Emploi pour les chômeurs de longue durée (Suite)

Discussion générale (Suite)

Mme Laurence Cohen .  - La proposition de loi de nos collègues du groupe SER vise à réduire le nombre de chômeurs de longue durée. Au quatrième trimestre 2021, la France comptait 2,2 millions de chômeurs, dont 700 000 depuis plus d'un an, auxquels s'ajoutent 2 millions de personnes sans emploi n'entrant pas dans les critères de Pôle Emploi.

Ce texte s'appuie sur les travaux des associations, dont l'ONG ATD Quart-Monde que je remercie pour son travail sur le coût du chômage de masse pour la société : perte de richesses, de cotisations sociales et de consommation, mais aussi dommages psychosociaux. Comme l'a bien montré Cathy Apourceau-Poly lors de sa rencontre avec les anciens salariés de Bridgestone, il s'agit surtout d'un coût humain.

Il ne suffit pas de traverser la rue pour trouver un emploi. Le chômage entraîne aussi une perte de lien social. Cette proposition de loi déculpabilise enfin les chômeurs.

Ce texte propose une refonte de la fiscalité : il revient sur la baisse des impôts de production, rétablit l'ISF, supprime la flat tax et augmente la taxe sur les transactions financières. Nous avions défendu de telles mesures à chaque discussion budgétaire : pourquoi n'ont-elles pas été mises en oeuvre sous le quinquennat précédent ?

Nous proposons une sécurité de l'emploi et de la formation, un plan de recrutements publics, l'augmentation des rémunérations dans la fonction publique de 30 %, un SMIC à 1 500 euros ainsi que l'abrogation de la loi El Khomri, des ordonnances Macron et de la réforme de l'assurance chômage. En ce sens, ce texte ne va pas assez loin : nous nous abstiendrons.

Mme Brigitte Devésa .  - Je salue la clarté du rapport de M. Fichet et le groupe SER qui a demandé l'inscription de ce texte à l'ordre du jour. Il a le mérite de proposer un projet de société et de s'attaquer au chômage de masse qui mine la société de l'intérieur et rend nos élites apathiques, découragées, se réjouissant d'un taux de 8 %...

Ce texte détaille les mesures financières qui accompagnent des créations d'emplois. Voilà presque un programme présidentiel !

L'intention est louable, d'autant que l'emploi serait un droit constitutionnel, même si les juristes s'opposent sur ce point entre droit à l'emploi et droit au travail.

D'ici 2030, la moitié des agriculteurs partiront à la retraite ; près de 50 000 emplois ne sont pas pourvus dans le transport routier, ils pourraient être 100 000 dans cinq ans ; marins et officiers manquent. À cela, votre texte n'apporte pas de solution, comme au manque de candidats dans les métiers du bâtiment - couvreurs, chaudronniers, charpentiers, plombiers... Sont-ils utiles selon vous à la transition écologique ? Voici la principale limite de votre texte.

Vous créez un nouvel impôt, accélérez les expérimentations, mais alourdissez aussi le budget de l'État de 7 milliards d'euros par la diminution de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la contribution économique territoriale (CET).

Vos choix sont arbitraires, voire idéologiques, quand ils excluent certaines entreprises stratégiques ou créatrices d'emplois et de valeur ajoutée. Vous placez les entreprises en lien avec l'environnement et le lien social devant toutes les autres. Les restaurateurs en font-ils partie ? Ils ont dû augmenter de 30 % les salaires à Narbonne pour attirer les candidats... Et pourquoi ne pas valoriser aussi les emplois utiles à la culture ou à l'engagement civique ? Votre proposition de loi est contestable.

Autre question : comment un texte sur les métiers de demain peut-il faire l'impasse sur la formation ? Vous vous contentez de créer un nouvel impôt avec, dans son nom, les mots de solidarité sociale et de climat.

Oui, les contrats aidés peuvent être améliorés et les expérimentations étendues, mais le groupe UC ne votera pas ce texte dont il ne partage pas les orientations.

Mme Maryse Carrère .  - L'année 2021 a vu une baisse importante du chômage, de 12,6 % pour les catégories A, soit 480 000 chômeurs de moins. Après un pic au premier trimestre 2021, le chômage de longue durée a connu une légère décrue, mais il représente encore 49,6 % des chômeurs. Et le nombre de personnes sans emploi depuis au moins deux ans continue d'augmenter : les personnes les plus éloignées de l'emploi sont les premières frappées par la crise et les dernières à profiter de la relance. Ce sont parfois des personnes brisées : nous savons les conséquences traumatisantes de la perte d'emploi.

Selon le Conseil économique, social et environnemental (CESE), en France, la valeur travail est fondamentale pour déterminer l'identité, voire la valeur sociale, et le chômage est synonyme d'isolement social. Il entraîne une détérioration de la santé physique et mentale et est propice aux addictions. Les psychiatres assimilent ce traumatisme à un deuil.

Cette proposition de loi mobilise plusieurs dispositifs pour lutter contre ce phénomène. Nous en partageons les objectifs, mais les contrats aidés, souvent précaires et utilisés comme une aubaine par certains employeurs, ne peuvent constituer l'unique solution : dans le secteur marchand, seuls 25 % débouchent sur un emploi.

Nous regrettons l'absence d'un volet relatif à la formation, alors que le Président de la République a annoncé 1,4 million d'euros pour 2022 et le déploiement des parcours de remobilisation par Pôle Emploi.

Enfin, la généralisation de l'expérimentation TZCLD nous semble prématurée.

Le groupe RDSE s'abstiendra majoritairement.

Mme Monique Lubin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Alain Supiot dénonçait le renversement consistant à traiter le travail non comme la cause, mais comme l'effet de la richesse. Nous ne partageons pas cette analyse : le travail est avant tout un bienfait dispensé par le travailleur, source de richesse pour la société. Toute personne qui travaille contribue à la qualité du tissu social.

Le chômage de masse est a contrario délétère en termes de santé et de finances publiques et sociales.

Dans les périodes d'amélioration du taux d'emploi, nous devons nous attaquer au chômage de longue durée. Il reste 5,6 millions de chômeurs en France, sans compter les radiations, qui représentent 9,4 % des sorties des listes de Pôle Emploi et dont le nombre a bondi de 45 % en un an : un effet de la réforme de l'assurance chômage ?

Personne n'est inemployable ; il n'y a que des compétences mal identifiées ou mal employées. Le besoin en travail est inépuisable ; ce sont les structures du marché du travail qui sont défaillantes.

Les entreprises ne pâtissent pas d'une pénurie de main-d'oeuvre, comme le montre l'étude de Pôle Emploi de février 2022 : à peine 6 % des recrutements sont abandonnés faute de candidat.

Le Préambule de la Constitution de 1946 dispose que chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi.

La proposition de loi, pour y parvenir, mobilise trois dispositifs existants - l'expérimentation TZCLD, les contrats aidés et l'IAE -, alors que bien souvent les pouvoirs publics préfèrent passer à autre chose, plutôt que de conforter des dispositifs éprouvés.

Même si un amendement du rapporteur remplace la conditionnalité verte par des incitations, le texte témoigne de notre souci de la protection de l'environnement. Le rapporteur propose également de réserver l'obligation de neutralité carbone aux entreprises de plus de 250 salariés.

Notre approche est bien systémique. Nous ne saurions nous contenter de mesures sans ambition dans le domaine de l'emploi et de l'environnement. Nous devons travailler sur le temps long, dans le cadre de projets pour les territoires, co-construits au niveau local.

Je remercie le rapporteur et M. Kanner pour le travail réalisé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Martin Lévrier .  - Notre pays connaît un problème structurel de chômage de longue durée depuis quarante ans, même si sa proportion a chuté de 8 points depuis 2017, à 36,7 % en 2020 : preuve de l'efficacité de notre politique ! Pour autant, à la sortie de la crise, des entreprises peinent à recruter dans des secteurs déjà en tension auparavant.

Comme vous monsieur Kanner, je pense qu'il n'y a ni fatalité au chômage ni impuissance de la politique économique.

Cette proposition de loi tend à créer des emplois dans des secteurs liés à la protection de l'environnement et au lien social. Elle pérennise l'expérimentation TZCLD, prévoit a minima 100 000 emplois dans l'IAE à compter de 2023 et crée 200 000 emplois aidés. Pour financer ces mesures, elle instaure un impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital, augmente la taxe sur les transactions financières, supprime la flat tax et revient sur la baisse des impôts de production. Et pourtant, si le chômage a baissé, c'est bien parce que la visibilité fiscale des entreprises s'est améliorée !

Non, il n'y a pas de fatalité, puisque le chômage a atteint 7,4 %, son niveau le plus bas depuis 2008 !

Emmanuel Macron a fait de l'insertion par le travail l'un des piliers de sa politique contre la pauvreté, en s'appuyant sur l'IAE. Nous avons lancé un plan de 1,4 million d'euros avec un volet formation destiné aux chômeurs de longue durée. Dans une démarche d'aller vers, Pôle Emploi a recontacté fin 2021 tous les chômeurs de longue durée et va déployer les parcours de remobilisation.

Quelque 240 millions seront mobilisés pour étendre les aides à l'embauche, actuellement réservées aux jeunes : 100 000 d'entre eux ont retrouvé un emploi à la fin 2021. Voilà des dispositifs efficaces !

L'expérimentation TZCLD a également fait ses preuves ; aussi sera-t-elle étendue à cinquante nouveaux territoires et pour cinq ans, financée par les fonds d'expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée.

Nos dispositifs répondent déjà aux objectifs de votre texte. Nous sommes, en outre, opposés aux moyens de financer vos propositions et pensons que nous pouvons faire mieux avec moins. Aussi, nous ne voterons pas ce texte. (M. Joël Guerriau applaudit.)

M. Joël Guerriau .  - Les chiffres du chômage sont au plus bas depuis quinze ans : la dynamique dessine un chemin favorable.

Cette proposition de loi s'attaque au chômage de longue durée avec des emplois subventionnés par l'État, le rétablissement de l'impôt sur la fortune et l'annulation de la baisse des impôts de production. Cela ne correspond nullement aux besoins observés : handicap, emploi des jeunes, des seniors et des moins diplômés, difficultés d'accès au logement et à la mobilité, difficultés de recrutement des entreprises.

Il faut davantage former et accompagner dans l'emploi. Le Gouvernement s'est mobilisé en ce sens avec le développement de l'apprentissage et la création du contrat d'engagement jeune.

Il faut améliorer le taux d'encadrement des demandeurs d'emploi à Pôle Emploi, qui peut atteindre un conseiller pour 350 dans certaines agences. C'est ainsi que 1 400 postes seront créés en 2022.

Il faut aussi renforcer la concertation avec les partenaires sociaux et proposer des solutions personnalisées aux difficultés de logement, de santé et de maîtrise de la langue française. Une constellation de dispositifs existe déjà : sachons les cartographier et les évaluer.

Retrouver du travail peut aussi entraîner des frais connexes, ce qui nécessite une insertion durable dans l'emploi.

Sans être contre les TZCLD, je ne crois pas que le chemin vers le plein-emploi passe par un amoncellement de dispositifs coûteux, mais plutôt par une bonne coordination entre politique de l'emploi et marché du travail. Redonnons du sens au service public de l'emploi. Le développement du mentorat est aussi créateur de lien social : sachons profiter de l'expérience des seniors.

Nous ne voterons pas ce texte. (M. Martin Lévrier applaudit.)

Mme Frédérique Puissat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Brigitte Devésa applaudit également.) Je remercie Patrick Kanner et son groupe d'avoir inscrit cette proposition de loi à notre ordre du jour et je salue le travail du rapporteur Fichet.

Ce texte a le mérite de mettre en relief la valeur travail, vecteur de progrès social et de lutte contre les inégalités. De fait, la perte d'emploi altère le niveau de vie et peut constituer un traumatisme social. Avec le temps, la motivation du chômeur s'affaiblit et laisse parfois place au désespoir.

Reste que nos divergences sont nombreuses.

Sur le fond, il est proposé de pérenniser le dispositif TZCLD alors que l'encre du projet de loi prolongeant son expérimentation est à peine sèche.

À sa création, en 2016, le dispositif avait trois objectifs : éradiquer le chômage de longue durée, mesurer les effets positifs du retour à l'emploi et vérifier l'équation financière sur laquelle il repose. Il a connu certaines réussites, mais ses évaluations - au demeurant coûteuses - sont contrastées. Si elles ne l'étaient pas, nous aurions inscrit définitivement ce dispositif dans le paysage social. (M. René-Paul Savary acquiesce.)

Le rapporteur défend une position plus nuancée que la rédaction initiale du texte : la suppression du plafond de soixante territoires. Pour notre part, nous continuons de penser que ce dispositif doit encore faire ses preuves.

M. Laurent Burgoa.  - Très bien !

Mme Frédérique Puissat.  - Le texte prévoit aussi de développer les emplois aidés : 100 000 postes supplémentaires dans l'IAE, 200 000 dans les collectivités territoriales. Mieux vaudrait s'attaquer à la racine du problème - la formation, sur laquelle Mmes Devésa et Carrère ont justement insisté - et prendre en compte les tensions de recrutement dans de nombreux secteurs.

Des mesures fiscales très coûteuses sont proposées pour financer les 17 milliards d'euros que coûte la proposition de loi.

Sur la forme, enfin, la concertation a manqué avec les parties prenantes.

Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe Les Républicains votera contre le texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Mme Raymonde Poncet Monge .  - Le GEST se félicite que nous puissions débattre d'une approche alternative dans la lutte contre le chômage de longue durée. En la matière, non, on n'a pas tout essayé !

La garantie de l'emploi est une pièce maîtresse de la théorie moderne de la monnaie développée par Pavlina Tcherneva, en rupture avec la théorie néoclassique du taux de chômage d'équilibre, chère à la Commission européenne - taux auquel il faudrait se résigner, sauf à mener des réformes structurelles défavorables aux salariés.

Les cadeaux fiscaux consentis par le passé ont été hautement inefficaces : en 2018, le CICE n'a créé que 160 000 emplois pour un coût de 40 milliards d'euros, autrement plus exorbitant que celui des mesures proposées...

Ce texte pose le premier jalon d'une nouvelle conquête sociale, la garantie d'emploi pour tous les Français, suivant le postulat que personne n'est inemployable sous réserve d'être accompagné et formé. Il encourage des emplois porteurs de sens, à l'opposé des bullshit jobs théorisés par David Graeber. Sa mise en oeuvre est prévue au niveau des territoires, dans le cadre de la gouvernance partagée du dispositif TZCLD.

La garantie d'emploi est le moyen de mettre fin au drame social que représente le chômage de longue durée. Celui-ci favorise les addictions, augmente le risque de suicide et provoque, selon l'Inserm, de 10 000 à 14 000 morts par an. Lié à plusieurs déterminants sociaux, dont le handicap, c'est un gâchis humain qui mine la cohésion sociale et le potentiel de croissance.

Parce que la garantie d'emploi correspond à une société où l'emploi n'est plus subordonné aux seuls besoins de la rentabilité du capital, mais s'inscrit dans une logique de solidarité organique, le GEST votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Catherine Belrhiti .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Depuis 1983, notre taux de chômage n'est jamais passé sous les 7 %. Les gouvernements successifs ont abandonné l'idée même du plein-emploi. François Mitterrand a ainsi affirmé : « dans la lutte contre le chômage, on a tout essayé » - aveu d'échec cinglant.

Nous partageons la préoccupation des auteurs du texte, car il est inquiétant de voir notre société s'habituer à un chômage endémique.

Toutefois, les mesures proposées sont une nouvelle illustration de la capacité des socialistes à aborder le problème à l'envers... (Murmures réprobateurs sur les travées du groupe SER) Pour croire que le chômage serait causé par l'absence de garantie d'emploi, il faut n'avoir rien appris des erreurs commises depuis quarante ans ! (Exclamations sur les mêmes travées)

Nos collègues s'appuient sur une interprétation très particulière du préambule de la Constitution de 1946. Le droit d'obtenir un emploi n'emporte pas d'obligation de résultat, mais une simple obligation de moyens pour les pouvoirs publics. Le travail ne se décrète pas ! À moins de socialiser la totalité de l'économie privée...

S'agissant des emplois aidés, le bilan désastreux que la Cour des comptes en a tiré en 2018 n'est aucunement pris en compte. Très onéreux, ces emplois sont inefficaces pour l'insertion professionnelle.

Le groupe socialiste profite de bonnes intentions écologiques pour promouvoir son idéologie fiscale. Ce n'est pas acceptable ! (Protestations sur les travées du groupe SER)

Les 17 milliards d'euros dépensés pour financer ces mesures ne feraient qu'affaiblir nos entreprises et le patrimoine des Français. Les hausses d'impôt proposées sont plus guidées par un socialisme fiscal que par une vraie volonté de réduire le chômage ! (Mêmes mouvements)

S'agissant du dispositif TZCLD, il paraît plus sage d'attendre la fin de son expérimentation, dans deux ans.

Le chômage de longue durée ne sera pas vaincu en orientant les chômeurs vers des emplois déconnectés de l'économie réelle, financés in fine par des hausses d'impôt. Il le sera par des réformes structurelles et un effort d'éducation et de formation. C'est ainsi qu'on créera des emplois durables et adaptés à notre économie.

Le groupe Les Républicains n'est pas favorable à cette proposition de loi dispendieuse et qui ne répond pas aux besoins des personnes sans emploi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - Nous avons en partage la volonté de proposer des emplois à tous les chômeurs de longue durée.

Plusieurs orateurs ont mentionné le pacte de remobilisation pour les 800 000 chômeurs de longue durée, auquel 1,4 milliard d'euros sont consacrés. Ce dispositif est en train de porter ses fruits. Il est déjà déployé par 170 agences Pôle Emploi ; toutes le mettront en oeuvre d'ici à la fin mai.

À Argenteuil et Rouen, j'ai assisté à des séquences de formation organisées dans ce cadre. Elles sont destinées à reconstruire la confiance des chômeurs de longue durée.

Nous pouvons partager les objectifs des auteurs du texte, mais la méthode qu'ils proposent n'est pas la bonne. Sur le fond, nous arriverons néanmoins à ce qu'ils souhaitent : par le travail, donner à chacun une place dans la société.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Rédiger ainsi cet article :

Le II de l'article 9 de la loi n° 2020-1577 du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique et à l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, le mot : « soixante » est remplacé par les mots : « chacun des » ;

2° Le deuxième alinéa est supprimé.

M. Patrick Kanner.  - Dans sa rédaction initiale, l'article premier a suscité un certain émoi parmi les soutiens du dispositif TZCLD. Je remercie le rapporteur d'avoir noué des contacts utiles avec les acteurs.

Plutôt que de généraliser ce dispositif, nous proposons de supprimer le plafond d'extension à soixante territoires. Je puis vous assurer qu'il y a bien plus de soixante demandes. Simplifions l'habilitation des projets, en remplaçant le décret prévu par un simple arrêté.

M. Jean-Luc Fichet, rapporteur.  - TZCLD est un dispositif innovant et prometteur.

L'article premier tendait originellement à pérenniser cette expérimentation, mais les acteurs que j'ai rencontrés jugent qu'une généralisation serait prématurée.

Outre les territoires actuellement habilités, on recense 152 projets émergents. Supprimer la limitation à soixante territoires permettra donc de répondre à ces demandes. L'association TZCLD y est favorable.

Pour autant, la commission a émis un avis défavorable à l'amendement.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - L'encre de la loi prolongeant l'expérimentation est à peine sèche que vous proposez la généralisation. Comme Mme Puissat l'a expliqué, ce dispositif n'a pas encore fait toutes ses preuves. Un comité scientifique a été installé pour l'évaluer. Restons-en à cette démarche de confiance. Avis défavorable.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Le GEST votera cet amendement. Si la ministre Borne a donné l'assurance que soixante n'était pas un plafond, mais un plancher, pourquoi ne pas l'inscrire sans ambiguïté dans la loi ?

Tout projet conforme au cahier des charges doit pouvoir candidater à l'habilitation. Cette extension permettra un meilleur maillage du territoire et enrichira l'évaluation.

À la demande de la commission, l'amendement n°1 est mis aux voix par scrutin public.

Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°109 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 329
Pour l'adoption   91
Contre 238

Le Sénat n'a pas adopté.

L'article premier n'est pas adopté, non plus que l'article 2.

ARTICLE 3

Mme le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Rédiger ainsi cet article :

I. - L'article L. 5134-30 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'aide à l'insertion professionnelle peut être réduite si les activités faisant l'objet du contrat d'accompagnement dans l'emploi n'ont pas pour finalité la protection de l'environnement ou la gestion de ressources. »

II. - À compter de 2023, le nombre de contrats d'accompagnement dans l'emploi définis à l'article L. 5134-20 du code du travail ne peut être inférieur à deux cents mille.

Mme Monique Lubin.  - Limiter les CUI-CAE aux activités ayant pour finalité la protection de l'environnement ou la gestion de ressources est trop restrictif. Le fonctionnement de certaines associations accomplissant des actions utiles au lien social pourrait être menacé.

C'est pourquoi nous proposons de remplacer cette conditionnalité par la possibilité de réduire l'aide au poste si les activités faisant l'objet du contrat ne tendent pas à l'une de ces deux finalités.

M. Jean-Luc Fichet, rapporteur.  - La conditionnalité environnementale est une démarche volontariste que je soutiens. Toutefois, mes auditions ont mis en lumière le caractère limitant du dispositif initial. La solution proposée me paraît équilibrée.

Néanmoins, la commission a émis un avis défavorable à l'amendement.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. Contrairement à M. Kanner, je pense que ce dispositif mettrait en difficulté d'autres pans de l'économie sociale et solidaire et de l'insertion.

La loi Climat accompagne la transition via d'autres leviers. Nous partageons vos objectifs, mais divergeons sur les leviers pour les atteindre.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Nous sommes très attachés à la conditionnalité environnementale et sociale des aides publiques.

En pratique, 45 % des activités du dispositif TZCLD concernent la transition écologique. La dynamique issue des territoires s'oriente spontanément vers ce type d'activités.

À la demande de la commission, l'amendement2 est mis aux voix par scrutin public.

Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°110 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l'adoption   78
Contre 264

Le Sénat n'a pas adopté.

L'article 3 n'est pas adopté.

ARTICLE 4

Mme le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 8

Rédiger ainsi cet alinéa :

« c) Le contrat est conclu dans une entreprise employant moins de deux cent cinquante salariés ;

Mme Émilienne Poumirol.  - Faire du CUI-CIE un levier d'incitation à la décarbonation des modes de production est pertinent pour accompagner la transition écologique tout en créant de nouvelles opportunités d'emploi.

Toutefois, il convient de limiter la conditionnalité à la neutralité carbone aux entreprises de plus de 250 salariés. En dessous de ce seuil, les entreprises ne sont pas nécessairement en mesure de produire des informations sur leur empreinte carbone.

M. Jean-Luc Fichet, rapporteur.  - L'article 4 va dans le bon sens, mais il ne faudrait pas faire peser sur les PME des contraintes prohibitives. Je rappelle que l'obligation de réaliser un bilan carbone réglementaire ne concerne que les entreprises de plus de 500 salariés - 250 en outre-mer. L'amendement me paraît donc pertinent.

Toutefois, la commission a émis un avis défavorable.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. L'obligation de décarbonation serait réservée aux entreprises de plus de 250 salariés, mais ce sont les TPE-PME qui bénéficient le plus de ce type de contrats. Ce que vous proposez est donc contre-intuitif du point de vue de l'effet-volume recherché.

Permettez-moi de faire un peu de publicité pour d'autres dispositifs, trop méconnus - sans doute de la faute du Gouvernement. Je pense notamment à l'aide Volontariat territorial en entreprises (VTE) vert. Un arsenal de réponses techniques est prévu qui va dans le sens que vous souhaitez.

L'amendement n°3 est adopté.

À la demande de la commission, l'article 4 est mis aux voix par scrutin public.

Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°111 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 329
Pour l'adoption   76
Contre 253

Le Sénat n'a pas adopté.

À la demande de la commission, l'article 5 est mis aux voix par scrutin public.

Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°112 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 329
Pour l'adoption   91
Contre 238

Le Sénat n'a pas adopté.

L'article 6 n'est pas adopté.

ARTICLE 7

M. Patrick Kanner .  - Sauf miracle, nous nous acheminons vers la disparition totale de cette proposition de loi...

À nos collègues de droite qui ont parlé de socialisme fiscal, je ferai remarquer qu'ils n'ont plus été au pouvoir depuis dix ans. Comme cela risque de durer encore, je leur suggère d'être innovants...

Monsieur le ministre, notre intention était d'adresser un message à ceux qui sont non seulement au bord du chemin, mais même dans le fossé, parfois depuis des générations, alors qu'ils ne demandent qu'à être reconnus.

Après avoir défendu le ruissellement, les premiers de cordée et la main invisible du marché, vous avez découvert les fractures qui minent notre société. Vous avez été forcés, le dos dans les cordes, à prendre des mesures keynésiennes. Pour notre part, nous avons toujours cru à la force de l'État et à la solidarité.

Je regrette que pas un seul de nos arguments n'ait été pris en compte. Nous continuerons notre combat ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

À la demande de la commission, l'article 7 est mis aux voix par scrutin public.

Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°113 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 329
Pour l'adoption   91
Contre 238

Le Sénat n'a pas adopté.

L'article 8 n'est pas adopté.

En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales .  - Monsieur le ministre, nous n'avons pas toujours été d'accord, mais je tiens, au terme de ce dernier débat commun de la mandature, à vous remercier pour le travail accompli ensemble. (Applaudissements sur de nombreuses travées des groupes Les Républicains et UC, sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe SER)

M. Jean-Luc Fichet, rapporteur .  - Merci aussi aux services de la commission, ainsi qu'à ses membres, mais aussi à M. le ministre pour son accompagnement. Le travail du rapporteur est parfois ingrat, l'avis de la commission n'allant pas dans le sens que je souhaitais... (Applaudissements sur diverses travées du groupe Les Républicains)

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État .  - Merci pour ces propos aimables. C'est toujours un plaisir de venir travailler au Sénat, où les débats sont de qualité et où l'expression des désaccords peut se faire en toute tranquillité d'esprit. Je crois à la fois à la responsabilité individuelle et à la responsabilité collective, monsieur Kanner. Nous avons les mêmes objectifs : ne laisser personne sur le bord du chemin. (Applaudissements sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Martin Lévrier applaudit également.)

La séance est suspendue quelques instants.