effet difficiles à réunir et les responsabilités à établir dans les délais impartis.

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié, présenté par Mmes N. Goulet et Bonfanti-Dossat.

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Ces délais sont également portés à trois ans lorsque l'enquête porte sur des délits et crimes mentionnés aux articles 222-22 à 222-22-2 et aux articles 222-23 à 222-26 et 225-4-1 du code pénal.

Mme Christine Bonfanti-Dossat.  - Le combat contre le viol, les agressions sexuelles et les trafics d'êtres humains est une cause nationale. Les enquêtes peuvent concerner des personnes étrangères et de récentes affaires ont fait apparaître des failles dans les dispositifs de protection des victimes. Conservons des délais d'enquête suffisamment longs pour ce type de crimes et délits.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - M. Benarroche propose le retour à la situation actuelle. Nous partageons l'avis du garde des sceaux : des enquêtes trop longues ne sont pas souhaitables. Avis défavorable à l'amendement n°160 rectifié. Vous faites référence aux 3,2 % d'enquêtes concernées ; nous ne sommes pas certains de la véracité de ce chiffre. Il provient des statistiques du ministère de l'Intérieur, mais s'y mêlent enquêtes techniques et judiciaires. À Nanterre, 100 000 procédures sont en instance depuis plus de trois ans, 80 000 à Marseille, 40 000 à Nice. Dans certains parquets, qui n'ont pas de bureau d'ordre, nous ne connaissons même pas les chiffres.

L'amendement n°106 rectifié pose un problème inverse en proposant un délai trop court, compte tenu de la pénurie d'enquêteurs judiciaires - au moins 5 000 postes vacants. Les réponses apportées par le ministre de l'intérieur ne nous rassurent guère : cette année, l'oral a été supprimé, empêchant toute analyse de personnalité. Avis défavorable.

La proposition de la commission concerne le noyau dur de la délinquance financière : fraude fiscale, corruption et blanchiment. Ces affaires sont complexes et demandent un traitement long avec des enquêteurs spécialisés. À Paris, un ancien procureur nous a dit qu'à son départ, 577 enquêtes de fraude fiscale grave étaient pendantes, avec trois enquêteurs pour les traiter. Si nous les enserrons dans le délai de deux ans, ces affaires ne seront pas traitées. De plus, comment justifier une différence de traitement entre corruption internationale et corruption interne ? Avis défavorable.

L'amendement n°6 rectifié est satisfait, tout comme l'amendement n°161 rectifié. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Le viol est un crime : l'instruction est donc obligatoire. Un pôle spécialisé existe dans chaque cour d'appel pour les infractions relatives à l'environnement. Avis défavorable aux amendements nos161 rectifié et 6 rectifié.

Dans le code de procédure pénale, les enquêtes longues sont une anomalie. Cela relève de l'instruction.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Si le Parquet le décide.

M. Gérard Longuet.  - À charge et à décharge !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Absolument ! Pour le patron du Parquet national financier (PNF), l'exception doit concerner la seule corruption internationale qui demande des investigations à l'étranger, ce qui prend forcément plus de temps.

Sans délais, les procédures s'accumulent et le stock devient considérable. Le problème se pose notamment en matière de justice des mineurs. C'est une question de droits humains : l'enquête préliminaire interminable, c'est insupportable !

Avis défavorable aux amendements nos160 rectifié et 106 rectifié.

Mme Dominique Vérien.  - Les enquêtes économiques et financières ont toutes un volet étranger : c'est long !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Instruction !

Mme Dominique Vérien.  - En attendant, l'enquêteur ouvre d'un autre dossier.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - Avec une date butoir, il n'y a pas de miracle : ce sera un classement sans suite ou un renvoi à la juridiction de dossiers ni faits ni à faire, ou l'ouverture d'une instruction. C'est cette dernière solution qui sera privilégiée, mais les cabinets sont déjà surchargés.

M. Gérard Longuet.  - Cette passion pour l'enquête préliminaire - exclusivement à charge et dans le secret absolu - m'étonne.

Monsieur Bonnecarrère, vous êtes avocat, vous connaissez la justice : l'instruction, au moins, est à charge et à décharge ; elle est transparente ; l'individu ou l'entreprise mis en cause peut se défendre et apporter des explications, ce qui permet souvent de gagner du temps. L'enquête préliminaire n'est pas un outil de justice équitable.

L'amendement n°160 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos106 rectifié, 226, 161 rectifié et 6 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°162 rectifié, présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

I.  -  Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé : 

« Art 77-2.  -  I.  -  Dans le cadre d'une convocation en vue d'une audition libre ou d'une garde a? vue, le dossier, expurge? des e?le?ments risquant de porter atteinte a? l'efficacite? des investigations, est mis a? la disposition du suspect et de son avocat.

II.  -  Alinéa 9, au début

Supprimer les mentions : 

Art. 77-2.  -  I.  -

M. Guy Benarroche.  - Il faut renforcer les droits de la défense et le contradictoire au stade de l'enquête préliminaire en donnant l'accès au dossier au suspect et à son avocat dès la garde à vue. D'après l'étude d'impact du projet de loi, c'est déjà le cas dans la plupart des pays européens.

Une justice plus efficace ne doit pas se faire au détriment des justiciables.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - Avis défavorable. Cet amendement a passionné l'Assemblée nationale qui ne l'a cependant pas adopté. Le gardé à vue dispose déjà de nombreuses garanties. La mise à disposition du dossier, éventuellement expurgé, ne me semble pas souhaitable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°162 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°212 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéas 11, 15, 21

Après le mot : 

commettre

insérer les mots :

, en tant qu'auteur ou complice,

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur.  - Il s'agit de préciser que les garanties s'appliquent que l'on soit auteur ou complice.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - La précision ne semble pas s'imposer puisque l'auteur et le complice sont traités de la même manière. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis favorable.

L'amendement n°212 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°70, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Aline?as 12 et 13

Remplacer les mots :

d'un an

par les mots :

de six mois

Mme Éliane Assassi.  - Cet amendement fixe à six mois le délai d'accès au dossier pour la personne perquisitionnée ou ayant fait l'objet d'une garde a? vue. Il s'agit de renforcer les droits de la défense et le contradictoire, comme cela se passe dans la plupart des autres pays européens.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - Cet amendement est une forme de réponse à l'intervention de M. Longuet. Le texte ouvre l'enquête préliminaire au contradictoire au bout d'un an : c'est un bon équilibre, auquel nous avons souscrit. Un délai de six mois paraît excessif. Avis défavorable. Le contradictoire sera également ouvert en cas de fuite dans la presse ; nous avons longuement hésité, avant d'accepter cette disposition afin d'éviter le feuilletonnage.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je suis totalement défavorable à cet amendement. Un an, c'est la bonne mesure. Au surplus, qui serait chargé de faire le tri entre ce qui doit être expurgé du dossier et le reste ? Et sous le contrôle de qui ?

L'amendement n°70 n'est pas adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

ARTICLE 3

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur .  - Nous en venons au secret professionnel des avocats. Celui-ci est-il absolu, illimité, indivisible ? Oui, sans conteste, dans la relation entre l'avocat et son client ou entre l'avocat et des tiers. Vis-à-vis de l'autorité régalienne, en revanche, non.

En d'autres termes, deux principes constitutionnels s'entrecroisent : le respect des droits de la défense et la préservation de l'ordre public. Il résulte du second que le secret professionnel n'est pas opposable dans les activités de conseil des avocats.

En réaction à la jurisprudence de la Cour de cassation, le Conseil national des barreaux a souhaité cet article 3. Mais je le souligne d'emblée : même le secret professionnel du médecin, qui touche à l'intime, n'est pas illimité ; il connaît de nombreuses exceptions.

Il est déterminant pour le travail des services d'enquête que le secret professionnel ne puisse pas être opposé en matière de conseil. J'y reviendrai plus longuement en réponse aux amendements.

M. le président.  - Amendement n°107 rectifié quater, présenté par MM. J.B. Blanc, Babary et Belin, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Cambon, Charon, Chasseing et Chauvet, Mme Chauvin, M. D. Laurent, Mme Estrosi Sassone, MM. Favreau, Mouiller, B. Fournier, Genet et Gremillet, Mmes Guidez et Loisier, MM. Longuet, Milon, Ravier, Saury, Sautarel et Tabarot et Mme Bonfanti-Dossat.

Alinéa 3, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

M. Jean-Baptiste Blanc.  - Presque tous les 70 000 avocats de France sont vent debout contre ce dispositif inacceptable. Il faut entendre leur colère.

Le secret professionnel est le coeur, le ciment, la colonne vertébrale du métier d'avocat. La loi du 31 décembre 1971 prévoit qu'il s'entend comme un tout. Ce principe est intouchable, sacré. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie s'exclame.)

Pour rétablir la confiance dans la justice, commençons par la rétablir avec ses avocats ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)

M. le président.  - Amendement identique n°149, présenté par MM. Parigi, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mmes de Marco et Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

M. Guy Benarroche.  - Cet amendement de M. Parigi supprime la disposition qui écorne le principe même du secret professionnel de l'avocat en matière de conseil.

L'introduction de cet alinéa par la commission des lois entraîne une confusion dangereuse entre les pièces d'un justiciable, non couvertes par le secret professionnel, et les consultations d'avocat, les correspondances entre l'avocat et son client et les factures de l'avocat, qui ne doivent en aucun cas être saisies, sauf si elles contiennent la preuve de la participation de l'avocat à une infraction pénale.

Véritable sanctuaire de l'exercice de la profession d'avocat, le secret professionnel permet au client de se confier sans crainte que ses propos ne soient utilisés contre son consentement ou ne servent de fondement à une incrimination.

Porter atteinte à l'indivisibilité du secret professionnel des avocats, ce serait affaiblir la légitimité de l'État de droit en sapant la confiance des citoyens en la justice.

M. le président.  - Amendement identique n°189 rectifié quater, présenté par MM. Bonhomme, J.P. Vogel et Burgoa, Mmes de Cidrac et Micouleau, MM. Calvet et Bouchet, Mme Deseyne, MM. Le Rudulier, Courtial, de Nicolaÿ, Joyandet, Pointereau, Chatillon et Sol, Mme Ventalon, MM. Darnaud, Sido et Frassa et Mmes Schalck et Joseph.

Mme Elsa Schalck.  - En rétablissant la rédaction de l'Assemblée nationale, cet amendement réaffirme l'indivisibilité du secret professionnel de l'avocat, garantie essentielle de notre État de droit protégée par le droit européen.

La sécurité de l'échange entre le client et son avocat est la condition d'un conseil éclairé et d'une bonne application de la règle de droit.

Rappelons que le secret professionnel est d'ores et déjà inopposable lorsque l'avocat est soupçonné d'avoir participé à la commission d'une infraction. Pour le reste, il est difficilement concevable d'y apporter des limites, tant dans la défense que dans le conseil.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - Personne ne discute le secret professionnel des avocats en matière de défense des libertés.

Mais si ce secret était absolu en vertu de la loi de 1971, si la CJUE avait tranché en ce sens, nous n'aurions pas matière à débattre ce soir, mes chers collègues...

Le 24 novembre 2020, la Cour de cassation a limité le secret professionnel aux droits et libertés, ce qu'avait fait la CJUE le 18 mai 1982, la CEDH le 6 décembre 2012 et le Conseil constitutionnel le 24 juillet 2015.

Le texte de la commission des lois ne réduit pas le secret professionnel des avocats. En réalité, il l'étend, certes pas de façon illimitée, mais il l'étend. (M. Gérard Longuet le conteste.) La préservation de l'ordre public et la prévention des infractions justifient des exceptions. Je répète qu'il n'existe aucun secret absolu, même pour les médecins.

Ce n'est pas seulement un débat de principes. Il intéresse aussi les enquêteurs, les juges d'instruction. Étendre le secret des avocats au domaine du conseil de façon illimitée les empêcherait de lutter efficacement contre la corruption ou la fraude fiscale.

Un exemple : des rétrocommissions mettent forcément en jeu une société offshore, dont la création et le fonctionnement font nécessairement intervenir un avocat -  sans que celui-ci soit à l'origine du montage.

M. le président.  - Il faudrait songer à conclure...

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - Autre exemple : la pratique consistant à remonter des bénéfices dans un pays où l'impôt est faible en gonflant les activités qui y sont réalisées implique des instructions à un cabinet d'audit ou d'expertise comptable - d'où procès-verbal de réunions, ou du moins discussions juridiques.

Avec un secret professionnel intégré et indivisible, on ne pourrait plus enquêter dans de bonnes conditions.

M. le président.  - Veuillez conclure, monsieur le rapporteur.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - Dernier argument, si le président le permet : l'activité de conseil est exercée par les avocats en concurrence avec les experts comptables, les notaires ou les huissiers de justice. Leur réserver le secret professionnel poserait un problème d'égalité devant la loi.

L'avis est donc défavorable sur ces amendements identiques.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - C'est le dernier argument qui me convainc le plus.

Dans les deux exemples que vous avez pris, monsieur le rapporteur, l'avocat a mis la main...

M. Laurent Duplomb.  - Dans le pot de confiture ! (M. Gérard Longuet approuve.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - En pareil cas, il ne sera jamais question d'impunité ; il sera logé à la même enseigne que tout justiciable.

M. Mathieu Darnaud.  - C'est évident.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je pressens, voyant la flamme avec laquelle ces amendements ont été défendus, qu'il y a des avocats dans cet hémicycle... (Sourires)

S'agissant du conseil, des lobbyistes font valoir qu'il suffirait de mettre un courriel en copie à un avocat pour le couvrir du secret professionnel.

M. Gérard Longuet.  - C'est une plaisanterie !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - C'est le mot.

Une enquête est toujours beaucou p plus facile sans garantie pour le justiciable. À l'époque où la torture était autorisée, les aveux étaient plus nombreux... Et si l'on perquisitionnait tous les cabinets d'avocats, nul doute qu'on résoudrait de nombreuses affaires !

Nous avons une loi de 1971 et une jurisprudence discutée, peut-être discutable, de la Cour de cassation. Par cohérence avec la position que j'ai adoptée devant l'Assemblée nationale, je m'en remets à votre sagesse, pour que le meilleur compromis soit trouvé en commission mixte paritaire. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie se montre dubitative.)

M. Gérard Longuet.  - Notre rapporteur est un homme convaincu et de bonne foi, mais je voterai les amendements identiques.

Il est certain que, depuis 1971, le monde a changé : l'économie s'est mondialisée, les flux se sont accélérés. Mais il ne s'est pas rien passé : en 2008, une directive européenne contre le blanchiment, la corruption et le financement du terrorisme a été mise en oeuvre, qui oblige les avocats à apporter des informations.

Les avocats prêtent un serment -  peu de professions le font  - qui leur impose le respect du secret. Depuis 2008, ils doivent en outre signaler tout délit de blanchiment ou de corruption, ce que la loi de 1971 ne prévoyait pas.

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Gérard Longuet.  - Je conclurai donc : ne prenez pas les avocats pour des complices de la malversation ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)

Mme Éliane Assassi.  - Le Conseil national des barreaux et le Syndicat des avocats de France sont favorables au texte du Gouvernement. Des magistrats, des associations, des lanceurs d'alerte soutiennent la réécriture de la commission des lois.

Les arguments des uns et des autres peuvent être entendus, et il ne serait pas raisonnable de les opposer.

Le coeur du sujet, c'est la lutte contre la fraude fiscale et la corruption. Pour la mener efficacement, il faut des mesures autrement plus contraignantes que la suppression du secret professionnel des avocats en matière de conseil.

Notre collègue Éric Bocquet porte régulièrement les questions d'évasion et de fraude fiscales dans le débat public. Nous savons bien que des banques et d'autres structures accompagnent des entreprises et des particuliers pour échapper à l'impôt. Beaucoup s'en indignent, mais peu s'y attaquent résolument.

M. le président.  - Il faut conclure.

Mme Éliane Assassi.  - Je regrette, mais certains débats politiques demandent du temps.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vous avez parfaitement raison.

Mme Éliane Assassi.  - Ce qui manque, c'est une vraie volonté politique de lutter contre la fraude fiscale !

M. Alain Richard.  - Notre marge d'action est balisée par la surveillance du Conseil constitutionnel. Si nous avions l'imprudence d'affirmer un secret professionnel sans limite, il estimerait que la loi n'assure pas l'équilibre entre les droits de la défense et l'obligation de recherche des infractions. Fixons nous-mêmes les contours du secret professionnel, ou cela sera fait par une réserve d'interprétation.

M. Stéphane Le Rudulier.  - Monsieur le rapporteur, vous avez juridiquement raison, mais philosophiquement et politiquement tort.

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est du Laignel...

M. Stéphane Le Rudulier.  - Émile-Auguste Garçon écrivait : « Le bon fonctionnement de la société veut que le malade trouve un médecin, le plaideur un défenseur, le catholique un confesseur, mais ni le médecin, ni l'avocat, ni le prêtre ne pourraient accomplir leur mission si les confidences qui leur sont faites n'étaient assurées d'un secret inviolable ».

Sans confiance, un particulier ou une entreprise préfèrera sans doute se taire, ce qui empêchera son avocat de faire son travail efficacement. Préservons l'indivisibilité du secret professionnel.

Mme Dominique Vérien.  - Je ne suis pas avocate, mais je comprends qu'il y a deux situations bien différentes. En matière de défense, le secret s'applique. En dehors de toute procédure, l'avocat est tenu de donner des conseils légaux. D'autres professions, non soumises au secret, font aussi du conseil.

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois   - La commission des lois n'est pas l'ennemie du secret professionnel des avocats, comme le suggèrent les auteurs de l'amendement n°107 rectifié, qui remettent frontalement en cause son travail.

Monsieur Blanc, il n'est pas vrai que le secret de l'avocat serait absolu depuis 1971.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Absolument !

M. François-Noël Buffet, président de la commission.  - Le droit positif est régi par l'arrêt de la Cour de cassation que le rapporteur a rappelé : absolu en matière de défense, le secret n'est pas appréhendé de la même manière en dehors de toute procédure.

Les députés ont élargi le secret professionnel au conseil. Nous sommes revenus sur cette disposition pour des raisons d'ordre public et pour ne pas créer de distorsion avec d'autres professions, comme les notaires ou les huissiers.

M. Gérard Longuet.  - Leurs responsabilités ne sont pas les mêmes !

M. François-Noël Buffet, président de la commission.  - Le président du Conseil national des barreaux a prétendu avoir été poignardé dans le dos par le Sénat... J'aurais préféré qu'il m'appelle. Il l'a fait, d'ailleurs, mais après cette déclaration. J'attends autre chose du président de cette instance, à laquelle j'ai appartenu, et un examen un peu plus précis du travail de la commission des lois. (Mme Dominique Vérien et M. Alain Richard applaudissent.)

À la demande du groupe UC, les amendements identiques nos107 rectifié quater, 149 et 189 rectifié quater sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°177 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 220
Pour l'adoption   59
Contre 161

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par Mmes Bonfanti-Dossat et Gosselin, M. Bascher, Mme Belrhiti, MM. Burgoa, Brisson, Calvet, Bonhomme, Belin, Bouchet et Gremillet, Mme Delmont-Koropoulis, M. Milon, Mmes Joseph et Lherbier et M. H. Leroy.

Après l'alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les éléments de preuve éventuellement collectés lors d'une surveillance des communications téléphoniques ou électroniques ne peuvent servir que dans le cadre de l'enquête pour laquelle cette surveillance a été ordonnée. » ;

Mme Christine Bonfanti-Dossat.  - L'article 3 dans sa rédaction actuelle ne permet pas d'empêcher certaines dérives observées au cours d'affaires récentes et que le garde des Sceaux, alors avocat, avait à juste titre dénoncées.

Les résultats d'une surveillance téléphonique ou électronique ne doivent être utilisables que pour la procédure dans le cadre de laquelle elle a été autorisée par un juge des libertés et de la détention. Le justiciable doit se voir garantir l'absence de toute ingérence des pouvoirs publics dans ses relations avec son avocat. Il y va du respect des droits de la défense.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - L'article prévoit déjà des garanties procédurales supplémentaires. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis, pour les mêmes raisons.

L'amendement n°1 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°145, présenté par M. Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 13

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

...° L'article 56-2 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « du magistrat » sont remplacés par les mots : « du juge des libertés et de la détention saisi par le magistrat » ;

b) À la fin du septième alinéa, les mots : « non susceptibles de recours » sont supprimés ;

c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La décision du juge des libertés et de la détention peut faire l'objet d'un recours suspensif dans un délai de vingt-quatre heures formé par le procureur de la République, le journaliste ou l'entreprise, devant le premier président de la cour d'appel. Celle-ci statue dans les cinq jours ouvrables suivant sa saisine, selon la procédure prévue au cinquième alinéa. » ;

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Cet amendement doit être considéré corrélativement aux amendements nos122 et 123, qui ont le même objet.

L'article 3 renforce les garanties procédurales lorsqu'une mesure de perquisition vise un avocat. D'autres professions bénéficiant de régimes protecteurs devraient être concernées, à commencer par les journalistes.

Dans cet esprit, le présent amendement renforce la protection des journalistes contre les perquisitions qui les viseraient à leur domicile ou au sein de leur entreprise, afin de garantir la protection des sources.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - Non sans hésitation, la commission des lois a émis un avis défavorable. Monsieur le président de la commission, il faudrait approfondir ce sujet, car nous n'avons pas eu le temps de bien expertiser les enjeux. Le droit de la presse est en effet très spécifique.

Je ne suis pas certain que, en calquant le régime des journalistes sur celui des avocats, on n'entraîne pas des imperfections rédactionnelles sources de difficultés.

Au surplus, le parallèle ne saurait être complet, ne serait-ce que parce que les règles déontologiques ne sont pas de même nature - normes dans un cas, chartes volontaires dans l'autre. Il n'existe pas non plus d'ordre des journalistes, et je ne suis pas sûr que la profession souhaite aller plus loin que le comité qu'elle a récemment constitué.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Voilà deux semaines, j'ai reçu les représentants de la presse judiciaire.

Le secret des sources est une question très importante, mais je ne pense pas que le projet de loi pour la confiance dans la justice soit le bon vecteur pour en traiter. À l'Assemblée nationale, Cécile Untermaier s'était d'ailleurs étonnée que son amendement ait été jugé recevable...

Nous connaissons la sensibilité des journalistes sur ces sujets. On ne peut se lancer dans une telle réflexion sans discussions préalables.

À regret, madame la sénatrice, j'émets donc un avis défavorable sur votre amendement.

M. Hussein Bourgi.  - Le Conseil d'État, dans son avis sur le projet de loi, a fait observer que les garanties prévues pour les avocats pourraient utilement être reprises pour les journalistes. La Défenseure des droits a fait la même préconisation.

L'amendement n°145 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°121, présenté par M. Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 14

Rétablir le 2° ter dans la rédaction suivante :

2° ter Après l'article 57-1, il est inséré un article 57-2 ainsi rédigé :

« Art. 57-2.  -  Même s'il n'est pas procédé à l'audition de la personne, l'officier de police judiciaire ou le magistrat qui procède à une perquisition ne peut s'opposer à la présence de l'avocat désigné par la personne chez qui il est perquisitionné si ce dernier se présente sur les lieux des opérations, y compris lorsque la perquisition a déjà débuté.

« S'il existe contre la personne des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement et qu'il est prévu qu'elle soit entendue au cours de ces opérations, elle est préalablement informée de son droit d'être assistée par un avocat au cours de cette audition conformément au 4° de l'article 61-1 ou aux articles 63-3-1 à 63-4-3.

« L'avocat présent au cours de la perquisition peut présenter des observations écrites, qui sont jointes à la procédure ; l'avocat peut également adresser ces observations au procureur de la République. Si l'avocat demande qu'il soit procédé à la saisie d'objets ou de documents qu'il juge utiles à la défense de son client, l'officier de police judiciaire ou le magistrat ne peut refuser de procéder à la saisie demandée que s'il apparaît que celle-ci n'est manifestement pas utile à la manifestation de la vérité. Dans ce cas, il en est fait mention au procès-verbal prévu à l'article 57.

« Dans les cas prévus aux deux premiers alinéas du présent article, les opérations de perquisition peuvent débuter sans attendre la présence de l'avocat. Dans le cas prévu au deuxième alinéa, si la personne a été placée en garde à vue, son audition ne peut débuter avant l'expiration du délai prévu à l'article 63-4-2.

« Hors le cas prévu au deuxième alinéa du présent article, il peut être refusé l'accès de l'avocat sur les lieux de la perquisition pour des motifs liés à la sécurité de celui-ci, de la personne chez qui il est perquisitionné ou des personnes participant aux opérations. Il en est alors fait état au procès-verbal prévu à l'article 57. » ;

M. Hussein Bourgi.  - Une des principales avancées issues de la discussion à l'Assemblée nationale est l'autorisation de la présence de l'avocat lors des perquisitions pénales. Mais cette possibilité a été supprimée par la commission des lois sur l'initiative des rapporteurs.

Si la présence d'un avocat lors d'une perquisition n'est pas interdite et que toute personne peut demander à être assistée à cette occasion, cela n'est garanti par aucune disposition d'ordre législatif. En pratique, c'est le plus souvent le magistrat qui autorise les avocats à assister leurs clients.

La perquisition, l'une des mesures les plus coercitives du code de procédure pénale, est pourtant la moins encadrée. Rétablissons donc la rédaction de l'Assemblée nationale.

M. le président.  - Amendement identique n°163 rectifié, présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

M. Guy Benarroche.  - Pour améliorer la confiance en la justice, renforçons les droits des personnes faisant l'objet d'une perquisition.

M. le président.  - Amendement identique n°214 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et Mme Havet.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Il faut encadrer par la loi ce qui se pratique déjà. C'est aussi un moyen de sécuriser les perquisitions, une étape parfois décisive de l'enquête.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - La perquisition est déjà encadrée. La règle de l'audition libre ou de la garde à vue s'y applique s'il y a interrogatoire, à peine de nullité. Le texte garantit le droit de se taire, et nous faisons remonter le droit de ne pas s'auto-incriminer dans le préambule du code de procédure pénale. Avis défavorable.

Le travail des enquêteurs est complexe ; il faut parvenir à un équilibre. Le monde n'est pas toujours idéal... Lors d'une perquisition, l'enquêteur n'est pas systématiquement accueilli à bras ouverts et, parfois, il n'est pas possible d'attendre l'avocat avant de procéder à la perquisition.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Monsieur le rapporteur, vous exagérez un peu... (Sourires) Même quand l'avocat n'est pas là, la perquisition peut commencer. Ainsi l'absence de l'avocat ne peut être utilisée pour retarder la perquisition, contrairement à ce qu'ont déclaré les syndicats de policiers lors du Beauvau de la sécurité. Le parallèle avec la garde à vue n'est pas tout à fait pertinent.

Thierry Lévy expliquait que, lors d'une perquisition, les enquêteurs cherchaient un pull-over bleu car le suspect avait été vu porteur d'un tel pull. Avec cette disposition, l'avocat pourra dire : « cherchez aussi les pull-overs verts, qui constituent des éléments à décharge ». Cela m'avait ébranlé à l'époque... Sagesse...

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Positive !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Merci de m'aider à terminer mes phrases.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - À votre service ! (Sourires)

Les amendements identiques nos 121, 163 rectifié et 214 rectifié ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°71, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Aline?as 16 et 17

Après le mot :

avocat

inse?rer les mots :

, un journaliste ou un magistrat,

Mme Cécile Cukierman.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°122, présenté par M. Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I.  -  Après l'alinéa 19

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

...° Après l'article 60-1-1, il est inséré un article 60-1-2 ainsi rédigé :

« Art. 60-1-2.  -  Lorsque les réquisitions prévues à l'article 60-1 portent sur des données de connexion émises par un journaliste, une entreprise de presse, une entreprise de communication audiovisuelle, une entreprise de communication au public en ligne ou une agence de presse, et liées à l'utilisation d'un réseau ou d'un service de communications électroniques, qu'il s'agisse de données de trafic ou de données de localisation, elles ne peuvent être faites que sur ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention, saisi à cette fin par le procureur de la République.

« Le magistrat veille à ce qu'il ne soit pas porté atteinte, directement ou indirectement, au secret des sources en violation de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

« Les formalités prévues au présent article sont prescrites à peine de nullité. » ;

II.  -  Alinéa 20

Remplacer les mots :

l'article 60-1-1

par les mots :

les articles 60-1-1 et 60-1-2

III.  -  Alinéa 22

Remplacer les mots :

à l'article 60-1-1

par les mots :

aux articles 60-1-1 et 60-1-2

et les mots :

du même article 60-1-1

par les mots :

des mêmes articles 60-1-1 et 60-1-2

IV.  -  Après l'alinéa 22

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque les réquisitions portent sur des données mentionnées à l'article 60-1-2 et émises par un journaliste, une entreprise de presse, une entreprise de communication audiovisuelle, une entreprise de communication au public en ligne ou une agence de presse, elles ne peuvent être faites que sur ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention saisi à cette fin par le juge d'instruction et les deux derniers alinéas de ce même article 60-1-2 sont applicables. » ;

M. Hussein Bourgi.  - Cet amendement renforce la protection des journalistes sur l'accès aux données de connexion.

M. le président.  - Amendement n°123, présenté par M. Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I.  -  Après l'alinéa 24

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Aucune interception ne peut porter sur une ligne dépendant d'un journaliste, d'une entreprise de presse, d'une entreprise de communication audiovisuelle, d'une entreprise de communication au public en ligne ou d'une agence de presse, à moins que la mesure ne soit décidée par ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention, saisi à cette fin par ordonnance motivée du juge d'instruction, prise après avis du procureur de la République. Le magistrat veille à ce que l'interception ne porte pas atteinte, directement ou indirectement, au secret des sources en violation de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. » ;

II.  -  Alinéa 26

Après la seconde occurrence du mot :

deuxième

insérer le mot :

, quatrième

III.  -  Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  L'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifié :

1° La première phrase du troisième alinéa est complétée par les mots : « , eu égard à la nécessité de garantir l'information du public dans une société démocratique » ;

2° Au dernier alinéa, après le mot « infraction », sont insérés les mots : « de la nécessité de garantir l'information du public dans une société démocratique, » et après le mot : » sont », sont insérés les mots : « proportionnées et ».

M. Hussein Bourgi.  - Défendu.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - Avis défavorable aux trois amendements.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°71 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos122 et 123.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le groupe SER s'abstiendra sur l'article 3. D'abord, nous sommes attachés au secret professionnel des avocats et à la confidentialité de leurs rapports avec leurs clients. Ensuite, notre amendement sur la présence de l'avocat dans les perquisitions n'a pas été adopté, non plus que l'extension de la protection des sources aux journalistes.

L'article 3, modifié, est adopté.

ARTICLE 4

M. le président.  - Amendement n°72, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Cécile Cukierman.  - L'article 4 prévoit l'aggravation des peines en cas de violation du secret de l'enquête et de l'instruction.

Il convient de préserver le secret de l'instruction, garantie indispensable du bon fonctionnement d'une justice équitable, mais nous regrettons l'aggravation des sanctions prévues a? cet article, alors que les condamnations en la matière sont rares. Aucun dispositif n'est prévu lorsque l'avocat, pour la défense de son client et sans nuire a? l'enquête ou l'instruction en cours, utilise légitimement les informations issues de cette enquête ou instruction. Cette absence de garantie pourrait entraver l'exercice des droits de la défense.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - Avis défavorable. Les droits de la défense ne sont pas compromis.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°72 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°73, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 10

Supprimer cet alinéa.

Mme Cécile Cukierman.  - Défendu.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - Qui peut s'exprimer sur une enquête en cours ? Certes, le procureur de la République, mais quid des officiers de police judiciaire ? La parole de l'État est-elle une ou diverse sur ce sujet ?

Le sujet est sensible : je sollicite l'avis du Gouvernement.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable.

Mme Cécile Cukierman.  - Ça, c'est de l'avis !

L'amendement n°73 n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté.

ARTICLE 5 (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°197, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

La section 7 du chapitre Ier du titre III du livre Ier du code de procédure pénale est ainsi modifiée :

1° L'article 137-3 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « En matière correctionnelle, les décisions prolongeant la détention provisoire au delà de huit mois ou rejetant une demande de mise en liberté concernant une détention de plus de huit mois doivent également comporter l'énoncé des considérations de fait sur le caractère insuffisant des obligations de l'assignation à résidence avec surveillance électronique mobile, prévue au troisième alinéa de l'article 142-5 et à l'article 142-12-1, ou du dispositif électronique prévu à l'article 138-3, lorsque cette mesure peut être ordonnée au regard de la nature des faits reprochés. » ;

b) Le second alinéa est ainsi modifié :

-  après le mot : « notifiée », il est inséré le mot : « verbalement » ;

-  les mots : « contre émargement au dossier de la procédure » sont supprimés.

2° L'article 142-6 est ainsi modifié :

a) Après le troisième alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :

« En matière correctionnelle, cette saisine est obligatoire dans les cas suivants :

« 1° Si elle est demandée par une personne détenue ou son avocat un mois avant la date à laquelle la détention peut être prolongée, sauf décision de refus spécialement motivée du juge d'instruction ;

« 2° Avant la date à laquelle la détention peut être prolongée lorsque la personne encourt une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans, sauf décision de refus spécialement motivée du juge ;

« 3° Avant la date de la seconde prolongation de la détention lorsque la personne encourt une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans. Sauf s'il envisage un placement sous contrôle judiciaire, le juge ne peut refuser le placement de la personne sous assignation à résidence sous surveillance électronique qu'en cas d'impossibilité liée à la personnalité ou à la situation matérielle de la personne. » ;

b) Les quatrième et avant-dernier alinéas sont supprimés

c) Au dernier alinéa, la première occurrence du mot : « et » est remplacée par le mot : « à ».

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Cet amendement rétablit l'article 5 qui limite le recours à la détention provisoire en favorisant l'assignation à résidence sous surveillance électronique et l'utilisation du bracelet anti-rapprochement.

J'ai été surpris de l'amendement de suppression de Mme Boyer, adopté par la commission des lois, alors que votre assemblée a eu l'initiative, avec la loi du 19 décembre 1997, du bracelet électronique - contre l'avis du Gouvernement de l'époque. Il serait dommage que le Sénat, 25 ans après, s'oppose à des dispositions qui favorisent le bracelet électronique de préférence à la détention.

Que Mme Boyer se rassure : la surveillance électronique mobile ne remplacera pas les détentions provisoires, si elles sont considérées comme nécessaires.

De plus, en aucun cas le matériel ne manque pour la mise en place du bracelet anti-rapprochement, contrairement à ce qu'indique le rapport.

De même, la surveillance électronique mobile n'est pas moins sévère que la surveillance électronique fixe.

M. le président.  - Amendement n°74, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

La section 7 du chapitre Ier du titre III du livre Ier du code de proce?dure pe?nale est ainsi modifie?e :

1° Le premier aline?a de l'article 137-3 est comple?te? par une phrase ainsi re?dige?e : « En matie?re correctionnelle, les de?cisions prolongeant la de?tention provisoire au dela? de huit mois ou rejetant une demande de mise en liberte? concernant une de?tention de plus de huit mois doivent e?galement comporter l'e?nonce? des conside?rations de fait sur le caracte?re insuffisant des obligations du contrôle judiciaire prévues à l'article 138 6° du code de procédure pénale, des obligations de l'assignation a? re?sidence avec surveillance e?lectronique mobile, pre?vue au troisie?me aline?a de l'article 142-5 et a? l'article 142-12-1, ou du dispositif e?lectronique pre?vu a? l'article 138-3, lorsque cette mesure peut e?tre ordonne?e au regard de la nature des faits reproche?s. » ;

2° L'article 142-6 est ainsi modifie? :

a) Apre?s le troisie?me aline?a, sont inse?re?s quatre aline?as ainsi re?dige?s :

« En matie?re correctionnelle, cette saisine est obligatoire dans les cas suivants :

« 1° Si elle est demande?e par une personne de?tenue ou son avocat un mois avant la date a? laquelle la de?tention peut e?tre prolonge?e, sauf de?cision de refus spe?cialement motive?e du juge d'instruction ;

« 2° Avant la date a? laquelle la de?tention peut e?tre prolonge?e lorsque la personne encourt une peine d'emprisonnement infe?rieure ou e?gale a? cinq ans, sauf de?cision de refus spe?cialement motive?e du juge ;

« 3° Avant la date de la seconde prolongation de la de?tention lorsque la personne encourt une peine d'emprisonnement infe?rieure ou e?gale a? cinq ans. Sauf s'il envisage un placement sous contro?le judiciaire, le juge ne peut refuser le placement de la personne sous assignation a? re?sidence sous surveillance e?lectronique qu'en cas d'impossibilite? lie?e a? la personnalite? ou a? la situation mate?rielle de la personne. » ;

b) Les quatrie?me et avant-dernier aline?as sont supprime?s ;

c) Au dernier aline?a, la premie?re occurrence du mot : « et » est remplace?e par le mot : « a? ».

Mme Michelle Gréaume.  - La commission a supprimé cet article qui constitue une des avancées notables permettant d'améliorer le fonctionnement de notre justice et de proposer des alternatives à la détention provisoire. De nombreux professionnels le recommandent.

Nous ajoutons à cet article 5 l'alternative du contrôle judiciaire, assorti d'obligations socio-éducatives.

La détention provisoire représente 32 % de la population carcérale ; il est urgent de trouver d'autres dispositifs.

M. le président.  - Amendement n°164 rectifié, présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

La section 7 du chapitre Ier du titre III du livre Ier du code de procédure pénale est ainsi modifiée :

1° Le premier alinéa de l'article 137-3 est complété par une phrase ainsi rédigée : « En matière correctionnelle, les décisions prolongeant la détention provisoire au delà de huit mois ou rejetant une demande de mise en liberté concernant une détention de plus de huit mois doivent également comporter l'énoncé des considérations de fait sur le caractère insuffisant des obligations de l'assignation à résidence avec surveillance électronique mobile, prévue au troisième alinéa de l'article 142-5 et à l'article 142-12-1, ou du dispositif électronique prévu à l'article 138-3, lorsque cette mesure peut être ordonnée au regard de la nature des faits reprochés. » ;

2° L'article 142-6 est ainsi modifié :

a) Après le troisième alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :

« En matière correctionnelle, cette saisine est obligatoire dans les cas suivants :

« 1° Si elle est demandée par une personne détenue ou son avocat un mois avant la date à laquelle la détention peut être prolongée, sauf décision de refus spécialement motivée du juge d'instruction ;

« 2° Avant la date à laquelle la détention peut être prolongée lorsque la personne encourt une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans, sauf décision de refus spécialement motivée du juge ;

« 3° Avant la date de la seconde prolongation de la détention lorsque la personne encourt une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans. Sauf s'il envisage un placement sous contrôle judiciaire, le juge ne peut refuser le placement de la personne sous assignation à résidence sous surveillance électronique qu'en cas d'impossibilité liée à la personnalité ou à la situation matérielle de la personne. » ;

b) Les quatrième et avant-dernier alinéas sont supprimés ;

c) Au dernier alinéa, la première occurrence du mot : « et » est remplacée par le mot : « à ».

M. Guy Benarroche.  - Je partage les interrogations du garde des Sceaux sur la suppression de cet article, qu'il convient de rétablir.

La détention provisoire ne doit pas être perçue comme le début d'une punition. L'article 5 est fondamental.

M. le président.  - Amendement identique n°215 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Les rapporteurs n'ont pas proposé d'amendements sur cet article, qui n'a pas été supprimé à leur initiative.

De plus, souvenons-nous que la détention provisoire sera toujours mise en oeuvre quand elle s'avèrera nécessaire.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - Mme Boyer a su nous convaincre, mais il faut relativiser la portée de cet article. Dans la version de la commission, après près huit mois de détention provisoire, le magistrat devra rendre une ordonnance de maintien en détention, sauf s'il décide d'avoir recours à un bracelet électronique.

Dans la version de l'Assemblée nationale, c'est l'inverse : à l'issue des huit mois, le passage au bracelet est automatique sauf si le magistrat décide le maintien en détention. Sur le fond, les deux positons ne sont pas si éloignées. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je souhaite le retrait de ces amendements au profit de celui du Gouvernement.

L'amendement n°197 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°74 et les amendements identiques nos164 rectifié et 215 rectifié.

L'article 5 demeure supprimé.

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 5 (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°76, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article préliminaire du code de procédure pénale est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« ....  -  Toute autorité judiciaire prononçant une peine privative de liberté du type détention provisoire ou emprisonnement ferme, doit expressément motiver sa décision au regard de toute autre mesure pouvant être effectuée en milieu ouvert.

« Cette règle est d'ordre public. »

Mme Michelle Gréaume.  - Cet amendement inscrit dans la loi l'inversion de la logique du tout carcéral en rendant obligatoire la motivation de garder une personne en prison alors qu'elle pourrait bénéficier d'un bracelet électronique.

Il faut engager la décroissance carcérale. Le confinement a montré que c'était possible.

M. le président.  - Amendement n°75, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le quatrième alinéa de l'article 142-5 du code de procédure pénale est complété par les mots : « et plus particulièrement à celle du 6° de cet article afin d'engager des mesures socio-éducatives visant à prévenir le renouvellement de l'infraction ».

Mme Michelle Gréaume.  - Il convient de promouvoir les mesures socio-éducatives.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - Avis défavorable. L'amendement n°76 a pour but d'éviter la détention ; est-il très éloigné du droit en vigueur ? Le code de procédure pénale apporte les mêmes garanties, dans une rédaction légèrement différente : la détention reste un dernier recours.

Même chose pour l'amendement n°75. Sur la question des moyens, le garde des Sceaux pourrait vous répondre.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable aux deux amendements.

L'amendement n°76 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°75.

ARTICLE 6

M. le président.  - Amendement n°198, présenté par le Gouvernement.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Les dispositions des articles 622 à 626-1 du code de procédure pénale sont applicables aux condamnations prononcées par une cour d'assises sous l'empire du code d'instruction criminelle, lorsque la culpabilité de la personne est résultée d'aveux obtenus par l'usage de la torture.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Cet amendement est d'une importance toute particulière.

Deux personnes ont été condamnées à trois reprises pour le meurtre d'un garde-chasse, après des aveux extorqués sous la torture. Ils ont toujours crié leur innocence. Graciés par le président René Coty, ils n'ont jamais été réhabilités, malgré six demandes. Ils sont morts aujourd'hui... mais d'autres se battent pour défendre leur honneur.

Ces deux personnes s'appelaient Mis et Thiennot. Ils ont livré un combat acharné contre une justice qui ne voulait pas dire qu'elle s'était trompée ; la torture, disait-elle, était connue lors du procès ; ce n'était donc pas un motif de révision.

J'ai l'honneur de vous présenter cet amendement qui permet la révision dans le cas d'aveux obtenus sous la torture. Il est très attendu dans le département de l'Indre.

L'amendement à l'origine a été porté par le député François Jolivet. Il était irrecevable : la mort dans l'âme, j'ai donné un avis défavorable. M. Jolivet a quitté l'hémicycle les larmes aux yeux. J'ai immédiatement demandé une suspension de séance et me suis engagé à reprendre cette mesure en la retravaillant - chose faite deux jours plus tard.

Je vous demande - je vous supplie - de l'adopter.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - La commission des lois soutient votre engagement, avec une sagesse très favorable pour faire aboutir cette affaire.

Mme Nadine Bellurot.  - Sénatrice de l'Indre, je suis particulièrement sensible à cet amendement. En effet, il fallait améliorer la rédaction de cet amendement, déposé par MM. Jolivet et Forissier. Le groupe Les Républicains votera cet amendement qui fait justice aux familles.

Mme Éliane Assassi.  - Monsieur le ministre, nul besoin de nous supplier : le groupe CRCE ne peut que souscrire à cet amendement d'une grande justesse.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Raymond Mis et Gabriel Thiennot ont été condamnés à trois reprises aux travaux forcés, puis à quinze ans de réclusion. Ils ont toujours clamé leur innocence.

Le 1er décembre 2016, je déposais une proposition de loi très similaire à votre amendement ; Jean-Paul Chanteguet faisait de même à l'Assemblée nationale. L'émotion est très compréhensible.

On nous opposait toujours l'absence d'éléments nouveaux, puisque la justice avait connaissance des tortures. C'était un véritable mur, auquel des centaines de personnes en Indre et dans la région Centre-Val de Loire se sont heurtées.

Enfin, vous ouvrez la porte à une révision de cette affaire qui remonte à 75 ans.

Je salue les élus de l'Indre de toutes tendances qui se sont battus contre cette injustice.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je remercie Mme Bellurot pour son soutien. La confiance dans la justice, c'est aussi qu'elle reconnaisse quand elle se trompe, car elle n'est pas infaillible.

C'est après cette affaire que la durée de la garde à vue a été réduite ; avec ce texte, nous allons réduire celle de l'enquête préliminaire, qui s'appelait enquête officieuse dans le code d'instruction criminelle. Le parallèle est pertinent.

Pour les membres des familles, nous ne pouvions manquer ce rendez-vous.

M. le président.  - Cet amendement a reçu un avis de sagesse favorable de la commission.

M. François-Noël Buffet, président de la commission.  - Un avis favorable !

L'amendement n°198 est adopté.

L'article 6, modifié, est adopté.

La séance est suspendue quelques instants.

L'article 6 bis est adopté, ainsi que l'article 6 ter.

ARTICLE 7

M. le président.  - Amendement n°77, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Cécile Cukierman.  - Nous nous opposons fermement à la généralisation des cours criminelles départementales.

Alors que leur expérimentation initiale est censée se poursuivre jusqu'à 2022, aucune étude n'a pu établir de données définitives sur leur mise en oeuvre. Les premiers chiffres dévoilés ne peuvent en aucun cas attester que leur instauration sur le long terme soit aussi judicieuse que le prétend le projet de loi. De nombreux acteurs du monde judiciaire jugent cette expérimentation trop courte pour en tirer des conclusions.

Si la commission des lois du Sénat s'est exprimée dans le sens d'une prolongation d'un an, nous préférons ne laisser aucune chance à cet article d'être réécrit à l'Assemblée nationale et proposons sa suppression.

M. le président.  - Amendement identique n°124, présenté par M. Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

M. Hussein Bourgi.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°187 rectifié bis, présenté par MM. H. Leroy, Bonhomme, Frassa, Duplomb et Bouchet, Mme V. Boyer, MM. Laménie et Gremillet, Mme Bonfanti-Dossat, M. Daubresse, Mme Demas, MM. A. Marc, Guerriau, Charon, Meurant, Sido, Hingray et Genet, Mmes Gosselin et Lherbier, M. Saury et Mme Borchio Fontimp.

M. Henri Leroy.  - Cet article généralise les cours criminelles départementales desquelles sont écartés, pour ne pas dire chassés, les jurés populaires. Demain, ils seront exclus des cours d'assises.

Ces jurys populaires sont pourtant une institution bicentenaire grâce à laquelle la justice est rendue au nom du peuple français. La Révolution a fait entrer le citoyen dans la justice ; vous l'en faites sortir. La justice ne se rend pas sur un coin de table : tant qu'il n'y aura pas de jurés, les cours criminelles départementales ne seront pas totalement légitimes.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Nous sommes favorables aux jurys populaires et pensons prématurée la généralisation de l'expérimentation des cours criminelles départementales. Elles n'ont été installées que début 2020, trop tôt pour lever les interrogations, comme le démontrent les rapports qui ont été commis.

Seules 186 affaires impliquant 100 accusés ont été jugées, trop peu pour en tirer des conclusions significatives.

L'expérimentation, en outre, a été perturbée par la crise sanitaire et par la grève des avocats. Nous avons donc préféré l'étendre pour disposer d'un bilan complet. Avis défavorable à ces amendements.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Les cours d'assises demeurent pour les infractions punies de plus de vingt ans de réclusion criminelle. Elles sont aussi les juridictions d'appel des cours criminelles départementales.

Enfin, il est faux de dire que le peuple n'est pas respecté. Ainsi j'ai fait en sorte qu'une condamnation par un jury populaire soit prise à la majorité des jurés - ce qui n'était plus le cas depuis 2014.

Magistrats et avocats sont satisfaits, les délais moins longs et les appels moins nombreux. Nous avions beaucoup de mal à réunir des jurés. L'expérimentation est en cours depuis septembre 2019 : c'est déjà beaucoup ! Des rapports parlementaires transpartisans en ont tiré un bilan positif - même si quelques braillards mal informés se sont exprimés.

On ne peut conserver ad vitam aeternam deux types de juridictions sur le même territoire. Il est temps d'unifier les juridictions criminelles. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je partage l'analyse d'Henri Leroy. Je me souviens des propos de Mme Belloubet au moment de lancer l'expérimentation dans les huit départements : il y avait un luxe de précautions, et surtout pas de généralisation. Elle avait aussi promis expertises et rapports transpartisans, dont vous vous réclamez ; pour ma part, je n'ai jamais vu un rapport transpartisan au Sénat...

Puis, de huit départements, Mme la garde des Sceaux est passée à dix-sept, sans justification. Je pensais que vous alliez interrompre l'expérience ou du moins vous en tenir là, compte tenu de vos déclarations passées.

Vous affirmez que les magistrats et les avocats sont pour cette réforme, hormis quelques braillards ! Cela fait plusieurs fois que vous utilisez ce terme depuis cet après-midi. On a le droit d'être contre cette mesure sans être qualifié ainsi.

Mme Cécile Cukierman.  - Personne n'est ici dans l'excès ou la caricature, monsieur le garde des Sceaux. Je vous ai souvent dit que de nombreux acteurs du monde judicaire jugeaient l'expérimentation trop courte.

Nous ne sommes pas dans les effets de manche de l'Assemblée nationale ! Dans cette assemblée démocratique, nous faisons de la politique. Nous réfléchissons aux moyens de restaurer la confiance dans l'institution judiciaire. Je vous demande un minimum de respect !

Supprimez les cours criminelles départementales, comme le propose aussi Henri Leroy, et vous retrouverez une homogénéité !

M. Marc Laménie.  - Je suis cosignataire de l'un des amendements de suppression. Il peut être dangereux d'envisager une généralisation des cours criminelles départementales, alors que les jurys d'assises fonctionnent bien.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Les amendements auraient pour conséquences de faire cesser l'expérimentation en mai 2022, trop tôt pour en titrer des conclusions.

Les amendements identiques nos77, 124 et 187 rectifié bis ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Nous avons examiné 43 amendements ; il en reste 154.

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 29 septembre 2021, à 15 heures.

La séance est levée à minuit trente.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 29 septembre 2021

À 15 heures

Présidence : M. Gérard Larcher, président

Secrétaires : Mme Martine Filleul - Mme Jacqueline Eustache-Brinio

1. Questions d'actualité

À 16 h 30 et le soir

Présidence : M. Roger Karoutchi, vice-président, Mme Valérie Létard, vice-présidente

2. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour la confiance dans l'institution judiciaire (texte de la commission, n°835, 2020-2021) et projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour la confiance dans l'institution judiciaire (texte de la commission, n°836, 2020-2021)