Création d'un groupe de vacataires opérationnels de sécurité civile

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi portant création d'un groupe de vacataires opérationnels et encourageant le volontariat pour faire face aux défis de sécurité civile, présentée par M. Grégory Blanc et plusieurs de ses collègues.

Discussion générale

M. Grégory Blanc, auteur de la proposition de loi .  - Mes pensées émues vont au sergent-chef Niccolo Scardi, à sa famille et ses camarades. Nous sommes abasourdis par ce drame en Haute-Savoie que rien ne justifie.

Monsieur le ministre, dans un contexte tendu, nous manquons de moyens humains. La culture de la sécurité civile doit être davantage ancrée dans nos territoires. Alors que partout les dangers augmentent, il faut ouvrir le débat pour clarifier les horizons.

Notre modèle de sécurité civile fonctionne. Il résulte d'une construction patiente, articulant engagement citoyen et savoir-faire professionnel. Néanmoins, des fragilités existent et s'aggravent.

Alors que la société change, comment adapter notre modèle aux défis qui viennent ? En vingt ans, 2 400 casernes ont fermé, plus d'une sur cinq. Alors que le nombre de volontaires stagne, notre maillage territorial se réduit.

L'adaptation de notre modèle ne peut se réduire à l'évolution du pilotage des Sdis et à davantage de subventions. Il faut réfléchir à notre organisation. À l'avenir, il faudra plus de sapeurs-pompiers professionnels et plus de sapeurs-pompiers volontaires. Cela va de pair avec un service public plus efficient, y compris financièrement.

Il a fallu douze ans pour passer de 196 825 volontaires en 2009 à 200 000 en 2023, mais deux ans seulement, de 2021 à 2023, pour recruter 1 600 sapeurs-pompiers professionnels supplémentaires. Pourtant, les délais d'intervention se sont allongés.

Nos modes de vie et de production ont évolué. Désormais, les volontaires travaillent souvent à 20 ou 30 kilomètres de la caserne, d'où un problème de disponibilité en journée dans certains territoires. Pour y répondre, on installe des professionnels - pour assurer deux ou trois sorties quotidiennes seulement. Cela n'est pas viable financièrement.

J'ai été chef d'entreprise dans le secteur de la santé : impossible de laisser partir une infirmière si son absence n'est pas anticipée. Compenser financièrement les entreprises qui acceptent les astreintes n'est pas toujours la solution. Les temps ont changé.

Le deuxième défi est juridique : l'épée de Damoclès de la directive européenne sur le temps de travail. Il faut impérativement sécuriser le système d'astreinte, au coeur du modèle du volontariat. Mais quand des sapeurs-pompiers volontaires assument de nombreuses heures de garde postée, cela nous fait courir un risque juridique.

Troisième défi, le changement climatique. Nous sommes à plus 1,7°C ; en 2030, ce sera plus 2°C. Or la sinistralité a déjà beaucoup augmenté. Le plan national d'adaptation au changement climatique chiffre son coût à 143 milliards d'euros entre 2020 et 2050 ! Nos systèmes assurantiels sont sous tension et ne résisteront pas à un réchauffement de plus de 2,5°C, entre augmentation des départs de feu et des inondations dues aux précipitations.

Le budget de la sécurité civile baisse de 5,6 % par rapport à 2024, alors que les aléas climatiques progressent. Sans vouloir polémiquer, le budget de la police de l'immigration, lui, est en hausse... Vu le contexte budgétaire, le report à l'automne du Beauvau de la sécurité civile est de mauvais augure.

Il faut innover, inventer un éventail de solutions. Le texte initial prévoyait d'expérimenter sur deux ans, dans cinq départements, des groupes de volontaires mobilisables dans le cadre d'une activité programmée, sans autre contrat. Or cette proposition d'expérimentation soulève des réactions et des blocages pour le moins étonnants.

J'ai conduit ce travail avec humilité, avec l'accord des principaux intéressés. Un colloque s'est tenu ici, les propos tenus ont été enregistrés. Mais les positions ont évolué... Être constructif, c'est accepter le compromis pour dépasser les blocages. Tout le monde n'y était pas prêt. C'est pourquoi j'ai souscrit à l'amendement du rapporteur.

Le texte de la commission est utile est équilibré. Notre vote traduira aussi notre volonté de faire vivre ces espaces transpartisans. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)

M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) J'ai une pensée pour les trois sapeurs-pompiers agressés en Haute-Savoie, à Saint-Cergues et à Évian-les-Bains. J'exprime tout mon soutien à ces héros du quotidien qui incarnent les valeurs de la République, ainsi qu'à leurs proches.

Cette proposition de loi est l'occasion de réitérer le soutien du Sénat au modèle français de sécurité civile. Le développement progressif de la professionnalisation ne s'est jamais fait au détriment de l'implication des citoyens dans la protection de leur prochain. C'est un choix de valeurs : celui d'une citoyenneté engagée, mais aussi un choix politique réaliste en faveur d'un service public de proximité à coût maîtrisé.

Nous nous félicitons que le seuil de 200 000 volontaires ait été franchi : ils ne sont pas une force subsidiaire affectée aux tâches subalternes, mais constituent 80 % de nos forces de sécurité civile et assurent les mêmes missions que les professionnels, avec les mêmes devoirs et les mêmes contraintes, pour une indemnité modique.

Les volontaires sont ainsi indispensables au bon fonctionnement des Sdis ; ils ne représentent pourtant que 20 % des dépenses. Ils apportent de la souplesse à notre organisation, avec des équipes mobiles mises en place à l'échelle du département.

Il est donc excessif de considérer, comme l'écrivent les auteurs de la proposition de loi dans leur exposé des motifs, que les Sdis souffrent d'un défaut d'opérationnalité lié à un dysfonctionnement du volontariat.

Certes, le mode de financement de notre système est à bout de souffle, la disponibilité des volontaires en semaine est insuffisante et la jurisprudence Matzak menace  - l'IGA a calculé qu'il faudrait embaucher 22 000 sapeurs-pompiers professionnels, pour 1,1 milliard d'euros, pour assurer les missions qu'accomplissent les volontaires.

Il faut donc adapter notre modèle ; chacun en convient. Mais la manière de le faire est nettement moins consensuelle. Le Sénat, en tout cas, a marqué son attachement à la préservation du volontariat dans sa résolution de 2024. Pour avoir approché de près l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires comme président du Sdis des Hautes-Alpes pendant plusieurs années, j'espère que cette position sera reprise par le Beauvau de la sécurité civile, dont nous attendons beaucoup.

Grégory Blanc souhaitait instaurer l'expérimentation pendant deux ans de groupes de vacataires de sécurité civile dans cinq départements vulnérables, sur le modèle des réserves opérationnelles de l'armée. Mais l'objectif nous a semblé confus : il s'agissait à la fois de répondre aux urgences opérationnelles et d'assurer des gardes postées.

Surtout, ce dispositif aurait eu pour effet de créer un troisième statut, permettant à certains volontaires d'intensifier leur engagement. Mais quelle aurait été la rémunération de ces vacataires ? Selon l'Association nationale des directeurs et directeurs adjoints de Sdis (ANDSIS), le coût d'un vacataire pour le Sdis aurait pu atteindre 20 000 euros par an.

Nous ne doutons pas des bonnes intentions de notre collègue, mais son texte était au mieux prématuré, voire inopportun. Il n'aurait apporté aucune plus-value opérationnelle aux Sdis, tout en introduisant un glissement vers une semi-professionnalisation des sapeurs-pompiers volontaires que nous ne souhaitons pas.

Outre son coût élevé pour les Sdis, donc pour les départements et le bloc communal, cette expérimentation semblait incompatible avec la directive européenne. Elle a suscité la ferme opposition des principales organisations représentant les acteurs de la sécurité civile, qui craignaient une dénaturation du volontariat et l'illisibilité des statuts. On est loin du consensus évoqué.

Cette mesure n'aurait pas résolu la principale difficulté liée au volontariat, le manque de disponibilité en semaine, sauf à demander aux volontaires d'effectuer un temps partiel explicite.

En accord avec l'auteur du texte et dans l'esprit de cet espace transpartisan, nous avons tenté de trouver une voie de passage autour d'un nouveau dispositif, que j'espère plus consensuel et opérationnel : il s'agit de sécuriser l'engagement saisonnier de sapeurs-pompiers volontaires, par exemple pour la surveillance des plages, en lui donnant une base législative.

En outre, nous avons supprimé certaines dispositions du code général des collectivités territoriales, devenues obsolètes du fait de la départementalisation des services d'incendie et de secours.

Si la méthode que nous avons suivie ne me satisfait pas pleinement, je me suis efforcé de faire émerger un compromis dans un esprit de responsabilité. La commission des lois a adopté la proposition de loi dans sa rédaction modifiée, et j'espère que notre assemblée la suivra. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du GEST ; M. Hussein Bourgi applaudit également.)

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Je pense au sergent-chef Niccolo Scardi qui lutte pour la vie, ainsi que pour les deux autres sapeurs-pompiers agressés les jours derniers.

Je remercie tous ceux qui ont travaillé sur cette proposition de loi de Grégory Blanc. La sécurité civile est un sujet transpartisan. J'ai retrouvé le même souci de dépasser les clivages à chaque étape du Beauvau de la sécurité civile, que Bruno Retailleau et moi-même avons relancé.

Ce dépassement est plus important que jamais, alors que notre modèle de sécurité civile a grand besoin d'être consolidé. Depuis la loi de 2004, le paysage a profondément changé : multiplication des risques climatiques - rien que cette année, les inondations en Ille-et-Vilaine et les cyclones Chido et Garance - , diversification des missions - le secours aux personnes devenant largement prépondérant - , pression opérationnelle accrue - près de 5 millions d'interventions par an - et menace liée à la jurisprudence Matzak.

Les sapeurs-pompiers volontaires sont la colonne vertébrale de notre modèle : ils représentent plus de 78 % de nos 225 000 sapeurs et marins-pompiers et assurent les deux tiers de l'activité opérationnelle, sur tout le territoire, au quotidien comme lors des événements exceptionnels.

Ce système fait figure de modèle en Europe. Nous devons le réformer pour maintenir son excellence. L'objectif est de consolider l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires et de susciter de nouvelles vocations.

C'est l'ambition du Beauvau de la sécurité civile, relancé à Aix-en-Provence. Dans la phase de concertation, j'ai redit la détermination du Gouvernement à répondre aux attentes des sapeurs-pompiers, notamment volontaires. À Montpellier, il y a quelques jours, nous avons constaté le rôle essentiel qu'ils jouent et l'excellence de leur formation.

Évolution des missions, avenir du financement, valorisation des mérites, statut juridique des volontaires : sur tous ces sujets, nous pouvons nous appuyer sur les conclusions des inspections générales de l'administration et de la sécurité civile, saisies en 2023.

Certaines de leurs préconisations ont déjà été mises en oeuvre, notamment pour éviter le recours excessif aux gardes postées. Nous avons demandé à la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) de mener des travaux juridiques pour prévenir le risque de requalification du volontariat en contrat de travail.

M. Grégory Blanc.  - Très bien.

M. François-Noël Buffet, ministre.  - Malgré les modifications du rapporteur, nous ne pouvons soutenir cette proposition de loi en l'état. Sa rédaction ne répond pas totalement aux enjeux de sécurisation et de fidélisation de l'engagement des volontaires. C'est aussi la position de la grande majorité des acteurs de la sécurité civile, notamment de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF).

L'engagement des sapeurs-pompiers volontaires est indispensable. Il doit prendre des formes multiples, adaptées aux besoins des territoires. Nous devons le consolider en adoptant une approche globale : c'est l'esprit du Beauvau de la sécurité civile, qui s'achève et se traduira par un projet de loi qui devrait être soumis au Parlement à l'automne.

Le Gouvernement est plutôt défavorable à ce texte, mais, pour ne pas être désagréable à son auteur ni au rapporteur, il s'en remet à la sagesse du Sénat. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)

M. Joshua Hochart .  - J'ai à mon tour une pensée pour le sergent-chef Niccolo Scardi, violemment percuté le week-end dernier à Évian-les-Bains.

Cette proposition de loi vise un objectif louable, et je crois sincère la volonté de son auteur. Mais la création d'un troisième corps de sapeurs-pompiers, loin de résoudre les difficultés actuelles, les aurait aggravées.

Les sapeurs-pompiers volontaires sont le pilier porteur de notre modèle de sécurité civile, l'un des meilleurs d'Europe : ils représentent 80 % de nos 250 000 pompiers. Mais les problèmes sont nombreux : recrutement et fidélisation plus difficiles, précarité de certains Sdis, fermetures de caserne, augmentation constante des interventions. Ces évolutions résultent de la désindustrialisation de nos territoires, de l'éloignement croissant des lieux de travail, de la charge administrative qui s'alourdit et de la reconnaissance insuffisante de l'engagement - les sapeurs-pompiers volontaires attendent toujours le décret promis sur la bonification de leur pension...

Nous devons aussi rester vigilants face aux attaques de la Commission européenne contre notre modèle de volontariat. Demain, ce sont les bénévoles des associations agréées de sécurité civile qui seront concernés. Et après-demain ?

Je salue le travail du rapporteur. La surveillance saisonnière des feux ou des plages peut justifier la mobilisation de sapeurs-pompiers volontaires sous contrat - je le sais pour avoir été moi-même sapeur-pompier volontaire.

Nous espérons que de nombreuses propositions remonteront du Beauvau de la sécurité civile. Les sapeurs-pompiers volontaires comptent sur nous.

Présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente

Mme Marie-Claude Lermytte .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) La chambre des territoires sait ce que notre pays doit à l'engagement des sapeurs-pompiers. Rendons hommage à l'engagement de ces 200 000 femmes et hommes qui veillent, interviennent et sauvent. Nous assurons de notre reconnaissance ceux qui ont été blessés et les familles des disparus.

La République ne tolérera aucune violence envers les sapeurs-pompiers, comme envers les soignants.

La majorité des sapeurs-pompiers sont des volontaires ayant pris librement un engagement au service de leurs concitoyens. Ils remplissent leurs missions avec un sens du devoir exemplaire. Mais la pression opérationnelle s'accroît, sous l'effet notamment du dérèglement climatique. Dans mon département, les inondations se multiplient ; ailleurs, ce sont les feux de forêt. Partout, les sapeurs-pompiers répondent présent, réactifs et solidaires.

Grégory Blanc proposait des groupes de vacataires mobilisables pour des besoins ponctuels - intention louable. Oui, les pompiers ont besoin de renforts, mais soyons vigilants : ne bouleversons pas l'équilibre subtil de notre modèle.

Je salue le travail du rapporteur, qui a proposé des ajustements utiles. Le texte de la commission évite de créer un troisième statut et de fragiliser les finances des collectivités.

Notre modèle est appelé à évoluer, mais attendons les conclusions du Beauvau de la sécurité civile. Le groupe Les Indépendants votera majoritairement contre ce texte. Les sapeurs-pompiers protègent nos vies ; sachons protéger leurs missions. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Mme Annick Petrus .  - (Mme Nadine Bellurot applaudit.) Le texte issu de la commission ne correspond plus à la version initiale de la proposition de loi, et c'est heureux. La création d'un troisième statut était inopportune, car elle aurait brouillé la lisibilité de notre modèle et alourdi la charge financière des Sdis.

Ancien officier sapeur-pompier, j'ai engagé à Saint-Martin un chantier majeur : la création d'un service territorial d'incendie et de secours autonome, pour garantir une sécurité civile réactive et pleinement adaptée aux réalités de notre île. Je remercie François-Noël Buffet pour son écoute et son appui, déterminant.

Cette expérience l'a confirmé : le volontariat ne manque pas de vocations, mais de disponibilité. Nous avons besoin d'outils souples et compréhensibles. La création d'un troisième statut flou et financièrement instable aurait, au contraire, été source de confusion.

Il est plus que jamais essentiel de conforter notre modèle, sans le complexifier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Patricia Schillinger .  - Nul ne conteste la tension croissante à laquelle est soumis notre modèle de sécurité civile, malgré l'engagement exemplaire de nos sapeurs-pompiers, dont 80 % sont volontaires.

Les interventions ont augmenté de façon exponentielle, notamment pour les secours aux personnes, et le changement climatique multiplie les événements extrêmes. Exprimons notre reconnaissance à tous ceux qui nous protègent, jour et nuit. Nous pensons avec émotion au sapeur-pompier volontaire gravement blessé ce week-end en Haute-Savoie.

Depuis longtemps, le Sénat a initié ou soutenu des textes pour les accompagner : loi Matras de 2004, proposition de loi renforçant leur protection contre les substances toxiques, proposition de loi votée avant-hier sur les professionnels de santé au sein des Sdis.

Mais la présente proposition de loi soulève des interrogations, dans sa rédaction initiale comme dans la version issue de la commission.

L'idée de créer un statut de vacataire a suscité de vives réserves parmi les acteurs. La FNSPF a mis en garde contre une possible dénaturation du volontariat et un coût élevé pour les Sdis. Elle a aussi rappelé le risque juridique lié à l'arrêt Matzak.

Le rapporteur a proposé une réécriture donnant un fondement légal au recrutement de sapeurs-pompiers volontaires dans le cadre de contrats saisonniers. Mais l'inquiétude demeure sur l'introduction d'une semi-professionnalisation. En sécurisant les contrats saisonniers, nous introduisons une nouvelle zone grise et ouvrons la porte à des requalifications.

Alors que nous attendons les conclusions du Beauvau de la sécurité civile, il serait hasardeux d'ajouter une brique instable à un édifice en cours de refonte. Doutant de l'opportunité de ce texte, le RDPI y est défavorable. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Maryse Carrère .  - S'il est une institution qui incarne le courage et le dévouement, c'est bien celle des sapeurs-pompiers. Mais la réalité est parfois âpre : conditions de travail difficiles, manque de reconnaissance, multiplication des actes de violence - l'actualité récente le rappelle à Évian-les-Bains.

Par deux lois majeures, en 2021 et 2023, le Parlement a manifesté aux sapeurs-pompiers la considération qu'il leur porte.

Notre système est à bout de souffle : ce constat est partagé. Les Sdis sont saturés, notre maillage territorial est fragilisé et les effectifs restent insuffisants, malgré le franchissement du seuil des 200 000 volontaires. En 2008, 25 millions de Français habitaient à plus de dix minutes d'intervention d'une caserne ; ils sont désormais 36,5 millions. Sous l'effet du dérèglement climatique et du manque de moyens, les difficultés iront croissant. Il est donc urgent d'agir.

Sur le principe, le RDSE est favorable à de nouveaux outils d'organisation, et l'expérimentation est un vecteur intéressant. Mais le dispositif initial de la proposition de loi était fragile. Je salue donc le travail du rapporteur pour pérenniser dans la loi le dispositif d'engagement saisonnier régi par le décret du 9 octobre 2009.

Nous soutenons cette rédaction, qui présente également l'avantage de ne pas préempter les conclusions du Beauvau de la sécurité civile, qui devront être à la hauteur des enjeux. (Mme Émilienne Poumirol applaudit.)

M. Bernard Delcros .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je m'associe aux hommages rendus au sapeur-pompier violemment agressé il y a quelques jours et à l'ensemble des sapeurs-pompiers.

Grégory Blanc a proposé la création, à titre expérimental, de vacataires opérationnels. Sur ce sujet d'importance, je salue le travail de fond de notre rapporteur, qui a mis ses grandes qualités au service de la recherche d'un compromis.

Le concours des sapeurs-pompiers volontaires aux missions de sécurité civile est indispensable, en particulier dans les territoires les plus ruraux, où ils assurent parfois la quasi-totalité des interventions. La sécurité civile ne pourrait être assurée sans eux. C'est pourquoi nous devons sans cesse encourager le volontariat, sur tout le territoire - si le nombre de volontaires augmente globalement, il diminue dans certains départements.

La difficulté majeure liée à notre modèle est la disponibilité, dans un contexte où les missions s'accroissent et se diversifient, ce qui suppose de maintenir un haut niveau de formation et de préparation physique.

Nous devons toujours avoir pour objectif d'améliorer le statut des volontaires et de faciliter l'exercice de leurs missions de service public.

En lieu et place du dispositif initial, la commission propose d'inscrire dans la loi le dispositif d'engagement saisonnier de sapeurs-pompiers volontaires pour des besoins opérationnels ponctuels. Les arguments légitimes de la Fédération des sapeurs-pompiers de France et des représentants des Sdis ont conduit la majorité des membres du groupe UC à souhaiter le retrait du texte, dans l'attente des conclusions du Beauvau de la sécurité civile, imminentes.

À défaut de retrait, nous sommes plus que réservés sur ce texte. Dans notre majorité, nous ne le voterons pas. En revanche, je ne doute pas que nous débattrons dans un esprit consensuel des prochaines conclusions du Beauvau de la sécurité civile. (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Céline Brulin .  - Après le travail du rapporteur, cette proposition de loi sécurise davantage l'engagement ponctuel des sapeurs-pompiers volontaires sur de courtes durées, dans le cadre de contrats saisonniers.

J'ai moi aussi une pensée pour le sapeur-pompier volontaire de Haute-Savoie blessé alors qu'il tentait de faire cesser un rodéo urbain. Je tiens à rendre un hommage appuyé aux 200 000 hommes et femmes qui s'engagent chaque jour pour la sécurité de nos concitoyens.

À 80 %, il s'agit de volontaires : c'est une particularité de notre modèle, dont nous nous réjouissons, mais qui doit être réinterrogée à la lumière des nouveaux défis. C'était le sens de cette proposition de loi, même si les solutions proposées ne se sont pas avérées opportunes ou opérantes.

Les catastrophes naturelles qui s'intensifient et la multiplication des sollicitations pour le secours aux personnes rendent les missions des sapeurs-pompiers plus cruciales que jamais. C'est d'autant plus vrai qu'ils pallient de plus en plus l'affaiblissement d'autres services publics.

Le modèle de financement des Sdis est à bout de souffle, dans la mesure où il repose sur des collectivités elles-mêmes au bord de l'asphyxie. Sans parler de l'épée de Damoclès liée à la jurisprudence Matzak - certains pensaient pouvoir compléter la directive européenne sur le temps de travail, mais la présidence française de l'Union européenne ne l'a pas permis.

Encourager le volontariat, investir dans le matériel et les équipements, mieux reconnaître les missions : voilà ce que l'on attend du Beauvau de la sécurité civile.

Rappelons que les budgets des Sdis sont aussi affectés par l'augmentation du taux de cotisation à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales.

Enfin, le décret sur la bonification de retraite des sapeurs-pompiers volontaires justifiant d'au moins dix ans de service se fait toujours attendre, de même que la pérennisation de la prestation de fidélisation et de reconnaissance.

Nous voterons cette proposition de loi dans la rédaction de la commission, en souhaitant que les chantiers évoqués connaissent une issue positive. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Guillaume Gontard .  - Lutte contre les incendies et les inondations, secours aux personnes, gestion des risques industriels, accidents de la route : dans leurs différentes missions, les sapeurs-pompiers sauvent des vies et protègent nos biens et nos espaces naturels, avec dévouement et bravoure. Et au péril de leur vie : aux risques liés aux interventions s'ajoutent l'exposition à des produits toxiques, dont l'amiante et les PFAS, et, de plus en plus, d'innommables agressions. Je rends hommage à Niccolo Scardi, percuté samedi dernier lors d'un rodéo urbain à Évian-les-Bains.

Pas moins de 80 % de nos 240 000 sapeurs-pompiers sont volontaires. Ce modèle unique en Europe est un atout à renforcer, alors que, du fait du changement climatique, les pics actuels de sollicitations vont devenir la norme. Nous devons adapter notre modèle à cette nouvelle donne climatique.

C'est l'esprit de l'expérimentation que proposait notre collègue Grégory Blanc, qui ouvre une piste de réflexion intéressante, bien qu'il faille réfléchir à son articulation avec le volontariat pour ne pas risquer de fragiliser celui-ci. Je me réjouis que notre groupe ait lancé cette réflexion, qui doit se poursuivre.

Réécrit par la commission, le texte sécurisera la pratique des contrats saisonniers : c'est une avancée notable.

Nous espérons que le débat ouvert ce soir permettra de résoudre les enjeux liés à la fidélisation des sapeurs-pompiers, à la réduction des risques sanitaires, au renforcement des moyens et à l'articulation entre services.

Alors que Beauvau veut reprendre la main, nous serons attentifs aux prochaines annonces du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

M. Hussein Bourgi .  - Sapeur-pompier, c'est une vocation et une passion. Nous avons à l'esprit l'image de ce héros qui fait battre le coeur des enfants. Ces 250 000 femmes et hommes suscitent le respect et l'affection des Français. Leur quotidien est fait d'abnégation, de sacrifices et parfois, hélas, d'ingratitude, lorsqu'ils sont insultés, voire violentés.

Volontaires à 80 %, les sapeurs-pompiers réalisent 4,7 millions d'interventions par an, soit une toutes les sept secondes. À chaque fois, c'est un engagement altruiste, un don de soi qui force le respect.

Le rôle des sapeurs-pompiers ne cesse de s'étendre et leurs missions de se diversifier. Les incendies représentent moins de 6 % des interventions mais le secours aux personnes, 85 %.

L'engagement des sapeurs-pompiers s'exerce dans un contexte de plus en plus difficile, anxiogène et violent. Les agressions sont en hausse et le manque de reconnaissance peut entraîner une fatigue psycho-sociale, voire des burn-out et démissions.

Par ailleurs, les finances des départements sont exsangues alors que les besoins d'investissement dans les Sdis sont importants, notamment pour faire face aux conséquences du changement climatique, dont la multiplication des feux de forêt.

Événements climatiques extrêmes plus fréquents, vieillissement de la population, risques technologiques et industriels et nouveaux types d'incendies - liés par exemple aux batteries au lithium : les sollicitations vont continuer de s'accroître.

Je salue Grégory Blanc, dont nous comprenons l'intention, inspirée des corps de réservistes des armées, de la gendarmerie et de la police. Mais force est de constater que son texte n'était pas assez consensuel au sein de la profession. Selon la FNSPF, les risques juridiques liés à la jurisprudence Matzak auraient été aggravés.

Le rapporteur Jean-Michel Arnaud a eu la sagesse et l'élégance de retirer du texte tout ce qui pouvait irriter : nous lui en sommes très reconnaissants.

Le texte issu de la commission confère une base légale aux contrats saisonniers des sapeurs-pompiers. Nous y sommes plutôt favorables, tout en étant conscients que cela ne répond pas aux besoins des Sdis. Nous attendons avec confiance et intérêt les conclusions du Beauvau de la sécurité civile, un bel exercice de démocratie participative auquel je remercie le ministre d'avoir accordé le temps nécessaire. Le Sénat, dans sa diversité, accompagnera les évolutions nécessaires.

Les sapeurs-pompiers sont un pilier essentiel de la sécurité civile. Il ne suffit pas de les applaudir après chaque catastrophe : il faut leur donner les moyens d'agir dans la durée. La loi Matras doit se concrétiser pleinement et les pactes capacitaires contre les aléas climatiques être actés.

Le groupe SER votera cette proposition de loi, en espérant que les doléances des sapeurs-pompiers seront prochainement entendues. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du GEST)

Mme Valérie Boyer .  - Je tiens à rendre hommage aux sapeurs-pompiers agressés récemment.

Face à des enjeux de sécurité civile de plus en plus forts, le texte déposé par Grégory Blanc prévoyait une expérimentation de deux ans, dans cinq départements, permettant aux sapeurs-pompiers volontaires de choisir entre l'astreinte de garde et un nouveau régime de vacation, en théorie moins contraignant.

La réflexion de fond doit se poursuivre sur ces sujets. J'ai moi-même déposé, en juillet dernier, une proposition de loi visant à créer une réserve communale de sûreté.

Notre pays fait face à un risque sécuritaire de plus en plus important, malgré l'action efficace de notre ministre de l'intérieur, Bruno Retailleau. Cette explosion de violence touche tout le monde et nous plonge dans une France Orange mécanique.

Malheureusement, depuis la fin du service militaire, la France ne dispose plus d'effectifs suffisants pour intervenir rapidement.

Je regrette que mon amendement créant une réserve communale de sûreté ait été déclaré irrecevable au titre de l'article 40. Ce dispositif, demandé par de nombreux maires des Bouches-du-Rhône, leur permettrait en effet de renforcer instantanément leur police municipale.

En 2023, les Bouches-du-Rhône ont subi de multiples incendies déclenchés par un pyromane. Des effectifs de sûreté supplémentaires auraient certainement permis de l'interpeler plus tôt. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Gilbert Favreau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le diagnostic posé est juste : notre modèle de sécurité civile traverse une période de fragilité et la disponibilité des sapeurs-pompiers volontaires en journée est une inquiétude dans nombre de territoires.

Mais si nous partageons le constat, nous divergeons sur la solution : créer une réserve de vacataires n'est pas une réponse appropriée à la situation, pour trois raisons.

D'abord, parce qu'elle mettra en concurrence les volontaires et les vacataires intermédiaires rémunérés pour des gardes programmées. Cela brouillera les lignes entre volontariat et professionnalisation et créera une hiérarchie implicite entre ceux qui s'engagent par civisme et ceux qui sont rémunérés.

Ensuite, parce que l'expérimentation accroîtra le coût pour les Sdis, alors que le système actuel est déjà onéreux. Les Sdis sont financés par les départements, les communes, les communautés de communes et l'État. Nous risquons donc une impasse financière, mettant en péril notre modèle de sécurité civile.

Ma troisième réserve tient à la fragilité juridique de ce dispositif au regard du droit européen. En multipliant les gardes postées, même sous un statut de vacataire, nous risquons de voir le volontariat assimilé à du salariat, soumis à la directive européenne sur le temps de travail -  avec toutes les conséquences que l'on peut imaginer...

Cette proposition de loi soulève donc plus de risques qu'elle n'apporte de réponses concrètes. Préserver l'esprit du volontariat, clarifier les statuts et consolider le financement des Sdis doivent demeurer nos priorités.

Le groupe Les Républicains votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Grégory Blanc, auteur de la proposition de loi.  - Nous devons continuer à débattre de la sécurité civile. Nous sommes d'accord pour reconnaitre qu'il y a des problèmes de disponibilité, qui tiennent notamment à l'évolution de nos modes de vie.

J'ai aussi entendu que ce qui coûte cher, c'est de mettre des professionnels là où c'est moins utile. Nous avons besoin de plus de professionnels et de volontaires, mais il faut les affecter aux bons endroits.

Même le ministre a reconnu que nous devions expérimenter de nouvelles organisations, adaptées aux territoires. Nous avons 100 départements, 100 Sdis. Offrons de la souplesse pour ajuster efficacement les moyens aux besoins de chaque territoire.

Monsieur le ministre, j'ai entendu vos propos sur la nécessaire sécurisation des gardes postées. Nous avons besoin de gardes postées, tenues par des volontaires, dans certains territoires -  pas partout. Vos propos vous engagent.

Nous devons avancer en conservant un esprit transpartisan. C'est pourquoi je demande le retrait de cette proposition de loi de l'ordre du jour, dans l'attente d'une réponse dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile. Je salue l'esprit de compromis du rapporteur Jean-Michel Arnaud. (Applaudissements)

La proposition de loi est retirée.

Mme Muriel Jourda, présidente de la commission des lois.  - Avec ce troisième texte sur les sapeurs-pompiers en peu de temps, Grégory Blanc a attiré notre attention sur un sujet qui nous soucie tous.

Nos débats n'ont pas permis d'aboutir à un compromis. Je remercie Jean-Michel Arnaud d'avoir proposé une solution, mais qui soulevait sans doute un nouveau débat. Il paraissait dès lors difficile de trouver une issue qui convienne à tous. Je remercie Grégory Blanc d'en avoir pris acte. Nous poursuivrons nos débats, dans un esprit constructif, comme toujours. (Applaudissements)

M. François-Noël Buffet, ministre.  - Oui, il faudra trouver une solution. Nous devons mener une réflexion globale sur le volontariat et nous adapter à la diversité des territoires.

Le financement des Sdis devra aussi être examiné. Nous y travaillerons dans le cadre du Beauvau. L'objectif est d'aboutir à un texte d'ici à juin, qui fasse consensus, pour un modèle pérenne. (Applaudissements)

Conférence des présidents

Mme la présidente.  - Les conclusions adoptées par la Conférence des présidents réunie ce jour sont consultables sur le site du Sénat.

En l'absence d'observations, je les considère comme adoptées.

Les conclusions de la Conférence des présidents sont adoptées.

Prochaine séance demain, jeudi 15 mai 2025, à 10 h 30.

La séance est levée à 20 h 40.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du jeudi 15 mai 2025

Séance publique

De 10 h 30 à 13 heures et de 14 h 30 à 16 heures, à l'issue de l'espace réservé au groupe UC et au plus tard de 16 heures à 20 heures

Présidence : M. Alain Marc, vice-président, Mme Anne Chain-Larché, vice-présidente

Secrétaires : Mme Catherine Di Folco, Mme Nicole Bonnefoy

1Proposition de loi relative à la raison impérative d'intérêt public majeur de la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse, présentée par M. Philippe Folliot, Mme Marie-Lise Housseau et plusieurs de leurs collègues (procédure accélérée) (texte de la commission, n°585, 2024-2025)

2Proposition de loi visant à retirer les produits du bois de la responsabilité élargie du producteur produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment (PMCB), présentée par Mme Anne-Catherine Loisier et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°592, 2024-2025)

3Proposition de loi tendant à rétablir le lien de confiance entre la police et la population, présentée par Mme Corinne Narassiguin, M. Jérôme Durain et plusieurs de leurs collègues (n°54, 2024-2025)

4Proposition de loi visant à limiter le recours au licenciement économique dans les entreprises d'au moins 250 salariés, présentée par M. Thierry Cozic et plusieurs de ses collègues (n°230, 2024-2025)