Questions d'actualité (Suite)
Situation humanitaire à Gaza
M. Adel Ziane . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Gaza est plongée dans une terrible descente aux enfers. La reprise des frappes israéliennes en mars a fait plus de 3 500 morts et constitue un dramatique retour en arrière pour les femmes, les jeunes, les journalistes, les associations humanitaires et les otages israéliens eux-mêmes. Après deux mois de blocage de l'aide humanitaire, la famine s'installe.
Cette escalade de la violence depuis l'attaque terroriste du Hamas du 7 octobre résulte de la stratégie assumée du gouvernement d'extrême droite de Benjamin Netanyahu : « plan de conquête », « déplacement massif de population », « destruction complète de Gaza ». Ces mots sont inqualifiables.
Pourtant, les sociétés civiles israélienne et palestinienne se mobilisent : le 9 mai, à l'occasion du Sommet des peuples pour la paix à Jérusalem, l'ex-Premier ministre israélien Ehud Olmert et l'ancien chef de la diplomatie palestinienne Nasser al-Qidwa ont présenté un plan de paix pour ne pas laisser les extrémistes décider de l'avenir.
L'heure n'est plus aux déclarations de principes. La Cour internationale de justice (CIJ) a évoqué un risque de génocide à Gaza voilà un an. Nous y sommes ! (Protestations sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Francis Szpiner. - Pas du tout !
M. Adel Ziane. - Quelles mesures concrètes la France compte-t-elle prendre pour protéger la population à Gaza, obtenir un cessez-le-feu immédiat et la libération des otages israéliens ? Où en sont les discussions sur la reconnaissance de l'État de Palestine évoquée par le Président de la République dans la perspective de la conférence internationale aux Nations unies de juin ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du RDSE)
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Vous avez décrit la situation tragique à Gaza, avec des mots justes. Que peut la France dans l'immédiat ? Nous avons soutenu l'initiative des Pays-Bas appelant la Commission européenne à examiner le respect par Israël de l'article 2 de l'accord d'association, qui exige le respect des droits de l'homme.
De plus, nous nous tenons prêts à prendre des sanctions si la colonisation violente devait se poursuivre en Cisjordanie. Au-delà, la France, comme les sociétés civiles que vous avez citées, soutient qu'aucune solution militaire n'apportera la paix et la stabilité dans cette région, mais seulement une solution politique.
Chacun a une clé en main. La France a celle de la reconnaissance de l'État de Palestine. L'autorité palestinienne doit avancer dans son chemin de réorganisation. Les pays arabes détiennent la clé de la normalisation de leurs relations avec Israël et l'acceptation d'une architecture régionale de sécurité. Enfin, l'une des clés est le désarmement définitif du Hamas, qui doit être exclu de toute gouvernance à Gaza. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI et des groupes INDEP et UC)
M. Adel Ziane. - La France a un rôle à jouer dans ce conflit. Le momentum construit par le Président de la République a suscité un espoir immense, sans issue pour l'heure : le chaos risque de perdurer. En 2014, l'Assemblée nationale et le Sénat avaient adopté des résolutions pour reconnaître l'État de Palestine. Il est temps d'avancer dans la voie des deux États. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et sur quelques travées du RDSE ; M. Marc Laménie applaudit également.)
Rapport de la Cour des comptes sur l'enseignement primaire
M. Jacques Grosperrin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La Cour des comptes vient de commettre un rapport sur l'enseignement primaire dénonçant « une organisation en décalage avec les besoins de l'élève ».
Son Premier président Pierre Moscovici a parlé d'un niveau trop bas : nous sommes derniers dans l'évaluation Timss (Trends in Mathematics and Science Study) et avant-derniers dans l'évaluation Pirls (Programme international de recherche en lecture scolaire) pour la compréhension du français. Ces constats rejoignent ceux du Sénat.
Notre financement du primaire est inférieur à la moyenne de l'OCDE. Avec Colombe Brossel et Annick Billon, nous travaillons sur le maillage territorial des établissements scolaires.
Il y a un principe dans l'évaluation d'une politique publique : la contradiction. Or le ministère de l'éducation nationale n'a pas répondu dans les délais à la Cour des comptes. Pourquoi ?
Quelle est votre vision pour l'enseignement primaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Le rapport de la Cour des comptes traite d'un sujet absolument essentiel : le lieu où nos élèves doivent acquérir les savoirs fondamentaux et les compétences qui les accompagneront toute leur vie. La date limite de réponse était début janvier et il y a eu des épisodes politiques que chacun peut avoir en tête...
Ce rapport fait état de constats largement partagés, mais il est assez peu nuancé. Il ne souligne pas ce qui va bien. Certaines recommandations formulées sont d'ores et déjà mises en oeuvre avec beaucoup de motivation par mon ministère, notamment la réforme du recrutement et de la formation initiale des professeurs, qui sera mise en place au printemps 2026.
Le rapport pointe l'importance du travail avec les collectivités territoriales. Or les projections à trois ans réalisées dans les observatoires des dynamiques rurales que j'avais lancés permettent aux collectivités d'anticiper. Je sais que vous réalisez actuellement une mission d'information sur le maillage territorial des établissements scolaires et je serai naturellement très attentive à vos propositions. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
M. Jacques Grosperrin. - Depuis 2022, il y a eu six ministres. L'un d'eux était très porté sur la laïcité... bienveillante, un autre sur la communication, et pour trois d'entre eux, on ne se souvient pas de ce qu'ils ont fait. (Mme Colombe Brossel rit de bon coeur.)
M. Mickaël Vallet. - Nous non plus...
M. Jacques Grosperrin. - Nous attendons tous une refondation structurelle de l'école et de l'enseignement scolaire. Vous êtes ministre d'État ; cela vous honore, mais cela vous engage. (Mme Elisabeth Borne en convient ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Stockage des déchets du site de StocaMine
Mme Sabine Drexler . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Un arrêté préfectoral vient d'acter l'interdiction de consommer l'eau provenant de la zone de captage autour de l'aéroport Bâle-Mulhouse contaminée aux PFAS. À 30 kilomètres de là, 42 000 tonnes de déchets toxiques sont entreposées dans l'ancienne mine de potasse StocaMine, située sous la plus grande nappe phréatique d'Europe.
L'État a fait confiance à des études erronées pour confiner ces déchets. En 2023, à peine l'enquête publique terminée, on apprenait que les cuvelages des puits, ces gaines de fonte qui empêchent l'eau de la nappe d'y pénétrer, étaient extrêmement corrodés et sur le point de rompre. Si cette rupture arrive avant 300 ans, c'est-à-dire avant que les bouchons de béton soient totalement hermétiques, une arrivée massive d'eau noiera les déchets dans une soupe ultratoxique propulsée dans la nappe phréatique d'Alsace, rendant l'eau impropre à toute consommation.
Pourquoi ne demandez-vous pas aux auteurs des études de fournir une nouvelle étude tenant compte de l'état réel des cuvelages ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. André Reichardt. - Très bien !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche . - Je vous remercie de cette question sur ce sujet important, qui tient à coeur aux élus de votre département.
Dans la continuité de mes prédécesseurs, Élisabeth Borne et Christophe Béchu, mon seul objectif est la protection à long terme de la nappe d'Alsace par un confinement sûr.
Ces décisions ont été confortées par 134 études et expertises, toutes concordantes. Le Parlement a demandé en 2024, dans le cadre du PLF pour 2025, une expertise supplémentaire sur l'ennoyage futur de la mine. Cette volonté parlementaire sera respectée - je le dis à M. le rapporteur général. Le travail est en cours. Des échanges ont eu lieu avec les équipes du ministère pour cadrer l'expertise et intégrer tous les éléments techniques. Cette expertise sera confiée à des experts indépendants n'ayant jamais travaillé sur ce sujet, dont des experts étrangers.
Notre objectif est toujours la protection de la nappe d'Alsace et la protection des travailleurs. (Mme Patricia Schillinger et M. Marc Laménie applaudissent.)
Mme Sabine Drexler. - Aucune des 134 études ne tient compte de l'état réel des cuvelages.
Les élus d'Alsace veulent qu'on leur restitue une terre saine, comme avant l'entreposage des déchets. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Marc Laménie applaudit également.)
M. André Reichardt. - Bravo !
Frères musulmans à Marseille
M. Stéphane Ravier . - La semaine dernière, on a appris qu'il existait des islamistes en France ! Ce n'est pas une découverte pour moi, qui alerte dans l'indifférence depuis des années. Mon islamophobie prétendue d'hier est devenue la réalité d'aujourd'hui. Dont acte.
Dès 2019 j'organisais une conférence de presse dans le parc Chanot de Marseille pour demander l'interdiction de la réunion des radicaux de l'Union des organisations islamiques de France (UOIF) - demande classée « verticale poubelle » par le préfet. En 2019, devenus Musulmans de France, ils déclaraient, au moment de son expulsion, que l'imam Iquioussen était un homme de paix et de dialogue, lui qui nie le génocide arménien, qualifie Ben Laden de grand défenseur de l'islam, ou affirme que les attentats de Merah étaient des pseudo-attentats dirigés contre les musulmans.
Le président de cette instance n'est autre que Mohsen Ngazou, directeur du collège-lycée Ibn Khaldoun dans le 15e arrondissement de Marseille, établissement ciblé par le fameux rapport. Cela n'a pas empêché le maire de Marseille, Benoît Payan, flanqué de sa troisième adjointe, Samia Ghali, de lui rendre visite. Pourtant, il a reçu des fonds saoudiens et fait la promotion du voile islamique comme un signe de liberté et non de soumission.
Je ne demande pas de dissoudre les Frères musulmans, qui utilisent des associations-écrans. C'est à elles qu'il faut s'attaquer. Je vous en offre deux sur un plateau : Ibn Khaldoun et Musulmans de France. C'est simple, clair, précis. Monsieur le ministre, allez-vous entamer des procédures pour les fermer ? Passerez-vous des paroles aux actes ? (Mme Raymonde Poncet Monge ironise.)
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Le verbe haut ne suffit pas ; depuis de nombreuses années, nous avons décelé les actions des islamistes les plus radicaux. Encore fallait-il pouvoir en vérifier l'organisation et les moyens mis en oeuvre. Le rapport, demandé par le Président de la République, a permis de documenter exactement la situation. Cette étape est fondamentale face à cette organisation qui tente à bas bruit de détruire notre République.
Nous pouvons désormais mettre en place des mesures législatives que nous vous proposerons sous peu et lancer des enquêtes afin de confirmer ce que vous nous dites ou ce que d'autres nous disent.
Élus, fonctionnaires, population, chacun doit connaître la manière dont les choses se passent, protégées par le silence. Un principe inspiré de ma profession est : un argument, une pièce. C'est la seule façon de lutter de façon ferme contre ceux qui veulent détruire la République. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
La séance est suspendue à 16 h 25.
Présidence de M. Xavier Iacovelli, vice-président
La séance reprend à 16 h 35.