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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Hommage à Charles Revet, ancien sénateur

Questions d'actualité

Crise migratoire (I)

M. Bernard Fialaire

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Crise migratoire (II)

M. Thomas Dossus

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Entreprise SAM à Viviez (I)

M. Alain Marc

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie

Crise aux Antilles

M. Guillaume Chevrollier

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Continuité des soins à l'hôpital public

Mme Anne-Catherine Loisier

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Levée des brevets des vaccins contre la covid-19

Mme Laurence Cohen

M. Clément Beaune, secrétaire d'État, chargé des affaires européennes

Crise migratoire (III)

M. Frédéric Marchand

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Circulation du Covid à l'école

Mme Monique Lubin

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Entreprise SAM à Viviez (II)

M. Jean-Claude Anglars

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie

Enfouissement des déchets toxiques

M. Joël Bigot

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité

Agriculture en zone protégée

M. Laurent Duplomb

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture

Rapport de l'Insee et politique familiale

M. Olivier Henno

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles

Communication inclusive dans les institutions européennes.

M. Philippe Pemezec

M. Clément Beaune, secrétaire d'État, chargé des affaires européennes

Entreprise SAM à Viviez (III)

Mme Angèle Préville

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie

Fédérations sportives et principes de la République

M. Michel Savin

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée, chargée des sports

Enquête visant le magistrat Charles Prats

M. Sébastien Meurant

M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics

Échec en CMP

Mission d'information et commission d'enquête (Nominations)

La situation économique, sociale et sanitaire dans les outre-mer

Mme Jocelyne Guidez

M. Jean-Claude Requier

Mme Victoire Jasmin

M. Jean-Louis Lagourgue

Mme Viviane Malet

M. Guillaume Gontard

M. Fabien Gay

M. Philippe Folliot

Mme Viviane Artigalas

Mme Agnès Canayer

M. Cyril Pellevat

M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer

M. Jean-François Longeot

M. Jean-Pierre Corbisez

Mme Viviane Artigalas

M. Pierre Médevielle

M. Guillaume Chevrollier

Mme Raymonde Poncet Monge

Mme Éliane Assassi

Éducation, jeunesse : quelles politiques ?

M. Bernard Fialaire

Mme Monique Lubin

M. Jean-Pierre Decool

M. Max Brisson

M. Thomas Dossus

M. Jérémy Bacchi

Mme Annick Billon

Mme Marie-Pierre Monier

M. Cédric Vial

M. Pierre-Antoine Levi

Mme Béatrice Gosselin

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement

M. Jean-Pierre Corbisez

Mme Sabine Van Heghe

M. Franck Menonville

Mme Anne Ventalon

Mme Monique de Marco

Mme Michelle Gréaume

M. Jean Hingray

Conférence des présidents

Accord en CMP

Situation des comptes publics et réforme de l'État

M. Thierry Cozic

Mme Vanina Paoli-Gagin

M. Jean-François Husson

Mme Sophie Taillé-Polian

M. Pascal Savoldelli

M. Michel Canévet

Mme Véronique Guillotin

Mme Christine Lavarde

Mme Isabelle Briquet

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques

Mme Isabelle Briquet

M. Pierre-Jean Verzelen

M. Vincent Segouin

M. Paul Toussaint Parigi

Mme Marie-Claude Varaillas

M. Vincent Capo-Canellas

M. Bernard Fialaire

Ordre du jour du mardi 7 décembre 2021




SÉANCE

du mercredi 1er décembre 2021

31e séance de la session ordinaire 2021-2022

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Françoise Férat, M. Joël Guerriau.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Hommage à Charles Revet, ancien sénateur

M. le président.  - (MM. et Mmes les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.) C'est avec émotion que nous avons appris le décès, mardi dernier, de notre ancien collègue Charles Revet, qui fut sénateur de la Seine Maritime de 1995 à 2019.

Maire de Turretot, son village natal, pendant trente-six ans, président du conseil général de la Seine-Maritime, cet agriculteur fut un défenseur passionné de cette terre du pays de Caux. Charles Revet fut un acteur majeur de la vie démocratique de ce département. Il consacra son énergie notamment au rétablissement de la liaison transmanche Dieppe Newhaven.

Élu plusieurs fois député de la Seine Maritime, cet homme de foi et de conviction devint sénateur en 1995. Membre du groupe des Républicains Indépendants, puis du groupe UMP et Les Républicains, il est toujours resté fidèle à son idéal humaniste.

Pendant vingt-quatre années à nos côtés, Charles Revet a éclairé notre assemblée, la commission des affaires économiques et la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, dont il fut vice-président, par sa connaissance des dossiers agricoles, maritimes et d'aménagement du territoire.

Son sens politique conjugué à son sens de l'humour et à sa gentillesse ont conquis ceux - dont j'étais - qui ont eu la chance de travailler à ses côtés. En juin 2013, président du groupe de spiritualité du Sénat, président du groupe France Saint-Siège, il avait emmené une cinquantaine de nos collègues, de toutes convictions religieuses, au Vatican. Il était resté très marqué par sa rencontre avec le pape François, désigné quelques mois plus tôt.

En 2018, il avait écrit un livre intitulé La France périclite et pourtant. Le « et pourtant » était pour lui essentiel. Au-delà de son inquiétude pour notre pays, il évoquait, comme dans la parabole, ses « talents » pour se redresser. C'était une de ses dernières contributions à une Nation qu'il a servie pendant plus de cinquante ans.

Au nom du Sénat, je souhaite exprimer notre sympathie et notre profonde compassion à sa famille, à ses proches, au président et aux membres du groupe Les Républicains auquel il a appartenu, mais aussi à ses collègues et anciens collègues de Seine-Maritime. J'ai une pensée particulière pour son épouse et ses filles.

Je vous propose d'observer un instant de recueillement. (Mmes et MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs observent un moment de recueillement.)

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Nous aurons le plaisir de retrouver le Premier ministre, je n'en doute pas, à la prochaine séance de questions d'actualité. Nous pensons bien à lui.

La séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Chacun sera attentif au respect des autres et du temps de parole.

Crise migratoire (I)

M. Bernard Fialaire .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Il y a une semaine, 27 personnes trouvaient la mort en tentant de traverser la Manche pour gagner le Royaume-Uni. Après le temps de l'émotion, vient celui des actes. On ne peut laisser la Manche devenir un cimetière, a dit le Président de la République.

Ce drame pose la question du lien avec notre voisin britannique depuis le Brexit, et du sort de populations très fragiles, irrémédiablement attirées par le rêve d'une vie meilleure outre-manche. Oui, les réseaux mafieux de passeurs ont une responsabilité, mais le verrouillage de la frontière à Calais depuis l'accord du Touquet aussi.

La solution passe par la solidarité européenne mais aussi par une réflexion sur les tendances démographiques à long terme. Comment parler de réindustrialisation sans main-d'oeuvre ? Comment garantir la pérennité de notre modèle social s'il n'est plus financé ?

Hier, une migrante, Joséphine Baker, entrait au Panthéon. Que compte faire le Gouvernement pour une politique migratoire plus juste et plus humaine ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées des groupes CRCE et SER ; M. François Patriat applaudit également.)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur .  - Je veux redire l'émotion, et la colère, qu'a suscitées le drame du 24 novembre dernier.

Dans tous les pays, l'immigration est quelque chose de normal. Elle n'est ni une chance ni une malchance mais un fait. Nous devons pouvoir accueillir ceux qui viennent sur notre sol, quelle qu'en soit la raison. Nous ne pouvons accepter tout le monde au titre du droit d'asile, mais devons étudier chaque demande, avec humanité. Nous avons déjà réduit les délais, et devons encore progresser.

Comme tous les pays européens, la France a besoin d'une immigration de travail, même s'il faut sans doute revoir la liste des métiers concernés, les conditions de logement et de rémunération.

En contrepartie, nous devons pouvoir reconduire les personnes que nous ne voulons pas accueillir, qu'elles soient non éligibles à l'asile ou que leur comportement soit incompatible avec les lois de la République. C'est un travail très difficile. Loin des pulsions et des réflexes, le Gouvernement est dans la réflexion et dans l'action. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Bernard Fialaire.  - Le plus bel hommage à rendre à Joséphine Baker, c'est de traiter ce problème dramatique avec humanité. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du GEST et sur quelques travées du groupe SER)

Crise migratoire (II)

M. Thomas Dossus .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Vingt-sept personnes sont mortes en mer au large de Calais, dont des enfants, des femmes, comme cette Kurde irakienne de 24 ans qui tentait de rejoindre son fiancé au Royaume-Uni.

La militarisation croissante de nos frontières n'empêchera pas ces hommes et ces femmes de fuir la détresse, le chaos climatique ou l'oppression pour aller vers une vie meilleure. Votre politique fait la fortune des passeurs : plus haut sera le mur, plus chère sera l'échelle !

Ce naufrage nous fait honte, comme ces tentes lacérées par les forces de l'ordre, triste illustration de votre politique vis-à-vis des exilés.

Votre solution ? Déployer Frontex dans la Manche.

Quand mettrez-vous fin à la surenchère militaire et aux actes de maltraitance, au profit d'un accueil digne et de voies de passage légales et sûres ? (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Jean-Luc Fichet applaudit également.)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur .  - Le drame ne justifie pas toutes les contre-vérités. Depuis le 1er janvier, nos policiers et gendarmes ont sauvé 7 800 migrants, au péril de leur vie ; ils les interpellent pour les empêcher de prendre la mer et de risquer la mort.

Depuis le 1er janvier, nous distribuons 2 200 repas par jour, pour 4 millions d'euros. Nous logeons 14 400 migrants sur le territoire, pour 20 millions d'euros. C'est l'honneur de la France de le faire.

Ne vous en déplaise, les passeurs sont des criminels !

Ces migrants ne veulent pas rester en France : moins de 3 % demandent l'asile, quand 60 % y seraient éligibles.

Pourquoi n'attaquez-vous pas le patronat britannique qui fait travailler cette armée de réserve, sans pièce d'identité, sans payer d'impôts ? De l'autre côté de la Manche, il n'y a que 30 000 demandes d'asile, pour 1,2 million de clandestins... Insulter la France et ses forces de l'ordre n'est pas à l'honneur de la représentation nationale. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe UC et du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Thomas Dossus.  - Trois chiffres : 97 % des expulsions ne sont pas suivies de mise à l'abri ; dix-huit ONG signent aujourd'hui une tribune pour demander des routes sûres et légales ; un prêtre a fait 28 jours de grève de la faim pour dénoncer votre politique irresponsable, inhumaine et criminelle ! (Applaudissements sur les travées du GEST ; protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Antoine Lefèvre.  - Tout en nuances...

Entreprise SAM à Viviez (I)

M. Alain Marc .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) La SAM, entreprise du bassin de Decazeville, fabrique des moteurs pour Renault. Or le tribunal de commerce de Toulouse vient de prononcer sa liquidation, jetant 333 salariés au chômage. C'est énorme pour un petit bassin économique.

Au-delà des drames humains, comment Renault peut-elle permettre cette délocalisation - sans doute en Roumanie - alors qu'il faut réindustrialiser la France ? Que compte faire le Gouvernement dans les prochaines semaines ? (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et du RDSE ; Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie .  - Je veux avoir un mot personnel pour les salariés de la SAM, que j'ai rencontrés à plusieurs reprises : vous faites face à un choc terrible, ni votre travail ni votre engagement ne sont en cause, nous serons toujours à vos côtés.

Depuis deux ans, avec Bruno Le Maire, Carole Delga, Arnaud Vialat et les élus du territoire, nous cherchons un repreneur. L'État a mobilisé tous ses outils pour tenter d'éviter la liquidation judiciaire.

Notre responsabilité collective est maintenant de donner un avenir aux salariés. Nous demandons à Renault de proposer un accompagnement financier et social exemplaire. Avec Mme Borne, nous mobilisons le fonds fonderie pour accompagner les salariés dans leur rebond professionnel.

Nous mobilisons le dispositif « choc industriel » pour créer des emplois industriels sur le territoire de Decazeville. Enfin, nous accompagnons deux projets locaux d'implantation qui pourront, je l'espère, renverser la vapeur. (MM. François Patriat et Frédéric Marchand applaudissent.)

M. Alain Marc.  - C'est paradoxal : la procureure du tribunal de Toulouse peut invalider le jugement et exiger la prolongation de l'activité. Ensuite, l'État verse des milliards au secteur automobile et a une minorité de blocage chez Renault. Enfin, je ne comprends pas votre absence de réaction alors qu'il faut réindustrialiser la France. Ce que vous dites est grave et j'espère que ce n'est pas de la duplicité. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC, ainsi que sur quelques travées du groupe CRCE ; Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

Crise aux Antilles

M. Guillaume Chevrollier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Aux Antilles, la situation se dégrade et le lien national se distend. La crise sanitaire a exacerbé les problèmes : accès à l'eau potable, chômage endémique des jeunes, vie chère, excès d'emplois publics, chlordécone. La crise est aussi politique et démocratique.

La priorité, c'est le retour à l'ordre public et le soutien total à nos forces de l'ordre. Les autorités locales doivent faire front commun avec l'État pour condamner sans réserve les violences.

La seconde priorité est de juguler la pandémie et permettre l'accès aux soins et au vaccin.

Enfin, il faut rétablir le dialogue avec les forces vives et revitaliser durablement ces territoires auxquels nous sommes viscéralement attachés. Cela ne se règle pas par une visite ministérielle expresse, à la veille des élections.

Quelles actions concrètes le Gouvernement entend-il mener pour des outre-mer qui méritent respect et reconnaissance ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur .  - Veuillez excuser le ministre Lecornu, qui discute avec les élus antillais et avec le Premier ministre en visio. Merci de vos propos de solidarité avec les forces de l'ordre : cinq Unités de forces mobiles, Raid et GIGN ont été envoyés sur place pour rétablir l'ordre public. Nous déplorons une cinquantaine de blessés parmi les policiers et gendarmes, dont un grièvement.

Le ministre des outre-mer n'a pas empêché les forces de l'ordre de faire leur travail, mais il a aussi mis fin à des entretiens avec des personnes qui refusaient de condamner les violences et les pillages. On ne traite pas avec les ennemis de la République. Pour tous les autres, le dialogue est ouvert.

N'oublions pas que 1 300 soignants de métropole ont été envoyés en Martinique et en Guadeloupe, 1,5 milliard d'euros de soutien économique versés pour la seule Guadeloupe.

Oui, 1 400 soignants ayant refusé le vaccin ont été suspendus : le contraire aurait été lâche. Il n'y a pas de raison que la métropole soit mieux protégée que les Antilles.

Ce travail se poursuit, pour donner un avenir à ces territoires. (M. François Patriat applaudit.)

M. Guillaume Chevrollier.  - Parler d'autonomie, à une semaine du référendum sur le Nouvelle-Calédonie, était pour le moins inadapté et ambigu. Travaillons plutôt sur la différenciation territoriale, comme le propose le Sénat.

Face aux enjeux, nos outre-mer méritent un débat de fond apaisé. Construisons avec eux un avenir dans la République française. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Jocelyne Guidez et Évelyne Perrot applaudissent également.)

Continuité des soins à l'hôpital public

Mme Anne-Catherine Loisier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le statut de clinicien hospitalier, créé par la loi HPST, visait à compenser la perte d'attractivité des hôpitaux publics et à lutter contre le recours abusif à des mercenaires. Sa suppression sèche est incompréhensible, alors que le taux de vacances a doublé voire triplé par rapport à 2009, mettant en péril la continuité des soins, notamment dans les hôpitaux périphériques.

Comment justifier une décision qui, en pleine crise, prive les hôpitaux publics de professionnels qualifiés ? Quelles alternatives prévoyez-vous alors que les soignants, épuisés, croulent sous les heures supplémentaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - Les tensions à l'hôpital sont réelles ; elles sont amplifiées par l'épidémie de Covid et les virus hivernaux.

Nous objectivons la situation par une enquête sur les tensions RH et capacitaires ; les résultats seront rendus publics prochainement.

Nous maintenons la majoration des heures supplémentaires, le temps de travail additionnel, le cumul emploi-retraite. Nous sommes attentifs aux tensions dans les services d'urgence, notamment de pédiatrie et de maternité.

Nous demandons aux ARS de mobiliser leurs cellules territoriales de suivi, avec le concours des établissements privés et des libéraux, d'user des libertés d'organisation ouvertes par la loi Rist.

Nous réformons l'intérim médical en deux temps : une cartographie de la situation, puis une application en 2022, avec un contrôle priori du respect du plafond réglementaire par le comptable public.

Le Ségur a débloqué 30 milliards d'euros pour l'attractivité des métiers hospitaliers. Le Gouvernement est donc pleinement au rendez-vous. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Sortez donc des CHU et venez dans les hôpitaux périphériques ! Ils sont au bord de la rupture. (Applaudissements sur les travées des groupeUC, GEST et Les Républicains)

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - J'y suis tout le temps !

Levée des brevets des vaccins contre la covid-19

Mme Laurence Cohen .  - Alors que la cinquième vague déferle, que le variant Omicron surgit, il est urgent de répondre à cette pandémie au niveau international, comme l'a dit hier le professeur Yasdanpanah.

Mais on se heurte à l'égoïsme des grandes puissances : 60 % des habitants des pays riches sont vaccinés, 3 % dans les pays pauvres ! Soutiendrez-vous la levée des brevets et des droits de propriété intellectuelle, demandée par l'Inde et l'Afrique du Sud ? Partagerez-vous les technologies des vaccins, des traitements et des tests ?

Des rassemblements ont eu lieu hier dans toute l'Europe, j'y ai participé. Continuerez-vous à ignorer ces demandes ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER et du GEST)

M. Clément Beaune, secrétaire d'État, chargé des affaires européennes .  - Soyons précis. Nous ne viendrons pas à bout de la pandémie si le monde entier n'est pas vacciné, et donc si le vaccin ne devient pas un bien public mondial. Le Président de la République l'affirme depuis avril 2020, l'Europe lui a emboîté le pas. La propriété intellectuelle ne doit pas être un obstacle.

Mais la France porte une stratégie complète. L'Europe est le seul continent à ne pas interdire les exportations, contrairement au Royaume-Uni et aux États-Unis. L'Union européenne a exporté un milliard de doses et donné plus de 100 millions de doses, dont 67 millions pour la France. L'Europe est devenue la pharmacie du monde. (Protestations sur les travées du groupe CRCE)

L'Union européenne consacre 1 milliard d'euros à développer trois hubs de production en Afrique du Sud, au Rwanda et au Sénégal.

Nous négocions à l'OMC avec le soutien de l'OMS, et sommes ouverts à des licences obligatoires, à coût bas ou nul, pour permettre à de nombreux pays d'accéder au vaccin.

Les États-Unis n'ont fait aucune proposition en ce sens. Nous, nous sommes concrets et cohérents, nous faisons du vaccin un bien public mondial. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Laurence Cohen.  - Cela ne marche pas : 75 % des doses sont utilisées dans dix pays. Covax ne fonctionne pas. Cela fait des mois que nous vous parlons des licences d'office ! Nous vous demandions de lever les brevets dès le mois de juin !

Vous privilégiez les grands laboratoires : Pfizer, BioNTech et Moderna empochent 1 000 dollars de bénéfice par seconde. La troisième dose, c'est le jackpot ! Un pôle public du médicament marcherait mieux. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur plusieurs travées du groupe SER et du GEST)

Crise migratoire (III)

M. Frédéric Marchand .  - La tragédie qui a fait 27 morts dans la Manche nous rappelle que rien n'entame la détermination des migrants, prêts à risquer leur vie sur les small boats de fortune fournis par les passeurs, profiteurs de la misère. J'ai une pensée pour ces vies brisées.

Ne cédons pas au simplisme électoraliste qui voudrait dénoncer les accords du Touquet, ni à un angélisme béat. Il faut réagir de manière raisonnée - tout l'inverse de la réaction inique de Boris Johnson ! Il faut lutter contre les passeurs, coopérer avec nos voisins et les pays d'origine et de transit, réfléchir au partage des demandeurs d'asile entre l'Union européenne et le Royaume Uni - ce qui suppose une coopération européenne.

Vous avez réuni très rapidement vos homologues. Quels engagements ont-ils été pris à l'issue du conseil de défense et de sécurité ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur .  - Il faut d'abord lutter contre les passeurs, qui sont des criminels. Nous en avons interpellé 1 400 depuis le 1er janvier. Ils sont nombreux en Allemagne, en Italie, au Pays-Bas, en Belgique, au Royaume-Uni et se jouent de nos législations.

Nous devons absolument coopérer - ce que nous avons fait dimanche à Calais, lors d'une première réunion des ministres de l'intérieur. À la demande de la France, le sujet a été inscrit à l'ordre du jour du conseil des ministres de l'intérieur et de la justice du 9 décembre.

Nous avons augmenté le nombre de policier, de gendarmes, de douaniers et de magistrats, et créé un office anti-passeurs dont nous doublerons les effectifs d'ici l'année prochaine.

Il faut enfin diminuer l'attractivité de l'Angleterre pour ces immigrés clandestins qui fuient la misère. Remettre en cause les accords du Touquet n'aurait guère d'utilité car ils ne concernent que les migrants légaux. Nous avons sécurisé le port et le tunnel, qui faisaient l'objet de ces accords. Aujourd'hui, les migrants empruntent les small boats : c'est sur ce sujet qu'il faut un accord entre l'Union européenne et le Royaume Uni. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Circulation du Covid à l'école

Mme Monique Lubin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) L'actuelle vague épidémique nous donne raison sur l'obligation vaccinale, tout comme la position du futur chancelier allemand.

La Haute autorité de santé recommande désormais la vaccination prioritaire des enfants à risque ou vivant dans l'entourage de personnes vulnérables. En effet, 69 enfants de 0 à 9 ans sont hospitalisés pour Covid, 53 de 10 à 19 ans. Neuf enfants sont morts depuis la mi-juin, trois ces dix derniers jours. C'est trop.

Il ne faut pas confondre moindre risque et absence de risque. Les enfants peuvent souffrir du Covid long et être traumatisés par la crainte d'avoir contaminé un proche.

Laisser le virus circuler dans les écoles en maintenir à toute force les classes ouvertes n'est plus raisonnable. Comment comptez-vous minimiser les risques ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - Chacun doit faire preuve d'humilité face à ce virus (Marques d'indignation à gauche), qui circule dans tous les pays. La France n'est pas épargnée par la cinquième vague : le taux d'incidence dépasse 300, le nombre d'admissions à l'hôpital progresse. La situation reste tendue outre-mer.

Un nouveau variant préoccupant, Omicron, a été identifié. Nous prenons des mesures proportionnées : les vols en provenance d'Afrique australe sont suspendus, de nouvelles mesures aux frontières ont été annoncées. Le dépistage et les études sur sa contagiosité sont en cours.

Après consultation et concertation, nous avons ouvert le rappel vaccinal à tous les adultes cinq mois après la dernière injection : 25 millions de Français sont concernés, dont 7,7 millions ont déjà eu le rappel. Il faut la mobilisation de tous : libéraux, pharmaciens, infirmiers. Nous réarmons des centaines de centres de vaccination, nous réactivons la ligne prioritaire pour les personnes âgées qui ne trouvent pas de rendez-vous. Au 15 janvier, le passe sanitaire nécessitera trois doses. Le masque est rétabli en intérieur et les préfets peuvent à nouveau l'imposer en extérieur. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Plusieurs voix à gauche.  - Et les écoles ?

Mme Monique Lubin.  - Vous n'avez absolument pas répondu. (On le confirme sur les travées du groupe Les Républicains.) En ce qui concerne les écoles, c'est la cacophonie. Pourquoi ne pas recourir aux techniques de pooling ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Entreprise SAM à Viviez (II)

M. Jean-Claude Anglars .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je reviens sur la situation de l'entreprise SAM, car votre réponse à Alain Marc n'est pas satisfaisante. Manifestement, vous n'avez pas saisi la gravité du sujet.

M. Jean-François Husson.  - Très bien !

M. Jean-Claude Anglars.  - Votre agitation depuis un an n'a conduit à rien. Vous affirmez que l'État accompagne les acteurs de la filière, mais nous constatons en Aveyron qu'il n'en est rien. Des milliers de personnes ont manifesté ce matin pour soutenir les salariés SAM de Viviez. Sur place, le choc est terrible.

L'heure est aux choix : soutenir l'économie française, avec des productions stratégiques implantées en France ; ou abandonner nos outils industriels, comme le fait le Gouvernement dans les territoires. C'est inacceptable pour les 1 000 familles concernées. Les Français sauront s'en souvenir en 2022. Que dites-vous aux 333 salariés de la SAM : que la réindustrialisation peut attendre, que vous êtes incapables de les sauver ?

Et n'allez pas nous dire que les salariés n'ont qu'à traverser la France comme on traverse la rue : l'outil industriel et ses salariés sont en Aveyron, ils doivent y rester ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie .  - Pour avoir participé à des réunions sur cette fonderie, monsieur le sénateur, vous connaissez l'implication de l'État : elle est totale depuis deux ans. D'ailleurs, nous avions sauvé cette entreprise une première fois en 2017. Nous nous sommes mobilisés sur chacun des projets de reprise.

En mai dernier, vous avez vous-même écarté une offre ferme de reprise de 150 salariés au motif qu'elle n'était pas durable pour le site. Nous proposez-vous de retenir aujourd'hui ce que vous aviez rejeté hier ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Notre combat quotidien est de réinvestir pour garantir des emplois durables. Avec France Relance, nous avons déjà soutenu 24 projets de modernisation de fonderies automobiles, pour un montant de 55 millions d'euros d'investissement. Au total, 620 projets de relocalisation ont été soutenus, confortant ou créant 77 000 emplois.

Monsieur le sénateur, les Français feront plus confiance à une équipe gouvernementale qui recrée des emplois industriels qu'à ceux qui ont échoué depuis vingt ans ! (Protestations à droite et à gauche ; applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Henri Cabanel applaudit également.)

M. Jean-Claude Anglars.  - Votre parole vous engage. Les promesses de Bruno Le Maire sur le site Bosch de Rodez sont restées sans suite. Je veux croire que la partie n'est pas perdue. Nous attendons des actes ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du groupe SER)

Enfouissement des déchets toxiques

M. Joël Bigot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) L'amendement StocaMine, adopté sans débat à l'Assemblée nationale par une majorité aphasique, nous a stupéfiés. Contre l'avis des élus locaux et des organisations environnementales, il autorise de fait le confinement définitif de 44 000 tonnes de déchets toxiques dans l'ancienne mine de potasse de Wittelsheim.

Les habitants sont inquiets pour la nappe phréatique d'Alsace, l'une des plus importantes réserves d'eau douce d'Europe. Que faites-vous du principe de précaution ?

Un rapport parlementaire de 2018 préconisait le déstockage quasi total du site. En 2019, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) proposait un scénario d'extraction des déchets sur quinze ans. Plus on attend, plus le risque d'effondrement des galeries est grand. Le Président de la République l'a reconnu durant le Grand Débat.

N'est-il pas temps de revoir votre position afin d'éviter un désastre écologique ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et sur quelques travées du groupe CRCE ; Mme Marta de Cidrac applaudit également.)

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - StocaMine : ce dossier, nous nous sommes engagés à le résoudre. Barbara Pompili a annoncé le 18 janvier dernier le confinement illimité sans déstockage supplémentaire, sur la base d'un arrêté préfectoral de mars 2017.

Ce choix est la meilleure option, tant pour la nappe d'Alsace que pour la protection des travailleurs. Tous les experts nous le confirment et ce choix est désormais largement partagé par les élus locaux.

L'Agence de la transition écologique (Ademe) consacrera 50 millions d'euros à un plan de protection de la nappe d'Alsace.

Il est vrai que la cour administrative d'appel de Nancy a annulé l'arrêté préfectoral pour un problème d'insuffisance financière de la société des mines de potasse d'Alsace ; il ne s'agit aucunement d'une remise en cause du projet. Avec la base législative permise par l'adoption de cet amendement, nous allons enfin pouvoir sécuriser ce site dans les meilleurs délais. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Joël Bigot.  - Les citoyens vous demandent une protection et vous proposez des bouchons de béton, à la fiabilité douteuse. Rencontrez les élus, car manifestement nous n'avons pas vu les mêmes ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Patricia Schillinger.  - C'est faux !

Agriculture en zone protégée

M. Laurent Duplomb .  - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nos agriculteurs sont à bout. Et le Conseil d'État vous somme de continuer... à les assommer !

Vous avez annoncé la fin de l'expression anxiogène « mise en demeure » sur certains courriers. Mais le Conseil d'État vous donne six mois pour la rétablir...

Le zonage Natura 2000 avait été accepté par les agriculteurs il y a vingt ans. Le juge administratif remet cet équilibre en cause, sans raison ni étude d'impact. De très nombreux agriculteurs sont concernés : les zones Natura 2000 couvrent 7 millions d'hectares, dont 40 % sont des zones agricoles. C'est l'équivalent de cinq départements !

Devant le Conseil d'État, Barbara Pompili a soutenu que les activités agricoles étaient évaluées et conformes à la directive européenne, mais le juge vous met en demeure d'interdire ou de limiter l'usage des phytosanitaires sur les sites Natura 2000.

Encore une fois, une décision dogmatique. Encore une fois, nous subissons le jusqu'au-boutisme de la surtransposition. Comment allez-vous nous éviter cette énième mise en demeure ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du groupe UC et du RDSE)

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture .  - Oui, les zones Natura 2000 sont importantes, en surface comme en qualité.

Le Conseil d'État a pris une décision sur l'application d'une directive européenne. Nous devons nous y conformer, même si je rappelle que le Conseil d'État n'est pas un organe de l'État - au sens de l'exécutif.

Les zones Natura 2000, avec leurs activités humaines, notamment agricoles, doivent être soutenues. Dans notre réponse au Conseil d'État, notre approche sera pragmatique et territoriale, car les situations sont diverses. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Rapport de l'Insee et politique familiale

M. Olivier Henno .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) L'Insee a publié ce lundi une note alarmante : en 2044, la population française commencera à diminuer, voire en 2035, si l'on ne tient pas compte de l'apport migratoire. C'est un coup de tonnerre.

Mais ce n'est guère étonnant, car nos politiques familiales ont été détricotées : fin de l'universalité des allocations familiales en 2015, difficultés dans la recherche d'un mode de garde, ponction de 1 milliard d'euros sur la branche famille, qui sert de caisse de secours pour renflouer les autres branches...

Qu'attend le Gouvernement pour réagir ? Il est urgent de réunir partenaires sociaux et associations familiales pour impulser une politique familiale ambitieuse. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles .  - La tendance que vous décrivez mérite d'être relativisée à plusieurs égards : la démographie s'appréhende sur le temps long ; cette tendance est observée partout en Europe et même aux États-Unis ; la France, avec 1,83 enfant par femme, conserve le taux de fécondité le plus élevé d'Europe ; enfin, le désir d'enfant -  trois enfants  - reste très élevé dans notre pays.

Aucune corrélation entre prestations et fécondité n'a été démontrée. Ce qui compte, ce sont les conditions d'accueil du jeune enfant. Nous travaillons donc à l'universalisme des services et avons récemment réuni la conférence des familles.

Nous veillons à une meilleure conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle : doublement de la durée du congé de paternité et d'accueil du jeune enfant ; création d'un comité de filière sur les modes de garde ; revalorisation du complément mode de garde pour les femmes seules ; création d'un service public des pensions alimentaires et d'un service public de la petite enfance.

M. Olivier Henno.  - Comme le dit Bergson, « l'avenir n'est pas ce qui va arriver, mais ce que nous allons faire ». Votre manque d'ambition est grave pour la France. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Communication inclusive dans les institutions européennes.

M. Philippe Pemezec .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La Commissaire européenne à l'égalité, Mme Dalli, a publié un guide interne sur la communication inclusive, qui recommande de ne plus utiliser certains mots comme Noël ou les prénoms chrétiens, au profit de mots neutres et de prénoms issus de la diversité. Voilà un courant nauséabond qui travaille insidieusement à déconstruire la culture européenne.

Dans le même temps, le Petit Robert fait l'apologie du « iel ». Je m'étonne que ses collaborateurs acceptent de travailler sous un patronyme aussi français ! (Sourires)

Cette dame s'était déjà illustrée avec la fameuse campagne « la liberté dans le hijab » financée par le Conseil européen.

Monsieur le ministre, ceci n'est pas une question, mais une exhortation. Ne laissons pas la technocratie nocive bruxelloise nous dicter notre vocabulaire. Elle n'a de cesse de vider de leur contenu notre civilisation et nos valeurs chrétiennes. (Protestations à gauche)

Mme Éliane Assassi.  - Vous êtes stigmatisant !

M. Philippe Pemezec.  - Quelle position M. Macron adoptera-t-il lorsqu'il présidera l'Union européenne ?

M. Clément Beaune, secrétaire d'État, chargé des affaires européennes .  - La « technocratie » n'est pas le sujet.

Le projet de guide diffusé par erreur hier (rires à droite) est aberrant. Je l'ai d'ailleurs immédiatement signalé et il a été retiré. Je m'en entretiendrai dès demain avec Mme Dalli. Ce genre de pratiques ne peut que faire le jeu des extrêmes. (MLoïc Hervé approuve.)

La France ne permettra pas que de telles dérives portent atteinte à nos institutions et valeurs européennes.

Même chose lorsque le Conseil de l'Europe a mené une campagne interrompue à la demande de la France, ou lorsque Mme Dalli a reçu une délégation du Femyso dont certaines associations partenaires, islamistes, ont été dissoutes en France. Nous serons intransigeants. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe UC, ainsi que sur quelques travées du RDSE)

M. Philippe Pemezec.  - Comptez sur les maires écologistes pour mettre fin à la féerie de Noël : Besançon vous souhaite un « fantastique décembre », Bordeaux installe un sapin artificiel... (Marques d'ironie à droite)

Une civilisation se suicide lorsqu'elle renonce à ses valeurs et se laisse imposer des règles qui ne sont pas les siennes.

Comme décembre arrive, je souhaite à tous un très joyeux Noël ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Entreprise SAM à Viviez (III)

Mme Angèle Préville .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) C'est ville morte aujourd'hui à Viviez, à Decazeville et dans tout le bassin industriel aveyronnais. Entendez-vous le grand cri muet de ce territoire meurtri ?

En 1987 déjà, 3 000 emplois avaient disparu. Madame la ministre, connaissez-vous vraiment ce territoire rural et industriel ? La liquidation judiciaire de la société aveyronnaise de métallurgie (SAM), abandonnée par Renault, menace 333 emplois.

La logique est toujours la même : s'approvisionner à moins cher, au seul bénéfice des actionnaires. Et c'est la mise à mort de tout un territoire.

La SAM est l'exemple même d'une désindustrialisation organisée avec la complicité de l'État, principal actionnaire de Renault. Après deux ans de recherche d'un repreneur, l'État capitule et se résigne à l'extinction d'une filière d'excellence. Carole Delga s'était pourtant engagée à apporter le soutien de la région.

Quel est le sens de votre politique ? Combien d'entreprises allez-vous encore abandonner ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE et du GEST)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie .  - Notre boussole, c'est de trouver une solution pour chaque salarié ! Renault, à qui nous avons demandé de prendre ses responsabilités, accompagnera chaque salarié, y compris financièrement.

Nous mobiliserons le fonds de reconversion des salariés de la filière fonderie : 15 000 euros pour une formation ou une création d'entreprise, 5 000 euros pour une recherche d'emploi.

Nous travaillons aussi à l'accélération des projets de création d'emplois sur le territoire avec le dispositif « choc industriel ».

Enfin, il faut accélérer la transition écologique de ce secteur - je sais que vous y êtes sensible. Nous devons accompagner cette transformation - du moteur thermique vers le moteur électrique - par exemple installant des gigafactories pour les batteries. Misons sur l'innovation, comme avec France 2030 et France Relance qui soutiennent les entreprises de la sous-traitance. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Angèle Préville.  - Fierté de travailler, innovation, ce sont vos mantras, mais l'inefficacité est flagrante ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE et du GEST)

Fédérations sportives et principes de la République

M. Michel Savin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La Charte olympique interdit la propagande politique, religieuse ou raciale. Les statuts de la Fédération française de football (FFF) prévoient aussi un tel principe de neutralité. Le sport est universel et transcende les clivages. Mais la radicalisation ne l'épargne pas.

Le Gouvernement a malheureusement rompu avec ces principes en ne retenant pas les amendements votés au Sénat lors de l'examen de la loi confortant le respect des principes de la République.

Les conséquences ne se sont pas fait attendre : des « hijabeuses » ont demandé à la FFF de revoir ses statuts. Il est heureux qu'elle ait refusé. Mais le Conseil d'État est saisi et votre refus et celui de l'Assemblée nationale risquent de peser lourd.

Entre les valeurs du sport et de l'olympisme et la demande des hijabeuses, quel sera votre choix ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée, chargée des sports .  - Pour le Gouvernement et, je crois, tous nos concitoyens, il est certain que le lieu et le temps du sport ne sont pas et ne doivent pas être ceux de la propagande religieuse. Le sport ne doit pas être pris en otage.

Mais je défends aussi, comme ancienne sportive et Française venue d'ailleurs, le rôle du sport dans l'apprentissage de la tolérance, la sublimation des différences et l'émancipation des individus, notamment des femmes.

Je ne commenterai pas une affaire en cours plus complexe qu'il y paraît...

M. Michel Savin.  - C'est trop facile !

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée.  - ... mais j'y suis attentive.

Trois décrets, portant notamment sur le contrat d'engagement républicain et les politiques des fédérations, seront prochainement publiés. (Marques d'ironie à droite) Des moyens supplémentaires pour lutter contre la radicalisation sont prévus. Nous pouvons aussi compter sur la vigilance des élus sur les territoires. Mais laissons aussi le sport jouer son rôle émancipateur. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Michel Savin.  - Votre réponse n'est pas rassurante : votre Gouvernement semble prêt à renoncer à la neutralité dans le sport. Quant à nous, nous continuerons notre combat sans ambiguïté ni faiblesse contre l'embrigadement religieux, le repli communautaire et pour l'égalité entre les hommes et les femmes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Stéphane Demilly, Mme Évelyne Perrot et M. Franck Menonville applaudissent également.)

Enquête visant le magistrat Charles Prats

M. Sébastien Meurant .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cinq présidents de groupe parlementaire, dont MM. Bruno Retailleau et Hervé Marseille, ont écrit au Président de la République pour protester contre la tentative d'intimidation - via l'Inspection générale de la justice - visant Charles Prats, coupable de mettre en évidence l'impéritie de votre Gouvernement en matière de fraude sociale et fiscale.

Comme à l'époque de François Hollande, la fraude, ça ne coûte rien, puisque c'est l'État qui paie...

Comment la France, qui compte 67 millions d'habitants peut-elle avoir 75 millions d'assurés sociaux, dont combien de retraités au Maghreb ?

D'autres pays accorderaient tout de suite une promotion à qui permettrait 80 milliards d'euros annuels d'économies. Mais chez nous, comme écrivait Chamfort, « on laisse en repos ceux qui mettent le feu et on persécute ceux qui sonnent le tocsin ».

Vous avez jusqu'ici refusé de répondre à nos questions. Quelle est la raison cachée à votre refus de vous attaquer sérieusement à la fraude ?

Alors voici une question plus simple : allez-vous mettre un terme à cette procédure scandaleuse contre le magistrat Charles Prats ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics .  - Je vous prie d'excuser le garde des Sceaux.

À l'heure où nous parlons, ce magistrat fait l'objet d'une enquête administrative pour des faits qui ne relèvent ni de son activité publique ni de son activité médiatique. Cette enquête interne n'est qu'un préalable pour décider ou non de l'ouverture d'une procédure disciplinaire.

C'est sous cette majorité, en octobre 2018, que Gérald Darmanin, alors ministre des Comptes publics, a fait voter une loi renforçant la lutte contre la fraude fiscale. Les années 2019 et 2020 ont été des années record en matière de recouvrement.

Pour lutter contre la fraude sociale, les caisses mobilisent 4 000 agents à temps plein. L'existence réelle, non pas de 7,7 mais de 1,2 million de retraités, est vérifiée méticuleusement, par des procédures biométriques, selon les préconisations de la sénatrice Nathalie Goulet. Nous travaillons à réduire les 150 000 cartes Vitale surnuméraires. Nous luttons aussi contre la fraude à l'immatriculation.

Nous n'avons pas attendu votre indignation pour agir. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Sébastien Meurant.  - La discrimination publique est punie par le code pénal. Le garde des Sceaux est mis en examen, cas unique en Europe. Le Gouvernement prendra-t-il le risque de le voir traîné devant la Cour de justice de la République ? (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

La séance, suspendue à 16 h 20, reprend à 16 h 35.

présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 35.

Échec en CMP

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2022 n'est pas parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Mission d'information et commission d'enquête (Nominations)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la nomination des vingt-trois membres de la mission d'information sur le thème : « La judiciarisation de la vie publique : une chance pour l'État de droit ? Une mise en question de la démocratie représentative ? Quelles conséquences sur la manière de produire des normes et leur hiérarchie » ; et des dix-neuf membres de la commission d'enquête sur le thème : « La santé et la situation de l'hôpital en France ».

Conformément à l'article 8 du Règlement, les listes des candidats remises par les groupes politiques ont été publiées.

Elles seront ratifiées s'il n'y a pas d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

La situation économique, sociale et sanitaire dans les outre-mer

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « La situation économique, sociale et sanitaire dans les outre-mer ».

Mme Jocelyne Guidez .  - Incendies, tirs, pillages, violences urbaines, barrages et rackets rythment le quotidien en Guadeloupe et désormais en Martinique.

La vie de certains patients est en péril. Le climat d'insécurité est réel. Les émeutiers tirent parfois à balles réelles. J'apporte mon soutien aux forces de l'ordre.

La question de l'autonomie a été hâtivement posée sur la table des discussions. Fille d'un père martiniquais, je suis choquée de cette façon d'abandonner ce territoire à son sort ; elle confirme l'incapacité du Gouvernement à proposer une sortie de crise.

Les sénateurs UC attendent une politique transversale tenant compte des besoins des territoires ultramarins.

La contestation contre le passe sanitaire et le vaccin n'est que la partie visible de l'iceberg. La population attend une réponse économique et sociale, plus que sanitaire.

L'obligation vaccinale est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase, même si je n'approuve pas une telle résistance à la vaccination.

Les revendications sont nombreuses : l'emploi, l'eau, le pouvoir d'achat, le prix des carburants et du gaz, le mal-être social et économique. Accablée par les émeutes de rue, la population attend d'abord le retour au calme.

Il est indispensable de rétablir l'ordre public pour permettre à nos îles de reprendre une vie normale et d'engager les discussions. Le blocage des routes perturbe l'activité économique et provoque des pénuries de produits de première nécessité.

Ces images sont catastrophiques pour la saison touristique. Les touristes sur place avancent leur retour. Alors que la haute saison approche, les agences de voyages sont à l'arrêt et les annulations se multiplient. Il faut un plan de reconquête pour sauver l'économie touristique de l'effondrement.

Face à cette situation explosive, faisons confiance aux élus locaux pour trouver des solutions.

Il est temps de réfléchir à un « Ségur outre-mer » pour réviser les modes de financement de l'hôpital public, ses moyens humains et ses équipements.

Il faut aussi un nouveau modèle de développement pour les Antilles françaises, fondé sur la production, et des mesures spécifiques pour la jeunesse. Un dialogue structurant et approfondi est indispensable.

Vos efforts, monsieur le ministre, vont dans le bon sens, mais il existe une réelle attente sur le logement, l'emploi, l'autosuffisance alimentaire et l'adaptation aux fragilités économiques et sociales, structurelles. Nous ne devons pas prendre ce mouvement à la légère ou remettre simplement le couvercle sur la cocotte-minute.

Cette situation me rend très triste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Laurent Somon applaudit également.)

M. Jean-Claude Requier .  - Nous sommes inquiets de la situation en Guadeloupe. Nous devons renouer le dialogue, en commençant par rétablir l'ordre public.

Notre collègue Stéphane Artano, qui préside la délégation sénatoriale aux outre-mer, est plus que préoccupé par cette crise qui dépasse la seule question sanitaire. La défiance vaccinale cristallise un mouvement plus large vis-à-vis de la puissance publique. Le scandale du chlordécone a marqué durablement les esprits. Nos compatriotes ultramarins sont aussi frappés par des difficultés concrètes souvent inadmissibles, dues à des sous-investissements en matière de services publics.

Il y a quelques mois nous adoptions une proposition de loi sur l'eau et l'assainissement en Guadeloupe. Les habitants sont en effet excédés par les coupures d'eau incessantes.

Le statut de ce département d'outre-mer est remis en cause. Mais ce n'est nullement une revendication de ceux qui se défient de la politique vaccinale ! Il est prématuré d'aborder le sujet de l'autonomie car cette discussion doit être menée dans la sérénité. L'enjeu est trop important pour être abordé de manière précipitée. Sortons de la logique d'urgence et co-construisons les politiques publiques.

Les cas guadeloupéen et martiniquais sont symptomatiques des difficultés de notre Nation avec ses collectivités d'outre-mer qui souffrent depuis des décennies de nombreuses difficultés.

Le Sénat met en ce moment à l'honneur Gaston Monnerville. Le 22 décembre 1954 il rappelait que « La patrie est tout à la fois les promesses d'outre-mer et les promesses de la métropole où reposent tant de nos frères morts dans les combats pour la libération des hommes ». Depuis quelques années, nous déplorons l'oubli croissant de ces combats qui firent pourtant l'unité de notre Nation.

À l'approche des échéances électorales, souvenons-nous-en alors que prospèrent les populismes les plus nauséabonds.

Mme Victoire Jasmin .  - Je lance un appel à la paix après les violences en Guadeloupe, en Martinique et peut-être en Guyane.

Les territoires d'outre-mer sont confrontés à des problématiques économiques, sanitaires et sociales liées à la non-adaptation des politiques publiques à leurs spécificités, à commencer par l'insularité. Ils subissent une crise sociale que la pandémie accentue.

Nos territoires d'outre-mer sont marqués par des conditions de vie précaires, résultat d'un manque de formation. Les jeunes doivent retrouver des perspectives d'avenir. Donnons des moyens aux lycées agricoles pour favoriser la diversification des cultures.

Les fermetures de classes doivent faire l'objet d'une attention toute particulière, monsieur le ministre.

Le retour des natifs dans nos pays est devenu une priorité. Nos jeunes ont beaucoup de talents, ils ont des projets mais peinent à les réaliser faute d'accompagnement. Nous devons soutenir ceux qui souhaitent créer leur entreprise. D'autant que le chômage est endémique aux Antilles : plus d'un jeune sur deux est touché.

Les produits alimentaires sont 30 à 50 % plus chers alors que le revenu moyen est inférieur de 38 % à celui de métropole. Un tiers des Antillais vivent avec moins de 850 euros par mois. En Guadeloupe, 135 000 personnes sont considérées comme pauvres. Beaucoup de familles sont monoparentales. Tous ces chiffres sont accablants...

Les consommateurs ultramarins subissent un effet ciseaux entre des revenus faibles et des produits de consommation dont les prix augmentent.

Il faut appliquer la loi de régulation économique. L'article 410-2 du code de commerce sur l'encadrement des marges n'est pas appliqué. Il n'est pas normal que le prix du carburant soit si élevé ! Quant au bouclier qualité prix de 2009, il ne répond pas aux attentes de la population.

Le jeu concurrentiel est très faible dans nos territoires. Dans l'Hexagone, la chaîne de distribution d'un produit compte trois opérateurs, alors que dans les territoires d'outre-mer, pas moins de quatorze opérateurs interviennent, ce qui fait considérablement augmenter le prix pour le consommateur final.

Les inégalités de la prise en charge médicale sont criantes. La mauvaise répartition de l'offre de soins et le manque de spécialistes sont des freins à l'accès aux soins.

Il faut éviter les évacuations sanitaires très onéreuses.

Mme la présidente.  - Il faut conclure !

Mme Victoire Jasmin.  - J'appelle à une vigilance accrue sur la situation sociale des jeunes. Les handicapés en particulier ne trouvent pas d'emploi.

Mme la présidente.  - Veuillez conclure, maintenant.

Mme Victoire Jasmin.  - Il faut aussi un accompagnement renforcé des chefs d'entreprise.

M. Jean-Louis Lagourgue .  - Dans les territoires ultramarins, la crise sanitaire a mis au jour des fragilités structurelles qui ne cessent de s'accentuer. Le taux de chômage et de pauvreté y est déjà beaucoup plus élevé que dans l'Hexagone.

Les effets de la pandémie sont dévastateurs pour les économies de ces territoires. L'outre-mer est très dépendante de certains secteurs, dont le tourisme, qui représente 10 % du PIB et qui a subi un coup d'arrêt désastreux en raison de la fermeture des frontières l'an dernier.

L'industrie a un poids moins significatif, sauf en Nouvelle-Calédonie et en Guyane. Mais le BTP, secteur vital, connaît de grandes difficultés, liées aux confinements. Le tissu entrepreneurial est très majoritairement composé de très petites entreprises (TPE), pour les trois-quarts unipersonnelles. La faiblesse du numérique entraîne des difficultés supplémentaires.

L'aggravation par la crise sanitaire de ces fragilités préexistantes compromet tout rebond rapide et pérenne. Une telle situation appelle à un soutien d'ampleur.

Depuis le début de la pandémie, l'État a joué un rôle prépondérant et salutaire. Dès mars 2020, un soutien massif a été déployé, permettant d'éviter d'innombrables faillites. Les entreprises ont bénéficié du report des charges, des prêts garantis par l'État (PGE) et du soutien à l'activité partielle.

Je me félicite que certains dispositifs aient été adaptés pour tenir compte des particularités locales. J'espère que cette approche se poursuivra. La crise sanitaire a mis en lumière la fragilité des économies ultramarines alors que ces territoires disposent de réels atouts qu'il faut valoriser. Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour transformer nos territoires ultramarins, parmi les plus pauvres de France ? Je pense à la Guyane et à Mayotte.

Plus spécifiquement, que comptez-vous faire en faveur du logement, alors que le BTP s'écroule, notamment à La Réunion ? La lutte contre l'habitat insalubre nécessite une politique volontariste. (M. Jean-Pierre Decool applaudit.)

Mme Viviane Malet .  - Ce débat est sans doute l'une des dernières occasions de cette législature d'évoquer les spécificités de nos territoires ultramarins.

En tant qu'ancienne adjointe aux affaires sociales et élue locale, je me préoccupe des réalités locales et des attentes des habitants. Les territoires d'outre-mer ont besoin de rattraper leur retard par rapport à l'Hexagone. Il ne s'agit pas de pleurnicher - comme on l'entend parfois dire - mais de demander une attention particulière. Nous devons nous attacher à corriger les inégalités.

Comme aucun texte d'ampleur n'a été présenté en faveur des outre-mer, nous n'avons pu que proposer des articles additionnels dans les projets de loi, quand certaines mesures nous paraissaient inadaptées.

J'ai ainsi tenté de corriger une injustice dans le projet de loi 3DS sur l'avis conforme de la commission de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF), alors qu'un avis simple est appliqué dans l'Hexagone. Mon amendement a hélas été déclaré irrecevable.

Dans le projet de loi de finances, j'ai proposé la hausse du taux de réfaction sur la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) en outre-mer. L'île de La Réunion est exiguë et les sites d'enfouissement saturés !

Les outre-mer sont confrontés à un début de vieillissement de leur population. La précarité n'épargne pas les seniors, notamment les agriculteurs dont les retraites sont scandaleusement basses. Là encore, nos amendements ont été refusés, dans l'attente d'un grand plan retraite...

Les solidarités traditionnelles intergénérationnelles, caractéristiques des sociétés domiennes, s'effritent car les jeunes quittent de plus en plus souvent le domicile familial. Si nos seniors sont majoritairement propriétaires, ils vivent souvent dans des logements précaires et peu adaptés à la perte d'autonomie.

Il faut mettre l'accent sur la prévention de la perte d'autonomie et travailler au bien vieillir, avec la construction de résidences seniors. Je l'ai proposé par amendement au projet de loi 3DS, mais il fut rejeté en séance, le Gouvernement expliquant que cette mesure aurait toute sa place dans le projet de loi relatif au grand âge... qui ne sera finalement pas inscrit à l'ordre du jour.

Nous nous raccrochons à l'espoir du dépôt par le Gouvernement d'un amendement à l'Assemblée nationale sur le projet de loi 3DS pour autoriser des logements foyers outre-mer.

L'adaptation qualitative des logements ne doit pas être oubliée. (Mme Victoire Jasmin applaudit.)

M. Guillaume Gontard .  - Après plusieurs jours de troubles graves, l'État doit rétablir l'ordre, mais l'image d'un GIGN mobilisé pour répondre à une contestation sociale est désastreuse. Si la politique vaccinale est indispensable, je m'inquiète qu'elle soit portée par la contrainte plutôt que par la conviction. Nous n'avions pas besoin d'une pénurie de soignants et d'émeutes urbaines alors que la cinquième vague approche.

Il faudrait de la souplesse. Jean Giono disait : « La vie, c'est de l'eau. Si vous mollissez le creux de la main, vous la gardez. Si vous serrez les poings, vous la perdez. »

Avec le coût de la vie et l'affaiblissement des services publics, l'eau est au coeur des revendications qui s'expriment dans la rue.

Le vaccin est indispensable mais ne suffit pas. Il faudrait déjà que tous accèdent à l'eau ! Chaque commune de Guadeloupe en est privée plusieurs fois par semaine. Et quand elle vient, elle coule blanche, saumâtre, ou est interdite à la consommation, car polluée au chlordécone. Les écoles elles-mêmes doivent fermer des semaines durant car elles sont privées d'eau... Et pour ce service calamiteux, les Guadeloupéens paient 50 % plus cher que dans l'Hexagone ! C'est sidérant... Si nous connaissions pareille situation en métropole, les ronds-points seraient à feu et à sang !

Le réseau de distribution est vétuste, 60 à 80 % de l'eau captée est perdue, 70 % des stations d'épuration sont mal entretenues. Cette catastrophe sociale se double d'une catastrophe écologique : les cours des rivières diminuent dangereusement, menaçant des pans entiers de la biodiversité. Les failles béantes des systèmes d'épuration aggravent la pollution des cours d'eau et du littoral. (M. le ministre opine du chef, confirmant les propos de l'orateur.) La pêche est interdite dans de nombreux cours d'eau en Martinique, à cause du chlordécone. Les récifs coralliens souffrent. À ce rythme, d'ici dix ans, il n'y aura plus de point de baignade de grande qualité en Guadeloupe... Une tragédie pour le tourisme et donc pour toute l'économie.

J'aurais pu parler aussi des contaminations au mercure en Guyane, au nickel en Nouvelle-Calédonie.

Monsieur le ministre, il faudrait 700 millions d'euros pour rénover les canalisations en Guadeloupe. Faute d'ouvrir les vannes de la dépense, vous vous réfugiez dans la plomberie administrative... Vous avez déclaré ce week-end que le problème serait réglé en cinq ans. Encore cinq années de tours d'eau, c'est inacceptable !

C'est un plan Marshall qu'il nous faudrait, et une gestion publique, au lieu de la prédation actuelle par Veolia et consorts. La gratuité devra être mise en place pour les premiers mètres cubes, pour compenser les coûts invraisemblables de l'eau courante dans les outre-mer.

La dette du chlordécone, de l'orpaillage et du nickel doit être payée. L'amélioration de la gestion de la ressource en eau doit être une priorité nationale ! (Mme Raymonde Poncet Monge applaudit.)

M. Fabien Gay .  - Les tensions sont très fortes dans les Antilles. Elles couvent en Guyane et en Nouvelle-Calédonie pour d'autres raisons.

Aucune réponse n'a été apportée à la colère sociale qui s'est manifestée ces dernières années.

Le passé colonial et esclavagiste pèse. Mais aussi le passé plus récent, avec l'utilisation dérogatoire du chlordécone, dont la toxicité était connue depuis 1976, mais qui a été utilisé dans les bananeraies antillaises jusqu'en 1993 au prix de la santé des travailleurs.

Le rejet du passe sanitaire et parfois de la vaccination ne peut se concevoir hors de ce contexte. Les services publics, en particuliers les hôpitaux, sont encore plus asphyxiés que dans l'Hexagone. Les tests de dépistage du chlordécone ne sont toujours pas gratuits. (Mle ministre le conteste.) Ils sont gratuits pour les travailleurs du secteur, pas pour toute la population.

Un tiers des Guadeloupéens n'ont pas accès à l'eau et les taux de chômage sont très élevés : 15 % en Martinique, 17 % en Guadeloupe. Quelles réponses apportez-vous aux 30 % d'Antillais qui vivent sous le seuil de pauvreté ?

Ces puissants mouvements sociaux s'enracinent aussi dans la lutte contre la vie chère, mais vous ne dites rien sur les marges d'une poignée de groupes en position monopolistique. La bouteille de gaz coûte près de 30 euros en Martinique et le litre de super est à 1,80 euro en Guadeloupe. Ce système de pwofitasyon, comme on dit en créole, ne peut plus durer. Il faut bloquer les prix des produits de première nécessité.

Les Antillais demandent respect et dialogue, pas autre chose. Ouvrons le dialogue avec les élus. Cherchons à convaincre et non à contraindre. Quand la défiance est à un tel niveau, le dialogue est la seule voie possible.

Mais l'État oscille entre mépris, abandon, mensonges et promesses non tenues. Il opte aujourd'hui pour la répression par le GIGN et le RAID. Les pillages et violences sont insupportables, mais leurs auteurs ne doivent pas être confondus avec la grande majorité, qui demande l'égalité républicaine. (M. le ministre le confirme.)

Vous avez préféré menacer la Guadeloupe de largage politique. Vous cherchez surtout à éviter le débat sur la question sociale... Si vous ne savez pas par où commencer, lisez la plateforme des 32 revendications portées par les syndicats.

Aimé Césaire disait : « Une civilisation incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente. Une civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte. Une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde. »

Ne fermons plus les yeux devant les problèmes de fond, réglons-les ! Vous n'êtes pas responsable de tout, monsieur le ministre, mais vous êtes en responsabilité : ouvrez le dialogue et agissez pour que l'égalité républicaine résonne enfin sur tous nos territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER)

M. Philippe Folliot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je devais avoir 8 ou 9 ans quand, pour la Noël, mes parents m'ont offert un atlas. Dans nos milieux populaires de la montagne tarnaise, on bougeait peu. J'ai pu ainsi voyager par les cartes et prendre conscience que notre pays ne se limitait pas à l'Hexagone.

La France est-elle continentale et européenne ou mondiale et maritime ? Les outre-mer ne sont pas une charge, mais une chance immense pour notre pays. Il est essentiel de les sortir du cadre dans lequel ils sont murés depuis des décennies : poids élevé du secteur public, dépendance au tourisme et aux transferts sociaux.

Bien sûr, il y a des secteurs florissants, comme le nickel, le spatial, le BTP, le commerce. Mais, depuis des décennies, les crises conjoncturelles se succèdent, parce que nous n'avons pas su résoudre les enjeux structurels.

La souveraineté est un de ces enjeux. Nous continuons à faillir sur cette question. Je ne reviendrai pas sur la question des îles Éparses, de Clipperton ou de Tromelin, mais quand l'État donne de mauvais signaux, on s'interroge...

La jeunesse ultramarine est négligée et si nous connaissions les mêmes problèmes en métropole, nous subirions les mêmes révoltes sociales.

L'autonomie alimentaire est une question toujours non résolue. (M. le ministre le confirme.) Les enjeux de sécurité et d'immigration, notamment à Mayotte et en Guyane, doivent être traités car la situation y est insupportable.

Je n'oublie pas l'accès à l'eau, dont il a été question.

En ce qui concerne la défense, 90 % de notre marine nationale est dans l'Hexagone, alors que 98 % de notre Zone économique exclusive (ZEE) se situe outre-mer !

L'économie bleue offre des perspectives de croissance considérables. En 10 ans, 200 000 emplois pourraient être créés, dont un tiers outre-mer.

N'oublions pas que ces territoires sont une chance pour la France et pour l'Europe. Grâce à eux, notre dimension est planétaire ! (Mme Victoire Jasmin applaudit.)

Mme Viviane Artigalas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La situation sanitaire est un déterminant majeur de l'évolution de la situation générale dans les outre-mer. Tous les territoires n'ont pas vécu la même détérioration sanitaire mais nos compatriotes ultramarins, qui représentent 4 % de la population, ont subi 30 % des décès du pays, ce qui est insupportable.

Lors de la deuxième vague, la Martinique, la Guadeloupe, la Polynésie ont connu des centaines de morts. Les hôpitaux ont été débordés, bien au-delà de ce que la métropole a connu durant la première vague. La priorisation des patients a touché des personnes de moins de cinquante ans.

La protection de la population par la vaccination est trop basse. En Guyane, le taux ne s'élève qu'à 26 %. La cinquième vague menace donc directement les habitants. Il faut mieux territorialiser les réponses et amplifier le soutien aux populations menacées. Demandons aux relais locaux de se mobiliser en faveur de la vaccination.

La cinquième vague doit être anticipée grâce à des renforts en soignants et à une meilleure coordination entre autorités sanitaires, établissements hospitaliers et professionnels libéraux. L'accélération des investissements permettra d'améliorer l'offre de soins. Les hôpitaux devraient bénéficier de plus de moyens qu'en métropole.

L'épuisement des soignants et les tensions sociales et politiques risquent de compromettre l'attractivité médicale de ces territoires. Élaborons une stratégie pour contrer cette tendance. Les populations ultramarines ont le droit à une protection identique à celle offerte en métropole. La santé se construit dans l'égalité. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et du GEST)

Mme Agnès Canayer .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le bilan humain et social de la pandémie est déjà lourd. Les conséquences sont particulièrement redoutables dans les territoires fragiles, dont les outre-mer, qui souffrent de multiples handicaps.

Une proposition de loi a récemment été examinée sur la rénovation du service public de l'eau en Guadeloupe. Ces problématiques ne sont pas nouvelles et la crise sanitaire n'a fait que les accentuer.

Les événements récents dépassent la question de la vaccination des soignants. Violences et destructions doivent être condamnées. Je rends hommage aux forces de l'ordre pour leurs efforts en faveur du calme et de la tranquillité. (M. le ministre marque son approbation.)

L'adaptation de l'obligation vaccinale que vous avez évoquée lors de votre récent déplacement s'appliquera-t-elle au-delà du 31 décembre, date de la fin du report de l'obligation ?

Il faut une vision pour nos outre-mer : renforcement de la compétitivité et de la sécurité publique, piloté non pas depuis Paris mais par les collectivités ultramarines. Plutôt que d'ouvrir un débat sur l'autonomie, le Gouvernement gagnerait à s'inspirer des propositions du Sénat à cet égard. Ouvrir la voie à des statuts sur mesure permettrait aux outre-mer de disposer de marges de manoeuvre renforcées. Ce serait une première pierre de la différenciation, car il n'y a pas un, mais des outre-mer.

M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer.  - Je n'ai pas dit autre chose...

Mme Agnès Canayer.  - Voter une loi annuelle d'actualisation des droits des outre-mer assurerait le lien et la cohérence entre les politiques publiques et les spécificités locales.

Il faut une meilleure courroie de transmission entre le Gouvernement et les collectivités territoriales ultramarines. Il y a beaucoup à faire dans cette France riche des territoires ultramarins. Les problématiques structurelles n'ont pas été traitées durant ce quinquennat. Il va falloir s'y atteler pour rétablir la confiance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Cyril Pellevat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) J'imagine que nous sommes nombreux à nous poser les mêmes questions devant ces scènes de violence impensables : comment a-t-on pu en arriver là ?

Ces événements sont symptomatiques d'une crise plus profonde que le refus de l'obligation vaccinale.

La priorité doit être la sécurité, sujet qu'il était urgent de traiter avec force et fermeté : quelque légitimes que soient les revendications, ces actes étaient inacceptables. Les tensions sont désormais calmées et l'envoi de policiers et de militaires supplémentaires est bienvenu - dommage qu'il ait fallu un certain temps... J'espère que la justice sera intransigeante.

L'obligation vaccinale et le passe sanitaire sont les raisons de surface de la crise. Alors que le taux de vaccination est de 80 % en Hexagone, il culmine en outre-mer à 60 %, à La Réunion et n'atteint pas les 23 % en Guyane. Les propositions du Gouvernement de différer l'obligation vaccinale et de privilégier les vaccins sans ARN sont une bonne idée. Mais cela ne suffira pas.

Cette crise sanitaire engendre une crise économique, sociale, identitaire. La confiance n'est plus là. Les populations d'outre-mer se sentent abandonnées par l'État. Tout est dégradé dans ces territoires : pas d'accès à l'eau potable, un taux de chômage qui explose, des logements insalubres, une pauvreté endémique,...

En filigrane, c'est bien du droit à la différenciation, à la décentralisation, à la déconcentration qu'il s'agit. Le Sénat le revendique depuis des années. Ce n'est pas en donnant une autonomie aux outre-mer qu'on y remédiera. Il était indécent de la proposer alors que personne ne la demandait. Même les indépendantistes s'en émeuvent !

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - Je n'ai rien inventé. Moi, j'y étais ; je le sais bien !

M. Cyril Pellevat.  - Il faut faire face à l'urgence. Pour la différenciation, on peut s'inspirer du droit existant, par exemple celui valant pour les territoires de montagne qui me sont chers. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer .  - En dix minutes, j'aurai du mal à faire le tour de la question. Je sais pouvoir compter sur la continuation des travaux de la délégation sénatoriale aux outre-mer.

Quelle est la situation aux Antilles ? Elle n'est pas similaire en tout point en Martinique et en Guadeloupe.

La première crise est une crise de l'ordre public, qui n'est pas la révolte sociale. C'est le réveil du grand banditisme, dans une zone où le trafic de drogue se combine avec la possession d'armes. Ces individus ont profité des tensions sociales pour se rendre coupables non seulement d'atteintes aux biens, mais surtout d'attaques inédites contre les forces de l'ordre.

En Martinique, en quelques jours, une centaine de coups de feu ont été tirés ! L'appel au RAID et au GIGN se justifie ainsi. La journée, ceux-ci n'étaient pas mobilisés pour le maintien de l'ordre. La nuit, c'était une autre affaire ! Pas d'amalgame !

Monsieur Pellevat, les renforts sont arrivés immédiatement. Aujourd'hui, il y a cinq escadrons de gendarmes mobiles sur chaque territoire pour libérer les axes de communication. Les barrages ne sont pas tous tenus par des syndicalistes et des non-violents. Il y a parfois des voyous munis de bombonnes de gaz. (M. Fabien Gay le conteste.)

Évidemment, les hôpitaux ont été très sollicités par les différentes vagues du Covid. Les gouvernements successifs ont négligé la santé publique ultramarine. Le Ségur est bienvenu, mais ne sera sans doute pas suffisant. S'ajoutent les difficultés de la médecine libérale, qui ne sont pas propres aux outre-mer.

La crise sociale à l'hôpital nécessite un dialogue social particulièrement exigeant et l'État employeur doit être exemplaire dans sa réponse aux soignants suspendus. Je l'ai dit hier en Martinique : un principe de réalité sanitaire et sociale s'imposera à nous.

Il y a une troisième crise : démocratique et principielle. Une loi de la République, votée par l'Assemblée nationale et le Sénat, validée par le Conseil constitutionnel, doit s'appliquer. Certains disent qu'ils ne veulent pas l'appliquer...

M. Fabien Gay.  - Qu'ils ne le peuvent pas !

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - ... et cela pose un problème démocratique majeur. Monsieur Pellevat, quand certains élus de premier plan, non parlementaires mais qui ont pu l'être, affirment : « Ce sont les Guadeloupéens qui doivent décider, et pas les parlementaires à Paris », oui, cela pose un problème.

J'ai donc pris ces élus au mot en répondant que dans un département de la République, la loi doit s'appliquer ; si vous souhaitez de bonne foi adapter à ce point une loi aussi importante, ce n'est plus de la différenciation, ni même de l'autonomie. Celle-ci existe en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, elle correspond à une décentralisation à l'extrême. Mais si vous prétendez adapter à ce point la loi, c'est que vous voulez une évolution statutaire de la Guadeloupe ; alors dites-le franchement !

Peut-être le contexte politique national a-t-il conduit certains à faire semblant de confondre autonomie et indépendance...

Le LKP, en Guadeloupe, pose deux conditions préalables pour discuter : abroger l'obligation vaccinale et amnistier ceux qui ont fait feu contre les forces de l'ordre. Vous comprenez que les discussions se soient très vite arrêtées.

En Martinique, et c'est différent, une intersyndicale, des élus, des partenaires sociaux ont dit qu'ils ne savaient pas comment appliquer la loi. Des partenaires de terrain nous demandent de l'aide, pas une abrogation. Un accord de méthode a été signé et le dialogue va s'installer pour étudier la faisabilité de l'obligation vaccinale, qui reste le principe. Madame Jasmin, je forme le voeu que la Guadeloupe suive ce chemin de dialogue.

Ces questions se fixent sur une quatrième crise. Les problèmes sont anciens. Certains sont propres à l'insularité, certains à l'histoire - « à ses ombres et ses lumières », selon la belle formule de l'Accord de Nouméa.

La vie chère, le prix de l'énergie et des denrées, la transition agricole, la jeunesse en outre-mer, le rattrapage sanitaire, la dépendance aux hydrocarbures dans des territoires où l'on ne manque ni d'eau, ni de vent, ni de soleil, l'accès à l'eau... Il faut désormais avancer.

M. Gontard nous dit : « l'État doit reprendre la main sur la question de l'eau ». Au moins c'est clair !

Il y a peu de jacobins dans cette chambre à laquelle j'appartiens : nous sommes tous attachés à l'État, mais aussi à la décentralisation. Or rien n'a été prévu en 1982 ou en 2003 pour le cas où la puissance locale est en défaut d'exercice de ses compétences. Merci à vous d'avoir voté la création de ce syndicat sur l'eau. Mais on ne fera pas l'économie d'une réflexion collective sur la décentralisation et l'échec de certaines politiques publiques. À cet égard, l'État fait partie de la solution, pas du problème.

Pardon, madame la présidente, si j'ai dépassé mon temps de parole.

Mme la présidente.  - J'ai été généreuse avec vous et avec mes collègues (sourires) compte tenu de la gravité du sujet. Il fallait que chacun s'exprime largement. Mais je vous appelle tous à la concision dans le débat interactif qui s'ouvre.

M. Jean-François Longeot .  - Le 12 décembre prochain, un troisième référendum se tiendra sur l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie. La date a été maintenue car l'épidémie est désormais sous contrôle, quelles que soient les polémiques. Nombre de personnalités de la société civile appellent du reste à mettre fin à l'incertitude institutionnelle.

Après deux consultations ayant confirmé l'intention du peuple calédonien de demeurer dans la République, ce dernier scrutin nous permettra, j'en suis certain, de sortir enfin de l'impasse. Mais il devra aussi fonder un nouveau contrat social.

Car la métropole n'a jamais laissé tomber le Caillou. La paix et l'exercice pacifique du droit à l'indépendance ont éclipsé la violence et l'incompréhension. En septembre dernier encore, cent réservistes sanitaires ont été déployés ; en 2021, 178 milliards de francs Pacifique ont été versés, partagés entre dépenses d'intervention et soutien à l'investissement.

Comment ouvrir une nouvelle page entre la France et la Nouvelle-Calédonie ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - Les conditions sanitaires, matérielles et juridiques sont remplies pour un scrutin le 12 décembre : le taux d'incidence est entre 70 et 80 ; près de 200 observateurs sont en route ; les maires, indépendantistes ou non, préparent la consultation de manière républicaine.

Le rôle de l'État était de tenir parole, après les accords de Matignon et de Nouméa. Pierre Frogier, comme d'autres signataires, en témoignait : on aurait pu croire que le processus n'aboutirait pas et que les trois référendums ne seraient pas tenus. Il est normal que les choses se tendent alors qu'on approche de la fin.

L'État est neutre ; les membres du Gouvernement peuvent avoir des opinions. Certains nous poussent à être plus partisans, d'autres nous reprochent d'être anti-indépendantistes, voire anti-kanaks, dans un journal de l'après-midi, ce qui est scandaleux.

M. Jean-Pierre Corbisez .  - La crise du Covid a indubitablement eu des conséquences désastreuses outre-mer. La mise en berne économique a exacerbé les faiblesses structurelles de l'entrepreneuriat des outre-mer, qui se caractérise par beaucoup de petites entreprises et une forte dépendance au tourisme. Pour tenter d'endiguer la crise, le Gouvernement a étendu le fonds de solidarité et les PGE.

Si l'impact des premières vagues a été moindre, les outre-mer subissent à présent une double crise économique et sanitaire, en décalage avec la métropole.

Comptez-vous réadapter les aides économiques à la crise actuelle ?

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - Nous avons toujours adapté les mesures d'accompagnement aux mesures de freinage. Même dans les pays d'autonomie, nous avons appliqué fonds de solidarité et PGE - mais pas le chômage partiel, qui relève d'une compétence du pays. Nous avons aussi adapté le passe sanitaire, qui n'a pas été déployé là où les restaurants étaient fermés ; c'est du bon sens.

Nous continuerons d'adapter les mesures à la cinétique de l'épidémie et aux territoires. En l'occurrence, au vu du faible taux de vaccination, ce n'est pas terminé.

Mme Viviane Artigalas .  - Je vous pose la question de Victorin Lurel, qui vous prie d'excuser son absence.

Nous ne serons jamais de ceux qui contestent votre volonté de poursuivre les délinquants. Mais votre visite express toute militaire et votre posture martiale, autoritariste, sont une grave erreur politique : cela a braqué, choqué et légitimé l'action politique de ceux qui ne sont pas là pour discuter. Votre défausse sur l'autorité locale n'a fait que tendre la situation et renforcer la stratégie de pourrissement voulue par certains.

Même vilipendés, les élus prennent leurs responsabilités en écoutant et en proposant. À l'État de faire de même. Quand reviendrez-vous en Guadeloupe pour, non pas renouer, mais nouer le dialogue ? N'envenimez pas le climat pour plaire à une frange radicalisée de l'opinion hexagonale.

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - J'adresse une pensée fraternelle et amicale au ministre Lurel.

Je subissais assez de pressions politiciennes à Paris pour me précipiter sur le terrain : je ne l'ai pas fait. Je voulais laisser les forces de l'ordre travailler et donner une chance au dialogue local. Sans vouloir comparer les uns et les autres, cela a marché en Martinique.

J'ai dormi à Pointe-à-Pitre, qui n'est pas la préfecture - j'ai donc dormi au régiment de service militaire adapté, qui dépend de mon ministère. On me l'a reproché. Il fallait pourtant bien que je dorme quelque part !

L'État ne doit pas se défausser sur les collectivités territoriales, et réciproquement ! L'eau potable est une compétence du bloc communal depuis Mathusalem. Reprocher à Paris - vous êtes concerné comme moi - de ne rien faire pour mettre de l'eau au robinet pose problème.

La politique de la chaise vide des grands élus de Guadeloupe n'est pas satisfaisante. Mais je reste entièrement disponible pour faire avancer les choses.

M. Pierre Médevielle .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Cette situation d'insurrection est inquiétante et désolante. Les revendications des agitateurs et casseurs chauffés à blanc en Guadeloupe ne sont pas clairement identifiées.

Le Gouvernement a fait de gros efforts en faveur de la vaccination et des soins. La crise a été très dure pour les outre-mer, dont l'économie est fragile, mais tout est bon pour mettre de l'huile sur le feu... La polémique sur vos propos touchant l'autonomie tient plus au contexte présidentiel qu'à un tabou qui n'a pas lieu d'exister, puisque ce modèle est prévu dans la Constitution.

Vos échanges avec les élus locaux sont-ils susceptibles de ramener le calme ?

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - Je rappelle que l'État est très présent dans les outre-mer. C'est vous qui votez les lois de finances, vous pouvez attester de tout ce qui est fait.

Sur l'autonomie, certains amalgames ont blessé les Polynésiens et les Calédoniens. L'autonomie n'est ni un abandon ni une sécession : la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie, jusqu'à preuve du contraire, sont bien dans la France. On ne peut d'un côté prôner la décentralisation, de l'autre conspuer l'autonomie.

Je suis très ferme sur ce qui se passe la nuit, et qui est, j'y insiste, déconnecté de ce qui se passe le jour. Les syndicats n'ont pas à demander l'amnistie. Un vrai dialogue est instauré en Martinique, il produira ses effets sur la vie chère, la jeunesse, l'application de la loi dans les hôpitaux et l'avenir du territoire.

M. Guillaume Chevrollier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis trente ans, la situation des Antilles se dégrade, ce qu'exacerbe la crise sanitaire, avec les coupures d'eau, le chômage et la vie chère. Aucun dispositif n'a permis à ce jour un développement harmonieux.

Il faut agir de conserve sur l'emploi et la consommation. Le problème de coût du travail en outre-mer est réel, surtout face aux territoires voisins. Le Gouvernement propose de créer des emplois aidés, mais le secteur public est déjà très important dans l'économie des outre-mer, ce que votre prédécesseur a récemment dénoncé.

Quelle est la stratégie du Gouvernement pour développer les entreprises ? Lors du grand débat national, les organisations socioprofessionnelles martiniquaises avaient proposé de détaxer le travail. Qu'en pensez-vous ? Comment créer un capitalisme patrimonial sur ces territoires ?

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - Le sujet fondamental est celui de l'évolution de la fiscalité. La défiscalisation produit-elle encore les effets qu'imaginait Brigitte Girardin ? Plus complètement. L'octroi de mer protège-t-il l'économie insulaire ? Oui pour certaines productions, mais se justifie-t-il sur les armes des forces de l'ordre ou sur les biens culturels ? Ce n'est pas sa vocation.

Difficile de développer une économie touristique si l'on doit pratiquer des tours d'eau dans les gîtes et les hôtels.

Je ne suis fermé à aucune réflexion fiscale.

Enfin, pour lutter contre la vie chère et créer un vivier d'entrepreneurs, il faut créer un environnement concurrentiel, afin que l'offre rencontre la demande. Vaste programme...

M. Guillaume Chevrollier.  - Il faut un débat apaisé sur le développement des outre-mer, qui s'appuie sur les travaux et instances du Parlement. C'est un sujet à mettre au coeur du prochain quinquennat.

Mme Raymonde Poncet Monge .  - Malgré une accalmie, la Guyane a traversé une crise sanitaire sans précédent : le taux d'incidence dépassait les 500 cas pour 100 000 habitants. Les soignants ont fait face, malgré la défiance vis-à-vis de la vaccination. En effet, seulement 50 % des soignants sont vaccinés, et 26 % des Guyanais.

Comment procéder seulement par la contrainte ?

L'État a failli : 30 % de la population est en zone sous-dense, les inégalités d'accès aux soins sont criantes. S'y ajoutent la vie chère, un taux de pauvreté de 53 % et un revenu médian de 900 euros par mois.

Les Antilles s'enflamment pour les mêmes raisons, lorsque l'égalité ne semble convoquée que pour l'égalité vaccinale. L'« aller vers » est vain quand l'accès aux soins n'est pas garanti. Quelles politiques publiques envisagez-vous  pour rompre avec l'abandon ? Elles sont nécessaires à la confiance...

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - Pour que la confiance revienne, il faut lutter contre tous les populismes. Nous parlons des territoires où les fake news ont été les plus graves. Elles ont parfois été laissées sans réponse y compris de l'État, dont les agents ont fait tout leur possible. Les effets ont été très graves - il faut le dénoncer.

Ensuite, le retard est considérable, surtout en Guyane. La mère des batailles est l'hôpital public, qui appuie l'« aller vers ». Nous allons reconstruire un hôpital à Maripasoula et transformer le centre hospitalier de Cayenne en CHU à l'horizon 2024-2025, pour renforcer l'offre de soins et de formation. Il faudra encore de la patience.

Mme Éliane Assassi .  - Quand on se déplace, c'est que les choses sont mûres, disiez-vous avant d'aller en Guadeloupe. Mais ce sont les inégalités qui mûrissent depuis des décennies.

Fabien Gay et d'autres ont multiplié les exemples d'inégalités : eau, vie chère, chômage. Nous ne pouvons que constater, de nouveau, ces fractures. Vous avez parlé de l'hôpital en Guyane : on ne compte que 55 médecins guyanais pour 100 000 habitants, contre 104 en moyenne pour l'ensemble de la France.

Les ultramarins manifestent aujourd'hui pour vivre dignement. Il y a autant de personnes habitant dans des bidonvilles en Guyane que dans tout l'hexagone.

Je le redis, nous condamnons toutes les violences. Mais la réponse ne peut se borner à l'envoi de forces de police.

Quant à votre réponse sur l'autonomie, le sujet institutionnel est trop sérieux pour être évoqué en milieu de crise. Il résonne comme une menace d'abandon, c'est une réponse décalée par rapport à l'urgence.

Il faut des mesures concrètes pour mettre fin à ces injustices structurelles.

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - Il est toujours temps de rappeler les principes républicains. Des élus expliquent que « la loi ne s'applique pas ici » : il est de mon devoir de répondre que si, et de rappeler l'alternative du changement de statut.

Le projet de loi de finances aurait dû être l'occasion de débattre du logement et des autres questions. Des réponses radicales seront requises. Il ne faut pas remettre en cause l'octroi de mer mais lui redonner son rôle de barrière protectrice. Il est une cause de la vie chère quand il porte sur les produits de première nécessité. Je rappelle que l'État ne perçoit plus un euro de fiscalité sur les carburants. La concurrence et les conséquences de la covid sur le fret impliquent de revoir l'aide qui lui est consacrée.

Ensuite, la production insulaire est en question. Faire venir des surgelés à prix d'or en empêchant la production locale n'a pas de sens. Enfin, je le répète, le mot de concurrence n'est pas tabou. Nos concitoyens n'ont pas le choix, ce qui augmente les prix.

La séance est suspendue quelques instants.

Éducation, jeunesse : quelles politiques ?

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Éducation, jeunesse : quelles politiques ? ».

M. Bernard Fialaire .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Si nous parlons d'éducation, c'est que nous ressentons un malaise. L'éducation est-elle la priorité, dans un monde d'indignation perpétuelle et de constante revendication de droits ? Avons-nous perdu notre devoir collectif d'éducation de la jeunesse ? Je regrette que nous n'ayons pu fêter, en 2020, le 150e anniversaire de la IIIe République, née de la guerre, marquée par la Commune - autre chose que les gilets jaunes ! - alors que toute la population ne parlait pas le français mais des patois locaux.

Cette République, avec ses hussards noirs, a su faire de la France, en une génération, un pays à l'avant-garde de l'automobile, de l'aviation, du cinéma. Il faut relever le même défi aujourd'hui. La richesse de notre pays est sa ressource humaine. Alors, investissons !

Le constat est consternant : nos élèves sont en queue de classement européen et les enseignants sont payés 7 % de moins que la moyenne de l'OCDE, moitié moins que leurs collègues allemands.

Depuis 25 ans, les élèves ont perdu en temps d'enseignement l'équivalent d'une année scolaire quand ils entrent en quatrième. J'allais à l'école cinq jours sur sept ; mes enfants, quatre sur sept.

Les enfants d'aujourd'hui sont certes éveillés, mais le sont-ils aux savoirs fondamentaux ? Ils sont surtout exposés aux Gafam, notamment dans les familles insuffisamment étayantes.

On compense par un Pass'Sport, un pass Culture, un service national universel (SNU) : de petits pansements sur une plaie béante. À la délégation à la prospective, un intervenant proposait même une année propédeutique avant les études supérieures, pour rattraper le retard de connaissances. On peut du reste s'interroger sur la nécessité d'une année en plus pour ouvrir à d'autres horizons, donner des notions de civisme, de secourisme, de code de la route alors que le permis est trop cher.

Il faut aussi aider les collectivités territoriales à étoffer le périscolaire, pour repousser les influences négatives. Je poursuivrai ce combat pour développer la liberté de conscience, l'égalité des chances et la fraternité des élèves.

Mme Monique Lubin .  - Les difficultés de la jeunesse ont été dévoilées par la crise sanitaire. Dans un portrait social de la France du 25 novembre, l'Insee montre que la prévalence de syndromes dépressifs a fortement augmenté chez les 18-29 ans alors qu'elle est restée stable dans les autres classes d'âge.

Le taux d'emploi des 18-24 ans a baissé de 1,5 point par rapport à 2019, alors qu'il reste stable pour les 30-60 ans.

Les problèmes sont cependant plus anciens. En 2019, le Secours catholique confirmait la crise profonde de la jeunesse. Les 15-24 ans et 25-34 ans sont trop souvent sous le seuil de pauvreté.

Le groupe SER a donc défendu la proposition de loi relative aux droits nouveaux dès 18 ans et j'ai rapporté la mission d'information sur la jeunesse. Les difficultés se déclinent sur tous les plans : formation, santé, emploi, culture.

Le développement du jeune enfant a des incidences sur ses compétences et sa santé futures.

La France compte un million de jeunes adultes « NEET », ni en emploi ni en études ; deux millions, en formation ou en activité très partielle, sont en forte précarité. Face à ces besoins, un ensemble hétérogène de dispositifs mal identifiés existe. Les politiques de la jeunesse touchent pourtant à de nombreux domaines et mobilisent l'État, les collectivités territoriales et d'autres acteurs nationaux et locaux.

Mais de nombreuses pistes sont négligées, comme l'éducation populaire, porteuse d'autonomie. Elle ne fait pas l'objet d'une politique bien évaluée et ne reçoit pas d'investissements. Les conclusions de la mission d'information insistent sur la nécessité de simplification et de mise en cohérence de l'existant.

Beaucoup sont pour un revenu de subsistance pour tous les moins de 25 ans, ce que le SER défend depuis longtemps, tout comme Boris Vallaud à l'Assemblée nationale avec sa proposition de loi. Ce revenu de 564 euros remplacerait le RSA et la prime d'activité, de manière dégressive selon le revenu. Cela permettrait aux travailleurs sociaux de se concentrer sur l'accompagnement.

Par ailleurs, une dotation universelle de 5 000 euros pourrait être ouverte dès 18 ans pour la formation. Une fiscalité plus juste financerait ces mesures. Les jeunes doivent avoir accès aux mêmes droits que les autres. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Jean-Pierre Decool .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) L'école est cet espace d'élévation dans lequel l'enfance dessine l'avenir et le fait advenir.

L'éducation est un héritage indispensable. Nous devons investir massivement dans l'école dès le plus jeune âge.

Les classes de grande section de CP et de CE1 des réseaux d'éducation prioritaire (REP) ont été dédoublées. Le climat scolaire et les résultats en ont été améliorés, en particulier en mathématiques.

Nous devons néanmoins changer d'échelle et aller plus haut et plus loin. Le Gouvernement veut limiter les effectifs à 24 élèves par classe ? Il faut être plus ambitieux et viser 22.

Le nombre d'élèves non-lecteurs augmente. Le niveau des élèves baisse continûment depuis plus de vingt ans : un enseignant en fin de carrière ne peut plus proposer les mêmes exercices qu'aux élèves de même niveau il y a trente ans...

Pour inverser la tendance, nous devons donner aux élèves le goût du travail. Faire appel aux enseignants des Rased permettrait d'offrir un accompagnement adapté aux élèves les plus fragiles et un soutien précieux aux enseignants. Nous ne devons laisser aucun enfant illettré sans accompagnement ciblé. Six heures d'AVS par semaine pour une classe de 28 élèves dont deux non lecteurs en CM1, voilà le quotidien de nombre d'enseignants. Demander des résultats quand les moyens manquent, c'est leur demander l'impossible.

Les évaluations « courtes, ciblées et valorisantes » sont insuffisantes et ne permettent pas un suivi régulier des acquis et lacunes des élèves. Il faut une évaluation nationale standardisée à chaque classe. Nous devrions systématiquement évaluer les élèves à la rentrée et en fin d'année ; il suffirait de flécher six des 108 heures de réunion des enseignants pour corriger ces évaluations.

On pourrait ainsi identifier les élèves en difficulté, mais aussi les plus prometteurs. En effet, nous devons prévoir un parcours suffisamment stimulant pour les enfants les plus agiles : un tiers des enfants à haut potentiel sont en échec scolaire, faute de scolarité adaptée.

Il faudrait doubler le temps consacré aux échanges avec les parents et accorder aux professeurs plus de souplesse dans le choix des dix-huit heures de formation annuelle, trop souvent déconnectées de leurs besoins et programmes. Ils devraient bénéficier de rendez-vous avec un psychologue scolaire tout au long de l'année, et non d'une seule rencontre en début d'année. L'accompagnement des enseignants dans l'exercice de leurs missions est le premier facteur de réussite des élèves.

Ces quelques ajustements sont nécessaires pour que l'âge d'or de l'Éducation nationale ne soit pas derrière mais devant nous. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDSE)

M. Max Brisson .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Scolarité obligatoire dès 3 ans, priorité au primaire, réforme du bac, revalorisation du métier de professeur : la liste des chantiers du quinquennat Blanquer est impressionnante. La revitalisation escomptée de l'école est-elle au rendez-vous ?

« Le français, la morale, le calcul », tel était, pour Jules Ferry, le socle d'une école républicaine permettant à tous de s'élever par le travail, la motivation et le mérite. Le déclin de ces valeurs à partir des années 1960 ne pouvait qu'ébranler les fondements mêmes de notre école.

Jean-Michel Blanquer a défendu une école qui apprend à « lire, écrire, compter » et renoué avec la pratique des circulaires. Pourtant, les résultats de nos élèves baissent inexorablement, même pour les meilleurs. Les comparaisons européennes et mondiales sont accablantes.

La responsabilité est certes partagée, mais c'est M. Blanquer qui est aux responsabilités, et sur une durée sans précédent depuis Victor Duruy.

Le Gouvernement a engagé de grands chantiers qui vont pour la plupart dans le bon sens, comme le dédoublement des classes en REP et REP+, le plafonnement des effectifs en primaire ou la réforme de la formation initiale des professeurs.

Mais nous restons au milieu du gué. Les demi-mesures sont insuffisantes pour soigner une école qui requiert une politique de franche rupture. Manque de moyens, une fois de plus ? J'ai l'intime conviction que seule la rupture avec une école qui a abaissé la parole du maître permettra de sortir de cette spirale infernale.

Dans le pays où Victor Hugo parlait des maîtres comme des « jardiniers en intelligence humaine », seuls 7 % des professeurs considèrent que leur profession est appréciée. Face au bashing, ils sont de plus en plus nombreux à démissionner : 1 500 en 2021, contre 364 en 2008.

Jadis piliers de la République, ils ont un sentiment d'abandon. Ils attendent d'être soutenus. Or quand leur autorité est contestée, on les enfonce. Pour une fois, faisons leur confiance : donnons des espaces de liberté aux praticiens de terrain que sont les professeurs, les principaux, les proviseurs.

Le ministère Blanquer n'aura pas été celui d'une plus grande liberté pour les équipes et d'une plus grande autonomie pour les établissements. Il n'a pas su ou pu desserrer l'étau de la dernière école centralisée et bureaucratisée en Europe.

L'école de la confiance ne pourra être construite qu'en faisant confiance et en libérant les énergies, pour refaire de l'école le ferment de notre République ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Thomas Dossus .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Ce débat interroge un sujet central : la place de la jeunesse dans nos politiques publiques. Le constat est peu reluisant pour le Gouvernement.

Qu'est-ce qu'être jeune sous Emmanuel Macron ?

La précarité de la jeunesse est criante. Elle s'est manifestée de façon spectaculaire pendant la crise Covid par les files devant les banques alimentaires. En France, 1,5 million de jeunes ne sont ni en emploi, ni en formation et 20 % vivent sous le seuil de pauvreté.

L'accès aux droits est toujours entravé. Les jeunes sont exclus de l'assurance chômage, car il faut avoir travaillé six mois sur vingt-quatre - or 58 % des étudiants ont perdu leur activité pendant le confinement.

Les 18-25 ans sont volontairement écartés du RSA, ce nécessaire amortisseur social, au motif que pour Bruno Le Maire, « à 18 ans, on veut un travail, pas une allocation ». Ce n'est pas seulement méprisant : c'est un déni de réalité économique. Esther Duflo a montré que les aides sans condition n'ont pas d'effet décourageant face au travail, au contraire. Vous privez la jeunesse de dignité économique pour des motifs purement idéologiques !

Un tiers des étudiants ont renoncé à des examens ou soins médicaux pour des raisons financières ; un tiers des jeunes ne sont toujours pas couverts par une mutuelle. Le Gouvernement a élargi le périmètre de la complémentaire santé solidaire mais les étudiants ne sont pas concernés par le renouvellement automatique, ce qui augmente le non-recours. Un tiers des étudiants ont montré des signes de détresse psychologique pendant le premier confinement. Le pass psy, avec le remboursement de trois séances sur l'année, est certes bienvenu, mais insuffisant.

Au-delà des injonctions creuses et paternalistes sur la « valeur travail », quelles perspectives ce Gouvernement offre-t-il pour remobiliser la jeunesse ? Le service national universel, qui surfe sur la nostalgie du service militaire, sur le fantasme d'une jeunesse qui marche au pas, mais ne correspond à aucune aspiration des jeunes d'aujourd'hui. Son budget a quasi doublé à 110 millions. Mais parmi les volontaires, seuls 4 % issus de quartiers populaires, quand plus d'un tiers ont des liens familiaux avec l'uniforme. Le caractère universel de ce dispositif est purement illusoire.

Le Gouvernement manque complètement sa cible. S'y ajoute une politique climatique irresponsable qui hypothèque l'avenir de la jeunesse. Alors, quelle égalité d'accès aux droits sociaux pour notre jeunesse ? (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Jérémy Bacchi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) Ce débat doit être l'occasion de dresser bilan et perspectives.

Ces cinq années auront été marquées par un sous-investissement dans l'enseignement. Certes, les crédits ont crû de 8 milliards d'euros pour l'enseignement scolaire et de 4 milliards d'euros pour le supérieur, mais la part de l'éducation dans le PIB recule, et la dépense de l'État par élève ne cesse de baisser : 200 euros de moins par étudiant sur le quinquennat.

On gère la pénurie, avec en prime un chantage insupportable, à Marseille par exemple, où l'on aide à rénover les écoles en échange du recrutement sur profil.

Dans le supérieur, la réforme emblématique aura été la sélection à l'entrée de l'université. Parcoursup n'a fait que généraliser la problématique d'APB. Le Gouvernement est bien le seul à y voir un succès - tandis que l'université libre de Bruxelles accueille les recalés.

Pour l'accès aux masters aussi, le Gouvernement a fait le choix de gérer le manque de places par la sélection. Les occupations récentes de Nanterre ou Lyon 2 montrent pourtant que le problème n'est pas le niveau des étudiants mais manque de moyens accordés aux universités.

L'institution est à bout de souffle et ne tient que par l'engagement des personnels, fort peu soutenus par leurs ministres de tutelle, qui manient injonctions contradictoires, stigmatisation et précarisation. Au point que les hauts fonctionnaires du ministère de l'Éducation nationale se sont fendus de deux tribunes pour alerter.

L'école a besoin d'un réinvestissement massif. Le recrutement de 90 000 enseignants sur cinq ans, accompagné d'une revalorisation, permettra d'améliorer le taux d'encadrement et les conditions de travail.

Il faut repenser les rythmes, passer à 32 heures hebdomadaires. Des enfants qui ne peuvent pas s'appuyer sur leurs proches pour faire leurs devoirs partent avec du retard. Ce qui doit être appris pour l'école doit l'être sur site.

Libération évoquait ce matin une enquête sur le ressenti des Français vis-à-vis de l'école. Ils jugent que l'école s'est détériorée ces cinq dernières années et estiment qu'elle creuse les inégalités.

« Celui qui ouvre une école ferme une prison », disait Victor Hugo. Faisons le pari de l'école ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur plusieurs travées du groupe SER)

Mme Annick Billon .  - Il y a quelques jours, Le Monde révélait la part grandissante des démissions d'enseignants. Ce n'était pas une nouvelle pour le Sénat. De l'aveu même du ministre devant la commission de la culture, il y a eu 937 démissions dans le premier degré et 617 dans le second degré. Elles ont triplé entre 2013 et 2018.

Manque de reconnaissance, rémunération insuffisante nuisent à l'attractivité du métier, et ce sentiment de malaise s'est renforcé avec la crise sanitaire.

Nous nous félicitons des revalorisations salariales proposées dans le projet de loi de finances pour 2022.

La possibilité de choisir son lieu de travail est souvent déterminante dans la poursuite d'une carrière. Le Gouvernement a pris l'engagement d'accompagner la mobilité des enseignants, mais la plupart sont confrontés à des embouteillages.

Au malaise des enseignants s'ajoute parfois celui des élèves. Entre 800 000 et 1 million d'élèves subissent ou ont subi le harcèlement scolaire. Le phénomène touche tous les milieux. Le corps enseignant s'estime souvent désarmé, faute de formation. Seul un enseignant sur trois s'estime armé pour lutter contre ce fléau.

Le Président de la République a annoncé de nouvelles mesures, dont la mise en place d'une application de signalement. Toute action est à saluer, mais nous regrettons que les conclusions de la mission d'information sénatoriale sur le harcèlement et le cyberharcèlement n'aient pas encore trouvé d'écho.

La proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire est examinée ce jour à l'Assemblée nationale. Nous espérons son inscription à l'ordre du jour du Sénat le plus rapidement possible. Pas plus qu'ailleurs, l'apprentissage de la peur n'a sa place dans les classes et les cours de récréation ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Marie-Pierre Monier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Depuis bientôt cinq ans, une logique implacable est à l'oeuvre : une vision libérale de l'école, à rebours du modèle de l'école publique républicaine que nous chérissons.

Il n'est question que de faire des économies : 8 000 postes ont été supprimés dans le secondaire depuis 2017, alors que le nombre d'élèves augmente. Et je ne parle pas de l'enseignement agricole, fortement touché.

En pratique, aucun poste n'a été créé dans le premier degré. Or sans moyens dédiés, les objectifs louables de dédoublement en REP et REP+ et de limitation des effectifs dans les premiers niveaux conduiront à alourdir les autres niveaux, à fermer des classes et à perdre des postes de remplaçants...

Dans l'ensemble, les réformes obéissent à une logique inégalitaire. Parcoursup en est un exemple flagrant. Il aggrave encore les inégalités sociales et territoriales. Il faut sortir de la sélection accrue et dépersonnalisée et donner toute sa place à une orientation au plus près des souhaits et besoins des élèves.

Il y a urgence à redonner corps à la promesse républicaine et remettre en marche l'ascenseur social. Cela suppose de renforcer la mixité sociale et de lutter contre les ghettos scolaires. Ce n'est pas en demandant aux directeurs d'école de recruter leur personnel comme des chefs d'entreprise que nous y parviendrons.

L'accueil des élèves en situation de handicap à l'école doit être amélioré. Nous regrettons que les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) soient soumis à des contrats courts et précaires, et à de nouvelles contraintes de mobilité.

Il faut aussi redonner à nos professeurs l'envie de reprendre le chemin de l'école. La crise des vocations est aiguë, or l'école de la République n'existe pas sans ses hussards noirs. Ils ont besoin de confiance - or les relations avec le ministère n'ont jamais été aussi dégradées, à cause d'une vision autoritaire.

Il faut des créations de postes, plus de formation continue, plus de moyens matériels, et surtout, une rémunération à la hauteur de la tâche - en la matière, la France est en queue de peloton. Les primes d'activité ne suffiront pas à rattraper le retard.

Si nous ne réagissons pas, notre système éducatif va finir par ressembler dangereusement à celui des États-Unis, qui favorise les plus aisés.

Si l'école publique vacille, c'est parce qu'elle n'écoute pas assez les cris d'alerte de ceux qui la font vivre au quotidien. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Cédric Vial .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre-Antoine Levi applaudit également.) Bernanos disait : « Hélas ! C'est la fièvre de la jeunesse qui maintient le reste du monde à la température normale. Quand la jeunesse se refroidit, le reste du monde claque des dents. » Eh bien, il commence à faire froid.

L'attention que la société porte à sa jeunesse est portée à son avenir. La jeunesse est un état provisoire dont chacun sort inégalement armé pour affronter la vie d'adulte.

Notre politique pour la jeunesse est donc un enjeu national qui porte en germe les réussites et les échecs futurs de notre société. Les jeunes consomment le présent mais ils sont l'avenir, sans le savoir.

C'est le rôle du politique de donner du sens à cette période de la vie, où l'on devient soi-même tout en apprenant à s'inscrire dans une société qui a déjà ses règles.

De quoi les jeunes ont-ils besoin et envie ? Qu'attend notre pays de sa jeunesse ?

Malgré toute l'estime que j'ai pour vous, madame la ministre, je déplore l'absence de visibilité de la politique jeunesse. Vous êtes à la tête d'un ministère qui n'en est pas vraiment un ; la mission budgétaire « Jeunesse et vie associative » est minuscule.

Une vraie politique de la jeunesse devrait embrasser beaucoup plus large - éducation, santé, mobilité, sécurité, emploi, famille, logement, valeurs de la République... Mais chaque ministre garde sa clé et une approche interministérielle manque. L'addition de dispositifs ne fait pas une politique globale.

Si les services civiques fonctionnement plutôt bien, le SNU est un échec cinglant : il devra être revu de fond en comble. Le dispositif « Un jeune, une solution » fonctionne, mais le contrat d'engagement improvisé n'est qu'un variant du RSA jeune qui ne dit pas son nom. (Mme Monique Lubin le conteste.)

La lutte contre le décrochage scolaire, contre la drogue ou les violences sont autant d'échecs.

Plus de 52 % des jeunes et 78 % des jeunes musulmans ne reconnaissent plus l'intérêt de notre modèle laïc.

La politique jeunesse a besoin de sens. Notre approche doit être plus interministérielle, les réponses plus déconcentrées, les solutions plus individualisées, pour ne laisser personne au bord du chemin.

Le dédoublement des classes de CP a plutôt bien réussi, mais ne suffit pas. Il faut agir rectorat par rectorat, département par département. Les règles de recrutement apportent plus de contraintes que d'avantages. Les politiques de ressources humaines doivent être définies localement, notamment avec des profils de postes à mission.

La politique jeunesse est une politique pour la France. Préparons la France de demain ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.)

M. Pierre-Antoine Levi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La crise de la covid-19 a mis au jour certaines lignes de fracture. Plus d'un tiers des jeunes considèrent qu'elle a affecté leurs perspectives. Sans parler de génération sacrifiée, n'éludons pas ces difficultés et les racines du mal.

Je songe à un étudiant de la génération covid-19 qui, malgré de très bons résultats et une belle mention au bac, n'a pas obtenu ses premiers voeux sur Parcoursup. Il s'inscrit par défaut en licence, pour ne pas faire une année blanche. Il occupe à Paris un petit logement pour un loyer déraisonnable - issu de la classe moyenne, il n'a pas droit à un logement du Crous. Il n'arrive pas à trouver un petit boulot. Il aurait bien eu besoin d'un ticket-restaurant étudiant, mais le Gouvernement a refusé cette solution. Il va aux Restos du Coeur sans le dire à ses parents.

Les cours en visio limitent les échanges. Sa vie sociale est réduite à la portion congrue. Le découragement l'envahit. Surtout quand il lit que certains à Bac+5 ne trouvent pas d'emploi dans leur domaine, au alors au SMIC...

Il aimerait partir à l'étranger en Erasmus mais le Brexit et le Covid ont changé la donne : il ne pourra peut-être plus partir. Cet étudiant en vient à remettre en cause beaucoup d'objectifs de vie.

Prenons en compte le mal-être de cette génération, frappée par un sentiment de déclassement et de nombreuses frustrations. Il faut lui apporter des solutions originales et concrètes.

La jeunesse ne demande pas l'aumône. Elle ne veut pas d'assistanat, mais être écoutée et comprise ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)

Mme Béatrice Gosselin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Huit millions de Français ont entre 11 et 19 ans. Ce ne sont plus des enfants, pas encore des adultes.

Pour le psychiatre Serge Tisseron, les temps de transition sont toujours des temps d'insécurité psychique. Les perspectives climatiques, les problèmes économiques et sociaux angoissent nos jeunes.

Quelle formation suivre pour s'insérer dans la vie active, sachant que le taux de chômage des moins de 25 ans est de 19,5 %, contre 6 % en Allemagne ? Que 15,1 % des 15-34 ans sont sans emploi, sans diplôme et sans formation, contre 9,9 % outre-Rhin ?

Le contrat d'engagement jeune suffira-t-il à pallier les défaillances de notre système de formation ? Est-ce un hasard si le premier versement interviendra six semaines avant le premier tour ?

Il vaudrait mieux privilégier l'apprentissage, comme en Allemagne. C'est une voie d'accès à l'emploi durable, mais qui souffre toujours d'une mauvaise image.

Les mesures visant à favoriser l'insertion professionnelle des jeunes les moins diplômés manquent de lisibilité et certaines aides sont peu mobilisées.

L'État ne peut pas tout, et nous devons aussi responsabiliser les parents. Il faut les sensibiliser aux risques que présentent les nouvelles technologies. Je pense à la règle des 3, 6, 9 et 12 : pas de télévision avant 3 ans, de console de jeux avant 6 ans, pas d'internet avant 9 ans, pas d'internet seul avant le collège. La surexposition aux écrans peut être source de troubles visuels ou auditifs.

L'accès à internet apporte le meilleur, mais aussi le pire : le cyberharcèlement, aux conséquences parfois dramatiques. Les professionnels spécialisés manquent et l'accueil dédié n'est pas suffisant, notamment en milieu rural.

Pour ne pas avoir une génération sacrifiée, agissons maintenant ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement .  - J'avais préparé un discours avant de me présenter devant vous mais au vu de la qualité de vos interventions, je vais plutôt prendre le temps de vous répondre.

Quelle politique pour nos jeunes, pour notre pays, nos citoyens ? Le débat dépasse largement le périmètre du programme 163, et je ne prétends pas avoir à moi seule la clé !

Il faut parler des jeunesses au pluriel. La jeunesse, ce sont des âges, des transitions. Les expériences sont différentes en ville, en zone rurale, dans l'Hexagone ou en outre-mer, dans un milieu aisé ou une famille monoparentale. Les besoins sont multiples, de même que les aspirations.

L'école doit assurer l'égalité des chances et des possibles. La jeunesse, c'est la priorité de tout un pays !

Les inégalités se reproduisent dès le premier âge, d'où l'action d'Adrien Taquet sur les 1 000 premiers jours. Les enfants sont confrontés à des dangers inédits. Autrefois, on pouvait se contenter de mettre un code parental à la télévision ; aujourd'hui, cela ne suffit plus.

Le ministre de l'Éducation nationale porte viscéralement l'école républicaine. Le dédoublement des classes ou les petits déjeuners vont dans ce sens. Il faut apprendre à lire, à écrire et à compter, mais aussi à respecter autrui - cela conditionne le rapport à la violence, à l'autorité, à l'uniforme.

L'émancipation des adolescents passe par les voyages - les vacances apprenantes organisées avec l'éducation populaire ont permis à beaucoup de jeunes de vivre des aventures en dehors des murs de l'école, et de grandir.

Pass'Sport, pass Culture ne sont que des outils, des points d'appuis.

Les étudiants ont été particulièrement frappés par la crise sanitaire. Ils ont été privés de cours physiques et de sorties. J'ai 32 ans, mais je me souviens de mes années d'étudiante : j'ai aimé sortir, connaître mes premières expériences associatives et syndicales. Les jeunes de cette génération en ont été privés.

Nous avons répondu aux priorités : se loger, se nourrir, avec la rénovation des logements étudiants, les repas à 1 euro au Resto U'. Le chèque psy, aussi, car la crise a levé le tabou autour de la santé mentale. Hélas, on manque de psychiatres, de psychologues...

Nous devons protéger les jeunesses dans leur diversité. Du numérique, d'abord, qui est un risque réel autant qu'une opportunité. Je pense au cyberharcèlement, à la prostitution des mineurs, au revenge porn. Je pense aussi aux fake news, qui conduisent parfois à ne pas aimer la France. L'école doit être plus allante sur l'éducation civique et morale, donner le goût de l'esprit critique, lutter contre les stéréotypes et les raids numériques - dont Mila a été victime.

Il faut permettre aux jeunes de s'émanciper. Notre pays, je le crois, est l'un des plus beaux au monde, parce que chacun y est considéré comme un citoyen : Erasmus permet à tous de profiter de la mobilité ; le service civique et l'engagement associatif vont dans ce sens.

Face à l'islamisme et l'extrême droite qui divisent, nous devons fabriquer de la cohésion et de la mixité. Le SNU permet de transmettre le goût de la cohésion, de l'effort. Il faut aussi aider ceux qui s'engagent davantage, avec les internats d'excellence.

La valeur travail n'est pas dépassée : elle signifie que chacun peut s'en sortir par son action, par son effort. C'est pourquoi le contrat d'engagement jeune n'est pas un RSA. Il est fondé sur une logique de devoirs et de droits.

L'accompagnement permet de lever les freins à l'emploi. Le plan « Un jeune, une solution » a bénéficié à 3 millions de jeunes pour 10 milliards d'euros. L'entrepreneuriat, l'apprentissage doivent être favorisés : un apprenti aujourd'hui, c'est peut-être un jeune qui reprend une TPE, une PME demain. Le déploiement des écoles de production et des espaces pédagogiques interactifs (EPI) est également important.

L'école est le lieu de transmission des fondamentaux, des valeurs, des repères, mais l'accompagnement doit être global : la famille aussi doit prendre sa place, ses responsabilités, tout comme l'éducation populaire et les associations, qui jouent un rôle d'éveil. Intervenons sur tous les temps de l'enfant et du jeune. Et saluons les élus locaux qui s'engagent : conseils municipaux des jeunes, passeport du civisme en CM2, cérémonies de remise de la carte électorale pour lutter contre l'abstention, transmission mémorielle. Travaillons avec eux pour empêcher les fermetures d'écoles sans concertation préalable.

Enfin, il faut tendre la main aux entreprises, travailler à une meilleure adéquation des formations aux territoires et lever la suspicion entre les entreprises et l'école. D'où la mobilisation pour les stages, la reconnaissance des compétences à la suite d'un service civique.

Notre jeunesse a bien des aspirations. Chaque jeune mérite d'être accompagné, quelle que soit la ligne de départ ! (MM. Bernard Fialaire et Franck Menonville applaudissent.)

M. Jean-Pierre Corbisez .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Dans une société fracturée, en manque de repères, je ne doute pas que le mentorat annoncé par le Président de la République serait utile. Mais les objectifs annoncés pour 2021 ne seront pas atteints. Seuls 45 000 jeunes sont inscrits sur les 100 000 prévus. Même constat pour le SNU, avec moitié moins de recrues que prévu.

Dès lors, est-il prudent de prévoir des cibles d'effectifs trop ambitieux ? Ne faut-il pas évaluer avant de généraliser ? Un peu de modestie budgétaire aurait permis de financer d'autres actions, comme le soutien aux colonies de vacances et la formation de leurs encadrants. Les crédits consacrés aux examens et certifications baissent de 18 %. Envisagez-vous un rééquilibrage ?

Par ailleurs, le nouveau mode de contractualisation de la CNAF sur les politiques enfance et jeunesse est contesté par les élus locaux. Pouvez-vous les rassurer ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État.  - Si notre ambition a été trop forte sur le calendrier du SNU, la volonté des jeunes, elle, est au rendez-vous. Ce sont les règles sanitaires qui nous ont limités à 15 000 SNU l'an dernier, quand nous en attendions 25 000, mais 30 000 jeunes s'étaient inscrits. Lorsque nous serons libérés de nos masques, après la crise sanitaire, nos objectifs seront atteints.

La même énergie est déployée pour le mentorat, un accélérateur d'égalité des chances, avec 30 millions d'euros de crédits.

La CNAF participe aux assises de l'animation, avec les associations d'éducation populaire et les élus. Nous avons besoin d'alliances éducatives territoriales.

Nous devons redynamiser les salaires et les parcours, mais aussi redonner des envies d'engagement, par exemple dans le cadre du brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (BAFA). L'an prochain, mon ministère aidera 20 000 jeunes à passer ce brevet, dont le coût est souvent un frein.

Ces assises déboucheront, je l'espère, sur un plan d'action massif.

Mme Sabine Van Heghe .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Près d'un million d'enfants sont victimes chaque année de harcèlement scolaire. Les réseaux sociaux, qui sont un facteur aggravant, ne font pas grand-chose. Ce sujet doit être évoqué au niveau européen dans le cade de la présidence française du Conseil et devenir une grande cause nationale 2022-2023.

La lutte contre le harcèlement scolaire est l'affaire de tous et il est bon que le Président de la République se soit exprimé le 18 novembre - même si les mesures annoncées me semblent insuffisantes.

Il n'y a pas de remède miracle. Pas de fausse polémique entre nous : tous les gouvernements depuis dix ans se sont mobilisés sur cet enjeu. Mais je regrette que le Gouvernement n'ait pas pris en compte les travaux de la mission d'information que j'ai présidée, et dont Mme Colette Mélot était rapporteure. Pas un mot sur le renforcement des personnels médico-sociaux dans les établissements, la formation à la détection des signaux faibles ou sur la communication aux élèves.

Nos travaux étaient le fruit d'un constat : les dispositifs existent, mais sont insuffisamment connus. Ce qui fait défaut, c'est le traitement du dernier kilomètre. Quand vous emparerez-vous de nos propositions réalistes et concrètes ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État.  - Lutter contre le harcèlement n'est pas une question partisane et personne ne peut se priver de propositions étayées.

Le programme pHARe ne constitue pas l'alpha et l'oméga de notre politique, mais c'est un outil vivant. Certaines des mesures qui le composent s'appuient sur des propositions de votre rapport : concours, affichage, dispositif « non au harcèlement », mobilisation du corps enseignant.

Il faut lever un autre tabou : aujourd'hui, le harcèlement ne s'arrête plus à la sortie de l'école et nous devons sensibiliser parents, élèves et enseignants au cyberharcèlement.

Le député Erwan Balanant a déposé une proposition de loi pour aller encore plus loin dans notre lutte contre le harcèlement scolaire.

M. Franck Menonville .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Le parcours scolaire de la maternelle à l'université permet une éducation aux valeurs de notre République, indispensable à la cohésion de notre société.

L'éducation morale et civique est une matière à part entière depuis 2015. Il faudrait augmenter les heures d'enseignement, prioriser son contenu et renforcer le programme « apprendre ensemble et vivre ensemble » en maternelle, car les très jeunes enfants sont aussi touchés par le harcèlement scolaire.

Le ministère a annoncé vouloir valoriser l'engagement des élèves dans le brevet des collèges. Où en êtes-vous ? Il faudrait aussi pouvoir valoriser le bénévolat des lycéens dans Parcoursup. Développer le mentorat entre lycéens et élèves de grandes écoles permettrait de lutter contre l'autocensure, particulièrement dans nos zones rurales.

Nous sommes là au coeur de la promesse républicaine. (M. Jean-Pierre Decool applaudit.)

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État.  - Je suis entièrement d'accord avec vous. Avec le ministre Blanquer, nous expérimentons la valorisation de l'engagement dans le brevet. Devenir citoyen est un parcours qui nécessite des repères. Le SNU, la reconnaissance des engagements bénévoles dans Parcoursup participent du même mouvement de reconnaissance de l'engagement à tous les âges. Participer à la démocratie scolaire en étant délégué, s'engager dans un conseil municipal jeune, voilà autant d'engagements qui doivent être pris en compte. Je crois à l'importance des rites de passage : brevet, bac, où l'on peut valoriser encore mieux la citoyenneté.

Oui, la lutte contre l'autocensure passe par le soutien aux associations de tutorat et de mentorat. Des territoires aux grandes écoles est une association qui m'est chère : elle agit contre l'autocensure par le compagnonnage. Avec le tutorat et le mentorat, nous bâtissons une République de l'égalité des possibles.

Mme Anne Ventalon .  - La réforme du bac n'est pas arrivée à son terme qu'elle provoque déjà des difficultés sur l'orientation et l'évaluation.

L'organisation par spécialité devait permettre d'en finir avec la rigidité des anciennes filières, mais l'offre varie selon les lycées. Et le retour des options accentue la baisse du nombre de spécialités enseignées dans chaque établissement. C'est une inégalité des chances entre lycéens : moins cohérent ou moins complet, le profil de ces bacheliers fragilise leur candidature dans Parcoursup.

Le contrôle continu confère une dimension locale au diplôme national qu'est le baccalauréat : les barèmes de notes sont très différents d'un lycée à l'autre, ce qui crée un biais dans Parcoursup. En outre, des parents d'élèves anxieux et parfois vindicatifs font pression sur les professeurs...

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État.  - La réforme du bac devait mettre fin à un vrai scandale français : l'échec en première année et l'autocensure de ceux qui renoncent à des filières trop techniques, manuelles ou scientifiques. Elle doit rendre de la liberté aux jeunes en faisant confiance à leurs choix et à leurs professeurs.

La garantie nationale du baccalauréat est maintenue mais le contrôle continu permet aussi de valoriser la régularité du travail plutôt que le bachotage.

Le ministre est particulièrement vigilant à l'offre de spécialités sur l'ensemble du territoire.

Mme Monique de Marco .  - Entre 2017 et 2022, le budget de l'enseignement supérieur par étudiant a baissé de 7 % ; et en dix ans, le taux d'encadrement a chuté de 15 %.

L'augmentation du nombre d'étudiants aurait dû être anticipée. Les présidents d'université nous le disent : leur situation financière est préoccupante et leur marge de manoeuvre pour accueillir de nouveaux étudiants est nulle. Le nombre de places en master n'a pas suffisamment augmenté, laissant certains étudiants sans solution ou avec une orientation par défaut.

Quand le Gouvernement prévoira-t-il un budget décent afin que nos jeunes mènent les études de leur choix ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État.  - La loi de programmation de la recherche a prévu 25 milliards d'euros sur dix ans. Mais il faut aussi améliorer les conditions de vie des étudiants : nous y consacrons 179 millions d'euros cette année, notamment pour les bourses, la lutte contre la précarité alimentaire, l'accompagnement psychologique - dont ont bénéficié 10 000 étudiants depuis mars 2021. France Relance prévoit 7,8 milliards d'euros notamment pour la rénovation thermique des bâtiments, et je rappelle le plan France 2030 et ses 30 milliards d'euros.

La réforme du master en 2016 a confirmé un cursus de deux ans sans sélection intermédiaire. Les étudiants non retenus peuvent saisir le recteur et faire l'objet de nouvelles propositions. Au bout de quatre ans, la ministre Frédérique Vidal a souhaité que la réforme évolue afin notamment d'améliorer l'accès aux propositions du recteur. Plus de 170 000 places supplémentaires ont été ouvertes en master et la ministre a tenu à en financer 4 400 de plus cette année.

Mme Monique de Marco.  - Les investissements ne sont pas à la hauteur des attentes des étudiants. Les organisations syndicales étudiantes nous ont interpellés sur l'entrée en master : il est urgent de recruter plus d'enseignants.

Mme Michelle Gréaume .  - La semaine dernière, l'académie de Lille annonçait la fermeture de 667 classes, dont 511 dans le département du Nord.

Contrairement à ce que vous avez défendu mordicus pendant des mois, l'école est bien un haut lieu de contamination à la covid.

Je partage l'incompréhension des syndicats, des enseignants et des parents devant le nouveau protocole sanitaire. Bien sûr, il n'est jamais bon de fermer une classe, mais pourquoi alléger le protocole au moment où la pandémie s'accélère ? En outre, ce protocole est encore bien flou et donne l'impression de laisser les directeurs, les enseignants et les parents seuls face à l'épidémie.

Ne s'agirait-il pas de garder les parents au travail ? Nous parlons pourtant de la santé d'enfants non vaccinés : leur taux d'incidence est de 1,8 fois supérieur à la moyenne.

Allez-vous relancer les discussions avec les organisations syndicales sur ce protocole ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État.  - La volonté du ministre de l'Éducation nationale a toujours été de maintenir, autant que possible, les écoles ouvertes afin de poursuivre les apprentissages, éviter l'aggravation des inégalités en fonction de la situation familiale et limiter les conséquences psychologiques et physiques sur la santé des enfants. Je rappelle que la France a plutôt été, à cet égard, une exception dans le monde.

Je remercie les enseignants et les animateurs qui nous ont permis de tenir, tant à l'école que dans le périscolaire et l'extrascolaire.

Nous avions deux impératifs : assurer la continuité pédagogique et garantir la sécurité du personnel et des élèves. Nous avons géré la situation épidémique en temps réel. Le corps enseignant a été d'un exceptionnel dévouement.

Depuis lundi, les classes ne ferment plus de manière automatique : ceux qui ne sont pas contaminés doivent pouvoir continuer à étudier. Les tests salivaires et aléatoires se poursuivent et des boîtes d'autotests seront mises à la disposition des élèves de sixième.

M. Jean Hingray .  - D'après la dernière enquête du programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA), notre système éducatif est l'un des plus inégalitaires de l'OCDE.

La catastrophe éducative se poursuit et les inégalités sociales se reproduisent : en 2018, 98 % des enfants d'une mère diplômée de l'enseignement supérieur obtenaient le bac, contre 58 % des enfants d'une mère non diplômée ; 67 % des enfants de cadres détenaient un diplôme supérieur à la licence, contre seulement 16 % des enfants d'ouvriers.

Notre mission d'information sur l'égalité des chances a proposé d'accélérer le dédoublement des classes de grande section en REP+ et de l'étendre au CE1 au-delà des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Il faut également élargir le dispositif Devoirs faits dans les écoles élémentaires et l'adapter aux contraintes des transports scolaires dans les territoires ruraux.

Quand et comment comptez-vous répondre à ces urgences ? (Mme Annick Billon applaudit.)

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État.  - Je sais à quel point vous êtes mobilisé pour l'égalité des chances et de destin. C'est aussi la priorité du ministère de l'Éducation nationale.

Nous avons mis en oeuvre un programme ambitieux, avec pour la première fois un ministère de l'éducation prioritaire : Cordées de la réussite, 126 cités éducatives - bientôt 200 -, internats d'excellence, dédoublement de 100 % des grandes sections de REP+ en 2022, Devoirs faits et e-Devoirs faits qui concernent un collégien sur trois pour un budget de 60 millions d'euros...

Et avec le Grenelle de l'éducation, le ministre revalorise la formation, les métiers et les rémunérations des enseignants, pour un budget conséquent.

La séance est suspendue à 19 h 55.

présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

Conférence des présidents

M. le président.  - Les conclusions adoptées par la Conférence des présidents réunie ce jour sont diffusées sur le site du Sénat. En l'absence d'observations, je considère ces conclusions comme adoptées.

Par ailleurs, la Conférence des présidents a décidé de rétablir l'obligation du port du masque dans l'hémicycle pour les orateurs s'exprimant à la tribune.

Les conclusions de la Conférence des présidents sont adoptées.

Accord en CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant mesures d'urgence pour assurer la régulation de l'accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Situation des comptes publics et réforme de l'État

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Situation des comptes publics et réforme de l'État ».

M. Thierry Cozic .  - La crise sanitaire a montré que l'État pouvait beaucoup, par la politique budgétaire en particulier. La mobilisation des finances publiques a évité l'explosion du chômage et les faillites en chaîne, et les taux d'intérêt sont restés négatifs pour les échéances à dix ans, faibles pour les emprunts à long terme.

À l'avenir, une forte hausse des investissements publics sera nécessaire pour assurer la transition écologique. Depuis des années, la social-démocratie ne cesse de promouvoir une puissance publique soucieuse du bien commun et de la maîtrise des comptes publics. Partout en Europe - Espagne, Portugal, Allemagne - la social-démocratie a oeuvré pour plus d'équité.

Comme Mark Twain lisant son faire-part de décès dans le journal, la gauche réformiste française pourra répondre : « l'annonce de ma mort est très prématurée. » Ce Lazare social-démocrate sera encore une fois ressuscité, comme en témoigne l'essai d'Henri Weber, qui siégeait sur ces bancs et auquel je souhaite rendre hommage. Conciliant socialisme et liberté, entre l'injustice capitaliste et la tyrannie communiste, la social-démocratie a mis en oeuvre des réformes durant les Trente Glorieuses : protection sociale, extension des congés payés, droits syndicaux qui ont transformé la condition salariale dans les pays développés. La crise venue, notre pays a défendu ces acquis.

Il y a plus de sept ans, nous engagions des réformes sociales, sans « plomber » les comptes publics. Le déficit de 5,1 % en 2011 est proche de celui de 2021. Il était redescendu à 2,9 % en 2017, sous la barre des 3 %, pour la première fois depuis 2007. François Hollande aura fait sortir la France de la procédure disciplinaire lancée par Bruxelles en 2009 pour ses dérapages budgétaires...

Toutes ces réformes n'ont pas empêché des idées radicales de prospérer : certains voudraient inscrire l'interdiction de tout déficit dans la loi ou, mieux encore, dans la Constitution. Bien loin de convaincre les marchés et les investisseurs, de telles lois ne seraient pas forcément appliquées. Prôner une règle d'or tout en refusant de modifier les prélèvements obligatoires, comme le propose la commission Arthuis, est encore pire, empêchant toute politique budgétaire de soutien à l'économie. De surcroît, la France doit envisager la transition écologique et investir dans la santé et l'éducation.

Crise sanitaire et gilets jaunes montrent l'attachement des Français aux services publics. Le problème est leur dégradation, source d'inégalités sociales et territoriales. C'est là toute la différence entre socio-démocrates et socio-libéraux.

L'ambiance est plutôt au libéralisme décomplexé. Nous, socio-démocrates, pensons que la dépense publique doit être consacrée à l'équité sociale, alors que les libéraux ont une vision purement comptable. L'équilibre n'est pas un cap de l'action publique ni l'horizon indépassable des réformes. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - Au milieu du XIXe siècle, le député Frédéric Bastiat affirmait que rien n'était plus facile que de voter une dépense ; et rien plus difficile que de voter une recette. De prime abord, le projet de loi de finances pour 2022 semble lui donner tort : notre assemblée a voté toutes les recettes et aucune dépense. (Sourires) Mais en ne voulant pas examiner les missions, le Sénat a refusé l'exercice ô combien difficile d'indiquer quelles dépenses devaient être réduites, préférant un rejet global.

Nous sommes invités ce soir à critiquer en bloc pour ne pas entrer dans les détails. Je crains que cela ne desserve in fine notre institution. Notre groupe regrette cette décision. La critique est aisée, l'art est difficile.

M. Jean-François Husson.  - Nous aussi aurions voulu examiner la seconde partie : cela aurait été possible si la copie du Gouvernement avait été meilleure !

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - Ce sont vos mots. Quelle crédibilité avons-nous encore sur l'impératif de réduire les dépenses publiques alors que nous refusons d'en débattre ?

Je vais tâcher d'esquisser des pistes. Notre pays est plus endetté que jamais. Voilà quinze ans que la tendance s'aggrave. Il y a trois quinquennats, le ratio dette sur PIB était le même en France et en Allemagne, environ 55 %. Nous sommes à 115 % aujourd'hui, l'Allemagne à 73 %, or nos deux pays ont traversé les mêmes crises.

Il y a un mal français qui fragilise les comptes publics et menace notre souveraineté nationale. Certains en attribuent la responsabilité au Gouvernement actuel, qui a certes accru la dette. Mais il est le seul à l'avoir stabilisée : le déficit était maîtrisé avant la crise sanitaire et le taux d'endettement commençait à baisser. Il est facile d'appeler à réduire les dépenses sans préciser lesquelles.

Il faut remettre les pendules à l'heure sur ce sujet. Durant la crise sanitaire, le Sénat a voté tous les projets de loi de finances sauf le dernier. Nous avons soutenu le « quoi qu'il en coûte ».

Pour relever les défis de la transition écologique et de la révolution numérique, la puissance publique devra soutenir l'innovation. France 2030 fixe des objectifs ambitieux dans des verticales clés de rupture technologique. Il semble contradictoire de réduire les dépenses tout en accentuant l'investissement dans les domaines clés. Il nous revient de relever ces défis, même si nous nous opposerons sur les chemins à emprunter. Il nous faudra bien accepter, le moment venu, de remettre sur le métier l'ouvrage budgétaire. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Bernard Fialaire applaudit également.)

M. Jean-François Husson .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je n'irai pas par quatre chemins : je suis inquiet car la situation des comptes publics est critique et le budget 2022 que nous avons rejeté accentue les risques. Depuis 2017 et jusqu'à la crise sanitaire, le Sénat a rappelé au Gouvernement la nécessité d'assainir les comptes publics tant que la croissance le permettait. Albéric de Montgolfier l'a martelé régulièrement, citant John Fitzgerald Kennedy selon qui le meilleur temps pour réparer sa toiture, c'est quand le soleil brille. Malheureusement, le Sénat n'a pas été entendu. Lorsque la tempête de la covid s'est abattue sur l'économie mondiale, la France disposait de marges budgétaires plus limitées que ses voisins.

Quel bilan tirer de ce quinquennat ? Les chiffres sont dans le rouge cramoisi, avec pour 2021 8,2 % de déficit et une dette à 115 % du PIB. Pour 2022, on prévoit 5 % de déficit et 114 % d'endettement.

Certes, ces derniers mois ont été marqués par une embellie économique et un supplément de recettes fiscales, mais celles-ci sont utilisées pour couvrir des dépenses supplémentaires, d'où 260 milliards d'euros de levées de dettes supplémentaires. À l'inverse, ces gains inattendus de croissance auraient dû être employés à réduire notre endettement.

Le Gouvernement a abandonné l'effort de maîtrise de la dépense publique qu'il avait promis, non seulement avec ce budget de campagne qu'il nous a présenté cette année, mais en réalité depuis 2018 et la crise des gilets jaunes. Indépendamment des mesures d'urgence et de relance, que nous avons soutenues, les dépenses primaires ont augmenté de 60 milliards d'euros par rapport à la loi de programmation des finances publiques présentée en début de quinquennat. Excusez du peu !

Dès la présentation du projet de loi de finances en septembre, les dépenses pilotables, hors urgence et relance, dépassaient de 12 milliards d'euros la loi de finances initiale pour 2021, soit une hausse de 4,1 %. Les collectivités territoriales, elles, ont produit les efforts demandés avec des dépenses annuelles en hausse de 0,9 % en volume.

La réforme avortée des retraites, la non-réduction des emplois publics et des contrats aidés supprimés, puis rétablis, illustrent ce renoncement. La réforme de l'État est au point mort. Vous n'avez pas voulu relancer la décentralisation alors que les Français plébiscitent les actions de proximité des collectivités territoriales.

Contrairement à ce que Bruno Le Maire claironne dans les médias, nous ne pouvons nous estimer satisfaits des comptes publics.

Dans le programme de stabilité présenté par le Gouvernement, la stratégie affichée est ambitieuse avec une croissance annuelle de la dépense primaire de 0,4 % par an de 2022 à 2027. Cet objectif semble peu crédible. En effet, nous n'avons pas d'indications sur les moyens envisagés pour y parvenir. Quel est votre plan, monsieur le ministre ?

Comment croire à votre capacité à réformer l'État après l'abandon des promesses du début de quinquennat ? Et pour ce faire, évitez de contourner les corps intermédiaires comme les assemblées d'élus, le Parlement, les organisations professionnelles et syndicales. Les Français attendent de vous le respect de vos engagements. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Sophie Taillé-Polian .  - Si nous interrogions les Français sur les comptes publics et la réforme de l'État, trois éléments principaux apparaîtraient : une dette qui inquiète, des impôts injustes et des services publics dégradés.

La situation des comptes publics est issue d'une tendance lourde.

Pourquoi la majorité de nos concitoyens pense-t-elle que les impôts sont injustes ? La suppression de la taxe d'habitation pour les 20 % les plus aisés et de l'impôt sur la fortune (ISF), qui restera dans l'histoire, y sont pour beaucoup. De plus, selon l'INSEE, les 10 % les plus modestes paient 16,6 % de leurs revenus en taxes diverses, contre 7,6 % pour les 10 % les plus riches : plus on est riche, moins on contribue à proportion de ses revenus.

La part de ces impôts indirects est en augmentation continue dans le budget de l'État depuis près de 30 ans : 53 % des recettes de l'État en 1995 et 60 % aujourd'hui. Cela interroge.

D'où vient que la dette augmente ? Les dépenses augmentent plus vite que les recettes, mais lesquelles ? Les aides aux entreprises sont passées de 60 milliards en 2006 à 140 milliards d'euros avant la crise sanitaire ! Là encore, cela interroge, alors que l'OCDE indique que la contribution des entreprises au budget de l'État a diminué de 64 % entre 2001 et 2018, avant même la baisse de l'impôt sur les sociétés et des impôts de production. Enfin, n'oublions pas le différentiel d'impôt entre petites et grandes entreprises. La réforme de l'État ne devrait-elle pas commencer par le contrôle de ces aides, afin de veiller à ce qu'elles servent l'intérêt général, qu'il s'agisse de lutter contre le chômage ou d'accélérer la transition écologique. Or, il n'en est rien : il s'agit d'un maquis de 2 000 aides et niches diverses, sans contrôle et ni capacité d'action. Il faut réhabiliter la dépense publique, mais pas celle-là, qui est injuste.

Les petites entreprises, les salariés et les précaires ont besoin d'aide. L'État doit se réarmer pour que chaque euro soit efficace ; la situation actuelle révèle deux poids, deux mesures, puisqu'on contrôle les bénéficiaires du RSA à l'euro près mais qu'on ne vérifie pas ce que les multinationales font de l'argent public. Pendant ce temps, les dividendes augmentent et les suppressions d'emplois se poursuivent ! (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Patrick Kanner applaudit également.)

M. Pascal Savoldelli .  - Les débats relatifs à la réforme de l'État ont pour seule finalité l'assainissement des comptes publics. Jean Rostand écrivait : « Les mauvais effets d'une juste réforme ne condamnent point cette réforme, mais la société. »

L'unique objectif d'équilibre des comptes dévitalise les rapports de la société avec son administration. Depuis 1980, nous endurons les enjeux de modernisation, de démarche qualité, de renouveau du service public avec la circulaire Rocard. En 2007, la Révision générale des politiques publiques (RGPP) confiée à des organismes privés, sans concertation, a marqué l'affaiblissement de l'État au bénéfice du secteur privé. Les méthodes appliquées ont semblé arbitraires ou simplistes. Après la timide modernisation de l'action publique de Hollande, nous assistons maintenant à Action publique 2022.

L'objectif est constant : il s'agit de réaliser des économies, de moderniser, de simplifier et de concrétiser la proximité. Emmanuel Macron prévoyait d'économiser 30 milliards d'euros en 2022. Amélioration de l'information et de l'accueil des usagers, simplification des procédures, développement des échanges électroniques... Comment répondre à ces aspirations sans décentraliser ni favoriser l'esprit d'initiative des agents ?

Tous les libéraux bavardent sur la réduction du nombre de fonctionnaires. De 2007 à 2021, on est passé de 5,26 à 5,57 millions de fonctionnaires, pour 4,3 millions d'habitants de plus. Cette augmentation est donc bien normale.

On ressort les recettes de la RGPP : modernisation et simplification sont associées au tout numérique selon ce Gouvernement. C'est un basculement vers un État plateforme. La définition de Mme de Montchalin est la suivante : « Ce que l'État permettra à d'autres de faire grâce à des relations partenariales ». L'objectif est clair : inventer un service public sans administration, comme l'a dit lui-même Henri Verdier, qui fut directeur interministériel du numérique...

Le Conseil d'État a évoqué « les compétences disruptives pour le service public de l'émergence des plateformes numériques qui le concurrencent directement ».

Le Président de la République veut plateformiser l'État : cela n'est pas étonnant, car il s'agit de transférer les risques aux travailleurs et aux usagers. Le citoyen devient un client, cette réforme sape l'État ; le tout sans bénéfice pour les comptes publics. Ce n'est pas notre vision de la réforme ni notre conception de l'État.

J'ai noté votre inattention, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Michel Canévet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le groupe centriste aurait préféré examiner le volet dépenses du budget 2022. Cela aurait attiré plus de nos collègues...

Nous avons beaucoup parlé de l'évolution du PIB : de 6 %, la prévision passe à presque 7 %, posant la question d'éventuelles cagnottes... Pour le groupe UC, l'argent de la croissance doit d'abord venir réduire le déficit extrêmement important de l'État.

M. Vincent Segouin.  - Abyssal !

M. Michel Canévet.  - Les crédits de la mission « Défense » augmentent de 1,7 milliard d'euros - ce qui est conforme à la loi de programmation militaire, donc légitime ; de même, la mission « Enseignement scolaire » disposera de 1,7 milliard d'euros de plus. Nous souhaitons une revue des dépenses car les résultats au classement PISA sont décevants - sauf en Bretagne, bien sûr !

Troisième augmentation : les engagements financiers de l'État, pour 1,5 milliard d'euros. Nous sommes très nombreux à être préoccupés par l'évolution de l'endettement dans notre pays, qui atteint 115 % du PIB. Les critères de Maastricht fixaient le maximum à 60 % pour la dette et à 3 % pour le déficit. Nous en sommes bien loin !

L'UC préconise d'instituer une règle d'or. On ne peut indéfiniment augmenter la dette ! (M. Vincent Ségouin approuve.)

Colbert, qui nous surveille depuis le plateau, disait à Louis XIV : « Après les emprunts, il faudra les impôts pour les payer. Et si les premiers n'ont point de bornes, les seconds n'en auront pas davantage. »

M. Jean-François Husson.  - Tout à fait !

M. Michel Canévet.  - Messieurs les socio-démocrates, pensez-y. Les démocrates sociaux, eux, pensent qu'il faut en revenir à l'orthodoxie budgétaire en maîtrisant mieux les dépenses.

Nous devons toutefois balayer devant notre porte : les déficits budgétaires atteignaient 138 milliards en 2009 et 148 milliards en 2010.

L'UC salue les efforts de l'administration des finances publiques, avec la contemporéanisation de diverses prestations, le prélèvement à la source et la refonte en cours du réseau du ministère des Finances, qui montre l'exemple en matière de modernisation.

Il faudra accroître les efforts pour lutter contre la fraude fiscale : les CumEx et les CumCum, qui permettent d'échapper à l'imposition des dividendes, doivent être combattus.

Nous devons aussi nous interroger sur les compétences de l'État, qui devrait se replier sur le régalien. Est-ce à l'État d'instituer un pass Culture ou un Pass'Sport dans une France décentralisée ? De telles actions ne relèvent-elles pas plutôt des collectivités territoriales ?

Idem en matière économique. Cet après-midi, lors des questions d'actualité, le Gouvernement a été interpellé sur les difficultés d'une entreprise en Aveyron : la région, compétente en matière économique, devrait aussi être sollicitée.

Soyons le plus mesuré possible pour les crédits d'impôt. Pour les dons aux associations, pourquoi l'État fait-il l'essentiel de l'effort sur décision du contribuable, à savoir 66 % voire 75 % comme pour Notre-Dame ? Un taux de 50 % serait plus logique. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Vanina Paoli-Gagin applaudit également.)

Mme Véronique Guillotin .  - La crise structurelle de notre système de santé, dénoncée depuis longtemps par les élus et soignants, a été aggravée par le Covid. Malgré les réformes successives, une refonte de notre système de soins s'impose.

En 2020, la sécurité sociale a enregistré un déficit de 40 milliards d'euros : le record de 2010 a été battu de 10 milliards.

Le « quoi qu'il en coûte » a été salutaire et il n'est pas question de le remettre en cause mais le déficit sera encore de 35 milliards en 2021.

Élue locale, médecin, j'appelle à prendre la mesure des déséquilibres actuels. Les dépenses d'assurance maladie ne sont pas des dépenses d'investissement mais des dépenses de répartition récurrentes qui doivent être équilibrées. C'est pourquoi la Cades, financée par la CRDS, a été créée pour rembourser la dette sociale. Or, en 2021, pour 1 000 euros dépensés dans la branche maladie, 130 euros sont financés par de nouvelles dettes à la charge des générations futures. Nous ne pouvons nous satisfaire de cette situation.

Les dépenses de santé vont continuer à augmenter. La crise sanitaire s'installe dans la durée et les revalorisations représentent 40 % des dépenses supplémentaires en 2022. Les nouveaux traitements coûtent beaucoup plus cher. Il est impensable dans tous ces domaines de revenir en arrière. Il va donc falloir faire des économies, mais pas sur la qualité des soins.

Nous devons mieux évaluer nos politiques de santé. Cela passe par un PLFSS réformé et, de l'avis général du Sénat, par un recentrage de la sécurité sociale sur ses missions. Le transfert de Santé publique France à l'assurance maladie en 2020 a plombé les comptes de la sécurité sociale, sans compensation de l'État : ce n'est pas normal.

Nous devons aussi lutter contre la fraude et agir pour la suppression des soins redondants, la généralisation du dossier médical partagé et le maintien à domicile.

Les recettes de la sécurité sociale ne peuvent plus reposer exclusivement sur le travail, sinon chaque crise la plongera dans le rouge. Il faut un financement pérenne pour ne pas transmettre une dette colossale aux générations futures.

Nous avons beaucoup entendu parler du projet de « grande sécu » dans la bouche du ministre de la Santé, qui teste sans doute le sujet pour la campagne présidentielle. Cela se traduirait par des cotisations et des frais de gestion en moins pour les ménages, mais 22,4 milliards d'euros, soit 1,5 point de CSG en plus.

Il faut construire un système plus durable. (M. Jean-François Husson applaudit.)

Mme Christine Lavarde .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le rapporteur général a consacré son propos aux comptes publics, j'évoquerai la réforme de l'État.

Souvenons-nous : le Président de la République avait promis de réduire le nombre d'agents publics, de supprimer les grands corps et de dématérialiser les démarches.

La première promesse était celle de supprimer 120 000 emplois publics sur le quinquennat, soit 24 000 chaque année -  10 000 pour l'État et 14 000 pour les collectivités territoriales. En cours de quinquennat, il a troqué cet objectif de suppression contre un objectif de stabilité. Les dépenses de personnel n'ont cessé de croître, tant celles de l'État que celles des collectivités territoriales.

C'est la méthode qui pêche. Émilien Ruiz a écrit sur l'obsession française de réduction du nombre de fonctionnaires : autrefois, on voulait repenser l'action de l'État, aujourd'hui on raisonne budget.

Mais ceux qui pourraient nous aider à repenser l'action de l'État, les hauts fonctionnaires, ont justement été pris en grippe par ce gouvernement. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'État en 2015, écrivait : « L'intérêt général n'est pas un mot creux, mais le ciment de notre société. Les hauts fonctionnaires doivent contribuer à le promouvoir, mais aussi à l'actualiser et à hiérarchiser les actions qui s'y rattachent. Il nous faut mieux conjuguer le court et le long termes et constamment relier l'action immédiate à une vision prospective et stratégique des politiques à conduire. »

Le Sénat a fait connaître son mécontentement quant à la réforme de la haute fonction publique de l'État. Vouloir cette réforme sans s'attaquer aux 483 taxes et cotisations, aux 3 500 pages du code du travail ou aux 400 000 normes, c'est donner un coup d'épée dans l'eau.

Le programme de dématérialisation des démarches administratives du candidat Macron était ambitieux : toutes devaient pouvoir se réaliser en ligne d'ici 2022 ! Il s'agissait de rendre un meilleur service public, tout en réduisant les dépenses de fonctionnement.

Mais sur les 242 démarches concernées, j'ai pu constater par moi-même que 40 n'étaient pas encore dématérialisées. L'Éducation nationale et la justice sont particulièrement en retard.

La plateforme voxusagers.gouv.fr, qui permettait aux usagers de s'exprimer, a disparu. C'est dommage. J'imagine les commentaires sur les deux bugs qui ont lieu cet automne... (M. Jean-François Husson approuve.)

Si notre pays obtient de bons résultats dans le domaine des données ouvertes et des services publics pour les entreprises, ses performances sont inférieures à la moyenne européenne pour les services aux citoyens et médiocres pour le nombre de formulaires préremplis.

Sauf exception, l'opportunité de repenser l'action publique n'a pas été saisie. Faites une demande de carte grise en France et en Finlande et comparez !

Malgré l'existence d'un secrétariat d'État, les compétences restent éparpillées dans l'administration. Il est possible de gagner en efficacité.

La France a été rétrogradée de la neuvième à la douzième place entre 2017 et 2020 en ce qui concerne l'inclusion numérique. Les mesures annoncées sous le gouvernement Fillon ont été abandonnées. Votre Gouvernement a attendu 2018 pour élaborer une stratégie, sans financement dans un premier temps...

Comme l'a dit la secrétaire générale du Secours populaire, « Ce n'est pas avec des ordinateurs que vous réglerez les problèmes des gens. »

Le 18 octobre dernier, plusieurs start-up françaises ont lancé une initiative sur le cloud souverain, contredisant le pessimisme du Président de la République qui n'imaginait pas un cloud souverain d'ici cinq ans. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Isabelle Briquet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) « Figer l'État, c'est supprimer l'espérance, c'est supprimer l'action. » Ces propos de Jaurès illustrent la nécessité de préserver les moyens des politiques publiques.

Réformer prend du temps. Nous constatons les conséquences néfastes de réformes brutales envisagées dans le seul but de réduire les coûts, comme la RGPP. Opérant des réductions massives d'emploi, elle n'a pas empêché la dépense publique de continuer à augmenter.

Bien sûr, les services publics doivent s'adapter pour répondre aux besoins de la population. Grâce à l'informatique, les démarches en ligne et la dématérialisation simplifient la vie des usagers. L'évolution est souhaitable, mais elle nécessite aussi des moyens humains et ces outils doivent rester au service des citoyens.

En zone rurale, le développement des maisons France services (MFS) peine à répondre aux besoins. L'accompagnement humain n'est pas à la mesure des enjeux. Attention à ce que les écrans ne deviennent pas autant de barrières numériques.

Réformer pour réformer n'a pas de sens en soi : la mère de toutes les réformes, c'est d'assurer l'équité territoriale et la cohésion nationale. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques .  - Je vous remercie pour vos interventions. Veuillez excuser Olivier Dussopt, en déplacement.

Ce Gouvernement est toujours resté fidèle au principe de sérieux budgétaire qui guide son action. C'est ce qui nous a permis de faire face à la crise. Nous avions ramené le déficit à 2,3 % en 2018, grâce à la maîtrise des dépenses publiques qui n'avaient augmenté que de 0,2 % en volume et baissé de 1,5 point de PIB. Cela nous a permis de baisser les impôts des ménages et des entreprises : le taux de prélèvements obligatoires a atteint un niveau inédit depuis vingt ans.

Ces bons résultats nous ont permis de soutenir massivement l'économie durant la crise et expliquent notre rebond. En 2022, la France aura, avec 6,25 %, la deuxième croissance la plus élevée de l'Europe. En 2021, elle a eu la croissance la plus élevée du continent. Les perspectives s'améliorent. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Notre action ciblée sur les entreprises et les ménages porte ses fruits : l'économie repart. La croissance réduit mécaniquement le déficit et la dette rapportés au PIB - n'est-ce pas, monsieur Savoldelli ?

M. Pascal Savoldelli.  - Je bois vos paroles !

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Non, vous bavardez. Le respect, c'est bilatéral...

Le déficit pour 2021 sera cohérent avec notre objectif de 5 % du PIB. Au printemps dernier, nous envisagions une dette publique à 117 % du PIB en 2021 et 116,3 % en 2022 ; ce sera 115,3 % en 2021 et 113,5 % en 2022.

Cette année 2021 est aussi celle de la normalisation : nous avons annulé les excédents de crédits mobilisés par la réserve de précaution (Mme Christine Lavarde proteste) ainsi que 2 milliards d'euros de la mission « Plan de relance ». C'est bel et bien la fin du « quoi qu'il en coûte ».

L'exécution des dépenses sera conforme aux prévisions de la loi de finances initiale pour 2021, hors indemnité inflation et pertes de recettes liées à la crise sanitaire.

La maîtrise des comptes passe aussi par des outils rénovés. Vous avez trouvé un accord avec les députés sur la proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques de MM. Woerth et Saint-Martin, pour améliorer l'encadrement pluriannuel des dépenses publiques.

Sur la réforme de l'État, il s'agit de dessiner une vision d'ensemble de l'action publique, d'où la création, il y a un an et demi, d'un ministère de plein exercice de la transformation publique, confié à Amélie de Montchalin. Nous devons construire l'État de demain avec une action publique plus proche, plus simple et plus efficace.

L'État n'est pas une machine bureaucratique qui tourne sur elle-même. Nous avons mis en place un pilotage par l'impact et les résultats, ce qui permet à Mme Lavarde de nous juger sur pièces. (Sourires) Nous avons également accru la transparence grâce au baromètre des résultats en ligne. Cette transformation va au-delà d'une RGPP comptable.

Nous avons également réformé l'État territorial. Le préfet y occupe une place centrale : il est le pilote d'une action interministérielle unifiée et cohérente. Pour la première fois, une feuille de route interministérielle, signée par le Premier ministre, a été adressée à chaque préfet. En contrepartie, nous réarmons l'État territorial, avec plus de compétences et de marges de manoeuvre. Nous avons mis fin à douze années d'appauvrissement des services déconcentrés. Ainsi le préfet peut déroger à une norme nationale : c'est une révolution. L'action publique devient plus ouverte et bienveillante, plus proche des préoccupations locales.

In fine, la réforme de la fonction publique rebat les cartes : formations, carrières et métiers seront rénovés. Les hauts fonctionnaires commenceront par une expérience opérationnelle dans les territoires avant de rejoindre l'administration centrale. Cette réforme ambitieuse contribuera à la transformation de l'action publique, au bénéfice de tous.

Mme Isabelle Briquet .  - Si la présence de l'État en zone rurale est essentielle, sa mise en oeuvre pose question. Les 1745 MFS permettent un accès aux services publics - trésorerie, caisse d'allocations familiales, caisse locale d'assurance maladie -, mais elles sont portées aux deux tiers par les collectivités territoriales et d'autres acteurs comme La Poste : seules 5 % le sont par l'État, alors que le Gouvernement entendait couvrir tous les cantons en 2022. Le compte n'y est pas : seules 34 sous-préfectures sont labellisées ou en cours, sur les 100 prévues. En outre, la dotation de fonctionnement de 30 000 euros est insuffisante pour l'emploi de deux permanents.

Quand l'État se donnera-t-il les moyens de répondre aux enjeux des services publics dans les territoires ruraux ?

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Nous assumons que les MFS soient opérées en collaboration avec les collectivités territoriales et portées par elles. On ne peut pas nous reprocher d'être insuffisamment décentralisateurs tout en déplorant que les services publics de proximité ne soient pas portés par l'État.

L'effort de financement est important, mais aussi en outillage, en formation, en organisation des services publics. L'État agit dans ce domaine, mais il nous semble logique que la majorité des MFS soient portées par les collectivités territoriales. Cela renvoie d'ailleurs à d'autres politiques, comme les conseillers numériques ou le déploiement de la fibre, financées par l'État mais opérées par les collectivités territoriales.

M. Jean-François Husson.  - (Frottant son pouce sur son index et son majeur) C'est le financement le problème !

Mme Isabelle Briquet.  - L'État s'était engagé, notamment sur les sous-préfectures et l'accompagnement financier. (M. Jean-François Husson renchérit.) Les 30 000 euros n'y suffisent pas, ce ne sont même pas deux ETP. Le sentiment d'abandon gagne du terrain. Il y va de la cohésion nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Pierre-Jean Verzelen .  - Qui détient la dette française ? Depuis dix ans, la France emprunte sur les marchés et plus de 70 % de la dette est détenue par des non-résidents, même si, depuis le début de la crise, l'action de la Banque centrale européenne (BCE) a fait passer cette part à 50 %. Au Japon, au Royaume-Uni et aux États-Unis, la majeure partie de la dette nationale est détenue par des nationaux. Quelle est la stratégie du Gouvernement ?

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Il est vrai qu'il y a quelques années, la dette française n'était détenue qu'à hauteur de 30 % par des résidents français ; nous sommes passés à 50 %. Désormais, un quart est détenu par des investisseurs étrangers de la zone euro, un quart hors zone euro, un quart par des investisseurs français et un dernier quart par la Banque de France.

Japonais et Américains ont une retraite par capitalisation, ce qui explique l'importance des financements nationaux. Notre choix collectif est différent.

M. Jean-François Husson.  - C'est l'échec de la réforme des retraites !

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Il faut certes développer la détention de notre dette par des investisseurs français, en prenant garde toutefois à l'effet sur les taux d'intérêt, comme le montre l'exemple italien. In fine, le seul pouvoir que détient un investisseur étranger est le droit de demander le remboursement de son titre.

La question de l'influence éventuelle de détenteurs étrangers, c'est celle de la dynamique de la dette - d'où la nécessité de réduire le déficit public.

M. Vincent Segouin .  - Les prélèvements obligatoires sont à 43,5 % du PIB, la dépense publique à 55 %. L'écart est financé par la dette, qui atteint 114,5 % du PIB ; son service est le troisième budget de l'État, avec des intérêts très faibles. Jusqu'à quel niveau de dette pouvons-nous aller ?

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Impossible de répondre à cette question qui fait l'objet de beaucoup de débats entre les macro-économistes. Au Japon, la dette représente bien plus, 200 % du PIB, sans que sa soutenabilité soit remise en cause !

La question de la soutenabilité de la dette est loin d'être évidente, surtout en prenant en compte l'impact de la Banque centrale européenne ou la puissance économique des États-Unis.

Compte tenu de l'évolution des marchés financiers, la dynamique est sans doute plus importante que le stock, c'est pourquoi il est crucial, post-crise, de revenir à une dynamique de réduction de la dette, comme au début du quinquennat.

Je concède que nous n'avons pas totalement tenu nos prévisions... Pas plus que le président Sarkozy en son temps.

Je n'ai pas de réponse à votre question : je laisse les économistes en débattre. Ce qui est certain, c'est qu'il faut réduire la dette.

M. Vincent Segouin.  - La comparaison avec le Japon ou les États-Unis ne tient pas : 100 % de la dette japonaise est détenue par les Japonais, la dette américaine est libellée en dollars. Nous, dans la zone euro, devons être comparés à l'Allemagne - dont la dette s'élève à 68 % de son PIB. Nous allons nous voir dicter notre conduite : l'Allemagne nous recommande ainsi de réformer nos retraites.

Bruno Le Maire disait en 2017 : la France est droguée à la dépense publique. Il n'est pas là ce soir car il a dû faire une overdose. (Rires sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Paul Toussaint Parigi .  - La France connaît une augmentation des inégalités. En quinze ans, le nombre de nos concitoyens en grande précarité a augmenté de 7 % et dépasse les 5 millions.

À l'heure où l'État envisage de se réformer pour réduire le déficit public, où les entreprises du CAC 40 versent 50 milliards d'euros de dividendes tout en licenciant des milliers de travailleurs, il est temps de faire la transparence sur les aides attribuées sans contrepartie aux entreprises dans le contexte de crise sanitaire.

Votre Gouvernement justifie ses réformes par la nécessité de réduire le déficit, en ciblant toujours les plus fragiles, qu'il s'agisse de l'assurance chômage ou des retraites. Mais prévoit-il de réformer le maquis fiscal des aides aux entreprises ?

Le quoi qu'il en coûte sera-t-il à terme payé par les plus modestes ?

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - La seule justification de la politique économique du Gouvernement, c'est la croissance. Au Parti socialiste, j'ai participé à des exégèses sans fin sur la politique de l'offre et de la demande. Finalement, je pense comme Deng Xiaoping, peu importe qu'un chat soit blanc ou noir, l'important, c'est qu'il attrape des souris.

Après cinq ans de macronisme, la France a le plus fort taux de croissance de la zone euro, le taux de chômage le plus bas depuis les années 80.

M. Thierry Cozic.  - Grâce aux efforts réalisés entre 2012 et 2017 !

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - En matière d'innovation, la France est passée du dix-huitième au onzième rang entre 2016 et 2021.

M. Jean-François Husson.  - Et le déficit commercial ?

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Tout le reste est littérature. Seul compte le résultat.

M. Jean-François Husson.  - Vous êtes le Vasarely de la finance !

Mme Marie-Claude Varaillas .  - Emblème de la simplification des démarches administratives, le plan Préfectures nouvelle génération (PPNG) révèle les intentions de l'État : le tout numérique, guidé par la logique comptable, au détriment de la qualité du service aux usagers.

Les services Titres sont remplacés par les centres d'expertise et de ressources des titres (CERT) qui mettent en oeuvre, non sans mal, la dématérialisation des 24 millions de titres : cartes grises, passeports, permis... Il faudrait 350 ETP supplémentaires, car seulement 71 % des appels sont traités. Les contractuels remplacent les fonctionnaires.

Les points de contact, qui subsistent heureusement, montrent que les téléprocédures ne sont pas adaptées pour les plus fragiles.

Cette déshumanisation des rapports entre État et citoyens engendre un surcoût de 15 millions d'euros par an pour l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) et de 40 millions pour les outils informatiques, alors que vous avez supprimé mille postes.

Les dysfonctionnements sont tels que les sites de ministères renvoient vers les offres d'entreprises privées.

La Cimade m'apprend qu'en Dordogne, aucun créneau de délivrance de carte de résident n'a été disponible entre avril 2020 et septembre 2021.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Le PPNG est un exemple d'erreur qui a été corrigée. L'ensemble des majorités précédentes a commis l'erreur de croire que la numérisation était un déterminisme et que tout le monde s'y convertirait.

Oui, nous avions promis le 100 % dématérialisation ; la vérité, c'est que nous avons ralenti, considérablement. Les problèmes rencontrés par l'ANTS nous ont obligés à traiter la qualité avant la quantité.

La numérisation va dans le sens de l'histoire, mais doit être accompagnée. Nous avons réinjecté de l'humain avec les conseillers numériques. Nous sommes passés à une approche partant du point de vue des usagers, avec à la clé une réduction des délais et une satisfaction accrue des usagers.

Sommes-nous au bout de cette démarche ? Non. Mais il y a eu une transformation dans notre approche.

M. Vincent Capo-Canellas .  - Je profite de ce débat qui nous permet d'échapper aux contraintes du court terme. Pourquoi ne sommes-nous pas capables de créer de l'adhésion autour de la maîtrise de nos dépenses et de la compétitivité de nos entreprises, dont l'insuffisance est à la source du déficit de notre balance extérieure ? Pendant du déficit budgétaire, il reste trop peu évoqué et connu.

Ce sont pourtant les deux faces de l'endettement à la française. Le déficit budgétaire entraîne un déficit extérieur, financé par des capitaux extérieurs, qui entraînent à leur tour la perte de contrôle de notre tissu productif.

En réalité, 40 % de la dépense publique est financée par la dette. Ce sont 155 milliards d'euros. Dans la communication financière, nous avons pris l'habitude de parler en pourcentage du PIB, mais cela crée une forme d'indifférence.

Idem sur le solde du commerce extérieur, structurellement déficitaire, qui montre que les entreprises étrangères rachètent le patrimoine national. Monsieur le ministre, quand allons-nous enfin dire les vrais chiffres aux Français ?

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Vous avez raison : peut-être les milliards parlent-ils plus que les pourcentages. Un déficit public à 8,2 % en 2021, c'est 200 milliards ; 5 % en 2022, c'est 130 milliards. Il suffit de faire un produit en croix.

Je crois toutefois que ces sommes ne parlent plus à personne après la crise. La réduction de la dette est une question de bon sens, non de sémantique. Elle doit s'accompagner d'un exercice de pédagogie.

Mais si l'on parle de réduction des déficits, il faut dire où l'on propose de couper dans les dépenses. Je ne sais toujours pas si la Haute Assemblée s'est accordée sur ce point...

M. Bernard Fialaire .  - Je regrette à nouveau que nous n'ayons pas débattu de tout le projet de loi de finances, ce qui ne grandit pas l'image de notre assemblée.

La dette est un enjeu majeur. Paradoxalement, son volume augmente mais sa charge diminue. Mais à qui emprunte-t-on ? De qui dépendons-nous ?

Vous comptez sur la relance pour le remboursement. Les collectivités territoriales peuvent y participer par leurs investissements, en finançant des infrastructures qui favoriseront le développement économique. Il faut pour cela une réforme culturelle de l'État : les services de l'État doivent aider et non plus bloquer les élus qui portent des projets !

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Je vous rejoins : dans la dynamique de réforme des institutions, la répartition des compétences entre État et collectivités territoriales est centrale. Leur action conjointe permet de déployer des politiques publiques - je citerai à nouveau l'exemple de la fibre.

Nous ne sommes pas guidés par l'idéologie mais par l'efficacité. Ainsi, le projet de loi 3DS fait progresser la décentralisation de la gestion des routes notamment, alors qu'on recentralise le RSA, avec l'accord des collectivités concernées. Il n'y a pas de tendance à sens unique, il s'agit d'adapter.

L'efficacité de l'État central est une question importante, notamment dans sa capacité à agir en partenariat avec les collectivités territoriales. Il faut laisser plus de latitude au terrain et agir moins par la norme et plus par la délégation.

Prochaine séance, mardi 7 décembre 2021, à 14 h 30.

La séance levée à 23 h 5.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mardi 7 décembre 2021

Séance publique

À 14 h 30 et le soir

1. Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi portant mesures d'urgence pour assurer la régulation de l'accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires (texte de la commission, n°253, 2021-2022)

2. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, interdisant les pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne (texte de la commission, n°239, 2021-2022)