Nationalisation des actifs stratégiques d'ArcelorMittal (Suite)
Discussion générale (Suite)
M. Thomas Dossus . - Malgré des fonds propres colossaux et des aides publiques massives, ArcelorMittal vient d'annoncer la suppression de centaines d'emplois et le report d'investissements dans la décarbonation. Face à une forme de cynisme, à la crise structurelle de l'acier européen et à une urgence climatique absolue, ce texte, cosigné par tous les groupes de gauche et écologistes, est d'une importance majeure.
La modernisation des outils de production, notamment l'électrification, est indispensable à notre transition. En 2019, les trois sites de Dunkerque, Fos-sur-Mer et Florange représentaient 24 % des émissions industrielles et 4,5 % du total des émissions dans notre pays.
Dans le cadre de la stratégie nationale bas-carbone, ArcelorMittal a signé en 2023 un contrat de transition écologique prévoyant une réduction de 35 % de ses émissions d'ici 2030 et l'atteinte de la neutralité en 2050. Les pouvoirs publics ont soutenu la modernisation à hauteur de 850 millions d'euros - la moitié des besoins. Hélas, le revirement d'ArcelorMittal remet en cause notre stratégie.
Cette modernisation de notre industrie est essentielle ; sans elle, il n'y aura pas de transition écologique. En particulier, la filière acier est hautement stratégique. Son avenir ne saurait dépendre de décisions erratiques prises sans aucune planification.
La Commission européenne a enfin amorcé un virage protectionniste : doublement des droits de douane, division par deux des quotas d'importation. C'est un début de réveil salutaire, alors que 150 000 emplois sont menacés de disparition dans la sidérurgie européenne.
Cette proposition de loi n'est pas idéologique, mais pragmatique. Elle vise à préserver nos capacités et nos emplois industriels, comme l'a fait le gouvernement britannique. C'est un premier pas essentiel dans la reprise en main de notre destin. Pour une souveraineté industrielle réelle et la planification des emplois et des savoir-faire, nous voterons ce texte.
Mme Mireille Jouve . - (Mme Maryse Carrère applaudit.) Il est bien difficile pour les habitants des Bouches-du-Rhône d'être insensibles à l'avenir d'ArcelorMittal. Il en va de même dans toutes les régions qui ont subi la crise liée au recul de nos capacités sidérurgiques, avec son cortège de licenciements. S'en désintéresser serait de la désinvolture - je pense notamment au site de Fos-sur-Mer, fruit d'une longue histoire, et à ses 4 000 emplois.
Ce secteur est au coeur des enjeux de décarbonation et de souveraineté. Je partage donc les interrogations et les inquiétudes des auteurs du texte ; elles sont légitimes.
Toutefois, je suis perplexe. Nationalisation : pour les uns, c'est un gros mot ; pour les autres, un totem. En commission des finances, j'ai eu la désagréable impression de revivre un film qui a donné lieu à de nombreuses querelles sous le quinquennat de François Hollande. Ne rejouons pas ad nauseam le combat des Anciens et des Modernes !
Dans le contexte des débats financiers actuels, ce texte est un cas d'école, et chacun affûte ses arguments. Oui, il est légitime de tirer la sonnette d'alarme face aux menaces sur l'emploi. Oui, nous avons besoin d'une réponse au niveau européen. Mais l'antienne « ce n'est pas nous, c'est Bruxelles » est insuffisante...
Ne passons pas à côté du débat essentiel. Les 200 milliards d'euros d'aides publiques aux entreprises sont nécessaires, soit ; mais elles doivent servir notre souveraineté et nos emplois, et le chantage auquel elles donnent parfois lieu n'est pas acceptable. Il faut les réglementer, les évaluer et les contrôler à l'aune de l'investissement, de l'emploi et des stratégies des entreprises.
Voilà une démarche qui serait fructueuse. Et si des entreprises font un usage abusif des aides reçues, nous sommes en droit de dire, comme Margaret Thatcher : « I want my money back ! »
À titre personnel, je voterai contre ce texte ; les autres membres du RDSE se détermineront librement.
M. Michel Canévet . - L'Union centriste remercie le groupe CRCE-K d'avoir déposé ce texte, car l'industrialisation de la France et, en particulier, l'avenir de la sidérurgie sont des questions majeures.
Nous ne sommes pas opposés par principe à la nationalisation : nous avons soutenu, l'année dernière, la nationalisation intégrale d'EDF - même si nous aurions préféré une plus grande participation des salariés au capital. Nous ne sommes pas hostiles à un État fort au service du développement économique, notamment dans un domaine aussi crucial que celui de l'énergie.
D'autre part, nous sommes particulièrement sensibles aux enjeux de l'acier. En 1951, la Communauté européenne s'est construite, pour notre plus grand bien, à partir du charbon et de l'acier. C'est là que s'est forgé l'esprit de l'Europe.
L'acier demeure un enjeu essentiel, dans un contexte paradoxal : au niveau mondial, production largement excédentaire, qui pose des problèmes de compétitivité ; en France, un acteur de première importance, ArcelorMittal, employant 15 000 salariés sur une quinzaine de sites.
À chaque difficulté, faut-il envisager une nationalisation ? Nous pensons qu'il faut y réfléchir à deux fois. Nous pourrions être entraînés à des dépenses considérables, alors que la priorité est à la baisse des dépenses publiques. La surtaxation, qui semble en faveur à l'Assemblée nationale, ne peut que provoquer un recul des investissements nécessaires à l'expansion du pays. Nous voulons un pays prospère qui fait la prospérité de ses habitants ; pour cela, il faut se retrousser les manches.
Les pouvoirs publics ne sont pas un puits sans fond, et nous devons garder des capacités financières pour mener des politiques publiques utiles. Soyons donc extrêmement prudents.
Monsieur le ministre, nous vous souhaitons pleine réussite dans votre combat pour la réindustrialisation. La tâche n'est pas aisée. Elle suppose d'abord de restaurer la compétitivité des entreprises, notamment en baissant leurs charges.
La majorité de l'Union centriste ne soutient pas ce texte.
Mme Vanina Paoli-Gagin . - Ce texte prévoit - tout simplement - le rachat par l'État des actifs français d'ArcelorMittal. L'État deviendra donc sidérurgiste.
Surprenante, l'idée n'est pourtant pas nouvelle. Au début des années 1980, les socialistes, poussés par les communistes, ont nationalisé Usinor-Sacilor. Treize ans plus tard, au moment de la privatisation, il est clair que l'État n'a pas pu empêcher la casse sociale. L'affaire lui a, en revanche, coûté extrêmement cher : 100 milliards de francs engloutis.
L'institut La Boétie, think tank des Insoumis, a lui-même estimé le coût de l'opération à 4 à 6 milliards d'euros : une bagatelle... Sans compter les investissements massifs nécessaires ni la facture sociale. Bref, nous paierions trois fois au lieu d'une.
Le contexte est similaire à celui des années 1980, marqué par une surproduction mondiale et une plongée du cours de l'acier. Il faut, en outre prendre en compte l'impératif climatique. Notre pays ne dispose ni d'importants gisements ni d'énergie et de main-d'oeuvre à bas coût. L'URSS, qui bénéficiait de ces atouts, a pourtant échoué par dirigisme économique ; des milliards de roubles ont été engloutis, au détriment, par exemple, de l'alimentation.
L'alternative est simple : soit nous utilisons des milliards fictifs pour nous approprier une entreprise qui n'est pas à vendre, soit nous employons cet argent à bon escient pour investir dans notre souveraineté industrielle.
Notre industrie doit être protégée contre les distorsions de concurrence. Nous devons aussi restaurer notre compétitivité par une fiscalité équivalente à celle de nos concurrents. Il faut aussi accompagner le verdissement du secteur par des investissements ciblés.
Voilà les réponses attendues par les salariés d'ArcelorMittal ou de Novasco ! Le groupe Les Indépendants s'opposera à ce texte qui obéit à une logique d'un autre temps.
Mme Catherine Belrhiti . - ArcelorMittal est un enjeu éminemment stratégique pour notre industrie. Celle-ci affronte des turbulences qui affectent durement nos territoires. Élue de la Moselle, au coeur du bassin sidérurgique lorrain, je parle en connaissance de cause.
L'usine ArcelorMittal de Florange est un immense complexe qui emploie 4 000 personnes. Vous vous souvenez de la visibilité de nos hauts-fourneaux lors de la campagne de 2012. Lorsqu'Arnaud Montebourg avait mis sur la table la nationalisation, les syndicats n'étaient pas unanimes : la CFE-CGC y était opposée - sa position n'a d'ailleurs pas varié. (Murmures désapprobateurs sur les travées du groupe CRCE-K) La nationalisation ratée d'Usinor a marqué les esprits.
Il faut regarder la réalité en face : concurrence féroce des aciers importés, dépendance à un marché automobile fluctuant, manque d'investissements. Nationaliser n'aura aucun impact sur les équilibres économiques mondiaux. Avec quels moyens l'État pourrait-il investir massivement ?
Quelques jours après l'annonce du plan acier de la Commission européenne, ArcelorMittal a annoncé la suppression de centaines d'emploi. Je pense notamment au site de production de chaux vive à Dunkerque, où la disparition de 636 postes est envisagée.
Oui, les pouvoirs publics doivent prêter attention aux enjeux humains et sociaux. (Mme Cécile Cukierman s'exclame.) Mais nous avons besoin d'une vision globale et de long terme. Et si la décarbonation est un horizon souhaitable, il faut se garder de surnormer. Il faut aussi agir au niveau européen : la Commission européenne a réduit les quotas d'importation et rehaussé les droits de douane, ce qui est un bon début - même si nous aurions dû agir plus tôt.
Les Républicains votera contre cette proposition de loi.
M. Stéphane Fouassin . - Cette proposition de loi est ambitieuse sur le papier mais périlleuse dans les faits. Nul ne pourrait s'opposer aux objectifs de ses auteurs, mais encore faut-il choisir les bons outils. Or la nationalisation proposée ne serait ni réaliste, ni efficace, ni responsable.
Sur le plan juridique, nationaliser n'est pas interdit, mais il y faut une nécessité impérieuse. Ici, quelle est l'urgence ? ArcelorMittal est une entreprise solide, qui emploie autant de salariés qu'il y a cinq ans et investit, certes trop lentement ; rien à voir avec la situation d'EDF en 2023. En outre, les indemnisations prévues sont incertaines. Le risque de censure constitutionnelle est donc manifeste.
Sur le plan économique, la nationalisation créerait un monstre économique non viable. Dans le cadre d'une chaîne mondiale intégrée, isoler la partie française reviendrait à couper le moteur du reste du véhicule. L'État serait seul à financer des pertes structurelles et le coût colossal de la décarbonation.
Sur le plan politique, l'adoption de cette proposition de loi enverrait un très mauvais signal aux investisseurs étrangers, celui du repli et de la défiance. Cela ruinerait tous les efforts menés ces dernières années pour rendre la France attractive.
Mme Cécile Cukierman. - On voit les résultats...
M. Stéphane Fouassin. - Au Royaume-Uni, le bilan des nationalisations menées dans les années 1960 a été catastrophique. Chez nous, dans les années 1980, les nationalisations ont coûté très cher et se sont terminées par une privatisation.
Oui, ArcelorMittal doit faire plus pour l'emploi et l'investissement. Oui, les aides publiques doivent avoir pour contrepartie des engagements fermes. Mais cette proposition de loi n'est pas une bonne solution. Il faut agir par la transparence, la régulation et l'investissement conjoint.
Le RDPI votera contre ce texte.
Mme Isabelle Briquet . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Merci au groupe CRCE-K d'avoir pris l'initiative de ce débat. Parler d'acier, c'est parler de ce que nous sommes, d'une Europe forgée dans le feu des hauts-fourneaux, d'une France bâtie sur le travail industriel et la fierté ouvrière.
La sidérurgie européenne traverse une crise profonde. Entre 2014 et 2023, la production a baissé de 20 %, l'emploi de 8 %. L'Europe ne représente plus que 6,8 % de la production mondiale.
Ce recul a trois causes : ralentissement des secteurs de la construction et de l'automobile ; coûts de l'énergie élevés ; surcapacités mondiales entretenues par la Chine.
ArcelorMittal a récemment annoncé la suppression de plus de 600 emplois en France, après avoir réalisé plus de 700 millions d'euros de bénéfices au seul premier trimestre, perçu de nombreuses aides publiques et distribué 9 milliards d'euros de dividendes depuis 2020.
Comment accepter qu'un groupe ayant bénéficié de la solidarité nationale se comporte en investisseur opportuniste, sans égard pour les engagements pris, les salariés et les territoires ? Je pense à nos bassins industriels, aux salariés et à leurs familles, aux sous-traitants.
Nationalisation, mise sous gestion publique temporaire, prise de participations, conditionnement des aides : toutes ces pistes méritent d'être examinées, sans tabou.
Le péché de notre époque est d'avoir cru que le marché pourrait tout structurer en tout temps. Nous ne sommes pas hostiles à l'économie de marché, mais voulons un État stratège et non spectateur. Tirons les leçons de décennies de désarmement public et défendons nos intérêts stratégiques face à des multinationales qui s'affranchissent de toute responsabilité. Conditionnons les aides publiques et interrogeons-nous sur la cohérence des politiques industrielles depuis vingt ans.
Sortant enfin de la naïveté, la Commission européenne a commencé à agir. La clause de sauvegarde sur les investissements étrangers va dans le bon sens, mais ne suffit pas. Il faut une stratégie ambitieuse fondée sur la réciprocité normative. Une part des marchés publics doit aussi être réservée à la production locale.
La désindustrialisation a fracturé nos territoires et nourri le sentiment d'abandon. La réindustrialisation est un objectif économique, mais surtout un impératif social et territorial. Ce texte nous donne l'occasion de retrouver l'esprit qui, un temps, nous a permis de nous rassembler pour la défense de la souveraineté et de l'indépendance de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE-K)
Mme Silvana Silvani . - La sidérurgie mondiale est en crise : la production dépasse la demande du fait des subventions massives de Pékin et la politique protectionniste de Trump restreint les débouchés.
Pendant que d'autres planifient et protègent, la France choisit la passivité. ArcelorMittal joue avec notre outil industriel comme on déplace des pions sur un échiquier. Présidents et ministres se succèdent, oubliant que derrière les restructurations, les rationalisations et les plans sociaux, il y a des visages : ceux de Dunkerque, Gandrange, Hayange, Florange et Denain, entre autres.
ArcelorMittal dispose de 17,6 milliards de fonds propres. Entre 2021 et 2024, le groupe a réalisé 32,6 milliards d'euros de bénéfices et versé 13,2 milliards à ses actionnaires. Pourtant, il a reçu 392 millions d'euros d'aides publiques en France en 2023, tout en se livrant à un chantage permanent à l'emploi.
Cette situation est le produit d'un modèle servant à enrichir les actionnaires. Le rapport de la commission d'enquête du Sénat en témoigne : 211 milliards d'euros sont distribués chaque année aux entreprises sans contreparties ni contrôle.
L'argent existe, mais il nourrit la rente et crée des déserts économiques et sociaux. L'État verse des aides qui soutiennent la casse de notre outil productif et accepte que des secteurs stratégiques soient soumis aux groupes privés. Quelle est la vie des jeunes dans la vallée de la Fensch ? Qui agit contre le déracinement ou le kilométrage à rallonge pour accéder à l'emploi après avoir versé une larme à la lecture de Nicolas Mathieu ?
La sidérurgie française est à un carrefour historique : disparition ou renaissance grâce à une vision publique alliant écologie, indépendance nationale et intérêts sociaux. La nationalisation n'est pas un retour en arrière, mais une réponse adaptée aux défis du XXIe siècle. Décarboner sans désindustrialiser, innover sans dépendre : tels sont les défis à relever pour que la France reste une nation industrielle. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et du GEST)
M. Joshua Hochart . - Voici un texte d'une importance capitale pour notre industrie, mon territoire du Nord et des milliers de familles. À Denain comme dans tout le bassin sidérurgique du Nord, l'histoire de l'acier est celle de nos vies, de nos luttes et de notre dignité.
Hélas, depuis des années, aucun investissement sérieux n'a été consenti, alors même que nous parlons d'un secteur essentiel à notre souveraineté et confronté à des concurrents étrangers qui n'ont aucune contrainte environnementale ni sociale.
Nationaliser peut sembler à première vue un acte de souveraineté et de reconquête industrielle. Mais il n'aurait de sens que si l'État s'y engageait avec lucidité, une stratégie et la volonté de rendre des comptes à la nation. Or rien dans ce texte ne l'assure : il s'agit d'une nationalisation sans cap ni garantie. Elle pourrait bien n'être qu'un rachat à perte, une aventure technocratique faisant de l'État l'actionnaire passif d'un géant sans boussole.
Le Rassemblement national ne peut donc pas soutenir ce texte. Nous ne rejetons pas l'idée que l'État puisse reprendre la main sur des actifs stratégiques. Au contraire, nous avons toujours défendu une politique industrielle ambitieuse, mais guidée par une logique de souveraineté et d'efficacité, non par une logique idéologique ou opportuniste.
M. Ian Brossat. - Porte-parole du Medef !
M. Joshua Hochart. - Nos territoires ne veulent plus de symboles, mais des actes. Notre industrie a besoin d'un État fort, pas d'un État figurant. La défense de l'acier français n'est pas une posture, mais un devoir.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Entre ce qu'on lit sur vos tracts et ce que vous dites à la tribune...
Discussion des articles
Article 1er
Mme Mireille Jouve . - La nationalisation serait particulièrement coûteuse pour nos finances publiques et, dans un contexte mondial de concurrence déséquilibrée, seule une initiative européenne pourrait être efficace.
Mais il faut apporter une réponse urgente aux salariés d'ArcelorMittal. Une prise de participation via l'Agence des participations de l'État ou Bpifrance serait une solution de moindre coût : l'État pourrait s'opposer à la suppression d'emplois et contribuer au verdissement de l'activité. D'autres États pourraient rejoindre l'actionnariat, dans une logique européenne.
Les entreprises sidérurgiques les plus performantes sont souvent celles où les salariés participent aux décisions : l'entreprise suédoise SSAB en est un bon exemple, alliant compétitivité, transition écologique et responsabilité sociale.
Mme Audrey Linkenheld . - Merci au groupe communiste pour l'initiative de ce débat sur un sujet douloureux. Parmi les sites concernés, je pense en particulier à Dunkerque, mais aussi à Mardyck.
Plusieurs solutions sont possibles : la nationalisation en est une. Il est important d'en discuter.
Nous faisons face à une concurrence importante et déloyale, surtout en provenance d'Asie. L'Europe a tracé des solutions avec les quotas d'importation. Mais pourquoi ne pas poser la question du capital à l'échelle européenne ? Nous gagnerions à réfléchir dans cette perspective d'européanisation.
M. Pascal Savoldelli . - Monsieur le ministre, vous avez donné une interview au Journal économique. On y lit que le nouveau baromètre des ouvertures et fermetures des sites industriels en France, réalisé par Bercy, confirme les ratés de la politique de réindustrialisation... Ce n'est pas L'Humanité qui le dit ! Vous dites que vous mobiliserez les préfets. Tout le monde a bien compris qu'il s'agissait uniquement d'un problème administratif... Ce n'est pas très sérieux.
Pas moins de 150 000 emplois sont menacés à l'échelle européenne d'ici à 2030, après 18 000 suppressions en 2024. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues de droite, vous avez critiqué la nationalisation, mais n'avez formulé aucune autre proposition. Quelle sera la position de la France à l'égard des propositions de la Commission européenne ?
M. Ian Brossat. - Exactement !
M. Pascal Savoldelli. - Au reste, sans relance de la production, les mesures d'harmonisation européenne n'auront aucun effet face à une concurrence exacerbée. Il y va de notre souveraineté !
M. Marc Laménie . - Merci au groupe CRCE-K pour l'initiative de ce débat. Mme Cukierman a rappelé que 15 000 personnes étaient concernées par ce débat. Je pense en particulier aux 150 salariés du site de Mouzon, dans les Ardennes.
Le fret ferroviaire décline, hélas. Or il est un débouché essentiel pour la sidérurgie.
Monsieur le ministre, de nombreux dossiers qui concernent les Ardennes ont été portés à votre connaissance. Dans le cadre de la commission d'enquête sur les aides publiques, nous avons auditionné le patron d'ArcelorMittal avec Fabien Gay et Olivier Rietmann.
Fidèle à mes engagements, je ne voterai pas contre ce texte ; je m'abstiendrai donc.
M. Pierre Ouzoulias. - Très bien !
À la demande du groupe Les Républicains, l'article 1er est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°17 :
| Nombre de votants | 345 | 
| Nombre de suffrages exprimés | 342 | 
| Pour l'adoption | 107 | 
| Contre | 235 | 
L'article 1er n'est pas adopté.
Article 2
Mme Karine Daniel . - Je remercie à mon tour le groupe CRCE-K de mettre en lumière les enjeux liés à l'acier et à la transition écologique. Ils sont essentiels pour l'économie de demain.
Défendre l'acier européen, c'est un enjeu de souveraineté, mais aussi de dignité et de reconnaissance pour les ouvriers de cette filière. J'ai une pensée spéciale pour la centaine de salariés des forges de Basse-Indre, en Loire-Atlantique, touchés par un plan social.
Il est temps de renouer avec une ambition industrielle forte, sans naïveté. ArcelorMittal utilise la concurrence interne entre ses sites pour affaiblir l'outil productif européen : nous devons combattre cette stratégie !
À la demande du groupe Les Républicains, l'article 2 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°18 :
| Nombre de votants | 345 | 
| Nombre de suffrages exprimés | 342 | 
| Pour l'adoption | 107 | 
| Contre | 235 | 
L'article 2 n'est pas adopté.
Article 3
À la demande du groupe Les Républicains, l'article 3 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°19 :
| Nombre de votants | 345 | 
| Nombre de suffrages exprimés | 342 | 
| Pour l'adoption | 107 | 
| Contre | 235 | 
L'article 3 n'est pas adopté.
Mme Cécile Cukierman. - Rappel au règlement, sur l'organisation de nos travaux. Monsieur le président, combien de temps nous reste-t-il dans le cadre de notre espace réservé ?
M. le président. - Nous avons jusqu'à 16 h 03.
Article 4
M. le président. - Je vais mettre aux voix l'article 4.
Si cet article n'était pas adopté, je considérerais que le vote est le même pour l'article 5, qui deviendrait sans objet.
Il n'y aurait par ailleurs plus lieu de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, dont tous les articles auraient été successivement rejetés. C'est donc le moment d'expliquer son vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly . - Je viens d'une belle région industrielle, le Pas-de-Calais. Après la fermeture des mines, nous avons eu de nouvelles industries. Metaleurop : 800 salariés, virés du jour au lendemain. Synthexim, Meccano, Bridgestone : idem.
C'est pourquoi cette proposition de loi a du sens. J'avais proposé de nationaliser Synthexim, mais l'État s'y est toujours refusé. Résultat : des milliers d'emplois perdus dans le département, des reconversions promises mais qui ont laissé des milliers de familles sur le carreau.
Aujourd'hui, si nous laissons faire, si nous ne nationalisons pas, ArcelorMittal finira dans le même état que les entreprises que j'ai citées. Nous avons une responsabilité.
Monsieur Hochart, le discours que vous tenez ici est bien différent de celui que vous tenez aux salariés dans les tracts du RN !
M. Joshua Hochart. - Je n'ai pas de leçons à recevoir de vous !
M. Pierre Barros . - Ce débat renvoie à une histoire, à un positionnement stratégique. Quelle politique industrielle aujourd'hui en France ? Alsthom, devenu Alsthom Atlantique puis Alstom, était un fleuron qui faisait la fierté de la France : turboalternateurs, centrales nucléaires, barrages hydrauliques. Cette histoire s'est arrêtée dans les années 2010, quand un certain ministre a bradé l'entreprise à General Electric. La politique industrielle de la France, c'est l'abandon d'une histoire industrielle, l'abandon des hommes et des femmes qui ont fait l'honneur et la richesse du pays.
On a fait le choix du tout-tertiaire, avec la Chine et l'Inde pour grand atelier. Les résultats, en termes de dumping environnemental et social, sont édifiants. Pour garantir notre souveraineté, nous devons produire localement. C'est un choix politique.
Mme Silvana Silvani . - Monsieur le rapporteur, vous estimez le coût de la nationalisation entre un et quelques milliards d'euros. Ce ne me semble pas être un gouffre insurmontable.
Monsieur le ministre, vous avez proposé des aides supplémentaires pour soutenir la compétitivité. Mais des aides ne suffiront pas, vu l'état de nos entreprises !
Une collègue appelle à investir ? C'est déjà le cas. Mais il y a des cas où des investisseurs nous mènent par le bout du nez : l'État consent des aides, mais il n'y a aucune contrepartie !
Quel est le projet de réindustrialisation de la France ? Ce qui est sûr, c'est qu'on n'en voit pas les résultats depuis 2017.
Mme Cécile Cukierman . - Cette proposition de loi va être rejetée, je le regrette. On ne peut pas défendre la réindustrialisation, la souveraineté industrielle et se désintéresser de la question clé de la sidérurgie.
Un emploi industriel, c'est quatre emplois indirects. La fermeture des hauts-fourneaux aura des conséquences catastrophiques pour les territoires.
Des centaines de salariés sont inquiets. Le marché n'a rien fait pour eux, voilà la réalité ! La majorité des responsables politiques disent : « c'est malheureux, mais on ne peut rien pour vous ».
Si je fais de la politique, c'est que je crois à la mobilisation collective pour changer la vie des gens. Renoncer à ce combat, c'est servir la résignation, l'individualisme, l'immobilisme - terreau de l'extrême droite.
Au-delà de la question de la nationalisation, nous posons la question de l'action publique pour apporter des réponses aux Français. (M. Ian Brossat applaudit.)
M. Arnaud Bazin, rapporteur de la commission des finances . - Je voulais démontrer que la nationalisation des sites d'ArcelorMittal n'était pas la solution. Cela ne signifie pas que l'on ne peut, que l'on ne doit rien faire, bien au contraire !
Peut-il y avoir une France sans industrie ? Non. Peut-il y avoir une industrie sans acier ? Non. Mais face à la concurrence déloyale que nous fait la Chine et demain l'Inde, face à la surproduction, la solution est de garantir un prix de l'acier qui permette de produire en Europe. Cela suppose des mesures de protection. Le doublement des droits de douane est un premier pas ; il faut désormais une mise en oeuvre rapide de la compensation carbone aux frontières. Moyennant quoi, on attend qu'ArcelorMittal honore ses engagements en matière de décarbonation. Ces investissements colossaux seront soutenus par l'État mais essentiellement apportés par des fonds privés.
On peut regretter que l'Europe ait tardé à réagir. Nous commençons à obtenir gain de cause. Il faudra être vigilants.
Le débat a été de qualité. Nous resterons attentifs à ce dossier.
M. Joshua Hochart . - Mes collègues communistes nous ont accusés de tenir un double discours. C'est totalement faux ! Vous dénoncez aujourd'hui les effets d'une politique que vous avez vous-mêmes soutenue.
M. Ian Brossat. - N'importe quoi !
M. Joshua Hochart. - C'est en 2012, sous François Hollande, que les hauts-fourneaux de Florange ont été fermés. Je note que vos amis socialistes sont d'ailleurs peu nombreux... (Exclamations indignées sur les travées du groupe CRCE-K)
Vous soutenez le marché européen de l'acier, puisque vous soutenez l'Union européenne !
Mme Cathy Apourceau-Poly. - N'importe quoi !
M. Sébastien Martin, ministre délégué . - Je suis satisfait de la qualité de nos échanges. Sur tous les bancs, vous avez représenté une part de la vision nationale s'agissant de la nécessité de soutenir l'industrie française et européenne.
Monsieur Savoldelli, ne faites pas dire à l'article des Échos ce qu'il ne dit pas : évidemment, la situation est très difficile, très complexe. Le modèle européen est attaqué avec des leviers économiques mais aussi politiques et numériques. La réponse n'est pas la nationalisation, mais la mobilisation, qui doit associer l'État, le monde économique, les territoires - je le dis en tant qu'ancien président d'une association d'élus.
L'industrie n'est pas qu'un sujet économique mais un sujet de cohésion nationale, de parcours professionnels, souvent plus intéressants dans l'industrie, un sujet de projet pour des territoires qui ne créent plus de valeur quand ils se désindustrialisent.
Sortons de la naïveté face à l'agression à laquelle nous sommes confrontés. Quand des produits importés sont massivement subventionnés, dans le seul but de casser les prix, de sorte que l'écart n'est pas rattrapable, c'est une agression. Nous nous défendons.
Des droits de douane devraient s'appliquer en janvier 2026. Nous ferons tout pour que le texte de la Commission entre en vigueur au plus vite, pour répondre à l'invasion de la sidérurgie asiatique.
Nous croyons à la nécessité de décarboner, mais encore faut-il mettre en place les mécanismes de protection aux frontières - d'où le MACF, qui ne doit pas pouvoir être contourné.
Enfin, nous devons nous battre pour le principe de préférence européenne. C'est le combat que je compte mener dans les mois à venir.
M. Thomas Dossus . - Le discours du ministre est oecuménique : on va tous se donner la main... (Mme Cathy Apourceau-Poly s'en amuse.)
M. Sébastien Martin, ministre délégué. - Cela peut aider !
M. Thomas Dossus. - Je reste sur ma faim, car il manque une vision stratégique pour l'industrie française ou européenne.
L'Europe se réveille. Enfin ! Alors que les grands empires pratiquent l'archisubvention de leur économie, la concurrence déloyale et la surproduction, nous avons besoin de barrières - mais aussi d'une vision industrielle de filière.
Pour l'instant, la nationalisation est le seul outil mis sur la table ; aucune alternative n'a été proposée. Nous avons besoin d'une mobilisation et d'une vision stratégique pour l'industrie française.
M. le président. - Je mets aux voix l'article 4.
À la demande du groupe Les Républicains, l'article 4 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°20 :
| Nombre de votants | 345 | 
| Nombre de suffrages exprimés | 342 | 
| Pour l'adoption | 107 | 
| Contre | 235 | 
L'article 4 n'est pas adopté, non plus que l'article 5.
En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée.
Prochaine séance, mardi 4 novembre à 9 h 30.
La séance est levée à 16 heures.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mardi 4 novembre 2025
Séance publique
À 9 h 30, 14 h 30 et 21 heures
Présidence : M. Alain Marc, président, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente Mme Sylvie Robert, vice-présidente
1. Questions orales
2. Débat sur le rapport sur la situation des finances publiques locales remis en application de l'article 52 de la loi organique relative aux lois de finances (Demande de la commission des finances)
3. Débat sur le thème : « L'avenir de la décentralisation » (Demande du groupe Les Républicains)
4. Débat sur le thème : « L'avenir de la décentralisation » (Demande du groupe Les Républicains)
5. Débat sur le thème : « Fiscalité du travail, fiscalité du capital : quels équilibres ? » (Demande du groupe SER)
 
                                                             
                                                             
                                                             
                                                             
                                                             
                                                             
                                                            