Reconnaissance d'un État palestinien aux côtés d'Israël

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution invitant le Gouvernement à relancer une initiative internationale multilatérale visant à la concrétisation d'une solution à deux États et à la reconnaissance d'un État palestinien par la communauté internationale, aux côtés d'Israël pour une paix juste et durable entre les peuples, à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Discussion générale

M. Pierre Laurent, auteur de la proposition de résolution .  - Cette proposition de résolution a un objet simple : inviter le Gouvernement français, qui présidera l'Union européenne le semestre prochain, à susciter une initiative multilatérale pour aboutir vite à une solution à deux États.

Sans cela, la violence de la colonisation perdurera et toute paix demeurera impossible pour les Palestiniens comme pour les Israéliens. La révolte des Palestiniens l'année dernière a envoyé un message au monde entier : la conscience palestinienne est toujours là.

La France est la mieux placée pour cette initiative après le discrédit du prétendu « deal du siècle » de Donald Trump. Le Parlement français a voté fin 2014 la reconnaissance de l'État palestinien, puis notre pays a été à l'initiative d'une réunion regroupant 70 pays en janvier 2017 pour relancer un processus de règlement politique.

Qui a brisé ce nouvel espoir ? Donald Trump, élu quelques jours après. Au mépris de deux résolutions des Nations unies et de l'accord d'armistice de 1949, il reconnaissait Jérusalem comme capitale, fermait la représentation de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) à Washington et divisait par deux la cotisation à l'office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés palestiniens au Proche-Orient, l'Unrwa.

Le « deal du siècle » autoproclamé était une caricature qui privait les Palestiniens de 70 % du territoire qui leur avait été reconnu en 1967 et d'une future capitale ; il foulait au pied le droit international en refusant le droit au retour.

S'il a plus que jamais mené les négociations dans l'impasse, cet accord a aussi conduit la France à un attentisme coupable. Il faut en sortir, il deviendra sinon une complicité de fait.

Joe Biden élu, le plan Trump n'est plus la feuille de route de l'administration américaine, mais celle-ci ne prendra aucune initiative majeure.

La France est attendue. Nous ne pouvons détourner le regard. Sur place, la situation est plus dramatique que jamais. La page Netanayahou tournée, Naftali Bennett n'en poursuit pas moins la colonisation, qui repart plus fort que jamais.

La violence, les expulsions, les déplacements forcés redoublent. C'est un instrument pour accaparer plus de terres. La distance est très limitée entre colons et soldats - devenus les gardes du corps de colons qui violent la loi.

Qu'est devenue la promesse de Ben Gourion le 14 mai 1948 : « Israël assurera une complète égalité à tous ses citoyens » ?

Qu'est devenue l'analyse de Yitzhak Rabin, selon laquelle la violence n'est pas la voix d'Israël, mais sape les bases de la démocratie israélienne et doit être condamnée ? Rabin voulait voir en l'OLP un partenaire de paix.

Mais Naftali Bennett poursuit le plan de développement routier de Netanyahou qui quadrille, scinde les territoires palestiniens et fait des colonies des banlieues.

Cela hypothèque gravement l'avenir d'Israël. Les colonies ne sont pas viables économiquement. Que veut devenir Israël demain ? Un régime d'apartheid ?

Lors du débat organisé au Sénat à notre initiative l'an dernier, l'ensemble des groupes et le Gouvernement évoquaient « un tournant historique ».

Il est temps de reprendre le chemin de l'action, sinon les paroles resteront vides de sens. Cette proposition de résolution est un encouragement : c'est l'inaction qui construit chaque jour le chemin indigne vers un point de non-retour.

Nous sommes tous attachés à la solution à deux États.

Il faut agir dans ce sens. Après 395 résolutions des Nations unies, le Sénat s'honorerait en votant unanimement cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur plusieurs travées du groupe SER et du GEST ; Mme Esther Benbassa et M. Alain Duffourg applaudissent également.)

M. Olivier Cadic .  - Mes premiers mots sont destinés à la famille de Catherine Fournier. Notre collègue va beaucoup nous manquer.

Le week-end dernier, j'ai eu le privilège d'accompagner le Président de la République au Qatar, aux Émirats Arabes Unis et en Arabie Saoudite. Les résultats économiques sont spectaculaires, comme les progrès pour la lutte contre le terrorisme. (M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre, approuve.)

Avec le Président de la République, c'est à nouveau une France qui gagne et qui retrouve un statut sur la scène internationale. (M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre, approuve.)

Alors que le parti communiste chinois viole les droits de l'Homme de façon industrielle, que 1 million de Ouïghours sont soumis au travail forcé et aux stérilisations de masse, le groupe CRCE préfère nous faire débattre à la hâte du conflit israélo-palestinien.

Nous sommes à une date anniversaire. L'année 1991 fut marquée par la démission du président de l'URSS, Gorbatchev, mais aussi par le début d'une nouvelle ère : une négociation entre Israël et ses voisins pour la paix, discussions qui se poursuivirent à Madrid, à Oslo, et finirent par la poignée de mains historique de Camp David.

La déclaration contenait un accord civil pour permettre aux Palestiniens de gérer les affaires de façon autonome à Gaza et en Cisjordanie. L'autorité palestinienne devait devenir un État. Mais la violence de la seconde intifada l'a empêché. Le conflit s'est radicalisé.

Le 1er décembre dernier, l'Assemblée générale des Nation Unies a invité Palestiniens et Israéliens à des pourparlers de paix pour arriver à une solution à deux États, souhaitée par une majorité de pays.

Mais les conditions du dialogue entre les deux parties ne sont pas réunies. Plusieurs paramètres sont indispensables : des frontières fondées sur celles de 1967, la sécurité des deux États, une solution juste au problème des réfugiés, Jérusalem comme capitale des deux États.

Notre groupe ne considère pas cette proposition de résolution comme l'outil le plus pertinent pour faire avancer la paix. En faisant porter la responsabilité sur Israël, elle est partiale. (Marques d'approbation à droite)

Nous l'avions déjà dit aux socialistes en 2014 lors de la discussion d'une autre résolution.

Mme Laurence Cohen.  - Il est urgent d'attendre !

M. Olivier Cadic.  - La reconnaissance de la Palestine par 135 États dans le monde n'a rien réglé.

L'inscription tardive de cette proposition de résolution dans un ordre du jour réservé, à quelques mois de l'élection présidentielle, est une instrumentalisation des malheurs d'un peuple. (Protestations sur les travées du groupe CRCE)

Mme Laurence Cohen.  - N'importe quoi... (M. Pascal Savoldelli renchérit.)

M. Olivier Cadic.  - La majorité du groupe UC votera contre cette proposition de résolution ; pour ma part, je ne prendrai pas part au vote. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Bruno Belin applaudit également.)

M. Jean-Claude Requier .  - Le conflit israélo-palestinien semble sans fin. Relancer cette question ici, c'est poser la question suivante : la solution à deux États - souhaitable - est-elle viable ?

Les efforts diplomatiques de trente ans ont échoué. Pourquoi ?

D'une part, la Palestine souffre d'un déficit démocratique, avec des élections législatives qui remontent à 2006. Il est difficile de trouver un interlocuteur. D'autre part, la colonisation réduit les terres dont disposerait un potentiel État palestinien. Comment, dans ces conditions, tracer des frontières ? Que faire des villes mixtes ? Cela témoigne de la complexité du sujet et nous incite à rationaliser le débat. Il n'y a pas d'un côté les bons et de l'autre les mauvais.

Le RDSE s'abstiendra.

Mme Esther Benbassa .  - Le 29 novembre, lors de la journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien, le Secrétaire général des Nations unies António Guterres a averti que la colonisation mettait en péril la solution à deux États. Il n'y a qu'à regarder la carte géographique, véritable gruyère, pour s'en rendre compte.

Tant que les Palestiniens subiront la colonisation et le blocus de Gaza, il n'y aura pas de paix. Les violences s'intensifient et le silence de l'Europe est assourdissant. On s'accoutume, et rien ne change.

Donald Trump a reconnu Jérusalem comme capitale d'Israël, ce qui a donné le coup de grâce à la solution à deux États. Pendant ce temps, que fait la France ? Rien. Depuis la proposition de résolution du Sénat en 2014, elle s'en tient à une position d'observatrice, elle est passive.

L'absence d'élections en Palestine, une autorité palestinienne vieillissante, un Hamas omniprésent à Gaza... Tout cela n'arrange rien

La présidence française de l'Union européenne est une opportunité pour placer la question à l'agenda européen.

Il est possible que la solution soit un État binational, qui est sans doute aussi utopique. Je voterai évidemment ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et du GEST ; M. Alain Duffourg applaudit également.)

M. Gilbert Roger .  - Il y a six ans, avec émotion, je défendais à cette tribune une proposition de résolution appelant à la reconnaissance de l'État de Palestine.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué.  - Je m'en souviens.

M. Gilbert Roger.  - Aujourd'hui, le processus de paix est au point mort. La France, désormais seul État de l'Union européenne membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, doit agir en faveur de la solution à deux États, avec une double exigence : garantir à Israël la sécurité et à la Palestine la justice.

Depuis la conférence internationale accueillie par la France le 15 janvier 2017, les incertitudes se sont accumulées.

En février 2017, la Knesset a légalisé la colonisation sauvage, au mépris de la résolution 2334 des Nations unies. Puis, en juillet 2018, elle a adopté une loi fondamentale faisant d'Israël l'État-nation du peuple juif, avec l'hébreu pour seule langue officielle ; les discriminations envers les Arabes israéliens sont institutionnalisées.

L'annexion de 30 % de la Cisjordanie ne laisse aux Palestiniens que des cantons discontinus, dépourvus de toute souveraineté.

Qui mieux que la France peut agir ? Président du groupe interparlementaire d'amitié France-Palestine, j'appelle solennellement le Gouvernement français à reconnaître l'État de Palestine, en conformité avec le droit international.

Le droit à l'autodétermination est inaliénable ; le peuple palestinien est donc fondé à se doter d'un État. L'existence d'un tel État serait aussi une garantie de paix et de sécurité pour Israël.

Pas un jour ne passe sans que des Palestiniens n'aient à subir des attaques perpétrées par des colons. L'ONG israélienne B'Tselem a recensé 450 attaques menées en Cisjordanie sans intervention de l'armée israélienne.

Au moins 675 000 Israéliens habitent déjà les colonies de Jérusalem Est, et plus de 3 millions vivent en Cisjordanie occupée. À la fin d'octobre, le Gouvernement israélien a annoncé la construction de 1 350 logements supplémentaires en Cisjordanie, en plus des 2 000 déjà annoncés en août. Allez-vous laisser faire ?

La résolution de l'ONU du 23 décembre 2016, adoptée sans veto américain, affirme que l'arrêt de la colonisation est une condition nécessaire à la paix.

Je viens de me rendre à Washington pour l'Assemblée parlementaire de l'OTAN. Les diplomates américains avec lesquels je me suis entretenu ont tous marqué leur attachement à la solution à deux États.

De fait, c'est la seule possible pour qu'Israéliens et Palestiniens vivent à égalité de droits et de devoirs. Je m'oppose absolument à l'éventualité d'un État unitaire, un mythe qui n'a aucune chance de se réaliser.

Si la solution à deux États n'a pas abouti, ce n'est pas qu'elle n'est pas la bonne : c'est que nous avons échoué, jusqu'à présent, à la mettre en oeuvre quoi qu'il en coûte.

Alors que des millions de Palestiniens sont soumis à un régime militaire étranger, privés de leurs droits fondamentaux, la reconnaissance de la Palestine est la condition sine qua non d'une paix durable ; elle doit être un préalable à l'organisation de toute conférence internationale.

Le Gouvernement français doit agir maintenant pour relancer une initiative multilatérale. Je soutiens pleinement cette résolution, que le groupe SER votera. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE et du GEST)

Mme Nicole Duranton .  - La situation sécuritaire à Gaza reste instable, marquée par des incidents récurrents. L'annonce par Israël de la construction de nouveaux logements en Cisjordanie alimente les tensions.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué.  - Hélas !

Mme Nicole Duranton.  - Cette proposition de résolution invite le Gouvernement à agir pour une solution à deux États et la reconnaissance d'un État palestinien à la faveur de la présidence française de l'Union européenne. Ses auteurs dénoncent une aggravation des atteintes aux droits des Palestiniens et soulignent qu'Israël a fait l'objet de multiples condamnations internationales.

Trois principes sont essentiels au règlement du conflit : le respect du droit international et des résolutions de l'ONU ; l'établissement de deux États indépendants, viables et démocratiques, ayant Jérusalem pour capitale, sur la base des frontières de 1967 ; la négociation directe entre Israéliens et Palestiniens, sans décisions unilatérales.

Le RDPI soutient la position constante du Président de la République et du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, qui appellent les parties à reprendre les négociations de bonne foi.

Nous combattons sans ambiguïté les tirs de roquette depuis la bande de Gaza : notre engagement pour la sécurité d'Israël est indéfectible. Mais la colonisation dans les territoires occupés est illégale.

Un statu quo historique prévaut sur l'Esplanade des mosquées. Une annexion des lieux saints ne serait dans l'intérêt de personne.

La France agit fortement au plan humanitaire. En 2020, elle a soutenu les Palestiniens à hauteur de 2,2 millions d'euros via diverses ONG, sans compter les 3 millions d'euros versés par l'Agence française de développement pour lutter contre la pandémie. Nous finançons aussi les activités du Comité international de la Croix-Rouge dans ces territoires et soutenons le budget de l'Autorité palestinienne à hauteur de 16 millions d'euros.

Nous partageons la position récemment exprimée par M. Le Drian devant notre commission des affaires étrangères : pour qu'une paix durable au Proche-Orient soit possible, les acteurs doivent rétablir la confiance. De ce point de vue, nous constatons à regret des reculs.

Israël doit cesser la colonisation illégale à petits pas, qui alimente les tensions. Côté palestinien, la fixation d'un calendrier électoral pourrait être un facteur stabilisant. Israël devra garantir la tenue des élections à Jérusalem Est.

La situation sur place est inflammable et le cessez-le-feu de mai dernier demeure précaire. Il serait maladroit de nous immiscer dans des équilibres qui restent fragiles. Cette proposition de résolution pourrait même s'avérer contre-productive.

Le RDPI s'abstiendra donc.

M. Daniel Chasseing .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Cette proposition de résolution nous rappelle que le conflit israélo-palestinien n'est toujours pas réglé et continue de faire de trop nombreuses victimes.

Après la Seconde Guerre mondiale, les Britanniques se sont dessaisis de leur mandat au profit de l'ONU, dont le plan de partage, approuvé par les Israéliens, a été rejeté par les Palestiniens. Le conflit qui dure depuis lors ne sera durablement résolu que par un accord politique et le respect mutuel des deux peuples.

La coexistence de deux États est la seule solution conforme au droit international. Le 29 novembre dernier, à l'occasion du 74e anniversaire du plan de partage, António Guterres a dénoncé les violations des droits des Palestiniens et l'expansion de la colonisation israélienne. Ces déclarations ont été défavorablement accueillies par Israël, qui continue de subir les attaques du Hamas.

La situation actuelle signe l'échec de la communauté internationale. L'ONU n'est pas parvenue à apporter la paix et chaque acteur poursuit ses intérêts immédiats.

Le plan Trump a été annoncé au mépris des résolutions de l'ONU. Le multilatéralisme s'en est trouvé affaibli.

La sanctuarisation de deux États est la seule solution qui respecte le droit des peuples et puisse aboutir à une paix durable.

La diplomatie française n'a jamais cessé d'oeuvrer en faveur de cette solution. Il y a quelques jours, à l'occasion de la visite du Président de la République aux Émirats arabes unis, les deux pays ont publié un communiqué commun en ce sens.

Le groupe INDEP soutient les décisions de l'ONU, mais il n'est pas possible de les imposer. Nous ne voterons pas la proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Mme Isabelle Raimond-Pavero .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le groupe CRCE invite le Gouvernement à s'engager en faveur d'une initiative internationale visant à concrétiser la solution des deux États.

Est-il besoin de rappeler la position constante de la France ? Notre pays est favorable à la coexistence de deux États selon les frontières du 4 juin 1967.

En 2014 déjà, Gilbert Roger avait déposé une proposition de résolution. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, nous avait mis en garde contre les reconnaissances de papier. Nous avions voté contre la proposition de résolution, et nous avons eu raison.

Une reconnaissance unilatérale ne règle rien. La paix ne peut passer que par une reconnaissance mutuelle.

La donne géopolitique a changé avec les accords d'Abraham. Israël a été reconnu par le Qatar, le Maroc, Bahreïn et le Soudan. Mais la crise de mai dernier dans la bande de Gaza illustre les difficultés de l'exercice.

L'Autorité palestinienne traverse une crise de légitimité. Quant au nouveau gouvernement israélien, il ne s'engage pas clairement à rouvrir des négociations.

Oui, la présidence française de l'Union européenne doit être l'occasion de mobiliser nos partenaires en faveur de la reprise du dialogue. Mais ce texte n'apporte rien de nouveau par rapport à l'action de notre diplomatie.

Alors que la question israélo-palestinienne peut sembler reléguée au second plan par les problèmes iranien, syrien et libyen, que l'attitude des États-Unis laisse les acteurs dubitatifs, la France, amie des Israéliens comme des Palestiniens, ne doit pas prendre fait et cause pour l'une des parties.

Mme Valérie Boyer.  - Très bien !

Mme Isabelle Raimond-Pavero.  - Ne compromettons pas l'équilibre de la diplomatie française, au risque d'enfermer Israël dans une relation exclusive avec les États-Unis. Notre porte doit rester ouverte à tous les partenaires. (Mme Nicole Duranton opine.)

Le groupe Les Républicains est fidèle à la politique d'équilibre de la France héritée du Général de Gaulle. Seule la reconnaissance mutuelle de deux États garantira une paix complète et durable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Raymonde Poncet Monge .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Le dossier israélo-palestinien n'évolue plus, laissant la place à l'engrenage des violences : la colonisation s'étend et la guerre de Gaza, la quatrième depuis le début du blocus, n'a été suivie d'aucune reprise des pourparlers.

Les besoins fondamentaux de la population palestinienne ne sont pas satisfaits. Israël ne remplit pas ses obligations et entrave même le travail des ONG. La récente catégorisation de six ONG palestiniennes comme organisations terroristes marque une étape supplémentaire de la répression, alors que 48 % de la population palestinienne ne survit que grâce à l'aide humanitaire - à Gaza, c'est 80 %.

Les condamnations ne suffisent pas. Il faut une solution politique pour sortir de l'impasse.

La France est à l'origine de l'une des dernières initiatives, en 2017 : 70 pays avaient réitéré leur engagement en faveur d'une solution à deux États. Mais l'élection de Trump a stoppé cette dynamique et encouragé la colonisation.

En octobre, les agressions se sont multipliées, lors de la récolte des olives : 1 300 arbres ont été arrachés par des colons. Des terres sont usurpées, des populations dispersées.

Aujourd'hui, la population palestinienne s'engage pour la défense de ses droits civiques et contre les actes de violence des colons.

Oui, la France doit saisir l'opportunité de la présidence française de l'Union européenne pour relancer une initiative multilatérale ! Nous voterons la proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe CRCE ; Mme Esther Benbassa et M. Alain Duffourg applaudissent également.)

présidence de Mme Laurence Rossignol, vice-présidente

Mme Michelle Gréaume .  - Le conflit israélo-palestinien est à un tournant historique. Une solution à deux États est la seule chance d'aboutir à une paix juste et durable ; elle serait bénéfique aussi pour les Israéliens.

Il faut rendre aux Palestiniens leur dignité. Le coût pour eux de la colonisation israélienne a été évalué par l'ONU à 58 milliards de dollars, sans compter les taxes douanières illégalement perçues par Israël.

Quelque 48 % des Palestiniens - et 80 % des Gazaouis  - survivent grâce à l'aide alimentaire. Au total, 900 000 Palestiniens ont un accès limité à l'eau et aux autres services de base.

Yasser Arafat le disait clairement : les Palestiniens rejettent le terrorisme sous toutes ses formes, y compris le terrorisme d'État. Alors que 70 % des Palestiniens ont moins de 30 ans, comment penser que les violences subies n'alimentent pas les tirs de roquettes ? Mettre un terme à ces violences permettrait d'assécher le vivier de recrutement du Hamas.

Comment comprendre que la Knesset affirme le caractère juif de l'État d'Israël tout en encourageant la colonisation et les annexions de territoire ?

La solution à deux États assurerait la coexistence pacifique des deux peuples et le respect du droit international. Elle passe par la reconnaissance du droit au retour, la cogestion des lieux de culte, l'internationalisation de Jérusalem, l'application des frontières de 1967, la reconnaissance de l'illégalité des annexions et des nombreuses atteintes aux droits humains.

L'ONU doit être le point d'appui d'une action internationale dans cette perspective. La France, qui s'apprête à présider le Conseil de l'Union européenne, doit être l'un des moteurs des négociations ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et du GEST ; Mme Esther Benbassa et M. Alain Duffourg applaudissent également.)

Mme Valérie Boyer .  - Cette proposition de résolution ambitionne une paix juste et durable. L'objectif est louable, et nous le partageons tous. Avec la présidence française de l'Union européenne, le calendrier est évidemment favorable.

Reste que la méthode interpelle. Peut-on construire la paix sur la base de condamnations sans nuance, d'imprécations et d'anathèmes ? (Murmures sur les travées du groupe CRCE) Je ne le pense pas.

Le plan Trump n'est pas parfait, mais il trace un chemin pour la paix et ouvre la voie à une solution à deux États. Il contient des propositions raisonnables, qu'on ne peut balayer d'un revers de main. Il garantit la sécurité d'Israël, nécessaire à la stabilité du Proche-Orient. L'État de Palestine serait démilitarisé, les Palestiniens renonçant au contrôle de leurs frontières et de leur espace aérien contre des facilités d'accès aux ports israéliens. (M. Fabien Gay ironise.)

Au sein du groupe interparlementaire d'amitié France-Israël, présidé par Roger Karoutchi, nous soutenons la paix. Nous avons rencontré récemment Émilie Moatti, présidente du groupe d'amitié Israël-France. Nous travaillons au rapprochement des points de vue.

Je suis favorable à une résolution négociée, fondée sur la reconnaissance mutuelle de deux États. Il n'y a pas d'alternative au dialogue pour avancer sur le chemin escarpé de la paix.

Cette proposition de résolution rompt de manière inopportune avec la position constante de notre pays. Nous voterons contre. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)

M. Bruno Belin .  - Permettez-moi de vous féliciter, monsieur le ministre, pour vos nouvelles attributions.

« Ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers. Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés qui déchiraient la nuit de leurs ongles battants. Ils étaient des milliers, ils étaient vingt et cent. »

Je tenais à citer ce couplet de Nuit et brouillard, de Jean Ferrat, car on ne saurait aborder un tel sujet sans perspective historique sur la genèse d'Israël.

Pour que les deux peuples puissent coexister, pour que cette terre de souffrance devienne une terre d'espérance, il faut deux États qui se reconnaissent mutuellement, dans les frontières de 1967. La première des conditions est l'arrêt des violences : sous toutes leurs formes et d'où qu'elles viennent, elles enracinent la haine.

Tous ceux qui oeuvrent pour la paix doivent être impartiaux. Ne faisons rien qui puisse empêcher les plaies de cicatriser.

Cette proposition de résolution est inéquitable et ne reflète pas la hauteur de vue du Sénat. Monsieur Laurent, vous rappelez les résolutions des Nations unies, les initiatives parlementaires et les condamnations internationales d'Israël, mais vous évitez d'évoquer les violences subies par ce pays. Ce déséquilibre dessert votre initiative.

La France soutient déjà le processus d'Amman, avec l'Égypte et la Jordanie. Contrairement à d'autres puissances, elle réunit et fédère. Ce n'est pas l'esprit de ce texte. Laissons une chance à tous les acteurs, en leur rappelant leurs responsabilités mais sans les crisper.

C'est ainsi que, je le souhaite, cette terre de souffrance deviendra pleinement terre d'espérance ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP et du RDPI)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie, et des petites et moyennes entreprises .  - La France est et restera l'amie du peuple palestinien comme du peuple israélien. Son attachement à la sécurité d'Israël est indéfectible.

Le conflit israélo-palestinien n'a rien perdu de sa centralité. Il reste au coeur des enjeux de paix et de stabilité au Proche-Orient.

La France n'a ménagé aucun effort pour faire cesser les tensions en mai dernier, organisant un sommet avec les pays voisins pour oeuvrer à la désescalade et déposant un projet de résolution au Conseil de sécurité.

Plus de six mois après la fin des hostilités, les défis restent multiples : préserver le cessez-le-feu, prévenir les mesures unilatérales, construire un horizon politique, sans lequel le cycle des violences se reproduira.

La position de la France, constante, repose sur le respect du droit international, la perspective de deux États vivant en paix et en sécurité dans les frontières de 1967 avec Jérusalem comme capitale commune et une méthode fondée sur la négociation, sans décisions unilatérales.

Le soutien de la France à la solution des deux États est sans faille ; il n'y a d'ailleurs pas d'alternative. Il s'agit de savoir comment la concrétiser.

La France se mobilise pour un État palestinien souverain, viable, contigu et démocratique. À cet égard, nous sommes vivement inquiets de la politique de colonisation menée par le gouvernement Bennett, qui est contraire au droit international et menace la solution à deux États. La France a contribué à prévenir l'annexion partielle de la Cisjordanie, envisagée par le gouvernement Netanyahou et qui aurait mis un terme à la perspective d'un État palestinien.

Il faut aussi renforcer la gouvernance démocratique au sein des instances palestiniennes, où certaines dérives sont inquiétantes. Nous appelons à des progrès tangibles dans le domaine de la démocratie et déplorons l'arrestation de plusieurs personnes de la société civile, dont l'une, Nizar Banat, est décédée.

Le peuple palestinien doit pouvoir s'exprimer démocratiquement. Israël devra assurer la tenue de ce scrutin à Jérusalem Est.

La communauté internationale doit se mobiliser en faveur d'une reprise des négociations. Après la conférence de Madrid, en 1991, la paix semblait à portée de main. Mais aujourd'hui, la frustration et l'amertume dominent. La perspective de négociations risque de s'éloigner encore.

L'urgence est donc de créer les conditions de la reprise de négociations directes. C'est le sens du format de Munich, constitué sur notre initiative après l'annonce du pseudo-plan Trump et qui s'est réuni à quatre reprises. Il a permis de maintenir à l'agenda la perspective d'une solution à deux États.

Nous devons amplifier nos efforts pour rétablir la confiance en vue d'une reprise des négociations. La dynamique est positive, avec des recompositions régionales favorables à la paix. Le Président de la République a récemment félicité les autorités des Émirats arabes unis pour le grand pas qu'elles ont fait. Mais cette dynamique reste fragile, menacée notamment par les nouvelles annonces sur la colonisation.

Nous poursuivrons notre action, notamment dans le cadre du format d'Amman, et accompagnerons évidemment toutes les initiatives visant à la relance des négociations.

La reconnaissance de la Palestine devra intervenir en temps utile, quand elle sera utile à la paix, dans le cadre d'un règlement global. Nous ne voulons pas d'une reconnaissance symbolique mais d'une reconnaissance au service de la paix, dans le cadre d'un processus politique crédible.

Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de votre assemblée sur cette proposition de résolution. (M. Bruno Belin applaudit.)

À la demande du groupe Les Républicains, la proposition de résolution est mise aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°59 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 300
Pour l'adoption   93
Contre 207

Le Sénat n'a pas adopté.

La séance est suspendue à 13 h 30.

présidence de Mme Laurence Rossignol, vice-présidente

La séance reprend à 16 heures.