Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

Avenir des concessions hydroélectriques

M. Daniel Chasseing, en remplacement de M. Pierre Jean Rochette .  - Deuxième source de production électrique derrière le nucléaire, l'hydroélectricité est la première source d'électricité renouvelable en France. Elle occupe une place centrale dans notre approvisionnement et jouera un rôle majeur dans la réussite de la transition énergétique.

Pourtant, alors qu'une soixantaine de concessions arrivent à échéance le 31 décembre, leur renouvellement reste incertain. Le blocage persiste depuis plus de vingt ans, en raison d'un différend entre la France et la Commission européenne sur l'application de la directive de 2014 relative à l'attribution des contrats de concession.

Ce contentieux a freiné les investissements dans la filière, alors même que la France sort d'une crise énergétique sans précédent et que le Gouvernement rappelle régulièrement l'importance de cet atout industriel.

Fin août, Matignon a annoncé un accord de principe avec la Commission européenne, saluant une étape importante vers la relance des investissements. Le remplacement des concessions arrivées à échéance par un nouveau régime d'autorisation est évoqué.

Quelles sont les modalités de cet accord et les suites prévues ? Ne pensez-vous pas qu'il faille prévoir un financement spécifique pour développer les stations de transfert d'énergie par pompage (Step), seules capables de stocker massivement l'électricité ?

M. Sébastien Martin, ministre délégué chargé de l'industrie .  - Les concessions arrivant à échéance sont prolongées sous le régime des délais glissants, garantissant la continuité de la production.

À la suite du rapport Battistel-Bollo, le Gouvernement a conduit des négociations approfondies avec la Commission européenne, lesquelles ont abouti à un accord de principe : le passage d'un régime de concession à un régime d'autorisation, le maintien possible des exploitants actuels, et la vente aux enchères par EDF de capacités hydroélectriques au bénéfice des consommateurs.

Cet accord ouvre la voie à la relance des investissements, notamment pour les Step.

Une proposition de loi portée par les députés Battistel et Bollo, soutenue par le Gouvernement, sera prochainement déposée pour mettre en oeuvre cet accord et clore définitivement les contentieux.

M. Daniel Chasseing.  - Ne faudrait-il pas miser davantage sur l'hydroélectricité que sur l'éolien et le solaire, que l'on ne peut pas stocker ?

Retour du loup

M. Franck Menonville .  - Les attaques de loups se multiplient sur l'ensemble du territoire, notamment dans la Meuse, où l'on compte plus de 15 attaques depuis le début de l'année, soit 90 animaux prédatés. Certaines ont lieu au coeur même des villages, comme récemment dans la Drôme.

Les conséquences pour nos éleveurs sont économiques et psychologiques : beaucoup sont découragés ; certains envisagent de cesser leur activité. En plaine, la dispersion des pâtures et le temps consacré à la pose et à l'entretien des clôtures rendent la protection des troupeaux presque impossible.

Nos éleveurs attendent des moyens accrus et une simplification des procédures pour accéder aux tirs de défense.

Je salue l'obtention par Mme la ministre du déclassement du statut de protection du loup. Mais comment cette avancée sera-t-elle concrétisée ? Et la réévaluation des populations lupines, sous-estimées, selon moi, est-elle envisagée pour mieux adapter les capacités de prélèvement ?

M. Sébastien Martin, ministre délégué chargé de l'industrie .  - Je vous prie d'excuser Mme Annie Genevard. Élu d'un département également touché, la Saône-et-Loire, je mesure aussi la fragilisation de l'activité des éleveurs.

Depuis sa prise de fonctions, Mme Genevard a fait du dossier du loup une priorité nationale. L'État consacre 52 millions d'euros par an aux mesures de protection et d'indemnisation.

Mais il faut aller plus loin. Ainsi, l'arrêté du 21 juin 2025, co-signé avec la ministre de l'écologie, assouplit les conditions d'intervention dans les départements les plus exposés, comme la Meuse ; le recours aux tirs de défense a été facilité, l'appui des lieutenants de louveterie et de l'Office français de la biodiversité a été renforcé.

À ce jour, 155 loups ont été prélevés sur un plafond de 192, que la ministre envisage d'augmenter de 2 % d'ici la fin de l'année.

La révision du statut de protection du loup, désormais intégrée à la directive Habitat, consacre la nécessité d'une régulation raisonnée, fondée sur la réalité des territoires ruraux.

Un décret prévoyant un nouveau cadre national est en cours d'examen au Conseil d'État. Il vise à simplifier les démarches discutées au sein du groupe national loup, à harmoniser les règles de tir et à garantir une réponse rapide et proportionnée en cas d'attaque. Mme Genevard veillera à l'application de ces avancées dans la Meuse, dans le respect de l'équilibre entre biodiversité et pastoralisme.

Enquêtes pour violences policières

Mme Corinne Narassiguin .  - (M. Patrick Kanner applaudit.) Le 17 juin 2025, Libération et Disclose révélaient que 215 policiers et gendarmes, tous grades confondus, avaient été accusés de harcèlement sexuel, d'agression sexuelle ou de viol envers des femmes.

Les violences sexuelles sont d'autant plus insupportables lorsqu'elles sont commises par des membres des forces de l'ordre qui ont la confiance des femmes victimes. Depuis plusieurs années, les rapports annuels de l'inspection générale de la police nationale (IGPN) et de l'inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) affirment qu'elles ne traitent que 10 % des affaires pénales impliquant policiers et gendarmes. Quels services sont-ils chargés des 90 % d'affaires restantes ? S'agit-il de services spécialisés dans les affaires internes ? Quid des effectifs ? À quelles directions sont-ils rattachés ?

Les cellules de déontologie existant à Lyon ou à Lille sont-elles instituées dans tous les départements ? Quel est leur rôle exact ?

M. Sébastien Martin, ministre délégué chargé de l'industrie .  - Les forces de l'ordre jouent un rôle essentiel dans la lutte contre les violences intrafamiliales et les infractions à caractère sexuel. Mais il arrive que certains militaires ou fonctionnaires, pourtant soumis à un devoir d'exemplarité, soient mis en cause pour de tels faits. C'est évidemment inacceptable. Nous soutenons les victimes de ces agissements, qui sont sanctionnés sévèrement.

L'autorité judiciaire est systématiquement informée de ces situations par les responsables territoriaux de la police et de la gendarmerie. Dans la gendarmerie, les enquêtes relèvent des sections ou brigades de recherche, l'IGGN n'intervenant que pour les affaires les plus complexes. Dans la police, elles sont menées par les directions territoriales ou les cellules de déontologie, l'IGPN n'étant saisie qu'en cas de fait grave. Toute infraction pénale présumée fait donc l'objet d'investigations adaptées, objectives et impartiales, sous le contrôle d'un magistrat.

De son côté, l'autorité hiérarchique engage sans délai une enquête administrative. Elle peut ensuite prendre les mesures appropriées, jusqu'à la révocation de l'agent concerné. Un réseau de 700 référents « égalité et diversité » ainsi que 30 correspondants déontologues assurent le suivi des signalements et leur traitement en enquête interne.

Cette politique disciplinaire rigoureuse ne transige ni avec la déontologie ni avec le respect du droit.

Mme Corinne Narassiguin.  - Le fait que l'IGPN et l'IGGN affirment ne traiter que 10 % des affaires pénales impliquant des policiers et des gendarmes demeure un problème. Il faut plus de transparence, pour assurer l'impartialité des services de police.

Dérive de la généralisation de l'usage des OQTF

M. Akli Mellouli .  - Les obligations de quitter le territoire français (OQTF), prévues pour répondre à des situations précises, tendent à devenir une réponse réflexe à toute complexité migratoire. C'est une pente dangereuse. Lorsque la réponse administrative se substitue à l'examen individuel, lorsque le soupçon remplace l'instruction, l'idée même de République s'érode.

Le 2 juin dernier, une femme franco-algérienne de 58 ans vivant en France depuis plus de trente ans, naturalisée en 1997, travaillant dans une crèche parisienne, a été interpellée à son retour d'Algérie à Roissy. Une OQTF lui a été notifiée, assortie d'une interdiction de retour d'un an, parce qu'un agent a estimé, sur la base d'un faisceau d'indices contestable, qu'elle ne résidait pas principalement en France. Voilà comment une logique sécuritaire mal maîtrisée peut conduire à l'absurde.

Sous la pression politique et médiatique, on préfère la rapidité à la justesse, l'apparence à la vérité. Il en résulte de nouvelles fractures : entre les citoyens et leur administration, entre la République et ceux qui voudraient encore y croire.

La nécessité de mesures de police administrative n'est pas contestable dans certains cas, mais je conteste leur banalisation. La République ne doit pas renoncer à sa promesse de justice.

Allez-vous encadrer plus strictement les motifs d'émission des OQTF ?

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Akli Mellouli.  - Êtes-vous prêt à engager une évaluation publique régulière et transparente des OQTF exécutées ?

M. Sébastien Martin, ministre délégué chargé de l'industrie .  - Le séjour d'un étranger en France correspond à un cadre précis. Les préfectures apprécient au cas par cas les situations individuelles.

L'article 6-1 de la directive Retour impose aux États membres de l'Union européenne de prendre une décision de retour à l'encontre de tout étranger en situation irrégulière. Ce point a été confirmé par un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne de juin 2021, qui a sanctionné la pratique allemande consistant à accorder des tolérances de séjour dépourvues de véritable statut juridique.

Le nombre d'OQTF augmente en France du fait de la croissance de la pression migratoire et de l'amélioration de sa détection qui se mesure via la hausse du nombre d'interpellations d'étrangers en situation irrégulière sur la voie publique : 123 800 en 2023, 147 154 en 2025. Cette augmentation résulte aussi de l'application rigoureuse des possibilités de retraits, refus de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour pour des motifs d'ordre public offertes par la loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration du 26 janvier 2024. Une partie de ces mesures sont probablement utilisées à l'encontre des mêmes personnes qui utilisent des alias.

Ce qui est déterminant, ce n'est pas le nombre de mesures prises, mais le nombre de mesures exécutées, en hausse de 27 % en 2024 et 14,7 % à fin août 2025.

Accès aux soins des enfants du Lot

M. Raphaël Daubet .  - Un sujet mine de nombreuses familles et met en péril la réussite et l'équilibre de nombreux enfants : l'accès aux soins. Dans le Lot, il faut attendre deux à trois ans pour obtenir un rendez-vous en centre médico-psychologique (CMP). Pour un enfant en souffrance, c'est une éternité. Pendant ce temps, les difficultés scolaires s'accroissent, l'estime de soi s'effondre. Des jeunes qui auraient pu s'en sortir décrochent.

La Drees a récemment souligné l'ampleur de ce problème. Les délais d'attente ont doublé en douze ans. Le nombre de pédopsychiatres a chuté de 16 % et les orthophonistes sont saturés.

Sur le terrain, les médecins de la protection maternelle et infantile comme ceux de l'éducation nationale voient exploser les troubles du langage et du développement dès la maternelle. De plus en plus d'enfants sont repérés, et il y a de moins en moins de soignants pour les accompagner.

Ces enfants sont nos enfants. Au lendemain des assises de la santé scolaire, quelles mesures concrètes le Gouvernement entend-il prendre pour que chaque élève ait accès à une prise en charge ?

M. Sébastien Martin, ministre délégué chargé de l'industrie .  - Vous soulignez un point extrêmement douloureux pour les familles.

Plusieurs leviers sont mobilisés par les agences régionales de santé pour renforcer l'accompagnement du jeune enfant en pédopsychiatrie. L'ARS Occitanie soutient l'Institut Camille Miret, qui gère les cinq centres médico-psychologiques du Lot. Votre département bénéficie aussi d'un maillage spécifique, dont une équipe mobile Adolescents complexes, pluridisciplinaire, qui assure un accompagnement coordonné des jeunes présentant des troubles sévères.

La dynamique de renforcement des plateformes de coordination et d'orientation (PCO) se poursuit. Celle du Lot affiche les meilleurs délais régionaux, soit 19 jours en moyenne.

L'ARS a attribué en 2025 une dotation complémentaire de 100 000 euros afin d'étendre son action aux 7-12 ans et ainsi réduire la pression sur les CMP et améliorer le repérage précoce des troubles du neurodéveloppement.

Une feuille de route régionale, engagée cet automne, vise à optimiser la répartition des moyens en pédopsychiatrie, notamment sur les 16-18 ans et les situations complexes.

L'ARS accompagne l'Institut Camille Miret, notamment pour créer un hôpital de jour pour adolescents à Cahors. Elle travaille aussi sur la mise en conformité des CMP avec les règles de conventionnement en matière d'orthophonie. Des discussions nationales sont en cours pour pérenniser un financement simplifié de ces actes.

M. Raphaël Daubet.  - Merci, monsieur le ministre. Vous avez dit que des discussions nationales étaient en cours : c'est ce que l'on attend. L'Institut Camille Miret a besoin de soutien, mais les besoins sont partout en France. Ces enfants peuvent être sauvés : ce ne sont pas des cas désespérés, mais il faut les aider en temps utile.

Prix du lait dans la grande distribution

Mme Béatrice Gosselin .  - L'engagement d'un prix autour d'un euro par litre de lait, fixé comme minimum pour garantir une juste rémunération des éleveurs, est contourné. Des promotions, en particulier sur des packs familiaux, contreviennent aux règles les encadrant et font craindre un non-respect du seuil de revente à perte majoré de 10 %. Au-delà de ces manquements, c'est tout le cadre des lois Égalim qui est fragilisé. Dans la Manche, où la filière laitière est un pilier de l'agriculture, l'inquiétude est vive. Nos éleveurs ne peuvent accepter que la grande distribution piétine les règles.

Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour assurer le respect de la loi, renforcer les contrôles et garantir la transparence sur les pratiques de la grande distribution en matière de prix agricoles ?

M. Sébastien Martin, ministre délégué chargé de l'industrie .  - En Normandie, la chambre d'agriculture nous rapporte que le prix du lait payé aux producteurs se maintient au-dessus de son niveau de 2023, à 515 euros pour 1 000 litres. C'est une hausse de 7 % par rapport à 2024. Les prix du beurre et de la poudre s'infléchissent légèrement tout en restant à des niveaux élevés.

Avec un prix payé aux éleveurs en hausse et un prix de vente à la baisse, ce sont les industriels qui absorbent la pression.

Les contrôles de la DGCCRF veillent à la bonne application d'Égalim. Les distributeurs fautifs s'exposent à de lourdes sanctions.

Le Gouvernement vous rejoint sur l'objectif de renforcer Égalim. Nous espérons continuer le travail en ce sens.

Mme Béatrice Gosselin.  - Il faut toujours être vigilant sur les pratiques trompeuses de la grande distribution qui pénalisent nos agriculteurs. Sans sanction ferme ni contrôle renforcé, c'est la crédibilité d'Égalim qui sera compromise. Nos producteurs doivent être certains que leur travail est justement rémunéré.

Décrets d'application de la loi sur le cancer du sein

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - La loi du 5 février dernier visant à améliorer la prise en charge des soins et dispositifs spécifiques au traitement du cancer du sein, dont j'étais rapporteure, a été votée à l'unanimité dans les deux chambres. C'est une avancée majeure vers une égalité relative des milliers de femmes et des quelques hommes touchés dans leur parcours de soins et de guérison.

Nous sommes toutes et tous égaux devant le cancer : il peut frapper n'importe qui. Nous avons la responsabilité de maintenir cette égalité dans la prise en charge.

Alors que, partout dans le pays, de nombreuses initiatives sont prises dans le cadre d'Octobre rose, un temps fort pour encourager le dépistage et faire reculer la maladie, le Gouvernement n'a toujours pas fait paraître les décrets d'application de la loi votée il y a huit mois.

Mme Rist est la huitième ministre de la santé depuis 2022, mais les femmes qui luttent contre la maladie n'ont pas à être les victimes de la crise politique. Quand prendrez-vous les mesures réglementaires de nature à rendre effectifs les droits nouveaux prévus par la loi ?

M. Sébastien Martin, ministre délégué chargé de l'industrie .  - Mme Rist vous prie de bien vouloir excuser son absence. La question que vous soulevez revêt une importance fondamentale en cet Octobre rose.

Le Gouvernement a soutenu cette proposition de loi, qui améliorera la prise en charge des personnes atteintes d'un cancer du sein.

Le décret permettant aux patients en cours de traitement de bénéficier de soins de support en ville sera très prochainement transmis au Conseil d'État. Ce dispositif de parcours global était jusqu'ici réservé aux patients ayant achevé leur traitement.

Les travaux se poursuivent pour mettre en oeuvre les autres dispositions de la loi, dans le respect de l'intention du législateur. Certaines sont déjà satisfaites, et il convient de les articuler avec le cadre actuel : en particulier, la prise en charge à 100 % des actes et dispositifs spécifiques doit être harmonisée avec le régime des affections de longue durée.

Enfin, le Gouvernement prend des mesures pour renforcer l'accompagnement des femmes atteintes d'un cancer du sein. Un texte est en préparation pour mieux prendre en charge les prothèses capillaires ; en outre, la prise en charge de séances d'activité physique adaptée sera prochainement expérimentée.

Prochaine séance, lundi 20 octobre 2025 à 16 heures.

La séance est levée à 22 h 50.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du lundi 20 octobre 2025

Séance publique

À 16 heures et le soir

1. Proposition de loi visant à permettre à une commune d'être intégrée, pour une partie de son territoire, à un parc naturel national (PNN) et, pour une autre partie, à un parc naturel régional (PNR), présentée par M. Jean Bacci (texte de la commission, n°42, 2025-2026) (demande du groupe Les Républicains)

2. Proposition de loi constitutionnelle visant à garantir la prééminence des lois de la République, présentée par MM. Philippe Bas, Mathieu Darnaud, Hervé Marseille, Mme Muriel Jourda et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission, n°28, 2025-2026) (demande du groupe Les Républicains)

3. Proposition de loi relative aux formations en santé, présentée par Mme Corinne Imbert et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°36, 2025-2026) (demande du groupe Les Républicains)