Accord France-Djibouti (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République de Djibouti.

Discussion générale

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux .  - Je suis heureux de vous présenter le projet de loi de ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République de Djibouti, signé à Paris le 24 juillet dernier.

La France et Djibouti sont unis de longue date par un partenariat privilégié fondé sur une confiance mutuelle et une coopération qui se déploie dans de nombreux domaines. Il a été réaffirmé lors du deuxième déplacement du Président de la République dans ce pays, en décembre dernier.

Le traité dont la ratification vous est proposée matérialise la convergence de nos intérêts stratégiques en mer Rouge et dans le golfe d'Aden. Notre présence militaire à Djibouti contribue à la sécurisation de la mer Rouge, route commerciale vitale pour l'approvisionnement de l'Europe par laquelle transite 30 % du trafic maritime mondial. Notre base sert aussi l'autonomie stratégique de la France en facilitant la projection de forces dans l'Indo-Pacifique et dans nos territoires de l'océan Indien ; elle nous permet de mener des opérations de grande envergure, comme l'évacuation d'un millier de nos ressortissants du Soudan, en avril 2023, lors de l'opération Sagittaire.

Djibouti est le seul pays où l'on trouve une base américaine et une base chinoise, ainsi que des détachements japonais et italien. Grâce à ce traité, les forces françaises présentes sur place - 1 500 hommes à ce jour - pourront poursuivre leurs entraînements sur le territoire djiboutien dans des conditions facilitées.

En négociation depuis mai 2023, ce traité remplace le précédent accord, conclu en 2014. Pour l'essentiel, il conforte la situation existante, en apportant des garanties supplémentaires aux deux parties. Il s'appliquera pour une durée portée de dix à vingt ans.

Le traité maintient la clause de sécurité par laquelle la France s'engage à contribuer à la défense de l'intégrité territoriale de Djibouti. Nous sommes la seule puissance parmi les cinq présentes sur place à assurer cette mission de défense au profit de Djibouti. Cette clause traduit notre approche partenariale et conforte notre coopération en matière de défense, qui prend diverses formes : formation, entraînement aux opérations de maintien de la paix, accueil au sein d'écoles ou d'unités françaises.

Est prévue une augmentation de notre contribution financière à Djibouti, qui n'a pas été réévaluée depuis vingt-cinq ans.

Ce traité, qui conforte notre position de principal partenaire de Djibouti en matière de défense, est avantageux pour les deux parties dans un contexte de compétition géopolitique accrue. (Applaudissements sur les travées du RDPI, sur quelques travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains)

M. Cédric Perrin, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Signé le 24 juillet dernier, ce nouveau traité de défense avec Djibouti revêt une importance particulière pour notre pays.

Sa conclusion intervient dans un contexte qui nous est globalement défavorable en Afrique, après la fin de l'opération Barkhane et notre retrait de nombreux pays - Mali, Burkina-Faso, Niger, Tchad. Nos troupes ont par ailleurs été drastiquement réduites au Gabon et en Côte d'Ivoire. Ce mouvement touche aussi le Sénégal.

Ce phénomène résulte de la pression des opinions publiques, mais aussi des agissements de la Russie, qui mène une guerre hybride fondée notamment sur la désinformation.

Il sera impossible pour la France de déclencher aussi rapidement qu'auparavant une évacuation de ressortissants de grande ampleur en Afrique de l'Ouest ; mais cela restera possible depuis Djibouti, sur le modèle de l'opération Sagittaire d'avril 2023.

Son importance stratégique, Djibouti la doit à une situation géographique exceptionnelle, au bord du détroit de Bab-el-Mandeb, par lequel passent 6 millions de barils de pétrole chaque jour, et à proximité de zones de crise - je pense notamment aux attaques des Houthis, qui ont fait baisser le trafic dans le détroit de 40 % malgré les opérations menées par les États-Unis, à la tête d'une coalition, et l'Union européenne.

Djibouti est devenu un hub pour les opérations militaires, humanitaires et de renseignement. C'est le seul pays à accueillir des bases militaires permanentes de cinq pays : France, Chine, États-Unis, Japon et Arabie saoudite.

Djibouti est devenu indépendant de la France le 27 juin 1977. D'abord refroidies, nos relations ont pris un nouvel essor alors que les autorités djiboutiennes cherchent à rééquilibrer leurs relations extérieures face à la montée en puissance de la Chine, qui détient une part importante de la dette du pays.

Conforté par plusieurs visites présidentielles et ministérielles, notre partenariat concerne des domaines variés : commerce, investissements solidaires, culture, spatial.

Nos effectifs militaires sont progressivement passés de 5 600 en 1977 à 1 500 aujourd'hui. En 2011, la base a vu le départ de la treizième demi-brigade de la Légion étrangère et une forte réduction de l'aviation de combat, passée à quatre Mirage. Néanmoins, nos moyens sur place restent assez importants et seront prochainement modernisés : passage au véhicule Scorpion, renouvellement des hélicoptères, arrivée de Rafale, rénovation d'infrastructures. Une légère montée des effectifs devrait également intervenir.

Ce traité s'inscrit dans la continuité du précédent, s'agissant notamment de la clause de sécurité non automatique. La présence militaire française à Djibouti a une double finalité : fournir un point d'appui à nos forces et contribuer à la sécurité de Djibouti, qui craint des incursions érythréennes, des attentats menés par des djihadistes infiltrés depuis la Somalie ou le Yémen ou des menaces liées à l'instabilité de l'Éthiopie.

Cette clause justifie un engagement important en termes d'hommes et de moyens. En particulier, la France participera à la police de l'espace aérien djiboutien, ainsi qu'à la coordination du trafic aérien militaire, des prérogatives importantes.

Une mesure bienvenue : la facilitation des entraînements, désormais possibles après une simple notification aux autorités, au lieu d'un accord préalable.

Un comité militaire de dialogue stratégique accompagnera la transformation des forces djiboutiennes en armée d'emploi à l'horizon de 2030.

Par ailleurs, 40 % de la superficie de l'îlot du Héron est restituée à Djibouti, une demande forte des autorités du pays, cette façade maritime suscitant des convoitises commerciales. Cette restitution n'aura pas d'incidence opérationnelle majeure, et les logements supprimés seront relocalisés ou remplacés par des locations. Il conviendra de veiller à la préservation des ateliers de la base, ainsi que des cales de mise à l'eau.

Notre contribution financière est relevée de 30 à 85 millions d'euros par an, mais elle est restée stable depuis 2003 alors que la concurrence s'est accrue à Djibouti. En outre, cette contribution est libératoire de tout autre prélèvement, un principe préservé pour une durée de vingt ans.

Ce traité offre toutes les garanties nécessaires de pérennité pour notre base, point d'appui et outil de projection de premier ordre. Il envoie également un signal à nos concurrents stratégiques. Il conforte une coopération militaire inscrite dans une relation bilatérale profonde et confiante. Il faudra toutefois rester à l'écoute de notre partenaire, car, si la situation est différente de celle du Sahel, Djibouti n'est pas à l'écart des courants d'opinion et des campagnes de désinformation.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées recommande l'adoption de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du RDPI et du RDSE et sur des travées du groupe UC ; M. Didier Marie applaudit également.)

Mme Hélène Conway-Mouret .  - Ce traité est un pacte d'avenir, même si nous aurions pu saisir cette occasion pour remettre à plat notre relation.

Djibouti et la France partagent une histoire forgée dans la durée et dans le sang. Je salue la mémoire des 84 engagés volontaires qui ont participé à la libération de la poche du Médoc en avril 1945. Cette fraternité d'armes explique peut-être pourquoi la France est le seul pays avec lequel Djibouti entretient une relation de défense globale, malgré la présence permanente de plusieurs autres puissances.

Le maintien de la clause de sécurité et l'ajout d'un dispositif d'alerte sur les menaces signalent l'intensité de cet accord. Notre amitié résiste au temps et aux turbulences du monde, dans une région instable traversée par dix-sept câbles sous-marins et où nous partageons des intérêts communs de sécurité et de liberté de circulation maritime. Notre relation contribue à la sécurité du territoire djiboutien et du trafic maritime, nous ouvre une porte vers l'Indopacifique et permet la projection rapide de nos forces - comme lors de l'évacuation de ressortissants français et étrangers de Khartoum, en avril 2023.

Nos liens de confiance résultent aussi de l'intégration sur place des militaires et de leurs familles. Les enfants sont scolarisés, au côté d'élèves djiboutiens, au lycée français.

Notre partenariat s'élargit, notamment dans le domaine des infrastructures - je pense à la construction d'un deuxième aéroport - et dans le spatial - deux satellites djiboutiens ont été lancés par des ingénieurs formés à Montpellier.

Notre amitié repose aussi sur le français. Djibouti est un îlot francophone dans une corne de l'Afrique anglophone et arabophone. Mais cet ancrage linguistique s'érode : les étudiants se tournent trop souvent vers nos concurrents, faute de pouvoir obtenir facilement un visa pour étudier en France.

Plus largement, Djibouti suscite l'intérêt croissant de nombreuses puissances, à commencer par la Chine, qui investit massivement sur place et détient une part importante de la dette du pays.

Alors que Djibouti cherche à diversifier ses partenariats pour réduire sa dépendance, sachons répondre présent pour préserver notre relation d'exception.

Ce traité équilibré témoigne de notre volonté commune de prolonger notre partenariat privilégié pour les vingt prochaines années. Le groupe SER votera donc ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du RDSE ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Claude Malhuret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.) Le groupe CRCE-K a demandé le retour à la procédure normale pour l'examen de ce texte, afin de pouvoir exprimer son rejet d'un traité qui engagerait notre pays dans une impasse.

Je me félicite de ce débat, pour des raisons inverses. Ce traité revêt une importance stratégique majeure, du fait de la situation exceptionnelle de Djibouti au carrefour de la Corne d'Afrique, de la péninsule arabique et de l'océan Indien. La présence sur place de quatre autres bases étrangères confirme cet intérêt stratégique.

Cet accord intervient dans un contexte de réduction de notre présence en Afrique. Nous avons diminué notre engagement en Côte d'Ivoire, au Gabon et au Sénégal, et nous nous sommes retirés du Burkina-Faso, du Niger, du Mali et du Tchad, à la grande satisfaction de la Russie qui manipule les opinions et instrumentalise les médias. Saluons la mémoire des 58 soldats français tombés au Sahel, ainsi que l'engagement de tous nos soldats ayant lutté contre le terrorisme.

Devons-nous renoncer à défendre nos partenaires et nos valeurs et laisser libre cours à la Russie de Poutine dans la région ? Loin de constituer une impasse, la présence française à Djibouti est à nos yeux indispensable.

Cet accord permet à nos armées de se projeter et répond à une demande des autorités djiboutiennes elles-mêmes qui, après avoir privilégié leurs relations avec la Chine, cherchent à maintenir un équilibre entre les puissances présentes sur leur sol pour ménager leur indépendance.

La France ne doit pas se désengager des affaires du monde. Le groupe Les Indépendants unanime votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI, sur des travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Pascal Allizard .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je remercie notre rapporteur pour son travail. Rapporteur spécial du programme 144, j'avais souligné la nécessité de faire aboutir rapidement les pourparlers, car l'enjeu est d'importance.

À proximité du détroit de Bab-el-Mandeb, passage obligé des flux maritimes mondiaux, Djibouti est, au coeur de la géopolitique des détroits, un hub stratégique où se pressent de nombreux États, dont cinq ont sur place une base militaire permanente. La Chine y a ouvert sa première base à l'étranger, avec des capacités de premier ordre ; elle y déploie ses routes de la soie et détient une forte part de la dette djiboutienne.

Djibouti entend à bon droit tirer de cette position stratégique les bénéfices les plus larges. Ce traité consolide la protection de ce petit État au coeur d'une région instable, grâce à la clause de sécurité qui nous lie. Mais les bénéfices recherchés sont aussi économiques : chaque base dynamise la vie locale et rapporte à Djibouti des rentrées financières. Lorsque je me suis rendu sur place, les autorités djiboutiennes avaient d'ailleurs insisté sur le différentiel de loyer entre la France et les autres pays présents sur place...

Dans un contexte de montée des tensions, nos forces prépositionnées à Djibouti sont un actif stratégique dont la valeur ne cesse de s'apprécier. Notre contribution passe ainsi de 30 à 85 millions d'euros par an, et l'îlot du Héron, essentiel pour la mise en oeuvre de la stratégie indo-pacifique, sera restitué à 40 %. Ce transfert est une source d'inquiétude, compte tenu notamment de l'expansion des capacités chinoises à proximité. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que ces évolutions ne porteront pas préjudice au fonctionnement de la base ? Les effectifs des forces françaises sur place remonteront-ils, après les baisses drastiques de ces dernières années ?

Les concessions faites par la France sont importantes, mais apparaissent comme le prix à payer pour conserver ce point d'appui, alors que nous sommes fortement concurrencés dans l'Afrique francophone. Il faut accepter la compétition et nous donner les moyens de la soutenir, ou bien nous résoudre au déclassement.

Cet accord traduit une approche partenariale de la sécurité internationale, offre un cadre juridique clair à nos militaires et conforte la relation diplomatique de qualité que nous entretenons avec Djibouti. Le groupe Les Républicains votera résolument le projet de loi de ratification. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Baptiste Lemoyne .  - La ratification de ce traité marque un moment important dans la relation entre nos deux pays et nos deux peuples. Ces liens sont forts : environ 5 000 Français vivant à Djibouti, une appartenance commune à la francophonie. Je salue le travail mené sur place par l'Institut français et le lycée français. Nos liens sont aussi économiques, par exemple dans le cadre de la construction du deuxième aéroport.

Sur le plan militaire, notre partenariat est fort et stratégique. Il comporte une clause de sécurité engageant la France et prévoit notre participation à la police de l'espace aérien et à la coordination du trafic militaire aérien. Les manoeuvres de nos 1 500 hommes présents sur place, issus des trois armées, seront facilitées.

La position de Djibouti est stratégique, au coeur de plusieurs crises régionales : Houthis, Éthiopie, Somalie. Notre base est un point d'appui pour la projection de nos forces - on l'a vu en 2023 lors des opérations d'évacuation de ressortissants français et européens au Soudan. Elle revêt une importance majeure dans le cadre du pivot indo-pacifique.

Ce traité doit beaucoup à la mobilisation des deux chefs d'État, Ismaïl Omar Ghelleh et Emmanuel Macron. Je salue tout particulièrement Mahamoud Ali Youssouf, ministre des affaires étrangères de Djibouti au démarrage des négociations, ainsi que nos ambassadeurs respectifs d'alors.

Partant de bases quelque peu différentes, nous sommes parvenus à un accord équilibré, conclu pour vingt ans. Nous conservons une emprise opérationnelle sur le Héron et notre contribution est réévaluée. Le RDPI votera ce projet de loi avec conviction. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Mireille Jouve .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Il y a quelques années encore, nous vivions dans une économie de paix et peu d'entre nous se penchaient sur les enjeux de défense. L'ONU et l'Europe étaient là.

Ce temps est révolu, hélas, et il nous faut affronter la folie des hommes, alors que les crises se multiplient, exacerbant les passions. Nous avons changé de logiciel en matière de défense.

Je remercie le groupe CRCE-Kanaky d'avoir demandé le retour à la procédure normale pour l'examen de ce texte. Nous pouvons ainsi débattre du fond de ce traité de coopération, pilier de notre relation bilatérale de défense avec Djibouti.

Djibouti accueille cinq bases militaires étrangères : outre la nôtre, présente depuis 1977, les bases américaine, japonaise, chinoise et italienne. Mais la France joue un rôle singulier : elle est le seul pays à avoir signé une clause de sécurité assurant l'intégrité territoriale de Djibouti et contribuant à la défense des espaces aériens, terrestres et maritimes du pays.

Djibouti apparaît comme un îlot de stabilité indispensable au déploiement de notre stratégie régionale. Il participe aux efforts internationaux et régionaux de contre-terrorisme contre les Chebabs de Somalie et les rebelles houtistes au Yémen. Djibouti est également un important noeud de câbles sous-marins : plus de 90 % de la capacité Europe-Asie passe par la mer Rouge ! Il voit passer 40 % des échanges Asie-Europe - dont, par exemple, 90 % des exportations japonaises.

Djibouti est au coeur de notre stratégie indo-pacifique, renforcée par la présence de La Réunion, Mayotte et la Polynésie française dans cette zone devenue le théâtre des rivalités entre grandes puissances. Le RDSE votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Ludovic Haye .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La ratification de ce traité réaffirme notre partenariat historique avec Djibouti et constitue un instrument géostratégique.

Nos liens de confiance durent depuis quarante-cinq ans, mais notre coopération n'a rien perdu de sa vitalité. Nous devons pourtant la faire évoluer. Je salue le travail de notre rapporteur, qui s'est attaché à mettre en lumière la portée de l'accord.

Djibouti a une position stratégique majeure, au coeur des échanges commerciaux mondiaux. La montée des tensions dans cette région nous impose d'adapter notre engagement. C'est le sens de cet accord, conclu dans un esprit de respect mutuel dont témoigne le comité bilatéral stratégique. Il prévoit un appui aux forces djiboutiennes à travers la formation, le transfert d'expertise et la fourniture de matériels pour plusieurs dizaines de millions d'euros. Ce traité sera aussi un levier de stabilité pour l'ensemble de la région, donc pour la sécurité internationale.

Dans un contexte de compétition stratégique croissante, les autorités djiboutiennes veulent resserrer leurs liens avec la France pour rééquilibrer les forces présentes sur leur sol.

Devant les militaires présents dans nos tribunes, je rends solennellement hommage à tous ceux qui ont servi à Djibouti au cours des dernières décennies.

Le groupe UC votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDSE ; MM. Cédric Perrin et Jean-Baptiste Lemoyne applaudissent également.)

Mme Cécile Cukierman .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et du RDSE) Oui, notre groupe a demandé le retour à la procédure normale pour l'examen de ce texte. Pas pour la raison alléguée par M. Malhuret, mais parce que nous ne faisons pas partie de ceux qui adaptent leurs exigences en matière de droits de l'homme en fonction des intérêts militaires français.

Il s'agit de maintenir une présence militaire française dans le détroit de Bab-el-Mandeb pour répondre aux attaques des rebelles Houtis contre les navires commerciaux et de garantir des capacités de projection de forces sur le continent africain et dans l'Indo-Pacifique.

Mais la montée en puissance des Houthis malgré l'action des différentes coalitions internationales montre l'échec d'une approche guerrière. Et nous sommes contre la logique de blocs visant à endiguer la puissance chinoise et soutenir la présence militaire américaine dans la région. Nous ne choisissons pas entre deux impérialismes et considérons qu'il faut, par la force diplomatique de notre pays et parfois par sa puissance militaire, rendre aux peuples la capacité de s'émanciper et de décider de leur avenir.

Par ailleurs, je m'étonne qu'aucun des orateurs précédents n'ait parlé du régime djiboutien ni souligné l'absence d'exigences morales qui sous-tend ce partenariat. De fait, nous nous engageons à verser des sommes considérables à un régime dictatorial qui pratique les exécutions arbitraires, applique la charia et refuse les protocoles sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et l'élimination de la torture et des traitements inhumains et dégradants.

On ne peut pas applaudir Bruno Retailleau il y a quelques instants, quand il déclare -  à raison  - que nous devons combattre l'islamisme qui se répand à bas bruit et soutenir de pareils États. Soyons la France des Lumières, défendons les droits de l'homme tant que la lumière brille dans ces États ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

M. Guillaume Gontard .  - Porte d'entrée de la mer Rouge et du golfe d'Aden, le détroit de Bab-el-Mandeb revêt une importance cruciale pour l'Europe, dont 70 % du trafic maritime emprunte cette route. L'intérêt stratégique de Djibouti n'est plus à démontrer.

Depuis l'indépendance, en 1977, notre pays y conserve une présence militaire. Il s'agit de renouveler le traité qui l'encadre. La rétrocession de 40% de l'île du Héron est notamment prévue, ainsi que la hausse de notre loyer annuel à 85 millions d'euros.

Les enjeux de sécurité ne manquent pas dans la région, où les actes de piraterie des milices Shebab et les attaques des rebelles houthistes menacent le trafic maritime. Djibouti est une position indispensable pour sécuriser ces flux. Notre base sert aussi à projeter des moyens militaires vers l'Afrique de l'Est, le Moyen-Orient et l'océan Indien. Elle est également un relai pour connecter l'Hexagone à La Réunion et Mayotte.

Notre maintien à Djibouti est d'autant plus vital que notre présence en Afrique recule fortement, la France y ayant perdu en quelques années presque toute sa présence militaire. On ne peut pas laisser la Chine prendre notre place à Djibouti. Aussi, le GEST votera ce projet de loi.

Mais cette débandade et la montée du sentiment anti-français dans toute l'Afrique doivent nous questionner, car les vieux réflexes de la Françafrique restent présents.

Je vous alerte à nouveau : si Djibouti est officiellement démocratique, son président est en poste depuis 1999 et son âge avancé pose la question de sa succession. La France doit plaider pour la démocratisation de ce régime autocratique, accusé de crimes de guerre et de torture.

La formation des soldats djiboutiens par la France doit être exemplaire et ne pas conduire à des massacres de civils. Notre présence s'effondre quand les dictateurs avec lesquels nous négocions disparaissent. J'espère que de nouvelles relations avec l'Afrique pourront être envisagées.

Discussion de l'article unique

Mme la présidente.  - Le vote sur l'article unique vaut vote sur l'ensemble du projet de loi.

L'article unique est adopté.En conséquence, le projet de loi est adopté.

La séance est suspendue quelques instants.