Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.

Scrutin proportionnel

M. Mathieu Darnaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC) Monsieur le Premier ministre, vous avez ouvert lundi dernier une concertation sur l'introduction du scrutin proportionnel. Pourquoi cet empressement ? Pourquoi vouloir de ce poison électoral dans un moment où les Français s'inquiètent pour leur avenir ?

On peut vous reconnaître de la constance, mais sous la Ve République et bien avant, la proportionnelle n'a entraîné qu'instabilité gouvernementale et régime des partis. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP et sur quelques travées du groupe UC ; M. Yannick Jadot ironise.)

Et de quelle proportionnelle parle-t-on ? Intégrale, départementale ? Quid de la représentation des Français de la ruralité et d'outre-mer ?

Ne faut-il pas plutôt se concentrer sur l'essentiel, un budget sans hausse d'impôts, plus de pouvoir d'achat et de la sécurité pour tous ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP et sur quelques travées du groupe UC ; Mme Cécile Cukierman applaudit également.)

M. François Bayrou, Premier ministre .  - Vous savez à quel point ma réponse est amicale. (Rires à droite et au centre)

M. Yannick Jadot.  - Peut-être parce que vous êtes de la même majorité ?

Une voix à droite.  - Ça démarre mal !

M. François Bayrou, Premier ministre.  - Non, bien ! Le scrutin proportionnel serait un poison de la démocratie, cause de toute instabilité ? (On le confirme à droite.) C'est par ce scrutin que 75 % des sénateurs sont élus ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC et du GEST)

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Pas par le même corps électoral !

M. François Bayrou, Premier ministre.  - Et je n'ai pas l'impression d'une instabilité.

Mme Cécile Cukierman.  - Rien à voir !

M. François Bayrou, Premier ministre.  - Il y a tout à voir ! (Mme Cécile Cukierman le nie catégoriquement.)

C'est une règle démocratique. Tous les pays de l'Union européenne sans exception ont ce mode de scrutin. (Applaudissements sur quelques travées du GEST)

J'ai en effet décidé d'ouvrir des concertations très larges sur ce sujet.

Vous parlez de ma constance ; il est vrai que j'ai beaucoup milité pour ce changement de nos règles. Pourquoi ? Parce que c'est le scrutin du pluralisme. Dans la société fragmentée, éclatée, archipélisée qu'a décrite M. le Président, Dieu sait combien nous devons apaiser le pluralisme.

Le scrutin majoritaire obéit à une règle simple : tout pour ou tout contre (on le conteste sur quelques travées à droite), et Dieu sait combien nous avons besoin de prises de conscience plus élaborées que des positions clivées.

Enfin, la proportionnelle, c'est la garantie pour tous les citoyens d'être représentés à la mesure de leur engagement et de leur vote.

À la Libération, le général de Gaulle avait choisi la proportionnelle. (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC et du GEST ; MM. Roger Karoutchi et Marc-Philippe Daubresse protestent.)

M. Mathieu Darnaud.  - Cela n'a pas été concluant, puisqu'en 1958, le même général de Gaulle est revenu dessus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe INDEP ; MM. Franck Menonville et Jean-François Longeot applaudissent également.)

Le mode de scrutin sénatorial est départemental, et les plus petits départements ont un scrutin majoritaire.

Alain disait : « La représentation proportionnelle est un système évidemment raisonnable et évidemment juste ; seulement, partout où on l'a essayée, elle a produit des effets imprévus et tout à fait funestes, par la formation d'une poussière de partis, dont chacun est sans force pour gouverner, mais très puissant pour empêcher. C'est ainsi que la politique devint un jeu des politiques. » (M. Yannick Jadot lève les bras au ciel ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et INDEP)

Épidémie de chikungunya

M. Stéphane Fouassin .  - Avec Viviane Malet, nous attirons votre attention sur la crise sanitaire qui s'aggrave à La Réunion. Chaque jour, le nombre de cas graves de chikungunya augmente.

Le décès d'une personne vaccinée a conduit à suspendre la vaccination pour les plus de 65 ans, ce qui a ravivé la méfiance contre les vaccins.

Des stratégies alternatives, fondées sur des méthodes innovantes, offrent des perspectives : il faut les étudier sérieusement. Le programme Wolbachia, déjà utilisé en Nouvelle-Calédonie en 2019 contre la dengue, pourrait servir aux Antilles et en Guyane en agissant sur les moustiques Aedes aegypti. La technique de l'insecte stérile est une autre solution prometteuse contre Aedes albopictus à La Réunion et à Mayotte.

Dans l'immédiat, il faut distribuer gratuitement des répulsifs, fabriquer des moustiquaires en associant les communes et suspendre les jours de carence pour les personnes contaminées. Nous devons renforcer les structures de santé, au bord de la rupture.

Comment le Gouvernement compte-t-il soutenir nos concitoyens dans cette épreuve ? (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Rachid Temal applaudit également.)

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins .  - La lutte contre l'épidémie de chikungunya est un combat collectif. Elle nous oblige. La lutte antivectorielle mobilise 200 agents de l'ARS, 150 militaires et 800 contrats parcours emploi compétences (PEC).

Nous utilisons les répulsifs pour protéger les plus vulnérables, notamment les jeunes mamans et les bébés. Nous distribuons des moustiquaires et nous vaccinons. J'ai une pensée pour la personne décédée, dont l'imputabilité de la mort au vaccin est possible, d'où nos mesures de prévention.

J'ai visité le Cyclotron Réunion Océan Indien (Cyroi) pour évaluer l'utilisation des moustiques stériles ; nous pouvons envisager leur commercialisation en juillet afin d'éviter que la deuxième année d'épidémie ne soit pire encore. Bref, nous nous mobilisons pour soulager notre système de santé et prendre soin de nos compatriotes. (M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit.)

ArcelorMittal (I)

Mme Marie-Claude Lermytte .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Ce qu'ArcelorMittal fait à Dunkerque et ailleurs est une gifle : des centaines d'emplois supprimés, des fonctions délocalisées, des salariés et leur famille plongés dans l'angoisse. Je leur apporte mon soutien ; je suis sûre du soutien de tout le territoire.

Cette entreprise est accompagnée, soutenue, défendue par l'État, la région et les élus locaux. Or elle licencie massivement, sans scrupules.

C'est l'avenir de l'acier en Europe qui se joue. Nous voulons que ce secteur soit compétitif, décarboné, modernisé et renforcé.

Pendant que les États-Unis, la Chine ou l'Inde protègent leurs industries, en Europe, nous subissons.

Au député Julien Gokel, hier, vous avez répondu qu'un certain nombre de conditions étaient nécessaires au maintien des investissements dans la décarbonation. Lesquelles ? Les salariés ont le droit de savoir, et nous aussi ! Ils sont toujours prêts à se battre, mais ils veulent des engagements clairs et réciproques.

Quelles garanties de l'usage efficace de l'argent public ? Quel cap clair pour l'acier ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du GEST et du groupe SER)

M. Marc Ferracci, ministre chargé de l'industrie et de l'énergie .  - L'annonce de la suppression de 700 emplois par ArcelorMittal est évidemment une mauvaise nouvelle. Mes pensées vont aux salariés et à leur famille. L'État est mobilisé pour les accompagner socialement. (Mme Cathy Apourceau-Poly s'insurge.)

Ce qui se joue, c'est l'avenir de la filière sidérurgique en France et en Europe. La production d'acier a baissé de 20 % en Europe entre 2018 et 2023. Elle est soumise à une concurrence féroce et déloyale : la Chine subventionne massivement sa filière. (M. Pascal Savoldelli s'exclame.)

Les réponses doivent être élaborées au niveau européen. Nous avons fait des propositions, qui ont été reprises par la Commission européenne (M. Rachid Temal s'exclame), notamment des clauses de sauvegarde, qui entreront en vigueur dans quelque temps.

J'ai rencontré hier la direction d'Arcelor : pour maintenir les emplois, il faut investir, il faut aussi plus de compétitivité. L'État est prêt à soutenir les investissements, dès lors que le groupe aura engagé les dépenses nécessaires. (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC)

M. Rachid Temal.  - Ce n'est pas une réponse !

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Et l'argent ?

Mme Marie-Claude Lermytte.  - Il faut mettre tous les protagonistes autour de la table : vous pouvez compter sur les élus du territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Situation des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue)

M. Ahmed Laouedj .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Rachid Temal applaudit également.) Notre pays affronte une crise sanitaire silencieuse, mais profonde, celle de la pénurie de médecins.

Nous avons une solution concrète et immédiate, les Padhue. Ces médecins, présents depuis des années dans nos hôpitaux et nos cabinets, sont pleinement engagés. Ils exercent avec compétence, souvent dans des conditions difficiles. Ce sont vos propres mots, monsieur le ministre !

À l'occasion des épreuves de vérification des connaissances (EVC), sur près de 4 000 postes initialement annoncés, seulement 3 044 postes ont finalement été ouverts : de nombreux candidats, pourtant brillamment admis aux épreuves, se retrouvent aujourd'hui écartés, alors que 20 % des postes ouverts restent vacants -  c'est absurde ! Des médecins compétents et indispensables restent sur la touche alors que les déserts médicaux s'étendent chaque jour davantage.

Pourquoi attendre 2026, alors que les Padhue sont disponibles dès à présent ? Pourquoi ne pas valider immédiatement par décret l'intégration de ces professionnels de santé ?

J'associe à ma question Jean-Yves Roux et les praticiens présents en tribune. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du GEST et des groupes SER et CRCE-K)

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins .  - Vous avez raison : les déserts médicaux sont l'une des principales préoccupations de nos concitoyens. C'est pourquoi le Premier ministre, en déplacement dans le Cantal, a annoncé des solutions dès le mois de septembre.

Un point de désaccord cependant : en effet il n'y a pas une, mais des solutions, telles qu'une formation initiale augmentée ou le retour des jeunes Français partis étudier en Roumanie, en Espagne ou en Belgique, ce qui permettra d'installer nos docteurs juniors dans de bonnes conditions.

M. Rachid Temal.  - Il faut intégrer les Padhue !

M. Yannick Neuder, ministre.  - Il serait hypocrite de ne pas reconnaître le travail des Padhue, qui représentent 30 à 40 % des praticiens hospitaliers.

Nous allons simplifier l'intégration interne par voie réglementaire, les compétences étant mesurées localement par les chefs de pôle dès 2025.

Mais pour passer du mode concours au mode examen, nous avons besoin d'un support législatif. Je compte sur le Sénat et ses propositions de loi. Nous travaillons avec le président Mouiller pour trouver le bon véhicule législatif. Cette solution est attendue par les Français. (M. Rachid Temal manifeste sa perplexité.)

M. Ahmed Laouedj.  - Le problème est immédiat et concret. Un chef de service urologie en poste à l'hôpital Cochin a obtenu 18 de moyenne aux épreuves théoriques et est soutenu par le président de l'Association française d'urologie : allons-nous sérieusement lui demander de repasser son concours ? La santé des Français ne peut plus attendre. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du GEST et sur quelques travées du RDPI et des groupes SER et CRCE-K)

Assassinat d'Aboubakar Cissé (I)

M. Alexandre Ouizille .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je prends la parole au nom du groupe SER pour exprimer notre douleur face à l'assassinat d'Aboubakar Cissé. Nous saluons aussi le changement de position de la présidence du Sénat, qui avait estimé initialement qu'une minute de silence serait une hystérisation. Or un tel moment, c'est un baume pour le coeur.

Une telle barbarie provoque un vertige, qui s'est propagé dans tout le pays : des rassemblements citoyens sont venus dire non au crime commis, non à ce qui est pressenti sous ce crime. Car malgré le mystère du mal, il y a un contexte (murmures à droite) : celui du conditionnement progressif de la société française à la détestation des musulmans. (Protestations à droite)

Tous les jours, des éditorialistes disent que l'islam est incompatible avec la République. Tous les jours, on lit sur les réseaux sociaux - la semaine dernière dans l'Oise - que les noms et les prénoms des médecins seraient trop arabo-musulmans... Il est des essayistes pour disserter sur cette idée empoisonnée qu'il y aurait désormais deux peuples sur le territoire de la République.

Et il est, hélas, des ministres de l'intérieur (huées à droite et applaudissements sur les travées du groupe SER) qui se laissent aller à des propos d'estrade, disant qu'il faut mettre à bas la pratique cultuelle de centaines de milliers de femmes musulmanes dans notre pays, sans faire la distinction entre celles qui exercent leur liberté de conscience et celles qui sont forcées de le faire. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Monsieur le ministre, pouvons-nous enfin compter sur vous ? (La voix de l'orateur est recouverte par les protestations sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur plusieurs travées à gauche)

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Je connais trop cette maison pour savoir que le propos doit être mesuré. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Chacun ici mesure le poids des mots utilisés. Le meurtre d'Aboubakar Cissé commis dans le Gard est barbare et inacceptable. Je ne reviens pas sur les faits que chacun connaît. L'auteur présumé s'est rendu à la police italienne. Son retour en France est prévu pour la mi-mai. Naturellement, il sera jugé. Le procureur de la République compétent a indiqué qu'il percevait des signes qu'il s'agirait d'un acte raciste, mais l'enquête permettra d'en savoir plus.

Quant au reste, la position du Gouvernement, comme celle du ministre de l'intérieur et comme celle, je l'espère, de cette maison, est celle de la modération des propos, car le terrain est glissant. Des élus et des personnalités publiques jettent le poison de la division (protestations sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER) et d'un communautarisme insupportable. Ils sont nombreux. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP et sur quelques travées du groupe UC)

J'ai dit que je n'entrerais pas dans la polémique, mais tout de même... Un certain nombre de personnalités utilisent ce fait à des fins électoralistes. (Protestations sur les travées du GEST ; M. Pascal Savoldelli ironise.) Le plus important, c'est l'unité nationale autour de nos valeurs ; le Gouvernement y veillera. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP et sur quelques travées du groupe UC)

ArcelorMittal (II)

Mme Silvana Silvani .  - (Applaudissements sur des travées du groupe CRCE-K) À l'automne dernier, ArcelorMittal annonçait la fermeture des sites de Reims et de Denain. En février, il annonçait la délocalisation de 150 emplois supports en Inde. Les syndicats y voyaient le signal d'une restructuration plus lourde, et ils avaient raison. Aujourd'hui, c'est une saignée industrielle qui est engagée : 636 emplois supprimés à Dunkerque, Mardyck, Desvres, Basse-Indre, Mouzon, Montataire, Florange.

Pendant ce temps, ArcelorMittal a engrangé 36 milliards d'euros de profits depuis 2019, racheté pour 12 milliards d'euros d'actions et reçu 298 millions d'aides publiques rien qu'en 2023 !

Cette situation est d'autant plus indécente que l'acier est au coeur des transitions : partout où l'on veut produire, transformer et bâtir, le métal est là.

Sans parler des victimes collatérales, comme les salariés de la centrale DK6 de Dunkerque ; 15 000 salariés en France s'inquiètent pour leur avenir et de la taxation de l'acier carboné en 2030.

Que comptez-vous faire pour contraindre ArcelorMittal à engager la décarbonation des sites, quitte à changer la législation pour contraindre le remboursement des aides publiques perçues par le groupe ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER)

M. Marc Ferracci, ministre chargé de l'industrie et de l'énergie .  - Vous avez raison : la sidérurgie est essentielle au maintien de notre souveraineté. Maintenir la production d'acier sur le sol français est une absolue nécessité.

Les salariés concernés - plus de 600 - sont dans l'angoisse : je leur témoigne mon soutien. Les services de l'État seront à leurs côtés. (Mme Cathy Apourceau-Poly ironise.)

Nous devons agir. Que devons-nous faire ? D'abord, travailler avec les acteurs : j'ai échangé avec les élus des sept sites concernés. Hier, j'ai échangé avec la direction d'ArcelorMittal. (M. Pascal Savoldelli s'exclame.)

Il en ressort que, pour engager des investissements, nécessaires, nous devons agir sur plusieurs leviers : protection commerciale,...

M. Pascal Savoldelli.  - Ce n'est pas la question !

M. Marc Ferracci, ministre.  - ... coûts de l'énergie, aides.

Madame la sénatrice, aucune aide n'est versée sans contrepartie. (Rires et exclamations sur les travées du groupe CRCE-K)

Mme Cécile Cukierman et M. Fabien Gay.  - Vous mentez !

M. Marc Ferracci, ministre.  - Les aides sont versées en contrepartie d'investissements. Les 850 millions d'euros d'aides n'ont pas été versés, faute d'investissements. (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K) L'ambition, c'est de pérenniser l'ensemble des sites.

Mme Cécile Cukierman.  - Vous n'avez pas répondu à la question !

Mme Silvana Silvani.  - L'Italie et le Royaume-Uni ont repris le contrôle de leurs aciéries. Et vous ? Vous continuez de croire au mythe du marché autorégulateur ! Il ne s'agit pas de nationaliser dans la débâcle et de revendre dans la prospérité ; il s'agit de faire de la propriété publique un outil de planification, de transition et de souveraineté.

Les moyens existent. Ce qui manque, c'est la volonté de rompre avec cette impuissance organisée ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER)

ArcelorMittal (III)

Mme Christine Herzog .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Croyez-vous à la fatalité ? ArcelorMittal vient d'annoncer 600 suppressions d'emplois en France, dont 200 à Florange, en Moselle. La délocalisation d'emplois supports vers l'Inde et la Pologne, déjà entamée, et l'arrêt des investissements laissent craindre un désintérêt de sa part pour la production d'acier en France.

ArcelorMittal a retardé son projet d'acier décarboné dans son usine à Dunkerque malgré son contrat avec l'État et n'investit plus dans le train à chaud de Florange. En revanche, il investit à plein en Inde et au Brésil, selon un cahier des charges environnemental moins contraignant que dans l'Union européenne.

Nous nous sommes félicités de la transition énergétique de la centrale de Saint-Avold au moment même où l'Inde se félicitait d'une production record d'électricité à base de charbon.

Les objectifs environnementaux sont très contraignants pour les entreprises. L'État doit engager des négociations pour convaincre ArcelorMittal de rester en France. Doit-on sacrifier notre souveraineté sidérurgique ? Dire adieu à nos savoir-faire ? Laisser la France perdre son industrie ? La nationalisation de l'entreprise est-elle sur la table ? Comment sauver notre souveraineté sidérurgique ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Marc Ferracci, ministre chargé de l'industrie et de l'énergie .  - Non, il n'y a pas de fatalité, y compris pour les filières en difficulté, lorsque nous sauvons l'aciérie Hachette et Driout à Saint-Dizier ou la Fonderie de Bretagne à Caudan.

En appuyant sur les bons leviers, on peut obtenir des résultats pour maintenir notre souveraineté industrielle en matière de sidérurgie, indispensable pour beaucoup de filières « aval », dont l'automobile et la défense. (M. Fabien Gay s'exclame.)

J'ai échangé hier avec Arcelor pour comprendre ses décisions.

ThyssenKrupp, en Allemagne, a annoncé 11 000 suppressions d'emplois et des fermetures de site. En France, aucun site ne ferme. C'est notre objectif. Pour cela nous devons mieux protéger nos industries.

Nos objectifs de décarbonation doivent aussi peser sur les exportateurs chinois qui envoient de l'acier en Europe. C'est l'objectif de la révision du mécanisme de taxation carbone aux frontières que nous portons et que la Commission européenne, par la voix du commissaire Séjourné, a reprise dans son plan d'urgence pour l'acier.

Nous devons aussi agir sur les coûts de l'énergie. Nous espérons qu'avec la fin de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), des accords avec les électro-intensifs se concluent. Je suis confiant.

Nous nous appuyons sur la compétitivité et sur la protection - sur ce point, nous devons sortir de la naïveté. (M. François Patriat applaudit.)

Assassinat d'Aboubakar Cissé (II)

M. Guillaume Gontard .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Le 25 avril, Aboubakar Cissé, fidèle musulman, était mortellement poignardé. Merci, monsieur le Président, d'avoir changé d'avis et concédé un moment de recueillement. Profanation d'un sanctuaire maculé du sang d'un innocent, duperie haineuse de l'assassin : tout dans cet acte est révoltant. À ses proches, nous adressons nos condoléances émues.

Monsieur le Premier ministre, vous avez à raison qualifié cet assassinat d'islamophobe.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Non, grave erreur.

M. Guillaume Gontard.  - Vous avez entendu le sentiment de relégation de nos compatriotes musulmans, et le sentiment, partagé sur ces bancs, que les plus hautes autorités de l'État, à commencer par le ministre de l'intérieur et des cultes, n'ont pas exprimé une émotion à la hauteur (quelques huées sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Akli Mellouli applaudit) ni pris la mesure de la gravité de cet attentat.

L'histoire nous l'apprend : les guerres de religion ne produisent rien d'autre que de la haine. La France a donc inventé la laïcité, grâce à la loi de tolérance et de liberté de 1905.

Monsieur le Premier ministre, vous avez rappelé à l'Assemblée nationale que la loi protège la foi. Qu'allez-vous faire pour que l'on cesse d'instrumentaliser la laïcité afin de stigmatiser l'islam et les musulmans, et pour lutter contre l'islamophobie avant que d'autres drames ne surviennent ? (Applaudissements sur les travées du GEST, ainsi que sur quelques travées des groupes SER et CRCE-; protestations sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Roger Karoutchi.  - C'est insupportable !

M. François Bayrou, Premier ministre .  - Nous le savons tous, il y a là un démon jamais endormi, qui se réveille en temps de crise.

Je cite souvent cette maxime : la loi protège la foi, mais la foi ne fait pas la loi. La tolérance et la compréhension mutuelle sont essentielles. Nous ne sommes pas étrangers les uns aux autres. Tous nos compatriotes - musulmans, juifs, chrétiens, agnostiques, athées ou autres - ont droit de cité. L'idée de devoir de cité mériterait d'être creusée, car nous avons le devoir de construire un destin partagé.

Le drame du Gard est épouvantable. Je suis heureux de voir la détermination unanime sur ces bancs à combattre ce fléau et à construire une cité différente. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ainsi que sur quelques travées du groupe INDEP, du RDSE et du RDPI)

Protection des agents pénitentiaires et de leur famille

M. Laurent Somon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La seule réelle prison est la peur et la seule vraie liberté, de se libérer de la peur, selon Aung San Suu Kyi. Les agents pénitentiaires vont-ils devenir les prisonniers de la peur que veulent instaurer les terroristes sous le couvert de l'étendard fallacieux de la défense des prisonniers ?

Les agents pénitentiaires ont subi 66 agressions graves à l'intérieur des établissements en 2023. Depuis le 13 avril, dans 31 départements, on a recensé plus de 60 faits criminels, contre des établissements, mais aussi contre les domiciles et les véhicules des agents, comme à Amiens. Ce terrorisme intolérable est un défi lancé à notre société. Nous devons tous le condamner. Comment prétendre défendre les droits de l'homme quand on s'attaque aux biens et qu'on menace les personnels ?

On le voit : les fouilles et la proposition de loi sur le narcotrafic dérangent une organisation mafieuse.

Monsieur le ministre, quelles consignes avez-vous données aux préfets ? Comment allez-vous débusquer ces terroristes et redonner confiance aux fonctionnaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Depuis le 14 avril, plus de 150 actions ont été commises à Agen, Villepinte, Toulon, Amiens... C'est de toute évidence une riposte à la loi contre le narcotrafic que vous venez de voter.

Le Gouvernement a immédiatement adopté un plan de mobilisation, à l'initiative du garde des sceaux et du ministre de l'intérieur. Dans la nuit du 15 avril, nous avons renforcé la protection des personnes et des biens relevant de l'administration pénitentiaire. Le 17 avril, une instruction pour renforcer la sécurité des sites et des agents pénitentiaires a été diffusée. Notre priorité absolue est la sécurité des agents, dont je salue l'engagement.

Le Parquet national antiterroriste coordonne désormais les investigations. Plus de 30 interpellations ont déjà eu lieu, et des gardes à vue sont en cours. Le Gouvernement est mobilisé pour protéger les prisons, les agents et leur famille. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Laurent Somon.  - La peur doit changer de camp. Montesquieu disait que la liberté est le droit de faire ce que les lois permettent. Nous devons permettre aux personnels pénitentiaires d'exercer leur métier dans des conditions sereines. L'anonymisation de leur identité dans les procédures est une mesure cardinale. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)

ArcelorMittal (IV)

Mme Audrey Linkenheld .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Demain, 1er mai, la mobilisation sociale sera particulièrement forte contre les 600 suppressions de postes annoncées par ArcelorMittal - dont 300 confirmées dans le Nord. Nous serons nombreux à défiler pour témoigner notre solidarité aux salariés et aux élus des sites de Dunkerque, Mardyck, Florange...

Pourquoi ces suppressions de postes, qui s'ajoutent aux plans sociaux en cours ? Pourquoi la suspension d'investissements censés pérenniser l'activité et sur lesquels l'État s'est engagé ? Pourquoi ce manque de transparence d'un industriel aux résultats pas si mauvais et toujours demandeur d'argent public ?

Oui, le marché de l'acier souffre, depuis longtemps. Mais la filière acier, soutenue au plan national et européen, est essentielle. Nos hauts-fourneaux ne doivent pas être sacrifiés. Ils doivent être électrifiés pour faire face aux enjeux écologiques, énergétiques, économiques et préserver notre souveraineté comme nos emplois.

La décarbonation et la modernisation doivent être directement assurées par ArcelorMittal, faute de quoi la France et l'Union européenne devront prendre des mesures fortes pour assurer la production locale d'acier bas-carbone par d'autres moyens, y compris l'entrée au capital ou la nationalisation temporaire.

En ce joli mois de mai où l'on fête le travail et l'Europe, dont la construction a commencé autour de l'acier, pouvez-vous prendre l'engagement que la France fera tout pour que l'acier soit notre histoire, mais aussi notre avenir ? (Applaudissements sur les travées des groupeSER et CRCE-K)

M. Marc Ferracci, ministre chargé de l'industrie et de l'énergie .  - La France a été à l'initiative d'un plan d'urgence européen pour la sidérurgie européenne. J'ai réuni l'ensemble des ministres, les représentants des filières et les organisations syndicales, le 17 février dernier, pour trouver les moyens de nous défendre face à une concurrence déloyale - notamment chinoise, massivement subventionnée et très fortement carbonée.

Nous agissons au niveau européen, mais pas seulement.

Je sais Patrice Vergriete et Xavier Bertrand très mobilisés. Le travail ne peut être que collectif. Nous ferons pression sur la Commission européenne. Je rencontrerai le commissaire Stéphane Séjourné dans les prochains jours. Les investissements dans la décarbonation doivent se faire. Pour cela, il faut agir sur la protection commerciale, sur la taxation carbone aux frontières, sur le coût de l'électricité, et sur tous les déterminants de la compétitivité.

Les industriels doivent prendre des décisions : nous créerons les conditions en ce sens. Merci de votre engagement. (M. François Patriat applaudit.)

Professeur Balanche

Mme Agnès Evren .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 1er avril dernier, un maître de conférences a dû interrompre son cours à Lyon II sous les huées de militants cagoulés et masqués d'un groupuscule autoproclamé Anti-France. C'est une triple agression contre la liberté académique, la démocratie et la laïcité.

Monsieur le ministre, vous avez dit votre soutien total au professeur Balanche. Mais, depuis, la présidente de l'université a pris ses distances avec l'enseignant, ses collègues universitaires chipotent, malgré l'évidence, sur le « fantasme » d'un islamo-gauchisme et les sempiternels appels au calme sont dignes du tristement célèbre « pas de vagues ».

L'indépendance de l'université est précieuse, mais les universités ne sont pas des zones de non-droit. Nous attendons une position sans ambiguïté du Gouvernement. Quelles sanctions ont-elles été prises contre ces militants qui ont défié les lois de la République ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et INDEP)

M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Le 1er avril, ce maître de conférences a été interrompu dans son cours. C'est scandaleux et honteux. Nous lui avons apporté notre soutien complet. La présidente a pris les bonnes mesures : protection fonctionnelle, saisine de la justice. (Marques de scepticisme à droite) Elle a eu une expression malheureuse (on ironise à droite), qu'elle a publiquement clarifiée. À son tour, elle a été victime d'un acharnement injustifiable. Il est intolérable que le maître de conférences et la présidente de l'université aient été menacés de mort.

Je ne demande pas qu'il n'y ait pas de vagues, mais qu'il y ait de la retenue. L'université est un lieu de dialogue et de confrontation intellectuelle, encadré par la loi.

M. Max Brisson.  - Et les sanctions ? Répondez !

M. Philippe Baptiste, ministre.  - Nous sommes extrêmement vigilants sur tous les débordements, antisémites notamment. Nous travaillons aussi aux sanctions qui pourraient être prises et veillons avec le garde des sceaux à ce que les signalements au titre de l'article 40 soient systématiquement traités.

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Philippe Baptiste, ministre.  - Le cadre disciplinaire sera en outre simplifié grâce à une proposition de loi votée au Sénat, à l'unanimité. (M. François Patriat applaudit.)

M. Max Brisson.  - Où en est cette proposition de loi ?

Mme Agnès Evren.  - Je n'ai pas eu de réponse sur les sanctions. Ce qui s'est passé à Lyon n'est pas un petit incident : c'est l'offensive concertée d'une extrême gauche intolérante...

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Bravo !

Mme Agnès Evren.  - ... et d'un islamisme qui teste tous les jours les limites de la République ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Il faut en finir avec cet équilibrisme et agir avec célérité, clarté et force. Cessons de baisser la tête ! Agissons contre cet obscurantisme qui met à mal les fondements de notre cohésion nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et INDEP)

Travail le 1er mai (I)

Mme Annick Billon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Demain, 1er mai, de nombreux boulangers et fleuristes garderont leur rideau baissé - non par choix, mais par crainte d'être verbalisés.

L'an dernier, cinq artisans de Vendée ont été poursuivis pour avoir travaillé un jour férié : ils viennent d'être relaxés par le tribunal de police de La Roche-sur-Yon.

Alors que le flou persiste, le groupe Union Centriste a alerté la ministre du travail dès le mois de mars pour les boulangers, puis en avril pour les fleuristes. Pendant vingt ans, ces professionnels ont travaillé le 1er mai sans difficulté. La situation est ubuesque : un particulier pourrait vendre du muguet sur le trottoir, mais le fleuriste devrait garder boutique close.

Avec Hervé Marseille, nous avons déposé une proposition de loi ouvrant droit à une dérogation pour certains établissements, sans remettre en cause le jour férié et chômé. Nous ne cherchons pas à ouvrir une brèche, mais à combler un vide juridique. Il ne s'agit pas de banaliser, mais de clarifier. Je remercie Mme Vautrin pour son soutien.

La jurisprudence du tribunal de La Roche-sur-Yon sécurise-t-elle les ouvertures de demain ? Dans quel délai notre texte pourra-t-il aboutir ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains ; M. Vincent Louault applaudit également.)

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins .  - Le 1er mai est un jour férié, chômé et rémunéré : on peut difficilement déroger à cette règle fixée par le code du travail, sauf pour des services essentiels comme les hôpitaux et les Ehpad.

Reste que votre étonnement est largement compréhensible. Nous avons tous été sollicités par des fleuristes et des boulangers de nos circonscriptions qui souhaitent travailler. Ces artisans peuvent travailler eux-mêmes, mais leurs salariés ne le peuvent pas.

Dans une société qui favorise le travail, peut-être faut-il envisager une évolution législative, pour les salariés volontaires. C'est le sens de la proposition de loi que M. Marseille et vous avez déposée et qui sera prochainement inscrite à l'ordre du jour.

Mes collègues Panosyan-Bouvet et Vautrin ont invité les boulangers à se mettre en contact avec leurs organisations professionnelles, elles-mêmes en rapport avec les services de l'État, afin d'éviter la situation que vous avez décrite.

Mme Évelyne Perrot.  - Et les fleuristes ?

Mme Annick Billon.  - Je remercie le Gouvernement pour son soutien et les artisans qui animent nos centres-villes et nos centres-bourgs. J'espère que, demain, nos concitoyennes et concitoyens seront nombreux à pouvoir acheter leur pain et leur muguet ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées des groupes Les Républicains et INDEP)

Relations franco-algériennes

M. Pascal Allizard .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Si nos relations avec l'Algérie sont passionnelles, elles se sont depuis plusieurs mois bien dégradées.

Le régime algérien se raidit à notre égard parce qu'il nous sent impuissants et divisés. J'avais cru comprendre des déclarations du Président de la République et du Gouvernement que la coopération reprenait et qu'une nouvelle phase de la relation bilatérale allait s'ouvrir. Mais la réalité est tout autre : placement en détention d'un agent consulaire, expulsions réciproques, rappel de notre ambassadeur.

Face aux blocages et à la désinformation encouragée, voire orchestrée, le Gouvernement fera-t-il enfin preuve d'une plus grande fermeté ? Nous disposons de plusieurs leviers d'action, dont les accords migratoires. Dénoncerez-vous l'accord de 1968 ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe .  - Dans cette affaire comme dans toutes, nous n'avons qu'une boussole : les intérêts de la France et des Français.

Nous souhaitons entretenir avec l'Algérie un dialogue exigeant et un partenariat d'égal à égal. En particulier, l'Algérie doit respecter ses engagements internationaux en matière de retour de ses ressortissants expulsés. Nous souhaitons reprendre la coopération en matière de défense, de sécurité et de renseignement et, bien sûr, obtenir la libération de notre compatriote Boualem Sansal, injustement condamné.

Tel était le sens de l'échange téléphonique entre les deux chefs d'État et de la visite de Jean-Noël Barrot à Alger.

Mais, pour dialoguer, il faut être deux. Alors que notre justice, indépendante, a décidé d'arrêter des ressortissants algériens pour des activités menées en France, l'Algérie a réagi de manière brutale et disproportionnée en expulsant douze de nos agents. En réciprocité, nous avons expulsé douze diplomates algériens et rappelé notre ambassadeur.

Si l'Algérie accepte de reprendre le dialogue, nous y sommes ouverts. Si elle fait le choix d'une relation dégradée et de l'escalade, nous assumerons un rapport de force en mobilisant une palette de leviers. (M. François Patriat applaudit.)

M. Pascal Allizard.  - Je vous remercie pour votre réponse, même si vous n'avez rien dit de l'accord de 1968.

Le désaccord à propos du Sahara Occidental est un prétexte ; il est d'ailleurs plus une conséquence qu'une cause de la dégradation de nos relations avec Alger.

Par ailleurs, l'Algérie est un partenaire important de la Russie en Méditerranée et pourrait le devenir davantage encore en raison du déclin de l'influence russe au Levant. En Afrique francophone, chaque fois que la Russie avance, l'Algérie n'est pas très loin.

M. le président. - Il faut conclure.

M. Pascal Allizard.  - Compte tenu de l'attitude de plus en plus intransigeante d'Alger, le temps est venu de faire passer des messages politiques, sans ambiguïté.

Fiscalité locale (I)

Mme Isabelle Briquet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Il y a huit ans, la majorité promettait monts et merveilles avec la suppression de la taxe d'habitation : du pouvoir d'achat pour les Français sans perte pour les collectivités.

Mais les faits sont têtus : le déficit public atteint 5,8 % du PIB et notre endettement, 113 % ; les collectivités n'ont plus de leviers fiscaux ; le financement des services publics locaux est déséquilibré.

Les collectivités territoriales ne sauraient être ni une variable d'ajustement budgétaire ni un simple guichet de l'État.

Le Président de la République exclut pourtant toute remise en question d'une décision injustifiée dès son origine et dont le maintien relève de l'irresponsabilité. Monsieur le ministre, vous avez évoqué l'idée d'une contribution des citoyens aux services publics locaux : cette proposition a le mérite d'ouvrir le débat sur les ressources des collectivités.

Continuerez-vous, malgré votre lucidité sur l'impasse actuelle, de défendre une mesure que vous savez mauvaise ou redonnerez-vous aux élus l'autonomie financière dont ils ont besoin ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation .  - La suppression de la taxe d'habitation était une promesse de campagne du Président de la République : élu, il a tenu son engagement. (Murmures sur de nombreuses travées à droite et sur certaines travées à gauche)

M. François Patriat.  - Très bien !

M. François Rebsamen, ministre.  - Nombre de parlementaires envisagent un rétablissement, mais je constate qu'aucune proposition de loi n'a été déposée sur le sujet.

Sous l'autorité du Premier ministre, nous avons entrepris un travail de pédagogie sur l'état gravement dégradé de nos finances publiques. La semaine prochaine, je recevrai les sept associations d'élus pour réfléchir aux mesures envisagées dans ce cadre. Rien n'est arbitré s'agissant du budget.

Comme je le fais depuis longtemps, j'ai indiqué devant votre délégation aux collectivités territoriales que, à mon avis, nous ne pourrons pas continuer longtemps avec un financement des communes reposant sur les seuls propriétaires, qui ne sont parfois que 30 % des habitants. Mon idée, partagée par d'autres, est qu'une contribution soit instaurée à terme, pour que chacun mesure les efforts de service public réalisés par nos communes et qu'un lien soit recréé entre les habitants et la municipalité. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Isabelle Briquet.  - La suppression de la taxe d'habitation, erreur budgétaire, a été aussi une faute politique : les collectivités ont été largement privées d'autonomie, tandis que l'État perd chaque année plus de 20 milliards d'euros en compensations. Refuser de le reconnaître, c'est condamner nos collectivités. Il faut agir, en tenant compte du revenu des habitants. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Travail le 1er mai (II)

Mme Pauline Martin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) C'est la quatrième fois que cette question vous est posée depuis hier, preuve de la ferveur des parlementaires pour défendre les artisans !

À la veille du 1er mai, la polémique gronde dans les territoires. Demain, nos boulangers et fleuristes ne pourront pas faire travailler leurs salariés, lors d'une journée pourtant florissante. Pire, le ministère demandera à ses agents de travailler pour surveiller qu'ils ne travaillent pas : on marche sur la tête...

Chacun pourra installer un étal pour vendre quelques brins de muguet, pendant que nos commerçants feront grise mine.

À l'heure où l'État invite les Français à travailler plus pour soutenir notre économie en berne, voilà qu'il empêche ces salariés, bien souvent volontaires, de travailler en bénéficiant d'une rémunération bonifiée.

Sans attendre l'adoption du texte consensuel déposé notamment par Mme Billon, vos inspecteurs pourraient-ils profiter de cette journée ensoleillée pour acheter fleurs et baguettes, sans contrôles ni verbalisations ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins .  - Vous avez mis beaucoup d'enthousiasme dans votre question : avec le même enthousiasme, je vous réponds que nous sommes totalement d'accord avec vous. (Exclamations amusées et applaudissements à droite)

Le 1er mai est un jour férié, chômé et rémunéré. Nous souhaitons tous faire évoluer le code du travail pour permettre aux salariés des boulangers ou des fleuristes de travailler et de contribuer à la croissance du pays.

M. Olivier Paccaud.  - C'est une question de liberté !

M. Yannick Neuder, ministre.  - Des exceptions sont déjà prévues : hôpitaux, Ehpad, sapeurs-pompiers - je n'ai pas cité les agents du ministère du travail...

Ma collègue Astrid Panosyan-Bouvet a demandé aux fédérations de boulangers de se mettre en rapport avec les services préfectoraux pour éviter des situations ubuesques.

Je crois à la sagesse du Sénat pour ouvrir une voie permettant de travailler davantage sur la base du volontariat, dans l'esprit de la simplification souhaitée par le Premier ministre. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)

Mme Pauline Martin.  - Avant de compter sur nous, nous comptons sur vous !

Fiscalité locale (II)

M. Éric Dumoulin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le ministre Rebsamen a donc lancé ce qui s'appelle un ballon d'essai, sur la création d'une sorte de nouvel impôt local, une contribution « modeste » qui serait demandée à tous les ménages pour financer les services publics des communes.

Cette annonce s'apparente au rattrapage d'un péché originel : la suppression de la taxe d'habitation.

M. Guillaume Chevrollier.  - C'est vrai !

M. Éric Dumoulin.  - Mal réfléchie et mal financée, cette réforme a déstabilisé l'édifice déjà fragile des finances locales. Communes et départements ont perdu tout ou partie de leur autonomie. Pourtant incomparablement plus vertueuses que l'État, nos collectivités souffrent, tandis que l'État verse chaque année 20 milliards d'euros de compensations. Les locataires ne financent plus les services publics de proximité, ce qui crée un fossé entre les citoyens d'une même ville.

Les collectivités territoriales réalisent 70 % de l'investissement public : il faut les protéger et les accompagner, plutôt que les ponctionner à l'aveugle. S'il est compréhensible qu'elles participent à l'effort de redressement des comptes publics, elles ne doivent pas être la variable d'ajustement des comptes de l'État - ou plutôt de ses mécomptes.

Nos collectivités sont profondément inquiètes à l'approche du budget 2026. On parle d'un doublement, voire d'un triplement, de l'effort demandé cette année. Dans l'attente de l'indispensable remise à plat de la fiscalité locale, pouvez-vous les rassurer, et nous avec elles ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics .  - Le Gouvernement ne souhaite pas instaurer dans le prochain budget de nouveaux impôts.

M. Patrick Kanner.  - Ce n'est pas ce qu'a dit M. Rebsamen...

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Nous sommes très fiers d'avoir rendu 700 euros en moyenne aux Français par la suppression de la taxe d'habitation.

À moyen terme, comme l'a dit mon collègue Rebsamen, le lien entre le contribuable et le service public, entre le citoyen et le maire, pourrait probablement gagner en clarté. Plus largement, nous voulons que les Français comprennent mieux où vont leurs impôts.

La semaine prochaine, le Premier ministre, François Rebsamen, Éric Lombard et moi-même lancerons la conférence de financement des territoires, pour redonner de la prévisibilité. La désynchronisation des agendas entre un maire, élu pour six ans, et la ministre des comptes publics, qui prépare un budget sur un an, est source de beaucoup de malentendus.

Les maires veulent savoir où ils vont, et l'État doit être le garant de notre retour à 3 % de déficit en 2029. Nous y parviendrons par le dialogue et la coconstruction, la remise en question des normes qui créent des dépenses inutiles et la réflexion sur nos ressources humaines, la fonction publique territoriale et le pilotage par les maires eux-mêmes de leurs dépenses. C'est dans cet esprit que nous construirons ensemble une trajectoire pluriannuelle, qui offrira un cadre prévisible et garantira une solidarité financière nationale.

La séance est suspendue à 16 h 20.

Présidence de M. Pierre Ouzoulias, vice-président

La séance reprend à 16 h 30.