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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Hommage à Hubert Germain

Questions d'actualité

Plan France 2030 (I)

Mme Mélanie Vogel

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique

Gestion des flux migratoires entre la France et le Royaume-Uni

M. Jean-Pierre Decool

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Place de la France en Afrique

M. Roger Karoutchi

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Assassinat de Samuel Paty, un an après

M. Pierre-Antoine Levi

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports

Revenu d'engagement des jeunes (I)

M. Pascal Savoldelli

Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion

Plan France 2030 (II)

Mme Patricia Schillinger

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques

Lutte contre le racisme

M. Rachid Temal

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances

Vaccination à Saint-Pierre-et-Miquelon

M. Stéphane Artano

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Hausse des prix de l'énergie

M. Daniel Gremillet

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique

Revenu d'engagement des jeunes (II)

Mme Monique Lubin

Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion

Pénurie d'urgentistes dans le Cher

M. Rémy Pointereau

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Cloud de confiance et souveraineté numérique

Mme Catherine Morin-Desailly

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques

Retraites

M. Jérôme Bascher

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État, chargé des retraites et de la santé au travail

Rapport Sauvé

M. Hervé Gillé

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Violence à l'école

Mme Céline Boulay-Espéronnier

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports

Imbroglio des pneus neige

M. Jean Hingray

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Conférence des présidents

Mises au point au sujet d'un vote

Commissions permanentes (Nominations)

CMP (Nominations)

Vaccination obligatoire contre le SARS-CoV-2

Discussion générale

M. Patrick Kanner, auteur de la proposition de loi

M. Bernard Jomier, rapporteur de la commission des affaires sociales

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles

Mme Véronique Guillotin

M. Stéphane Ravier

Mme Corinne Féret

M. Martin Lévrier

M. Daniel Chasseing

M. Alain Milon

Mme Raymonde Poncet Monge

Mme Laurence Cohen

Mme Nadia Sollogoub

Mme Laurence Muller-Bronn

Discussion de l'article unique

ARTICLE UNIQUE

Interventions sur l'ensemble

M. Patrick Kanner

M. Philippe Mouiller

M. René-Paul Savary

Mme Nadia Sollogoub

CMP (Nominations)

Intégration des jeunes majeurs étrangers

Discussion générale

M. Jérôme Durain, auteur de la proposition de loi

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure de la commission des lois

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté

Mme Esther Benbassa

M. Jean-Yves Leconte

M. Thani Mohamed Soilihi

M. Franck Menonville

M. Laurent Burgoa

M. Guy Benarroche

Mme Éliane Assassi

Mme Nathalie Goulet

Mme Maryse Carrère

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

ARTICLE 2

ARTICLE 5

M. Jacques Grosperrin

M. Bernard Bonne

M. Jérôme Durain

Mme Esther Benbassa

Mme Élisabeth Doineau

M. Guillaume Gontard

Mme Marie Mercier

Conseil européen des 21 et 22 octobre 2021

M. Clément Beaune, secrétaire d'État, chargé des affaires européennes

M. Cédric Perrin, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes

M. Patrice Joly

M. André Gattolin

Mme Colette Mélot

M. André Reichardt

M. Jacques Fernique

M. Pierre Laurent

Mme Catherine Morin-Desailly

M. Henri Cabanel

M. Victorin Lurel

M. Cyril Pellevat

Mme Nathalie Goulet

Mme Pascale Gruny

M. Guillaume Chevrollier

M. Clément Beaune, secrétaire d'État, chargé des affaires européennes

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes

Ordre du jour du jeudi 14 octobre 2021




SÉANCE

du mercredi 13 octobre 2021

5e séance de la session ordinaire 2021-2022

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Françoise Férat, M. Joël Guerriau.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Hommage à Hubert Germain

M. le président.  - C'est avec une profonde émotion que nous avons appris la disparition d'Hubert Germain, dernier compagnon de la Libération, qui vient d'entrer dans l'histoire. (M. le Premier ministre, Mmes et MM. les ministres et Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)

Il fut le dernier membre de « cette chevalerie exceptionnelle, créée au moment le plus grave de l'histoire de France, fidèle à elle-même, solidaire dans le sacrifice et dans la lutte », selon les mots mêmes du Général de Gaulle.

Fils d'un officier général issu des troupes coloniales, Hubert Germain naît le 6 août 1920 à Paris. Il prépare le concours de l'École navale au lycée Michel de Montaigne de Bordeaux au moment de la déclaration de guerre.

Après la défaite, décidé à continuer le combat, Hubert Germain rejoint l'Angleterre depuis Saint-Jean-de-Luz. Après avoir rencontré le Général de Gaulle à l'Olympia Hall, il s'engage immédiatement dans les Forces françaises libres.

Au printemps 1941, il est affecté, en Palestine, à la célèbre Première division française libre. Il participe à la campagne de Syrie. En février de l'année suivante, il rejoint la treizième demi-brigade de Légion étrangère. Il participe à la bataille de Bir Hakeim, au côté du père de notre collègue Pierre Frogier, clairon du bataillon du Pacifique. Il prend part aussi à la bataille d'El Alamein, puis à la campagne de Tunisie.

Le 24 mai 1944, pendant la campagne d'Italie, il est gravement blessé près de Monte Cassino. Évacué à Naples, il est décoré de la Croix de la Libération par le Général de Gaulle.

En août de la même année, il participe au débarquement de Provence, puis aux combats de la Première armée française.

Après la guerre, il devient aide de camp du général Koenig, commandant des Forces françaises d'occupation en Allemagne.

Ce soldat exemplaire s'engage ensuite dans la vie politique, au service de ses concitoyens. Maire de Saint-Chéron, dans l'ancienne Seine-et-Oise, puis député du treizième arrondissement de Paris, il devient ministre des postes, télégraphes et téléphones puis ministre chargé des relations avec le Parlement dans les gouvernements de Pierre Messmer.

À partir de 2010, Hubert Germain est membre du Conseil de l'Ordre de la Libération. Il est également pensionnaire de l'Institution nationale des Invalides à Paris. Le général Thierry Burkhard, nommé chef d'état-major de l'armée de terre, lui rend visite le jour même de sa prise de fonction. Par décret du 25 novembre 2020, Hubert Germain est nommé chancelier d'honneur de l'Ordre de la Libération.

Le 11 juin dernier, anniversaire du dernier jour de la bataille de Bir Hakeim, une cérémonie est organisée en son honneur, sous ses fenêtres, aux Invalides.

Le 11 novembre prochain, Hubert Germain, le dernier des 1 038 Compagnons de la Libération, sera inhumé dans la crypte du mémorial de la France combattante, au Mont Valérien, où le dernier caveau du mémorial l'attendait, conformément au souhait du Général de Gaulle. Il y rejoindra ses 16 premiers compagnons, dont certains tombèrent à ses côtés à El Alamein ou en Italie.

Hubert Germain n'a cessé de résister. À plus de cent ans, il déclarait : « Quand le dernier d'entre nous sera mort, la flamme s'éteindra, mais il restera toujours des braises. Et il faut en France des braises ardentes ! »

Je vous demande d'observer une minute de silence en hommage à Hubert Germain et à l'ensemble des Compagnons de la Libération. (M. le Premier ministre, Mmes et MM. les ministres et Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence.)

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Notre séance est retransmise sur Public Sénat et sur notre site internet. Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun au respect des uns et des autres, ainsi que des temps de parole.

Plan France 2030 (I)

M. le président.  - Je salue notre nouvelle collègue Mélanie Vogel, qui intervient pour la première fois dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER)

Mme Mélanie Vogel .  - J'ai beau avoir écouté avec beaucoup d'attention les annonces du Président de la République sur le plan France 2030, je n'ai pas tout compris : sur 8 milliards d'euros annoncés pour l'énergie, seulement 10 % iront aux énergies renouvelables ! Et rien sur l'efficacité et la sobriété énergétiques... Ce sont pourtant les deux clés de la transition énergétique.

En fait de plan France 2030, on dirait plutôt le plan France 1970 que mes parents ont connu...

Il y a bien une différence : on passe de gros réacteurs, très chers et qui ne marchent peut-être pas, à des petits réacteurs, très chers aussi et qui ne marchent peut-être pas non plus - alors qu'il y a des alternatives plus sûres et moins chères. (Marques de désapprobation à droite et au centre) Messieurs, contrôlez vos émotions ! (Murmures sur les mêmes travées)

Les milliards d'argent public ainsi gaspillés dans le nucléaire nous manqueront pour investir dans la rénovation des bâtiments, les services publics, l'école ou les hôpitaux.

Quelles perspectives offrons-nous aux générations futures en étant la seule Nation au monde à engloutir des milliards d'euros dans une énergie passée ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)

M. Stéphane Piednoir.  - C'est faux !

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique .  - Permettez-moi de vous féliciter, au nom du Gouvernement, pour votre élection. (On ironise à droite.)

Le plan France 2030 fait partie d'une action d'ensemble. En tant que responsable de la politique énergétique de la France, je suis déterminée à atteindre nos objectifs de baisse des émissions de gaz à effet de serre et à garantir l'accès de tous nos concitoyens à l'électricité dont ils auront besoin à l'avenir.

Pour réduire nos émissions, nous devons d'abord réaliser des économies d'énergie - vous l'avez souligné à juste titre. Dans cet esprit, nous mettons en oeuvre un plan massif pour l'habitat et aidons les entreprises à se décarboner.

Il nous faut aussi limiter notre consommation de pétrole, par exemple en passant des voitures thermiques aux voitures électriques. Il en résultera une augmentation très forte de la demande d'électricité dans les années et décennies à venir.

M. Vincent Segouin.  - Et voilà !

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique.  - En dix ou quinze ans, nous n'avons pas le temps de construire des réacteurs nucléaires ; nous devons donc développer considérablement les énergies renouvelables.

Pour la suite, il faut faire des choix. En matière de nucléaire, nous avons besoin d'alternatives aux EPR. C'est le sens du plan France 2030 : investir dans les nouvelles technologies - y compris renouvelables - pour relever les défis de l'avenir, au service de la souveraineté écologique ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Mélanie Vogel.  - Pourquoi le Président de la République parle-t-il d'hydrogène vert, renouvelable, alors que vous prévoyez seulement de l'hydrogène jaune, issu du nucléaire ?

Gestion des flux migratoires entre la France et le Royaume-Uni

M. Jean-Pierre Decool .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Dans les Hauts-de-France, monsieur le ministre de l'Intérieur, vous êtes venu délivrer un message ferme sur la gestion, épineuse, des flux migratoires entre la France et le Royaume-Uni.

En septembre dernier, vous aviez déjà tiré la sonnette d'alarme sur le comportement des Britanniques, qui disaient vouloir réviser leur interprétation du droit de la mer.

La pression migratoire s'accentue vers l'eldorado britannique, avec une hausse exponentielle des tentatives de passage : cet été, les « petits bateaux », comme l'on dit, ont été deux fois plus nombreux.

La gestion de cette frontière est un vieux serpent de mer. Elle est régie par de nombreux accords, dont ceux du Touquet, conclus en 2003. Dernièrement, un accord a été signé sur le financement du renforcement des forces de l'ordre françaises. Dans ce cadre, le Royaume-Uni nous doit plus de 62 millions d'euros sur deux ans. Avez-vous des précisions sur le paiement de cette somme ?

Par ailleurs, nous devons dénoncer les accords du Touquet et imaginer une nouvelle relation. Le Brexit aurait pu en être l'occasion, mais nous l'avons manquée. Le Gouvernement compte-t-il s'emparer du sujet lors de la présidence française du Conseil de l'Union européenne ?

Sur le terrain, les forces de sécurité disposent de nouvelles technologies, comme des drones à détection thermique, mais ceux-ci ne peuvent être utilisés. Pouvons-nous espérer une solution rapide ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur .  - La ministre de l'intérieur britannique a fait savoir, dimanche soir, que son pays paierait les 62 millions d'euros dont vous avez parlé. C'est bien la moindre des choses, puisque nous gardons la frontière pour nos amis anglais. Je savais bien que les Anglais sont gens d'honneur.

Nous sommes vigilants sur le respect du droit de la mer, qui sauvegarde la souveraineté des États comme l'humanité des personnes. Je ne puis imaginer que nos amis britanniques puissent s'asseoir dessus.

Alors que 50 à 60 % des migrants de Dunkerque et Calais viennent de Belgique, la frontière franco-belge doit être mieux tenue ; à la demande du Premier ministre, j'ai donné des consignes strictes en ce sens. Nos amis belges doivent eux aussi prendre leur part de la maîtrise de cette frontière.

Oui, il faut un nouveau traité avec les Britanniques. Je regrette que M. Barnier n'ait pas pu négocier cet aspect au moment du Brexit. Ce nouveau traité sera un sujet de la présidence française de l'Union européenne.

Enfin, je soutiens nos forces de l'ordre et l'usage des nouvelles technologies. Dans quelques jours, vous serez appelés à voter - M. Daubresse le sait bien - une disposition permettant le recours aux drones contre l'immigration irrégulière. J'espère retrouver alors la même unanimité que celle qui entoure votre question. (Applaudissements sur les travées du RDPI ;  M. Emmanuel Capus applaudit également.)

Place de la France en Afrique

M. Roger Karoutchi .  - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Au moment où le président algérien Tebboune fustige la politique migratoire française, où le sommet de la francophonie en Tunisie est reporté, où les gouvernements malien et centrafricain contestent la présence de l'armée française sur leur sol, où le Sénégal proteste contre le retrait des capitaux français au profit des capitaux chinois et où nos établissements en Afrique, notamment culturels, se plaignent de manquer de moyens, y a-t-il encore une politique française en Afrique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Férat et M. Olivier Henno applaudissent également.)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Au moment où le président Tshisekedi considère le président Macron comme l'interlocuteur pour le développement de l'Afrique, où nous sentons les premiers effets de la conférence du 18 mai dernier pour un nouveau pacte de relance en Afrique, où les dirigeants d'Afrique du Sud reconnaissent l'action de la France pour permettre la production de vaccins dans leur pays, où, au Sénégal, nous développons un hub universitaire et construisons une unité de production de vaccins, où nous préparons un sommet entre l'Union européenne et l'Union africaine pour élaborer une nouvelle charte de nos relations, où l'effort de la France en matière d'aide au développement n'a jamais été aussi substantiel en direction de l'Afrique et où nous sommes à la tête d'une coalition de soixante pays au Sahel, oui, vraiment, il y a une politique africaine de la France !

Certes, ce n'est plus la Françafrique - peut-être cela vous déplaît-il ? (Murmures à droite) Reste que notre politique est reconnue par nombre de dirigeants africains, ainsi que par les sociétés africaines, qui se sont exprimées en ce sens lors du sommet de Montpellier. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudit également.)

M. Roger Karoutchi.  - Rassurez-vous : je ne suis pas un nostalgique de la Françafrique.

Mais au moment où la Chinafrique investit massivement, souvent à notre place, et ouvre des bases militaires au Sénégal et à Djibouti, et où la Russafrique envoie milices et conseillers militaires dans des pays traditionnellement sous influence française, nous devons nous interroger.

Depuis un moment - non pas trois ans, mais une décennie -, il y a un doute sur ce que nous sommes censés faire : regardez le franc CFA, nos investissements ou les mouvements migratoires que nous peinons à maîtriser. Oui, il faut revoir complètement la politique française en Afrique ! (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. Hussein Bourgi applaudit également.)

Assassinat de Samuel Paty, un an après

M. Pierre-Antoine Levi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Samedi prochain, 16 octobre, il y aura exactement un an que Samuel Paty a été assassiné. L'Union Centriste se joint aux hommages très nombreux rendus à ce professeur devenu un symbole de la liberté d'expression et de la lutte contre la poussée islamiste dans l'Éducation nationale.

Nous ne pouvons que souscrire aux nouveaux hommages proposés par le ministère pour ce vendredi, mais la commémoration ne suffit pas ; le mal est bien plus profond.

David Di Nota, dans son enquête J'ai exécuté un chien de l'enfer, dénonce l'attitude de la hiérarchie face aux difficultés rencontrées par Samuel Paty. Celui-ci se serait vu reprocher de ne pas suffisamment maîtriser le concept de laïcité... En lisant cela, la colère m'envahit.

L'Éducation nationale aurait-elle déjà cédé à la pression islamiste, pour ne pas faire de vagues ? Dans le cas contraire, quelles mesures concrètes ont-elles été prises depuis un an pour soutenir et protéger les enseignants menacés ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Catherine Deroche et MMGérard Longuet et Antoine Lefèvre applaudissent également.)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports .  - Je vous remercie de rappeler les mesures de commémoration prévues - minutes de silence, moments dédiés. Samedi prochain, je serai moi-même au collège de Conflans-Sainte-Honorine pour inaugurer une plaque en présence de la famille de Samuel Paty.

Dans ces moments de recueillement, l'unité nationale et la dignité seront essentielles. Car, oui, Samuel Paty est devenu un emblème de la République et de la liberté.

En effet, commémorer ne suffit pas ; il faut aussi agir. C'est ce que nous avons fait.

Je puis vous assurer que la principale du collège et les instances académiques ont été au côté de Samuel Paty. Ne condamnons pas trop vite, d'autant que les investigations ne sont pas terminées - je rappelle qu'une procédure judiciaire est en cours.

Je l'ai dit dès 2017 : la doctrine du ministère de l'éducation nationale n'est plus de mettre les problèmes sous le tapis. Tous les signalements nécessaires sont opérés. Quand un problème se pose, l'institution soutient les professeurs.

Tout, certes, n'est pas parfait, mais nous mettons tout en oeuvre pour soutenir concrètement les professeurs, avec des équipes du rectorat qui viennent dans les établissements et un plan de formation sur la laïcité. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Pierre-Antoine Levi.  - Fort bien, mais, ce que veulent les enseignants, c'est exercer leur métier en toute sécurité. Or, ces derniers jours encore, il y a eu des agressions, à Combs-la-Ville et Boulogne. Les professeurs attendent des mesures concrètes. Ne les décevez pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Revenu d'engagement des jeunes (I)

M. Pascal Savoldelli .  - Depuis le début de la crise, nous voyons régulièrement - images choquantes - des centaines de jeunes faire la queue pour recevoir un panier d'aide alimentaire.

Dans ce contexte, l'ambition du revenu d'engagement annoncé par Emmanuel Macron en juillet dernier a été revue à la baisse : le dispositif, prévu pour 1 million de jeunes, ne devait finalement bénéficier qu'à moins de 500 000 d'entre eux.

Aujourd'hui, la promesse semble même tout bonnement enterrée : selon les propos d'un élu rapportés par Libération, ce n'est pas au moment où l'on manque de serveurs et d'ouvriers sur les chantiers « qu'on va filer 500 euros aux jeunes »...

Travaille et tais-toi, est-ce là tout ce que vous proposez à une partie de la jeunesse ? Qu'en est-il, concrètement, du revenu d'engagement ? Que comptez-vous faire pour ces jeunes qui n'ont d'autre choix que d'aller à la soupe populaire ou de s'inscrire sur une plateforme ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER)

Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion .  - Aucun Président de la République n'a agi autant qu'Emmanuel Macron en faveur de la jeunesse. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE et SER)

Le plan « Un jeune, une solution » a mobilisé 9 milliards d'euros et bénéficié à 3 millions de jeunes. Les résultats sont là : le taux d'emploi des jeunes est revenu à son niveau d'avant-crise, quand la crise de 2008 l'avait fait exploser de plus de 30 %. Et nous allons sans doute dépasser le record, atteint en 2020, de 525 000 apprentis ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Nous entendons que la reprise bénéficie aussi aux jeunes les plus éloignés de l'emploi. C'est dans cet esprit que nous travaillons, à la demande du Président de la République - il ne faut pas forcément croire tout ce qui est écrit dans les journaux... (Exclamations à gauche et sur quelques travées à droite)

En particulier, nous devons redoubler d'efforts envers ceux qui ne vont pas spontanément dans les missions locales. Pour eux, je travaille avec Olivier Véran et Emmanuelle Wargon à la construction de parcours sur mesure, en lien avec les associations de terrain et les collectivités territoriales.

Nous capitalisons sur les solutions qui ont fait leurs preuves, comme les immersions en entreprise, les prépas apprentissage et les formations qualifiantes.

Chaque jeune doit accéder au plus vite à l'emploi : ce combat devrait nous rassembler !

M. Pascal Savoldelli.  - Voyez la une du rapport d'activité de l'Armée du Salut : un jeune livreur venant pour manger... (L'orateur brandit un ouvrage.)

Votre réponse le confirme : la promesse sociale du président Macron est enterrée ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER)

La situation est trop grave pour que vous vous livriez à un tel exercice d'autosatisfaction à valeur morale. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER) Si ces jeunes qui n'ont rien, qui cherchent à survivre, étaient des banquiers ou des entreprises, on les aurait soutenus. La cohésion sociale est en danger ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Plan France 2030 (II)

Mme Patricia Schillinger .  - Si la crise sanitaire a mis notre économie à rude épreuve, celle-ci, désormais, se porte bien. Selon l'Insee, le taux de chômage serait descendu à 7,6 %, soit le taux le plus bas depuis 2007.

La volonté de protéger l'économie quoi qu'il en coûte a préservé les entreprises de la faillite.

L'activité est supérieure à son niveau du début du quinquennat. Les investissements dans la relance ouvrent la voie à une croissance de plus de 6 %, au-dessus de la moyenne européenne, de 4,8 %. Ne pas mettre ces résultats au crédit du Gouvernement serait faire preuve d'une certaine mauvaise foi.

Mais la crise sanitaire a aussi révélé notre dépendance à l'égard de l'étranger en matière industrielle. Pour assurer notre souveraineté économique, le Président de la République a annoncé un plan ambitieux de 30 milliards d'euros sur cinq ans.

Alors que la Chine accroît sa production de charbon dans un contexte de pénurie énergétique, comment la France peut-elle renouer avec un âge d'or industriel sans compromettre ses engagements en faveur du climat ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques .  - Le plan France 2030 doit nous permettre de relever les défis des années à venir, dont la transition énergétique - y compris avec le nucléaire -, le vieillissement et l'alimentation, dans un double esprit : progrès et indépendance.

Nous voulons faire émerger les champions technologiques et économiques de demain, capables de prendre le relais des innovateurs qui ont assuré la prospérité et le rayonnement de notre pays au XIXe siècle.

Alors que le débat politique est crépusculaire, alors que le « c'était mieux avant » gagne du terrain, renouons avec le génie français ! (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Lutte contre le racisme

M. Rachid Temal .  - Pas moins de 45 % des agences d'intérim discriminent à l'embauche, à la demande des entreprises. Tel est le résultat du testing réalisé par SOS Racisme.

Devant ces pratiques illégales, que compte faire le Gouvernement ? Ouvrir une nouvelle plateforme en ligne, créer un numéro vert ou un chat, convoquer les entreprises pour « échanger avec elles » -  ce sont les termes du communiqué ministériel  - sur leurs pratiques discriminatoires ?

La discrimination brise la vie de millions de nos compatriotes chaque jour. Il faut une réponse forte et immédiate ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances .  - Je vous remercie pour votre question, même si la manière dont vous l'avez posée m'étonne quelque peu.

Comme vous, je trouve les résultats de cette enquête extrêmement graves. De telles pratiques sont inacceptables en tout point de la métropole et de l'outre-mer.

Sitôt ces chiffres connus, j'ai voulu, en effet, échanger avec les agences d'intérim, pour comprendre comment une telle situation avait pu être possible.

Ne minimisez pas l'importance de la plateforme de lutte contre les discriminations que nous avons lancée en février dernier ; elle a déjà enregistré plus de 10 000 contacts.

Je rappelle que c'est ce Gouvernement qui, au printemps dernier, a lancé une consultation inédite sur les discriminations avec les associations, dont SOS Racisme. Nous poursuivons ce travail aujourd'hui.

Les discriminations ne sont pas seulement une entorse à nos valeurs républicaines : elles en sont la négation, car elles sapent notre cohésion sociale. Nous sommes absolument déterminés à les enrayer ! Au-delà des postures, ce combat doit être transpartisan. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Rachid Temal.  - Il est normal que l'on vous interroge -  c'est notre rôle de parlementaires.

Oui, la discrimination mine le pacte républicain. Pourquoi donc les propositions avancées par le Défenseur des droits dans cette brochure de juin 2020 ne sont-elles pas mises en application ? (L'orateur brandit la brochure.)

Il ne suffit pas de parler et de consulter ; il faut aussi punir. Adecco, condamnée il y a dix ans, n'accepte plus aucune discrimination. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Vaccination à Saint-Pierre-et-Miquelon

M. Stéphane Artano .  - Le Covid 2019 à Saint-Pierre-et-Miquelon, ce sont trente et un cas positifs guéris sans hospitalisation, zéro décès et un taux d'incidence aujourd'hui nul. Le taux de vaccination atteint 90 % pour la première dose et bientôt pour la deuxième.

Avec l'écoute du Gouvernement - parfois aussi en bataillant -, nous avons toujours su adapter les principales mesures sanitaires. La population a joué le jeu.

Je suis vacciné, mais, comme Loïc Hervé, j'ai voté contre le passe sanitaire et la vaccination obligatoire pour certaines professions.

Cette obligation s'applique désormais à Saint-Pierre-et-Miquelon, alors que 95 % des personnels soignants ont reçu deux doses de vaccin. Depuis quelques jours, les personnels non vaccinés ont reçu une fin de non-recevoir du préfet à leurs demandes d'adaptation des règles. Pourtant, dans notre territoire, le virus ne circule pas. La tension sociale s'accroît.

À partir de vendredi, des sanctions financières, peut-être des ruptures de contrat, mettront en difficulté des familles. Monsieur le ministre de la santé, donnez des instructions pour assouplir intelligemment les règles. Aujourd'hui, le dialogue avec les services de l'État est totalement rompu ! (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Laurence Cohen applaudit également.)

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - Je salue l'engagement de la population de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Il n'y a que deux lits de réanimation sur votre territoire. Or nous avons vu combien il était difficile de faire face à une vague épidémique outre-mer.

Saint-Pierre-et-Miquelon a reçu la totalité des doses de première et deuxième injections. Le taux de vaccination atteint désormais 90 %, et c'est tant mieux.

Ne restent que treize salariés des établissements sanitaires et médico-sociaux non vaccinés, ainsi que, je crois, cinq pompiers.

L'obligation vaccinale des soignants vise à les protéger eux-mêmes, mais plus encore les personnes fragiles avec lesquelles ils sont en contact. Nos hôpitaux et nos Ehpad doivent être des sanctuaires.

La loi s'applique dans de bonnes conditions. Au demeurant, nombre de personnels temporairement suspendus ont finalement choisi de se faire vacciner.

Le dialogue ne sera jamais rompu, mais la loi de la République s'applique partout. Je ne puis donc accéder à votre demande. L'obligation vaccinale des soignants doit s'appliquer à Saint-Pierre-et-Miquelon. Les suspensions de salaire seront levées quand ces dix-huit personnes auront fait le choix de se protéger et de protéger les autres. (M. François Patriat applaudit.)

M. Stéphane Artano.  - Appliquer le passe sanitaire ou l'obligation vaccinale chez nous, cela n'a aucun sens aujourd'hui ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; Mme Laurence Cohen applaudit également.)

Hausse des prix de l'énergie

M. Daniel Gremillet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Férat applaudit également.) La flambée des prix de l'énergie, dramatique pour le pouvoir d'achat des ménages et la compétitivité des entreprises, pèse sur la relance de notre économie et sa décarbonation : depuis le 28 mai 2019, les prix ont crû de 307 % pour l'électricité, de 94 % pour le gaz, de 22 % pour le pétrole.

La commission des affaires économiques du Sénat avait signalé, dès juin 2020, le risque d'un effet inflationniste en sortie de crise, et proposé de revaloriser le chèque énergie. Nous n'avons hélas pas été entendus.

Dès la loi Énergie-climat de 2019, dans une proposition de résolution en 2020 puis dans la loi Climat et résilience de 2021, nous avons plaidé pour le nucléaire et proposé un paquet hydrogène. Nous étions bien seuls.

Les retards pris dans nos choix énergétiques ont de lourdes répercussions sur les factures d'énergie et la sécurité de nos approvisionnements.

Pendant ce temps, la Chine bloque ses prix et construit de nouvelles centrales.

Allez-vous abaisser durablement la fiscalité de l'énergie ? Bloquer les tarifs réglementés ? Revenir sur le calendrier de fermeture des douze réacteurs ? Lancerez-vous enfin la construction de nouveaux EPR ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Férat et M. Jean Hingray applaudissent également.)

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique .  - Il faut éviter les amalgames. La hausse des prix des différentes énergies n'a rien à voir avec nos choix. L'augmentation du prix du gaz est liée à la reprise économique et à la trop grande dépendance de l'Europe à cette énergie ; celle des carburants tient à la hausse des cours mondiaux du pétrole. Ne mélangeons pas tout.

Face à l'urgence, le Premier ministre a annoncé des mesures : chèque-énergie exceptionnel de 100 euros pour six millions de ménages modestes, bouclier énergétique avec un blocage des tarifs du gaz et une limitation de la hausse du prix de l'électricité au tarif réglementé à partir de février. Nous prendrons également des mesures pour les automobilistes si la hausse des prix se poursuit.

Face aux enjeux globaux, il faut aussi une politique globale que nous fonderons sur les scénarios qui seront présentés par RTE le 25 octobre. C'est ainsi que l'on travaille à l'avenir de nos concitoyens. (Murmures de protestation à droite)

M. Dominique de Legge.  - Quelle suffisance !

M. Daniel Gremillet.  - Les faits sont têtus. Nous avons doublé le nombre de jours d'importation d'électricité ! Gouverner, c'est décider. Ces cinq dernières années, vous avez hypothéqué l'indépendance énergétique de notre pays. (Applaudissements prolongés sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Revenu d'engagement des jeunes (II)

Mme Monique Lubin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) En janvier 2021, vous avez refusé notre proposition de loi ouvrant le RSA aux moins de 25 ans - alors que 22 % sont concernés par la pauvreté.

Le Président de la République a annoncé la création d'un revenu d'engagement pour 1,2 million de jeunes les plus en difficulté. Puis on a envisagé une demi-mesure qui ne concernerait que 500 000 jeunes - et qui pourrait finalement ne pas voir le jour.

La crise sanitaire a agi comme un révélateur. Qu'on ne dise pas qu'il leur suffit de traverser la rue pour trouver un travail : ceux qui sont tombés dans la précarité avec le Covid travaillaient, justement.

Ces jeunes sont dans des situations très diverses, mais ils ont un point commun : bien qu'étant des citoyens depuis leur 18 ans, ils n'ont pas droit au revenu minimum de subsistance qui leur permettrait de démarrer dans la vie.

Que deviennent ceux que les parents ne peuvent aider et qui n'ont pas de réseau ? Quand leur reconnaîtrez-vous une majorité sociale ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et du GEST)

Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion .  - Je vous confirme que le but du Gouvernement est que chaque jeune accède à l'emploi, car ils attendent plus qu'une allocation. C'est la philosophie du plan « Un jeune, une solution », un investissement de 9 milliards d'euros qui porte ses fruits. Le nombre d'embauches et le taux de chômage des jeunes sont revenus au niveau d'avant-crise.

La reprise offre des opportunités, mais certains ont besoin d'un accompagnement renforcé pour accéder à la formation et à l'emploi.  Il faut aller les chercher quand ils ne vont pas vers les missions locales, leur redonner confiance. Le système s'inspire de la garantie jeunes, avec un accompagnement personnalisé assorti d'une allocation pour ceux qui en ont besoin. Les travaux sont en cours de finalisation.

Je ne doute pas de votre soutien pour des moyens supplémentaires dans le projet de loi de finances 2022. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Monique Lubin.  - Ce n'est pas à nous que vous expliquerez ce qu'est la garantie jeunes. Je parle ici d'un revenu de subsistance pour tous les jeunes que leurs parents n'ont pas les moyens d'aider. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Pénurie d'urgentistes dans le Cher

M. Rémy Pointereau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) J'associe à cette question Mme Marie-Pierre Richet. L'heure est grave. Le week-end dernier, une fois de plus, l'hôpital de Bourges n'a pas pu prendre en charge des patients faute de SMUR primaire et secondaire. Les hôpitaux de Vierzon et de Saint-Amand, situés à plus de quarante minutes de Bourges, ont dû suppléer, alors que ces villes n'ont qu'une ambulance chacune. Les maires ont porté plainte contre X pour mise en danger de la vie d'autrui, ce que je cautionne.

Après avoir été interpellés depuis plusieurs années sur la pénurie d'urgentistes dans le Cher, que proposez-vous pour éviter à nos populations rurales une perte de chance en cas d'urgence vitale ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - Votre territoire fait face à une pénurie d'urgentistes, comme beaucoup d'autres. Nous avons supprimé le numerus clausus, qui a creusé le déficit démographique pendant quarante ans.

À Bourges, sur vingt-cinq postes ouverts, six sont occupés par des praticiens hospitaliers, six par des praticiens attachés associés. Le 8 octobre, en effet, l'hôpital a dû renoncer à ouvrir, pour la troisième fois en trois mois. Ce n'est pas normal.

Je ne peux hélas pas fabriquer des urgentistes.

Un audit réalisé en 2019 a conduit à réorganiser les urgences de Bourges pour améliorer l'organisation fonctionnelle, mais il faut pouvoir recruter.

Quatre des médecins étrangers vont être accompagnés dans leur épreuve de vérification de connaissances et pourront prochainement exercer à temps plein comme praticiens hospitaliers.

Un docteur junior et un assistant spécialiste renforceront les équipes du centre hospitalier en temps partagé, ce qui permettra de sortir la tête de l'eau.

Mais il faut une solution de fond. Nous manquons d'urgentistes, nous en formons plus, un peu de patience. (M. François Patriat applaudit.)

M. Rémy Pointereau.  - Vous ne parlez pas des problèmes des intérimaires. Je vous alerte depuis plus d'un an. Qu'attendez-vous ? Un drame ?

Je vous ai envoyé quantité de courriers, sans jamais recevoir de réponse. Jadis, dans l'ancien monde, les ministres prenaient la peine de répondre aux parlementaires, par respect pour les institutions ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE ; M. Olivier Véran proteste en montrant son dossier.) Le sujet le mérite, il s'agit de populations rurales en danger ! (« Bravos » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

Cloud de confiance et souveraineté numérique

Mme Catherine Morin-Desailly .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Monsieur le Premier ministre, notre groupe a interrogé le Gouvernement à plusieurs reprises sur la souveraineté de nos données, quand nous avons appris que la gestion du Health Data Hub avait été confiée à Microsoft.

Plutôt que de construire notre indépendance technologique, vous annoncez une nouvelle doctrine : le cloud dit de confiance, incitant les sociétés françaises à acheter sous licences les technologies des Gafam pour traiter nos données les plus sensibles.

Le 2 juin, au lendemain de l'accord Microsoft, Orange et Cap Gemini, je dénonçais déjà un contresens. Le récent accord Thalès-Google est un pas de plus dans la gafamisation, d'autant plus inquiétant qu'il touche à notre complexe militaro-industriel, donc à la sécurité de l'État ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe CRCE)

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques .  - Le Président de la République a rappelé hier notre objectif de faire émerger des champions technologiques français.

La France est le seul pays européen à avoir progressé de sept places dans le classement mondial de l'innovation, à être passé de trois à vingt licornes entre 2017 et 2021, à avoir multiplié par quatre les investissements dans son écosystème technologique. Le progrès vers l'indépendance technologique est un des grands succès de ce quinquennat ! (Murmures ironiques à droite)

Nous annoncerons prochainement, avec Bruno Le Maire et Amélie de Montchalin, une stratégie pour développer les champions français du cloud. Les acteurs français offrent-ils aujourd'hui les mêmes possibilités que les acteurs américains ? Non. Ils n'utilisent d'ailleurs pas de microprocesseurs français : ils font le même choix que vous, quand vous ouvrez une page Facebook ou Twitter. Dès lors, l'alliance entre des groupes français et américains est la politique la plus logique, la seule qui ait de l'avenir. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Quand on parle de souveraineté, il faut s'entendre sur les mots. Le cloud de confiance est une opération de rhabillage : Google garde la maîtrise totale. Nous n'aurons aucun accès au code source, nos services de renseignement ne pourront l'auditer, nous serons dépendants de licences coûteuses qui ne produiront aucun emploi, aucun impôt, aucune richesse en France.

La loi FISA permet aux services secrets américains d'obtenir les données traitées par ces sociétés ! On se met dans les mains de ces géants alors que la France excelle pourtant dans le domaine du logiciel. Nos acteurs cyber s'inquiètent, nos hébergeurs se sentent trahis. Votre stratégie incompréhensible est en contradiction totale avec l'objectif de faire de la France une grande nation d'innovation. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Bruno Retailleau applaudit également.)

Retraites

M. Jérôme Bascher .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 7 octobre, l'Agirc-Arrco a décidé de ne revaloriser les retraites complémentaires que de 1 %, soit la moitié de l'inflation prévue... C'est un coup de rabot pour les retraites et un coup de ras-le-bol pour les retraités. (Sourires)

Après la hausse de la CSG en 2018, la non-revalorisation des pensions deux ans durant : les retraités sont maltraités par votre Gouvernement, comme le disait l'Insee dans une note de 2019.

Votre réforme est-elle celle de la baisse continue des pensions, le relèvement de l'âge à 67 ans -  comme l'a dit l'un de vos alliés  - ou, comme à votre habitude, le financement par la dette ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État, chargé des retraites et de la santé au travail .  - Vous avez rappelé la façon dont l'Agirc-Arrco a décidé d'assurer la maîtrise budgétaire de son système : c'est le choix des partenaires sociaux que de sous-indexer de 0,5 par rapport à son indice propre de suivi de l'évolution des coûts.

S'agissant du Gouvernement, les régimes de base seront alignés sur la hausse des prix hors tabac. C'est une bonne nouvelle pour les quinze millions de pensionnés.

Comment financer nos retraites ? Le déficit des 42 régimes est de 8 milliards d'euros cette année, il atteindra 10 milliards d'euros par an d'ici à 2030, soit 100 milliards d'euros pour 2030.

Un système de retraite qui garantit la solidarité entre générations et crée la confiance doit être pérenne, équilibré dans la durée et équitable. Il faudra donc travailler plus longtemps. (M. François Patriat applaudit.)

M. Jérôme Bascher.  - Vous oubliez de dire que l'Agirc-Arrco a l'obligation d'être à l'équilibre. Mais vous avez préféré vous perdre dans les élections régionales plutôt que de réformer les retraites ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Rapport Sauvé

M. Hervé Gillé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Il y a eu 216 000 victimes de clercs ; le chiffre monte à 360 000 si l'on ajoute le personnel laïc ; on a recensé entre 2 900 et 3 200 prédateurs depuis 1950. Ce sont les conclusions accablantes du rapport de la commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église. La communauté catholique - et tous les Français avec elle - se confronte à une réalité brutale, à ces vies abîmées.

Ce rapport, unanimement salué, formule 45 recommandations, écrites avec les associations de victimes, pour envisager une réparation de l'irréparable et une réforme de l'institution.

Au-delà d'une réparation matérielle des préjudices subis, la question primordiale, comme le dit Véronique Margron, présidente de la Conférence des religieuses et religieux en France, est la faillite institutionnelle de l'Église, qui doit réécrire son mode de gouvernance, la formation des clercs, sa théologie morale, sa conception de la sexualité.

Or le rapport Sauvé souligne le caractère systémique des silences et des défaillances face à la pédocriminalité. Alors que la parole se libère, peut-on laisser l'Église face à ses défis ? Le Gouvernement peut-il être un simple observateur ? Quelles suites donnerez-vous aux propositions qui s'adressent à l'État ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur .  - Le constat est effarant. Je salue le courage de l'Église de France d'avoir commandé ce rapport et d'avoir laissé M. Sauvé, personnalité indiscutable, libre de composer sa commission et d'accéder aux archives de l'Église.

M. Loïc Hervé.  - Très bien !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - De nombreuses institutions qui accueillent des enfants ne l'ont pas fait. (M. Bruno Sido applaudit.)

Monseigneur de Moulins-Beaufort a eu des propos malheureux. Je l'ai invité à s'expliquer. Il n'y a évidemment aucune loi supérieure à celle de la République, pour quelque culte que ce soit. Il a dit regretter ses propos, l'incident est clos.

Pour l'État se pose la question de la responsabilité, notamment financière. Selon le rapport Sauvé, la personne morale aussi est responsable. Nous sommes aux côtés de l'Église pour l'accompagner, juridiquement, dans cette responsabilité.

Le secret de la confession est un secret professionnel. S'agissant des crimes sur les enfants, des exceptions sont prévues - et le garde des Sceaux l'a rappelé : ces crimes doivent être dénoncés à la justice. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP ; MM. Stéphane Demilly et Loïc Hervé applaudissent également.)

M. Hervé Gillé.  - En Irlande, il y a vingt ans, l'État avait mis en place des actions communes avec l'Église. Notre responsabilité est collective pour protéger les enfants : elle est aussi la vôtre. (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER)

Violence à l'école

Mme Céline Boulay-Espéronnier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il y a quelques jours, une enseignante a été jetée à terre sous les rires de ses élèves. Une scène traumatisante, qui plus est diffusée sur les réseaux sociaux. J'ai une pensée pour elle et pour tous les enseignants qui subissent les provocations des élèves et parfois des parents.

L'autorité de l'école de la République a été bafouée. Ce n'est hélas pas un acte isolé. Tous les jours, les enseignants sont confrontés à la violence et au manque de respect.

Monsieur le ministre, disposez-vous de chiffres ? Au-delà de la sanction pénale, comment l'Éducation nationale compte-t-elle enrayer la violence qui gangrène l'école de la République, désormais banalisée par les réseaux sociaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports .  - Cet événement scandaleux est révélateur de la violence de notre société, mais aussi de notre réaction.

L'enseignante a eu une attitude exemplaire, le chef d'établissement aussi - toutes les procédures ont été enclenchées bien avant la médiatisation. Nous avons immédiatement porté plainte. La diffusion sur les réseaux sociaux est un élément aggravant.

J'ai installé un carré régalien dans chaque rectorat : valeurs républicaines et laïcité ; lutte contre la radicalisation ; violences ; harcèlement. Sur chacun de ces thèmes, des équipes sont mobilisées pour intervenir auprès des établissements en cas de besoin.

Plus rien n'est mis sous le tapis. Les signalements sont systématiques, j'en rends compte chaque trimestre. Les chiffres n'augmentent pas, nous sommes sur un plateau ; chaque violence n'en est pas moins inacceptable.

En comparution immédiate, l'élève en cause a été sanctionné pénalement et sera re-scolarisé dans un établissement spécialisé. Nous sommes fermes et stricts, cette affaire en est la démonstration. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Céline Boulay-Espéronnier.  - Monsieur le ministre, votre nomination a suscité des espoirs il y a cinq ans, mais votre bilan mitigé a déçu.

Malgré votre discours de fermeté, vous avez échoué à refaire de l'école de la République le sanctuaire qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également.)

Imbroglio des pneus neige

M. Jean Hingray .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) À partir du 1er novembre, les habitants des zones de montagne devront s'équiper de chaînes ou pneus neige, en application de la loi Montagne de 2016.

Se pose le problème du pouvoir d'achat, dans un contexte de hausse des prix de l'énergie. L'obligation concerne la moitié des départements. Ne faudrait-il pas aider les ménages modestes, sur le modèle du chèque énergie ?

Il y a aussi la question de l'assurance. L'obligation ne sera pas assortie de sanction cette année, qualifiée d'année de transition, mais en cas de sinistre, l'assureur ne risque-t-il pas de refuser l'indemnisation en arguant de l'absence de pneus neige ?

Il y a un problème de cohérence territoriale. Sur un même itinéraire, des zones sans obligation succèdent à des zones avec obligation ; M. Joël Giraud s'en est récemment étonné en Auvergne.

Enfin, il y a un problème de pénurie, les équipementiers n'ayant pas de stocks suffisants pour faire face à la demande.

Comment comptez-vous aménager cette obligation ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur .  - Je rappelle que c'est une loi de 2016 que nous appliquons. Vous êtes élu de la montagne, vous savez que les accidents sont fréquents l'hiver. D'où cette obligation.

Je précise que les traditionnelles chaînes suffisent : c'est une fake news de faire croire qu'il faudrait changer de pneus.

La première année sera effectivement une année de pédagogie. Les assureurs ne pourront se prévaloir de cette absence de sanction en matière de responsabilité.

Les préfets des 45 départements concernés travaillent en concertation avec les élus locaux : pour l'instant, seule une moitié a pris un arrêté. Vous ne pouvez pas nous reprocher de prendre nos décisions depuis Paris et nous reprocher maintenant une telle déconcentration !

Enfin, certains sites de montagne ne sont accessibles l'hiver qu'aux véhicules équipés, pour éviter les accidents. C'est le bon sens. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

La séance est suspendue à 16 h 25.

présidence de Mme Laurence Rossignol, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 35.

Conférence des présidents

Mme la présidente.  - Les conclusions adoptées par la Conférence des présidents réunie ce jour vous ont été adressées par courriel et sont consultables sur le site du Sénat. Elles seront considérées comme adoptées en l'absence d'observation d'ici la fin de la séance de cet après-midi.

Mises au point au sujet d'un vote

M. Daniel Chasseing.  - Au scrutin public n°6 du 12 octobre, M. Alain Marc souhaitait voter pour, Mme Colette Mélot, MM. Emmanuel Capus, Jean-Pierre Decool et Pierre-Jean Verzelen souhaitaient voter contre.

Mme Annie Delmont-Koropoulis.  - Au scrutin public n°6, M. Henri Leroy souhaitait voter contre.

Mme la présidente.  - Acte vous est donné de ces mises au point. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l'analyse politique du scrutin.

Commissions permanentes (Nominations)

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission des affaires économiques, de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, de la commission des finances et de la commission des lois ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

CMP (Nominations)

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein des commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire et du projet de loi organique pour la confiance dans l'institution judiciaire ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Vaccination obligatoire contre le SARS-CoV-2

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi instaurant la vaccination obligatoire contre le SARS-CoV-2, présentée par MM. Patrick Kanner, Bernard Jomier, Mmes Marie-Pierre de La Gontrie, Monique Lubin et plusieurs de leurs collègues.

Discussion générale

M. Patrick Kanner, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ce matin même, M. Véran présentait le onzième projet de loi d'urgence sanitaire en Conseil des ministres.

L'épidémie a frappé durement la France et le monde ; elle n'est pas encore derrière nous, mais nous pouvons déjà en tirer quelques enseignements.

Le groupe SER n'entend pas distribuer de bons et de mauvais points sur la gestion de la crise, mais apporter une contribution positive à la discussion. Nous continuons à dire que cette crise dot être gérée avec clarté et transparence : clarté dans les objectifs visés et les mesures à prendre, transparence dans la prise de décision. C'est la condition de la confiance et d'une adhésion massive des Français.

Nous faisons donc le choix de la clarté et de la transparence, alors que le passe sanitaire instauré en juillet est une obligation de vaccination qui ne dit pas son nom, qui ne s'assume pas.

La vaccination obligatoire existe déjà pour certains professionnels. Pourquoi la découper en tranches ? Nous avons applaudi les soignants, devons-nous maintenant les montrer du doigt ?

La vaccination est un devoir citoyen. L'obligation masquée que vous avez introduite a produit ses effets cet été, brisant, il faut le reconnaître, un premier plafond de verre. Il faut désormais en briser un second : les 35 000 primo-vaccinés quotidiens sont insuffisants. À ce rythme-là, il faudra attendre juillet 2022 pour atteindre l'immunité que donnerait la vaccination de 90 % de la population : c'est trop lointain pour passer un hiver serein.

L'épidémiologiste Arnaud Fontanet avertit : bien que le ralentissement se confirme, un redémarrage n'est pas exclu à l'automne, une cinquième vague qui, sans être le calque des précédentes, entraînerait tout de même une embolie hospitalière. En souhaitant maintenir le cadre légal qui rend possible le passe sanitaire jusqu'au 31 juillet 2022, le Gouvernement partage d'ailleurs cet avis.

Le passe sanitaire est un pis-aller bien imparfait : il ne couvre pas les métros, les supermarchés, les meetings de campagne qui s'annoncent, autant de trous dans la raquette sanitaire.

L'obligation vaccinale est plus efficace. Utilisons-la, comme nous l'avons fait pour la première fois en 1902 contre la variole.

Certains de nos concitoyens objectent que les vaccins contre la covid ont été mis sur le marché il y a moins d'un an. Mais ils ont reçu une autorisation de mise sur le marché et, s'ils ont été développés en un temps record, ils ont satisfait à tous les essais cliniques. Ce n'est donc pas une expérimentation.

De plus, ces vaccins sont efficaces : l'étude française EPI-PHARE, menée sur 22 millions de personnes, montre que les vaccinés de plus de 50 ans ont neuf fois moins de risques d'être hospitalisés et de mourir de la covid que les autres.

Pour éviter la saturation des hôpitaux et le tri des patients, la vaccination obligatoire est un devoir éthique. Nous voulons d'abord l'imposer aux plus de soixante ans, avant de l'étendre progressivement aux autres tranches d'âge, et éventuellement de l'interrompre si de nouvelles thérapies sont proposées.

C'est la seule mesure universelle à notre disposition. Les plus précaires ou ceux qui ne se sentent pas concernés par le passe sanitaire entreront enfin de plain-pied dans la stratégie vaccinale.

Il n'y a pas de sanction dans notre texte car ce n'est pas nécessaire. En Nouvelle-Calédonie, la seule obligation vaccinale a suffi à inciter la population.

Pour autant, je soutiendrai l'amendement de notre groupe qui prévoit une sanction modérée et un contrôle aléatoire. Nous observons en effet un relâchement des contrôles du passe sanitaire sur le terrain : de mauvaises habitudes sont prises.

La vaccination obligatoire ne sera pas l'alpha ni l'oméga de la lutte contre l'épidémie, mais une pierre fondamentale dans cette lutte à insérer dans une stratégie plus globale. Je songe notamment à la levée des brevets, à l'initiative Covax qui progresse insuffisamment, à nos engagements internationaux.

Comme l'a souligné Maria Van Kerkhove, de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), sur la seule première semaine d'octobre, il y a eu 3 millions de contaminations dans le monde et 54 000 décès.

La vaccination universelle obligatoire est la seule solution pour, sous réserve de l'apparition de nouveaux variants, réduire la covid à une maladie à bas bruit, avec des résurgences maîtrisées.

L'intérêt général n'étant pas la somme des intérêts particuliers, je vous invite chaleureusement à voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Bernard Jomier, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - L'une des deux journalistes lauréats du prix Nobel de la Paix, Maria Ressa, a déclaré : « Un monde sans faits est un monde sans vérité et sans confiance. »

Les faits eux-mêmes, et non leurs causes, ou les conséquences qu'on en tire, sont devenus objet de débat. Nous devons nous battre simplement pour les défendre. L'efficacité de la vaccination est un fait. Sans elle, à l'arrivée du variant Delta, nous aurions subi ce qu'ont vécu les États non vaccinés.

Il faut un dernier effort face à l'épidémie. Face à un virus imprévisible, la responsabilité de la lutte ne peut reposer sur les seuls professionnels, soumis en juillet à l'obligation vaccinale sous l'argument de l'exemplarité et de la responsabilité éthique. Chacun doit prendre sa part.

Pour cela, l'arme la plus sûre et efficace est bien la vaccination. Le Covid a provoqué 117 000 décès en France et coûté 400 milliards d'euros aux finances publiques. Qui peut faire l'économie de ce geste simple ?

Une très grande majorité de Français, vaccinés, aspirent légitimement à la fin des restrictions. Ce serait possible avec une immunité collective estimée à une couverture vaccinale de 90 % - soit 9 millions de personnes restant à vacciner.

Or l'effet du passe sanitaire s'essouffle : avec 30 000 primo-vaccinations par jour, il faudra attendre juillet 2022 pour atteindre cet objectif. D'ici là, il pourrait y avoir une nouvelle vague avec son cortège d'hospitalisations, de décès, de covid longs.

À côté d'une minorité bruyante d'antivax, entendons les deux Français sur trois favorables à l'obligation vaccinale universelle.

L'obligation vaccinale n'est vraiment pas une nouveauté dans notre pays : variole au début du XXe siècle, poliomyélite, diphtérie, tétanos, tuberculose... Toutes ces maladies ont été maîtrisées grâce à la vaccination obligatoire, à laquelle n'étaient associées que des amendes contraventionnelles.

Les exemples de l'obligation vaccinale contre la covid en Nouvelle-Calédonie ou de l'allongement de la liste des vaccins obligatoires en 2018 sont parlants. Dans ce dernier cas, les objectifs ont été atteints rapidement, et des enfants ont été sauvés.

Au-delà de la sanction, on peut envisager un passeport vaccinal, comme l'Écosse a fait sur les sites à haut risque de contamination.

Ne sous-estimons pas non plus l'impact psychologique d'une obligation vaccinale. Ce n'est pas antinomique de « l'aller vers », bien au contraire. En Nouvelle-Calédonie, l'obligation vaccinale a été votée le 3 septembre. Des hélicoptères ont été mobilisés pour le distribuer aux Kanaks, à leur demande, et le taux de vaccination est passé de 31 à 70 %. (M. Bruno Sido apprécie.)

Je mesure combien des années de progression de l'individualisme ont fini par transformer, à une extrémité de notre échiquier politique, ce bien si précieux que sont les libertés individuelles en un égoïsme sociétal maquillé, suprême indécence, en acte de résistance.

La commission des affaires sociales a rejeté ce texte que je vous invite à titre personnel à adopter. Rassemblons nos concitoyens pour tourner la page d'une crise sanitaire qui n'a que trop duré. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles .  - Cette proposition de loi vise à créer une vaccination obligatoire généralisée.

Il est vrai que pour sortir de la crise sanitaire, la seule réponse possible est la vaccination, grâce à laquelle nous avons surmonté la quatrième vague sans nouvelles restrictions.

Le Gouvernement a lancé une campagne sans précédent, avec un calendrier de vaccination d'abord ciblé sur les plus fragiles et certaines catégories socio-professionnelles puis ouvert à tous les adultes, et enfin aux mineurs de 12 à 17 ans.

Près de 51 millions de schémas vaccinaux ont été initiés et 44 millions sont complets. C'est l'une des meilleures couvertures vaccinales d'Europe.

Il ne faut pas pour autant relâcher nos efforts, que ce soit pour la vaccination dans certains territoires comme les outre-mer, ou pour la campagne de rappel.

Des actions « d'aller-vers » ont été mises en place dès le printemps au bénéfice des plus précaires : plus de 90 % des foyers d'hébergement social, foyers de migrants ou de sans-abri, ont été concernés par au moins une opération.

Aujourd'hui, la vaccination des plus de 80 ans reste insuffisante. Une instruction a récemment été diffusée, pour faciliter, avec des partenariats locaux, la prise de rendez-vous et la vaccination à domicile. Les outre-mer font l'objet de mesures spécifiques dont nous avons débattu ici la semaine dernière, à l'initiative de la délégation sénatoriale aux outre-mer.

Le rappel vaccinal progresse : il est nécessaire car un déclin de la protection est observé dans le temps, que ce soit pour l'infection, la contagiosité ou les formes graves du Covid.

Dès septembre, la France a engagé une campagne de rappel. Elle a touché les plus de 65 ans, les personnes souffrant de comorbidités, les personnes immunodéprimées. Plus récemment, les personnels de santé et l'entourage des personnes immunodéprimées se sont vu proposer un rappel dans les six mois. Enfin, un rappel est proposé après quatre semaines pour ceux qui ont reçu le vaccin Janssen.

Au total, 4,5 millions de personnes sont éligibles à la troisième dose ; 45 % d'entre elles l'ont déjà reçue. Cela fait de la campagne de rappel française est l'une des plus dynamiques d'Europe. Le rappel augmente notre protection individuelle et collective avant l'hiver.

La stratégie vaccinale du Gouvernement a donc montré ses preuves. Saluons l'engagement de tous les acteurs, notamment des collectivités territoriales et des agences régionales de santé (ARS).

Nous avons choisi la voie d'un équilibre entre protection de la santé publique et liberté individuelle, et nous allons poursuivre.

Ce n'est pas en imposant une obligation générale, inapplicable (Mme Marie-Pierre de La Gontrie le conteste), que nous améliorerons la couverture vaccinale. Nous croyons à l'incitation, à la pédagogie, à l'accompagnement, au rappel des gestes barrières, aux contrôles, sans baisser la garde. Il faut convaincre et non forcer.

C'est pourquoi le Gouvernement ne soutient pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mmes Véronique Guillotin et Nadia Sollogoub applaudissent également.)

Mme Véronique Guillotin .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) L'examen de cette proposition de loi a rallumé la flamme du combat des antivax qui ont crié au scandale, au génocide planétaire, et appelé à la révolte contre cette « nouvelle arme biologique ».

Je soutiens les auteurs du texte et le rapporteur, qui ont fait face à une campagne d'intimidation inacceptable. Le pouvoir législatif doit pouvoir rester force de proposition.

Je suis favorable à la vaccination, seule porte de sortie contre les maladies infectieuses graves.

La baisse du nombre d'hospitalisations et de décès, les différences constatées entre les départements à taux de vaccination faible ou élevé parlent d'elles-mêmes, alors que la crise nous a poussés vers un abîme sanitaire, économique, social et éthique.

Le vaccin protège des formes graves et divise par douze les risques d'infection. Les plus de 50 ans ont neuf fois moins de risques d'être hospitalisés et d'en mourir, selon une récente étude.

Enfin, l'obligation vaccinale n'est pas nouvelle. J'ai soutenu en 2018 le passage de quatre à onze du nombre de vaccins obligatoires. La vaccination n'est pas seulement un geste civique : c'est un impératif éthique.

Mais cette obligation arrive trop tôt, face à un virus encore mal connu, évolutif, qui pourrait développer de nouveaux variants. Nous ne maîtrisons pas encore le schéma vaccinal.

Elle arrive aussi trop tard, dans la mesure où les plus de douze ans sont déjà vaccinés à 85 % et que le taux de vaccination des 12-17 ans progresse de manière encourageante, alors qu'ils sont soumis au passe sanitaire depuis le 30 septembre. La dynamique est là et sera renforcée par la fin des tests gratuits.

Les indicateurs sont au vert. Proposer la vaccination obligatoire maintenant relancerait le débat. Une obligation assortie de sanctions susciterait des crispations, alors que nous engageons une relance historique. De plus, elle ne résout pas la question des zones rurales et des plus de 80 ans qui ne résident pas en établissement, les plus éloignés de la vaccination.

Enfin, l'obligation vaccinale remplacerait le passe sanitaire par un passe vaccinal. Faudra-t-il interdire l'école aux non-vaccinés ?

Le RDSE votera contre cette proposition de loi. Ne changeons pas notre fusil d'épaule. Le passe sanitaire semble suffisant pour protéger tout en garantissant les libertés.

En revanche, une campagne massive de sensibilisation et de pédagogie doit être engagée, avec les collectivités territoriales, auprès des plus réticents ou éloignés du vaccin. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe UC ; M. Martin Lévrier et Mme Catherine Deroche applaudissent également.)

M. Stéphane Ravier .  - Décidément, Élysée et Matignon savent compter sur les idiots utiles en toutes circonstances. (Protestations sur les travées du groupe SER)

Alors que le Gouvernement veut proroger le passe sanitaire, les sénateurs socialistes, jamais en retard d'une loi liberticide, imposent l'obligation vaccinale, mineurs compris, avec une amende à la clé.

Les Français sont déjà fracturés entre ceux dont la profession les oblige à être vaccinés, les vaccinés volontaires et ceux, dont je suis, qui ne sont pas vaccinés, (marques de désapprobation à gauche, quelques huées) ne veulent pas l'être, et qui, las d'être harcelés, seraient tentés de vous adresser les cinq lettres si chères à Cambronne. Mais la bienséance sénatoriale me retient. (Protestations sur toutes les travées)

Après dix-huit mois de mensonges, le pouvoir est arrivé à ses fins. Chaque citoyen est devenu flic, juge ou criminel en puissance. Et vous voulez encore jeter de l'huile sur le feu !

La loi scélérate dresse les Français les uns contre les autres, alors que sa raison d'être devrait être le bien commun.

Après le Turkménistan et le Tadjikistan, les deux seuls pays qui ont imposé la vaccination obligatoire, la France devient le Macronistan. (M. Stéphane Ravier retire son masque.)

Plusieurs voix à gauche. - Le masque !

M. Stéphane Ravier.  - Une seule ligne est tenable : le principe de liberté. La vaccination doit toujours être volontaire. Vous avez assez de suppôts estampillés journalistes à votre service pour convaincre ! Cet été, vous annonciez un variant delta à la charge virale mille fois plus importante. Vous vous êtes trompés, ou plutôt vous avez voulu tromper les Français.

Ce dispositif porte une grave atteinte aux libertés fondamentales. Tout s'oppose à cette fuite en avant autoritaire. Chers collègues, je fais appel à votre esprit critique contre cette vaccination obligatoire, qui nous mène à une obligation de contrôle généralisé. (Mme Laurence Muller-Bronn applaudit.)

M. Olivier Jacquin.  - C'est un vaccin contre la rage qu'il vous faudrait !

Mme la présidente.  - Je précise que le masque n'est plus obligatoire à la tribune.

Plusieurs voix à gauche. - Même pour les non-vaccinés ?

M. Patrick Kanner.  - On vient d'être infectés !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Désinfectez le micro !

Mme Corinne Féret .  - Ce que je viens d'entendre est inacceptable. Vous n'avez pas le droit de nous parler sur ce ton et de nous traiter d'idiots. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, RDPI et INDEP, ainsi que sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)

Il est légitime d'interroger les politiques publiques contre la crise sanitaire. En associant vaccination et passe sanitaire, le Gouvernement a mis en place une vaccination obligatoire indirecte et qui ne dit pas son nom.

La lutte contre la pandémie ne doit pas reposer sur quelques professions. Sûre et efficace, la vaccination est le seul moyen de protection collective pour un retour à la vie normale. C'est la clé de la sortie de crise, tout en préservant les libertés collectives.

L'extension à la mi-juillet du passe sanitaire a épuisé ses effets. On observe une tendance à la baisse des primo-vaccinations. Seuls 80 % des plus de 80 ans et 85 % de nos concitoyens souffrant de comorbidités sont vaccinés. C'est trop peu.

À cela s'ajoutent des inégalités territoriales, au détriment des outre-mer notamment. La Seine-Saint-Denis affiche elle aussi un taux de vaccination très inférieur à la moyenne nationale. Ce sont les départements les plus pauvres qui sont touchés.

Il reste neuf millions de Français à vacciner. Nous ne sommes pas sortis de la pandémie. Il faut agir au plus vite pour gagner quelques points de vaccination, en allant vers les Français les plus fragiles. La vaccination obligatoire contraindra l'État à engager un effort de pédagogie.

Le passe sanitaire souffre d'un manque de cohérence dans son application. Il est peu compréhensible pour les Français. La vaccination obligatoire est, au contraire, un choix de clarté et de responsabilité. Elle mettra fin aux trop nombreuses déprogrammations dans l'hôpital public.

Cette proposition de loi est simple. Les plus de 60 ans seront concernés en priorité par l'obligation. Le dispositif sera ensuite étendu par tranche d'âge, et interrompu si de nouvelles thérapies plus efficaces apparaissent.

Quant à la légalité du dispositif, le Conseil d'État a déjà estimé que quand la santé publique l'exige, l'obligation vaccinale est une restriction proportionnée au droit à l'intégrité physique. La Cour européenne des droits de l'homme a, elle, jugé en avril que la vaccination obligatoire est une ingérence proportionnée, au regard du principe de solidarité sociale et des buts que sont la protection de la santé et la protection des droits d'autrui.

Nous devons recouvrer la liberté d'aller et venir. Quand la liberté individuelle porte atteinte à la santé collective, la loi doit rétablir l'équilibre.

La Nouvelle-Calédonie a montré l'exemple : depuis début septembre, avec l'obligation vaccinale, le taux de vaccination a fortement augmenté. Porter de trois à onze le nombre de vaccins obligatoires en 2018 nous a également permis d'atteindre nos objectifs. Nous ne proposons donc rien d'inédit.

Ces vaccins seraient-ils expérimentaux ? Tout vaccin nécessite une autorisation de mise sur le marché. Les vaccins contre la covid, certes développés en temps record, ont passé plusieurs phases d'essais cliniques. Ils n'ont rien d'expérimental.

Agir pour protéger la santé et le personnel soignant, voilà ce que nous vous proposons.

L'heure de l'obligation vaccinale est venue. Elle seule nous protégera contre les inégalités sociales et territoriales, en obligeant l'État à aller vers tous les Français. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Martin Lévrier .  - Tout est question d'arbitrage et de choix politique : quelles libertés sacrifier pour être mieux protégés ? (M. Loïc Hervé approuve.) Chacun fixe son propre point d'équilibre entre liberté et sécurité.

Nos collègues socialistes proposent de rendre la vaccination contre le Covid obligatoire en modifiant l'article L. 3112-2 du code de la santé publique pour ajouter le vaccin contre le Sars-CoV-2 à la liste des vaccins obligatoires.

Cette démarche, quoique compréhensible, n'est pas nécessaire : 51 millions de Français ont déjà reçu une dose. La priorité est d'aller vers les plus défavorisés.

Il y a neuf mois, seuls 39 % des Français déclaraient avoir l'intention de se faire vacciner, contre 79 % des Allemands, 69 % des Britanniques, 65 % des Italiens, 64 % des citoyens des États-Unis. En Inde et en Chine, le taux était respectivement de 87 et 85 %.

Depuis, l'action incitative du passe sanitaire a été démontrée. Avec le confinement, les gestes barrières, le passe sanitaire, les Français ont joué le jeu. Qu'ils en soient remerciés : grâce à eux, nous allons vers une couverture totale. La fin de la gratuité des tests devrait renforcer l'incitation à la vaccination.

Développés très tôt, les dispositifs « d'aller-vers » touchent les plus éloignés du système de soins : personnes touchées par la fracture numérique ou le handicap, migrants, détenus... Plus d'un million de personnes ont été ainsi vaccinées.

Le 7 juillet, à la demande du conseil de l'ordre des médecins généralistes, appuyé par le Gouvernement, la CNIL a validé l'envoi aux médecins traitants de la liste de leurs patients non vaccinés.

M. Loïc Hervé.  - Qui le demande ?

M. Martin Lévrier.  - Alors que certains sont réticents à une troisième dose, cette proposition de loi contre-productive va ajouter de la peur à la peur.

De plus, les sanctions manquent, de même que les moyens de contrôle. Or une bonne loi est une loi applicable.

Ceux qui, hier, accusaient le Gouvernement et la majorité d'abus de pouvoir et d'autoritarisme, qui prônaient le 100 % pédagogique, passent avec ce texte au 100 % coercitif ; de la liberté absolue à la sécurité absolue !

Vous n'avez pas compris que le passe sanitaire illustre le « en même temps »...

M. Loïc Hervé.  - C'est pour cela qu'il faut le supprimer !

M. Martin Lévrier.  - ... en permettant à chaque Français de devenir acteur de la lutte contre la pandémie. C'est pourquoi le RDPI votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Daniel Chasseing .  - La découverte, en un temps record, des vaccins anti covid est une grande victoire. La vaccination massive de la population française a stabilisé la situation sanitaire : 21 nouveaux départements sont repassés sous le seuil d'alerte lundi, ce qui permet à de nombreux écoliers de reprendre une scolarité sans masque. Je remercie élus, soignants et sapeurs-pompiers pour leur travail considérable.

Les campagnes de rappel sont à saluer. Plus de 87 % de la population éligible a reçu une première dose en métropole, cap franchi grâce au passe sanitaire qui a permis d'éviter une obligation vaccinale généralisée.

Malgré tout, des incertitudes demeurent, avec l'apparition de nouveaux variants qui pourraient être résistants au vaccin. Mais la vaccination est le meilleur moyen d'éviter les vagues de contaminations. Elle sauve de nombreuses vies comme le confirment les études de l'ANSM et de la CNAM. Les plus de 50 ans vaccinés ont neuf fois moins de risques d'être hospitalisés ou de mourir que les autres. Les patients hospitalisés sont d'ailleurs majoritairement des non-vaccinés.

Le groupe Les Indépendants a approuvé l'obligation vaccinale pour les personnels soignants et les professionnels qui sont particulièrement exposés. La question de l'obligation vaccinale générale aurait pu se poser mais cela ne nous semble plus nécessaire à ce stade : les neuf millions de Français non vaccinés sont hétérogènes alors que la vaccination progresse chez les jeunes.

Le passe sanitaire est une solution de compromis qui a fonctionné. Cependant, la sortie de la crise sanitaire doit se faire dans la concorde : l'Espagne a su responsabiliser sa population par le dialogue et l'incitation. Faisons de même.

Les Indépendants ne voteront pas cette proposition de loi : certains de ses membres s'abstiendront, d'autres voteront contre. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI)

M. Alain Milon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les questions simples ont souvent des réponses complexes, comme le montre cette proposition de loi qui se borne à ajouter un douzième alinéa à l'article 3111-2 du code de la santé publique.

À titre personnel, je suis un ardent défenseur de la vaccination obligatoire. Mais le principe ne suffit pas : selon Claude Bernard, c'est l'expérience qui confirme les idées. Il convient donc de confronter l'obligation vaccinale à l'environnement juridique et scientifique. La protection individuelle et collective la justifie-t-elle ? Dans sa résolution de janvier dernier, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) appelle à ne pas rendre la vaccination obligatoire. Nous avons voté ici l'obligation vaccinale pour certains personnels exposés, moi compris. À partir de décembre, les plus vulnérables ont été priorisés. C'était nécessaire face au manque de doses.

Depuis cet été, le passe sanitaire a produit ses effets et 50 millions de Français sont désormais vaccinés. Mais dès l'examen du projet de loi sur la gestion de la crise sanitaire, j'avais alerté sur l'émergence de variants qui, pour l'instant, n'échappent pas à la vaccination. Si cela devenait le cas, il faudrait instaurer annuellement une vaccination obligatoire. Dans ces conditions, alignons-nous sur le modèle du vaccin contre la grippe, fortement conseillé pour les personnes vulnérables.

Bernard Jomier a rappelé l'existence de vaccins obligatoires, mais ils couvrent des maladies bactériennes ou des virus non variants.

En outre, si l'article 40 impose le non-remboursement par la sécurité sociale, on aurait pu envisager un remboursement par les mutuelles.

Enfin, la proposition de loi est proclamatoire, sans sanctions.

Le groupe Les Républicains votera donc contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Martin Lévrier applaudit également.)

Mme Raymonde Poncet Monge .  - Depuis l'instauration du passe sanitaire, la vaccination n'est plus un choix individuel. Avec la fin du remboursement des tests - qui fragilisera la stratégie du « tester, alerter, protéger » - la question de la vaccination obligatoire se pose.

La vaccination protège des formes graves et préserve notre système de soin qui traverse une crise profonde. La vaccination est devenue l'alpha et l'oméga de la politique publique de santé mais s'est heurtée aux inégalités sociales et territoriales et à la défiance envers la parole politique et institutionnelle. Cette défiance concerne notamment les personnes les moins diplômées et les plus pauvres, nous apprend une étude menée sur 135 000 personnes.

Il faudrait se pencher sur les inégalités d'accès aux soins et les déserts médicaux. Pour accélérer la vaccination, les collectivités territoriales et les services déconcentrés de la santé ont mis l'accent sur « l'aller-vers ». Plus de 85 % des plus de 12 ans sont vaccinés : il faudrait gagner encore quelques points avant l'arrivée d'une possible cinquième vague. Mais on parle déjà de troisième dose : l'atteinte d'une couverture vaccinale totale est un objectif qui se dérobe avec le temps, sans compter les variants à venir.

La priorité nous semble plutôt être une vaccination centrée sur les plus vulnérables. 92,5 % des 65 à 74 ans sont vaccinés, mais seulement 85 % des plus de plus de 80 ans. Qu'apporterait de plus une obligation ?

A-t-on tout fait pour « l'aller-vers » ? Prenons en exemple l'Espagne et le Portugal dont les plus de 80 ans sont tous vaccinés.

Quant aux populations rétives, le SAMU souligne l'efficacité d'une démarche de proximité : après discussion, peu de gens maintiennent leur refus.

L'obligation vaccinale risque de figer la résistance. Évitons de fracturer encore un peu plus notre société. Avec l'obligation, la France s'engagerait dans une gestion verticale et centralisée de la pandémie.

Enfin, selon l'Institut Pasteur, la vaccination totale ne permettra pas un retour total à la normale. De plus, elle prendrait à contre-pied le point de vue de l'OMS selon lequel il faut convaincre plutôt que contraindre.

Le GEST remercie le groupe SER pour ce débat, mais votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Laurence Cohen .  - La lutte contre le Covid-19 passe par la vaccination du monde entier, objectif partagé par tous ici. Covid Tracker indique que le cap des 50 millions de Français vaccinés a été franchi le 6 octobre, malgré des taux plus faibles en outre-mer. Je ne parle même pas d'autres pays où l'accès aux vaccins est quasi inexistant. Il faut donc défendre la levée des brevets afin que les vaccins profitent à l'ensemble de la planète.

Le CRCE estime que la persuasion est plus efficace que la contrainte. Parmi les non-vaccinés, beaucoup de personnes âgées isolées. Que signifierait une obligation vaccinale pour elles ?

C'est une campagne de prévention nationale qu'il faut mener. Pour toucher les 14 % de plus de 80 ans, les obèses et les plus précaires, l'obligation ne servirait à rien ; il faut chercher ces personnes une par une grâce aux médecins traitants, aux infirmières et aux associations.

Selon Jérôme Martin, on ne peut attribuer à l'individu toute la responsabilité de son action. Il faut donc l'accompagner.

Il est regrettable que le Gouvernement ait fait de la vaccination un enjeu politique, alors que c'est un enjeu de santé publique. Or celle-ci est mise à mal depuis vingt ans : 100 000 lits ont été fermés pour faire 9 milliards d'économies, et 5 700 lits ont encore été supprimés en 2020. Voir les profits des labos s'envoler rend plus indispensable encore la création d'un pôle public du médicament.

Comment garder les professionnels à l'hôpital, dépités d'avoir été applaudis hier et stigmatisés aujourd'hui, du fait de l'obligation vaccinale qui leur est imposée ? Les milliers de suspensions provoquent des tensions dans les établissements. Ainsi, l'hôpital de Mulhouse a dû déclencher le Plan blanc pour réquisitionner le personnel disponible. Et l'obligation vaccinale des soignants ne peut être appliquée outre-mer, sous peine de devoir fermer des établissements.

La grande majorité du CRCE votera contre cette proposition de loi, car nous préférons l'adhésion à la contrainte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; M. Alain Houpert applaudit également.)

Mme Nadia Sollogoub .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) J'adresse un message de soutien à notre collègue Patrick Kanner et à son groupe, qui ouvrent un débat utile. À tous ceux qui croient qu'inonder les boîtes aux lettres de mails injurieux influence le vote des sénateurs, je réponds que nous ne légiférons pas à l'audiomètre. (Applaudissements sur la plupart des travées)

Je respecte le droit d'expression et le droit de manifestation mais à ceux qui en font trop, je demande de me laisser m'informer à des sources fiables et travailler sereinement dans le souci de l'intérêt commun. (Marques d'approbation sur diverses travées)

Cet été, nous avons voté l'instauration du passe sanitaire et l'obligation vaccinale pour les soignants. Aujourd'hui, le groupe SER propose de l'étendre à tous les Français de plus de 12 ans. La courbe des vaccinations s'infléchit certes, mais analysons les causes de ce phénomène. Faut-il s'attaquer au « comment » sans s'être interrogé sur le « pourquoi » ?

Dans le rapport de M Jomier, je ne trouve pas d'analyse sur la réticence vaccinale. Lors d'une audition, le professeur Delfraissy nous avait incités à comprendre et respecter les hésitations vaccinales.

Pourquoi certains refusent ? Ont-ils été approchés ? Disposons-nous du retour des 700 ambassadeurs de la vaccination ? Quelle est la proportion des antivax ? Qu'en est-il des plus de 80 ans, souvent en état de mort sociale ?

Cette proposition de loi en ferait des hors-la-loi. De plus, ces personnes ne sont pas en situation de transmettre la maladie, vue leur isolement.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Tout va bien, alors !

Mme Nadia Sollogoub.  - Imposer la vaccination aux antivax serait contre-productif : luttons plutôt contre les fake news.

Comment comprendre que les personnes vivant dans les territoires les plus défavorisés présentent les taux de vaccination les moins élevés ? Problème d'accès aux soins ou habitats dispersés qui favorisent le sentiment d'impunité ?

Cette obligation radicale serait difficile à mettre en oeuvre et creuserait les inégalités.

Il faut désormais faire du cas par cas et des kilomètres pour toucher ceux qui ne sont pas tous des antivax mais des éloignés.

Ce n'est pas une obligation générale qui y parviendra mais un travail de dentelle. Ira-t-on au domicile des Français pour contrôler leur statut vaccinal ? Sans contrôles, la mesure serait inopérante.

Le Conseil scientifique a rendu le 5 octobre un avis qui pointe la baisse du nombre de vaccinations mais envisage un allègement progressif des mesures.

Si nous avions voté une obligation vaccinale généralisée en juillet, nous en serions probablement au même point aujourd'hui, car les obstacles auraient été les mêmes pour toucher les plus éloignés.

Le maintien strict des gestes barrières, très important, ne relève pas de la loi.

Le groupe UC, dans sa majorité, votera contre la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Loïc Hervé.  - Bravo !

Mme Laurence Muller-Bronn .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) À entendre les partisans de la vaccination obligatoire, cette décision serait simple et ceux qui font un autre choix seraient d'obscurs complotistes. (Protestations sur les travées du groupe SER)

Pourtant, l'Académie de médecine est contre une troisième dose généralisée, le professeur Fischer, le monsieur vaccin du Gouvernement, s'oppose à l'obligation vaccinale, le contexte actuel ne le justifiant pas. Le Conseil de l'Europe, dans sa résolution du 27 janvier 2021, a rejeté l'obligation vaccinale ainsi que toute pression politique ou sociale en ce sens.

La Finlande, la Suède, la Norvège et le Danemark interdisent le vaccin Moderna chez les hommes jeunes en raison de risques accrus.

La France a inscrit le principe de précaution dans sa Constitution. Il est donc impossible d'imposer légalement la vaccination avec des produits expérimentaux. (Exclamations indignées sur diverses travées)

Or les vaccins à ARN messager sont encore en phase 3 expérimentale, avec une autorisation de mise sur le marché temporaire, et ce, jusqu'en 2023. (Protestations sur les travées du groupe SER)

Des études et des rapports nous alertent sur l'insuffisance des preuves concernant l'innocuité et l'efficacité des vaccins, sur la sécurité des injections, sur la transmission du virus ou encore sur les risques du vaccin sur les jeunes, les enfants ou les femmes enceintes. (Mêmes mouvements)

Il n'y a pas de consensus scientifique sur la vaccination de masse. Les professionnels de santé divergent. D'autres pistes existent, comme l'immunité naturelle.

M. Martin Lévrier.  - Ce n'est pas sérieux !

Mme Laurence Muller-Bronn.  - Les médecins doivent pouvoir soigner avec des traitements précoces et reconnus.

Quelle légitimité avons-nous, parlementaires, pour nous contenter d'une seule doctrine et pour décréter une vaccination obligatoire, alors que des médecins, des soignants, des scientifiques doutent - jusqu'à renoncer à leurs revenus à cause de leurs convictions ?

Si le Gouvernement est sûr de lui, ouvrons le dialogue : nous ne sommes pas la chambre d'enregistrement du Conseil scientifique.

Il est de notre devoir de restaurer les libertés publiques.

Alors que la pandémie connaît une accalmie et que 80 % de la population est vaccinée, il est temps de renoncer à l'obligation vaccinale et à la troisième dose. (Protestations sur les travées du groupe SER et sur le banc de la commission)

M. Alain Houpert.  - Il est temps d'arrêter le passe !

Mme Laurence Muller-Bronn.  - Plutôt que de gouverner par la peur et le contrôle, il serait bon d'agir avec calme et raison.

Je voterai contre la proposition de loi. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Quelle honte !

La discussion générale est close.

Discussion de l'article unique

ARTICLE UNIQUE

Mme la présidente.  - Amendement n°1 rectifié quater, présenté par Mme Noël, M. L. Hervé, Mme Jacques, M. Pellevat et Mmes Pluchet, Muller-Bronn et Thomas.

Supprimer cet article.

Mme Sylviane Noël.  - Les différents vaccins contre le Covid bénéficient d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) conditionnelle dont la durée n'excède pas un an. Les essais cliniques de phase 3 sont toujours en cours.

Rendre obligatoire l'administration de vaccins génétiques dont la phase expérimentale est toujours en cours, est ainsi politiquement imprudente et moralement condamnable. C'est même impossible juridiquement dans l'état actuel de la réglementation.

Cette proposition de loi contrevient à toutes les règles internationales en matière de santé publique. La Convention d'Oviedo de 1997 signée par 29 pays, dont la France, dispose qu'une intervention dans le domaine de la santé ne peut être effectuée qu'après que la personne concernée y a donné son consentement libre et éclairé. L'Assemblée du Conseil de l'Europe, dans sa résolution du 27 janvier 2021, demande aux États membres de l'Union européenne « de s'assurer que les citoyennes et les citoyens sont informés que la vaccination n'est pas obligatoire et que personne ne subit de pressions politiques, sociales ou autres pour se faire vacciner »...

Mme la présidente.  - Votre temps de parole est écoulé. Je suis obligée de vous interrompre.

M. Bernard Jomier, rapporteur.  - Avis défavorable. Nous venons d'avoir un débat sur l'obligation vaccinale. Cet amendement s'oppose au vaccin et non pas à l'obligation vaccinale.

Vous prétendez que le vaccin est en phase d'expérimentation. C'est faux. La phase 3 signifie qu'il reste surveillé, mais qu'il a satisfait aux tests et qu'il peut être distribué normalement.

La Food and drug administration (FDA) américaine considère maintenant que le produit est sans danger. Aux États-Unis, plus de 230 millions de doses ont été délivrées.

Mme la présidente.  - Votre temps de parole est également écoulé. Je rappelle que le Sénat, dans sa grande sagesse, a décidé de ramener à deux minutes le temps d'intervention de chaque orateur. Je donne la parole au Gouvernement.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Nous nous opposons à l'obligation, mais réfutons les arguments de madame la sénatrice.

Je ne peux pas laisser passer des sous-entendus comme le caractère expérimental et non contrôlé des vaccins. Plus de 7 milliards d'injections ont été faites dans le monde, depuis près d'un an. Il ne s'agit pas d'une phase expérimentale ! La décision d'autoriser un produit de santé ne dépend pas du Gouvernement, mais de l'Agence européenne du médicament, indépendante, et qui s'appuie sur l'expertise des 27 agences sanitaires nationales. La qualité des doses est contrôlée par le laboratoire, mais aussi par un laboratoire indépendant.

L'ANSM suit les éventuels effets secondaires.

Avis défavorable à cet amendement.

Mme la présidente.  - Si cet amendement était adopté, la discussion s'arrêterait.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales.  - La commission a voté contre l'article unique. Mais les arguments développés par les auteurs de cet amendement nous empêchent de le voter, car il s'agit des thèses soutenues par les antivax. L'avis de la commission est donc défavorable, mais il sera aussi défavorable à l'article.

Mme Corinne Féret.  - Je m'étonne de retrouver dans l'argumentation des auteurs de l'amendement le fantasme de « vaccin génétique » véhiculé par les réseaux sociaux. Je préfère me référer à l'étude de l'Inserm pour rétablir les vérités scientifiques.

L'objet de l'amendement invoque la liberté individuelle - mais quand elle porte atteinte à la santé collective, la loi doit rétablir l'équilibre pour protéger l'ensemble de la société. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Alain Milon.  - Je salue le calme de Bernard Jomier, de Catherine Deroche et du ministre après les propos de Mme Noël -  qui sont inadmissibles.

À leur place, j'aurais bondi. J'ai honte ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, RDPI et sur certaines travées du groupe Les Républicains)

M. René-Paul Savary.  - Je suis révulsé. J'habite dans le Grand Est, qui a été particulièrement touché. Il y a eu plus de morts en France que dans d'autres pays à population égale. On n'a pas le droit de mettre en danger la confiance de la population dans les vaccins.

Quand nous n'avions pas de vaccin, nous pleurions tous ! Et maintenant, il ne faut plus se faire vacciner ! Il y a vraiment quelque chose qui ne va pas !

La question de la vaccination ne se pose pas, mais celle de l'obligation vaccinale, si. J'espère qu'on n'aura pas à se tourner vers elle. M. le ministre estime qu'elle n'est pas applicable, mais il soutenait aussi il y a quelques temps qu'il ne fallait pas utiliser les moyens numériques ni le passe sanitaire. Et puis, on y est venu... (Applaudissements sur plusieurs travées)

M. Olivier Henno.  - C'est un débat passionnel. Je ne voterai pas l'obligation vaccinale, contre-productive. Mais j'affirme mon admiration sans borne pour Louis Pasteur.

En tant qu'élus, nous avons un devoir de confiance envers la science. Je ne voterai pas cet amendement qui génère de la méfiance.

M. Loïc Hervé.  - J'ai signé cet amendement, car je suis opposé à l'obligation vaccinale, comme je le suis aussi au passe sanitaire.

M. Savary et Mmes Guillotin et Lavarde ont écrit un rapport qui peut susciter des débats. Si l'on interdit à Mme Noel de parler, la démocratie n'a plus aucun sens ! (Exclamations sur les travées du groupe SER)

Le Conseil des ministres a adopté ce matin un texte pour imposer le passe sanitaire jusqu'en juillet 2022 !

Je ne partage pas tous les arguments de Mme Noel, mais ne les disqualifiez pas. Il vaut toujours mieux convaincre qu'empêcher les adversaires de parler. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Daniel Chasseing.  - Le vaccin, validé par les autorités européennes et françaises, n'est pas en phase expérimentale. Les médecins se sont efforcés de convaincre la population de se faire vacciner pour atteindre l'immunité collective et nous n'en sommes pas loin. Il y a quelques mois, nous aurions peut-être voté cette proposition de loi, mais nous voyons aujourd'hui que le passe sanitaire fonctionne bien.

Je voterai contre cet amendement.

Mme Lana Tetuanui.  - Je ne participerai pas au vote par principe : la santé est une compétence de la Polynésie Française qui, le 20 août dernier, a voté l'obligation vaccinale.

Je retrouve dans l'amendement les arguments des 38 recours déposés devant le Conseil d'État contre cette obligation. En Polynésie Française, 90 % des 600 décès concernent des personnes non vaccinées. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Marie Mercier.  - C'est grâce au vaccin que la population et les soignants sont protégés face à cette pandémie meurtrière.

Les coronavirus sont nombreux, ils mutent et ils sont pervers. Je ne voterai pas l'obligation vaccinale et je reste dubitative sur la vaccination des jeunes enfants.

Mme Florence Lassarade.  - Ce débat arrive tardivement. Le vaccin a été une chance exceptionnelle contre cette maladie mortelle. Il y a quelques mois, j'étais favorable à l'obligation vaccinale.

En décembre, j'aurais voulu qu'elle soit décrétée pour les soignants.

La vaccination des enfants, même en bas âge, serait nécessaire pour atteindre l'immunité collective. Mais si nous rendons la vaccination obligatoire, nous devrons faire de même pour d'autres maladies, comme la grippe.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Non ! Cela relève du décret !

Mme Florence Lassarade.  - Et pendant combien de temps faudrait-il maintenir l'obligation ?

Mieux vaut continuer à convaincre.

Mme Esther Benbassa.  - Dans la lutte contre l'épidémie, qui doit rester une priorité, nous avons un atout qui a fait ses preuves : le vaccin, dans lequel nous pouvons avoir confiance.

Néanmoins, la vaccination obligatoire porterait une atteinte démesurée aux libertés individuelles. Poursuivons dans la voie de la pédagogie, qui donne de bons résultats. Responsabilisons les citoyens et allons vers les plus réticents. C'est fastidieux, certes, mais cela vaut mieux que de rogner un peu plus nos libertés.

Je m'abstiendrai sur cet amendement.

M. Guy Benarroche.  - De toute évidence, une large majorité d'entre nous est favorable à la vaccination. Pourquoi, dès lors, ne pas aller plus loin, en demandant la levée des brevets ?

Pendant que nous nous offrons des débats de riches, de très nombreuses personnes dans le monde n'ont pas accès au vaccin. La France, qui défend les valeurs démocratiques, devrait mener ce combat ! (Mme Monique de Marco applaudit.)

Mme Annick Billon.  - Je ne voterai pas cet amendement, qui jette une suspicion sur la vaccination.

Totalement convaincue de l'utilité du vaccin, je ne soutiens toutefois pas l'obligation. Elle aurait pu avoir un sens plus tôt, mais ce n'est pas aujourd'hui la bonne solution. Sans compter que nous n'avons pas les moyens de la mettre en oeuvre.

Appelons sans relâche nos concitoyens à se faire vacciner !

M. Laurent Somon.  - Il y a quelques mois, nous aurions probablement voté l'obligation vaccinale, afin d'enrayer plus rapidement la pandémie. Mais alors qu'on ne sait rien de l'efficacité des vaccins sur de futurs variants, mieux vaut conserver une certaine liberté d'appréciation au niveau territorial plutôt que d'instaurer une obligation généralisée.

À la demande du RDPI, l'amendement n°1 rectifié quater est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°7 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 5
Contre 338

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par M. Jomier, Mme Féret, M. Kanner, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, MM. Bouad et Bourgi, Mme Briquet, M. Cardon, Mme Carlotti, MM. Chantrel, Cozic et Dagbert, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Durain, Éblé, Féraud et Fichet, Mme M. Filleul, M. Gillé, Mme Harribey, MM. Houllegatte, Jacquin et Jeansannetas, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mme Le Houerou, MM. Leconte et Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Marie et Mérillou, Mme Meunier, MM. Michau et Pla, Mmes Poumirol et Préville, M. Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, M. Roger, Mme Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, Todeschini, M. Vallet et Vallini, Mme Van Heghe et M. Vaugrenard.

Après l'alinéa 2

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Le même article L. 3111-2 du code de la santé publique est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« ....  -  À compter du 1er janvier 2022, le refus de se soumettre ou de soumettre ceux sur lesquels on exerce l'autorité parentale ou dont on assure la tutelle à l'obligation de vaccination prévue au 12° du I est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe. Cette contravention peut faire l'objet de la procédure de l'amende forfaitaire prévue à l'article 529 du code de procédure pénale. Si une telle infraction est verbalisée à plus de trois reprises au cours d'une période de trente jours, l'amende est celle prévue pour les contraventions de la cinquième classe. »

Mme Corinne Féret.  - Cet amendement instaure une sanction contraventionnelle en cas de non-respect de l'obligation -  à compter du 1er janvier prochain, afin de donner à chacun le temps de s'y conformer. L'amende appliquée, de quatrième classe, sera de 135 euros. C'est une réponse à ceux qui objectent que la loi ne serait pas appliquée.

M. Bernard Jomier, rapporteur.  - La commission a émis un avis défavorable, par cohérence.

Mieux vaut convaincre que contraindre, nous en sommes tous d'accord. Mais le passe sanitaire du Gouvernement est bien une contrainte, assortie de surcroît de sanctions lourdes -  qui ne permettront jamais de convaincre les quelques pourcentages d'antivax dans la population.

Avec le dispositif proposé, nul ne risquerait de perdre son travail. Il s'agirait d'une désescalade vers des sanctions mieux proportionnées.

Si le Sénat rejette la prolongation du passe sanitaire jusqu'en juillet prochain parce que le Gouvernement ne veut pas de clause de revoyure en février, nous aurons tout rejeté, sans apporter de solution.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement a trouvé l'équilibre entre convaincre et contraindre. Avis défavorable à cet amendement, comme à l'obligation vaccinale.

M. Loïc Hervé.  - Une telle coercition n'existe pas pour les onze vaccins obligatoires dont on nous rebat les oreilles : il n'y a contrôle qu'à l'inscription scolaire et à l'entrée dans certaines professions -  militaires, professions de santé, par exemple.

Je voterai évidemment contre cet amendement, porteur d'un risque de dérive : que le passe sanitaire devienne un passe vaccinal et un nouvel outil de contrôle social.

Il est déjà arrivé que je tienne dans cet hémicycle des propos prémonitoires... Quand, dans quelques mois, nous débattrons du passe vaccinal, peut-être se souviendra-t-on de mon avertissement !

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

Interventions sur l'ensemble

M. Patrick Kanner .  - Manifestement, mes chers collègues, nous n'avons pas réussi à vous convaincre - à moins d'un miracle lors du scrutin public, mais voilà longtemps que je ne crois plus aux miracles...

Nous sommes cohérents avec nous-mêmes : nous avons proposé l'obligation vaccinale dès le mois de juillet dernier.

Actuellement, huit millions de Français ne sont pas vaccinés. Il sera difficile d'aller les chercher.

Nous avons entendu dans cet hémicycle cet après-midi des arguments délirants, que je croyais réservés à M. Philippot sur les estrades...

J'espère me tromper, mais, s'il y a des variants, nous aurons des difficultés. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Philippe Mouiller .  - Inscrire dans la loi l'obligation vaccinale serait inefficace en pratique. L'action publique risquerait d'être discréditée.

Reste que les vaccins sont utiles. Ils protègent contre les formes graves de la maladie. C'est pourquoi la grande majorité du groupe Les Républicains, quoique défavorable à la proposition de loi, n'a pas voté l'amendement de suppression de l'article unique, dont l'exposé des motifs remet en cause la vaccination. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)

M. René-Paul Savary .  - Pour ma part, je m'abstiendrai, car il y a des arguments en faveur de l'obligation comme en sa défaveur. Peut-être y viendrons-nous plus tard - malheureusement.

Le vaccin, c'est comme la ceinture de sécurité : elle n'évite pas les accidents mais sauve de très nombreuses vies, et nous la mettons tous !

Mme Éliane Assassi.  - Comparaison n'est pas raison...

M. René-Paul Savary.  - Avec Mmes Guillotin et Lavarde, j'ai rédigé, dans le cadre de la délégation sénatoriale à la prospective, un rapport sur les réponses aux crises sanitaires. Le Gouvernement devrait s'en inspirer.

Mme Nadia Sollogoub .  - Je remercie tous nos collèges pour ce débat de qualité. Nous avons fait preuve de pédagogie et d'humilité. Puissent nos travaux contribuer à réconcilier une société qui se fracture. (M. Pierre Louault applaudit.)

À la demande de la commission et du groupe SER, l'article unique constituant la proposition de loi est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°8 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 326
Pour l'adoption   64
Contre 262

Le Sénat n'a pas adopté.

La séance est suspendue quelques instants.

CMP (Nominations)

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.

Intégration des jeunes majeurs étrangers

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à sécuriser l'intégration des jeunes majeurs étrangers pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, présentée par M. Jérôme Durain et plusieurs de ses collègues.

Discussion générale

M. Jérôme Durain, auteur de la proposition de loi .  - Sécuriser l'intégration des jeunes majeurs étrangers quand ils travaillent ou étudient, tel est l'objet de cette proposition de loi.

C'est aussi son titre, mais, pour être plus explicite, on pourrait appeler ce texte « proposition de loi Ravacley ». Même si la rapporteure a refusé d'auditionner M. Ravacley, présent cet après-midi dans la tribune du public -  c'est bien la première fois qu'un sénateur Les Républicains refuse de recevoir un patron...

M. Ravacley est le patron d'une boulangerie de Besançon, où il emploie un apprenti, Laye Fodé Traoré. Pour ce jeune Guinéen travailleur et méritant, tout s'arrête au jour de ses 18 ans : il devient aussitôt suspect, presque un délinquant. Pour paraphraser Pascal, vérité en deçà des 18 ans, erreur au-delà...

Pourquoi ce mur des 18 ans ? Tout d'un coup l'authenticité des papiers est mise en cause, le jeune devient expulsable. Contre ce scénario implacable, M. Ravacley a décidé de se battre à sa manière : il a entrepris une grève de la faim.

Il y a de bons préfets, d'autres moins bons, mais la plupart suivent avant tout les consignes ministérielles. Un préfet de Saône-et-Loire m'affirmait ne prendre qu'un seul dossier de régularisation, indépendamment des situations individuelles...

D'Amiens à Troyes, de Fleurey-sur-Ouche à Caen, les exemples se multiplient. On pourrait faire un tour de France. Nombre d'entre vous, touchés par des histoires de vie similaires, se sont mobilisés contre le dispositif actuel, rigide et kafkaïen, qui soumet des individus à la violence d'une décision couperet.

Ce dispositif est injuste par rapport à l'Aide sociale à l'enfance (ASE) et inefficace pour réguler les flux migratoires. Les jeunes concernés travaillent ou étudient : sécuriser leur intégration est une avancée pragmatique et raisonnée.

D'autant que nous avons besoin de ces jeunes dans des secteurs sous tension, pour ces métiers qu'on dit parfois « manuels » -  dans l'industrie, la restauration ou le maraîchage.

Avec le Covid, nous redécouvrons l'importance de ne pas dépendre de l'extérieur pour la production. Je suis favorable à l'augmentation des salaires, mais cela ne suffit pas pour répondre à l'urgence. Or des emplois non pourvus, ce sont des conséquences concrètes -  demandez aux Britanniques qui voient les étals de supermarché se vider, faute de chauffeurs routiers. Je pense au sketch de Fernand Raynaud : quand le boulanger est parti du village, on n'y mange plus de pain...

Régulariser les jeunes majeurs étrangers doit être la règle. Ils ne viennent pas manger notre pain, mais le fabriquer !

Plus précisément, ils bénéficieraient à 18 ans, lorsqu'ils remplissent les conditions légales, d'une carte de séjour temporaire d'un an, qu'ils pourraient demander dès 16 ans.

J'insiste : la délivrance d'un titre de séjour de plein droit n'est pas une délivrance automatique. Simplement, il suffira au jeune de satisfaire aux conditions légales.

L'argument de l'appel d'air n'est pas recevable. Pas plus que celui consistant à opposer qu'il n'y aurait que 7 % de refus, selon la direction générale des étrangers en France. Ce n'est pas du tout le cas dans certains départements, comme la Marne, les Hauts-de-Seine ou le Doubs. En vérité, l'arbitraire est partout.

Adopter cette proposition de loi, c'est mettre fin à un gâchis humain et économique. C'est faire preuve de bon sens, encourager les jeunes méritants et soutenir leurs patrons. C'est un devoir d'humanité et c'est dans l'intérêt économique de notre pays. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure de la commission des lois .  - Cette proposition de loi du groupe SER n'a pas été adoptée par la commission des lois.

Elle a été inspirée par le cas particulier de M. Fodé Traoré. Il y a d'autres cas similaires, mais sont-ils la marque d'un dysfonctionnement nécessitant l'intervention du législateur ?

Nous considérons que, s'il y a des difficultés bien réelles, la solution ne se situe pas au niveau législatif.

La proposition de loi vise l'octroi d'un titre de séjour aux mineurs non accompagnés travaillant ou étudiant en France recueillis après l'âge de 16 ans.

Le régime actuel est plus favorable aux jeunes recueillis avant 16 ans. En effet, ceux de plus de 16 ans doivent recourir à une procédure exceptionnelle devant le préfet. En 2019, plus de 93 % des demandes de titres de mineurs non accompagnés ont trouvé une issue favorable.

Le problème ne réside pas dans les voies d'accès au séjour.

La circulaire dite Valls de 2012 accorde un titre sur l'admission exceptionnelle au séjour. En 2019, 671 cartes d'étudiants ont été délivrées - là encore, 93,2 % de dossiers acceptés.

Les mineurs non accompagnés représentent un investissement humain, social et financier très important pour les départements. Ils sont nombreux en apprentissage. Les difficultés, minoritaires, peuvent être surmontées à droit constant.

Ainsi, la Ville de Paris et le préfet de police ont mis en place une procédure spécifique pour anticiper les traitements et éviter les ruptures de parcours, avec une demande de titre déposée six mois avant la majorité.

Une circulaire du 21 septembre 2021 prévoit un pré-examen pour les mineurs non accompagnés en apprentissage. En 2019, 6,5 % des demandes se sont soldées par un refus. Si des difficultés récurrentes sont constatées pour les mineurs non accompagnés guinéens, la solution est diplomatique.

Un titre accordé de plein droit après seize ans réduirait le pouvoir d'appréciation du préfet, qui permet de prendre en compte la complexité des parcours et la volonté d'insertion dans la société française. Les garde-fous juridictionnels jouent leur rôle.

Je rejoins les recommandations de nos collègues Bourgi, Burgoa, Leroy et Iacovelli dans leur récent rapport d'information sur les mineurs non accompagnés.

L'article 3, conséquence de l'article 1, permet le dépôt anticipé des demandes. Par cohérence, la commission des lois ne l'a pas adopté.

L'article 4 est redondant avec la circulaire de 2012.

Quant à l'article 5, il supprime l'appréciation des liens avec la famille d'origine, qui reste nécessaire. Elle permet d'écarter les demandes de jeunes qui pourraient être mieux accompagnés dans leurs pays d'origine. Les décisions de refus se fondent rarement sur ce seul critère.

Les mineurs non accompagnés sont un sujet important, qui justifie ce débat en séance publique, mais ce texte n'apporte pas de solution à la difficulté soulevée. Je vous invite à ne pas l'adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté .  - Le Gouvernement accorde une importance particulière à la sécurisation du droit au séjour des mineurs non accompagnés, dont le nombre diminue : 16 760 mineurs en 2019, 9 524 en 2020 et 7 130 au 1er septembre dernier.

Les dossiers sont examinés avec diligence pour ne pas rompre des parcours d'intégration prometteurs.

L'article L. 423-22 du Ceseda prévoit une voie de plein droit pour les mineurs pris en charge par l'ASE avant seize ans ; 2 901 demandes ont été instruites et 2 695 titres délivrés, soit un taux de délivrance de 93 %.

Une voie d'admission exceptionnelle au séjour est prévue pour les 16-18 ans, à l'article L. 430-3 du même code ; le taux de délivrance dépasse 94 %, avec 2 344 titres délivrés pour 2 484 demandes.

La circulaire dite Valls du 28 novembre 2012 traite des mineurs non accompagnés poursuivant des études secondaires ou universitaires ; 720 demandes ont été instruites et 671 titres accordés, soit un taux de délivrance de 93 %.

Certes, il reste des situations non couvertes. Le ministre de l'intérieur a mis en place un dispositif d'appui à l'évaluation de la minorité, déployé par quatre-vingt-trois conseils départementaux.

La circulaire du 21 septembre 2020 empêche la rupture de droits des jeunes majeurs. Une autorisation de travail est de droit pour les mineurs étrangers isolés, sous réserve de la présentation d'un contrat de travail ou d'apprentissage.

Certaines préfectures sont très engagées dans l'examen anticipé, comme à Paris ou dans le Nord. Les Hautes-Pyrénées et le Vaucluse l'ont mis en oeuvre plus récemment. D'autres, comme le Rhône, ne l'ont pas encore fait.

Les préfets de l'Essonne et de Gironde proposent déjà un traitement prioritaire. Les Hauts-de-Seine ont aussi une procédure propre, avec un entretien deux mois avant la majorité.

Les refus, inférieurs à 10 %, résultent d'un défaut d'état civil, d'un trouble à l'ordre public ou d'un défaut de formation qualifiante. Certains jeunes majeurs renoncent parfois à déposer une demande, faute d'état civil fiable.

Nous invitons les préfets à s'engager davantage avec les conseils départementaux pour éviter les sorties sèches de l'aide sociale à l'enfance.

Les dispositions législatives en vigueur, complétées par les circulaires de 2012 et 2020, suffisent. Appliquons les outils et les souplesses qui existent.

Le Gouvernement est défavorable à cette proposition de loi.

Mme Esther Benbassa .  - L'histoire du jeune Laye Fodé Traoré est emblématique du sort de 2 000 jeunes au destin incertain, parfois tragique. Pourtant, ces jeunes suivent des cours ou travaillent -  souvent dans des secteurs en pénurie de main-d'oeuvre. Ils tentent de vivre en communion avec la société française.

Il est inconcevable de former des talents pour ensuite les renvoyer. Dans la boulangerie, 8 400 postes sont à pouvoir en fabrication et en vente. On pourrait parler aussi de la menuiserie du bâtiment - je pense à Armando Curri, qu'on a appelé le « sans-papiers en or ». Mais peu de patrons sont prêts à se battre pour garder leurs apprentis.

L'octroi du titre de séjour ne devrait plus être un parcours du combattant ni relever du régime de l'exception !

M. Jean-Yves Leconte .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Imaginez la violence : un mineur protégé par l'ASE, suivant une formation, se retrouve brusquement clandestin, menacé d'expulsion. Un jeune est convoqué le jour même de ses 18 ans et reçoit une obligation de quitter le territoire français au prétexte qu'il a moins de six mois de formation.

Une mauvaise note sur un bulletin suffit à motiver une obligation de quitter le territoire français, pour défaut d'intégration scolaire. Un préfet prononce une OQTF en prétendant que les documents d'identité sont faux alors que l'ambassade de Guinée les a confirmés.

Les exemples sont nombreux de jeunes au parcours prometteur ainsi sanctionnés par votre Gouvernement. Dans les Hauts-de-Seine, pour 200 à 250 jeunes de l'ASE, 36 obligations de quitter le territoire français ont été recensées. C'est une indignité.

Notre proposition affirme l'égalité devant la loi de tous ces jeunes majeurs étrangers. Les relations entre les préfectures et les services d'ASE diffèrent d'un département à l'autre : nous voulons promouvoir l'égalité entre territoires. (Mme Michelle Meunier approuve.)

Nous voulons également fixer des critères dans la loi. De plein droit ne veut pas dire automatique, madame la rapporteure ! Mais notre texte affirme que l'on a un droit à la carte de séjour si le parcours d'intégration est réussi.

Nous entendons, en posant des conditions strictes mais justes, supprimer l'arbitraire pour valoriser l'intégration : c'est l'esprit républicain. En commission des lois, j'étais scandalisé d'entendre dire que, dans certains pays, il est normal d'envoyer les enfants seuls en France, pour les faire réussir dans la vie...

Heureusement que ce n'est pas normal, et que cela reste rare. Le jeune ainsi abandonné est rendu vulnérable, et c'est sa famille qui lui a infligé cette violence.

Le devoir de protection dépasse donc les 18 ans, et le jeune dont la démarche est exemplaire mérite d'être valorisé et sécurisé, non de subir l'arbitraire de la préfecture.

La France a investi dans l'avenir de ces jeunes, et quand ils suivent avec succès des formations diplômantes, il faut les protéger. L'économie en a besoin : il manque 7 000 travailleurs dans la boulangerie, et la situation est identique dans bien d'autres filières.

Hormis au Japon et en Chine, le dynamisme de l'économie et de la recherche est très corrélé à la proportion de population née à l'étranger.

Nous sommes au milieu du gué. Si nous ne valorisons pas ceux qui réussissent, comment réussir l'intégration ? C'est une proposition de loi pour la justice et la République. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et du GEST)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bien ! Belle conviction !

M. Thani Mohamed Soilihi .  - La présente proposition de loi met en lumière un sujet sensible. Fondée sur un cas particulier, elle traite de situations d'expulsion touchant des jeunes pourtant insérés dans un parcours professionnel ou académique.

Les articles premier et 2 précisent l'octroi de plein droit d'un titre de séjour aux jeunes de 16 à 18 ans suivant un tel parcours, l'article 3 ouvre la possibilité d'une demande anticipée de titre de séjour pour ceux qui souhaitent travailler. L'article 4 prévoit l'admission exceptionnelle au séjour pour les MNA suivant une formation non qualifiante. L'article 5 supprime l'appréciation des liens avec la famille dans le pays d'origine.

L'objectif est louable. Il arrive que les mineurs non accompagnés rencontrent des difficultés. Mais les cas restent rares. Selon la Direction générale des étrangers en France, dans plus de 92 % des cas, une carte de séjour temporaire est accordée.

Le texte pose en outre des problèmes : il prive l'administration de toute marge d'appréciation alors que l'examen au cas par cas permet au préfet de vérifier la validité des documents et la motivation du demandeur. De plus, une circulaire autorise les préfets à accorder de façon discrétionnaire des cartes de séjour après examen de trois critères : le caractère réel et sérieux de la formation suivie, la nature des liens avec la famille, l'avis positif de la structure d'accueil. Un recours devant le juge administratif et même jusqu'à la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) est toujours possible. (« Trop tard ! » sur les travées du groupe SER)

L'octroi de plein droit de titres de séjour créerait une redondance avec l'admission exceptionnelle au séjour actuellement prévue.

À Mayotte, la proposition de loi créerait un bouleversement monumental car le nombre de mineurs étrangers s'accroît chaque jour.

Le RDPI votera contre ; mais il faut poursuivre la réflexion, afin que les départements assurent mieux leurs responsabilités. Le récent rapport d'information va en ce sens.

M. Franck Menonville .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Sur cette dernière décennie, le phénomène des mineurs étrangers a pris une ampleur considérable en Europe. La presse relève des situations particulières, où des jeunes doivent quitter le territoire après des années de présence et de formation. Leur situation nous émeut.

Je souligne l'engagement remarquable des départements pour l'intégration de ces jeunes.

La proposition de loi entend remédier à des blocages, qu'il s'agisse des délais de traitement ou de la reconnaissance de la validité des documents d'état civil : la solution est de déposer la demande le plus tôt possible, pour éviter la rupture de droits.

Sur la difficulté du contrôle des identités, notamment guinéennes, une solution diplomatique est possible, comme le souligne l'excellent rapport de Mme Jacqueline Eustache-Brinio.

L'article 4 est satisfait par la circulaire Valls du 28 novembre 2012. Le droit actuel semble équilibré. Le groupe INDEP fait confiance au travail des préfets.

Si des dysfonctionnements existent, ils doivent être corrigés au niveau administratif. Nous ne voterons pas ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

M. Laurent Burgoa .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En droit, les mots ont du sens. Il ne s'agit pas ici d'améliorer l'intégration, mais de la « sécuriser », c'est-à-dire de la rendre plus certaine administrativement. Or en la matière, la personnalisation importe, car l'enjeu est humain. Ces jeunes hommes et femmes ne sont pas des chiffres. Leurs parcours sont très divers.

Nous reprochons souvent au Gouvernement sa verticalité, l'appelant à faire confiance aux territoires et aux services déconcentrés. Avec Henri Leroy, Hussein Bourgi et Xavier Iacovelli, nous avons publié il y a quelques jours un rapport sur les mineurs non accompagnés et leur accès effectif à l'autonomie ; nous recommandons de mieux accompagner leur intégration.

Sur l'esprit de cette proposition de loi, je me suis souvenu de certains cas particuliers et de cet adage populaire : « L'enfer est pavé de bonnes intentions ». Je me méfie des lois d'émotion. C'est la souplesse qui a permis de corriger les erreurs d'appréciation. Ne fagotons pas notre droit, car nous créerons des situations d'exception auxquelles la libre appréciation ne pourra plus rien. L'état de droit ménage des recours juridictionnels. Et les décisions ne sont jamais prises sur un seul critère.

Nous avons plutôt besoin d'une meilleure formation des encadrants, de plus de personnel et de procédures sans faille pour éviter le nomadisme et les doublons. L'évolution démographique mondiale, le réchauffement climatique et les instabilités politiques qui en découleront incitent à repenser le dispositif en se gardant de tout effet d'affichage.

Cette proposition de loi vise à sécuriser le parcours administratif sans se soucier des moyens alloués à l'intégration. Le groupe Les Républicains ne la votera pas car elle est à l'accompagnement des mineurs ce que le green washing est à l'écologie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; exclamations indignées à gauche) Nous voulons sur ce sujet une loi d'envergure.

M. Jérôme Durain.  - Merci !

M. Guy Benarroche .  - L'actualité nous livre des histoires déchirantes et kafkaïennes. Au-delà, la question des sorties sèches et des différences de traitement d'un département à l'autre est réelle.

Comment comprendre les difficultés de ces jeunes à s'intégrer ? Il est ubuesque de les mettre sur les rails avant 18 ans puis de les rejeter. Certes, dans ces parcours, l'issue est parfois heureuse, mais nombre de jeunes sont face à un mur, à cause de demandes de justificatifs qui les dépassent. C'est une aberration humaine qui réduit parfois à néant les efforts accomplis par l'ASE.

Notre groupe salue cette proposition de loi. Le cas par cas ne doit pas perdurer. Je salue en particulier la possibilité d'anticiper la demande de titre de séjour et la suppression du critère concernant les liens familiaux. Cela relève parfois des douze travaux d'Astérix, lorsque la préfecture réclame des pièces inaccessibles, surtout pour des jeunes en rupture familiale.

Le parcours compliqué des mineurs rend parfois difficiles des formations continues : l'appréciation de la sincérité de l'engagement dans un parcours professionnel devrait pouvoir être détachée d'une formation longue.

Il faudrait aussi pouvoir octroyer un titre temporaire « vie familiale et vie privée », plus protecteur et dont le renouvellement offre plus de stabilité.

Malgré quelques réserves, le GEST votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER ; Mme Laurence Cohen applaudit également.)

Mme Éliane Assassi .  - La parole publique est trop tournée vers l'immigration, loin des préoccupations des Français. Cette proposition de loi arrive à point nommé !

Le cas de Fodé Traoré n'est pas un fait divers. Il illustre une politique d'accueil défaillante, avec un large pouvoir d'appréciation du préfet et des directives ministérielles qui multiplient les injonctions de quitter le territoire français. Tant pis si le jeune est en formation, tant pis s'il est intégré !

Malgré la circulaire de 2012, l'appréciation des liens familiaux reste prégnante.

Comment en est-on arrivé là ? En 1981, François Mitterrand régularisait 130 000 sans-papiers. En 1997, Lionel Jospin faisait de même pour 80 000 d'entre eux. L'année suivante, Charles Pasqua - qu'on ne peut guère soupçonner d'être favorable à l'immigration - réclamait la régularisation de tous les sans-papiers.

Or vingt-trois ans plus tard, on voudrait nous faire croire qu'un accueil digne met la France en danger, en créant un « appel d'air ». Comme l'a dit Fatou Diomé, quand on part pour sa survie, rien n'est dissuasif, car on n'a rien à perdre.

Certains vantent l'audace des entrepreneurs qui partent pour Londres ou Berlin, mais condamnent les jeunes qui fuient la guerre et la misère pour s'engager en France dans un parcours d'intégration réussi. (Mme Céline Brulin applaudit.)

La situation est ubuesque au vu du profil de ces jeunes. On les prive non seulement de protection, mais aussi d'un avenir.

On peut s'étonner que le titre de séjour temporaire étudiant ne dure qu'un an, au lieu de couvrir tout le cycle. On peut s'interroger sur le suivi social, alors que l'accompagnement jusqu'à 21 ans mis en place durant la crise sanitaire a été supprimé.

Cependant la proposition de loi permet de remplir les objectifs initiaux de la loi du 16 juillet 2011, un droit à la formation et l'éducation pour tous ces jeunes.

Vous l'aurez compris, le CRCE votera ce texte sans hésiter. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER)

Mme Nathalie Goulet .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP) Ils s'appellent Sékou Keita ou Pualu Dieu Veille et leur vie a basculé du jour au lendemain. Sékou, apprenti dans une crêperie à Argentan, est menacé d'expulsion malgré le soutien de son employeur. Kualu est parfaitement intégré, détenteur d'une carte vitale, de deux CAP et d'une adresse, mais lors du renouvellement de son titre, la consultation de Visabio réduit tout à néant, au motif qu'il est passé par l'Espagne. Il n'a plus aucune identité.

Il y a eu un excellent rapport conjoint de la commission des lois et de la commission des affaires sociales sur la question.

La situation des mineurs non accompagnés est aux confins de l'humain et l'on débat sans cesse sur l'asile et les migrations. Ces jeunes trouvent une administration qui les accueille, les soigne, les forme, puis le système se grippe et ils se retrouvent confrontés à une administration kafkaïenne. Il faut que les vérifications de minorité et de nationalité se fassent au plus tôt à leur arrivée sur le territoire ; et que l'État prenne en charge ceux qui ne sont pas reconnus comme mineurs mais dont la situation n'est pas stabilisée - ce sont les recommandations 32 et 13 du rapport.

Le problème des enfants fantômes est très grave. Selon l'Unicef, plus de 237 millions d'enfants dans le monde n'ont pas d'identité. Quelque 166 millions de personnes ne sont pas inscrites à l'état civil. Les pays les plus touchés sont l'Éthiopie, la Zambie et le Tchad.

Selon la Banque mondiale, 1 milliard d'individus ne peuvent prouver leur identité - et quatre sur dix sont des mineurs. Il est donc important d'aider les pays d'Afrique subsaharienne à progresser dans ce domaine.

Le coût des mineurs non accompagnés pour l'Orne est de 2,5 millions d'euros, pour 139 mineurs, et ce coût est compensé à hauteur de 40 000 euros seulement par l'État - exceptionnellement, le département a touché 200 000 d'euros pour la prolongation de l'ASE pendant la crise sanitaire.

Le dispositif actuel ne résistera pas à un phénomène migratoire systémique qui ne fait que commencer.

Il faut un débat global sur cette question, que la discussion de cette proposition de loi a le mérite d'amorcer. Je ne la voterai pas. Mais le rapport conjoint et les travaux passés de Mme Doineau ouvrent la voie à une proposition de loi plus vaste.

Mme Maryse Carrère .  - Habituellement, le RDSE est opposé aux législations d'émotion, mais le cas du jeune Traoré et de son patron, en grève de la faim pour la défense de son apprenti, nous a tous émus. Les choses ont bien fini pour eux, mais il n'en va pas toujours ainsi.

Certes, 92 % des demandes de ceux que l'on réduit à l'acronyme « MNA » sont acceptées, mais ce n'est pas parce que des difficultés sont minoritaires qu'il ne faut pas les traiter.

Avec cette proposition de loi qui renverse la logique actuelle, le préfet néanmoins conserve la main sur la délivrance du titre : pas d'appel d'air, donc.

Il est regrettable qu'il faille attendre de tels drames pour qu'on s'intéresse à la question ; d'autant plus que nous investissons dans la formation de ces jeunes, avant que ne tombe, à leur majorité, le couperet de l'obligation de quitter le territoire français. De nombreux métiers manquent de main-d'oeuvre.

Les différences de traitement entre départements sont flagrantes, notamment sur les autorisations de travail. Cette proposition de loi fixe un cadre plus clair et plus transparent et harmonise les pratiques.

Le RDSE votera en faveur de ce texte de bon sens. (Applaudissements sur les travées du RDSE et des groupes SER, CRCE et GEST)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme la présidente.  - Amendement n°3, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 4

Remplacer les mots :

d'un an

par les mots :

égale à celle restant à courir du cycle de formation dans lequel est inscrit l'étranger et dont la durée ne peut être inférieure à un an

Mme Céline Brulin.  - Il est contre-productif d'octroyer un titre de séjour d'un an seulement, si la formation dure plus longtemps. Cet amendement prévoit qu'ils soient de la même durée.

Dans nos départements, des jeunes en apprentissage se voient délivrer des obligations de quitter le territoire français, ce qui est incompréhensible.

On ne peut pas en même temps les obliger à se former et les empêcher de terminer. Le titre de séjour d'un an peut également être dissuasif pour les employeurs formateurs.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - La commission des lois s'est prononcée contre le principe d'un accès de droit au séjour des mineurs non accompagnés. L'avis ne peut donc qu'être défavorable.

Ajoutons que la durée de droit commun des cartes de séjour des salariés ou des travailleurs temporaires est d'un an. Cet amendement introduirait une rupture d'égalité. Avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par Mme Benbassa.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Le caractère réel et sérieux se détermine par l'assiduité à la formation, l'engagement du jeune majeur étranger au sein de la formation dont la participation à la vie de l'entreprise, l'apprentissage de la langue française et l'accompagnement effectif de la structure d'accueil dans toutes les démarches administratives. »

Mme Esther Benbassa.  - Cet amendement clarifie le caractère « réel et sérieux » de la formation, afin d'éviter l'arbitraire.

Il faut accompagner ces jeunes dans leurs démarches administratives. Mon amendement ajoute cette garantie dans la loi.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure de la commission des lois.  - Avis défavorable, pour la même raison qu'à l'amendement précédent.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Il n'est pas nécessaire d'encadrer à ce point le pouvoir d'appréciation de l'administration. L'annexe 10 du Ceseda, qui prévoit les pièces à produire, peut être modifiée par arrêté. Avis défavorable.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

L'article premier n'est pas adopté.

ARTICLE 2

Mme la présidente.  - Amendement n°4, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 4

Remplacer les mots :

d'un an

par les mots :

égale à celle restant à courir du cycle d'études dans lequel est inscrit l'étranger

Mme Éliane Assassi.  - Défendu.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée - Même avis.

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

L'article 2 n'est pas adopté non plus que les articles 3 et 4.

ARTICLE 5

Mme la présidente. - Je rappelle que si l'article 5 n'est pas adopté, il n'y aura plus lieu de voter sur l'ensemble, car tous les articles auront été supprimés. Il n'y aura dès lors pas d'explications de vote.

M. Jacques Grosperrin .  - J'habite Besançon, monsieur Durain. Je connais Stéphane Ravacley, boulanger pétri de qualités, et son apprenti.

Il n'y a pas d'un côté les bons, qui votent votre proposition de loi, et de l'autre les mauvais, les sans-coeur.

Beaucoup de ces jeunes -  90% en 2021  - obtiennent une issue favorable. Il faut améliorer les procédures et les outils juridiques. Je suis sensible aux propos de M. Thani Mohamed Soilihi, qui parle de bouleversement.

Solutions diplomatiques, circulaires aux préfets, oui. Mais nous n'avons pas besoin d'une loi, plutôt d'une étude précise sur chaque cas.

M. Bernard Bonne .  - Nous avons déjà parlé des mineurs non accompagnés dans la loi 3DS, nous en reparlerons dans l'examen de la loi sur la protection de l'enfance.

Je voterai donc contre l'article 5, car nous ne devons pas parler trois fois des mêmes sujets.

M. Jérôme Durain .  - Démarche généreuse, texte d'émotion, nous dit-on. Non ! Nous visons l'efficacité au bénéfice des principes de la République. Nous devons réserver un accueil digne à ces jeunes, bien souvent poussés à l'exil par leur propre famille.

« De plein droit », cela ne signifie pas « automatiquement ». L'argument de l'appel d'air est invalidé par l'application de critères d'appréciation objectifs.

La plupart des demandes sont satisfaites, dites-vous encore. Si la situation était aussi favorable, il n'y aurait pas sans cesse besoin de mobilisations.

Nous devons continuer ce combat juste, pour les jeunes et les patrons qui les défendent.

Mme Esther Benbassa .  - À l'Assemblée nationale, un amendement du Gouvernement sur le sort de jeunes majeurs étrangers a comblé, dans le projet de loi relatif à la protection des enfants, un oubli initial...

Je me réjouis que le Sénat s'empare du sujet. Comment ne pas être sensible à la situation de jeunes qui ont fait de la France leur pays d'adoption et que nous réduisons à la peur et la clandestinité lorsqu'ils atteignent la majorité ?

Ce texte vise à encourager l'intégration de ceux qui suivent assidûment une formation. Ne les empêchons pas de poursuivre leur parcours à cause d'obstacles administratifs. Je suis certaine qu'ils rendront à la France ce qu'elle a investi dans leur formation.

Je voterai pour ce texte qui est un message pour les jeunes et leurs éducateurs.

Mme Élisabeth Doineau .  - Je salue la proposition de loi de Jérôme Durain, qui révèle des contradictions : d'un côté, l'État incite les départements à éviter les sorties sèches de l'ASE ; de l'autre, il délivre des obligations de quitter le territoire français. Les employeurs veulent garder leurs apprentis !

Madame la ministre, il faut mieux préparer l'avenir de ces jeunes.

Il est dommage que nous ne sachions pas mieux communiquer sur les nombreuses réussites.

M. Guillaume Gontard .  - Merci pour le dépôt de ce texte important. Nous avons tous sur nos territoires des artisans qui se heurtent aux mêmes problèmes que le boulanger de Besançon. Ils investissent, ils accompagnent leur apprenti, ils développent un rapport humain, et on expulse leur employé lorsqu'il atteint 18 ans !

Dire aux préfets d'être plus arrangeants ? Ce n'est pas la République, c'est l'arbitraire ! (M. Jérôme Durain renchérit.)

Les Chambres de commerce et d'industrie (CCI) nous demandent de régler le problème : elles ont besoin de cette main-d'oeuvre. Je ne parle même pas de l'argument de l'appel d'air ! Le GEST votera la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

Mme Marie Mercier .  - Nous avons tous, dans nos communes, des jeunes majeurs étrangers issus de l'ASE. À Chalon-sur-Saône, ce sont deux Maliens à qui l'on a trouvé des postes de bouchers.

Madame la ministre, chaque situation particulière doit être abordée avec les préfets. L'ASE a des failles. Nous resterons tous vigilants. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

À la demande des groupes Les Républicains et SER, l'article 5 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°9 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l'adoption 107
Contre 237

Le Sénat n'a pas adopté.

La séance est suspendue à 20 h 35.

présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président

La séance reprend à 22 h 5.

Conseil européen des 21 et 22 octobre 2021

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 21 et 22 octobre 2021.

M. Clément Beaune, secrétaire d'État, chargé des affaires européennes .  - Je suis ravi de vous retrouver ce soir, après le sommet informel de la semaine dernière, en Slovénie. L'ordre du jour du Conseil européen de la fin octobre sera dense et à nouveau marqué par la question sanitaire. Le numérique, dont la sécurité, la protection contre les cyberattaques et la régulation, sera aussi abordé. Enfin, le prix de l'énergie et les questions migratoires seront évoqués, tout comme les sommets Asie-Europe et Indo-Pacifique, le partenariat oriental et les prochaines COP.

Sur le volet sanitaire : tout en restant prudents, félicitons-nous du travail accompli. Nous touchons au but grâce aux campagnes de vaccination, permettant la maîtrise de la pandémie malgré les variants. Ce bouclier vaccinal devra toutefois être déployé dans le reste du monde, avec 70 % de la population mondiale vaccinée fin 2022, conformément aux objectifs de l'OMS. Les pays les plus pauvres ont besoin de notre aide, d'où les annonces du doublement des dons de vaccins, avec 120 millions de doses évoquées par le Président de la République le 26 septembre. La présidente de la Commission européenne a, elle, annoncé le 15 septembre 250 millions de doses supplémentaires au niveau européen.

L'Europe doit continuer à coordonner les règles de déplacement pour se prémunir des nouveaux variants. C'est à cette condition que la reconnaissance des passes sanitaires entre régions du monde aura lieu : c'est déjà le cas avec la Suisse et le Royaume-Uni.

Le paquet santé doit voir son ambition rehaussée, avec une agence sanitaire européenne, la Health emergency response authority (HERA), qui nous aidera à faire face à de futures pandémies et nous élèvera au niveau de la Biomedical advanced research and development authority (Barda) américaine, qui s'est révélée très efficace pour le développement des vaccins.

Une priorité de la présidence française de l'Union européenne sera la création d'une doctrine européenne sur le numérique : il s'agira d'innover et de réguler les grands acteurs qui occupent parfois une place excessive. Cela pourra servir de modèle pour le reste du monde, comme pour la protection des données. Les projets législatifs Digital Services Act (DSA) et le Digital Market Act (DMA) seront centraux, et j'espère que nous obtiendrons un accord au Conseil sous la présidence française de l'Union européenne.

Les données, l'intelligence artificielle, l'identité numérique et l'itinérance seront également abordées. Il faut développer nos infrastructures mais aussi l'éducation à cette nouvelle grammaire numérique : c'est le sens de la Boussole 2030 portée par Thierry Breton.

Des menaces nouvelles pèsent sur le numérique. Il faut réguler le cyberespace, lutter contre les cyberattaques, développer un dispositif européen de gestion de crise, et mettre nos compétences en commun. À terme, une agence européenne serait souhaitable comme le Président de la République l'a proposé lors de son déplacement en Lettonie et en Lituanie en septembre 2020.

L'augmentation des prix de l'énergie a été évoquée lors du sommet informel de la semaine dernière et elle le sera à nouveau fin octobre. Elle révèle une dépendance européenne aux énergies fossiles : la France est bien placée à cet égard, notamment grâce au nucléaire. Mais nous devons nous préoccuper de son avenir, en nous battant pour son inclusion dans la taxonomie de la transition écologique, mais aussi sur les règles de fonctionnement du marché unique. Celui-ci doit être préservé, mais les règles de fixation des prix devront être revues.

À court terme, toutefois, les mesures d'urgence nationales, annoncées par le Premier ministre sur les prix du gaz et de l'électricité, que d'autres pays européens ont également déployées selon diverses modalités, et que la Commission européenne a proposé d'accompagner, doivent être mises en oeuvre. Sur le paquet Fit for 55, il faut accélérer la transition énergétique. Deux dispositifs devront accompagner la décarbonation : un fonds d'accompagnement social en Europe, pour soutenir les ménages et, à l'extérieur, un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières.

La question des migrations externes sera abordée, avec la mise en place d'une politique européenne commune d'asile et de migration. La crise afghane nous presse davantage pour avancer sur ce chantier. L'aide au développement nous permettra de traiter les phénomènes migratoires à la racine. L'Union européenne est le premier contributeur mondial en matière d'aide au développement.

Sur les questions extérieures, le sommet du dialogue Asie-Europe sera un événement majeur. Il en ira de même pour la question indopacifique, à la lumière de l'Aukus : nous plaiderons en faveur d'une stratégie européenne dans cette région.

Le sixième sommet sur le partenariat oriental se tiendra le 15 décembre à Bruxelles, après quatre ans de reports en raison de la pandémie, de la grave dérive de la Biélorussie et du conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. L'Union européenne reste engagée dans la région. Si ce partenariat demeure essentiel, il ne doit pas être compris comme une politique d'élargissement. C'est un format de coopération ad hoc.

Les COP15 et 26, fin 2021, seront aussi évoquées. La COP26 aura lieu à Glasgow et la COP15 à Kunming en Chine. Conformément à l'accord de Paris, les 191 parties devront remettre leur contribution. Au 14 septembre, seules 116 d'entre elles, représentant à peine plus de 50 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales, avaient répondu, dont l'Union européenne. De plus, certaines règles de l'Accord de Paris doivent être agréées pour atteindre les 100 milliards d'euros d'investissement en faveur du climat, objectif qui n'est pas atteint aujourd'hui. Le 6 octobre, l'Union européenne a adopté un mandat pour s'impliquer plus activement.

En matière de biodiversité, la France souhaite un cadre chiffré pour la restauration des écosystèmes et l'utilisation durable des ressources naturelles. L'échéance, fixée à 2030, devra mobiliser des ressources financières et prévoir un mécanisme de suivi efficace.

L'actualité pourrait étoffer le volet externe de ce sommet. Une dernière réunion aura lieu sous présidence slovène en décembre, avant que ne commence la présidence française de l'Union européenne. (M. André Gattolin applaudit.)

M. Cédric Perrin, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur le banc de la commission) Dans un contexte de dégradation globale de l'environnement stratégique, le Conseil européen revêt une importance particulière. Le retrait des États-Unis d'Afghanistan et la volte-face de l'Australie nous poussent à repenser notre rôle au sein de l'OTAN. Les incursions aériennes chinoises autour de Taïwan sont préoccupantes.

Le Conseil européen devra exiger le respect scrupuleux par le Royaume-Uni de l'accord du Brexit. Nous serons attentifs et exigeants, mais la France doit aussi poursuivre le dialogue bilatéral : coopération en matière de défense, notamment pour le développement de missiles de nouvelle génération.

Nous saluons la réaction du Gouvernement face au refus d'accorder des licences aux bateaux de pêche français. Notre pays pourra-t-il mobiliser ses partenaires européens ? Il y va de la crédibilité de l'Union.

Ensuite, la France doit pouvoir influer sur l'élaboration de la boussole stratégique de l'Union, sorte de livre blanc stratégique de l'Europe. Son adoption est une priorité de la future présidence française. Il faudra éviter deux écueils. D'abord, il conviendra d'affirmer la spécificité de l'Union, dont les intérêts sont distincts de ceux des États-Unis, notamment en Turquie et dans la zone indopacifique. L'actualisation du concept stratégique de l'OTAN ne doit pas interférer avec celui de la boussole stratégique. Comment l'Union pourra-t-elle mener cet exercice en toute indépendance ?

Par ailleurs, cette boussole ne saurait imposer une vision française de ce que doit être la défense de notre continent : il faut en convaincre nos partenaires, dialoguer plus et affirmer moins.

Enfin, comment parler de nos objectifs stratégiques sans évoquer le dossier scandaleux de l'application de la directive européenne sur le temps de travail aux armées ? Le Sénat a plusieurs fois attiré l'attention du Président de la République sur cette question et une affaire est pendante devant le Conseil d'État. On nous dit que la France pourrait renoncer à invoquer l'incompétence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), alors que Mme Parly a promis de tout faire pour que ce ne soit pas le cas. Pouvez-vous démentir ces rumeurs et confirmer que tout sera fait pour faire respecter la position française ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Cédric Perrin, vice-président de la commission.  - Une telle décision menacerait la spécificité du modèle de l'armée française. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - La réunion du Conseil européen des 21 et 22 octobre abordera la préparation de la COP26 et de la COP15. Le suivi de ces négociations environnementales est une priorité pour notre commission.

Nous avons rappelé à Stéphane Crouzat, ambassadeur pour le climat de notre pays, que la COP26 de Glasgow, qui se tiendra du 1er au 12 novembre 2021, sera la plus lourde d'enjeux depuis l'Accord de Paris. La France et l'Union européenne doivent rester les moteurs de la négociation climatique internationale, comme ils le furent à l'occasion de la COP21. C'est le sens d'une proposition de résolution de Didier Mandelli, que j'ai cosignée avec Ronan Dantec, qui sera examinée ici le 2 novembre prochain. Elle propose plusieurs orientations qui seront, je l'espère, partagées par nos partenaires européens, pour assurer le respect des engagements souscrits par les États.

Sans garantie de réciprocité, l'édifice auquel nous sommes parvenus à Paris ne tiendra pas. La mobilisation de 100 milliards de dollars par an par les pays développés pour aider ceux en développement est impérative. Nous souhaitons par ailleurs que les États parties se saisissent de l'article 7 de l'accord en se fixant un objectif en matière d'adaptation aux changements climatiques égal à celui fixé en matière d'atténuation. Nous en reparlerons le 2 novembre lors de l'examen de notre proposition de résolution.

En Chine, la première séquence de la COP15 sur la biodiversité a commencé lundi. La seconde partie se tiendra du 25 avril au 8 mai à condition que la pandémie n'interfère plus dans le calendrier. Tout comme le climat, la biodiversité fait face à une crise d'une ampleur inégalée. La France a présenté des objectifs ambitieux avec 30 % du territoire protégé dont 10 % sous protection forte. Nous l'avons inscrit dans la récente loi climat et résilience. Cette ambition doit devenir mondiale et les pays en développement doivent être accompagnés sur cette voie.

La décennie à venir est décisive ; la communauté scientifique le rappelle. Les financements néfastes à la biodiversité doivent disparaître, tandis que les outils de finance durable et l'aide publique doivent être mobilisés.

Le Congrès mondial de la nature de Marseille a été l'occasion d'explorer des pistes convergentes. Il s'agit maintenant de leur donner une épaisseur politique et de décliner les actions dans chaque État.

J'invite le Gouvernement à se saisir des enjeux majeurs pour que l'Union européenne fixe des caps ambitieux. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur diverses travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Comme depuis le début de la crise sanitaire, le Conseil européen sera l'occasion d'échanger sur la réponse à lui apporter. Le budget de l'Union est l'un des outils pour atténuer les conséquences de l'épidémie. Les prévisions de la Commission européenne sont optimistes, avec une croissance de près de 5 % de la zone euro. Le niveau de l'endettement des États membres reste élevé, mais il n'est pas le seul nuage d'incertitude auquel nous faisons face. À peine les entreprises et les ménages retrouvent-ils de l'oxygène qu'ils se heurtent à la hausse vertigineuse des tarifs de l'énergie qui menace la reprise.

La forte augmentation du prix de la tonne de carbone sur les marchés d'échange de quotas de CO2 serait responsable de 20 % de la hausse du prix du gaz. Celle du prix de l'électricité est également liée à la hausse du gaz, via le marché européen de l'énergie. Cette situation constitue une menace réelle quand les cours du gaz ont été multipliés par sept en six mois. C'est dangereux et injuste pour les consommateurs français, alors que notre production électrique est largement décarbonée.

Le déploiement des énergies renouvelables n'est pas encouragé en raison de la non-prise en compte de leur impact sur les prix de l'électricité. C'est un comble. Les États membres doivent élaborer un scénario commun pour faire face à la flambée des prix de l'énergie.

L'une des priorités est de réduire la facture pour les ménages et pour les entreprises. Les États sont en première ligne, grâce à des mesures budgétaires et fiscales, encouragées par la Commission européenne. Celle-ci a, aujourd'hui même, évoqué une boîte à outils pour faire face à l'augmentation des prix de l'énergie. Elle encourage notamment les mesures nationales temporaires pour limiter l'impact de la hausse sur les ménages. Le Gouvernement propose un bouclier tarifaire, constitué par un gel des tarifs réglementés du prix du gaz et une baisse des taxes sur l'électricité. Les mesures d'accompagnement des fournisseurs paraissent insuffisantes à ce stade. Les entreprises, quant à elles, subissent aussi de plein fouet cette hausse. La Commission européenne incite les États membres à les soutenir avec un assouplissement exceptionnel du régime des aides d'État. Qu'a prévu le Gouvernement ?

À l'aube de l'hiver, face à la guerre de l'approvisionnement et dans un marché de l'électricité particulièrement intégré, il faut davantage coordonner les mesures proposées. « L'Europe qui protège », expression souvent utilisée par le président de la République, doit contribuer à assurer la sécurité énergétique de nos concitoyens.

La souveraineté européenne est une priorité que la France doit s'attacher à défendre lors de sa future présidence. Monsieur le ministre, soyez au rendez-vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes .  - Le Conseil européen se réunira dans huit jours avec un ordre du jour chargé, mais il ne traitera pas tous les sujets épineux du moment.

Il laissera de côté le défi existentiel posé par la décision de la juridiction suprême polonaise. Il ne répondra pas non plus à la stratégie que devrait adopter l'Union européenne face aux provocations britanniques, tant pour la pêche que pour la frontière nord irlandaise. Il y a pourtant urgence.

La pandémie reste à l'ordre du jour sans occuper le devant de la scène, et c'est heureux. Pour en sortir définitivement, nous sommes face au défi de l'accès équitable au vaccin sur toute la planète. Ce n'est pas de la charité mais une question de santé publique intelligente dans l'intérêt de tous. Et pourtant l'Union européenne n'atteint pas ses objectifs de dons. Via Covax, elle envisage de fournir des vaccins AstraZeneca aux plus jeunes dans les pays en développement -  alors qu'il est réservé aux plus de 55 ans en France ! La priorité doit-elle être à la troisième dose en France ?

La flambée des prix de l'énergie sera au programme. Se nourrissant de la reprise, cette hausse pourrait la compromettre.

Notre continent révèle sa fragilité, trop dépendant de l'approvisionnement extérieur. Nous nous retrouvons tributaires des fournisseurs d'énergie fossile, notamment du géant gazier russe.

L'Ukraine, privée de droits de transit par Nord Stream 2, serait fragilisée. La France saisira-t-elle cette opportunité pour réclamer plus de sécurité énergétique pour notre continent ? Sans remettre en cause la transition écologique, l'Union doit promouvoir le nucléaire.

L'appel de la France et de dix autres pays européens a-t-il des chances d'être entendu ?

Le flux de migrants enfle aux portes de l'Europe, tant au sud qu'à l'est, et le retrait américain d'Afghanistan accentuera la pression. Dans mon département, je constate une tension croissante sur le littoral : de plus en plus de migrants tentent de franchir la Manche. C'est désormais une frontière extérieure de l'Union, et donc de ce fait une problématique européenne.

Depuis la crise migratoire de 2015, l'Union se contente de mesures d'urgence. Comment débloquer la négociation sur le pacte immigration et asile, qui s'enlise ?

Je ne m'étendrai pas sur le numérique, malgré l'enjeu stratégique de l'autonomie informationnelle de l'Europe. Mme Morin-Desailly y reviendra. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Catherine Morin-Desailly et M. André Gattolin applaudissent également.)

M. Patrice Joly .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La crise sanitaire et économique que nous traversons nous pousse à avoir un regard exigeant vis-à-vis de l'Union européenne. Nous devons nous assurer que les décisions du futur Conseil seront à la hauteur des enjeux.

La hausse spectaculaire et continue des prix de l'énergie a des conséquences dramatiques sur l'économie et, selon le Secours populaire, elle précarise une partie des ménages. Nous attendons des mesures rapides de Bruxelles.

Je regrette que l'Eurogroupe se soit caché derrière le caractère temporaire de la hausse des prix pour ne pas agir. Quelle est la crédibilité du couple franco-allemand ?

La seule façon de ne plus subir les fluctuations de prix des énergies fossiles est de sortir de ces énergies. La France doit saisir l'occasion du Green Deal, qui doit définir une politique énergétique commune pour accélérer le déploiement des énergies bas carbone.

J'en viens au plan de relance européen. Il a fallu une tragédie sanitaire d'ampleur mondiale pour qu'une initiative voit le jour - même si les 750 milliards d'euros, dont une moitié de prêts, apparaissent encore trop timides. Ce plan représente à peine 6 % du PIB de l'Union contre 20 % pour le plan américain.

Les politiques de retraite, d'assurance chômage ou d'assurance sociale sont en revanche toujours plus rigoureuses, qui s'inspirent d'une idéologie néolibérale. La France s'est engagée à réduire ses dépenses publiques, ce qu'elle fait sur l'assurance chômage et qu'elle s'apprête à faire pour les retraites.

Avec ce plan de relance, notre pays va davantage payer que recevoir, et devra en plus réduire ses dépenses sociales. Bref, nous paierons deux fois. Les effets économiques seront forcément limités. Belle contradiction : on accélère tout en freinant.

Peut-on financer l'Union autrement que par les contributions des États-membres et l'emprunt ? C'est la question de la fiscalité et de la lutte contre la fraude, révélée par les Pandora Papers (Mme Nathalie Goulet approuve.) qui démontrent que 11 300 milliards de dollars sont placés dans des paradis fiscaux.

L'évasion fiscale fait perdre plus de 1 000 milliards d'euros par an à l'Europe, soit six ans de budget européen !

Chaque euro soustrait à l'impôt est autant d'argent qui ne bénéficiera pas à l'intérêt général. Nous en avons pourtant grandement besoin. (Mme Nathalie Goulet approuve derechef.)

Nous devons lutter contre les paradis fiscaux partout dans le monde. Or presque aucun État cité dans les Pandora Papers n'est dans la liste noire des paradis établie par l'Union ; je pense au Luxembourg et à Chypre. Pire, en plein milieu du scandale, l'Union européenne a retiré trois pays de sa liste en toute opacité.

L'OCDE a noué un accord pour un nouveau cadre fiscal des multinationales. Je crains que le taux de 15 % soit davantage un plafond qu'un plancher.

L'ICRICT plaide pour un taux à 25 %, qui est également défendu par des spécialistes européens dont Thomas Piketty : 25 % rapporteraient 26 milliards d'euros à la France, contre 6 milliards avec un taux de 15 %.

Il est urgent d'agir. Nous manquons de courage politique au niveau européen. La rigueur à perpétuité et le renoncement à taxer les riches créent de la désespérance, nourrissent le populisme et minent la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. André Gattolin .  - (M. Alain Richard applaudit.) Le prochain Conseil sera l'avant dernier avant la présidence française. L'ordre du jour ne laisse guère transparaître les ambitions de la future présidence française. On est plutôt dans le business as usual : covid, numérique, migrations et, seule nouveauté, le prix de l'énergie, qui fait une entrée fracassante dans l'agenda. Un débat stratégique sur la politique commerciale de l'Union européenne sera aussi organisé. Qu'en sera-t-il des négociations avec l'Australie, actuellement suspendues après le coup de Trafalgar de l'Aukus ? Les dirigeants européens seront-ils tentés de poursuivre les négociations, oubliant leur devoir de solidarité avec la France ?

S'agissant de la transition énergétique, les voies de la taxonomie sont parfois impénétrables...

Nous ne connaissons pas encore les priorités de la France à l'occasion de sa présidence au premier semestre 2022. L'incertitude est devenue le véritable maître des horloges européennes. L'attente de la formation du Gouvernement allemand pèse sur le partenariat franco-allemand.

Quelle que soit la sympathie pour chacun des trois dirigeants qui se sont succédé à la présidence du Conseil européen, ce n'est guère plus qu'un secrétariat général, sans grand poids politique...

La présidence slovène n'a pas été l'occasion d'une politique européenne plus ambitieuse. Les piques répétées à l'endroit de la présidente de la Commission et du Parlement européen ne sont pas dignes d'une présidence européenne. J'ai été sidéré par l'entretien que Janez Jansa a récemment accordé à Euronews, seule chaîne publique d'information européenne et d'ailleurs en grande difficulté financière. Ses propos étaient édifiants quant à sa méconnaissance des mécanismes de l'Union. Il l'accuse ainsi de détourner la notion « d'État de droit ». Il a argumenté que la liberté de la presse et l'indépendance de la justice relèvent de chaque État-membre et que c'est à chacun d'en définir la nature.

Monsieur le ministre, quelle sera la position de la France concernant les investissements entre l'Union et la Chine ? Mme Merkel et sa majorité semblaient y tenir particulièrement. Stop ou encore ?

La Commission européenne a présenté le 5 mai une proposition de Règlement pour s'attaquer aux distorsions causées par les subventions des puissances étrangères au sein du marché unique, qui vise la Chine. La France en fera-t-elle une priorité de sa présidence ?

Mon groupe est attaché au respect des libertés académiques. Nous ne pouvons accepter les ingérences étrangères extra-européennes. La présidence française de l'Union devrait être le fer de lance sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Colette Mélot .  - Dans ses Mémoires d'outre-tombe, Chateaubriand s'interrogeait sur les chances d'une jeune Europe. Avec la crise, une nouvelle Europe est née, qui a beaucoup à offrir à ses citoyens, ses entreprises et sa jeunesse, mais doit se donner les moyens d'atteindre ses objectifs.

J'entends délivrer un message europtimiste. Pour cette raison même, je serai critique.

L'Europe doit bâtir sa souveraineté, en particulier dans les domaines stratégique et industriel.

Quel que soit le président américain, l'Union européenne doit rester seule maîtresse de son destin ; l'Aukus, revers pour la France mais aussi toute l'Europe, l'a bien montré. Le « en même temps » européen vis-à-vis d'une Chine qui se durcit ne peut plus durer.

Nous devons développer une véritable stratégie européenne de défense et d'armement. Ne restons pas dans nos atermoiements quand les autres avancent leurs pions !

Monsieur le ministre, quel sera votre message au Conseil européen sur ce sujet ? Quelle est votre position sur le livre blanc de la défense européenne ?

Au sein de l'OTAN, nous ne sommes pas les obligés de nos alliés ; ne soyons pas suiveurs.

Le dossier afghan appelle des réflexions sur le pacte asile et immigration.

Dans le domaine industriel, l'Union européenne a prouvé qu'elle peut agir. Je pense en particulier au travail remarquable de notre commissaire, Thierry Breton, sur le vaccin.

La souveraineté numérique est primordiale, comme le montre la négociation sur les directives DSA et DMA. La guerre des données ne fait que commencer. Le sujet des propos haineux sera central, et l'échelon européen est pertinent pour lutter contre ces dérives.

La présidence française de l'Union européenne doit faire du cyberharcèlement, notamment en milieu scolaire, une grande cause européenne. Nos jeunes sont notre futur : protégeons-les !

Des efforts industriels dans le domaine de l'énergie sont nécessaires. Un de nos fleurons français remplit les objectifs, mais est menacé : je veux parler du nucléaire, que la taxonomie verte européenne ne peut exclure. Nous avons besoin dans notre mix énergétique d'une part de nucléaire, même appelée à se réduire.

Les énergies renouvelables nécessitent des moyens industriels dédiés. Comme pour les batteries, l'Union européenne doit mener un travail de coopération. Quels dossiers prioritaires la présidence française de l'Union européenne défendra-t-elle ?

Enfin, la Pologne a dépassé une limite en remettant en cause la primauté du droit européen. La réaction doit être à la hauteur de l'enjeu : la survie de l'Union européenne.

L'Union européenne est aujourd'hui en danger. Quelle vision la France compte-t-elle défendre pour la réinventer ? (M. André Gattolin applaudit.)

M. André Reichardt .  - (M. Guillaume Chevrollier applaudit.) Lors de son discours sur l'état de l'Union, Ursula von der Leyen a affirmé que le temps du coronavirus n'était pas encore derrière nous. Si certains États voient la lumière au bout du tunnel, la situation à l'Est est préoccupante. Le contraste est saisissant entre le Danemark, qui a levé toutes ses restrictions, et la Roumanie et la Bulgarie.

Le fossé qui se creuse ne sera pas aisé à combler ; il devra pourtant l'être. Car tant que tout le continent ne sera pas sorti de la crise, nous resterons vulnérables.

Schengen doit revenir à son fonctionnement normal, et il faut bâtir un cadre évitant les nouvelles fermetures anarchiques de frontières. En Alsace comme dans les autres régions frontalières, ces fermetures ont mis à mal l'économie et la vie quotidienne. Le cadre de coordination doit tenir compte de ces régions, où la libre circulation n'est pas seulement un principe à défendre, mais une nécessité absolue.

L'Europe doit également accélérer la transition numérique et oeuvrer à la cybersécurité, devenue un enjeu décisif. Alors que la numérisation est source d'opportunités comme de menaces, je me félicite des initiatives pour une Union de la cybersécurité. Le futur hub de sécurité informatique nourrit de fortes attentes ; il assurera la mise en commun d'investissements et apportera une expertise aux PME de la cybersécurité.

En matière de relations extérieures, les recompositions s'accélèrent dans la zone indopacifique. La Chine se montre de plus en plus hégémonique, les États-Unis de plus en plus soucieux de la contrer. Après le récent camouflet qu'elle a subi, la France a été inégalement soutenue par les autres États membres.

Les intentions de la Commission européenne sont louables, mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Il faut développer l'autonomie décisionnelle de l'Europe.

Nous ne devons pas nous laisser entraîner dans la rivalité sino-américaine : ni alignement pavlovien sur les États-Unis, ni complaisance mercantiliste à l'égard de la Chine. Beaucoup de travail reste à faire pour que l'Europe existe dans cette région du monde qui concentrera à l'avenir tous les appétits et tous les dangers.

À l'autre bout de l'Asie, la situation afghane requiert notre vigilance, pour des raisons humanitaires - le régime barbare des talibans est de retour -, mais aussi migratoires. À l'occasion de mes travaux avec Jean-Yves Leconte sur le pacte sur l'asile et les migrations, j'ai pu mesurer le risque des nouvelles routes de la migration et du chantage biélorusse. Les États membres doivent être prêts à toute éventualité.

Il faut accélérer la mise en oeuvre du plan d'action adopté par les ministres de l'intérieur pour éviter le scénario de 2015, qui avait failli emporter la libre circulation des personnes. (M. Marc Laménie et M. le président de la commission des affaires européennes applaudissent.)

M. Jacques Fernique .  - (M. Guillaume Gontard applaudit.) Les points à l'ordre du jour du prochain Conseil européen sont disparates, mais révèlent le besoin d'un recentrage sur les fondamentaux européens, à commencer par la défense du climat et de la biodiversité. En la matière, c'est aujourd'hui que se joue notre réussite ou notre échec !

Nous devons travailler à l'acceptabilité économique et sociale de la nécessaire transition énergétique, dans une conjoncture tendue.

De même, il faut instaurer un encadrement démocratique du secteur numérique et garantir l'égalité face à l'impôt, dont l'affaire des Pandora Papers illustre la nécessité. Un taux minimal d'imposition sur les sociétés doit effectivement s'appliquer.

Nous devons aussi faire vivre l'état de droit, défendre la primauté des règles européennes et lutter contre les fantasmes anti-migrants. Nous attendons du Gouvernement des engagements clairs dans ces domaines.

La précarité énergétique explose - elle concerne une famille sur cinq en France. Sortir des millions d'Européens de cette situation doit être une priorité.

Ne nous y trompons pas : c'est la sobriété, l'efficacité et la rénovation qui sont la clé pour y parvenir, pas le nucléaire. Les économies d'énergie, le développement des énergies renouvelables et les progrès en matière de stockage de l'électricité sont les leviers de la transition. Le gaz et le nucléaire ne sont pas des énergies vertes ! Nous regrettons la position rétrograde du Gouvernement à cet égard.

Après les Panama Papers, les Pandora Papers : la cupidité des uns et la complaisance des autres nous privent de moyens qui pourraient servir aux investissements collectifs. Nous devons assurer la transparence, contrôler les flux et supprimer les paradis fiscaux, au lieu de chercher à alléger les taxes sur les géants du numérique.

Enfin, nos élections nationales ne devront pas éclipser la présidence française de l'Union européenne.

Monsieur le secrétaire d'État, il faudrait rompre avec la pratique détestable du sponsoring des présidences par des marques privées. Une pétition initiée par des ONG vous y invite. En avez-vous l'intention ? (M. Guillaume Gontard applaudit.)

M. Pierre Laurent .  - La tension s'accroît sur les côtes de la Manche, alors que les Britanniques jouent avec le feu. Nous payons cher les surenchères nationalistes.

La Grande-Bretagne bafoue l'accord signé avec l'Union européenne sur les licences de pêche. La colère des marins est légitime. Comment comptez-vous les défendre dans les jours qui viennent ?

Plus largement, le pilotage par les intérêts financiers et la concurrence risque de mener l'Europe à d'autres déchirements.

Il y a longtemps, malheureusement, que les clés du camion ont été remises aux logiques capitalistes. Climat, alimentation durable, sécurité collective, solidarité : il est urgent de changer de logiciel ! L'Europe ne peut plus laisser le progrès social en cale sèche.

Alors que les poussées nationalistes sont le revers de la guerre économique, il faut inverser la vapeur sur les priorités sociales, défendre un projet de progrès social et de sécurité humaine.

À quand la mise en commun de la recherche, la levée des brevets, le retrait des dépenses de santé des critères budgétaires ? À quand un fonds social et écologique financé à taux nul par la BCE ? À quand la fin de la course folle au recul de l'âge du départ à la retraite, alors que l'Europe compte 15 millions de chômeurs ?

Une nouvelle ambition sociale pourrait sonner le réveil des continents. Malheureusement, le sommet social de Porto n'a débouché que sur un catalogue d'intentions non contraignantes. Où en est le salaire minimum européen ? La Confédération européenne des syndicats demande un seul de décence, c'est dire où nous en sommes... Quelle norme notre pays défend-il ?

Sur les travailleurs des plateformes, le Gouvernement compte-t-il utiliser la proposition de la députée européenne Leïla Chaibi sur la requalification des travailleurs ubérisés en salariés ? Nous ne devons pas accepter le passage d'une société de services à une société de serviteurs, pour reprendre la formule de notre collègue Pascal Savoldelli, auteur d'un rapport d'information dont le Gouvernement ferait bien de s'inspirer.

Quelle est la position française sur l'avenir du pacte de stabilité budgétaire ? Ses règles ont volé en éclat avec la pandémie, et c'est heureux. Allons-nous les abandonner définitivement, au profit d'un nouveau modèle de protection sociale et de reconstruction industrielle ?

Notre collègue Éric Bocquet l'a justement dénoncé : deux jours seulement après les Pandora Papers, les ministres des finances de l'Union européenne ont retiré trois territoires de la liste des paradis fiscaux... (Mme Nathalie Goulet approuve.) Pendant ce temps, rien n'est prévu pour agir sur le coeur de la machine à optimiser, notamment au Luxembourg.

Quelle interprétation faites-vous de l'accord sur le taux d'imposition minimal ? Le considérez-vous comme une cible ou un plancher ?

L'Europe juste et solidaire ne doit pas rester un mot creux ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

Mme Catherine Morin-Desailly .  - Charles Michel a déclaré voilà quelques jours que, entre le modèle américain du business above all et le modèle chinois autoritaire, il y avait place pour un modèle européen attractif et humano-centré dans la transition numérique.

On ne peut plus juste, ce propos fait écho à la conclusion de notre mission d'information sur la gouvernance d'internet : l'Europe doit faire entendre sa voix ! Nous avons formulé cinquante propositions plus que jamais d'actualité : adopter une régulation offensive, développer une ambition industrielle, promouvoir l'appropriation citoyenne d'internet.

Le numérique est l'un des sept axes de la stratégie Europe 2021, mais celle-ci ne se préoccupe que des usages et non du devenir des citoyens européens.

La concurrence opérée par les GAFAM est déloyale, les atteintes aux libertés fondamentales sont préoccupantes. Les révélations de la lanceuse d'alerte Frances Haugen devant le Sénat américain sont éloquentes -  bien plus intéressantes que les propos de Mark Zuckerberg, silencieux sur les dérives de sa société.

Avec Thierry Breton, la Commission européenne change enfin de braquet, avec deux propositions : le DSA, sur les droits fondamentaux, et le DMA, qui rééquilibre ex ante les relations entre les plateformes et leurs utilisateurs.

Notre commission des affaires européennes a chargé Mme Blatrix Contat et moi-même d'évaluer ces propositions. Le prochain Conseil européen doit progresser dans la définition d'un compromis, car des divergences demeurent.

Il faut mieux prendre en compte les écosystèmes des plateformes pour reconnaître les points de passage obligés, accélérer la désignation des gate keepers, assurer la portabilité des données et renforcer l'effectivité des interdictions, notamment celle d'utiliser les données des utilisateurs sans leur consentement et celle de contraindre à recourir à des services accessoires, comme les services de paiement.

Une coordination forte est nécessaire, avec un réseau européen de la régulation numérique. Les entreprises utilisatrices doivent être associées à la mise en oeuvre du règlement, en particulier pour les mesures correctrices.

Enfin, les acquisitions des grandes plateformes, visant surtout à étouffer la concurrence, doivent être contrôlées.

La démarche européenne pourrait servir de modèle au niveau international, au moment où les États-Unis eux-mêmes s'interrogent sur les grandes plateformes. L'éventualité d'un démantèlement doit être étudiée.

Parallèlement, une politique industrielle doit être développée. Nous devons reconquérir notre souveraineté numérique. Dans les années 1990, les États-Unis ont su prendre les mesures fiscales adéquates pour faire monter leurs champions. Ils n'ont pas hésité à réserver leurs marchés locaux et nationaux à leurs propres acteurs -  tout l'inverse de ce que nous faisons aujourd'hui encore.

Il faut pouvoir peser dans les instances internationales où les standards s'élaborent -  je pense aux objets connectés.

Au total, c'est un véritable plan Marshall dont nous avons besoin pour rattraper notre retard et promouvoir notre vision ! (M. Didier Marie et M. le président de la commission des affaires européennes applaudissent.)

M. Henri Cabanel .  - Une fois encore, le Conseil européen sera sur le front de la pandémie, mais, cette fois, avec des perspectives plus heureuses. La situation sanitaire dans l'Union européenne s'améliore globalement. Si la stratégie européenne a été critiquée à ses débuts, l'Europe aura finalement marqué des points - voyez le désastre britannique.

Cela doit nous pousser à concrétiser rapidement l'Europe de la santé. Le RDSE y est très favorable. En particulier, nous attendons la mise en oeuvre rapide du renforcement de l'Agence européenne du médicament, pour éviter de nouvelles pénuries.

Que répondre à la demande de transparence du Parlement européen sur les montants versés pour l'acquisition des vaccins ?

Il nous faut encore amplifier la couverture vaccinale, en particulier chez les plus âgés, et lutter contre la désinformation. La troisième dose est un rendez-vous à ne pas rater. Quel rôle pour l'Union Européenne à cet égard ?

Il ne faut pas non plus relâcher les efforts européens sur Covax, notamment en direction de l'Afrique. Où en sommes-nous du partage de vaccins ? Les difficultés liées au covid dans les pays pauvres perturbent les chaînes d'approvisionnement dans le monde entier, comme l'a souligné le FMI.

Des pressions inflationnistes se font sentir. Le gaz s'est renchéri de 130 % en un an ! La coordination européenne a du sens sur ce sujet, mais il faudra s'entendre, car tous les États membres ne veulent pas la même chose. Oui aux baisses de taxe et à la tolérance zéro à l'égard des spéculateurs, mais quid de la réserve stratégique proposée par l'Espagne ? Est-il normal que le prix de l'énergie soit le même pour tous les pays, qu'ils fassent des efforts environnementaux ou non ?

On ne peut que rejoindre la Commission européenne, qui demande plus d'efforts pour la transition vers les énergies propres.

Par ailleurs, il nous faut défendre la souveraineté européenne en matière numérique. Il y va de notre liberté de choix, de notre indépendance et de la diffusion de nos valeurs.

Je salue la taxation minimale à 15 %, bel exemple de coopération mondiale. Je sais à quel point la France a été active à cet égard dans le cadre de l'OCDE.

L'ensemble de ces chantiers nous invitent à davantage de coordination, si nous voulons une Europe qui anticipe davantage ! (M. André Gattolin applaudit.)

M. Victorin Lurel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER.) Nous le mesurons bien, le prochain Conseil européen représente un enjeu politique et stratégique majeur pour la France et pour l'Europe.

Dans le contexte de la nouvelle bipolarisation du monde, quelle place l'Union Européenne occupera-t-elle, avec quels instruments de souveraineté ?

Elle reste un nain politique et diplomatique, désarmé et menacé de marginalisation.

Jamais l'Europe n'a tiré les conséquences de la constante historique que constitue l'unilatéralisme américain. Souvent observatrice, elle reste impuissante quand ses États membres sont victimes de l'activisme décomplexé de puissances étrangères. Avec le camouflet de l'Aukus, la France en a pris conscience. Le temps de l'idéalisme est définitivement révolu.

Le XXIsiècle sera asiatique. Dernier pays européen présent dans le Pacifique depuis la rétrocession de Hong Kong, la France doit être active pour éviter que l'anglosphère ne régente la bipolarité sino-américaine.

Le calendrier politique est un obstacle à surmonter. Nul ne sait à quoi ressemblera le futur Gouvernement allemand. Quant aux élections françaises, elles entraîneront nécessairement un raccourcissement de notre présidence active.

Les divergences d'intérêts et de volonté entre États membres posent problème : il n'y a pas d'unité de vue ni d'action, notamment entre le réalisme allemand teinté de mercantilisme et l'idéalisme fédéraliste français, mais aussi entre les pays capables de se déployer militairement et les autres.

La France irrite plus qu'elle ne rassemble : elle conduit des opérations solitaires, critique ouvertement l'OTAN. Nous devons profiter de notre présidence pour reconquérir la confiance de nos partenaires.

Nous avons besoin de développer une politique européenne de soutien à l'industrie de défense, de renforcer la capacité européenne d'intervention et d'élargir nos partenariats structurants, comme le système de combat aérien du futur et le système principal de combat terrestre.

Nous devons aussi mener une lutte informatique d'influence pour gagner la guerre avant la guerre, selon l'expression du chef d'état-major des armées.

L'Europe doit repenser ses relations stratégiques en se rapprochant de l'Inde ou de l'Asean et en apaisant ses relations avec la Russie.

Enfin, la Pologne refuse la primauté du droit européen : quelles sanctions la France demandera-t-elle face à cette transgression ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. André Gattolin applaudit également.)

M. Cyril Pellevat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) Une nouvelle fois, le Conseil européen se penchera sur la situation épidémiologique.

Il est indéniable que l'Union européenne a déjà fait énormément contre la covid, alors que la santé n'est pas sa compétence principale. Elle a activé les nombreux leviers dont elle disposait, comme la recherche et le plan de relance. Environ 70 % de la population européenne est désormais vaccinée, même si cette couverture reste insuffisante pour atteindre l'immunité collective.

Il faut développer Covax. Je m'interroge sur la pertinence d'une troisième dose pour les Européens, jugée inutile par certaines études, quand certains pays pauvres ont moins de 10 % de couverture vaccinale. Un variant qui y apparaîtrait pourrait mettre à bas tous nos efforts.

La coordination et la coopération internationales restent à améliorer. La recherche des cas contacts transfrontaliers pourrait ainsi être améliorée. La Commission européenne a trouvé une solution pour connecter les applications des États membres, mais tous ne l'utilisent pas. Et quid des pays frontaliers non européens, comme la Suisse ?

Alors que l'hiver approche, les dissonances sont de retour sur l'application du passe sanitaire dans les stations de ski. Si la majorité des pays décident de ne pas l'imposer, ceux qui le demanderont auront une très mauvaise saison. La France et l'Espagne annoncent qu'elles ne le demanderont pas, contrairement à l'Autriche et l'Italie. La Suisse réfléchit.

Hier, tous les acteurs de la montagne m'ont dit qu'ils souhaitaient une meilleure coordination européenne, mais ne s'attendaient à rien avant 2030...

Seules des réponses coordonnées viendront à bout de la pandémie. Il faudra être exigeant pour un outil international ayant un réel effet.

La question du télétravail des frontaliers n'a pas encore été abordée. Le Sénat a adopté en juillet dernier ma proposition de résolution européenne sur ce sujet. J'ai eu une réponse de Bercy, mais je n'ai toujours pas de retour de vos services, monsieur le secrétaire d'État. Il serait opportun de sonder les États membres. Nous avons actuellement deux possibilités : intégrer le sujet aux négociations sur la sécurité sociale ou à celles sur le droit du travail et le droit à la déconnexion. Quelle est la voie privilégiée ?

Mme Nathalie Goulet .  - L'Ukraine est un pays ami et voisin et ses relations avec l'Europe sont fortes. Ursula von der Leyen et Charles Michel viennent de s'y rendre. L'Ukraine a fait l'objet d'une agression territoriale, cela est amplement reconnu.

Mais voilà : l'Ukraine demande l'aide de l'Europe, elle doit en respecter les valeurs. Or de nombreux médias ont été fermés depuis quelques mois, dont des chaînes de télévision comme 112 et Strana. Cela nous inquiète car la liberté de la presse est une valeur européenne fondamentale. M. Medvedtchouk, leader de l'opposition, est en résidence surveillée sans aucun procès.

La libre concurrence des médias est en question, et l'OSCE est intervenu le 25 août pour rappeler à l'Ukraine ses obligations ; Reporters Sans Frontières l'a fait également en septembre dernier. Les inquiétudes sont réelles : quelles mesures prendrez-vous ?

Sur la stabilité et la paix de l'Ukraine, vous savez que les accords format « Normandie » et la formule Steinmeier incluent des élections dans le Donbass. Mais le Gouvernement bloque et impute ce blocage au voisin russe. Il faut faire le point sur ces accords et cette formule. Le Président Larcher y avait d'ailleurs beaucoup travaillé.

L'Ukraine, dont le président est embourbé dans les Pandora Papers, est un sujet très important pour la stabilité de l'Europe et l'approvisionnement en énergie. Le pays ne peut rester fragilisé ainsi. La communauté internationale a beaucoup travaillé à la paix, le Conseil européen doit y revenir.

Mme Pascale Gruny .  - (M. Marc Laménie applaudit.) Le Conseil européen sera surtout consacré à la pandémie. La crise a montré l'utilité d'une réponse coordonnée, par exemple les contrats groupés d'achat. Mais elle a révélé au grand jour les failles d'une Union européenne plus lente à réagir que d'autres régions : le continent doit se doter d'un bouclier sanitaire. La création de l'HERA sera une réponse majeure allant dans le bon sens. Cet organisme similaire à la Barda américaine coordonnera recherche et industrie en cas de crise.

Dès 2022, la Commission pourra ainsi stimuler la recherche et la production de contre-mesures médicales. Mais comment cette HERA s'articulera-t-elle avec l'Agence européenne du médicament (EMA) ?

La Commission aurait aussi la charge de décider des mesures opérationnelles, mais en complément de l'action des États membres, qui doivent donc être associés.

Par ailleurs, le renforcement de Schengen sera acté par une initiative législative à venir. La crise a souligné l'absence de coordination des États membres concernant la gestion des frontières intérieures. Saluons donc cette initiative.

L'ouverture de voies vertes pour les biens essentiels, la libre circulation des travailleurs et l'aide d'urgence transfrontalière sont positives. Le marché intérieur doit continuer à fonctionner. Quelles initiatives ont été prises ?

Le Conseil européen abordera aussi la flambée des prix de l'énergie. Plusieurs pays appellent à une réponse commune, comme l'Espagne qui plaide pour une réserve stratégique de gaz. La Pologne, elle, cherche à remettre en cause la directive ETS et le mécanisme de quotas d'émission dans le secteur du bâtiment et celui du transport routier. C'est inacceptable ! À l'inverse, la France doit se mobiliser pour inclure l'énergie nucléaire dans la taxonomie verte.

La hausse des tensions sur la pêche et les menaces du parti conservateur, à Manchester, de suspendre unilatéralement le protocole nord-irlandais montrent que l'Union européenne doit sommer son voisin britannique de respecter les traités. À défaut, l'Union européenne devra utiliser les leviers prévus.

Les citoyens attendent des réponses concrètes. Espérons que la France, qui va prendre la présidence du Conseil pour six mois, sera à la hauteur, comme en 2008. Après le grand soir européen annoncé dans le discours de la Sorbonne au début de son mandat, le Président de la République n'a pas le droit de décevoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Guillaume Chevrollier .  - Partout en Europe, les prix de l'énergie flambent : 37 % de hausse pour l'électricité en Espagne sur une année, presque autant en Italie sur le gaz, et 12 % pour le prix réglementé du gaz en France. La crise énergétique a un fort impact sur les ménages et les entreprises. On ferme des centrales nucléaires. Elles seraient remplacées par des éoliennes intermittentes : la crise de l'énergie est peut-être devant nous.

Alors que va s'ouvrir la COP26, les pays européens risquent de se trouver en contradiction avec la politique climatique ambitieuse qu'ils exigent du reste du monde. Des centrales à charbon, comme en Chine et en Espagne, rouvrent. Les gouvernements réduisent les taxes sur le secteur de l'énergie, ce qui revient à subventionner les énergies fossiles et se traduira par une baisse des investissements dans les énergies renouvelables.

La limite de l'accord de Paris, c'est qu'aucune des parties prenantes n'a souhaité impulser un nouveau modèle énergétique clair. Limiter le réchauffement n'est pas hors d'atteinte, mais il y faut une révolution énergétique globale, dans toute notre économie ; et du courage politique !

Les COP sont nécessaires mais doivent être utiles, sinon elles seront discréditées : la COP25 de Madrid en 2019 est apparue déconnectée. Les négociateurs n'ont pu s'entendre sur les règles d'application des accords de Paris en matière de marché du carbone, aucun État ne s'est engagé pour participer au Fonds vert.

Il faut donc tenir nos promesses en vue de la COP26. Les pays développés, qui sont responsables de 80 % des émissions mondiales, n'ont pas tenu leur promesse de porter ce Fonds vert en faveur des pays pauvres à 100 milliards de dollars par an : il n'est qu'à 79,6 milliards selon l'OCDE. Le compte n'y est pas. Notre commission de l'aménagement du territoire et du développement durable forme le voeu que le montant consacré à l'adaptation soit augmenté à hauteur de 50 % des fonds publics et privés mobilisés. J'espère que cette position sera défendue par la France et l'Union européenne.

Mobiliser la finance mondiale fait d'ailleurs partie des objectifs affichés par la présidence britannique.

Les règles de mise en oeuvre du Pacte climat, notamment sur la transparence, autrement dit la manière dont les États rendent compte de leurs actions en faveur de la transition, seront-elles bientôt finalisées ?

Le Président de la République voulait aussi associer les COP climat et les COP biodiversité. Il en résulterait des synergies, les deux sujets étant liés.

À la veille du Conseil européen, l'Union européenne doit continuer à faire preuve de leadership en matière climatique et la France doit y prendre toute sa place. Quelles sont ses propositions concrètes ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Clément Beaune, secrétaire d'État, chargé des affaires européennes .  - Sur le Brexit, nous ne rompons pas toute coopération avec le Royaume-Uni en matière de sécurité malgré des choix correspondant à un alignement avec les États-Unis - et malgré le refus de discuter avec l'Union européenne de l'aspect sécurité dans la relation post-Brexit.

Le problème aujourd'hui concerne d'abord le respect des accords ratifiés par les deux parties, notamment sur la pêche : nous avons longuement travaillé avec la ministre de la Mer, nous avons été patients, les pêcheurs aussi, en acceptant de se plier aux demandes d'informations supplémentaires pour l'attribution des licences. Mais il est clair à présent que les Britanniques font le choix politique de refuser des licences. Ce problème n'est pas français mais européen : Belgique et Irlande sont aussi concernées, et tous les États membres pourraient être affectés par un non-respect des accords. D'ici huit jours, nous annoncerons des réponses, voire des mesures de rétorsion. Je partage l'exaspération de la profession et des élus.

S'agissant du temps de travail des militaires, il y a confusion sur les règles européennes. La jurisprudence de la CJUE ne nous convient pas. Nous utilisons tous les moyens juridiques pertinents. Le cas est particulier, car il ne relève pas des traités mais d'une directive. Celle-ci devra être révisée au plus vite, et nous utiliserons à cet effet le levier de la présidence française de l'Union européenne. Notre ligne claire est que le modèle de nos armées sera respecté. Nous serons d'une fermeté absolue, il y va de notre sécurité et de celle de l'Europe.

Des aires protégées portées à 30 % de la surface du globe : c'est l'objectif que nous défendrons à la COP26. Nous portons un haut niveau d'ambition, en commun avec le Costa Rica et le Royaume-Uni.

Nombre d'entre vous ont évoqué les prix de l'énergie : oui, la politique climatique européenne est relativement harmonisée, mais non, nous n'avons pas construit de vraie politique énergétique. Les mix énergétiques nationaux sont des héritages historiques : celui de la Pologne avec les mines de charbon est en partie hérité de l'ère soviétique et la transition sera longue et coûteuse, elle devra être aidée.

Pour autant, les règles doivent changer.

Il faut réglementer les prix en pour préserver le pouvoir d'achat des citoyens et des entreprises : ce sont des mesures d'urgence, et nous prendrons d'autres si nécessaire - la Commission européenne a d'ailleurs rappelé l'éventail des possibles à court terme. Ce ne sont pas là des mesures structurelles.

À moyen terme, les prix du marché unique ne traduisent pas les avantages de certains pays, notamment le nucléaire pour la France. Notre production d'énergie efficace et peu coûteuse n'est pas reflétée par le prix pour le consommateur, mais c'est un avantage pour le producteur. C'est ce surplus d'EDF que nous utilisons pour rendre du pouvoir d'achat au consommateur, nous ne voulons pas casser ce mécanisme car le prix commun est un avantage pour la France.

À long terme, il faut accélérer la transition énergétique : le prix des énergies fossiles devra augmenter mais il faudra accompagner socialement cette hausse.

Sur le nucléaire, assumons un double choix de souveraineté : le nucléaire contribue à un mix peu carboné, produit en Europe, et non intermittent ; mais il faut également développer les énergies renouvelables, elles aussi propres et favorables à notre souveraineté, à défaut d'être aujourd'hui stables.

La situation polonaise est extrêmement préoccupante. La décision du tribunal constitutionnel polonais porte atteinte à l'article premier du traité sur l'Union européenne et risque d'aboutir à une non-application d'un même corpus de règles dans l'Union européenne. C'est une remise en cause même de l'Union européenne. N'assimilons pas cette décision à celles du tribunal constitutionnel allemand de Karlsruhe ou du Conseil d'État, qui opposaient la Constitution à un texte précis. C'est bien du Traité que l'on parle ici. De plus, la situation de l'état de droit est préoccupante en Pologne. Il ne faut pas être conciliant avec cette décision qui fragilise l'édifice européen, alors que ce pays n'hésite pas à recourir à la CJUE pour contester le règlement relatif au respect de l'état de droit !

Les livraisons Covax s'accélèrent. L'objectif de 200 millions de doses devrait être atteint d'ici la fin de l'année. Je rappelle que l'Europe est le premier donateur mondial de vaccins.

La pression migratoire n'a rien d'une vague aujourd'hui : nous ne sommes pas en 2015-2016, même si certaines routes reprennent. Il n'y a toujours pas de politique migratoire complète. Le pacte sur l'asile et l'immigration de la Commission européenne va dans le bon sens mais ses chances d'être adopté sont faibles. Sous la présidence française de l'Union européenne, il faudra réfléchir à un pacte plus ciblé, par exemple sur Frontex et le partage de données, tout en continuant la solidarité européenne dans un cadre ad hoc. Le grand soir du pacte n'est pas encore venu.

Le plan de relance européen se déploie et n'a rien à envier, en termes de montant, aux plans américains. Nous devons éviter surtout de prendre du retard dans les plans d'investissement pour l'avenir. La stratégie d'investissement à dix ans présentée par le Président de la République pour la France n'existe pas au niveau européen. C'est là que les Américains risquent de prendre de l'avance.

La réforme des retraites n'est pas dans les jalons signalés à la Commission, non que nous en ayons honte, mais parce que ce n'est pas une réforme en cours, ni une condition des versements européens. La réforme de l'assurance chômage, qui en revanche est mentionnée, n'a pas non plus été forgée pour Bruxelles.

Sérions les sujets sur l'évasion et la fraude fiscales : il y a un sujet de dumping fiscal. Tous les pays européens, même l'Irlande, l'Estonie et la Hongrie, se sont ralliés au seuil de 15 % proposé par l'OCDE. Certes, nous préférerions 25 %, c'est d'ailleurs le taux auquel la France se situe; mais nous ne participerons pas à une course vers le bas. Que 136 pays s'accordent sur la taxation des multinationales est une étape très positive.

La fraude fiscale demeure. Il y a des pressions européennes : cela est difficile car il s'agit largement d'une compétence nationale, mais les passeports « dorés » de Malte ou Chypre sont en train de disparaître.

Monsieur Gattolin, nous ne reprendrons pas la discussion sur l'accord commercial avec l'Australie. Ce serait incompréhensible. Le sujet est différent sur la Chine, avec des discussions en cours au Parlement européen.

Nous espérons faire accepter durant la présidence française une exclusion des marchés publics pour les entreprises sponsorisées par leurs États.

Les questions numériques sont importantes. Mme Morin Desailly a formulé plusieurs recommandations que je reprends mot pour mot. Si l'on veut que les plateformes soient régulées, par exemple pour retirer une vidéo, il faut que la réponse soit immédiate sur le territoire français, ou bien au niveau européen. C'est sur ce type de règles que nous insistons. Cela vaut aussi pour le cyber harcèlement.

Il faudrait aussi, comme en matière spatiale, une préférence européenne, pour le stockage des données par exemple. Nous n'y sommes pas encore mais c'est en projet.

Il faut des règles budgétaires dans une union économique et monétaire. Se rebrancher aux règles pré-Covid fin 2022 serait inadapté. Nous réfléchissons au nouveau cadre. Nous devrons en débattre notamment avec nos nouveaux partenaires allemands. Il faut une capacité d'investissement européenne : nous ne pouvons pas être le seul bloc économique qui n'investit pas. Le débat viendra au cours de l'année 2022.

Nous attendons un texte de la Commission européenne sur les salariés des plateformes. Je ne crois pas que la demande générale soit de plaquer le modèle d'un statut 100 % salarié sur toutes les plateformes, grandes ou petites, ce serait une erreur économique et sociale. Nous voulons un socle de droits reconnu dans tous les pays de l'Union européenne. Cela n'existe pas actuellement.

On m'a interrogé sur le mécénat privé : nous l'exclurons de la présidence française de l'Union européenne. Je trouve indécent que certains députés européens extraient des rendez-vous professionnels de l'agenda des diplomates pour dénoncer un sponsoring imaginaire. La présidence française de l'Union européenne est financée par le budget, intégralement public. Nous nous autorisons deux exceptions, dans une logique environnementale : l'utilisation de véhicules français propres qui seront prêtés ou loués par les constructeurs ; et la compensation carbone intégrale opérée par des énergéticiens français. Ces deux exceptions sont raisonnables et justifiées. Il n'y aura pas de cadeaux de sponsors. C'est clair et précis, et l'intégralité du budget de la présidence française de l'Union européenne sera votée par le Parlement à l'occasion du projet de loi de finances.

J'en viens à la transparence des contrats de vaccins. Les députés européens ont eu accès à des informations, mais parcellaires : il y a bien une amélioration à apporter. Le secret des contrats signés par la Commission européenne doit être levé.

La transparence c'est bien, l'évaluation c'est mieux. Nous voulons une évaluation de la cour des comptes européenne, pour nous assurer que les négociations ont été saines. La transparence mettra fin à tout fantasme. L'Europe n'a pas à rougir de ce qu'elle a fait.

La défense européenne avance relativement rapidement : le Fonds européen de défense et la task force Takuba rassemblant une dizaine de pays européens en sont des preuves.

Nous pouvons faire de longs sommets de doctrine et de sémantique, en nous demandant comment définir notre modèle de défense. Mais pour éviter les hurlements et remporter l'adhésion, il vaut mieux des éléments tangibles, concrets, dont nos partenaires européens sont demandeurs : par exemple la Lituanie est prête à nous suivre, hors OTAN, au Sahel, et nous sommes présents sur leur sol ainsi qu'en Estonie pour les protéger face au voisin russe. Ne perdons pas de temps avec des labels trop précis. Soyons pragmatiques. Un sommet sous présidence française sera consacré à la défense.

Nous sommes à présent dans une meilleure position que l'an dernier pour assurer une bonne coordination avec les autres pays de sports d'hiver. L'Union européenne a développé un passe sanitaire transeuropéen. Ce n'est pas si mal car aux USA il n'y a même pas de passe entre États...

Le télétravail est traité pays par pays. Pour adapter les règles aux travailleurs frontaliers, nous travaillons avec chaque voisin. Ainsi nous avons rencontré le Luxembourg. La Direction générale des finances publiques (DGFIP) a prolongé la dérogation sur le nombre de jours autorisés, jusqu'à la fin de l'année.

Concernant l'Ukraine, je ne veux renvoyer personne dos à dos. Le format Normandie a été relancé il y a un an sous l'impulsion du Président de la République. La responsabilité initiale est claire. Je rappelle toutefois qu'il y a des manquements des deux côtés.

Sur le mécanisme des quotas d'émission, il faut une diligence sociale très importante. Nous ne pouvons pas étendre ce mécanisme de tarification au transport routier ni au logement sans accompagnement social, sinon nous recréerons une crise. La Commission européenne propose un fonds social pour accompagner les ménages modestes. Mais il faut que ce ne soit pas trop compliqué, sinon le soutien arriverait après la bataille !

Sur les objectifs des COP, des règles techniques doivent être précisées, de même que les engagements financiers. Le plus important est de rehausser les contributions déterminées nationalement - pour l'Union européenne, celle-ci est unique. Hélas, seuls certains pays, représentant 55 % des émissions des gaz à effet de serre, dont l'Union européenne, ont a minima actualisé leurs contributions.

Nous avions souhaité à Paris limiter le réchauffement à 1,5 degré. Or le GIEC a dénoncé une trajectoire d'augmentation des températures mondiales de 2,7 degrés. Donc nous sommes très loin du compte.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes .  - Merci au ministre d'avoir répondu précisément. Je me sens redondant, mais je reviendrai sur le sujet de la pêche. J'ai glissé hier à l'ambassadrice britannique qu'il était gênant que nos pêcheurs subissent ces frasques politiques. Les Britanniques nous répondent que c'est une question technique. Il y a là un problème.

Nous nous réjouissons de l'accord à l'OCDE sur la fiscalité des multinationales mais il faudra refaire un point précis sur les ressources propres de l'Union européenne. L'emprunt est lancé, il faudra bien le rembourser un jour. Ne laissons pas la dette s'installer en Europe comme dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Les conclusions de la Conférence des présidents sont adoptées.

Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 14 octobre 2021, à 10 h 30.

La séance est levée à minuit cinquante-cinq.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du jeudi 14 octobre 2021

Séance publique

De 10 h 30 à 13 heures et de 14 h 30 à 16 heures

Présidence : M. Pierre Laurent, vice-président, M. Georges Patient, vice-président

Secrétaires : Mme Esther Benbassa - M. Pierre Cuypers

1. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant au gel des matchs de football le 5 mai (texte de la commission, n°22, 2021-2022)

2. Proposition de loi visant à maintenir les barrages hydroélectriques dans le domaine public et à créer un service public des énergies renouvelables, présentée par M. Guillaume Gontard et plusieurs de ses collègues (n°813, 2020-2021)

De 16 heures à 20 heures

3. Proposition de loi tendant à reconnaitre aux membres de l'Assemblée nationale et du Sénat un intérêt à agir en matière de recours pour excès de pouvoir, présentée par M. Jean-Claude Requier et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°26, 2021-2022)

4. Proposition de loi visant à encourager les dons et adhésions aux associations à vocation sportive, culturelle et récréative dans le contexte de l'épidémie de covid-19, présentée par M. Éric Gold et plusieurs de ses collègues (n°383, 2020-2021)

À l'issue de l'espace réservé du groupe RDSE

5. Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs (texte de la commission, n°4, 2021-2022) (demande du Gouvernement)