UNION INTERPARLEMENTAIRE
108ème conférence et réunions connexes
Santiago du Chili, 6-12 avril 2003
ROLE ET PLACE DES PARLEMENTS DANS LE RENFORCEMENT DES INSTITUTIONS DEMOCRATIQUES ET LE DEVELOPPEMENT HUMAIN DANS UN MONDE FRAGMENTE
I - UN DIAGNOSTIC DE L'INTERNATIONALISATION
Les avancées de la démocratie, l'intégration des économies nationales, les révolutions technologiques vont toutes, en théorie, dans le sens d'un accroissement des libertés et des possibilités d'améliorer la vie des êtres humains. Or, on ne peut que constater que dans de nombreux pays les libertés semblent menacées.
Ces menaces concernent tous les pays, qu'il s'agisse de démocraties confirmées dans lesquelles les préoccupations de sécurité peuvent conduire à une auto restriction des libertés publiques, ou des autres pays pour lesquels l'insécurité économique et monétaire peut faire douter de l'efficacité des principes démocratiques pour assurer le meilleur développement possible.
L'interdépendance croissante du monde a paradoxalement multiplié les fractures et les fragmentations entre les pays et les populations, que ce soit dans les domaines économiques, culturels, militaires et stratégiques mais aussi dans le domaine vital de la politique.
La fin de la guerre froide, symbolisée par la chute du mur de Berlin, et l'internationalisation du terrorisme ont ouvert des perspectives nouvelles à la démocratie qui ne se sont qu'en partie concrétisées.
La quasi disparition de l'idéologie communiste a conduit à la libération des peuples et la mise en place d'institutions démocratiques, notamment dans les PECOS et la CEI, mais a également entraîné de grandes inégalités sociales, le développement d'un pouvoir maffieux quand l'Etat s'est effondré dans certains pays et, au niveau international, un affaiblissement certain du pouvoir des instances multilatérales.
Les attentats du 11 septembre 2001 ont mobilisé le monde pour défendre les valeurs de la démocratie. Ils ont conduit à souligner le lien évident entre démocratie et développement et ont abouti, à la conférence de Monterrey, à la décision historique d'enrayer la chute de l'aide au développement. Pourtant, le légitime souci de la sécurité peut conduire à une érosion de l'État de droit au niveau international et à l'émergence de doctrines stratégiques d'action préventive qui portent en elles un certain nombre de dangers.
De plus, la mondialisation des problèmes, quelle qu'en soit la nature, a accéléré le transfert de pouvoir des instances nationales vers des institutions internationales anciennes ou nouvelles dont le lien démocratique avec le citoyen est de plus en plus ténu. Il s'agit soit d'institutions existantes comme la Banque mondiale, le FMI ou l'ONU dont le mode de fonctionnement demande certainement à être adapté à la réalité du monde depuis 1990, soit d'institutions nouvelles comme l'OMC. Les décisions que prennent ces institutions ont une incidence de plus en plus importante et directe sur la vie concrète des populations alors même que leur légitimité démocratique n'est pas avérée.
Dans ce contexte, le renforcement des institutions démocratiques et l'amélioration de la gouvernance au service du développement humain revêtent une importance essentielle. Ce renforcement concerne naturellement les institutions des exécutifs et des législatifs mais aussi le pouvoir judiciaire et celui des médias. Il concerne également la société civile dans son ensemble et en particulier les organisations non gouvernementales (ONG) dont le rôle s'est considérablement accru.
II - LES DEFIS DES PARLEMENTS DANS UN MONDE FRAGMENTE
Les parlements, comme les autres institutions nationales, ont subi, et subissent encore, ces changements considérables. Nous assistons depuis plus de 10 ans à une crise d'adaptation de la démocratie et de ses instruments à une réalité nouvelle.
Si les principes qui fondent la démocratie et qui sont rappelés dans le document d'information présenté par le Secrétariat de l'Union, véritable concentré des prises de position de l'UIP, sont intangibles, c'est bien la manière de les exercer et de les mettre en pratique qui est aujourd'hui posée et qui demande à être repensée.
Les parlements, plus que les autres institutions, sont confrontés à cette crise d'adaptation qui remet en cause leurs deux rôles fondamentaux de législateur et de contrôleur. Plus fondamentalement encore, leur représentativité est en question au niveau national comme au niveau international.
Leur rôle de législateur est limité de fait par le mouvement de transfert de compétences des parlements nationaux vers des organisations internationales, voire supranationales comme l'Union européenne. Ce mouvement est une tendance lourde ; aujourd'hui, dans chaque pays de l'Union européenne, plus de 50 % du droit nouveau est un droit d'origine européenne.
Mais au-delà du cas européen, les décisions prises par l'OMC concernent l'ensemble des pays membres de cette organisation et s'imposent au législateur national qui n'intervient pas dans la négociation des accords commerciaux internationaux.
A cette érosion internationale correspond une érosion nationale avec deux phénomènes :
" le premier concerne le mouvement de régionalisation, c'est-à-dire de transfert de compétences de plus en plus large au niveau local. Ce mouvement, pleinement légitime, a pour objectif de rapprocher la décision du citoyen en le rendant, au travers des institutions locales et de leurs élus, l'acteur de son avenir ;
" le second a trait au rôle majeur qu'occupent les ONG au sens large, c'est-à-dire y compris le mouvement associatif, à tous les niveaux de l'action publique nationale comme internationale. Or, devant l'extraordinaire prolifération des ONG la question de leur représentativité et de leur légitimité se pose. Elles se placent en tant que représentantes de la société civile alors même que les représentants les plus légitimes - car démocratiquement élus - de ladite société sont bien évidemment les parlementaires et les parlements.
Dans ce contexte, le rôle et la place des parlements dans la gouvernance nationale comme mondiale doivent conduire à une réflexion sur leur positionnement et sur l'adaptation de leurs moyens d'action.
1 - Internationaliser les fonctions traditionnelles des parlements
Au niveau national, les fonctions traditionnelles des parlements de législateur et de contrôleur devraient mieux prendre en compte la dimension internationale.
Comme législateur, les transferts de compétences rendus inéluctables par la mondialisation de la politique devraient s'accompagner d'un recentrage sur les questions liées au développement dans toutes leurs dimensions économiques, sociales, culturelles et politiques.
Notamment les questions du financement, de la dette des pays les plus pauvres, de la réduction de la pauvreté et, en général du suivi des objectifs fixés lors du Sommet du millénaire devaient faire l'objet d'une attention plus soutenue et systématique.
Il en va de même des droits de l'homme, de l'égalité des sexes, des droits de l'enfant, de l'éducation, du respect des spécificités et de la diversité culturelles.
Les parlements doivent s'engager dans le renforcement de leur fonction de contrôle des négociations internationales. Si celle-ci est traditionnellement l'apanage des gouvernements, les manifestations anti-mondialisation de la conférence de Seattle ont montré que le déficit démocratique des institutions internationales devait être réduit.
A l'instar des mécanismes adoptés par les pays membres de l'Union européenne pour suivre l'évolution des négociations communautaires et de mise en œuvre des actes européens, les parlements devraient créer des instances spécialisées de suivi et de contrôle de l'OMC, de la Banque mondiale, du FMI dans le domaine économique mais aussi de l'OIT dans le domaine du droit du travail, de l'OMS et de toutes les organisation internationales pour lesquelles un manque de transparence et un déficit démocratique existent.
L'information reçue par les parlements est bien évidemment une question centrale.
Les informations relatives aux phases de négociation (documents préparatoires ou notes de synthèse, éléments de droit comparé, impact des mesures négociées sur le quotidien des citoyens et des groupes d'intérêt….) devraient être transmises aux commissions parlementaires afin qu'elles puissent assurer un suivi et émettre, le cas échéant, des avis au gouvernement.
La transmission de ces informations devrait être obligatoire et complète lorsque des mesures législatives seront nécessaires pour mettre en œuvre ces décisions. Mais elles devraient - sans doute sous une forme allégée - concerner aussi les actes internationaux qui ne supposent pas l'intervention du législateur ou qui peuvent être introduites dans le droit national par voie réglementaire. Ces procédures d'information préalables ont naturellement pour objet d'assurer la transparence et le contrôle. Elles assurent au gouvernement l'appui de sa majorité et permettent d'associer l'opposition politique. Elles favorisent l'adoption rapide des mesures législatives quand celles-ci sont nécessaires.
Les parlements sont naturellement les représentants légitimes de la société civile. Représentants des citoyens qui les ont élus, ils doivent non seulement les représenter à un niveau international mais aussi assurer une fonction d'intermédiation fondamentale. Cette fonction doit leur permettre d'intervenir efficacement auprès de leurs gouvernements comme représentants des intérêts et des sensibilités exprimées par la population. En sens inverse, ils doivent informer les citoyens des enjeux des négociations internationales et des effets réels qu'ils auront sur leur vie quotidienne.
Le parlement, en tant que représentant légitime de la société civile, doit resserrer ses liens avec les ONG qui jouent aujourd'hui un rôle central et indispensable. Une concertation plus systématique avec les ONG, notamment celles qui sont reconnues par l'ONU, devrait être entreprise. Les approches respectives des ONG et des parlements ne sont pas concurrentes ni exclusives les unes des autres mais complémentaires puisque, au niveau qui est le leur, ils ont pour objet d'introduire plus de transparence, de contrôle et donc de démocratie dans le processus de décision international.
2 - Développer la représentation de la diversité nationale
Fondamentalement le parlement peut être défini comme le lieu où la tolérance est institutionnalisée et l'instrument où la résolution des conflits et le rapprochement des différences s'effectuent de manière pacifique. C'est un lieu fondamentalement humaniste où le principe premier est le respect de l'autre.
Le bicamérisme est naturellement perçu comme une technique d'intégration sociale et politique, d'appropriation du modèle démocratique et de garantie du respect de la séparation des pouvoirs. Il est par ailleurs un puissant outil d'amélioration de la qualité législative.
Pour accompagner le processus de démocratisation et d'approfondissement de l'État de droit, il est nécessaire que les diverses composantes de la Nation soient associées et puissent, au travers de leur représentation spécifique, participer à ces processus. L'existence d'une seconde chambre qui permet la prise en compte de cette diversité est un moyen efficace d'appropriation du système parlementaire. En parfaite complémentarité avec la chambre élue au suffrage universel direct, l'existence de la seconde chambre permet de concilier les principes de la démocratie, en particulier la règle de la majorité et le respect de la diversité humaine sur tous les plans.
Parmi les aspects multiples de la diversité nationale, la prise en compte des collectivités dont les citoyens sont membres revêt une importance particulière. La représentation des collectivités décentralisées de l'Etat national permet d'éviter que la globalisation ou la mondialisation ne soit le synonyme d'uniformisation. L'autonomie locale est alors vécue comme un moyen d'éviter la dislocation intérieure mais suppose une représentation adéquate au niveau national au sein d'une seconde chambre.
Le bicamérisme est également la modalité moderne d'application du principe de séparation des pouvoirs en évitant le face-à-face de l'exécutif et d'une assemblée unique. La seconde chambre constitue un contre-pouvoir dont l'existence garantit le respect du principe du contradictoire en posant un regard différent et en suscitant la réflexion.
Les secondes chambres ont un rôle particulier à jouer en matière de contrôle de l'activité de l'exécutif et des politiques publiques. Ne pouvant, dans la plupart des cas, pas renverser le gouvernement, le contrôle effectué par les secondes chambres se caractérise par la mise à disposition des citoyens de l'information nécessaire pour qu'ils se forgent une opinion après qu'ait eu lieu un débat contradictoire avec le gouvernement.
Enfin, le bicamérisme est un gage d'amélioration de la législation. La complexité et la technicité croissantes des problèmes, l'élargissement rapide du champ du droit et de la loi justifient, en effet, l'intervention d'une seconde chambre chargée d'envisager les projets de loi sous un nouvel angle de vue et de procéder à une relecture des textes adoptés par l'autre chambre.
3 - développer la diplomatie parlementaire
Dans ce rôle primordial de législateur, de contrôleur et d'intermédiaire, les parlements doivent utiliser et développer l'outil qu'est la diplomatie parlementaire et le renforcement des relations de coopération bilatérale et multilatérale.
La diplomatie parlementaire répond à une nécessité démocratique nouvelle. Elle a pour vocation d'être au service de la paix, de la liberté et des droits de l'homme. Elle porte la voix des peuples dans un monde qui s'unifie.
La diplomatie parlementaire est complémentaire de l'action diplomatique des gouvernements. Notamment par la diversité des contacts qui existent entre parlements, elle est un moyen d'exploration et de rapprochement des positions. Elle permet par la rencontre et la discussion entre élus de contribuer à l'apaisement et à la résolution des conflits. A cet égard l'un des exemples les plus évidents est constitué par le cadre du Comité Moyen orient de l'UIP.
4 - renforcer l'action des organisations parlementaires internationales
L'internationalisation de la politique doit très naturellement conduire les parlements à agir collectivement au niveau international à travers leurs organisations interparlementaires.
Le rapport du PNUD sur le développement humain pour 2002 qui traite de l'approfondissement de la démocratie appelle à édifier des institutions internationales plus démocratiques, notamment pour ce qui concerne les institutions financières (FMI, Banque mondiale, OMC) mais aussi l'ONU. Faute d'une démocratisation, la légitimité de l'action de ces organisations sera de plus en plus contestée et rejetée. Les populations n'acceptent, en effet, plus de se voir imposer des décisions ayant une incidence majeure sur leur devenir par des institutions qui n'ont pas de liens démocratiques avec elles ou dont elles pensent qu'elles sont dominées par des intérêts qui ne sont pas les leurs.
Les réflexions sur la transparence des méthodes de travail et sur une meilleure représentation des pays pauvres doivent être complétées par les propositions d'action parlementaire auprès de ces institutions. Les parlementaires nationaux ont en effet une légitimité directe avec les citoyens. Ils peuvent et doivent jouer un rôle d'intermédiaire entre les peuples et les organisations internationales.
Au contrôle des parlements nationaux qu'il convient de mettre en place ou d'approfondir, il faut ajouter le contrôle des organisations parlementaires internationales et notamment de l'UIP qui est la seule organisation universelle en la matière. Ces organisations doivent constituer une " voix " parlementaire auprès des institutions internationales qui puisse exprimer et relayer les décisions prises collectivement par les parlements qui les composent.
L'obtention de statuts d'observateur auprès de l'ONU et de l'OMC a été un pas fondamental dans le mouvement indispensable de démocratisation internationale.
PROJET DE RESOLUTION PRESENTE PAR LE GROUPE FRANÇAIS
La 108ème Conférence de l'Union interparlementaire,
1 ) rappelant :
" la déclaration des présidents des parlements nationaux intitulée " une vision parlementaire de la coopération internationale à l'aube du troisième millénaire ", adoptée lors du sommet du millénaire, le 1er septembre 2000 ;
" les objectifs de développement que s'est fixé la communauté internationale, confirmés lors des conférences de l'ONU de Monterrey et de Johannesburg,
" les positions prises par l'UIP dans ces résolutions précédentes et qui sont rappelées dans le document d'information CONF/108/4-Doc.info.1,
2 ) soulignant que les indéniables avancées des principes de la démocratie, les progrès technologiques et l'intégration des économies nationales ne s'accompagnent pas toujours et partout d'un accroissement des libertés et du développement humain, et que la globalisation des problèmes s'est accompagné d'une nouvelle et préoccupante fragmentation du monde tant au niveau de la société internationale qu'au niveau national,
3 ) constatant que le phénomène de mondialisation a entraîné un transfert de pouvoir des instances nationales vers des institutions internationales et un affaiblissement très significatif du lien démocratique entre le citoyen et le décideur,
4 ) rappelant que les parlements comme les autres institutions nationales subissent ces changements qui constituent une crise d'adaptation de la démocratie et de ses instruments à une réalité nouvelle,
5 ) soulignant que les parlements, dont la légitimité repose sur l'élection et le lien démocratique direct avec le citoyen, ont une vocation naturelle, mais non exclusive, à représenter la société civile et à en exprimer les attentes et les sensibilités les plus diverses afin de promouvoir un développement humain harmonieux,
6 ) affirmant que les parlements sont les lieux où s'institutionnalisent la tolérance et le respect de l'autre dans toute sa spécificité et sa diversité,
7 ) constatant que le bicamérisme est une technique d'intégration sociale et politique permettant une appropriation du modèle démocratique par toutes les composantes de la société qui y sont représentées, la garantie du respect de la séparation des pouvoirs et qu'il est un outil efficace d'amélioration de la qualité législative,
1 . appelle les parlements à l'adaptation des fonctions de législateur, de contôleur et de médiateur à l'internationalisation du monde,
2 . encourage les parlements à accorder une attention toujours plus accrue aux questions internationales et notamment au financement du développement, à la question de la dette, à la réduction de la pauvreté, des droits de l'homme, de l'égalité des sexes et de la parité, des droits de l'enfant et de la l'éducation, et à prendre systématiquement en compte cette dimension dans sa fonction de législateur,
3 . incite les parlements à mettre en place les structures nécessaires à un suivi et au contrôle des négociations internationales menées par les gouvernements, notamment quand celles-ci doivent avoir une traduction législative ultérieure,
4 . demande aux gouvernements de veiller à ce que l'information utile soit fournie aux parlements tant dans la phase de négociation que dans celle de mise en œuvre des décisions et que cette information couvre l'ensemble des actes, y compris ceux qui de ne nécessitent pas une transposition législative en droit interne,
5 . recommande de développer la fonction naturelle d'intermédiation entre le citoyen et les institutions et organisations internationales et d'organiser un rapprochement systématique avec les ONG qui jouent un rôle majeur au sein de la société civile,
6 . encourage les institutions parlementaires à toujours mieux représenter les différentes expressions de la diversité nationale,
7 . encourage les parlements à développer les actions de diplomatie parlementaire et de renforcer les liens de coopération bilatérale et multilatérale,
8 . souligne le rôle central le l'Union interparlementaire comme organisation universelle représentant les parlements auprès des institutions internationales contribuant pleinement au renforcement de la démocratie et au maintien de la paix dans le monde,
Coopération internationale pour la prévention et la gestion des
catastrophes naturelles transfrontières et de
leurs effets sur les régions concernées
Mémoire présenté par le Groupe français
Même dans les pays qui en sont les plus grands bénéficiaires, le progrès des sciences et des technologies n'a jusqu'à présent pas permis de protéger efficacement les populations contre les effets dévastateurs des catastrophes naturelles et encore moins d'empêcher la survenance de telles catastrophes. Cependant, ce constat ne doit pas conduire au fatalisme ou à la résignation.
Certes, le coût économique, social et surtout humain des catastrophes naturelles de toute nature (séismes, mouvements de terrains, inondations, raz-de-marée, tempêtes, cyclones, incendies, sécheresses et éruptions volcaniques) est particulièrement lourd. Au cours de la décennie précédente, environ 4800 catastrophes naturelles ont causé la perte de près de 880.000 vies humaines et infligé aux économies mondiales des dommages évalués à 685 milliards de dollars. Selon certaines estimations, le coût annuel des catastrophes naturelles aurait de surcroît tendance à augmenter de manière très sensible : s'établissant aujourd'hui à environ 150 milliards de dollars, il pourrait atteindre 300 milliards de dollars en 2050 en l'absence de mesures correctrices appropriées.
Certes encore, plusieurs évolutions en cours paraissent de nature à augmenter dans des proportions inquiétantes les dommages causés par les catastrophes naturelles. On citera en particulier le réchauffement climatique imputable aux rejets de gaz à effet de serre, qui est jugé susceptible d'entraîner une augmentation du nombre et surtout de l'intensité des catastrophes hydro-météorologiques, et la poursuite de l'exode rural et de l'urbanisation incontrôlée qui en découle dans de nombreux pays en développement, qui n'influent pas sur la survenue des catastrophes mais augmentent leurs effets dévastateurs.
Cependant, la communauté internationale n'est pas restée inactive, loin s'en faut, face à un problème aussi préoccupant. Organisée sous l'égide des Nations-Unies, la Décennie internationale de la prévention des catastrophes naturelles (1990-1999), notamment marquée par l'adoption de la " Stratégie de Yokohama pour un monde plus sûr " (mai 1994) et de la stratégie " Pour un monde plus sûr au XXIe siècle : prévention des risques et des catastrophes " (juillet 1999) à permis de recueillir de très nombreuses informations et de jeter les bases d'une politique globale visant à prévenir les catastrophes naturelles et à atténuer leurs effets. Conformément aux recommandations du Secrétaire général des Nations-Unies, l'Assemblée générale a décidé, dans sa résolution A/54/219 du 3 février 2000, de poursuivre l'effort entrepris en lançant une " stratégie internationale pour la prévention des catastrophes " (désignée communément par l'acronyme anglais ISDR) et animée par une équipe spéciale inter-institutions et un secrétariat placés sous l'autorité du Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires.
L'objectif général de la stratégie est le suivant : " Faire en sorte que toutes les sociétés soient capables de résister aux catastrophes naturelles et aux catastrophes industrielles et environnementales connexes, de façon à réduire les pertes environnementales, humaines et sociales liées à ces catastrophes ".
Pour atteindre cet objectif, le cadre d'action pour l'application de la stratégie retient quatre priorités ainsi formulées :
- sensibiliser davantage les populations ;
- obtenir un engagement de la part des gouvernements ;
- encourager les partenariats pluridisciplinaires et intersectoriels et développer les réseaux de prévention à tous les niveaux ;
- développer les connaissances scientifiques sur les causes des catastrophes naturelles et des catastrophes industrielles et environnementales connexes et leur impact sur les sociétés.
L'expérience acquise dans le cadre de la décennie internationale et les enseignements qui peuvent être tirés des actions déjà engagées au titre de l'ISDR donnent à penser que, même si les résultats aujourd'hui obtenus sont encore insuffisants, une plus grande mobilisation autour des objectifs de la stratégie devrait permettre de réduire de manière très significative la vulnérabilité des sociétés humaines aux catastrophes naturelles.
De son côté, l'Union interparlementaire s'est à plusieurs reprises penchée sur la question de la prévention des catastrophes naturelles et sur les problèmes connexes. Sans prétendre être exhaustif, peuvent à cet égard être citées, d'abord la résolution :
" La communauté internationale, face aux défis posés par les désastres résultant de conflits armés et de catastrophes naturelles ou causées par l'homme : nécessité d'une réponse cohérente et efficace par la mise en œuvre de moyens et de mécanismes politiques et d'assistance humanitaire adaptés à la situation ", adoptée par la 93e conférence interparlementaire (Montréal, 1er avril 1995) ;
et également les résolutions :
" Environnement et développement : les vues des parlementaires sur les orientations essentielles de la conférence des Nations-Unies sur l'environnement et le développement et sur les perspectives qu'elle ouvre ", adoptée par la 87e conférence interparlementaire (Yaoundé, 11 avril 1992) ;
" Mesures requises pour changer les modes de consommation et de production en vue du développement durable ", adoptée par la 97e conférence interparlementaire (Séoul, 14 avril 1997) ;
" Dix ans après Rio : dégradation mondiale de l'environnement et appui parlementaire au protocole de Kyoto ", adoptée par la 107e conférence (Marrackech, 22 mars 2002).
L'inscription à l'ordre du jour de la 108ème conférence de l'Union interparlementaire du problème spécifique que constitue la " coopération internationale pour la prévention et la gestion des catastrophes naturelles transfrontières et de leurs effets sur les régions concernées " constitue, pour le Groupe français de l'UIP, une initiative particulièrement opportune.
En effet, compte tenu de l'ampleur des phénomènes naturels qui en sont la cause, les grandes catastrophes font souvent sentir leurs effets dans plusieurs pays. Une politique de prévention efficace suppose donc la mise en place préalable de mécanismes de coopération internationale adaptés aux besoins.
Comme on le verra ci-après, la nécessité d'une telle coopération se fait sentir à tous les niveaux d'action contre les catastrophes et concerne donc aussi bien l'évaluation du risque, la prévention des causes des catastrophes et l'atténuation de leurs effets que l'alerte rapide ou la coordination des secours. A un niveau plus général, il est également souhaitable que les impératifs de la prévention des catastrophes naturelles soient intégrés dans les programmes de coopération visant à favoriser le développement durable. Enfin, il est important de relever que les principes et modalités de la prévention contre les catastrophes naturelles sont, dans une assez large mesure, également transposables aux catastrophes causées par l'activité humaine. Celles-ci se distinguent toutefois par leur caractère non inéluctable et appellent, à ce titre, une action particulièrement volontariste. Au regard de l'actualité récente, on comprendra que le Groupe français mette l'accent sur les mesures à prendre pour prévenir les marées noires.
L'EVALUATION DU RISQUE
Les possibilités d'évaluation varient bien sûr dans des proportions sensibles selon la nature du risque naturel en cause. Pour certains risques, notamment les risques météorologiques comme les cyclones ou les tempêtes, on peut seulement définir de vastes " zones à risque " en se fondant notamment sur des données historiques. Dans d'autres cas, la zone de survenance probable du risque peut être cernée avec un peu plus de précision : ainsi, nombre de tremblements de terre peuvent-ils être imputés à des phénomènes géologiques connus et localisés, comme les failles sismiques. Enfin, certains risques sont tels que l'emprise territoriale des catastrophes qu'ils sont susceptibles de provoquer peut être déterminée avec une certaine exactitude. Dans l'hypothèse d'une inondation causée par la crue d'un fleuve, il est par exemple possible de prévoir, en fonction des caractéristiques des terrains concernés, de l'importance relative de la crue et des précédents existants (dont les crues centennales), les zones qui seront inondées.
Malgré ces différences inévitables dans le degré de précision avec lequel les zones à risques peuvent être définies, il est hautement souhaitable que les Etats et/ou les collectivités territoriales se dotent des instruments et procédures nécessaires pour réaliser, chaque fois que c'est possible, une cartographie des risques naturels susceptibles d'affecter leur territoire.
A titre d'illustration, une loi française de 1995 a prévu l'élaboration de plans de prévention des risques s'étendant sur une ou plusieurs communes. Comme son nom l'indique, ce plan est l'instrument d'une politique globale de prévention qui commence par la délimitation des zones exposées aux risques naturels.
Dans la problématique particulière des catastrophes naturelles transfrontières, la question qui se pose est celle de la coordination des procédures de cartographie des risques. S'il serait sans doute illusoire de prétendre définir une méthode uniforme de détermination des zones à risques, il faut au moins s'orienter vers une harmonisation des méthodes employées par les pays riverains, de manière à ce que leurs cartes des risques respectives puissent être " raccordées " les unes aux autres et permettent ainsi une appréhension transfrontière des aléas prévisibles. De ce point de vue, l'existence de règles communes ou harmonisées définies dans le cadre d'organisations régionales - comme l'Union européenne - peut se révéler très utile.
Dans le même souci, les cartes des risques nationales ne doivent pas se limiter à définir l'emprise territoriale prévisible d'une éventuelle catastrophe. Il est souhaitable qu'elles comportent également une évaluation du niveau relatif des risques encourus (distinguant par exemple trois niveaux : faible-moyen-élevé), afin d'en faire des instruments aussi efficaces que possible pour les politiques de prévention des catastrophes et d'atténuation de leurs effets.
LA PREVENTION DES CATASTROPHES
Le concept de " prévention " ne s'applique pas aisément aux catastrophes naturelles, ce constat renvoyant à la difficulté qu'il y a à distinguer les catastrophes ayant une cause purement naturelle de celles qui résultent, même partiellement, d'une activité humaine.
Pour certaines catastrophes, aucune prévention, au sens strict, n'est envisageable, dans la mesure où elles sont la conséquence directe et immédiate de phénomènes naturels (comme les cyclones, tempêtes ou éruptions volcaniques) sur lesquels l'homme n'a, en l'état actuel des sciences et des techniques, aucune prise.
Dans d'autres cas, la survenance du phénomène naturel en cause ne peut être évité mais des mesures appropriées peuvent éviter que ce phénomène ne soit à l'origine d'une catastrophe. Si on ne peut ainsi empêcher que des précipitations torrentielles entraînent une élévation importante du niveau des cours d'eau, des actions de prévention (drainage, entretien du lit des cours d'eau, construction de digues et autres mesures de régulation hydrographique) peuvent empêcher l'apparition d'inondations ou réduire leurs conséquences.
Enfin, certaines catastrophes généralement considérées comme " naturelles " peuvent faire l'objet d'une réelle prévention, ce qui démontre qu'elles sont en réalité de nature " mixte " : si leurs manifestations sont naturelles, l'homme a une part de responsabilité dans leur déclenchement. Ainsi, il est bien connu que la plupart des feux de forêt ou de végétation ne sont pas causés par la foudre et qu'une proportion importante des glissements de terrain sont le fruit d'une interaction entre le milieu naturel et les activités humaines.
En revanche, il est toujours possible de prendre des mesures visant à réduire les effets d'une catastrophe naturelle et les dommages qu'elle peut causer. On retiendra donc une conception extensive de la prévention comprenant aussi bien les actions visant à éviter la survenance d'une catastrophe que celles tendant à diminuer leurs conséquences.
La prévention des catastrophes doit d'abord comporter une action sur la localisation des activités qui trouve son fondement direct dans l'évaluation des risques déjà évoquée. Il s'agit en fait de déterminer les mesures à prendre dans les zones considérées " à risque ".
Les informations tirées de la carte des risques doivent être prises en compte au niveau des normes d'urbanisme et, s'il y a lieu, à celui des normes de construction.
Les règles d'occupation des sols peuvent ainsi interdire les constructions nouvelles dans les zones les plus exposées et limiter et/ou réglementer ces constructions dans les autres zones à risque. Il serait souhaitable que la constatation d'un niveau de risque très élevé puisse, dans certains cas, conduire à imposer le déplacement de constructions existantes, particulièrement lorsqu'elles abritent des activités utilisant des substances toxiques ou dangereuses. On peut objecter qu'une telle obligation serait financièrement irréaliste dans de nombreux pays en développement, mais la réponse à cette objection consiste, comme on le verra plus loin, à intégrer l'objectif de prévention des catastrophes dans les stratégies de développement durable.
La question des règles de construction concerne principalement les risques de tremblements de terre, de cyclones, de tempêtes ou d'avalanches. Dans les zones exposées, le fait d'imposer le respect de normes de construction appropriées permet de réduire la vulnérabilité des populations concernées et surtout d'atténuer les effets d'une éventuelle catastrophe. A cet égard, il serait justifié que les établissements abritant des activités dangereuses ou, à l'inverse, des activités dont la pérennité obéit à un intérêt général (hôpitaux, centres de secours, etc…) soient soumis à des normes de résistance plus exigeantes.
Dans le contexte de la prévention des catastrophes transfrontières, l'harmonisation à rechercher dans le domaine de la cartographie des risques doit trouver un prolongement naturel dans le domaine des normes d'occupation des sols et de construction. Les Etats qui seraient tentés de faire preuve de laxisme à cet égard doivent prendre conscience que l'avantage apparent qu'ils peuvent en escompter, par exemple en termes d'accueil des investissements productifs, risque d'aboutir à une concentration artificielle d'activités à risque et pourrait dès lors se retourner contre eux en cas de catastrophe.
Il serait erroné et contre-productif de donner à penser que les stratégies d'action contre les catastrophes naturelles se résument à prévoir les zones exposées et à prendre des mesures visant à minimiser les conséquences des catastrophes. La réduction des risques eux-mêmes peut constituer un autre élément important d'une politique de prévention, même si elle ne trouve pas à s'appliquer à tous les types de catastrophes naturelles. C'est sans doute pour le risque d'inondation que cette action en amont est la plus efficace et c'est aussi celui pour lequel le besoin de coopération internationale est le plus grand. Il existe en effet près de 260 fleuves internationaux pour lesquels la régulation hydrographique ne peut efficacement s'organiser qu'au niveau du bassin fluvial.
Les mesures d'entretien du lit des fleuves (nettoyage des berges, curage, rectification) doivent ainsi être décidées et appliquées de manière coordonnée par tous les pays concernés. Les organismes de bassin constituent un cadre approprié pour mettre en œuvre cette concertation. Cette remarque vaut également pour les autres activités qui visent à réduire les risques d'inondation, comme la construction de digues de protection ou la création de zones de stockage ou de barrages écrêteurs de crue. Les initiatives ci-dessus énumérées pourront également contribuer à réduire les risques d'érosion ou de sécheresse.
Dans le même esprit, la préservation des zones humides est d'un importance cruciale dans la prévention des risques d'inondation, d'érosion ou de sécheresse. Compte tenu de l'étendu a souvent très importante des zones en question, leur préservation doit fréquemment être organisée dans le cadre d'une coopération internationale. Trop souvent, leur rôle déterminant dans la régulation des régimes hydrologiques n'a été compris qu'après leur destruction. Les problèmes provoqués par la disparition ou la dégradation de ces milieux vont de l'amplification catastrophique des crues à l'érosion accélérée du littoral ou des berges. Le comportement des zones humides à l'échelle d'un bassin versant peut être assimilé à celui d'une éponge. Lorsqu'elles ne sont pas saturées en eau, les zones humides retardent globalement le ruissellement des eaux de pluies et le transfert immédiat des eaux superficielles vers les fleuves et les rivières situés en aval. Elles " absorbent " momentanément l'excès d'eau puis le restituent progressivement lors des périodes de sécheresse. De plus, en période de crue, les zones humides des plaines inondables jouent un rôle de réservoir naturel.
Les feux de forêt constituent également un risque " naturel " qui peut faire l'objet d'une prévention efficace, dans la mesure où ces feux sont très souvent causés par une imprudence humaine. Dans ce cas, c'est la sensibilisation des populations concernées sur les comportements à risques (mégots, barbecues, feux de camp, pratique de l'écobuage), assortie d'une surveillance des massifs forestiers et de l'application de sanctions dissuasives, qui permettra d'obtenir des résultats significatif.
Sur un plan plus général, il faut insister sur la nécessité de maîtriser la tendance actuelle au réchauffement de la planète (qui est par nature un risque transfrontière), puisqu'il existe de sérieuses raisons de penser que la poursuite de cette tendance serait un facteur majeur de multiplication des catastrophes naturelles hydro-météorologiques et d'accroissement de leurs effets destructeurs. Pour atteindre cet objectif, il faut s'appuyer sur les mesures internationales existantes, à savoir la Convention cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques du 9 mai 1992 et surtout le Protocole de Kyoto du 11 décembre 1997, qui prévoit des objectifs contraignants de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour les pays industrialisés. A cet égard, la 108e conférence voudra sans doute confirmer l'appui parlementaire à la ratification du Protocole de Kyoto prévu par la résolution adoptée l'an dernier par la 107e conférence.
Sans prétendre être exhaustif, on mentionnera pour mémoire d'autres mesures visant à prévenir l'apparition des risques naturels, réduire leur intensité ou atténuer leurs manifestations :
- pour les mouvements de terrain : suppression ou stabilisation des masses ou sols instables (par des moyens mécaniques ou par implantation de végétaux) ; collecte des eaux de surface ; drainage ; système de déviation, de freinage ou d'arrêt des éboulis ; renforcement des constructions exposées.
- feux de forêt : mise en place d'accès pour les pompiers, de pare-feu, de points d'eau ; débroussaillage et entretien.
On remarquera que, pour certains risques, la prévention est presque impossible (éruptions volcaniques) ou limitée à l'édiction de normes de résistance dont l'efficacité ne peut être garantie en cas de conditions météorologiques ou géologiques extrêmes (tremblements de terre, cyclones, tempêtes).
Ce constat fait ressortir l'importance d'une gestion efficaces des catastrophes subséquentes.
LA GESTION DES CATASTROPHES
La gestion des catastrophes repose au premier chef sur l'existence d'un système de surveillance et d'alerte rapide efficient.
Pour les risques climatiques ou géologiques, la surveillance doit être permanente. Compte tenu de l'ampleur et/ou de la vitesse de déplacement des phénomènes naturels susceptibles de provoquer des catastrophes, cette surveillance est souvent opérée à l'échelle internationale, dans le cadre d'accords bilatéraux ou plus fréquemment multilatéraux, ou sous l'égide d'organisations internationales spécialisées. De ce point de vue, le système de détection des cyclones mis en place à partir de 1951 par l'Organisation météorologique mondiale constitue un bon exemple. La mutualisation des risques nécessaires au fonctionnement d'un système international de surveillance doit permettre à tous les pays concernés, quelle que soit leur richesse relative, de bénéficier de la même qualité d'information.
La surveillance des risques naturels doit être prolongée par des dispositifs d'alerte rapide. Outre les mesures préventives permanentes qui ont été évoquées plus haut, l'information rapide des populations concernées sur les catastrophes naturelles à venir leur permettra de prendre en temps utile des dispositions appropriées pour réduire leur vulnérabilité, qui peuvent aller de l'évacuation des lieux à la préparation des bâtiments à la menace.
Pour que l'alerte rapide soit pleinement efficace, il faut que les personnes habitant ou travaillant dans les zones exposées aient préalablement reçu des consignes sur la conduite à adopter en cas de catastrophe imminente, car chaque individu ou foyer peut réduire son propre risque en appliquant ces consignes (par exemple : obturation des entrées d'eaux en cas d'inondations, coupure du gaz, de l'eau et de l'électricité en cas de tremblement de terre, renforcement des toitures et consolidation des ouvertures en cas de cyclone…). Il est évidemment aussi nécessaire que le mode de diffusion de l'alerte rapide permette bien de toucher les personnes concernées. Dans le cas des catastrophes transfrontières, une centralisation ou une coordination des procédures d'alerte rapide paraît nécessaire, car il ne serait pas acceptable que des différences d'organisation administrative aient pour conséquence qu'une alerte soit diffusée dans un pays moins rapidement ou moins complètement que dans un autre.
Après la surveillance et l'alerte rapide, l'organisation des secours constitue le troisième maillon de la chaîne de gestion du risque. Cette organisation doit reposer sur des plans d'intervention pré-établis pour chaque type de catastrophe. Dans le cas des catastrophes transfrontalières, il est souhaitable que les autorités nationales chargées de la protection civile se concertent pour parvenir, soit à un plan de secours unique, soit à des plans coordonnés. Les plans ainsi établis doivent notamment permettre aux moyens humains et matériels dépendant d'un Etat d'être engagés sur le territoire d'un autre Etat touché par la catastrophe, lorsque cela s'avère nécessaire pour optimiser l'utilisation des moyens disponibles. Il faut souligner que cette possibilité ne sera réellement efficace que s'il existe un degré d'inter-opérabilité suffisant entre les équipements respectifs des équipes de secours. Cette dernière condition fait ressortir la nécessité d'une planification préalable, complète et précise des modalités de la coopération des forces de protection civile de deux ou plusieurs pays en cas de catastrophes naturelles. Des entraînements communs de ces équipes paraissent également souhaitables.
LA NECESSITE D'UNE APPROCHE TRANSVERSALE
Certains aspects de l'action contre les catastrophes naturelles relèvent d'une approche transversale, dans la mesure où ils concernent à la fois l'évaluation, la prévention ou la gestion des risques naturels. Le groupe français souhaite dans ce cadre proposer une orientation générale et deux mesures plus concrètes.
L'orientation est celle qui consiste à intégrer les impératifs de la prévention et de la gestion des catastrophes naturelles dans la réflexion sur le développement durable et surtout dans les programmes qui tendent vers cet objectif.
Il est important de comprendre que l'existence de catastrophes naturelles fréquentes et dévastatrices constitue en elle-même un frein au développement et que, à l'inverse, plusieurs caractéristiques spécifiques des pays en développement ont pour conséquence d'accroître la vulnérabilité de leurs populations aux catastrophes. Une pression démographique non contrôlée et une urbanisation mal maîtrisée conduisent ainsi de nombreux habitants des pays en cause à vivre dans des zones particulièrement sujettes aux catastrophes naturelles, notamment parce qu'elles sont souvent exposées à un risque identifié (cas des plaines inondables, par exemple) ou dépourvues de voirie stabilisée et de réseaux d'assainissement. La dégradation de l'environnement - et notamment la déforestation provoquée par les mêmes phénomènes - joue dans le même sens.
L'augmentation rapide des émissions de gaz à effet de serre causée par une industrialisation peu soucieuse de considérations écologiques et la recherche de la plus grande économie dans le choix des matériaux et des techniques de construction sont également des facteurs d'accroissement de la vulnérabilité aux catastrophes.
Il importe donc de permettre aux pays en développement de compenser ces handicaps particuliers en prévoyant le financement des mesures correctrices correspondantes dans le cadre des politiques publiques d'aide au développement. Au-delà de ces mesures correctrices, les pays en développement doivent également être encouragés à choisir des modèles de développement permettant de maîtriser ou de réduire les effets potentiels des catastrophes naturelles sur leurs populations. Dans cette optique, l'intérêt particulier des programmes visant à informer ces populations sur les comportements qu'elles peuvent adopter pour accroître leur résistance doit être soulignée.
S'agissant des catastrophes naturelles transfrontières, on a vu qu'une coopération institutionnalisée entre les Etats concernés était nécessaire à tous les niveaux des politiques de prévention et de gestion des risques naturels.
De nombreux accords bilatéraux ou multilatéraux concernant un ou plusieurs risques naturels exiseant déjà, et certains organismes ont réalisé des compilations partielles de ces accords, dont l'architecture générale est très variable. Pour aider les pays - et en particulier les pays en voie de développement - qui souhaiteraient conclure de tels accords ou améliorer ceux déjà entrés en application, il serait utile d'élaborer des projets d'accords-type par catégorie de risques qui auraient une structure harmonisée distinguant plusieurs têtes de chapitre (dont la cartographie du risque, les mesures de prévention, l'alerte rapide, l'organisation des secours) et comporteraient des propositions de stipulations. L'élaboration de ces projets pourrait être confiée au secrétariat de l'ISDR.
La question des échanges d'expérience revêt également une importance particulière. Beaucoup de pays confrontés à des catastrophes naturelles fréquentes ont acquis un savoir faire très précieux, notamment dans les domaines de la prévision des catastrophes et des mesures visant à réduire les risques ou à atténuer les effets des catastrophes. Dans ces domaines, l'efficacité n'est pas toujours liée aux moyens financiers engagés ou au recours à la haute technologie, et des pratiques et techniques traditionnelles ou indigènes se sont parfois révélées très performantes. Il est donc souhaitable de pouvoir valoriser ces " retours d'expérience " en mettant en commun les savoir-faire ainsi accumulés. A cette fin, l'ISDR pourrait créer en son sein une " Agence des bonnes pratiques pour la prévention et la gestion des catastrophes naturelles ". On soulignera que le succès de cette Agence suppose que les pays concernés se dotent d'un mécanisme interne de centralisation des bonnes pratiques car, faute de circulation de l'information, celles-ci peuvent demeurer connues des seules communautés ou collectivités territoriales qui les ont expérimentées avec succès.
L'EXTENSION AUX RISQUES ANTHROPIQUES ET LE CAS PARTICULIER DES MAREES NOIRES
La distinction entre les catastrophes naturelles et les catastrophes anthropiques, c'est-à-dire causées par l'homme, est, on l'a vu, parfois difficile à déterminer, certaines des catastrophes classées dans la première catégorie étant en réalité souvent imputables à une activité humaine (par exemple les feux de forêt ou les glissements de terrain).
En réalité, la grande majorité des analyses et des recommandations ci-dessus présentées sont transposables aux risques industriels et technologiques. La seule différence - importante il est vrai - tient au fait que ces risques sont tous par nature " évitables ", ce qui devrait conduire à mettre en œuvre une action préventive particulièrement vigoureuse qui s'attachera prioritairement à empêcher la réalisation du risque ou au moins à le réduire autant qu'il est possible.
Si cette priorité est bien mise en œuvre, de manière certes inégalement satisfaisante, pour la plupart des risques technologiques et industriels ou liés au transport terrestre de matières dangereuses, il est un risque pour lequel le niveau de prévention reste très insuffisant. Il s'agit du risque de marée noire causée par le naufrage d'un pétrolier. Même si les marées noires n'entraînent en principe pas de pertes de vies humaines, elles ont des conséquences économiques, sociales et surtout environnementales suffisamment graves pour qu'on puisse juger choquante l'insuffisance de la réglementation internationale en la matière. Dans ce domaine, il convient de dépasser le stade des protestations non suivies d'effet et de prendre des mesures concrètes visant à équilibrer le principe de la liberté des mers par un principe de responsabilité en mer. Dans cette optique, la France propose les mesures suivantes :
Au titre de la prévention :
" Accélérer l'élimination des navires à risque à simple coque, la date de leur retrait étant ramenée à 2005 et étant assortie d'une limite d'âge de 23 ans ;
" interdire le transport des produits pétroliers les plus lourds dans les pétroliers à simple coque et étendre à tous ces navires quelque soit leur capacité un régime d'inspection renforcé ;
" modifier la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 pour permettre aux Etats côtiers de mieux se protéger contre le risque représenté par le passage des navires dangereux, notamment en permettant d'imposer à ces navires de respecter un éloignement minimal par rapport aux côtes ;
" prévoir la désignation par les Etats côtiers de sites refuges dans lesquels les navires en détresse auraient la possibilité de s'abriter rapidement ;
" créer des zones particulièrement vulnérables en raison d'un trafic intense, dans lesquelles les Etats concernés pourraient appliquer une réglementation renforcée ;
" instaurer un système international de validation des qualifications professionnelles des gens de mer.
Au titre de l'indemnisation :
" Renforcer l'application du principe " pollueur-payeur " en :
- portant à un milliard d'euros le plafond d'indemnisation complémentaire du FIPOL ;
- améliorer la convention CLC de 1969 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, en fixant les responsabilités respectives et/ou solidaires des différents acteurs du transport maritime (propriétaire du navire, armateur, affréteur, propriétaire de la cargaison…) et en étendant le champ de l'indemnisation aux dommages environnementaux.
Au titre du contrôle et des sanctions :
" augmenter les obligations de contrôle qui pèsent sur l'Etat du port et sur l'Etat du pavillon ;
" améliorer le fonctionnement des sociétés de classification en augmentant leur responsabilité en cas de négligence grave ou d'omission volontaire et en distinguant clairement leurs rôles de classification de leur rôle de contrôle ;
" mettre en œuvre les moyens de détection et de contrôle - notamment satellitaires - permettant d'identifier les pollutions volontaires par hydrocarbures résultant des dégazages et des déballastages et instituer des sanctions dissuasives pour les auteurs de telles pollutions ;
" engager une réflexion sur la possibilité de donner une consécration internationale à la notion de crime contre l'environnement.
Projet de résolution présenté
par le Groupe français
La 108ème conférence interparlementaire,
1) Fortement alarmée par l'augmentation rapide et continue du nombre de catastrophes naturelles et de leur coût humain, économique, social et environnemental,
2) consciente que les pays en développement sont proportionnellement les premières victimes des catastrophes naturelles et que plusieurs caractéristiques fréquemment observées de leur situation socio-économique - comme une forte croissance démographique ou une urbanisation rapide et non planifiée - sont de nature à accroître la vulnérabilité relative de leurs populations,
3) préoccupée par les graves conséquences sur la fréquence et l'intensité des catastrophes naturelles qu'aurait la poursuite de la tendance actuelle au réchauffement de la planète provoqué par l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre,
4) rappelant à cet égard la résolution intitulée : " Dix ans après Rio : dégradation mondiale de l'environnement et appui parlementaire au protocole de Kyoto " adoptée le 22 mars 2002 par la 107ème conférence interparlementaire,
5) tenant compte des acquis de la " Décennie internationale de la prévention des catastrophes naturelles " (1990-1999) organisée sous l'égide des Nations Unies et particulièrement de la " Stratégie de Yokohama pour un monde plus sûr " (mai 1991) et de la stratégie " Pour un monde plus sûr au XXIème siècle : prévention des risques et des catastrophes " (juillet 1999) adoptées dans le cadre de cette Décennie,
6) rappelant la résolution intitulée " La communauté internationale face aux défis posés par les désastres résultant de conflits armés et de catastrophes naturelles ou causées par l'homme : nécessité d'une réponse cohérente et efficace pour la mise en œuvre de moyens et des mécanismes politiques et d'assistance humanitaire, adaptés à la situation " adoptée le 1er avril 1995 par la 93ème conférence interparlementaire,
7) approuvant les objectifs de la " Stratégie internationale pour la prévention des catastrophes " (ISDR) mise en place par la résolution A/54/219 du 3 février 2000 de l'Assemblée générale des Nations Unies et prenant en considération les premiers enseignements tirés de la mise en œuvre de cette stratégie,
8) consciente que, dans le cas particulier des catastrophes naturelles transfrontières, les actions visant à prévenir ces catastrophes, à atténuer leurs effets et à gérer leurs conséquences ne peuvent être efficacement organisées par une coopération internationale appropriée et estimant en conséquence utile de définir les principes directeurs d'une telle coopération,
9) constatant que les principes dégagés pour la prévention et la gestion des catastrophes naturelles transfrontières peuvent être utilement étendus aux catastrophes transfrontières causées par l'homme et soulignant que ces dernières catastrophes doivent faire l'objet de mesures de prévention renforcées, dans la mesure où elles peuvent par définition toujours être évitées,
10) soucieuse de remédier à l'insuffisance manifeste de la réglementation internationale visant à prévenir le risque de " marée noire " :
1. invite tous les États à élaborer une cartographie des risques naturels susceptibles d'affecter leur territoire indiquant de manière aussi précise que possible les zones exposées et l'intensité du risque encouru et incite les États pouvant être frappés par une même catastrophe à retenir une méthode harmonisée d'élaboration de leurs cartes respectives, de manière à permettre une appréhension transfrontière du risque ;
2. appelle les États concernés par un risque de catastrophe transfrontière à se concerter pour tirer les conséquences des informations fournies par leurs cartes des risques naturels dans les règles d'occupation des sols et les normes de construction applicables dans les zones exposées, afin de favoriser des choix de localisation d'activités et d'usage de procédés de construction de nature à réduire la vulnérabilité aux risques naturels des populations concernées ;
3. demande également aux États concernés par un risque naturel transfrontière de définir et de mettre en œuvre d'un commun accord les mesures visant à réduire les différents types de risques et à atténuer les conséquences des catastrophes correspondantes, en soulignant particulièrement, pour le risque d'inondation, l'intérêt que présente, d'une part, la préservation des zones humides et, d'autre part, l'organisation au niveau du bassin fluvial des mesures d'entretien et de régulation hydrographique des fleuves transfrontières ;
4. engage les États à prendre conscience de l'impact que le réchauffement de la planète, dû aux émissions de gaz à effet de serre, a et aura sur la fréquence et la gravité des catastrophes naturelles transfrontières et les invite en conséquence à signer, à ratifier et à appliquer le protocole de Kyoto du 11 décembre 1997 et à prendre toutes les mesures nécessaires pour atteindre l'objectif global de la Convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique, à savoir stabiliser la concentration de gaz à effet de serre dans l'atmosphère à un niveau qui empêche une incidence dangereuse des activités humaines sur le système climatique ;
5. invite les États à signer, ratifier et mettre en application effective toutes les conventions internationales ayant pour objet de contribuer à prévenir les catastrophes naturelles, à atténuer leurs effets ou à faciliter la coopération internationale dans le domaine de la protection civile ;
6. exhorte les États à coopérer pour mettre en place des systèmes intégrés de surveillance et d'alerte rapide permettant, d'une part, de mobiliser les moyens techniques les plus performants pour suivre en permanence l'évolution des phénomènes naturels météorologiques ou géologiques susceptibles de provoquer une catastrophe naturelle et, d'autre part, d'avertir le plus rapidement et le plus complètement possible les populations concernées de la survenance probable d'une catastrophe naturelle ;
7. recommande aux États de mettre en place des programmes coordonnés visant à informer les personnes soumises à un risque de catastrophe naturelle des mesures permanentes qu'elles peuvent prendre pour réduire leur vulnérabilité, ainsi que des dispositions temporaires à mettre en œuvre dans le même but en cas de diffusion d'une alerte ;
8. encourage les États à élaborer de façon concertée des plans d'intervention applicables à chaque type de risque naturel, afin d'optimiser l'organisation des secours en cas de catastrophe naturelle transfrontière, à développer l'interopérabilité des matériels et des procédures de leurs services de secours et de protection civile respectifs et à prévoir des entraînements communs des personnels de ces services ;
9. demande à la communauté internationale d'intégrer les impératifs de la prévention et de la gestion des catastrophes naturelles dans les mesures visant à favoriser un développement durable et, notamment, de tenir compte, dans le contenu, le montant et le mode de financement des programmes d'aide au développement, du handicap que représente, pour les pays en développement, leur particulière vulnérabilité aux catastrophes naturelles ;
10. recommande à l'organisation des Nations Unies d'élaborer, par exemple dans le cadre de l'ISDR, des projets d'accords-types visant, pour un ou plusieurs risques naturels, à faciliter la conclusion d'accords organisant la coopération internationale entre pays voisins dans tous les domaines de la prévention et de la gestion des catastrophes naturelles ;
11. prie l'organisation des Nations Unies d'envisager la mise en place, par exemple dans le cadre de l'ISDR, d'une " Agence des bonnes pratiques pour la prévention et la gestion des catastrophes naturelles " ayant pour objet de favoriser les échanges d'expérience sur les moyens et les méthodes ayant fait la preuve de leur efficacité dans ce domaine ;
12. exhorte les États à appliquer également les recommandations ci-dessus exposées aux catastrophes causées par l'homme et les appelle à corriger un point faible de la réglementation internationale en durcissant les règles visant à prévenir les " marées noires ", notamment en
- accélérant l'élimination des navires à simple coque et en interdisant immédiatement le transport des produits pétroliers les plus lourds par ces navires ;
- habilitant les États côtiers à imposer aux navires dangereux de respecter un éloignement minimal par rapport à leurs côtes ;
- prescrivant la désignation de sites refuges pour les navires en détresse ;
- augmentant les obligations de contrôle qui pèsent sur l'État du port et l'État du pavillon
- renforçant la responsabilité des sociétés de classification ;
- améliorant le système d'indemnisation existant, notamment en précisant les responsabilités des différents acteurs du transport maritime et en étendant le champ de l'indemnisation aux dommages causés à l'environnement.