Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

La séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.

Quel cap pour le Gouvernement ?

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Bernard Buis applaudit également.) Le RDSE s'associe à l'hommage rendu à nos collègues disparus.

Monsieur le Premier ministre, 180 jours sans Gouvernement cette année ; le Parlement a tout juste repris ses travaux, mais pour combien de temps ? Dans ce brouillard, une seule certitude : s'il y a échec, la responsabilité sera collective, car les Français souffrent d'être privés d'un cap clair. Tenir jusqu'en 2027, ce n'est pas un projet pour la France.

Sans espoir pour notre pays, nos concitoyens épargneront toujours plus, les acteurs économiques investiront moins ; sans réformes équitables et cohérentes, les marchés nous épingleront et notre économie stagnera.

Le budget est la première urgence. Maîtriser des finances publiques avec un objectif de justice fiscale est une priorité pour le RDSE.

Pour la réforme des retraites, qui décide ? La Constitution est claire : le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation. Alors, suspension ou décalage ?

Et après ? Quel calendrier pour les textes sur l'accompagnement de la fin de vie, attendus par 80 % des Français ? Face à la crise du logement, à quand une véritable planification ? En matière de souveraineté industrielle et alimentaire, à quand des politiques de soutien mieux ciblées ?

Les collectivités locales ont elles aussi besoin d'un cap. Est-ce le bon moment pour un nouveau chapitre de la décentralisation ? Les élus locaux réclament stabilité, visibilité, souplesse et pause institutionnelle. Pouvez-vous préciser vos projets, monsieur le Premier ministre ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe SER)

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre .  - Au nom du Gouvernement, je m'associe à l'hommage rendu à plusieurs figures du Sénat.

Nous partageons tous l'urgence à se mettre au travail. Votre question m'invite à préciser l'agenda du Gouvernement, dans le respect du bicamérisme.

L'urgence, c'est le budget, c'est-à-dire le rétablissement de nos finances publiques et les cibles de nos déficits. La question des retraites est celle de la démographie, du partage des efforts et du travail dans la société. La suspension n'a de sens que si ces questions sont posées. Seul le débat parlementaire permettra d'avancer, dans le respect de la démocratie sociale.

Fiscalité, économies, mais aussi emploi et croissance, sans lesquels rien n'est possible - autant de sujets sur lesquels il faut revenir.

La proposition de loi sur la fin de vie a débuté son parcours il y a plusieurs mois. Le débat doit avoir lieu jusqu'au bout. L'ensemble des membres du Gouvernement bénéficieront d'une liberté de parole totale sur un texte qui touche à l'intime. Nous revenons à la liberté que nous connaissions jadis.

J'en viens à la décentralisation : le Sénat a alimenté la réflexion, notamment avec la proposition de loi statut de l'élu, porté par Mme Gatel.

M. Rachid Temal.  - Ce n'est pas fini !

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre.  - Il faut évidemment aider les élus locaux. La navette doit se poursuivre, et idéalement aboutir avant le congrès des maires. Retraite, protection juridique : le Sénat a beaucoup travaillé sur ces sujets.

Derrière se posera la question de la décentralisation et de la réforme de l'État. Un texte sera présenté en conseil des ministres au mois de décembre. Le Sénat en sera saisi en premier, mais je souhaite que l'avant-projet soit alimenté bien avant pour une réflexion la plus aboutie. Avec les municipales et les sénatoriales à venir, le moment, historique, c'est maintenant : je n'imposerai rien à marche forcée, mais il faudra travailler à un bon rythme.

Le Parlement doit bien sûr se pencher sur le dossier calédonien - auquel, quoi qu'on en dise, le peuple français a toujours été mêlé, que ce soit par référendum ou par la voix de ses représentants - sans oublier le projet de loi sur la vie chère en outre-mer, très attendu car la question économique et sociale est un préalable indispensable à toute discussion institutionnelle. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du RDSE ; M. Louis Vogel applaudit également.)

Suspension de la réforme des retraites

M. Patrick Kanner .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Agendas personnels, règlements de compte : nous nageons en pleine confusion, alors que notre pays a besoin de clarté. Voyez la droite (murmures à droite) du socle qui n'a plus rien de commun, qui prend les Français à témoin de sa guerre des chefs. (Mme Sophie Primas s'exclame.) Voyez le président de la République, qui fait perdurer l'illusion qu'il est au centre du jeu. Nous n'attendons plus rien de la parole présidentielle, prononcée ici ou à l'étranger.

Grâce à notre détermination, 3,5 millions de Français ne paieront pas de nouveaux impôts sur la vie. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; murmures à droite) Nous avons arraché la lettre rectificative au projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cela a déterminé notre choix de non-censure - pour cette fois. Car nous n'aurons pas la main qui tremble ; nous agirons. (Exclamations ironiques à droite)

Notre inquiétude demeure, pour les dix millions de Français plongés dans la pauvreté, pour les cinq millions de travailleurs au Smic, pour les jeunes, sacrifiés des politiques publiques. Pour tous ceux-là, votre ruissellement a été un assèchement. Tous s'alarment notamment de votre projet d'année blanche, du doublement des franchises médicales, quand, en face, rien ne renforce leur pouvoir d'achat.

Il y a quatre-vingts ans, nous avons créé la sécurité sociale. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe SER)

Les Français ne sont pas responsables du cataclysme dont vous êtes comptable, en avez-vous conscience ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre .  - Vous posez la question de la juste répartition de l'effort, de comment réduire notre déficit public, défendre notre modèle de protection sociale, retrouver croissance et emploi. On ne peut pas parler retraite sans parler travail, sans parler démographie. Le débat aura lieu au Parlement.

Le projet de budget comporte bien des mesures pour protéger les plus fragiles : doublement de la niche Coluche, augmentations de crédits pour l'aide sociale à l'enfance ou l'hébergement d'urgence. Il faudra être attentifs aux effets de bord lors de la navette...

Nous convergeons sur les objectifs. Comment les atteindre ? Vous souhaitez un débat sur la fiscalité, notamment celle des 0,01 % les plus riches ; l'amenuisement de la progressivité à ce niveau est indéniable. Mais si la pression fiscale est trop forte, nous pénaliserons l'emploi. C'est pourquoi je suis opposé à la taxe Zucman et à tout ce qui touche aux outils de production. En l'absence de 49.3, nous irons au bout du débat.

Mme Cécile Cukierman.  - Ou pas...

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre.  - Nous irons jusqu'au bout.

La suspension de la réforme des retraites permet à la démocratie sociale de redémarrer. Le Sénat a toujours accompagné le paritarisme. Profitons de ce moment pour débattre du partage de la valeur en entreprise. Le Président de la République -  c'est sa prérogative  - a lâché le mot « référendum » ; le peuple français doit être associé à cette question centrale.

Quant au forfait de responsabilité pour l'accès aux soins, c'est un principe de contribution : que les plus riches participent à l'achat de leur boîte de médicaments ne saurait choquer ceux qui plaident pour plus de justice fiscale... Quelque dix-huit millions de Français sont exemptés ce forfait : mineurs, femmes enceintes, bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (C2S). Ayons ces débats.

Le Gouvernement, sans être apolitique, se tient bien loin des querelles politiques. Il est à la disposition du Parlement pour débattre dans la dignité. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées du RDSE et du groupe INDEP ; Mme Annick Jacquemet applaudit également.)

M. Patrick Kanner.  - Justice fiscale, sociale et écologique : vous êtes d'accord sur ces principes, nous vous jugerons sur votre capacité à agir. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Budget pour 2026 (I)

M. Pascal Savoldelli .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; « Ah ! » à droite) Notre groupe a soutenu la censure du Gouvernement. Vos projets budgétaires sont minoritaires, vous êtes cacophoniques sur les retraites. Dont acte. « Nous proposons, vous débattez, vous votez », dites-vous. Mais la représentation nationale sera-t-elle vraiment souveraine ? L'abandon du 49.3 ne le garantit pas.

M. François Patriat.  - On va le remettre, alors !

M. Pascal Savoldelli.  - Je crains l'affichage.

Vous engagez-vous à déplafonner les autorisations de crédit, à augmenter les recettes en taxant les plus riches et à accorder les moyens nécessaires aux services publics ? À renoncer aux ordonnances, qui sont un super 49.3, démocratiquement illégitime ? À renoncer à la CMP, non publique ? (Protestations à droite ; MM. Roger Karoutchi et Laurent Burgoa s'indignent.)

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Où est le respect du Parlement ?

M. Pascal Savoldelli.  - Mes camarades de droite hurlent, bien sûr, car la droite et la macronie y sont surreprésentées. (Mêmes mouvements)

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Et la Constitution ?

M. Pascal Savoldelli.  - Le débat budgétaire ne doit pas être un faux-semblant, visant à sauvegarder un pouvoir solitaire !

Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics .  - Nous connaissons les règles et procédures du débat budgétaire : nous attendons maintenant d'étudier des amendements. Le Gouvernement donnera au cours des débats des éclairages sur les conséquences de telle ou telle mesure.

Notre travail collectif est désormais de bâtir un compromis. Aujourd'hui, le pouvoir politique est partagé, d'abord parce que le pouvoir exécutif s'en remet au pouvoir législatif pour trouver un budget, ensuite parce qu'aucun parti n'a la majorité absolue à l'Assemblée nationale. (M. Fabien Gay s'exclame.)

Mme Cécile Cukierman.  - Certains ont perdu, quand même !

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Nous travaillons pour les Français, pour les entreprises, qui veulent savoir ce qui les attend au 1er janvier. (M. François Patriat renchérit.)

Je ne suis pas présidente du Conseil constitutionnel et ce Gouvernement n'a pas prévu de réécrire la Constitution. Nous nous en tiendrons aux règles que nous connaissons. Les Français attendent que les politiques se mettent d'accord et agissent pour leur logement, leur épargne, leur travail, leurs enfants. (Protestations sur les travées des groupes CRCE-K et SER)

M. Fabien Gay.  - Avec quelle légitimité ?

M. Yannick Jadot.  - Cela fait huit ans que vous êtes au pouvoir...

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Nous avons l'humilité qui découle de la situation politique. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe Les Républicains) Le Premier ministre a dit renoncer au 49.3. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Pascal Savoldelli.  - La ministre n'a pas répondu.

M. Rachid Temal.  - Quelle surprise !

M. Pascal Savoldelli.  - Vous n'avez pris aucun engagement ! Le Gouvernement a gardé tous les leviers pour mettre le Parlement sous tutelle. Nous ne pourrons pas débattre des 211 milliards d'euros d'aides aux entreprises...

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Faux chiffre !

M. Pascal Savoldelli.  - ... garantir la fin de la réforme des retraites, rétablir la justice fiscale. Nous n'accepterons pas d'être privés de débat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, du GEST et sur quelques travées du groupe SER)

Vol au Louvre (I)

M. Laurent Lafon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Jean-François Husson applaudit également.) Dimanche matin, des pièces d'une valeur inestimable ont été dérobées au Louvre. Ce vol rocambolesque a suscité l'émoi - et de nombreuses interrogations sur la sécurité du musée.

La direction du Louvre affirme que les protocoles ont été respectés, qu'il n'y a pas eu de défaillance. Dans ce cas, comment expliquer un tel vol ? La vidéosurveillance est-elle suffisante ? Et les forces de sécurité ?

Le Louvre a vieilli, mal vieilli ; selon le pré-rapport de la Cour des comptes, les insuffisances de sécurité pourtant connues n'ont pas été résolues. Un schéma directeur de sécurité a été élaboré en 2019, mais le premier appel d'offres vient seulement d'être lancé que cette année : pourquoi de tels délais ? Des arbitrages internes ont-ils été rendus au détriment de la sécurité ? Voilà les questions que nous poserons à Laurence des Cars dans quelques instants.

Ce fait n'est pas isolé : le Muséum d'histoire naturelle, le musée Jacques Chirac, le musée national Adrien Dubouché à Limoges ont fait l'objet de vols. La réflexion à mener dépasse le seul Louvre.

Madame la ministre, vous avez diligenté une enquête administrative alors qu'il n'y a eu, selon la direction, aucune défaillance : avez-vous un doute sur les procédures mises en oeuvre ?

Après l'incendie de Notre-Dame, le Gouvernement a lancé un plan d'action « Sécurité cathédrales ». Ferez-vous de même pour les musées ? (Applaudissements sur les travées des groupeUC et Les Républicains)

Mme Rachida Dati, ministre de la culture .  - Ces questions méritent effectivement des réponses précises.

La sécurité de notre patrimoine est une priorité. Depuis 2017, le budget du patrimoine a augmenté de plus de 27 %, dont une partie est consacrée à la sécurité. Je vous remercie, ainsi que Mme Drexler et MM. Rambaud et Vial, d'avoir soutenu mon amendement rehaussant de 300 millions ces crédits dans le PLF 2025. Une partie de ces crédits va au schéma directeur de sécurité et de sûreté.

Les dispositifs de sécurité interne au Louvre ont-ils fonctionné ? Oui.

M. Ian Brossat.  - N'importe quoi !

Mme Rachida Dati, ministre.  - L'alarme de la fenêtre a-t-elle fonctionné ? Oui. (Murmures et marques d'ironie à gauche)

M. Ian Brossat.  - Quelle blague !

Mme Rachida Dati, ministre.  - L'alarme de la vitrine a-t-elle fonctionné ? Oui. (M. Stéphane Ravier s'exclame.) Les agents ont-ils respecté le protocole de mise à l'abri des visiteurs ? Oui. (Mêmes mouvements) Est-ce un succès ? Non, sinon les joyaux seraient encore là. (Marques d'ironie sur toutes les travées) Mais je refuse la mise en cause des agents chargés de la sécurité du musée. (On se récrie à gauche.)

M. Ian Brossat.  - Assumez !

Mme Rachida Dati, ministre.  - C'est pourquoi j'ai lancé une enquête administrative et confié une mission au député Patrier-Leitus ; vos auditions permettront d'améliorer les dispositifs qui sont effectivement à renouveler. (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K ; M. François Patriat applaudit.)

État de droit et indépendance de la justice

M. Guy Benarroche .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Je vais parler d'un ancien Président de la République condamné par une justice indépendante. (Murmures à droite) Alors que les institutions démocratiques et la règle de droit sont attaquées partout dans le monde, réjouissons-nous que notre justice travaille de façon sereine et indépendante.

Qu'un ancien Président de la République soit accusé de tels délits, voilà ce qui est alarmant pour notre République - pas que la justice fasse son travail.

M. Olivier Paccaud.  - Et le « mur des cons » ?

M. Guy Benarroche.  - Certains signaux envoyés vont à l'encontre de l'indépendance de la magistrature, garante de nos libertés. Le procureur général près la Cour de cassation, Rémy Heitz, s'en est ému hier. Au-delà du président Macron, qui trouve normal de recevoir l'ancien Président de la République à l'Élysée dans ce contexte, vos récentes déclarations, monsieur le garde des sceaux, entretiennent la confusion des genres. Vous rendez-vous compte que vous remettez en cause la séparation des pouvoirs ? (Applaudissements sur les travées du GEST, du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE-K)

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Puisque vous parlez de principes, en voici un : tant qu'une personne n'est pas définitivement condamnée, elle est présumée innocente. (Bravos et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP et sur quelques travées du groupe UC) Cela vaut pour Nicolas Sarkozy comme pour tout citoyen.

Aux termes de l'article 111 du code pénitentiaire, « le service public pénitentiaire est assuré par l'administration pénitentiaire sous l'autorité du ministre de la justice. »

Y a-t-il confusion, attaque à la séparation des pouvoirs, lorsqu'un parlementaire visite des détenus en prison pour s'assurer de leurs conditions de détention ? Mme Souyris et vous-même avez visité le quartier d'isolement et le quartier dit VIP de la Santé il y a une semaine - avec RTL, puis avec les journalistes de l'AFP et de France Info. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP) Était-ce du voyeurisme carcéral ?

M. Guy Benarroche.  - Sincèrement !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux.  - Vous n'imaginiez pas que le président Sarkozy n'irait pas au quartier dit VIP...

Vous-même avez rendu visite à plusieurs reprises - c'est votre droit le plus strict - à Ouaihid Ben Faïza, condamné à vingt-neuf ans de prison pour association de malfaiteurs et évasion en bande organisée (bravos et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP), ou à Henocq Zehaye, condamné à dix-sept ans de prison pour détention d'armes, séquestration, enlèvement. (Huées à droite)

M. Yannick Jadot.  - Et les victimes du DC-10 ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux.  - J'ai peur, monsieur le sénateur, que vous confondiez justice et vengeance politique. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP)

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Jeu, set et match !

M. Guy Benarroche.  - Comme d'habitude, vous ne répondez pas aux questions mais inventez une histoire.

M. Stéphane Ravier.  - Et il ose reprendre la parole !

M. Guy Benarroche.  - La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (on ironise à droite) consacre la séparation des pouvoirs. Personne ne cherche à entraver vos liens personnels avec un détenu. C'est mon rôle de parlementaire de visiter les prisons. Nous avons appris ce matin que le ministère de l'intérieur assurait la sécurité de l'ancien chef de l'État avec des moyens exceptionnels. Reste la confusion des genres de vos annonces...

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Guy Benarroche.  - Notre inquiétude est partagée par beaucoup de syndicats... (Brouhaha à droite ; l'orateur s'interrompt en attendant le silence, mais son micro est coupé, le temps de parole étant écoulé.)

Budget pour 2026 (II)

M. Jean-François Husson .  - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Hervé Maurey applaudit également.) Monsieur le Premier ministre, votre déclaration de politique générale a été marquée par un triptyque : le Gouvernement proposera, nous débattrons, vous voterez. Rassurez-vous : le Sénat n'a pas attendu ce slogan pour voter ! (On s'en amuse sur certaines travées à droite.) Quant à débattre avec le Gouvernement, encore nous faudrait-il savoir ce qu'il propose...

Or il ne propose rien de bien clair, notamment dans les textes financiers. Ainsi, proposez-vous un objectif de déficit de 4,7 ou 5 % ? La suspension, le report ou le décalage de la réforme des retraites ? La stabilité fiscale ou une flopée d'impôts nouveaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et INDEP)

Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics .  - Le Sénat a déjà joué un rôle prépondérant dans la construction du budget 2025, grâce notamment aux compromis trouvés en début d'année.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Cela va continuer !

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Nous avons déposé un projet de budget - il s'agit bien d'un projet. Le budget sera celui du Parlement. Je serai avec vous jour et nuit pour trouver des compromis. (Marques d'ironie sur certaines travées à droite et à gauche)

Nous proposons un déficit de 4,7 %. Vis-à-vis de nos partenaires européens comme des Français, nous devons chercher à stabiliser notre dette au plus tôt, en atteignant un déficit de 3 % au plus en 2029. Pour y parvenir, nous devons être résolument en dessous de 5 % en 2026.

En matière de fiscalité, nous proposons que les prélèvements obligatoires rapportés au PIB restent inférieurs au niveau de 2019, juste avant le covid, année où la sécurité sociale était à l'équilibre et le déficit largement inférieur à 3 %.

Que proposons-nous ? De financer ce qui est stratégique et le quotidien. D'un côté, 6,7 milliards d'euros supplémentaires pour nos armées, 600 millions d'euros de plus pour la lutte contre le narcotrafic et la criminalité organisée et 200 millions d'euros en plus pour la justice. De l'autre, 5 milliards d'euros de plus pour la santé et l'autonomie, un investissement dans la formation de nos enseignants et la préservation de l'apprentissage comme politique essentielle.

Financer le stratégique, y compris l'écologie, sans sacrifier le quotidien : voilà notre choix. (M. Marc-Philippe Daubresse ironise.) Mais si nous ne réduisons pas le déficit, nous ne ferons aucun des deux et, dès lors, nous manquerons à nos responsabilités. (Applaudissements sur des travées du RDPI ; M. André Guiol applaudit également.)

M. Jean-François Husson.  - Pour moi, c'est toujours le grand flou...

Hier, vous baissiez le taux de l'impôt sur les sociétés. Vous proposez aujourd'hui une surtaxe d'impôt sur les sociétés.

Hier, vous supprimiez l'ISF. Vous proposez aujourd'hui une taxe sur le patrimoine des holdings.

Hier, vous instauriez le prélèvement forfaitaire unique. Vous proposez aujourd'hui de proroger une contribution différentielle complexe.

Hier, vous supprimiez la CVAE, mesure finalement reportée. Vous proposez désormais un étalement.

Tout cela n'aurait qu'une cause : l'instabilité. Mais d'où vient-elle, sinon de la décision funeste de dissoudre l'Assemblée nationale ? Depuis, 163 ministres ont participé à cinq gouvernements - triste record.

J'ai mal à ma France, mais je ne me résigne pas. Comptez sur le Sénat - sa majorité et, j'espère, au-delà - pour participer au redressement de notre situation financière : c'est la mission essentielle que nous nous donnons, pour la France et les Français. (« Bravo ! » et applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Véronique Guillotin et MM. Vincent Delahaye, Marc Laménie et Louis Vogel applaudissent également.)

Vie chère en outre-mer

M. Frédéric Buval .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Il y a urgence en outre-mer. Dans tous les territoires, la situation économique est explosive. Un engagement total de l'État est indispensable.

Le premier sujet de préoccupation est la vie chère. Je suis corapporteur, avec Micheline Jacques, d'un projet de loi très attendu un an après la crise qui a secoué la Martinique. Malgré les nombreuses avancées prévues en matière de transparence, des inquiétudes demeurent sur ses effets à long terme, comme sur les risques pour le petit commerce de proximité. Comment le Gouvernement entend-il lutter durablement contre la vie chère, restaurer la confiance entre la population et les distributeurs et favoriser la production locale ?

Par ailleurs, fragiliser le dispositif Lodéom serait dangereux : il bénéficie à plus de 316 000 salariés et plus de 50 000 entreprises, principalement des PME. Ce n'est pas un privilège, mais un outil de survie économique pour les outre-mer, compte tenu de leurs surcoûts structurels. Amputer la Lodéom de moitié représenterait pour nos PME un effort dix fois supérieur à celui demandé dans l'Hexagone. Ce serait la fin de toute ambition d'un développement endogène. Quelles garanties pouvez-vous apporter en la matière ? (Applaudissements sur de nombreuses travées du RDPI)

Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics .  - Oui, il y a urgence à agir pour nos concitoyens ultramarins, pour leur emploi et contre la vie chère. Le Gouvernement dans son ensemble en a conscience. La République est unie, et nos politiques publiques doivent fonctionner partout.

S'agissant de la Lodéom, la garantie, c'est que vous, parlementaires, par vos votes, déciderez du budget. Naïma Moutchou et moi-même reprendrons avec vous un travail approfondi pour trouver le bon curseur : certains dispositifs sont nécessaires, d'autres peuvent être trop compliqués, d'autres encore sont peut-être à ajuster.

Je salue le travail que vous menez avec Mme Jacques sur la vie chère. Nous avons de premiers résultats : les prix ont baissé de 10 % à la suite des mesures prises après le dernier comité interministériel des outre-mer. La solution durable, c'est une capacité de production dans ces territoires ; elle suppose des investissements et des outils économiques bien calibrés, que nous devons construire ensemble.

Nous avons fait des propositions ; les décisions appartiennent au Parlement. (Applaudissements sur certaines travées du RDPI)

Métayage franc en Champagne

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Madame la ministre de l'agriculture, lors de votre déplacement dans l'Aube, en juin dernier, vous avez rencontré des exploitants viticoles producteurs de champagne. Cette question, à laquelle s'associe Cédric Chevalier, sénateur de la Marne, porte sur le métayage franc auquel les exploitations familiales recourent depuis plus d'un siècle.

Ce type de bail est une spécificité locale, à la fois économique et patrimoniale. Il couvre plus du tiers de nos vignes et contribue au maintien et à la transmission des petites exploitations.

Or ce modèle est menacé par un changement de doctrine de la Mutualité sociale agricole (MSA), qui rendrait incompatibles perception des revenus de ce bail et pension de retraite agricole. En effet, c'est cette hybridation qui rend le dispositif opérant. Le bailleur, ne participant ni aux dépenses ni à la direction et ne fournissant aucun travail, ne peut être qualifié d'exploitant actif : il peut donc cumuler retraite et revenus du bail.

La décision de la MSA menace un équilibre historique et risque de déstabiliser les exploitations familiales et de compliquer les transmissions.

Le Gouvernement est-il prêt à reconnaître le particularisme du bail à métayage en Champagne, marqueur identitaire de nos vignobles ? Vous engagez-vous à nous sortir au plus vite de l'ambiguïté actuelle ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la souveraineté alimentaire .  - Ce problème, que le Syndicat général des vignerons de Champagne m'a exposé, est bien identifié. Un groupe de travail s'y penche depuis plusieurs semaines, réunissant mes services, ceux de la MSA et le syndicat. L'objectif est de conserver ce modèle original et patrimonial.

La pratique de certaines caisses consistant à ne pas affilier les bailleurs à métayage champenois au motif d'une assimilation au fermage est contraire au code rural, selon un arrêt de 2008 de la Cour de cassation.

Il s'agit de rétablir des règles d'affiliation ne remettant pas en cause le modèle champenois sans risquer d'entraîner des pertes d'assurés pour le régime agricole en permettant la désaffiliation de bailleurs à métayage correctement affiliés en dehors de la Champagne. C'est un problème d'une redoutable complexité, mais le groupe de travail a dégagé plusieurs pistes juridiques, dont les avantages et inconvénients doivent être soigneusement soupesés.

Je ne manquerai pas de revenir vers vous pour que nous réglions ensemble cette situation. En effet, des dispositions législatives seront très probablement nécessaires. (Applaudissements sur des travées du groupe INDEP)

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - Dans un contexte international tendu et alors que la financiarisation et la concentration progressent, encourageons la préservation du foncier et le renouvellement générationnel. (Applaudissements sur des travées du groupe INDEP)

Politique de l'immigration

Mme Jacqueline Eustache-Brinio .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dans la récente déclaration de politique générale, nous nous attendions à entendre les priorités du Gouvernement Lecornu II, en espérant qu'elles répondraient, au moins en partie, aux attentes largement partagées par les Français.

Parmi ces attentes prioritaires, et même ces urgences, l'immigration, l'insécurité et l'entrisme islamiste. (Murmures sur certaines travées à gauche)

Mme Laurence Rossignol.  - Et pas la justice fiscale ?

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Or rien de tout cela n'a été abordé, alors que près de huit Français sur dix estiment que la politique migratoire devrait être durcie.

Vos propos récents, monsieur le ministre de l'intérieur, ne sont guère rassurants. Ce matin, vous avez tout de même admis que plus de 700 000 personnes étaient en situation irrégulière sur notre territoire. Votre prédécesseur, Bruno Retailleau, avait défini une ligne claire en matière de lutte contre l'immigration illégale. (On ironise sur certaines travées à gauche.) Employer les bons mots est un devoir quand on veut être entendu et respecté, et il est trop facile de se réfugier derrière la volonté de ne pas polémiquer pour masquer la réalité.

Face à ce flou sur vos intentions, deux questions simples. Remettrez-vous en cause les circulaires, décrets et arrêtés de Bruno Retailleau, qui a fait davantage en un an que ses prédécesseurs, sans avoir peur de déplaire ni de bousculer ? (Murmures désapprobateurs et marques d'ironie sur certaines travées à gauche) Et poursuivrez-vous sa politique de fermeté en matière d'OQTF non seulement pour les délinquants, mais pour tous ceux qui ont forcé nos frontières et que la France ne peut pas assimiler ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur .  - Nous nous connaissons depuis longtemps : je pense que vous n'avez aucun doute sur l'homme de fermeté et d'autorité que je suis.

Bien sûr, je poursuivrai la politique de fermeté de Bruno Retailleau et, avant lui, de Gérald Darmanin. Je n'ai jamais dit le contraire les jours derniers.

Oui, nous poursuivrons la lutte contre les filières d'immigration illégale ; j'espère en démanteler encore plus que mes prédécesseurs. Oui, nous continuerons à reconduire de manière forcée les étrangers en situation irrégulière. Je respecterai le plan qui prévoit 3 000 places supplémentaires en CRA. Nous prioriserons les retenus les plus dangereux, comme Gérald Darmanin l'avait décidé. J'appliquerai la loi de janvier 2024 proposée par ce dernier. Et je ne remettrai en cause aucune des mesures prises par Bruno Retailleau.

Chacun se construit avec son histoire personnelle. Moi, j'ai grandi dans les quartiers nord de Bourges : je n'ai connu que la diversité et que des personnes respectueuses des principes et valeurs de la République. Oui, il y a des termes que j'assume de bannir. Ainsi, je préfère parler d'intégration que d'assimilation. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE et sur des travées du groupe SER)

M. Xavier Iacovelli.  - Bravo !

M. Laurent Nunez, ministre.  - En quoi cela nuirait-il à ma fermeté ? Ferme, je le serai autant que mes prédécesseurs, tout en menant, comme l'a demandé le Premier ministre, une politique d'humanité ; l'intégration sera ainsi un pan important de ma politique. (Applaudissements sur des travées du RDPI et des groupes UC et SER)

Budget pour 2026 (III)

M. Thierry Cozic .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) L'examen du budget a enfin commencé, mais le compte n'y est pas. Pour pallier huit ans d'incurie budgétaire macroniste, on demande un effort démesuré à nos concitoyens, mais rien ou presque pour mettre à contribution les plus aisés. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Le maintien de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus est une timide première mesure, mais comme elle ne touche pas les patrimoines, elle rate sa cible. La création d'une nouvelle taxe de 2 % sur le patrimoine des holdings ne trompe personne : tous les trous possibles et imaginables ont été insérés dans la raquette pour la rendre inopérante.

J'ai pris acte que la donne avait changé à l'Assemblée nationale. Désormais, l'extrême droite, toute affairée à séduire les milieux d'affaires, sacrifie les rares dispositions sociales que son électorat appelle pourtant de ses voeux. Avec une telle trahison, exit les irritants sur l'économie. Nos collègues Les Républicains n'en demandaient pas tant. Ce renoncement ouvre opportunément la voie à l'union des droites : de M. Karoutchi à M. Bellamy, en passant par M. Retailleau, tous sont prêts à franchir le Rubicon. (M. Francis Szpiner proteste.)

M. Jean-François Husson.  - Vous avez déjà fait le NFP !

M. Thierry Cozic.  - De Gaulle partout, gaullisme nulle part ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Les 86 % de Français qui demandent de taxer les plus aisés n'ont pas de réponse. Quelles mesures prendrez-vous pour rétablir un minimum de justice fiscale après huit ans de macronisme ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics .  - Aux termes de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de la Constitution, chacun doit payer selon ses moyens.

M. Rachid Temal.  - Ce n'est pas le cas.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Nous avons l'un des systèmes les plus redistributifs. Avant impôt, l'écart entre les 10 % les plus modestes et les 10 % plus riches est de 1 à 18 ; après impôt, il passe de 1 à 3.

Le Premier ministre l'a dit, nous voulons de la justice fiscale, pas de symbole fiscal. Nous sommes prêts à corriger les dispositifs, mais avec deux limites. Première limite : cela doit être efficace. Une mesure confiscatoire, sans rendement, qui aboutit au départ de nos entrepreneurs n'a aucun intérêt.

M. Vincent Éblé.  - Cela ne s'est jamais vu...

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Deuxième limite : préserver l'outil professionnel. Nous ne pourrons pas réduire le déficit d'ici à 2029 avec moins d'investissements, moins d'emplois et moins d'initiatives.

En commission des finances à l'Assemblée nationale, les propositions sont nombreuses. Le consensus se bâtira en séance, à l'Assemblée, puis ici, puis en CMP, conclusive ou non... Notre boussole doit être le pacte républicain.

M. Pascal Savoldelli.  - Avec quelle légitimité ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Il faut de la justice dans l'effort, mais sans mettre à mal notre économie.

Autre élément clé de ce pacte républicain, la lutte contre la fraude. Un projet de loi de lutte contre la fraude fiscale et sociale a été déposé en même temps que le PLF et le PLFSS.

M. Jean-François Husson.  - Il y en a un tous les ans. Soyez ambitieuse !

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - La fraude touche tous les secteurs, tous les services publics ; elle est une entrave dans ce que la République doit à nos concitoyens. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI ; MM. Marc Laménie et Bernard Fialaire applaudissent également.)

Vol au Louvre (II)

Mme Agnès Evren .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le Louvre a été cambriolé. Les Français sont meurtris, sidérés, indignés. Meurtris de voir disparaître les joyaux de la couronne, trésors de notre culture, splendeurs de notre mémoire, témoins de notre histoire. Sidérés que ce vol ait pu se dérouler au coeur de Paris, en plein jour, à deux pas de la préfecture de police. Indignés d'assister au concours de la défausse et de la déresponsabilisation. Ce ne serait la faute de personne...

Je salue l'enquête administrative que vous avez diligentée, madame la ministre. La maire de Paris s'est contentée d'un post désinvolte sur Instagram, sans aucune émotion, sans assumer la responsabilité de la sécurisation du centre de la capitale. (Protestations à gauche)

M. Ian Brossat.  - Si ça, ce n'est pas de la défausse !

M. Vincent Éblé.  - C'est n'est pas sérieux !

M. Rachid Temal.  - Qui gère le Louvre ?

Mme Agnès Evren.  - Notre patrimoine est ce qui nous rend fiers, ce qui fait que la France est la France, un grand pays, une grande histoire, une grande culture.

Ma question est double. Qui est responsable ?

M. Rachid Temal.  - L'État ! La ministre de la culture !

Mme Agnès Evren.  - On ne peut donner l'impression que personne n'est responsable. Quelles leçons tirez-vous ? Quelles mesures envisagez-vous pour protéger notre patrimoine, à Paris et partout en France ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.)

Mme Rachida Dati, ministre de la culture .  - Vous avez raison de rappeler l'émotion et la sidération des Français. Je le redis, les dispositifs de sécurité internes au Louvre ont fonctionné. (Marques d'ironie à gauche ; murmures à droite)

M. Rachid Temal.  - C'est rassurant !

Mme Rachida Dati, ministre.  - Je refuse que l'on mette en cause les agents engagés pour la sécurité du Louvre. Oui, nous devons améliorer les dispositifs, d'où l'enquête administrative, les auditions diligentées par le président Lafon, la mission confiée au député Patrier-Leitus et l'instruction que j'ai cosignée avec Laurent Nunez.

Vous avez raison de souligner l'irresponsabilité de certains élus de Paris qui refusent de sécuriser les sites sensibles au moyen de la vidéoprotection. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; huées à gauche) Nous le ferons ensemble, madame Evren ! Mme Hidalgo, M. Brossat et M. Grégoire ont oublié le spectaculaire vol du musée d'Art moderne, avec un butin de 100 millions d'euros, jamais retrouvé. (La voix de Mme la ministre est couverte par les huées à gauche.) Aucune mesure n'a été prise depuis. (Huées à gauche ; plusieurs sénateurs du GEST frappent sur leur pupitre.)

M. Rachid Temal.  - Démission !

Mme Rachida Dati, ministre.  - Je vous remercie de votre engagement et des propositions que vous m'avez faites en tant qu'ancienne vice-présidente chargée de la culture de la plus grande région d'Europe. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Pierre Jean Rochette et François Patriat applaudissent également.)

Épizootie de dermatose nodulaire contagieuse

M. Jean-Michel Arnaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La France a récemment été touchée par une épizootie de dermatose nodulaire contagieuse, maladie virale qui ne se transmet qu'entre bovins.

Si les foyers haut-savoyards et savoyards avaient été contenus, de nouveaux cas sont apparus dans le Jura, l'Ain, en Franche-Comté et en Occitanie. Le 17 octobre, madame la ministre, vous avez pris plusieurs mesures pour limiter la propagation du virus - sont interdits les rassemblements festifs de bovins et leur sortie du territoire métropolitain.

Toutefois, les éleveurs sont inquiets. La suspension des exportations risque d'entraîner une baisse des prix de vente, sans compter les conséquences économiques et psychologiques pour les petits exploitants.

Envisagez-vous des enquêtes approfondies sur les derniers cas ? Quels dispositifs d'accompagnement pour les éleveurs ? Dans quels délais peut-on espérer sortir de cette épizootie, avec nos partenaires européens, et rouvrir nos exportations ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien.

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la souveraineté alimentaire .  - Ce 22 octobre, nous nous réjouissons de la levée de la zone réglementée dans les Savoie, preuve de l'efficacité de notre stratégie, dans un délai record.

Plusieurs cas de dermatose sont apparus dans des zones indemnes, ce qui a jeté le trouble auprès de nos partenaires européens. Pour commercer, il faut rétablir la confiance, c'est fondamental.

Grâce aux mesures prises, très sévères, j'en conviens - et je mesure les difficultés de nos éleveurs qui exportent des broutards -, nous avons évité que nos partenaires européens n'optent pour la clôture totale du marché français à l'export pour une durée pour une durée indéterminée.

C'est pour rester maîtres de notre destin que j'ai pris ces mesures temporaires - qui seront levées début novembre si tout va bien. Je remercie le ministre de l'intérieur : nous menons des contrôles très stricts car les efforts de tous peuvent être compromis par l'indiscipline de quelques-uns. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées des groupes Les Républicains et INDEP) Nous vaincrons la dermatose, mais cela suppose que tout le monde respecte les règles collectives. (Applaudissements sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC et sur quelques travées du RDPI et du groupe INDEP

M. Jean-Michel Arnaud.  - Il faut être extrêmement rigoureux dans cette crise, car l'Europe nous regarde. Il faut traquer les fautifs qui peuvent mettre en cause toute une filière. Je vous remercie de votre engagement. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Différence de DGF entre communes rurales et urbaines

M. Bruno Belin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC) « Le un pour deux, ça suffit ! » Michel Fournier, nouveau ministre de la ruralité, ne cesse de dénoncer l'injustice dans l'octroi de la DGF entre communes rurales et communes urbaines : ces dernières touchent deux fois plus, au prorata du nombre d'habitants, que les premières ! Il l'a redit il y a quelques jours à Poitiers, lors du congrès de l'Association des maires ruraux de France (AMRF) : il faut revoir tout cela. On est d'accord.

Nous attendons le travail de Stéphane Sautarel et Isabelle Briquet sur le sujet, car les 88 % de communes rurales s'estiment lésées face aux 12 % de communes urbaines.

Quels correctifs Michel Fournier, avec toute son expérience, apportera-t-il dans du prochain PLF pour réduire l'écart ? (M. Rachid Temal ironise.)

Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le sénateur Belin, je connais votre intelligence, votre habileté et votre département, la Vienne, où je me suis rendue à deux reprises. (On s'en amuse à gauche)

Vous traitez le problème de manière partielle : l'accompagnement de la ruralité ne se limite pas à la DGF. Certes, il y a un écart de DGF entre communes urbaines et rurales, mais nous ne cessons de le rétrécir. (M. Olivier Paccaud en doute.)

Lorsque j'étais sénatrice, nous avions tout bougé, en matière de ressources fiscales des collectivités, pour que rien ne change. Nous devons entreprendre une réforme de la DGF, ensemble, courageusement.

La ruralité doit être traitée à la mesure de sa valeur pour le pays.

Le Gouvernement oeuvre depuis plusieurs années en faveur de la ruralité. Nous avons fortement soutenu la solidarité territoriale : la DGF a augmenté ces trois dernières années, la dotation de solidarité rurale progressera de 150 millions d'euros dans le PLF pour 2026...

M. Bruno Belin.  - Alléluia !

Mme Françoise Gatel, ministre.  - Le budget de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) est maintenu à 1 milliard d'euros. La dotation de soutien pour les aménités rurales est dotée de 110 millions d'euros.

M. le président.  - J'ai une tendresse particulière pour la ruralité, mais vous avez dépassé votre temps, il faut conclure. (Sourires)

Mme Françoise Gatel, ministre.  - Enfin, Monsieur Belin, votre commune de Monts-sur-Guesnes fait partie du programme Villages d'avenir et bénéficie d'une maison France Services.

M. Bruno Belin.  - Merci, madame la ministre, de votre engagement pour la ruralité. Le Premier ministre est issu d'un territoire rural : c'est de bon augure.

Certes, les villes assument des charges de centralité, mais la ruralité assume aussi des coûts de sous-densité : voirie, bâtiments scolaires... La ruralité est un espace, elle doit rester une espérance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Pierre Jean Rochette, Marc Laménie et Michel Masset applaudissent également.)

Collecte de la taxe d'aménagement (I)

Mme Nicole Bonnefoy .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nous sommes nombreux à avoir interpellé les ministres de l'économie sur la désorganisation de la collecte de la taxe d'aménagement. Les recettes ont chuté de 40 % pour la seule part départementale ! En juin dernier, un rapport parlementaire a pointé les répercussions sur les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE). Déstabiliser une offre gratuite et qualifiée d'ingénierie au service des territoires est inconséquent. Certains CAUE ont dû licencier, d'autres sont en liquidation judiciaire, comme dans la Manche.

Plus largement, toutes les politiques départementales de protection de la biodiversité sont menacées, sans parler des ressources des communes. Après huit ans de contraction budgétaire, c'est une nouvelle catastrophe pour nos finances locales : pas moins de 1,5 milliard d'euros de taxes non collectées !

Quelles mesures immédiates comptez-vous prendre ? Allez-vous renforcer les moyens humains et techniques pour assurer la perception de cette taxe et mettre en place une compensation ou une avance au bénéfice des collectivités ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. André Guiol applaudit également.)

Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics .  - Il y a quatre raisons qui expliquent cette situation très préoccupante. Premièrement, la diminution des constructions et mises en chantier : moins 30 % de permis de construire entre 2022 et 2024. Deuxièmement, le décalage de la date d'exigibilité de la taxe à la fin des travaux et non plus au début. Troisièmement, des retards de déclaration des contribuables. Enfin, le transfert des directions départementales des territoires (DDT) à la DGFiP. Certains dossiers sont encore à traiter par les DDT ; j'ai demandé à la DGFiP que le processus soit simplifié et automatisé.

Jusqu'en 2022, un quart des sommes versées étaient ensuite remboursées : nous avons mis fin à ce système ubuesque, c'est un progrès. La DGFiP a échangé avec les associations d'élus pour faire la transparence sur la situation dans chaque territoire. Nous cherchons à fiabiliser le processus et à donner de la visibilité aux élus. Comptez sur ma détermination. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Nicole Bonnefoy.  - Nous partageons le diagnostic. Trois commissions du Sénat se sont saisies du sujet. Désormais, il faut prescrire des remèdes. Il y a urgence, pour préserver cette ingénierie locale indispensable aux territoires, et pour nos finances locales.

Pollution aux PFAS dans les Ardennes

Mme Else Joseph .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. Marc Laménie applaudit également.) Au milieu de la chaleur de l'été, treize communes des Ardennes ont dû restreindre la distribution en eau potable à la suite d'une pollution aux PFAS (substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées). Les habitants ont dû consommer de l'eau en bouteille. Les maires sont déboussolés, les habitants désemparés. On redoute un scandale judiciaire et sanitaire.

Je salue les mesures prises par le nouveau préfet, qui a interdit tous les épandages, protégeant ainsi les captages.

L'origine de la pollution ? Une papeterie voisine dans la Meuse, et des épandages de boues pendant plus de vingt ans.

Les solutions techniques sont coûteuses et complexes. Cela demande de la souplesse administrative et un cadre juridique adapté. Il faudrait pouvoir déroger au taux maximal habituel des subventions et cumuler toutes les aides publiques. Les communes doivent-elles payer une redevance pour la performance des réseaux d'eau potable ? Il faut renforcer le dialogue entre les acteurs.

Allez-vous aider les communes à faire face et à surmonter ce mur administratif ? Impossible n'est pas français - ni ardennais ! Il faut trouver des solutions ; il y a urgence, pour les Ardennes et pour le pays ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP ; M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.)

Mme Monique Barbut, ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature .  - Cette situation suscite des craintes légitimes. Un plan interministériel a été lancé en mars dernier avec trois objectifs : la transparence, la réduction de notre exposition et le traitement de la contamination.

L'Anses a publié un premier état des lieux de la contamination par les PFAS dans tous les milieux : nous saurons où agir, et vite.

La proposition de loi de Nicolas Thierry a restreint certains usages - d'ici à 2028, les rejets industriels devraient avoir diminué de 70 % - et créé une redevance spécifique sur le principe pollueur-payeur. Les industriels contribueront au coût de la dépollution, au bénéfice des collectivités.

Dans les Ardennes, un comité de suivi et de gestion a été mis en place. Les communes concernées présenteront un plan d'action.

M. le président.  - Il faut conclure.

Mme Monique Barbut, ministre.  - Nous avons enfin diligenté une mission d'inspection sur le financement de la dépollution des eaux, dont les propositions sont attendues dans les trois mois. Nous sommes pleinement mobilisés.

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre.  - Très bien !

Collecte de la taxe d'aménagement (II)

M. Daniel Fargeot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Il est des fractures silencieuses, invisibles, qui ne se mesurent pas en euros mais en perte de confiance entre l'État et les territoires. Depuis deux ans, la réforme de la taxe d'aménagement tourne au fiasco : 1,5 milliard d'euros, au bas mot, non collectés en 2024-2025. Résultat : des communes fragilisées, des départements qui compensent comme ils peuvent, des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) asphyxiés.

Cette taxe, qui finance l'aménagement local, les équipements publics et la préservation des espaces naturels sensibles, est la juste contrepartie due aux collectivités - ces moines-soldats de la République - qui construisent.

Bercy exige de nouveaux efforts des collectivités, mais laisse filer des milliards ! La rigueur commence pourtant par l'exemple. L'érosion budgétaire devient une érosion républicaine, le lien de confiance se distend. La République ne s'administre pas depuis une tour de contrôle, elle se construit avec les élus. Mais là, l'État regarde ailleurs.

Dans quels délais la DGFiP compte-t-elle résorber le retard ? Comment éviter aux collectivités la double peine : panne et pénalité ?

Épargnez-nous les principes, éclairez-nous sur les solutions. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et du RDSE)

Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics .  - Première solution, que les travaux terminés dans chaque commune soient déclarés.

Deuxième solution, traiter le stock de dossiers qui sont encore dans les DDT, dont certains datent de 2018, 2019 ou 2020.

Troisième solution, accompagner la reprise de la construction - qui ne se décrète pas. Elle est favorisée par la baisse des taux d'intérêt, mais cela prend du temps. Le produit de la taxe d'aménagement a été divisé par deux entre 2023 et 2024, du seul fait de la hausse des taux qui a ralenti la dynamique de construction.

Quatrième solution, simplifier le système. Entre la mairie, le service en charge de l'urbanisme, le citoyen et la DGFiP, le circuit est tout sauf compréhensible.

Je suis une femme pragmatique ; vous êtes des sénateurs engagés ; les maires veulent que cela fonctionne. Nous allons y arriver, mais nous devons travailler ensemble. Il n'y a pas d'un côté l'État central qui ralentit, et de l'autre les maires qui avancent. C'est ensemble que nous avancerons. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

La séance est suspendue quelques instants.

Présidence de M. Xavier Iacovelli, vice-président