SÉANCE

du mercredi 4 juin 2025

98e séance de la session ordinaire 2024-2025

Présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente

Secrétaires : Mme Céline Brulin, M. Fabien Genet.

La séance est ouverte à 15 heures.

Mme la présidente.  - Le président du Sénat participe, à Varsovie, à l'invitation de Mme Malgorzata Kidawa-Blonska, présidente du Sénat polonais, à la réunion des Sénats de Pologne, d'Allemagne et de France en format « triangle de Weimar », aux côtés de nos collègues Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes, Philippe Paul, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et Gisèle Jourda, vice-présidente de la commission des affaires européennes.

Questions d'actualité

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

La séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.

Proposition de loi PLM

M. Ian Brossat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) Le Sénat s'est prononcé hier sur la réforme du mode de scrutin municipal à Paris, Lyon et Marseille, et l'a très massivement rejetée.

Les débats ont été l'occasion de démonter un à un tous les arguments de ses promoteurs. Non, elle ne garantira pas le principe « un électeur, une voix », comme vous l'avez reconnu avec honnêteté, monsieur le ministre. Non, elle ne garantira pas le retour au droit commun, puisqu'elle prévoit une prime majoritaire de 25 % pour la liste arrivée en tête, ce qui n'existe nulle part ailleurs en France. Non, elle ne garantira pas l'élection directe du maire, ce qui n'existe dans aucune commune de France. Bref, aucun des arguments avancés pour justifier ce texte ne tient la route.

Le Premier ministre le disait ici même le 19 février dernier : « Je n'imagine pas qu'un texte puisse être adopté sur ce sujet sans accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat ». (Mme Agnès Evren applaudit.) Il faudra vous y faire : d'accord, il n'y aura pas ! Le Sénat a massivement considéré que ce texte était inamendable et devait être rejeté en bloc. Qu'attendez-vous pour le ranger dans le placard dont il n'aurait jamais dû sortir ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du GEST et des groupes SER et Les Républicains)

M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement .  - Ces derniers mois, nous avons entendu beaucoup de propos susceptibles de bousculer nos institutions. Sur les bancs de l'Assemblée nationale, on entend que les 49.3 seraient des coups d'État ; les motions de rejet préalable, des 49.3 parlementaires. Désormais, j'entends qu'une CMP sur le texte PLM serait un coup de force ! Non, c'est précisément le lieu du compromis, du consensus, comme le Premier ministre l'appelait de ses voeux.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Il y a des sincérités successives.

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - Imaginons qu'un texte largement adopté au Sénat ne le soit pas à l'Assemblée nationale.

M. Pascal Savoldelli.  - On n'est pas sur Netflix...

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - Les députés pourraient-ils demander que la CMP ne soit pas convoquée ? C'est d'ailleurs ce qu'ils ont fait pour la proposition de loi Duplomb-Menonville - sur laquelle le Gouvernement va néanmoins convoquer une CMP. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie proteste.)

Les commissions des deux assemblées ont identifié les sujets de débat : la prime majoritaire, le cas de Lyon, la désignation des conseillers métropolitains et des grands électeurs.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - Pas du tout !

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - C'est en CMP que l'on pourra trouver le chemin d'un compromis. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Cécile Cukierman proteste.)

M. Ian Brossat.  - Vous avez dit que ce texte mettrait fin à une forme d'anomalie démocratique. Mais l'anomalie démocratique, c'est de vouloir imposer un tel texte, qui concerne les territoires, contre la chambre des territoires et contre les élus concernés ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, du GEST et sur quelques travées des groupes INDEP et Les Républicains)

Violences à l'occasion de la finale de la Ligue des champions

Mme Isabelle Florennes .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Après les violences insupportables en lien avec la victoire du PSG, je rends hommage à toutes les victimes, particulièrement aux familles des deux personnes décédées, et aux forces de l'ordre, qui sont intervenues pour protéger nos concitoyens.

Cette violence nous interpelle quand on se souvient de la liesse populaire de 1998. C'était un autre monde.

Nous ne pouvons tolérer ces actes. Les décisions de justice sont d'une extrême mansuétude : deux à huit mois de prison avec sursis, stages de citoyenneté, simples amendes de quelques centaines d'euros. Cette impression d'indulgence laxiste est choquante.

Vous avez déclaré : « Les condamnations ne sont plus à la hauteur de la violence que connaît notre pays. » Mais vous appeliez déjà, le 27 janvier dernier, dans votre circulaire de politique pénale, à plus de fermeté contre ceux qui s'en prennent aux représentants de nos institutions. Comment rendre effective cette fermeté ? Cela ne peut passer que par la loi. Avez-vous les moyens de la faire évoluer radicalement ? Comment s'assurer que cette fermeté aura un effet profondément dissuasif ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées des groupes Les Républicains et INDEP)

M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Il y a eu des violences non seulement à Paris, mais également des blessés graves à Grenoble, un policier dans le coma dans la Manche, un mort à Dax.

Dans le ressort de la préfecture de police de Paris, il y a eu 600 interpellations, dont 256 ont donné lieu à des gardes à vue.

Le maintien de l'ordre est sous l'autorité du préfet de police et du ministre de l'intérieur, pas sous celle des procureurs. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie s'exclame.) Cela devient sous l'autorité des procureurs à partir de la garde à vue. Sur les 256 gardes à vue, il y a eu 82 classements sans suite, soit pour illégalité de procédure, soit pour absence d'infraction. Le Parlement, me semble-t-il, devrait définir une infraction collective -  comme l'avaient souhaité MM. Retailleau et Castaner, initiative censurée par le Conseil constitutionnel. Je souhaite qu'une infraction permette de lutter contre les attroupements et éviter les classements sans suite.

Quelque 52 mineurs sont aussi concernés. Vous venez d'adopter un texte sur la comparution immédiate, mais il n'a pas encore été validé par le Conseil constitutionnel. Il faut des peines minimales pour faire le pendant aux peines maximales. C'est plus dur que les peines plancher, qui s'appliquent uniquement à la récidive.

Je propose trois mois de prison à exécution immédiate quand on s'en prend à un membre des forces de l'ordre. Je souhaite mettre fin aux dispositions issues de divers ministres -  Mmes Dati, Taubira, Belloubet, MM. Perben et Dupond-Moretti  - qui prévoyaient un aménagement obligatoire pour les peines de moins d'un an de prison. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre Jean Rochette applaudit également.)

Je proposerai aussi la suppression du sursis.

À la demande du Premier ministre, je travaille sur un texte que j'espère présenter en septembre. (Applaudissements sur quelques travées dRDPI et du groupe Les Républicains.)

Mme Isabelle Florennes.  - Je vous rappelle qu'un excellent rapport de François-Noël Buffet, alors sénateur, sur les émeutes urbaines d'avril 2024, formulait des propositions sur les condamnations des primo délinquants et des mineurs. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Engagements de la France en matière environnementale

M. Ronan Dantec .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Moins 5,8 % d'émissions de gaz à effet de serre en 2023, ce n'était pas si mal ; mais seulement moins 1,8 % en 2024, c'est insuffisant pour tenir l'objectif européen de baisse de 55 % en 2050.

Votre gouvernement accélère son désengagement brutal du financement de la transition écologique. En six mois, vous avez supprimé la prime à la conversion et divisé par trois l'aide à l'électromobilité. Par cette quasi-suppression de l'accompagnement financier de l'État pour le remplacement des véhicules anciens, vous ouvrez la brèche dans laquelle se sont engouffrés les populistes opposés aux zones à faible émission. (Protestations sur quelques travées du groupe Les Républicains) Ce vote de l'Assemblée redonnera vie au marché d'occasion des véhicules les plus polluants, au détriment de l'électrification du parc.

Monsieur le ministre, allez-vous poursuivre dans la même voie avec le gel de MaPrimeRénov' pour cause d'enveloppes déjà consommées ? Par ce stop-and-go, vous dépasseriez ce que nous avons connu même sous Sarkozy. Avez-vous conscience des pertes d'emploi massives que provoqueront vos décisions dans le bâtiment et l'automobile, secteurs clés pour notre pays ? Assumez-vous des décisions qui nuisent à la santé des Français, surtout les plus modestes ?

M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - Nous gardons l'objectif d'une société décarbonée en 2050 ; c'est un objectif vital pour les citoyens et la qualité de la vie. (Exclamations sur quelques travées du GEST) Nous le maintenons dans tous les secteurs, notamment l'industrie, en promouvant une industrie verte. La Commission de régulation de l'énergie (CRE), qui vient de fêter ses 25 ans, a pour mandat de financer l'économie décarbonée, notamment en investissant dans le nucléaire, les énergies renouvelables et les réseaux.

Dans la rénovation des logements et l'automobile, le budget est moins abondant que par le passé, mais nous poursuivons les efforts. Nous avons installé en France plusieurs usines de batteries. Le nouveau véhicule électrique proposé par l'un des grands fournisseurs français commence une carrière commerciale brillante. Tout cela sera aidé par les installations de bornes de recharge électriques ; elles seront bientôt 7 millions. (M. Yannick Jadot ironise.)

Il faut alléger sans doute quelques réglementations européennes pour accroître encore les efforts.

MaPrimeRénov' connaît à la fois un encombrement et un excès de fraudes. (Exclamations sur les travées du GEST) Nous voulons reprendre la main, d'où la suspension du dispositif, qui reprendra une fois que tout cela sera réglé. (M. François Patriat applaudit.)

M. Yannick Jadot.  - Et les artisans ?

M. Ronan Dantec.  - C'est catastrophique, cela va encore augmenter l'inquiétude des artisans et de ceux qui ont besoin de rénover leur logement. « Faire des reculs sur l'écologie pour privilégier l'économie, c'est de la paresse. » C'est une phrase d'Emmanuel Macron. Vous jouez sur le court terme et sacrifiez l'avenir de la société française, la santé des Français et nos objectifs environnementaux. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Karine Daniel et M. Michaël Weber applaudissent également.)

Sanctions pénales

Mme Muriel Jourda .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Des faits d'une grande violence ont été perpétrés sous prétexte d'un match de football. Les forces de l'ordre étaient pourtant en nombre important, les instructions furent inédites, les interpellations nombreuses. Mais il faut aussi des sanctions dissuasives. Monsieur le ministre, vous avez dit qu'elles devaient être plus effectives et plus longues. Nous sommes d'accord, mais comment faire ? Comment imposer des peines minimales quand le principe d'individualisation de la peine a déjà été constitutionnalisé ?

Au-delà de l'abrogation de l'interdiction des courtes peines, comment s'opposer à une culture pénale qui prévoit qu'une peine d'avertissement soit donnée pour les premières infractions ?

Comment allez-vous faire pour diffuser une circulaire de politique pénale auprès des magistrats du parquet comme du siège ? Comment allez-vous faire, face à un syndicat de magistrats qui s'est déjà exprimé et qui, lorsque votre prédécesseur rendait une circulaire de politique pénale, diffusait immédiatement une contre-circulaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.)

M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Les violences de ce week-end sont inacceptables ; ces désordres sont choquants. Je sais combien il est difficile de gérer des problèmes d'ordre public, ayant eu à gérer ces questions, notamment lors des jeux Olympiques. Après le travail du ministère de l'intérieur, le travail de la réponse judiciaire doit être efficace, rapide et éducatif pour prévenir d'autres faits. Malgré le volontarisme et les moyens mis en oeuvre, cette violence est inhérente à notre société, comme l'a souligné le ministre de l'intérieur. C'est pour cela qu'il faut adapter le code pénal.

Vous êtes une grande légiste et une avocate, sinon vous ne seriez pas présidente de la commission des lois, madame Jourda. La loi de la République prévoit un maximum dans le code pénal, mais pas de minimum.

M. Mickaël Vallet.  - Justement !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux.  - De même que les peines planchers permettent de conserver l'individualisation de la peine, prévoir des peines minimales, en sus des peines maximales, donne aux magistrats un éventail assez large. Aujourd'hui, on met en prison des personnes multirécidivistes, mais quand elles arrivent en prison, il est trop tard ! Je défends, depuis ma lettre aux magistrats le 12 mai dernier, une révolution pénale, incluant le changement de l'échelle des peines. Nous avons 235 peines en France, contre trois en Allemagne : le jour-amende, la peine de probation et la peine de prison. Si le jour-amende n'est pas payé, la personne va en prison. Les magistrats appliqueront la loi, j'en suis certain.

Nous devons nous montrer courageux. Je le serai, et je sais que vous soutiendrez le garde des sceaux que je suis dans ce socle commun. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; MM. Loïc Hervé et Franck Menonville applaudissent également.)

Mme Muriel Jourda.  - Je vous soutiendrai, bien sûr. Mais nous avons une obligation de résultat. Les Français ont constaté avec effarement qu'un boulanger qui ouvrait le 1er mai se voyait infliger une amende de 7 500 euros (applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains), alors qu'un délinquant qui brise des vitrines beaucoup moins ! (M. Yannick Jadot proteste.)

Comment maintenir la confiance dans les institutions, dans l'État de droit qui est censé être la fin de la loi du plus fort, quand l'État de droit empêche nos concitoyens d'acheter du pain un jour férié (on s'en offusque à gauche) mais ne les protège pas des barbares un soir de match ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe INDEP)

Gaza

Mme Nicole Duranton .  - (M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit.) « Israël commet des crimes de guerre. »

Une voix à droite.  - C'est faux !

Mme Nicole Duranton.  - L'ancien Premier ministre israélien Ehud Olmert a tenu ces propos le 27 mai dernier. Jusqu'à présent, il défendait Israël, mais son opinion a changé. Il reconnaît l'utilisation de la famine comme arme de guerre et rappelle que tous les Gazaouis n'appartiennent pas au Hamas. Si personne ne pouvait contester le droit d'Israël à se défendre, la guerre de dévastation à Gaza est inacceptable. Doit-on accepter l'inacceptable ?

Le Président de la République a déclaré le 30 mai que la reconnaissance d'un État palestinien était non seulement un devoir moral mais aussi une exigence politique, en dénombrant des conditions, dont la libération des otages par le Hamas, sa démilitarisation et son exclusion de la gouvernance du futur État palestinien.

Il faudra une réforme de l'Autorité palestinienne conduisant à une reconnaissance mutuelle du futur État palestinien et du droit d'Israël à vivre en sécurité, ainsi que la création d'une architecture de sécurité dans toute la région.

Nous ne pouvons que saluer cette volonté de faire évoluer la seule solution viable, la solution à deux États, pour une coexistence pacifique des peuples.

Toutefois les conditions semblent difficiles à réunir à la veille de la conférence de l'ONU du 18 juin, coprésidée par la France et l'Arabie saoudite.

Comment la France peut-elle être force d'entraînement, afin de faire progresser les négociations pour la reconnaissance d'un État palestinien qui ne soit pas seulement symbolique ? (Applaudissements sur les travées du RDPI ; MM. Bernard Jomier et Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - La spirale de brutalité et de violence déclenchée par le massacre antisémite du 7 octobre doit prendre fin au plus vite. C'est pourquoi la France appelle à un cessez-le-feu immédiat et à la libération de tous les otages du Hamas, qui doit être désarmé. Force est de constater que les décisions récentes du gouvernement israélien ne vont pas dans ce sens. Les bombardements d'infrastructures civiles n'ont pas permis la libération des otages. (Mme Cathy Apourceau-Poly proteste.) La création de vingt-deux nouvelles colonies en Cisjordanie sert de prétexte au Hamas pour ne pas désarmer.

Les distributions humanitaires militarisées ont tourné au fiasco, provoquant des cohues...

M. Rachid Temal.  - Et des morts !

M. Jean-Noël Barrot, ministre.  - Et des violences meurtrières. (Marques d'approbation sur plusieurs travées du groupe SER)

Nous devons rappeler au Gouvernement israélien que ces décisions hypothèquent la sécurité du peuple israélien, à laquelle la France est indéfectiblement attachée. Mais désormais, cela hypothèque la cohésion même de la société israélienne.

Deux anciens premiers ministres, Ehud Barak et Ehud Olmert parlent tous deux de « guerre illégitime » et de « guerre de dévastation ». Il est temps de cesser le feu et de choisir le seul chemin de paix durable, celui d'une solution politique.

Nous sommes déterminés à reconnaître l'État de Palestine pour créer les conditions de l'existence de cet État. Cette décision, que la France pourrait prendre dans quelques jours, pourrait servir de force d'entraînement pour amener toutes les parties prenantes, à commencer par l'Autorité palestinienne et les pays arabes de la région, à retirer tous les obstacles à la création de cet État. L'une des conditions est le désarmement du Hamas, qui ne saurait participer à la gouvernance de la Palestine. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI ; M. Emmanuel Capus applaudit également.)

Psychiatrie et santé mentale

Mme Corinne Bourcier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) La psychiatrie va mal. Dans le Maine-et-Loire comme ailleurs, les services d'urgence, saturés, ne sont plus en mesure de prendre en charge les patients.

Au CHU d'Angers, certains malades, y compris nourrissant des idées suicidaires, restent au service d'accueil des urgences pendant plus d'une semaine. C'est inacceptable, pour eux comme pour les soignants, dont le dévouement est remarquable. Au sein de l'établissement, le nombre de passages en psychiatrie a augmenté de plus de 30 % l'année dernière. Quant au centre de santé mentale voisin, il présente un taux d'occupation supérieur à 100 % et un taux de vacance de 18 % pour les postes de psychiatre.

La situation n'est pas meilleure à l'hôpital de Cholet, avec seulement cinq psychiatres en exercice, à temps partiel. L'établissement a dû fermer ses urgences psychiatriques en 2023, en raison du départ de plusieurs médecins. Il s'organise pour faire beaucoup avec peu.

À ces difficultés s'ajoute la pénurie de plusieurs psychotropes indispensables à de nombreux patients. La consommation de psychotropes chez les plus jeunes est particulièrement préoccupante : en 2023, 936 000 jeunes de 18 à 25 ans ont bénéficié du remboursement d'au moins un psychotrope, 18 % de plus qu'en 2019.

La santé mentale a été déclarée grande cause nationale de cette année, et nous sommes début juin. Qu'a-t-on fait concrètement pour la psychiatrie et la santé mentale ? Quelles actions prévoyez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur de nombreuses travées du GEST)

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins .  - En effet, la santé mentale est la grande cause nationale de 2025 : nous souhaitons tous qu'il ne s'agisse pas d'un simple slogan.

L'objectif de déstigmatisation est en passe d'être atteint, notamment grâce au coming out de certaines personnalités, qui ont révélé par exemple leur bipolarité.

Il nous faut maintenant agir. La semaine prochaine, je présenterai un ensemble de mesures pour améliorer la santé mentale dans notre pays. En particulier, nous entendons, avec Élisabeth Borne, renforcer le dépistage en milieu scolaire. La prise en charge au niveau des urgences sera améliorée, notamment par des ouvertures de lit. Ces mesures s'accompagneront d'un plan de ressources humaines.

Je m'exprimerai sur la pénurie de médicaments le mois prochain, lors du conseil des ministres de la santé de l'Union européenne sur le paquet pharmaceutique. La production de principes actifs est un enjeu de souveraineté sanitaire.

S'agissant enfin de la consommation de psychotropes, nous avons constaté ensemble, au CHU d'Angers, la mobilisation des équipes, par exemple pour fournir une application numérique au jeune public. Avec la ministre des sports, j'ai récemment visité la maison sport-santé de Clamart, où la pratique sportive fait diminuer de manière notable la consommation de psychotropes. (Mme Frédérique Puissat et M. François Patriat applaudissent.)

Assassinat de Hichem Miraoui (I)

M. André Guiol .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mmes Isabelle Florennes et Évelyne Perrot applaudissent également.) J'ai mal à mon département. Dans le Var, à Puget-sur-Argens, Hichem Miraoui, coiffeur tunisien très apprécié, a été assassiné de cinq balles de revolver, parce que maghrébin. L'assassin, mû par une idéologie haineuse, affichait un racisme décomplexé.

Cet événement dramatique est révélateur : depuis des mois, une petite musique se diffuse sournoisement dans notre pays, nos institutions, certains médias, les réseaux, certaines associations, parmi nos politiques, dans nos écoles - bref, dans toute la population. Inévitablement, certains passent à l'acte. Les propos insultants tenus par des responsables politiques deviennent des coups de couteau chez les colleurs d'affiches.

Au même moment, certains pays nous mènent une guerre hybride, tentant de déstabiliser notre société de liberté.

Si le racisme est un poison qui tue, monsieur le ministre de l'intérieur, en faire le lit fait de nous des complices. Tocqueville disait que, en démocratie, le peuple a le gouvernement qu'il mérite ; ayons aussi à l'esprit que les gouvernants ont l'obligation d'élever leur peuple.

La majorité de nos concitoyens n'aspirent pas à la division. L'immense majorité des parlementaires défend, comme le RDSE, une République généreuse et fraternelle, des valeurs indispensables à notre cohésion.

Quelles mesures comptez-vous prendre ? Quelle attitude allez-vous insuffler et quels propos allez-vous tenir afin de rechercher l'apaisement, pour que cessent enfin ces insupportables assassinats racistes ? (Applaudissements nourris sur les travées du RDSE et à gauche ; applaudissements sur quelques travées du groupe UC)

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Ce crime est beaucoup plus qu'un crime. Je pense à cet instant à la famille et aux proches de la victime, mais aussi à toute la communauté tunisienne en France. J'ai très vite pris contact avec mon homologue tunisien, puis me suis rendu à l'ambassade de Tunisie, pour témoigner de la plus profonde désapprobation du Gouvernement vis-à-vis de ce crime prémédité et signé.

Prémédité, parce que minutieusement préparé. Signé, parce que son caractère raciste apparaît nettement dans les propos tenus par l'assassin dans deux vidéos. C'est sans doute aussi un crime antimusulman - c'est au parquet national antiterroriste (Pnat) de faire toute la lumière sur ce point. Enfin, il s'agit sans doute d'un crime à dimension terroriste ; la DGSI et la sous-direction antiterroriste sont d'ailleurs chargées de l'enquête. Les informations qui nous parviennent indiquent en outre que ce crime s'enracine dans une idéologie d'ultradroite radicale.

Oui, le racisme est un poison, qui peut tuer. Et tout acte raciste est un acte anti-français, parce que la République, ce n'est ni la couleur de peau, ni l'origine, ni la religion. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, sur des travées du groupe UC et sur quelques travées du RDPI, du RDSE et du groupe SER)

Assassinat de Hichem Miraoui (II)

M. Éric Kerrouche .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Cinq semaines après le meurtre d'Aboubacar Cissé, un nouvel homicide à motivation raciste et antimusulmane : Hichem Miraoui, Tunisien de 45 ans, a été tué par balles dans le Var. Nous pensons à sa famille et saluons l'efficacité des forces de l'ordre pour l'interpellation de son meurtrier, admirateur sans bornes du Rassemblement national et client ordinaire de la fachosphère.

Monsieur le ministre de l'intérieur, vous avez déclaré que ce crime était prémédité, certainement raciste, sans doute antimusulman et peut-être terroriste. Cette déclaration contraste nettement avec certaines expressions employées par des membres du Gouvernement, comme celle de « submersion migratoire », qui contribuent à alimenter un climat délétère et une culture du soupçon. (Murmures désapprobateurs à droite ; M. Roger Karoutchi le conteste.)

Pour la première fois depuis sa création, le Parquet national antiterroriste (Pnat) est saisi d'un meurtre possiblement inspiré par les idées de l'ultradroite. De fait, la menace est bien réelle : depuis 2017, au moins dix attentats liés à cette mouvance ont été déjoués. La DGSI alerte sur la banalisation et la radicalisation des discours néo-nazis, complotistes, racistes et accélérationnistes, relayés par certains médias complaisants et qui se propagent principalement en ligne.

Ces mouvements organisés menacent notre République. Comment comptez-vous les contrer et les éliminer ? Allez-vous vous inscrire enfin dans une pacification du discours public ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST et sur certaines travées du groupe INDEP ; M. Philippe Grosvalet applaudit également.)

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Ce crime est odieux : il est raciste à coup sûr, certainement antimusulman, vraisemblablement terroriste et d'ultra-droite. Ces dernières années, le Pnat a été saisi d'une vingtaine d'affaires de ce type et une quinzaine d'attentats enracinés dans l'idéologie de l'ultra-droite radicale - je reprends la terminologie exacte du Pnat - ont été déjoués.

Il faut être sans aucune concession à l'égard de ces mouvements. Dans les prochaines semaines, j'espère pouvoir proposer au conseil des ministres la dissolution du groupuscule Lyon populaire.

La démocratie, c'est le dissensus et le débat. Le débat public doit être serein, bien sûr, mais il ne doit pas méconnaître des réalités.

Ainsi, lutter contre l'islamisme n'est pas lutter contre l'islam ; c'est combattre une idéologie politique qui n'a rien à voir avec la foi. Refusons cet amalgame. Au demeurant, les pays les plus durs envers les Frères musulmans ne sont pas les démocraties occidentales, mais des pays arabes musulmans, comme la Jordanie.

Face à de tels événements, prenons de la hauteur et retrouvons, au-delà du dissensus naturel, l'unité nécessaire pour affronter des menaces graves. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, sur des travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe INDEP)

Financement de nouvelles places de prison

M. Étienne Blanc .  - (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains) Monsieur le garde des sceaux, vous vous êtes interrogé, comme le ministre de l'intérieur, sur les sanctions prises contre les auteurs d'actes graves à la suite de la victoire du PSG. Comme vous, les Français s'interrogent, ils ressentent une forme d'inadéquation entre les peines prononcées et la gravité des faits - voitures incendiées, magasins pillés, violences contre les forces de l'ordre et les pompiers.

Les syndicats de magistrats et certains magistrats à titre individuel vous ont fait part de leur incapacité à prononcer des peines lourdes en raison de l'insuffisance des places de prison. De fait, le plan du Président de la République pour la construction de quinze mille places d'ici 2027 n'a pas été respecté. Il le serait en 2030 au mieux, voire en 2034...

Quelles seront vos exigences dans le budget 2026 pour que ces places soient construites et que la France rattrape enfin son retard dans ce domaine ? N'est-il pas temps de voter un texte qui vous permette de vous affranchir des formalités administratives excessives - marchés publics, règles environnementales... -, à l'instar de ce que nous avons fait pour Notre-Dame-de-Paris ? (Murmures désapprobateurs sur les travées du GEST) Il est urgent de répondre à l'exigence de sécurité publique ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées du groupe INDEP)

M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Je suis parfaitement d'accord pour que l'on donne au ministère de la justice les moyens de construire des prisons bien plus vite.

Aujourd'hui, construire une prison prend sept ans, une fois le terrain viabilisé et si l'élu est d'accord ; la place coûte 400 000 euros.

J'ai lancé un premier appel d'offres portant sur trois mille places à construire en un an et demi, soit trois fois plus vite. Il s'agira de prisons modulaires, dont la première sera inaugurée à Troyes. Nous espérons ainsi tenir la promesse des quinze mille places d'ici à la fin du quinquennat : cinq mille ont été construites, cinq mille sont en train de l'être et cinq mille, qui n'étaient pas prévues, seront construites grâce à ces établissements modulaires, à taille humaine, plus rapides à construire et moins chers. Avec le même budget que, j'espère, Bercy et le Parlement m'accorderont, nous pourrons atteindre cet objectif.

Je refuse toutes les mesures de régulation carcérale proposées par mon administration. J'assume cette position de fermeté : pour lutter contre la surpopulation carcérale, il faut construire des places.

Il faut aussi que tous les élus jouent le jeu. À Magnanville, sept cents places sont actuellement bloquées ; à Noiseau, des parlementaires, y compris de votre groupe, me demandent de ne pas construire la prison prévue. J'espère que la loi me permettant de passer outre l'avis des élus locaux sera votée. (Applaudissements sur des travées du RDPI et du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Emploi des seniors

Mme Monique Lubin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La France détient le record européen du non-emploi des seniors, avec moins de 40 % des 60 à 64 ans en emploi. La première barrière à l'emploi, c'est l'âge, dès 50 ans, voire avant.

Cet après-midi, nous débattrons de la transcription dans la loi des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des seniors. Certains aspects me semblent intéressants, d'autres m'interrogent.

Pour combattre ce fléau, le Gouvernement compte-t-il fixer des objectifs aux employeurs, comme en ont les missions locales et France Travail ? On ne fixe jamais d'objectifs aux employeurs, alors que l'emploi des seniors dépend presque uniquement d'eux ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins .  - Veuillez excuser la ministre Panosyan-Bouvet, retenue à l'Assemblée nationale pour l'examen de la motion de censure.

L'emploi des seniors est un enjeu majeur de cohésion sociale et d'efficacité économique. Seulement 35 % des 60-64 ans sont en emploi. C'est un gâchis humain, mais aussi économique, car on se prive de compétences et d'un potentiel de transmission considérable.

Le Gouvernement a lancé une grande initiative sur l'emploi des 50 ans et plus autour de trois axes : changer la loi, changer le regard et changer les pratiques.

Le projet de loi que vous examinerez cet après-midi prévoit la création d'un contrat de valorisation de l'expérience, un meilleur accès à la retraite progressive et un entretien de mi-carrière renforcé.

Une grande campagne de communication pour valoriser l'expérience des plus de 50 ans dans les entreprises sera lancée.

Plus de 2 000 entreprises se mobilisent autour de forums, job datings, tables rondes et un guide pratique est mis à disposition des entreprises pour valoriser l'emploi des plus de 50 ans. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Monique Lubin.  - Ces initiatives sont intéressantes, mais il faut une mobilisation forte des employeurs, autour d'objectifs.

Plus on vieillit en dehors de l'emploi, plus on a du mal à retrouver un travail. J'espère que le Gouvernement et la majorité sénatoriale n'ont plus derrière la tête l'objectif de faire travailler les gens plus longtemps et d'exclure ainsi toujours plus les seniors de l'emploi, renforçant leur précarité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Accès rapide aux innovations thérapeutiques

M. Alain Milon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Marc Laménie applaudit également.) L'accès direct aux innovations thérapeutiques est une attente forte de nos concitoyens en impasse thérapeutique. L'expérimentation prévue par l'article 62 de la loi de financement de sécurité sociale (LFSS) pour 2022, qui doit s'achever en juillet, a montré son utilité, avec des délais d'accès aux traitements réduits.

Un rapport du Gouvernement sur la pertinence de la pérennisation du dispositif devait être remis au Parlement en mai, mais il ne devrait être finalement disponible qu'à l'automne.

C'est un enjeu majeur pour les malades et notre système de santé. Pouvez-vous nous faire un point d'avancement ? Comptez-vous pérenniser ce dispositif ? (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Bernard Fialaire applaudit également.)

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins .  - La France est l'un des premiers pays à avoir mis en place l'accès précoce, dès 2021.

Je regrette une remise tardive du rapport ; je l'aurai à l'automne pour le PLFSS. Néanmoins, voici déjà quelques données : 250 demandes déposées, avec un délai d'octroi de 77 jours. C'est important, par exemple, pour l'accès aux molécules qui traitent le cancer du sein triple négatif, particulièrement agressif.

Alors oui, j'attends ce rapport avec impatience et envisage de pérenniser l'expérimentation.

Nous devons aussi simplifier la doctrine globale d'évaluation de la Haute Autorité de santé (HAS). Lors du Sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle, j'ai lancé un appel à manifestation d'intérêt pour que les molécules soient évaluées et leur prix fixé plus rapidement. Nous allons tester les cohortes virtuelles et les bras synthétiques, pour faire gagner des années de vie aux patients. (Mme Frédérique Puissat applaudit.)

M. Alain Milon.  - Il faut pérenniser l'accès direct et l'accès compassionnel. Il est préférable de favoriser l'aide active à guérir plutôt que l'aide active à mourir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Marc Laménie applaudit également.)

Artisans pêcheurs

M. Paul Toussaint Parigi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je porte la voix de ceux trop longtemps ignorés, pour qui la mer n'est pas seulement un métier, mais une identité profonde. Je porte la voix de nos petits pêcheurs, gardiens discrets de nos côtes, des âmes fières et humbles perdues dans les embruns.

Ils n'attendent ni faveur ni privilège. Ils n'aspirent qu'à survivre. Quotas inadaptés, interdictions arbitraires, réglementations conçues pour des réalités industrielles s'abattent comme une lame de fond sur leurs frêles embarcations. Sans moyens, ils ne peuvent s'y conformer.

En Corse et ailleurs, les pêcheurs protestent contre ces règles inadaptées qui asphyxient un modèle artisanal durable et profondément humain. Cette uniformisation aveugle accélère la disparition d'un tissu social et économique irremplaçable et d'un savoir-faire essentiel à l'équilibre de nos territoires maritimes.

Alors que 2025 est l'année de la mer et que la Conférences des Nations unies sur l'océan va se tenir, repensons la réglementation pour qu'elle protège sans exclure. Madame la ministre, prendrez-vous ici l'engagement d'une réforme ambitieuse pour sauver la mer artisanale et nos communautés littorales ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Marc Laménie et Mme Marie-Arlette Carlotti applaudissent également.)

Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement .  - J'exprime, au nom d'Agnès Pannier-Runacher (exclamations sur quelques travées du groupe Les Républicains), le soutien du Gouvernement à la pêche et à votre territoire corse.

La Méditerranée sera au coeur de la Conférence de Nice, car c'est l'une des mers les plus en danger face au changement climatique et à la pollution plastique. La ministre réunira à cette occasion les ministres de l'environnement de tous les pays méditerranéens.

Les pêcheurs sont les premières victimes de ces pollutions. Depuis janvier, nous les protégeons contre la concurrence déloyale en luttant contre la pêche illégale et en instaurant des mesures miroirs dans nos négociations commerciales. Nous dessinons aussi avec la filière un modèle de pêche renouvelé, incluant la modernisation et la décarbonation de la flotte.

Le contrat stratégique de filière sera notre boussole pour les négociations européennes. Agnès Pannier-Runacher défend la révision de la politique commune de la pêche, et notamment celle du plan West Med, en lien avec nos collègues italiens et espagnols.

Vous pouvez compter sur nous.

Dégradations et actes antisémites

M. François Bonhomme .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En 2023, quelques jours après l'attaque du Hamas contre Israël, des dizaines d'étoiles de David ont été peintes sur les murs de Paris. En 2024, ce furent des mains rouges sur le mémorial de la Shoah. Ces derniers jours, plusieurs sites parisiens juifs ont été à nouveau pris pour cible. À Lyon, une école primaire a été visée.

L'attentat contre la synagogue de La Grande-Motte en août dernier, l'incendie criminel de la synagogue à Rouen, le viol antisémite d'une fillette de douze ans à Courbevoie témoignent de la recrudescence des actes antisémites, de la montée de l'islamisme et de l'instrumentalisation politique de la cause palestinienne.

Les faits antisémites ont très fortement augmenté en 2024. Ils représentent désormais deux tiers des actes antireligieux. Bernard Fialaire et Pierre-Antoine Levi ont pointé l'inquiétante résurgence de l'antisémitisme à l'université.

Mais les forces de l'ordre ne peuvent pas tout. Le mal est profond et sournois.

Monsieur le ministre, quelle est votre analyse ? Quelle stratégie pour protéger tous nos concitoyens de confession juive ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées des groupes UC et INDEP)

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Merci pour ce constat sans concession, et parfaitement juste. Les chiffres éclairent cette réalité malheureuse : nos compatriotes de confession juive représentent 1 % de la population et sont victimes des deux tiers des actes racistes et antireligieux.

Je mobilise les préfets pour sécuriser les synagogues et les écoles, notamment lors des fêtes juives. Près de 800 sites religieux juifs sont ainsi sécurisés.

Nous finançons aussi des équipements de sécurisation via des subventions -  dont près de 70 % ont profité à la sécurisation des lieux religieux et éducatifs juifs.

On lutte aussi contre ce fléau en posant un diagnostic courageux. Hier, l'antisémitisme, c'était le monopole de l'extrême droite. Aujourd'hui, il a muté. C'est l'islamisme. Le fondateur des Frères musulmans, Hassan El-Banna, n'a jamais fait mystère de ses sympathies pour Hitler. Mais l'extrême gauche tisonne aussi les braises rougeoyantes de l'antisémitisme, sous prétexte d'antisionisme.

Parlons aussi des ingérences étrangères. Il y a eu les marques vertes - on sait ce à quoi cela renvoie... Les trois individus qui ont été arrêtés sont serbes. Peut-être découvrira-t-on qu'ils ont été payés. Il s'agirait là d'une ingérence étrangère pour diviser les Français.

Nous devons combattre l'antisémitisme, pour les Juifs, mais aussi pour tous les Français, pour la République et pour la France. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; M. Bernard Fialaire applaudit également.)

M. François Bonhomme.  - Je me réjouis de cette volonté clairement exprimée. Mais je rappelle que George Bensoussan, historien de l'antisémitisme et de la Shoah, a été poursuivi pour incitation à la haine raciale après la parution des Territoires perdus de la République, avant d'être relaxé. Il voulait simplement dénoncer ce nouvel antisémitisme, venu de certaines banlieues. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Bernard Fialaire applaudit également.)

Pénurie de médicaments

Mme Émilienne Poumirol .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les pénuries de médicaments atteignent des niveaux inédits, comme vous l'avez vous-même reconnu, monsieur le ministre. Malgré des mesures conjoncturelles, qui ne s'attaquent pas aux causes profondes, les tensions d'approvisionnement persistent, en particulier dans la ruralité.

La première cause est le non-respect par les laboratoires pharmaceutiques de leurs obligations.

Avec Laurence Cohen et Sonia de La Provôté, nous avions fait trente-six recommandations dans notre rapport d'information de 2023.

Dans ce contexte tendu, deux pharmaciens corréziens du plateau de Millevaches - un désert en santé - ont été lourdement sanctionnés pour avoir dispensé à l'unité des médicaments en tension : six mois d'interdiction d'exercice, dont quatre avec sursis. Deux mois d'interdiction d'exercice dans un désert en santé ! Les conséquences pour les patients sont graves : interruptions de traitement, rupture de la continuité des soins...

Pourtant, dans la LFSS 2024, nous avions voté la possibilité de dispensation à l'unité en cas de tension. Cette sanction est totalement injustifiée. Nous voulons redire notre soutien à ces pharmaciens.

Mesurez-vous les conséquences sanitaires de la fermeture de ces pharmacies pour ces territoires ruraux et hyper-ruraux, véritables déserts en santé ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins .  - Merci pour cette question. La pénurie de médicaments dépasse les frontières de la France.

Il y a un enjeu européen de souveraineté sanitaire, et de relocalisation de principes actifs. Plus de quarante substances actives sont actuellement relocalisées, comme le paracétamol, dans ma circonscription, où une nouvelle usine fournira 60 % de la consommation européenne.

La pénurie de psychotropes, qui est liée à un problème de production en Grèce, est aussi européenne.

Nous devons agir au niveau européen. C'est le sens du Conseil européen fin juin au Luxembourg, qui s'intéressera au paquet pharmaceutique, qui vise à encourager la relocalisation en Europe.

Dispensation à l'unité, substitution de médicaments, interdiction de livraison à l'étranger pour les grossistes répartiteurs sont autant de mesures que nous préconisons avec l'Agence nationale de la sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

Je prendrai les coordonnées des deux pharmacies que vous avez citées. Les déserts médicaux ne doivent pas devenir aussi des déserts pharmaceutiques. Les officines sont des lieux de soins, de conseil et de dispensation de médicaments extrêmement importants.

Il nous faut encourager la territorialisation. De nombreuses pharmacies ferment, car elles ne sont plus rentables. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Émilienne Poumirol.  - Il est évident que la réponse doit être européenne et passer par la réindustrialisation.

De nombreuses pharmacies peinent à trouver des repreneurs, ce qui crée des déserts en santé aux conséquences extrêmement délétères pour nos territoires ruraux. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Monique de Marco et M. Michel Masset applaudissent également.)

Meurtre du jeune Élias

Mme Marie-Claire Carrère-Gée .  - (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) Le 24 janvier dernier, Élias, 14 ans, était assassiné à la machette et à la hachette par deux mineurs multirécidivistes qui, déjà condamnés, auraient dû être en centre éducatif fermé ou en prison. Ils ne l'étaient pas, et Élias est mort.

On assiste à l'effondrement silencieux d'un système qui ne protège plus parce qu'il ne sanctionne plus.

Quand abrogerez-vous la loi Belloubet, qui interdit les courtes peines de prison ?

Quand réintroduirez-vous les peines ultracourtes, pour que les sanctions soient immédiates, proportionnées et éducatives ?

Ce refus de sanctionner ne sauve personne, et enfonce les jeunes dans la violence.

On nous répond qu'il manque des places. Il faut des places dans les centres pour mineurs, c'est indispensable ; Étienne Blanc l'a dit.

Allez-vous supprimer la césure du procès pénal des mineurs, symbole du renoncement face à la délinquance juvénile ? Comment un adolescent peut-il comprendre la gravité de son acte quand la peine tombe un an après ? Il est temps de restaurer l'unité du jugement et de redonner à la sanction son rôle pédagogique ; elle doit être immédiate, certaine, lisible et assumée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Sur les places de prison, vous avez compris ma volonté de construire rapidement, en faisant autrement : aujourd'hui, les prisons sont toutes identiques, on ne catégorise pas les détenus selon leur dangerosité, mais en fonction de leur statut. Entre la surpopulation en maisons d'arrêt et la sous-population en prisons pour peine, on voit que notre système dysfonctionne.

La première prison de haute sécurité ouvrira dans le Pas-de-Calais le 31 juillet prochain, puis une autre à Condé-sur-Sarthe le 15 octobre ; des prisons à taille humaine, moins carcérales, accueilleront des personnes condamnées qui, incarcérées, posent moins de problèmes à l'extérieur.

Je suis favorable à la fin de l'aménagement obligatoire des peines. M. Perben, Mme Dati, Mme Belloubet et M. Dupond-Moretti ont successivement, suivant l'idée de l'interdiction des peines ultracourtes, encouragé une régulation carcérale inversée.

Des travaux sont en cours au Sénat sur les courtes peines, notamment ceux de Mme Vérien. Regardons aussi ce qui se passe en Angleterre ou aux Pays-Bas. Je défendrai la fin de l'aménagement obligatoire dès le premier jour de prison, dans le texte que j'espère présenter en septembre. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie s'exclame.)

Vous avez vous-même voté le code de la justice pénale des mineurs, qui prévoyait la césure. Votre groupe politique, récemment, n'a pas proposé sa suppression. (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC) La loi qui vient d'être votée permet déjà beaucoup, et nous attendons l'avis du Conseil constitutionnel.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - Vous avez cité Dominique Perben. Avec Jacques Chirac...

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Oh là !

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - ... nous avions souhaité accélérer le rythme de construction des prisons. Il reste deux ans : en deux ans, on peut faire des progrès immenses. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Ponts routiers

Mme Brigitte Devésa .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La situation du réseau des ponts routiers est préoccupante. Sur 250 000 ponts, près de 40 000 sont en très mauvais état en raison d'un manque d'entretien. Hervé Maurey avait alerté les pouvoirs publics sur cette situation dans un rapport de 2019. Nous avons tous en tête l'effondrement du pont de Gênes, mais aussi la catastrophe de Mirepoix-sur-Tarn.

L'État a mis en oeuvre le programme national Ponts, piloté par le Cerema pour aider les communes. Mais il est sous-dimensionné : 55 millions d'euros seulement, là où il faudrait 730 millions d'euros.

Nous connaissons l'état de nos finances publiques. Toutefois, rien ne justifie de mettre en danger nos concitoyens, même si nous sommes conscients de l'ampleur des investissements.

En réponse à une question écrite d'Hervé Maurey, vous disiez : « L'enveloppe n'est pas dimensionnée pour couvrir à terme l'ensemble des coûts de réparation des ponts les plus endommagés. » Comment le Gouvernement compte-t-il augmenter l'enveloppe du programme national Ponts ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports .  - L'état de nos ponts est effectivement préoccupant. Le rapport Maurey de 2019 a tiré la sonnette d'alarme. Le rapport « droit de suite » de Bruno Belin, de l'excellente commission du développement durable (sourires), a fait un état des lieux étayé de la mise en oeuvre des recommandations. Je salue le travail de ces deux sénateurs... et de tous les autres ! (Marques de satisfaction à droite)

C'est en réponse à ces préoccupations sénatoriales que le Gouvernement a créé le programme national Ponts.

Il est doté de 110 millions d'euros au total ; les 55 millions d'euros que vous avez évoqués correspondent aux subventions de travaux. Le programme répond à une logique cohérente : d'abord, le diagnostic. Près de 14 800 communes ont vu leurs ponts expertisés, soit 63 000 ponts. Chaque maire a reçu le carnet de santé de ses ponts, puis un accompagnement technique a été déployé : le dispositif SOS Ponts.

Sur les 55 millions d'euros dédiés aux subventions de travaux, 26,8 millions ont été accordés. Aucun dossier n'a été bloqué pour insuffisance budgétaire.

Mais cette enveloppe ne couvrira effectivement pas tous les besoins. C'est pourquoi nous discutons des suites du programme dans le cadre de la conférence Ambition France Transports.

L'État accompagne et soutient, mais ne peut se substituer aux gestionnaires de voirie et aux responsabilités locales. Par ce programme, le Gouvernement agit méthodiquement. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Brigitte Devésa.  - Maintenant que chacun, y compris le Gouvernement, est d'accord sur le constat, le temps est à l'action.

Faites en sorte que cet outil public indispensable réponde pleinement aux attentes de nos collectivités. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

La séance, suspendue à 16 h 20, reprend à 16 h 30.