Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

La séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.

Surveillante tuée par un collégien (I)

M. Laurent Lafon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Louis Vogel applaudit également.) Hier, une jeune femme, surveillante au collège Françoise Dolto de Nogent, a été assassinée, poignardée par un adolescent de 14 ans. Elle s'appelait Mélanie, avait 31 ans et était maman d'un garçon de 4 ans. Je m'associe à l'hommage que vient de lui rendre le président Larcher en notre nom.

Hélas, ce meurtre n'est pas un cas isolé. On ne compte plus les victimes d'homicides par arme blanche commis par des adolescents ou des jeunes adultes : Élias, Lorène, Thomas, Sekou, Inès, Mélanie, Enzo... C'est bien un fait de société, une vague qui n'en finit pas de nous submerger.

Inconnu des services de police et de justice, l'auteur des faits est passé en quelques semaines d'une violence ordinaire entre adolescents au meurtre d'un adulte.

Monsieur le Premier ministre, nul ici ne dira qu'il est facile de résoudre le défi de la violence débridée qui touche une partie de notre jeunesse, pour laquelle le monde virtuel des jeux vidéo et d'internet se confond avec le monde réel, faisant sauter tous les verrous entre la violence imaginée et le passage à l'acte. Mais nous ne pouvons rester inactifs - vous avez d'ailleurs annoncé des mesures hier. Peut-on aller jusqu'à limiter, voire interdire, les réseaux sociaux aux plus jeunes ? Comment responsabiliser davantage les parents ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées des groupes INDEP et Les Républicains)

M. François Bayrou, Premier ministre .  - Le président du Sénat a dit à quel point l'événement d'hier nous avait tous remplis d'effroi.

La ministre d'État Élisabeth Borne s'est rendue à Nogent, auprès des éducateurs et des parents. C'est un collège de taille familiale dans une petite ville de 3 500 habitants : c'est dire si les clichés sur la concentration de ces violences dans certains milieux urbains et sociaux sont en l'occurrence inopérants.

Vous avez raison d'évoquer un débordement : les homicides commis par des mineurs ont été multipliés par trois à quatre au cours de la dernière décennie. On ne peut pas se contente de le déplorer, et nous devons suivre trois directions.

D'abord, il n'est pas normal que la détention d'armes par des adolescents se développe ainsi. Nous allons interdire la vente de ces armes aux mineurs et multiplier les contrôles de port d'armes. Hier, c'était précisément un contrôle de gendarmerie, comme nous en avons suscité 6 500 au cours des trois derniers mois, conduisant à la saisie de 200 couteaux et d'autant d'autres armes par destination. En particulier, on ne pourra plus livrer par internet ce type d'armes sans la signature d'un adulte.

Ensuite, nous devons traiter la question des auteurs - la main qui tient l'arme. Un travail considérable est à mener pour protéger la santé mentale des jeunes. À l'adolescence, certains basculent en quelques jours, comme vous l'avez dit : ce garçon était référent harcèlement et n'était pas considéré comme ayant des problèmes. Tous les signes d'un risque de basculement doivent être identifiés ; nous devons former à cet égard les enseignants et les élèves eux-mêmes.

Enfin, nous devons traiter la question des réseaux sociaux. Nous avons réussi à imposer aux sites pornographiques de vérifier l'âge de leurs consommateurs : ce n'est pas facile, et il y a une épreuve de force entre le Gouvernement et les sites. Le Président de la République s'est exprimé plusieurs fois sur l'interdiction des réseaux sociaux aux moins de 15 ans, qui relève de la compétence de l'Union européenne. Il l'a dit hier : si l'Union européenne ne nous suit pas, nous prendrons nos responsabilités en ouvrant ce chemin pour la France. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur des travées du groupe UC ; Mme Marie-Claire Carrère-Gée et M. Marc Laménie applaudissent également.)

M. Laurent Lafon.  - Merci pour votre réponse. Une proposition de loi sénatoriale visant à protéger nos écoles a été votée à l'unanimité : elle ne prétend pas résoudre tous les problèmes, mais envoie un certain nombre de messages au personnel éducatif. Ce texte n'attend que son passage à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe INDEP ; M. Michel Savin applaudit également.)

Vente d'armes à Israël

M. Guy Benarroche .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Le salon de l'armement du Bourget, qui s'ouvre la semaine prochaine, accueillera des ministres et des sociétés d'armement israéliens. M. Netanyahu l'a confirmé dès janvier, disant avoir reçu une assurance du président Macron.

De nombreuses associations ont porté devant les tribunaux des griefs légitimes contre leur présence. Notre pays ne peut servir de terrain de promotion pour des matériels militaires impliqués dans les atrocités commises à Gaza et dans les territoires occupés. Hier, le tribunal de Bobigny a rejeté leur demande, en vertu de la théorie de l'acte de Gouvernement : un juge ne peut interférer dans la conduite des affaires internationales de la France.

Comment le Gouvernement entend-il s'assurer que la France respecte ses engagements européens et internationaux en matière de commerce des armes avec des États en guerre ? Allez-vous autoriser l'importation de matériels militaires utilisés pour commettre les crimes en cours ?

La question se pose aussi de nos ventes d'armes à Israël. Vos dénégations, monsieur le ministre, se heurtent aux faits. La situation à Fos-sur-Mer met au jour la continuation d'exportation d'armes vers Israël : vous ne pouvez affirmer qu'elles ne participent pas aux massacres en cours. Comptez-vous, une fois pour toutes, respecter le droit international et cesser l'exportation d'armes vers Israël ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur des travées du groupe CRCE-K ; MM. Éric Kerrouche et Lucien Stanzione applaudissent également.)

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées .  - L'organisation du salon du Bourget est, en effet, un acte de Gouvernement. Le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale poursuit les discussions, sous l'autorité du Premier ministre et en liaison avec les ministères des affaires étrangères et des armées.

Je m'élève contre la désinformation entretenue sur de prétendues ventes d'armes françaises à Israël. Je le répète : il n'y a aucune vente d'armes françaises à Israël. Il faut cesser cette désinformation !

Mme Mathilde Ollivier.  - Et des pièces ?

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - Israël est un des grands concurrents de nos industries de défense : il n'attend évidemment pas nos armes.

Certains composants du Dôme de fer, la défense sol-air israélienne, sont français. (M. Thomas Dossus s'exclame.) Nous l'assumons, s'agissant d'un dispositif strictement défensif, protégeant les populations civiles israéliennes - j'espère que cette protection fait consensus au Sénat.

Mme Mathilde Ollivier.  - Ce n'est pas à la hauteur !

M. Sébastien Lecornu, ministre. - Enfin, des pièces détachées sont exportées à des fins de réexportation, souvent vers la France.

Mme Mathilde Ollivier.  - Avec quelles garanties ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. - Je m'apprête à remettre dès à présent aux présidents des deux commissions parlementaires chargées de la défense la liste des composants livrés en 2024, document que le Gouvernement aurait dû transmettre au Parlement en septembre prochain. J'espère ainsi faire cesser cette désinformation qui nuit à l'intérêt du pays. (Applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, du RDPI et sur plusieurs travées du RDSE)

M. Guy Benarroche.  - La mise en danger de notre pays dans une possible complicité est une faute historique. (Marques d'indignation à droite) Le Président de la République réussit l'exploit dramatique de reculer sur la reconnaissance de l'État palestinien et, en même temps, d'ignorer le droit international en matière de ventes d'armes utilisées dans des crimes de guerre. Des mandats ont été émis par la justice internationale, et les faits de crimes contre l'humanité, persécutions et actes inhumains sont établis ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe CRCE-K ; huées sur certaines travées à droite)

Reconnaissance de la Palestine (I)

M. Roger Karoutchi .  - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rappeler les conditions posées par la France pour reconnaître un État palestinien ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - La France est indéfectiblement attachée à la sécurité d'Israël. Elle l'a démontré l'année dernière en mobilisant par deux fois ses moyens militaires pour aider Israël à parer des attaques balistiques iraniennes. Elle le démontre en étant en première ligne des efforts visant à empêcher l'Iran d'accéder à l'arme nucléaire.

La France est de longue date convaincue que la sécurité des Israéliens ne sera durablement assurée que par une solution politique reposant sur deux États vivant en paix. Il faut aussi que l'ensemble des États de la région consentent à normaliser leurs relations avec Israël et à lui apporter des garanties de sécurité.

Il y a deux ans, nous y étions presque : l'Arabie saoudite, les États-Unis et Israël s'apprêtaient à faire aboutir cette perspective. Mais par le massacre antisémite du 7 octobre, le Hamas l'a gravement fragilisée.

Soit nous nous résignons à cette fragilisation, prenant le risque que la région s'enfonce durablement dans l'instabilité.

Mme Silvana Silvani.  - Ce n'est pas déjà le cas ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre. - Soit nous prenons l'initiative de créer un mouvement, qui s'appuiera sur la reconnaissance de la France et d'autres pays, mais aussi sur des engagements fermes de l'Autorité palestinienne et des pays arabes de la région.

M. Pascal Savoldelli.  - Il y a 149 États qui reconnaissent un État palestinien !

M. Jean-Noël Barrot, ministre.  - L'objectif est de dépasser ce que le Hamas a provoqué et de réenclencher un mouvement conduisant à la solution politique, la seule soutenable. (Applaudissements sur des travées du RDPI)

M. Roger Karoutchi.  - Si j'étais le Président de la République, je dirais « champion, mon frère ! » - à moins que je ne parle de brainwashers... (Rires à droite)

Vous-même, comme le chef de l'État, avez posé il y a quelques semaines quatre conditions : libération de tous les otages, éviction complète du Hamas, renouvellement de l'Autorité palestinienne, accord avec les États arabes. (On renchérit à droite.) Cette position me paraissait raisonnable, car équilibrée.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Et que demandez-vous à Israël ? Rien !

M. Roger Karoutchi.  - Aujourd'hui, aucune de ces conditions n'est remplie. Et on nous dit que, le 18 juin, le chef de l'État pourrait reconnaître l'État de Palestine, sans qu'on sache dans quelles conditions et sans que les otages aient été libérés. (Protestations à gauche)

M. Bruno Sido.  - Laissez-le parler !

M. Roger Karoutchi.  - Le 18 juin 1940, le général de Gaulle a dit non à l'horreur nazie. Ne donnez pas le sentiment, le 18 juin 2025, que la France se soumet à l'horreur islamiste ! (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur quelques travées des groupes UC et INDEP ; protestations sur certaines travées à gauche)

Conférence des Nations unies sur l'océan

M. Teva Rohfritsch .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Je remercie le Président de la République et le Gouvernement d'avoir placé la Polynésie française au coeur du sommet mondial pour l'océan. Depuis 3 000 ans, le peuple polynésien a un lien viscéral avec Te moana nui a Hiva, l'océan Pacifique.

Nous regrettons toutefois que certaines annonces du président Brotherson aient été faites sans véritable concertation, notamment avec les pêcheurs et les élus marquisiens.

À Nice, le président de la Polynésie française s'est montré ravi de clamer au monde sa fierté de protéger l'océan et de participer, au nom de la France, à l'agenda 2030 des Nations unies, tandis que les chefs d'État de la région appelaient à plus de France, notamment en matière de santé, de recherche et de développement.

Mais le même jour, à New York, la représentante de Moetai Brotherson attaquait la France au C24. Et, hier, monsieur le ministre d'État, la députée indépendantiste a cherché à vous traîner dans la rhétorique de la décolonisation. De qui se moque-t-on ?

Notre action doit se concentrer sur le soutien à la jeunesse, pour qu'elle puisse continuer à vivre au Fenua dans le cadre stable et protégé qu'offre la République. Notre jeunesse a besoin de formations, d'innovations et d'emplois, pas de sempiternels débats sur la décolonisation. Ne vous laissez pas abuser par le double langage de ceux qui vous caressent dans le dos à Nice pour mieux vous tacler à Bakou ou à Genève !

N'est-il pas prioritaire de bâtir une économie bleue pour accompagner notre jeunesse vers l'excellence, la responsabilité et l'innovation ? (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur certaines travées des groupes INDEP et UC ; M. Laurent Somon applaudit également.)

M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer .  - Vous étiez à Nice, hier, avec le Président de la République et les chefs d'État et de Gouvernement du Pacifique. La contribution de la Polynésie française à la Conférence des Nations unies sur l'océan a été capitale et remarquée.

L'océan est nécessaire à la vie ; il est notre bien commun, et nous devons le préserver. Au service de cette vision, la Polynésie a joué son rôle, en coopération avec l'exécutif français. Il n'y a pas de place pour un double discours.

Chaque territoire ultramarin a son histoire. J'ai rappelé hier la position de la France : nous contestons la réinscription de la Polynésie française en 2013 sur la liste des territoires non autonomes de l'ONU.

Je me rendrai sur place le mois prochain. Nous parlerons des prochains jeux du Pacifique, mais surtout d'économie bleue, de sécurité, de pêche et de changement climatique, sans oublier la santé et les attentes de la jeunesse. Nous avons tous la Polynésie au coeur : réaffirmons son lien puissant avec la France ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes INDEP et UC)

Compétence eau et assainissement, et agences de l'eau

M. Alain Marc .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) J'étais rapporteur de la loi sur la compétence eau et assainissement, enfin adoptée après des années à batailler. Les communes auront le choix de transférer ou non la compétence à l'intercommunalité. Elles sont libres : c'est la marque du Sénat.

Seulement voilà : certaines agences de l'eau conditionnent leur aide au basculement de la compétence vers l'intercommunalité.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Scandaleux !

M. Alain Marc.  - Ce procédé offusque nombre d'élus. Quant à nous, législateurs, nous nous sentons floués. Que comptez-vous faire pour que les agences de l'eau respectent la loi et son esprit ? (Applaudissements nourris sur les travées des groupes INDEP, Les Républicains et UC ; MM. Rachid Temal et Jean-Marc Vayssouze-Faure applaudissent également.)

M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation .  - Je vous remercie pour votre travail sur ce sujet.

Le Gouvernement a toujours défendu la même ligne : pérenniser les transferts achevés et la souplesse de gestion que le Parlement, en particulier le Sénat, a demandée à raison, pour que nos territoires disposent d'outils adaptés à leurs spécificités.

Le précédent Premier ministre entendait laisser les communes libres de transférer la gestion de la compétence à l'intercommunalité : j'ai confirmé cet engagement. Pour autant, il n'est pas question de défaire les mutualisations qui existent. L'intercommunalité permet aussi aux communes de participer à l'élaboration des projets sur l'eau.

L'eau ne se gère pas uniquement par commune, mais par bassin. Il y a six bassins hydrographiques en France, donc six agences de l'eau. (Murmures à droite et sur certaines travées au centre)

M. François Bonhomme.  - Répondez à la question !

M. François Rebsamen, ministre.  - Les agences de l'eau sont des établissements publics administratifs : elles doivent respecter la loi. Leur rôle est d'organiser les choses par bassin. Les communes seules auront bien du mal à le faire, sauf certaines situations. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains ; M. François Patriat applaudit.)

M. Alain Marc.  - Vous ne m'avez pas répondu. Je travaille avec Christine Lavarde sur le devenir des agences de l'eau. Il est inadmissible, dans un État de droit, que certaines ne respectent pas la loi ! (Applaudissements nourris sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains et du RDSE ; M. Jean-Marc Vayssouze-Faure applaudit également.) Une mise au pas est peut-être nécessaire. Oui, certaines communes peuvent gérer la compétence seules. Mais les agences de l'État doivent respecter la loi ! Nous comptons sur vous. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains et du RDSE ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

Taxe Zucman

M. Philippe Grosvalet .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) La semaine dernière, monsieur le ministre, je vous interrogeais sur la proposition de loi visant à créer un impôt plancher pour ceux qui possèdent un patrimoine de plus de 100 millions d'euros, que nous examinerons demain.

Selon Gabriel Zucman, que vous avez qualifié de brillant économiste, ces immenses fortunes échappent à l'impôt sur le revenu. Vous avez dit craindre un exil fiscal - refrain balayé par les études scientifiques et la tribune de Gabriel Zucman, Olivier Blanchard et Jean Pisani-Ferry de ce matin dans Le Monde. Ce serait pour ces immenses fortunes l'occasion de montrer leur fibre patriotique ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER ; Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

Comment expliquer aux 40 millions de foyers fiscaux français que les 0,005 % des plus fortunés sont exonérés d'impôt ? Comment expliquer que vous mettrez en oeuvre la TVA dite sociale tout en vous privant d'un potentiel de 20 milliards d'euros de recettes ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, du GEST et des groupes SER et CRCE-K ; M. Franck Dhersin et Mme Isabelle Florennes applaudissent également.)

M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - Quel est le défi de notre pays ? Produire plus. Notre PIB par habitant est 20 % plus faible que celui des pays voisins alors que le niveau de notre dépense publique est plus élevé. Pour produire, nous avons besoin des entreprises et des entrepreneurs... (Protestations sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER) Nous présenterons mi-juillet un projet pour les soutenir sans alourdir les impôts.

J'ai du respect pour Gabriel Zucman, mais sa taxe pousserait les entrepreneurs concernés à devoir vendre petit à petit des parts de leur entreprise... (On ironise sur les travées du GEST ; M. Yannick Jadot lève les bras.) Le risque principal est celui de la délocalisation. L'augmentation de l'ISF a fait fuir de nombreux patrimoines.

M. Mickaël Vallet.  - Oh les beaux patriotes !

M. Éric Lombard, ministre.  - Avec la libéralisation des règles et la concurrence fiscale entre pays, un tel exil serait certain ; l'investissement et les ressources fiscales en pâtiraient.

Pour faire contribuer ces patrimoines, nous étudions plutôt les niches fiscales sur lesquelles agir. Luttons contre la suroptimisation, plutôt que de priver par de telles mesures notre pays de l'avantage d'être le plus attractif en Europe depuis maintenant six ans. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI ; MM. Thierry Cozic et Hussein Bourgi protestent.)

Une voix à gauche.  - Cela fait six ans qu'on l'attend !

M. Mickaël Vallet.  - Vous allez faire passer un chapeau !

M. Philippe Grosvalet.  - Au début du siècle dernier, mon groupe accueillait une figure illustre, Joseph Caillaux, ministre des finances et longtemps président de la commission des finances.

M. Emmanuel Capus.  - Cela n'a rien à voir ! Rien !

M. Philippe Grosvalet.  - Il lui fallut combattre cinq ans pour convaincre le Sénat du bien-fondé de l'impôt sur le revenu. La nuit porte conseil : n'attendons pas cinq années de plus ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, du GEST, ainsi que des groupes SER et CRCE-K ; Mmes Elisabeth Doineau et Nathalie Goulet applaudissent également.)

Reconnaissance de la Palestine (II)

Mme Gisèle Jourda .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La France coordonnera avec l'Arabie saoudite la conférence qui se tiendra aux Nations unies du 17 au 20 juin.

Selon des sources diplomatiques, le Royaume-Uni et la France n'insisteraient plus sur la reconnaissance d'un État palestinien mais sur les étapes pour parvenir à une telle reconnaissance, laquelle dépendra d'une série de mesures et de concessions de la part des Palestiniens.

Pas moins de 149 États ont pourtant reconnu la Palestine sans conditions.

Quelle position la France entend-elle finalement défendre ? Pourquoi tergiverser ? Pourquoi refuser de débattre de vos intentions avec la représentation parlementaire, comme l'Assemblée nationale et le Sénat vous l'ont maintes fois demandé ? L'autre chemin dont vous parlez n'est-il pas plutôt une impasse ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST et sur quelques travées du groupe CRCE-K)

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Il n'y a que deux chemins : l'état de guerre permanent, et la solution politique, plus difficile, que la France défend depuis toujours, et qui était sur le point d'aboutir avant que le Hamas se rende coupable du plus grand massacre antisémite depuis la Shoah.

Roger Karoutchi semblait défendre l'inaction (M. Roger Karoutchi s'en défend), mais si nous ne faisions rien, cette perspective serait définitivement écartée car elle est plus fragilisée que jamais depuis 1993 et les accords d'Oslo.

Alors que Gaza est quasiment détruite, ...

M. Fabien Gay.  - Rasée !

M. Jean-Noël Barrot, ministre.  - ... que la colonisation s'accélère en Cisjordanie, alors que les États-Unis se désinvestissent et que les pays arabes semblent résignés, à nous de reprendre l'initiative.

Nous voulons enclencher un mouvement qui engage l'autorité palestinienne et les pays arabes...

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Et Israël ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre.  - ... qui doivent dénoncer le 7 octobre et reconnaître le Hamas pour ce qu'il est, une organisation terroriste, et s'engager à concourir à la sécurité d'Israël et au redressement à venir de Gaza et de l'État de Palestine. (M. Fabien Gay proteste.) Sinon, la reconnaissance d'un pays comme la France sonnerait creux. C'est dans cet esprit que nous travaillons. (M. Fabien Gay marque son mécontentement ; MM. François Patriat et Bernard Fialaire applaudissent.)

Mme Gisèle Jourda.  - Non, la reconnaissance de la France ne sonnerait pas creux. Nous sommes le pays des droits de l'homme. Des pays comme l'Espagne ont reconnu la Palestine sans condition. (Mme Raymonde Poncet Monge renchérit.) Monsieur le ministre, je ne comprends pas votre position. Les problèmes n'ont pas commencé le 7 octobre ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Lorsque vous vous serez retourné, il n'y aura plus un seul Palestinien dans la bande de Gaza. Est-ce cela que vous voulez ? Moi non ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et du GEST ; M. Claude Malhuret applaudit également.)

Situation en Israël et à Gaza

M. Jean-Pierre Corbisez .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) Depuis dix semaines, Gaza souffre d'un blocus alimentaire meurtrier. Certes, quelques maigres distributions sont organisées pour la forme par Israël et les États-Unis, qui tournent parfois au carnage. L'armée tire sur la population affamée.

M. Roger Karoutchi.  - Le Hamas aussi !

M. Jean-Pierre Corbisez.  - Gaza agonise : deux millions de vies au bord de la famine, plus de 52 000 personnes massacrées, dont 15 000 enfants. Le gouvernement Netanyahu poursuit son plan de conquête totale de la bande de Gaza pour achever la destruction de l'enclave et à terme déporter la population vers des pays tiers.

En 2024, la Cour internationale de justice (CIJ) a dénoncé la situation à Gaza comme un génocide imminent.

L'acte de piraterie contre le navire le Madleen (M. Bruno Sido ironise), la détention de son équipage alors qu'il était hors des eaux territoriales, constitue un crime supplémentaire commis par l'occupant israélien. Je salue l'initiative du Madleen : il faut élargir la solidarité pour briser le siège de Gaza.

Face à cette horreur, que fait la France ? Quand les otages français, dont une députée, seront-ils libérés ? (Protestations et exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Roger Karoutchi.  - Les otages ne sont pas en Israël !

M. Jean-Pierre Corbisez.  - Pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas exclu les exposants militaires israéliens du prochain salon du Bourget ? Les bavardages doivent cesser : la France doit porter une voix forte pour briser le siège de Gaza et mettre fin à ce génocide. L'histoire jugera les nations complices par leur silence ou leur inaction.

M. François Bayrou, Premier ministre .  - C'est moi qui vous réponds, car je trouve inacceptable qu'un certain nombre de forces politiques utilisent, pour les trois ou quatre personnes détenues depuis deux jours en Israël, le mot « otages ». (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et sur quelques travées du RDPI)

Je vous rappelle simplement les faits : après l'arraisonnement de ce navire...

Mme Mathilde Ollivier.  - Dans les eaux internationales !

Mme Cécile Cukierman.  - C'est scandaleux !

M. François Bayrou, Premier ministre.  - ... les six Français à bord se sont vus offrir le choix de revenir immédiatement en France, et certains l'ont refusé.

Si les vrais otages à Gaza s'étaient vu offrir le choix de revenir dans leur pays, ils l'auraient fait. Je trouve votre attitude inacceptable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Cécile Cukierman.  - Vous réécrivez l'histoire ! (Mme Cécile Cukierman se lève et quitte l'hémicycle, suivie par les membres du groupe CRCE-K, sous les huées de la droite.)

Surveillante tuée par un collégien (II)

Mme Anne-Marie Nédélec .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Hier, madame la ministre, vous étiez avec nous à Nogent : à 8 h 15, dans cette tranquille petite commune de Haute-Marne dont j'ai été l'élue pendant près de trente-cinq ans, l'indicible s'est produit. Un collégien de 14 ans a poignardé à plusieurs reprises une assistante d'éducation sous les yeux des gendarmes lors d'un contrôle inopiné des sacs ; elle n'a pas survécu.

Mélanie était la maman d'un petit garçon de 4 ans, conseillère municipale appréciée dans son village.

Je vous remercie pour l'hommage rendu. Mes pensées vont à sa famille, à ses collègues, aux élèves dont beaucoup ont vécu l'agression en direct, mais aussi aux parents de l'agresseur - les deux familles se connaissent.

Ce n'est pas qu'une question de moyens : les forces de l'ordre étaient sur place, le collège ne compte que 320 élèves, l'équipe éducative est stable. L'agresseur est décrit comme un élève brillant, ne présentant pas de signaux faibles.

Nogent n'a pas connu un énième fait divers, mais un drame que ni le cadre scolaire ni le cadre familial ne laissaient prévoir.

On ne doit pas légiférer à chaud, dans l'émotion, dites-vous. Pourtant, comment faire pour protéger concrètement nos enfants de cette violence qui leur fait perdre le sens du réel ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; M. Rémi Féraud applaudit également.)

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Je renouvelle mes condoléances à la famille de la jeune femme qui a perdu la vie hier. Je me suis rendue sur place ; nous avons exprimé notre soutien à la communauté éducative, bouleversée par ce drame.

Comment endiguer la violence chez les jeunes ? En premier lieu, en interdisant l'acquisition d'armes blanches par les mineurs et en prenant des mesures contre toute introduction d'armes dans les établissements - c'est le sens de l'instruction que nous avons signée en mars avec Bruno Retailleau. Plus de 6 000 opérations de contrôle ont été menées depuis. Systématiquement, lorsqu'une arme est saisie, un conseil de discipline est réuni et un signalement est fait au procureur.

Une sensibilisation à la dangerosité des armes est menée par les référents police-gendarmerie, en lien avec les actions de prévention dans le cadre de l'enseignement moral et civique.

Yannick Neuder et moi-même agissons pour améliorer la santé mentale des jeunes et pour repérer ceux en souffrance psychique. (Mme Jocelyne Guidez applaudit.)

J'ai décidé de généraliser la pause numérique dans les collèges dès la prochaine rentrée. Nous devons aussi agir pour interdire les réseaux sociaux aux jeunes de moins de 15 ans, comme l'a dit le Président de la République. Pour tout cela, nous avons besoin des familles et de tous les partenaires de l'école. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Olivia Richard applaudit également.)

Mme Anne-Marie Nédélec.  - Ne confondons pas causes et conséquences. Pourquoi la santé mentale des jeunes s'est-elle autant dégradée ?

Je viens du pays du couteau ; des couteaux, il y en a partout, dans toutes les cuisines, dans tous les ateliers. Autrefois, on ne les utilisait pas comme ça ! Le problème, ce n'est pas le couteau !

Bien sûr, il faut renforcer les contrôles, la sévérité des peines. Mais peut-on livrer quotidiennement nos jeunes à des réseaux, à des sites qui diffusent en toute liberté, ou, pire, au nom de la liberté, des contenus d'une violence inouïe, poussant au meurtre ou au suicide ?

Nous n'avons plus le temps d'attendre un éventuel accord européen. Chacun doit prendre sa responsabilité (la voix de l'oratrice tremble sous l'effet de l'émotion) : l'État et les familles. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; Mme Laurence Rossignol et M. Éric Jeansannetas applaudissent également.)

Politique environnementale

M. Pierre-Alain Roiron .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Depuis Nice, Emmanuel Macron s'érige en grand défenseur des océans et vante son leadership. Pendant ce temps, en France, le réel tangue : réintroduction des pesticides interdits, suppression des zones à faibles émissions (ZFE), suspension brutale de MaPrimeRénov'.

Une voix à droite.  - Très bien !

M. Pierre-Alain Roiron.  - « Ce quinquennat sera écologique ou ne sera pas » : l'engagement de Marseille en 2022 n'est plus qu'un souvenir dissipé par les courants budgétaires. Des millions de ménages modestes renonceront à rénover leur logement, des artisans déjà fragilisés verront leur carnet de commandes s'effondrer.

Pour les habitants des zones polluées, un air vicié, faute de politique de mobilité urbaine ; pour les agriculteurs, un brouillard réglementaire, où l'on autorise d'une main les pesticides qu'on interdit de l'autre...

Ce même Président de la République qui a dissous l'Assemblée il y a un an reproche à ses troupes les reculs qu'il a lui-même rendus possibles. Il fustige la destruction des politiques écologiques qu'il a laissé s'éroder. Il réclame un cap, alors qu'il a détruit la boussole. À l'international, on sermonne ; à domicile, on détricote.

Que ferez-vous pour que les plus modestes ne soient plus la variable d'ajustement de votre renoncement écologique, qui découle des 1 000 milliards d'euros de dette dont vous êtes comptables ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement .  - Non, le Gouvernement ne recule pas. (On ironise à gauche.)

M. Patrick Kanner.  - La majorité, oui !

Mme Sophie Primas, ministre déléguée.  - Il s'adapte aux réalités, évalue et ajuste les politiques publiques, mais il avance, résolument, vers un modèle sobre en carbone, respectueux de la biodiversité, plus en phase avec les réalités économiques et sociales de notre pays.

Mme Laurence Rossignol.  - Vraiment ?

Mme Sophie Primas, ministre déléguée.  - Nous avons engagé des transformations dans tous les secteurs. Dans les mobilités, avec des investissements sans précédent dans les transports en commun, le soutien à la filière électrique, le plan Vélo. Dans les océans, en sanctuarisant les aires marines protégées, avec désormais 4 % de notre zone économique exclusive en zone de protection forte.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Et les pesticides ?

Mme Sophie Primas, ministre déléguée.  - Dans le bâtiment, l'effort est massif, mais doit être maîtrisé pour être soutenable et pérenne, d'où les ajustements opérés sur MaPrimeRénov'. S'adapter aux contraintes des Français, ce n'est pas renoncer, c'est viser l'efficacité.

L'écologie que nous défendons se veut positive, concrète, ambitieuse et partagée. C'est une écologie du quotidien qui ne veut pas faire peser le poids de la transition sur les plus vulnérables. (Mme Émilienne Poumirol s'exclame.) C'est aussi une écologie compétitive, pour nos entreprises, nos chercheurs, nos territoires. La réduction de l'empreinte carbone est une opportunité pour consommer mieux, produire autrement, créer de l'emploi local.

En jeu, il y a la souveraineté, la santé, la prospérité de notre pays. Personne ne ferme les yeux. (« Ah ! » sur les travées du groupe SER)

Quelques voix à gauche.  - Pas cette assemblée en tout cas !

M. Michaël Weber.  - Nous voilà sauvés !

Mme Sophie Primas, ministre déléguée.  - Nous ne nous résignerons pas. Nous voulons bâtir avec vous un avenir durable pour les Français. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Suspension de MaPrimeRénov'

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur Lombard, Les Facéties du sapeur Camember est-il votre livre de chevet ? Creuser un trou pour en boucher un autre, comme vous le faites en suspendant MaPrimeRénov', c'est peut-être réaliser des économies budgétaires immédiates, mais c'est perdre bien plus demain en mettant à mal toute une filière.

M. Laurent Burgoa.  - Très bien !

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Cette « simple pause » pour lutter contre les fraudes et absorber les dossiers en souffrance est dévastatrice pour le soutien à la rénovation énergétique à moyen et long terme. Sans aide de l'État, nos concitoyens les plus modestes vont-ils se lancer dans des travaux ? Sans visibilité, les artisans vont-ils se former pour obtenir le label RGE ?

L'instabilité décourage tout le monde. Les stop and go sont catastrophiques. Les ménages sont perdus, les professionnels du bâtiment réduits à l'immobilisme, dépendants d'un ministère qui raisonne en Ubu roi : « je veux m'enrichir, je ne lâcherai pas un sou » !

Le Gouvernement a-t-il une stratégie économique et sociale au-delà du PLF ? Nos concitoyens et nos entreprises peuvent-ils compter sur sa parole ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SER, du GEST et sur plusieurs travées du groupe UC ; M. Marc Laménie et Mme Mireille Jouve applaudissent également.)

Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement .  - Vous avez eu des propos forts, à l'image d'un secteur qui s'interroge et qui attend des précisions sur notre trajectoire. Je sais que vous portez ces sujets depuis longtemps.

Oui, nous allons continuer à porter MaPrimeRénov', avec volonté et ambition. Le budget voté, de 3,6 milliards d'euros, sera même complété de quelques centaines de millions venant des certificats d'économie d'énergie (C2E) pour être au rendez-vous de cette dynamique.

On assiste à un emballement - trois fois plus de dossiers déposés que l'année dernière  - d'où un retard dans l'instruction des dossiers, car nous n'avons pas trois fois plus de personnel.

Autre sujet, les nombreuses fraudes. La récente proposition de loi Cazenave nous donnera des outils pour nous y attaquer.

Nous avons aussi pris du retard avec le décalage de deux mois du vote du budget.

Tous les dossiers déposés d'ici au 1er juillet seront instruits. S'ils sont complets et non frauduleux, l'aide sera versée.

Nous rassemblons les acteurs du secteur et les parlementaires pour travailler sur ce ralentissement ; le 15 septembre, l'instruction des dossiers reprendra. Il s'agit d'être plus réguliers, plus rapides, de mieux lutter contre la fraude, pour être au rendez-vous de l'exigence. Nous ferons tout pour que les choses fonctionnent correctement dès la rentrée. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI et du groupe UC)

Exonération de la taxe sur le foncier non bâti

M. Bernard Delcros .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Pierre Jean Rochette applaudit également.) Quelle ne fut pas la désagréable surprise de nombreux maires ruraux en découvrant la baisse de leurs ressources fiscales pour 2025 - parfois jusqu'à 6 % de la recette fiscale totale, alors même que les bases d'imposition ont été revalorisées de 1,7 % ! Beaucoup d'entre eux ont saisi la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales ; des sénateurs nous ont alertés, dont Pierre-Antoine Levi, qui peut vous citer des exemples édifiants dans son département.

L'explication est simple : le Gouvernement a inscrit dans la loi de finances pour 2025 une exonération supplémentaire de 10 % de la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB), sans aucune compensation pour les collectivités, alors même que les ressources des plus petites communes rurales dépendent parfois à plus de 50 % de cette taxe. Jusqu'ici, toutes les exonérations avaient toujours été compensées, quel que soit le gouvernement.

Sans remettre en cause cette exonération utile à nos agriculteurs, il est urgent de réparer cette injustice qui frappe les collectivités rurales les plus fragiles. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP)

M. André Reichardt.  - Très bien !

M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - Plusieurs de vos collègues m'ont saisi de ce sujet.

La loi de finances pour 2025 comporte de nombreuses mesures en faveur des agriculteurs : annulation de la hausse sur le gazole non routier, renforcement de diverses déductions, pour épargne de précaution ou stocks de vaches, exonération des successions pour les viticulteurs, exonération de la TFPNB, portée de 20 à 30 %.

Cette dernière exonération faisait l'objet d'une compensation aux collectivités depuis 2006. En effet, elle n'a pas été ajustée pour tenir compte de l'augmentation à 30 %.

Cela ne correspond pas à la volonté du Gouvernement : je prends donc l'engagement de corriger cette erreur dans le projet de loi de finances 2026. La ministre des comptes publics sera à votre écoute pour préparer ce texte. (M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit.)

M. François Bonhomme.  - Et 2025 ?

M. Bernard Delcros.  - Merci de cette réponse qui ouvre des perspectives. C'est très important pour les petites communes rurales qui ont peu d'habitants et une grande superficie. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Rapport du COR et recul de l'âge de départ à la retraite

Mme Pascale Gruny .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) J'ai une pensée pour les jeunes pompiers de l'Aisne - et pour tous nos pompiers.

Dans son rapport à paraître demain, le Conseil d'orientation des retraites (COR) tire à nouveau la sonnette d'alarme. La réforme de 2023, que certains apprentis sorciers voudraient abroger, stabilisera tout juste le déficit entre 6 et 7 milliards d'euros jusqu'en 2030 ; si rien n'est fait, il s'envolera à 15 milliards d'euros en 2035 et 30 milliards en 2045.

Pour éviter la banqueroute, le COR propose plusieurs scenarii : baisser les pensions, au détriment du pouvoir d'achat des retraités ; augmenter les cotisations employeurs et salariés, au risque de fragiliser nos entreprises ; reculer l'âge de départ à la retraite - comme l'ont fait tous les autres pays européens avant nous.

Êtes-vous favorable au relèvement de l'âge de départ à la retraite au-delà de 64 ans ? À l'introduction d'une dose de capitalisation ? Explorez-vous d'autres pistes comme la lutte contre les fraudes et la stimulation de l'emploi des jeunes et des seniors ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi .  - Je m'abstiendrai de commentaires sur les projections qui ont circulé dans la presse. Le rapport du COR sera présenté aux partenaires sociaux demain.

Nous travaillons sur des données consolidées, des travaux publiés. C'est le cas du rapport de la Cour des comptes, qui pose un diagnostic incontesté et décrit une trajectoire déficitaire préoccupante.

La délégation paritaire permanente sur les retraites se réunit chaque semaine autour de ce rapport, de la lettre de mission du Premier ministre, d'une modélisation et enfin, de quatre objectifs partagés : le retour à l'équilibre, la correction d'injustices, la gouvernance, qui comprend la capitalisation, et l'effort partagé par tous.

Ce cadre est inchangé. Les négociations commencent cet après-midi même. Nous faisons confiance aux partenaires sociaux pour trouver ensemble des voies de passage, des compromis. S'il y a accord, il sera soumis au Parlement, comme ce fut le cas la semaine dernière sur l'assurance chômage et l'emploi des seniors. (MM. François Patriat et Jean-Baptiste Lemoyne applaudissent.)

Mme Pascale Gruny.  - Nous aussi, faisons confiance aux partenaires sociaux. Mais il y a urgence à agir, surtout pour les jeunes, qui craignent de ne pas avoir de retraite. Ils ont besoin de perspectives rassurantes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Avenir des CCAS

Mme Karine Daniel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) En première ligne face à la précarité, les centres communaux d'action sociale (CCAS) sont des acteurs de proximité de notre solidarité républicaine.

Au détour d'une proposition de loi, vous aviez prévu de les rendre optionnels. Mais face à la mobilisation des élus, le Gouvernement semble reculer - c'est heureux.

Cela pose la question de la méthode d'un gouvernement qui dépose des amendements sur des propositions de loi sans concertation ni étude d'impact. C'est ainsi que, hier soir, vous avez voulu fragiliser les conseils citoyens et les caisses des écoles.

La mécanique est toujours la même : sous couvert de simplification, vous procédez à une recentralisation rampante et affaiblissez les structures de gouvernance locale partagée. Cela fragilise l'action publique et démobilise les acteurs locaux. Les atermoiements du Gouvernement sur MaPrimeRénov' en sont l'illustration.

Renoncez-vous à rendre les CCAS optionnels ? Êtes-vous prêts à construire avec les élus locaux, les associations et les citoyens, des politiques publiques sociales lisibles et partagées ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Raymonde Poncet-Monge applaudit également.)

M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation .  - Je vais rétablir la vérité : en vertu de l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales s'administrent librement. Par des lois de simplification, nous voulons laisser les communes choisir ce qu'elles veulent faire. Dans 32 000 communes, les CCAS sont facultatifs. Ce n'est pas pour autant que ces communes ne s'occupent pas du social !

Contrairement à ce que vous avez dit, aucun amendement n'a été déposé. Nous avions envisagé de laisser les communes choisir les modalités de leur action sociale, mais face à la mauvaise interprétation, à laquelle vous contribuez d'ailleurs, j'ai dit clairement les choses, hier, à l'Assemblée nationale. Oui, je veux rendre la liberté aux communes, vous ne le voulez pas ; nous avons donc décidé de ne pas donner suite.

Vous voulez en réalité contraindre les communes et non les libérer, contrairement à nous. (M. François Patriat renchérit ; applaudissements sur les travées du RDPI)

M. David Ros.  - Mauvaise interprétation !

Mme Karine Daniel.  - Quand autant de personnes comprennent mal un message, c'est qu'il y a un problème d'émission. À terme, la liberté laissée aux communes pose la question de l'égal accès des citoyennes et citoyens aux services publics sur tout le territoire. (Bravos et applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Daniel Salmon applaudit également.)

Accord avec les pays du Mercosur

M. Jean-Claude Anglars .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La semaine dernière, lors de sa visite d'État, le président brésilien Lula a exhorté la France à soutenir l'accord de décembre 2024 entre la Commission européenne et le Mercosur, qui serait selon lui la meilleure réponse au retour de l'unilatéralisme et du protectionnisme.

Certes, la guerre tarifaire lancée par Trump rebat les cartes du commerce mondial. Mais l'accord actuel est une menace pour notre modèle agricole et alimentaire. Face au différentiel de normes, aux capacités de production gigantesques de l'Amérique du Sud et à la faiblesse des contrôles, il exposerait nos producteurs à une concurrence déloyale et nos consommateurs à une alimentation dont nous ne voulons pas.

Le Sénat s'y est opposé à plusieurs reprises, en raison notamment de l'absence de clauses miroirs et de la méthode de ratification envisagée. Il y va de notre souveraineté alimentaire et du respect de la représentation nationale.

Un protocole additionnel avec des clauses miroirs et de sauvegarde est-il envisagé ? Comment agissez-vous pour que les règles de ratification ne changent pas en cours de route ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Face au regain de tension commerciale provoqué par la politique étasunienne, l'Europe doit se doter d'une politique commerciale plus ambitieuse. Mais en aucun cas, les agriculteurs français ne doivent en être la variable d'ajustement.

Comme le Sénat et l'Assemblée nationale, le Gouvernement reste opposé à cet accord en l'état. Le Président de la République a d'ailleurs rappelé, à l'occasion de la visite du président Lula, qu'il risque d'être préjudiciable aux agriculteurs européens et à certaines filières françaises. L'Autriche et la Hongrie l'ont également dit publiquement ; d'autres pays n'en pensent pas moins.

Il reviendra aux États membres et au Parlement européen de se prononcer. Mais aujourd'hui, le compte n'y est pas.

Notre position pourrait évoluer avec un protocole additionnel intégrant des clauses de sauvegarde pour éviter de déstabiliser certaines filières et des clauses miroirs pour empêcher certains produits d'entrer sur notre territoire. Le Gouvernement oeuvre sans relâche en ce sens. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Jean-Claude Anglars.  - Il faut tenir bon ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Participation de Taïwan à l'OMS

Mme Else Joseph .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Malgré des demandes répétées, Taïwan reste exclue de nombreuses organisations internationales comme l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Interpol ou l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI). Ces décisions incompréhensibles ne reposent que sur la loi du plus fort.

Taïwan est un partenaire loyal et un pays prometteur. C'est une jeune démocratie avec des élections sincères, en pointe en matière de technologies, qui a brillamment surmonté la crise sanitaire et a su sortir élégamment du feuilleton anxiogène qui l'a vue naître. Mais cela ne suffit pas.

La France a des liens forts avec Taïwan. Le 14 janvier 2024, votre ministère a déclaré que Taïwan était un partenaire important de la France. Je demande l'application d'une déclaration que vous n'avez pas reniée, ainsi que d'une résolution votée ici même le 6 mai 2021.

Cessons les fausses pudeurs, les chantages et les mesquineries : Taïwan ne doit plus être exclue des instances internationales.

S'inquiéter pour Taïwan, c'est aussi se soucier de notre pays, de la liberté des mers et de l'équilibre du monde. C'est un enjeu de sécurité mondiale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Dans le respect de sa politique d'une seule Chine, la France soutient la participation de Taïwan aux travaux des organisations internationales, quand leurs statuts le permettent et qu'il y va de l'intérêt collectif de la communauté internationale.

Le mois dernier, le ministère de la santé a appelé au retour de Taïwan dans les travaux de l'OMS, en tant qu'observateur, comme nous le demandons chaque année. Le nombre d'États signataires de cette demande est passé de 14 en 2020 à 27 en 2024.

M. le président.  - La semaine prochaine, à 14 heures, nous recevrons M. Rouslan Stefantchouk, président de la Rada d'Ukraine. Je compte sur votre présence lors de cette séance exceptionnelle.

La séance est suspendue à 16 h 20.

Présidence de M. Alain Marc, vice-président

La séance reprend à 16 h 30.