Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au respect du temps de parole et, bien sûr - c'est une permanence ici -, des uns et des autres.
Mercosur (I)
M. Franck Menonville . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains ; M. Louis Vogel applaudit également.) Au nom du groupe UC, je salue la future libération de Boualem Sansal.
Inexorablement, en dépit de nombreuses oppositions, l'accord avec le Mercosur avance.
Cet accord de coopération a été signé fin 2024, après vingt-cinq ans de négociations. Il a été approuvé le 3 septembre dernier par la Commission européenne, mais doit encore être ratifié par le Conseil européen et le Parlement européen.
Nous condamnons ce passage en force, alors que l'accord menace plus que jamais nos filières agricoles. La semaine dernière, le Président de la République s'est déclaré « plutôt positif » sur cet accord, qu'il considérait pourtant comme mauvais lors du Salon de l'agriculture.
Heureusement, la ministre de l'agriculture a largement tempéré son optimisme en refusant tout accord qui condamnerait nos agriculteurs et en posant trois conditions : un dispositif de sauvegarde agricole spécifique ; des clauses miroirs en matière de normes sanitaires et environnementales ; un renforcement drastique des contrôles.
Nous attendons d'être rassurés par des réponses claires. En quoi les garanties actuelles seraient-elles insatisfaisantes ? Comment comptez-vous rendre effectives les garanties supplémentaires que vous réclamez ? Et, si elles sont insuffisantes, la France compte-t-elle réunir une minorité de blocage ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP)
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe . - Je vous prie d'excuser l'absence d'Annie Genevard, qui s'entretient avec des syndicats à Toulouse.
La position du Président de la République et du Gouvernement a toujours été extrêmement claire : notre seule boussole est la défense de nos intérêts agricoles.
L'accord négocié par la Commission européenne n'est pas acceptable : le Premier ministre l'a rappelé la semaine dernière au commissaire européen à l'agriculture. Nous avons posé trois exigences, que je vais détailler. Aujourd'hui, le compte n'y est pas.
Première exigence : une clause de sauvegarde robuste pour protéger nos marchés. Ce mécanisme doit permettre à la fois la surveillance des importations et une réaction rapide en cas de déstabilisation. La Commission européenne a fait une proposition ; nous allons l'examiner.
Ensuite, nous demandons un agenda ambitieux de mesures miroirs sur les pesticides et l'alimentation animale. Il s'agit d'assurer une concurrence loyale et équitable : c'est une question de bon sens.
Enfin, nous voulons des contrôles sanitaires et phytosanitaires sur les produits importés, mais aussi dans les pays exportateurs.
C'est à l'aune de ces trois critères que la France se déterminera. Sur cette question comme dans les négociations sur la PAC, nous serons d'une fermeté absolue pour défendre les intérêts de nos agriculteurs. (Applaudissements sur des travées du RDPI)
Soudan
M. Akli Mellouli . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Le GEST salue à son tour la libération de Boualem Sansal.
La position de la France face à la tragédie soudanaise est claire et constante. Ainsi, le 4 novembre dernier, notre diplomatie a dénoncé les atrocités à caractère ethnique commises à El-Fasher par les forces de soutien rapide, tout en appelant les belligérants à un cessez-le-feu immédiat et les acteurs étrangers à la fin de tout soutien militaire. Nous poursuivons nos efforts en vue d'une issue politique, alors que ce conflit a déjà fait plus de 13 millions de déplacés et plongé dans l'insécurité alimentaire une vaste partie du pays.
Mais cette guerre est devenue aussi une guerre par procuration. La semaine dernière, un article du journal Le Monde accusait les Émirats arabes unis de soutenir les forces de soutien rapide, tandis que l'or soudanais, exploité illégalement, finance la poursuite des combats.
Alors que la transformation du Soudan en champ de confrontation régionale menace la stabilité dans la Corne de l'Afrique, quelles mesures la France proposera-t-elle en Europe et à l'ONU pour assurer le respect de l'embargo sur les armes, assécher le financement illégal et sanctionner les acteurs étrangers qui prolongent la guerre ? Comment comptez-vous soutenir une médiation politique indépendante pour restaurer la souveraineté et l'unité du Soudan ? (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Émilienne Poumirol et MM. Victorin Lurel et Raphaël Daubet applaudissent également.)
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe . - Merci de parler de cette crise, qui ne doit pas être oubliée.
La France soutient la population civile soudanaise. Dans ce pays riverain de la mer Rouge, il y va de nos intérêts de sécurité et de notre responsabilité de membre permanent du Conseil de sécurité. Nous sommes aussi fidèles à notre engagement pour la transition démocratique après la révolution de 2018.
La France se mobilise en faveur de l'aide humanitaire - nous versons 200 millions d'euros, dont 41 millions cette année. Nous condamnons avec la plus grande fermeté les atrocités d'El-Fasher. Nous nous mobilisons pour que les ingérences cessent et que la trêve demandée par les pays du Quad soit respectée. Nous soutenons des sanctions renforcées en cas de violations des droits de l'homme et du droit humanitaire.
La France respecte scrupuleusement l'embargo sur les armes, tous les pays doivent faire de même.
Les armes doivent se taire, l'aide humanitaire entrer dans le pays et la paix revenir. La France n'oubliera pas la population du Soudan. (Applaudissements sur des travées du RDPI)
M. Akli Mellouli. - Il est temps que la France retrouve sa voix singulière. Agissons avec cohérence et détermination, car la stabilité de l'Afrique est un enjeu mondial. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Colombe Brossel applaudit également.)
Ordre public républicain
M. Roger Karoutchi . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Au nom de Mathieu Darnaud et de l'ensemble du groupe Les Républicains, je m'associe à l'émotion suscitée par la libération de Boualem Sansal.
Monsieur le ministre de l'intérieur, une seule question : quelle est votre conception de l'ordre public républicain ? (Sensation ; murmures de désapprobation sur certaines travées à gauche)
M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur . - Je ne vais pas vous donner un cours de droit. L'ordre public, pour moi, c'est l'autorité et la fermeté. J'en ferai preuve, comme mes prédécesseurs ; je l'ai fait tout au long de ma carrière de haut fonctionnaire, je continuerai comme ministre. (Applaudissements sur les travées du RDPI, sur des travées des groupes INDEP et UC et sur certaines travées du groupe SER ; M. Ian Brossat applaudit également.)
M. Roger Karoutchi. - Très bien... (Mme Marie-Pierre de La Gontrie se gausse.) L'ordre public républicain, c'est le garant de l'unité nationale, du respect de la République et de l'autorité de l'État.
Pour nous, ce sera quand les antisémites et les antisionistes seront plus inquiets en France que les Français de confession juive. (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains) Ce sera quand on pourra aller à la Philharmonie sans risquer d'être agressé. Ce sera quand, dans les rues de Paris, Nantes ou ailleurs, on ne criera pas : « Mort aux flics ! » Ce sera quand ceux qui soutiennent cette vision-là seront davantage devant les tribunaux que sur les plateaux.
L'ordre public républicain, ce sera quand on pourra aller à la synagogue, à la mosquée, à l'église, au temple ou ailleurs sans être inquiet. Ce sera quand, dans toute la nation, on se dira que tout le monde est égal et que nul n'a rien à craindre de ce qu'il est.
Aujourd'hui, une partie de la population française n'a pas ce sentiment. C'est une mission pour vous-même, le garde des sceaux et tout le Gouvernement.
Pour assurer la continuité de la République, l'unité de la nation, il faut, en effet, agir avec fermeté : contre la délinquance du quotidien, mais aussi pour protéger ce qui fait que notre nation fait République. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées du groupe UC ; M. Mickaël Vallet s'exclame.)
Lutte contre les réseaux islamistes
M. Martin Lévrier . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Notre groupe se réjouit également de la grâce accordée à Boualem Sansal.
Notre attention devrait être concentrée sur une fraction de la jeunesse qui ne va pas bien. Un nombre croissant de ces jeunes s'enferme dans une radicalité mortifère. Songez que 70 % des interpellations pour terrorisme concernent des moins de 21 ans ! L'arrestation récente de trois jeunes femmes candidates au djihad et l'âge des personnes impliquées dans l'affaire des clés USB liées à l'ex-compagne de Salah Abdeslam témoignent du phénomène.
Gilles Kepel estime que la menace est à la fois endogène et rajeunie, nourrie par des fréquentations affinitaires et les réseaux sociaux. Nora Bussigny et Omar Youssef Souleimane ont expliqué à l'Assemblée nationale comment des collectifs islamistes cherchent à séduire la génération Z et les primo-votants en faisant de la cause palestinienne un levier d'influence ; ils ont souligné que des élus de La France insoumise sont ciblés comme relais de stratégies exploitant proximité et complaisance de certains responsables politiques avec des réseaux issus des Frères musulmans ou des associations dissoutes.
À la veille des commémorations du 13 novembre 2025, dans un contexte mêlant vulnérabilité de la jeunesse, radicalisation médiatique et ambiguïtés politiques, comment protéger les jeunes et éviter que la République ne soit fragilisée à l'approche d'échéances électorales majeures ? (Applaudissements sur des travées du RDPI)
M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur . - Oui, la menace terroriste devient de plus en plus endogène et concerne des personnes de plus en plus jeunes ; le dernier attentat déjoué l'a démontré. À la lutte contre la radicalisation violente et le terrorisme s'ajoute celle contre le séparatisme - la volonté de certains de vivre à côté de la République -, dans le cadre de la loi de 2021.
Il y a, enfin, l'entrisme dont vous parlez, une forme de séparatisme qui ne dit pas son nom. Vous avez raison de citer les Frères musulmans : le dernier rapport réalisé à la demande de Gérald Darmanin en atteste. Le Premier ministre vient de rappeler devant l'Assemblée nationale que nous travaillons à cette troisième phase de la lutte contre l'islam politique. Il s'agit de savoir si le dispositif actuel suffit ou s'il faut une nouvelle impulsion.
En attendant, les préfets agissent tous les jours pour dissoudre des structures et expulser des étrangers en situation irrégulière qui se livrent à cette théologie nauséabonde pour la République. Cela aussi, monsieur Karoutchi, c'est défendre l'ordre public républicain ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur des travées du RDSE ; Mme Dominique Vérien applaudit également.)
Sabotage sur le réseau ferré
M. Jean-Pierre Grand . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Claude Malhuret et tout le groupe Les Indépendants s'associent à la joie commune à la libération de Boualem Sansal.
Vols de câbles, vandalisme sur les infrastructures, incendies : les actes de sabotage du réseau ferré se multiplient, entraînant dommages coûteux et préjudices importants pour les usagers. L'étendue de notre réseau ferré est un défi, et la SNCF déploie des mesures de surveillance reposant sur des technologies avancées. Près de 100 millions d'euros ont été affectés à la protection du réseau l'année dernière.
N'oublions pas que les infrastructures ferroviaires sont utilisées aussi par la défense nationale, comme le chef d'état-major des armées l'a récemment souligné devant notre commission de la défense. La mobilité de grandes quantités de troupes et de matériels est une composante majeure de la crédibilité de nos forces.
De ce point de vue, le retour de la conflictualité en Europe change la donne. Autrefois, c'étaient les voies maritimes et aériennes qui étaient primordiales ; les transports de surface et, en particulier, le rail sont aujourd'hui incontournables.
Tout sabotage de nos voies ferrées est ainsi une atteinte à nos capacités militaires. Allez-vous étudier la requalification pénale de ces atteintes à la sécurité nationale ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur . - Philippe Tabarot et moi-même travaillons main dans la main pour protéger notre réseau ferré des dégradations, crapuleuses comme politiques. Les dernières, dans la Drôme, ont été revendiquées sur un site de la mouvance anarcho-autonome. Des investigations judiciaires sont en cours, avec une observation de la sous-direction de l'antiterrorisme. De fait, la mouvance de l'ultragauche et de l'écologie radicale est passée de la désobéissance civile à des actions plus violentes, dont le sabotage.
Je comprends parfaitement votre question : à quel moment bascule-t-on dans le terrorisme ? Je crois que nous n'en sommes pas là - d'ailleurs, le parquet national antiterroriste ne s'est pas vraiment saisi de ces sujets.
En revanche, à droit constant, nos services de renseignement travaillent sur ces mouvances et les auteurs de violences sont poursuivis. Soyez donc rassuré : ceux qui sabotent nos infrastructures sont suivis et nous entravons un certain nombre d'actions. (Applaudissements sur des travées du RDPI et du groupe INDEP)
Lutte contre les nouvelles formes de guerre
M. Bernard Fialaire . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Notre groupe salue à son tour la libération de Boualem Sansal.
Hier encore, nous célébrions l'armistice marquant la fin de la guerre de 1914-1918, qui devait être la « Der des Ders ». Demain, nous commémorerons les attentats du 13 novembre.
Aujourd'hui, une guerre informationnelle et technologique ébranle la démocratie et les fondements de notre République. La guerre menée par la Russie en Ukraine franchit les frontières, grâce aux drones et aux ingérences russes. Au Mali, d'où nous avons été chassés, les groupes terroristes islamistes prospèrent, instrumentalisés par des puissances étrangères.
En France, une tentative d'attentat de l'ex-compagne de Salah Abdeslam a été déjouée. Des slogans ouvertement antisémites sont prononcés à la Philharmonie de Paris et dans des universités, avec la complicité coupable de dirigeants politiques inconséquents.
Le RDSE a toujours défendu une ligne claire : la liberté n'exclut pas la fermeté républicaine. Pas de paix sans gardien ni de liberté sans soldat, vient d'écrire Jean-Jacques Goldman.
Quelles mesures sont-elles prises pour éviter tout passage à l'acte de personnes radicalisées ? Comment contrer les ingérences étrangères et la manipulation de masse par l'intelligence artificielle et les réseaux sociaux ? La France a gagné la guerre de tranchées et résisté au terrorisme ; elle doit maintenant gagner cette guerre informationnelle. (Applaudissements sur les travées du RDSE)
M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur . - Les moyens de la lutte antiterroriste ont été significativement renforcés depuis 2015. Les budgets ont été parfois doublés, les effectifs ont augmenté de 30 ou 40 % pour surveiller étroitement les personnes radicalisées. Nous avons ainsi déjoué de nombreux attentats. Je salue les forces de sécurité intérieure et l'action du Président de la République depuis 2017 pour faire entrer ces dispositifs dans le droit commun - cela n'avait jamais été fait auparavant, malgré les mesures fortes engagées par François Hollande en 2015.
Les ingérences étrangères de certaines grandes puissances visent à nous déstabiliser. Je pense par exemple aux tags odieux apposés dans les rues de Paris - dont les auteurs ont été appréhendés - ou à la diffusion de fake news visant à nous diviser. Nous avons renforcé nos moyens d'entraves et adapté notre appareil répressif.
Notre action est complète et à la hauteur de la menace. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur des travées du RDSE)
Commémorations des attentats du 13 novembre
Mme Colombe Brossel . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Ian Brossat applaudit également.) Les sénateurs socialistes sont soulagés de la libération de Boualem Sansal.
Demain, nous commémorerons les attentats du 13 novembre 2015. Mes pensées vont aux 132 morts, aux victimes et à leurs familles. Ce jour-là, les villes de Paris et Saint-Denis ont été attaquées, mais c'est la nation tout entière qui a été touchée.
L'actualité nous rappelle que la menace terroriste persiste. Je rends hommage aux services des ministères de l'intérieur et de la justice.
Le musée-mémorial du terrorisme est un engagement pris par le Président de la République en 2018. Contribuer à la connaissance, c'est aussi combattre les fondements du terrorisme. Un temps abandonné, le musée a enfin trouvé une implantation dans le 13e arrondissement de Paris ; tout est prêt.
Pouvez-vous nous assurer que l'ensemble des ministères seront mobilisés, car le projet de loi de finances n'en porte aucun signe ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE-K et du GEST)
M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur . - Merci d'avoir salué l'engagement des forces de sécurité intérieure. Grâce à une mobilisation sans précédent depuis 2015 et 2017, nous avons resserré les mailles du filet et déjoué de nombreux attentats.
Le musée dont vous parlez verra le jour. (M. Sébastien Lecornu renchérit.) D'autres installations sont importantes aussi, à l'instar de la Maison du dessin de presse, qui célébrera l'art de la caricature.
L'honneur de notre pays est de ne jamais renoncer à organiser des événements au motif qu'ils pourraient déplaire à certaines personnes. C'est pourquoi nous avons maintenu le match de football France-Israël et des concerts, notamment. Nous sommes de vrais républicains.
Maintenir l'ordre, c'est faire en sorte que la vie continue. Nous devons protéger la vie, y compris dans sa dimension culturelle et sportive.
Je le redis, le musée verra le jour.
Mme Annie Le Houerou. - Avec quel budget ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Comment sera-t-il financé ?
M. Laurent Nunez, ministre. - L'ensemble des ministères contribueront à son budget. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Colombe Brossel. - Merci d'avoir répondu à une question dépassant votre périmètre d'intervention. Nous serons vigilants, car il est important que ce musée voie le jour. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mercosur (II)
M. Gérard Lahellec . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; Mme Annie Le Houerou applaudit également.) Au terme du Conseil européen du mois dernier, le Président de la République a déclaré au sujet du traité de libre-échange entre l'Union européenne et le Mercosur : « Tout va dans le bon sens ; on attend la finalisation ».
Que s'est-il donc passé ? Le texte n'a pas évolué d'une virgule. Le Président de la République prétend avoir obtenu une clause de sauvegarde, mais elle figure dans le texte depuis 2019 ; elle est, du reste, difficile à activer.
En outre, la fragmentation du texte en deux volets - l'un commercial, l'autre de coopération - est un artifice juridique permettant d'éviter la validation par les parlements nationaux.
Entendez-vous vous opposer à cette ratification avant le Conseil européen des 18 et 19 décembre prochain ? Quelles dispositions prendrez-vous pour que le texte soit examiné par le Parlement ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; M. Sébastien Fagnen et Mme Annie Le Houerou applaudissent également.)
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe . - La position de la France a toujours été claire et n'a pas évolué. L'accord tel qu'il a été négocié par la Commission européenne n'est pas acceptable. Notre boussole reste la défense de nos intérêts agricoles et de nos agriculteurs.
Nous avons formulé trois exigences.
D'abord, une clause de sauvegarde robuste, effective et activable : celle que vient de proposer la Commission n'est pas la même que celle figurant dans le texte initial, laquelle ne nous convenait pas. Vous avez raison : elle était trop difficile à activer. Nous souhaitons obtenir un mécanisme de surveillance et un mécanisme de blocage des importations au cas où les filières seraient déstabilisées.
Ensuite, nous voulons des mesures miroirs sur les pesticides et l'alimentation animale, afin de garantir une concurrence loyale.
Enfin, nous souhaitons des contrôles sanitaires et phytosanitaires sur les produits importés.
La ministre de l'agriculture l'a dit : aujourd'hui, le compte n'y est pas. Nous attendons des réponses rapides à nos exigences. Nous avons déjà fait évoluer la position de la Commission européenne sur la clause de sauvegarde. Nous examinerons en détail ses propositions, et c'est en fonction d'elles que nous déterminerons notre position. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Cécile Cukierman proteste.)
M. Gérard Lahellec. - Vous l'admettez vous-même : le compte n'y est pas. De surcroît, le Parlement doit se prononcer sur cet accord.
Mme Cécile Cukierman. - Bien sûr !
M. Gérard Lahellec. - Il faut que la présidente de la Commission européenne annule son déplacement du 20 décembre en Amérique du Sud pour signer ce forfait. Ces traités de libre-échange écrasent les agriculteurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; Mme Annie Le Houerou et MM. Sébastien Fagnen et Yannick Jadot applaudissent également.)
Accords de libre-échange et sacrifice de l'agriculture française et européenne
Mme Kristina Pluchet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC) À défaut de la ministre de l'agriculture, ma question s'adresse au ministre chargé de l'Europe...
Nos agriculteurs sont dans la rue, et nous les soutenons ! Les dernières déclarations du Président de la République sur la ratification du Mercosur sont une trahison.
Parallèlement, l'Union européenne relève les quotas d'importations des produits agricoles ukrainiens et a activé la taxe carbone sur les engrais extra-européens. Sous ces trois coups de boutoirs, les comptes de nos agriculteurs passent dans le rouge.
On nous promet des clauses pipeau ! C'est un leurre qui n'empêchera pas le sacrifice de notre agriculture. L'Europe a perdu la raison : comment peut-elle produire autant de normes, contraindre et asphyxier son agriculture et s'ouvrir dans le même temps à des produits qui ne respectent pas nos standards ? Comment l'Europe, née du rêve d'un marché commun protecteur, s'est-elle détournée de ses fondements en cédant aux sirènes d'une mondialisation dérégulée ?
La PAC, socle de la prospérité européenne, est sacrifiée sur l'autel d'intérêts industriels court-termistes et d'un libre-échange jusqu'au-boutiste. Peut-on laisser mourir l'agriculture française sans rien faire ? Comment faire pour que nos agriculteurs, déjà étranglés, ne soient pas les victimes d'une Europe qui a renié ses promesses ? Comment garantirez-vous à nos filières agricoles les marges nécessaires à leur survie ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe . - J'ai déjà répondu sur le Mercosur.
La PAC est la première politique intégrée de l'Union européenne. Nos agriculteurs sont exportateurs au sein du marché intérieur européen.
Le Premier ministre l'a dit au commissaire Christophe Hansen et je l'ai dit à son collègue Piotr Serafin : le prochain budget de la PAC ne nous convient pas. Il faut que les agriculteurs aient de la visibilité pour investir et pour promouvoir le renouvellement des générations. Or le budget, tel qu'il est prévu, diluerait la PAC dans d'autres politiques et la renationaliserait, ce qui entraînerait des distorsions de concurrence au sein du marché intérieur ; pour nous, ce n'est pas acceptable.
Sur les engrais ? Mme Genevard en parlera lors du prochain conseil des ministres de l'agriculture - , nous avons obtenu une révision du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, afin de gérer le problème des marges de nos agriculteurs. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Pierre Cuypers. - L'échéance est au 1er janvier !
Hôpital public
Mme Corinne Féret . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Depuis dix jours, les urgences du CHU de Caen n'ont plus d'internes, faute de personnel pour les encadrer. Avec quinze ETP de médecins urgentistes quand il en faudrait une quarantaine, ce n'était plus tenable.
Ce cas n'est pas isolé. Des mesures temporaires comme la mobilisation de la réserve sanitaire ne régleront pas la crise, alors que 61 % des hôpitaux publics connaissent de graves difficultés financières.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 ne nous rassure guère : l'Ondam n'a jamais été aussi bas, alors que les besoins explosent. On demande aux établissements de soigner plus avec toujours moins, en leur imposant une cure d'austérité. Dans l'urgence, le Premier ministre a annoncé 1 milliard d'euros supplémentaires, à répartir entre le médico-social, France santé et l'hôpital. Cela ne suffira pas.
Je salue le dévouement du personnel soignant, qui travaille dans des conditions toujours plus difficiles.
Quand prendrez-vous la mesure de la crise que traverse l'hôpital public et du choc d'attractivité qui s'impose ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE-K)
Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées . - J'ai immédiatement demandé une enquête pour comprendre les raisons du refus des internes de revenir dans ce service et mobilisé la réserve sanitaire pour aider l'équipe en place à Caen. Cela a permis de maintenir des urgences, sous réserve de régulation par le 15.
Le ministère suit de près nos 612 services d'urgences, surtout à l'approche des épidémies hivernales. J'incite les personnes fragiles et les plus de 65 ans à se faire vacciner, pour eux et pour éviter de surcharger les services. (Mme Cécile Cukierman s'exclame ; M. Yannick Jadot rit.)
L'Ondam est certes contraignant, mais augmente de 5 milliards d'euros : ce n'est pas de l'austérité. Cet après-midi, à la demande du Premier ministre, je défendrai un amendement à 1 milliard d'euros, dont 850 millions pour nos établissements de santé. (M. Fabien Gay s'exclame.)
Nous mettons par ailleurs en place des mesures d'efficience - ce n'est pas un vilain mot. Le rapport de l'Igas, attendu cette semaine, ira dans ce sens. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Corinne Féret. - À chaque PLFSS, nous alertons le Gouvernement : il faut un plan Marshall pour l'hôpital public ! La santé, un bien commun, doit demeurer une priorité politique et budgétaire. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE-K)
Rapport de France terre d'asile
Mme Marie-Carole Ciuntu . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La présidente de France Terre d'asile, Najat Vallaud-Belkacem, a dévoilé dans L'Humanité (« Ah ! » à droite) une étude de cette ONG affirmant que la régularisation de 250 000 sans-papiers et l'arrêt de la lutte contre l'immigration clandestine rapporteraient 3 milliards d'euros à l'État.
Il suffisait d'y penser ! Ne plus délivrer d'OQTF, fermer les centres de rétention administrative (CRA), faire fi de la situation irrégulière des étrangers, voilà des économies pour l'État. Mais à quel prix ? (M. Mickaël Vallet proteste.) Nous avons du mal à réguler les flux migratoires ? Qu'à cela ne tienne : cessons de les contrôler !
Ce discours, plus militant que financier, émane pourtant d'une magistrate à la Cour des comptes, Mme Vallaud-Belkacem cumulant ces deux fonctions sans s'imposer aucun devoir de réserve. Suis-je la seule à être choquée ?
Jusqu'où l'État poussera-t-il la schizophrénie ? France Terre d'asile est rémunérée sur fonds publics pour assurer les missions d'assistance juridique auprès des personnes placées en CRA. (M. Thomas Dossus s'en félicite.) Elle contribue à multiplier les recours dilatoires ou abusifs, faisant perdre du temps et de l'argent. (Mme Mathilde Ollivier proteste.)
J'ai fait adopter au Sénat, avec le soutien de votre prédécesseur, Bruno Retailleau,... (« Ah ! » à gauche ; Mme Frédérique Puissat applaudit.)
M. Rachid Temal. - Où est-il ?
Mme Marie-Carole Ciuntu. - ... une proposition de loi visant à faire assurer ces missions par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii), et non plus par des militants politiques.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Bravo !
Mme Marie-Carole Ciuntu. - Elle n'a toujours pas été examinée par l'Assemblée nationale.
M. Thomas Dossus. - Heureusement !
Mme Marie-Carole Ciuntu. - Vous attaquerez-vous à cette situation qui scandalise nos concitoyens et nuit à l'autorité de l'État ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Max Brisson. - Bravo !
M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur . - Je vous rassure, il n'est pas question de dévier de la ligne de fermeté qui est la nôtre depuis maintenant plusieurs années. (Murmures dubitatifs sur les travées du groupe Les Républicains)
Le nombre de reconduites forcées ne cesse d'augmenter ; nous poursuivons cette politique. La loi de janvier 2024 ouvre des régularisations, au cas par cas, par le travail ; nous appliquons la circulaire Retailleau, qui durcit les conditions d'apprentissage de la langue et de présence sur le territoire national. Nous retirons les titres des étrangers en situation régulière qui commettent des troubles à l'ordre public. La fermeté est au rendez-vous.
Dans le même temps, nous engageons des moyens pour l'intégration, l'apprentissage de la langue, l'insertion par l'emploi. Bruno Retailleau avait signé une circulaire avec le ministre du travail pour orienter vers l'emploi un certain nombre d'étrangers en situation régulière : nous l'appliquons.
N'imaginez pas que le Gouvernement reprend ce rapport à son compte ! Notre réponse, c'est la fermeté, et l'humanité par l'intégration. Elle ne changera pas. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC)
Mme Marie-Carole Ciuntu. - Vous ne répondez pas sur le rôle des associations. Or sept migrants sur dix sortent de CRA à la suite d'une décision de justice obtenue grâce à ces associations. Vous désarmez l'État et affaiblissez son autorité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; brouhaha à gauche)
Prix de l'électricité post-Arenh
M. Patrick Chauvet . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Alors que nous n'avons toujours pas de programmation pluriannuelle de l'énergie, la régulation des prix de l'électricité change de cadre au 1er janvier 2026, après quinze ans d'Arenh (accès régulé à l'électricité nucléaire historique). Les consommateurs seront davantage exposés aux variations du marché et compensés seulement ex post. UFC-Que Choisir anticipe une hausse de 20 % de la facture moyenne.
Le prix de gros étant bas, les tarifs d'EDF ne devraient pas augmenter ; le tarif bleu diminuerait même de 2,43 % en 2026. Mais dans le même temps, un agriculteur du Gers constate, dans son contrat saisonnier, une hausse de 20 % du tarif en heures pleines et de 300 % en heures creuses. Est-ce un cas isolé ?
Quelle évolution des prix anticipez-vous pour 2026 ? À plus long terme, le prix de l'électricité pourrait-il flamber ? Quel soutien pour les particuliers et les professionnels ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Raphaël Daubet applaudit également.)
Mme Anne Le Hénanff, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique . - Veuillez excuser Roland Lescure, qui est à Bruxelles.
Grâce à son parc nucléaire et aux énergies renouvelables, la France dispose d'une électricité abondante et décarbonée. Fin 2025, l'Arenh sera remplacé par l'accord conclu entre l'État et EDF en novembre 2023, qui vise à dégager les moyens pour EDF d'investir, à stabiliser les prix et à préserver la compétitivité de l'industrie. Lorsque les prix de l'électricité dépasseront certains seuils, un mécanisme de réversion abaissera la facture pour tous. Nous travaillons à la finalisation des seuils.
Le tarif réglementé de vente (TRV) de l'électricité repose sur trois composantes : le prix de l'approvisionnement, le coût des réseaux électriques et la fiscalité. Sur ces deux derniers, rien ne change. Le nouveau mécanisme protégera tous les consommateurs en cas de hausse importante des prix sur les marchés de gros. En ce moment, les prix sont plutôt bas : le TRV ne devrait pas connaître d'évolution significative au 1er février 2026. (M. Fabien Gay ironise.)
Nous sommes pleinement mobilisés pour garantir aux Français une énergie souveraine, décarbonée, abondante et compétitive. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Patrick Chauvet. - Depuis le discours de Belfort de 2022, nous en sommes à la saison 7 des gouvernements successifs et n'avons toujours ni loi de programmation ni PPE. Pourquoi la France a-t-elle renoncé à un contrat pour différence, option défendue par la commission d'enquête sénatoriale sur le prix de l'électricité ? Appuyez-vous sur nos travaux ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Compensation des pertes de recettes pour les communes industrielles
M. David Margueritte . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis cinq ans, les gouvernements affichent l'ambition de réindustrialiser notre pays en allégeant la fiscalité des établissements industriels, via la baisse des valeurs locatives de 50 %. Cette baisse s'accompagnait d'un engagement ferme de l'État : la compensation intégrale et dynamique de la ressource pour les communes et intercommunalités concernées.
Or voilà que l'article 31 du projet de loi de finances (PLF) réduit de 25 % la compensation prévue ! Première conséquence : une perte de ressources, pouvant atteindre plusieurs millions, pour certains territoires industriels qui ont engagé des investissements lourds. Deuxième conséquence : le message adressé aux territoires susceptibles d'accueillir de nouveaux projets structurants, nucléaires ou navals. Troisième conséquence : une altération de la confiance, fondée sur le respect de la parole donnée.
Le Gouvernement entend-il revenir sur cette mesure lors du PLF et maintenir cette ressource pour les collectivités concernées, qui assurent la réindustrialisation du pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
M. David Amiel, ministre délégué chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État . - Veuillez excuser Roland Lescure, toujours retenu à Bruxelles. (Sourires)
L'abattement de 50 % sur les valeurs locatives des établissements industriels a été institué en 2021. La compensation était alors chiffrée à 3,5 milliards d'euros. Depuis, il y a eu une augmentation spontanée, liée à la hausse des valeurs locatives, de 22 % entre 2021 et 2024, estimée à plus de 25 % pour 2026.
Le PLF initial propose de revenir au niveau prévu en 2021. Le principe de la compensation est maintenu, mais cette mesure d'ajustement se comprend dans le contexte budgétaire actuel.
Sans doute faut-il différencier selon les territoires, en fonction des investissements réalisés pour accueillir des usines ou développer des services publics. Nous vous proposerons de débattre de la répartition et de la modulation de cet effort lors de l'examen de la contribution des collectivités à la réduction des déficits. Le Gouvernement est à l'écoute de vos propositions ; je ne doute pas que nous aurons des échanges nourris. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mercosur (III)
M. Didier Marie . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) En réponse aux précédentes questions sur le Mercosur, M. le ministre nous a dit sa détermination à défendre les agriculteurs lors du prochain Conseil européen - dont acte. Mais nous avons aussi entendu le Président de la République, qui ne semble pas partager cette pugnacité...
Ce qui n'a pas changé ? Le texte ; les risques pour l'environnement ; les sombres perspectives pour notre agriculture, sacrifiée au profit de l'industrie automobile allemande.
Il y a un an, le ministre des affaires étrangères nous promettait que la France obtiendrait une modification du traité ou organiserait une minorité de blocage. Ce qui a changé depuis ? Un mécanisme de sauvegarde qui n'engage que les Européens et qui n'est pas coercitif ; un mécanisme de rééquilibrage, véritable cheval de Troie contre nos normes sociales et environnementales ; une France isolée.
Avec quels États membres envisagez-vous de vous opposer à ce qui ne nous convient pas ? Allez-vous respecter les conclusions du Conseil de 2018 sur la mixité des accords commerciaux pour que le Parlement se prononce ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe . - Je le redis : dès le début, la France a jugé inacceptable l'accord négocié par la Commission européenne. Avec la Pologne, l'Italie, l'Autriche, la Hongrie, les Pays-Bas, la Belgique, nous avons demandé qu'il évolue.
La clause de sauvegarde initiale étant inopérante, nous avons demandé un nouveau mécanisme permettant de bloquer les importations dans les filières sensibles ; il est en cours d'examen.
La Commission ne nous a pas encore fait de propositions suffisamment claires sur les mesures miroirs en matière de pesticides et d'alimentation animale, ni sur les forces de contrôle. Pourtant, nos partenaires se rendent dans les pays exportateurs pour contrôler le respect des normes.
Ce n'est qu'au vu de ces avancées que nous nous prononcerons. Nous nous battrons jusqu'au bout pour défendre nos agriculteurs. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Rapport sur le meurtre d'Élias
Mme Marie-Claire Carrère-Gée . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le rapport de l'inspection générale de la justice (IGJ) sur l'assassinat d'Élias est accablant : carences graves dans l'évaluation des risques, refus de toute mesure coercitive, mesures éducatives indigentes, tardives et souvent non mises en oeuvre, dossier incomplet... Pis, les victimes sont maltraitées, ignorées, accusées de discréditer la justice. C'est un dysfonctionnement systémique, que l'insuffisance des moyens ne saurait justifier. Plus personne ne se sent responsable, on se résigne.
Monsieur le ministre, diligentez donc une inspection du tribunal pour enfants de Paris, afin de remédier aux carences et de rechercher d'éventuelles responsabilités ! Nous attendons aussi votre grand projet de loi sur la justice : quelle réforme de la justice des mineurs allez-vous proposer ? Allez-vous remettre en cause la césure, souvent inadaptée ? Que proposerez-vous pour mettre fin à cette situation intolérable où la victime est un simple figurant ? Comme les patients face à l'hôpital, les victimes doivent avoir des droits face à la justice. Ferez-vous de la justice des mineurs et des droits des victimes les deux piliers de votre grande réforme de la justice ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux, ministre de la justice . - À la suite du drame qui a touché la famille d'Élias, que j'ai reçue, j'ai été le premier garde des sceaux à demander, parallèlement à l'enquête en cours, que l'IGJ examine les éventuels dysfonctionnements.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - C'est possible, alors ?
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - J'ai rendu public ce rapport, que j'ai également remis aux parents d'Élias.
Je ne peux vous laisser dire que l'ensemble de la chaîne de la justice a dysfonctionné : à la suite des instructions extrêmement fermes que j'avais données dès mon arrivée au ministère, le procureur de la République avait requis l'enfermement, mais il n'avait pas été suivi par le siège. (Mme Marie-Claire Carrère-Gée en convient.)
Vous connaissez les dysfonctionnements de la justice pénale des mineurs. (Mme Laurence Rossignol proteste.) Vous me demandez de modifier le code de la justice pénale des mineurs, adopté récemment par le Parlement. Malheureusement, les mesures que vous avez proposées lors de l'examen de la loi Attal n'ont pas été validées par le Conseil constitutionnel.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Parce qu'elles n'étaient pas constitutionnelles !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Devons-nous avancer ? Oui. Je souhaite notamment que l'on revienne sur l'excuse de minorité, voire sur la majorité pénale.
Et il y a un sujet de moyens : un juge des enfants suit 500 dossiers ! C'est pourquoi j'ai annoncé 50 juges des enfants supplémentaires.
Je suis ouvert à de nouvelles inspections et enquêtes, notamment parlementaires. Je suis d'ailleurs entendu par votre commission des lois ce soir. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI et du groupe UC)
Souveraineté industrielle française
M. Guillaume Chevrollier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les chefs d'entreprise nous alertent : perte de compétitivité, charges excessives, délocalisations... Nous nous désindustrialisons face à une concurrence internationale déloyale.
Jusqu'à quand allons-nous subir sans réagir ? Les États-Unis protègent leurs entreprises avec des droits de douane ciblés, la Chine subventionne massivement les siennes, mais l'Europe se prive de moyens de défense : droits de douane insuffisants, procédures antidumping trop lentes, dépendance aux matières premières stratégiques, sans parler de l'accord avec le Mercosur !
Notre industrie recule, nos marges fondent, nous manquons d'ingénieurs et de techniciens. Notre industrie a pourtant des atouts, mais il faut des formations solides, une fiscalité raisonnable et une Union européenne qui défende ses intérêts. La semaine de l'industrie et le sommet « Choose France » ne doivent pas être que de la communication !
La France et l'Europe sortiront-elles de leur torpeur pour durcir les droits de douane et accélérer les mesures antidumping ? Allez-vous reconstruire les filières de formation indispensables à notre souveraineté industrielle ? (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Anne Le Hénanff, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique . - Sébastien Martin est justement chez Air France Industries.
M. François Bonhomme. - Bien !
Mme Anne Le Hénanff, ministre déléguée. - Le plan France 2030 est doté de 54 milliards d'euros pour soutenir nos filières stratégiques. Depuis 2021, nous avons permis la création ou la relocalisation de 350 usines.
Au niveau européen, des mesures concrètes visent à renforcer des filières comme la sidérurgie ou l'automobile. La France mobilise ses outils nationaux pour préserver ses savoir-faire et ses entreprises stratégiques. Nous devons aussi simplifier la réglementation pour les entreprises.
J'entends qu'on nous reproche de laisser partir nos champions après les avoir soutenus. Mais France 2030 y remédie. Notre souveraineté se construit pas à pas, avec une ambition claire : produire plus, mieux et en France.
M. Guillaume Chevrollier. - Nos entrepreneurs ne sont pas résignés. Ils attendent du concret. Je vous invite à venir dans les territoires, car votre réponse ne reflète pas la réalité. (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
La séance est suspendue à 16 h 15.
Présidence de M. Pierre Ouzoulias, vice-président
La séance reprend à 16 h 30.