Le 22 octobre 2025, sous la présidence de M. Dominique de Legge (Les Républicains – Ille-et-Vilaine), président, le groupe d’amitié France-Saint-Siège s’est entretenu avec M. Jean-Christophe Peaucelle, conseiller pour les affaires religieuses du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE).
Étaient également présents MM. Christian Cambon (LR – Val-de-Marne) et Pierre Cuypers (LR – Seine-et-Marne), Mmes Pauline Martin (LR – Loiret) et Marie Mercier (LR – Saône-et-Loire) et M. Michaël Weber (Socialiste, Écologiste et Républicain – Moselle).
En introduction, M. Dominique de Legge, président, a interrogé M. Jean-Christophe Peaucelle sur son analyse de l’élection du nouveau pontife et sur son impact sur les grands dossiers internationaux, et plus particulièrement les relations avec les Etats-Unis et la Chine.
M. Jean-Christophe Peaucelle a tout d’abord indiqué qu’il fallait lire les pontificats deux par deux. Les cardinaux pourtant créés par le prédécesseur élisent souvent le successeur pour changer la manière d’être pape. Cela a été marqué entre Benoît XVI et François. Pour autant, les différences sont logiquement beaucoup moins marquées en termes de doctrine. Si François a eu des intuitions puissantes en faveur des pauvres, des migrants ou de l’écologie, il n’a pas été le premier. Pape du geste plutôt que du texte, il a créé du trouble chez certains fidèles. Sortant souvent du texte préparé, ses déclarations spontanées ont pu être floues et susciter une attente que l’Église ne pouvait en définitive pas satisfaire. Il a aussi mené un exercice solitaire et parfois brutal de sa charge. Les cardinaux avaient donc la conviction qu’il fallait assurer une continuité apaisée et adaptée et, plus encore qu’élire un successeur à François, choisir le successeur de saint Pierre.
Le nouveau pape est un homme profondément spirituel. Religieux augustinien, il a une foi christo-centrée. Il écoute et travaille avec la curie. Il écrit et lit ses interventions où il fait référence à François comme à ses prédécesseurs, le replaçant dans une chaîne ininterrompue. Il revient à une figure plus classique, dans son habillement comme à travers son retour à Castel Gondolfo où François n’allait jamais.
En politique étrangère, il est revenu aux fondamentaux. Dans son discours au corps diplomatique du 16 mai 2025[1], il a rappelé que la diplomatie pontificale était indissociable de la mission évangélique au service de l’humanité, et donc de la paix, de la justice et de la vérité qui n’est jamais séparée de la charité. Le fait que les présidents ukrainiens et américains aient renoué dans la basilique Saint-Pierre à l’occasion des obsèques de François montre le potentiel d’influence du Saint-Siège.
Avec la France, il est possible d’espérer un retour à une meilleure compréhension. Malgré la complicité entre François et le président de la République Emmanuel Macron, le refus du pape de se rendre formellement en France mais à Strasbourg auprès des institutions européennes, à Marseille ou à Ajaccio plutôt qu’à Notre-Dame a blessé. Par ailleurs, le pape François reprochait aux évêques la gestion des abus. Léon XIV est sans doute beaucoup plus proche de notre pays. Sa grand-mère est née au Havre. Il a multiplié les signaux amicaux envoyant des messages aux nouveaux baptisé, aux prêtres jubilaires de Paris ou encore sur les grands saints français. Enfin, le 5 juillet 2025, le pape Léon XIV a nommé Mgr Thibault Verny, archevêque de Chambéry, à la présidence de la Commission pontificale pour la protection des mineurs, succédant ainsi au cardinal américain Sean O’Malley, ce qui est un signe clair de la direction qu’il souhaite donner.
Nous nous trouvons donc certainement au seuil d’un grand pontificat alliant solidité théologique et ouverture pastorale.
Répondant à M. Michael Weber qui se demandait si, après la séduction des débuts, il n’y avait pas un risque de déception face aux attentes, M. Jean-Christophe Peaucelle a estimé que ces dernières étaient souhaitées par le pape. Sa première exhortation apostolique, Dilexi te[2], montre une préoccupation sociale évidente. Son prochain voyage en Turquie et au Liban devrait aussi donner des indications. L’intelligence artificielle (IA) pourrait être un sujet majeur ; le Pape pourrait en effet publier une lettre encyclique fondatrice comme Léon XIII avec Rerum novarum[3] (15 mai 1891) lors de la révolution industrielle. Léon XIV est également très attaché à l’œcuménisme. Léon Ier, autre référence du choix de son nom, était le pape du concile de Nicée dont on fête le 700e anniversaire. Enfin, s’il ne renie pas la synodalité mise en avant par le pape François, il l’a remise en perspective avec l’autorité de l’évêque comme successeur des apôtres et avec la collégialité du pape avec les évêques.
À la suite d’une question de M. Pierre Cuypers, M. Jean-Christophe Peaucelle a confirmé qu’aucune évolution doctrinale ne devait être attendue quant à la position des papes sur la protection de la vie, de son commencement à sa fin naturelle.
Abordant enfin les questions d’enseignement à l’invitation de Mme Pauline Martin, il a rappelé le double fondement de la loi de séparation de 1905 depuis 120 ans, mais également des accords Poincaré-Cerretti de 1924 dont on a célébré le 100e anniversaire[4] et qui ont marqué l’adaptation de la loi de séparation aux spécificités de l’organisation et du fonctionnement de l’Église catholique. Ces accords restent d’actualité et ont été adaptés à la suite de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République[5]. Cette adaptation a été rendue possible dans les deux cas par la voie diplomatique.
[1] www.vatican.va/content/leo-xiv/fr/speeches/2025/may/documents/20250516-corpo-diplomatico.html
[2] www.vatican.va/content/leo-xiv/fr/apost_exhortations/documents/20251004-dilexi-te.html
[3] www.vatican.va/content/leo-xiii/fr/encyclicals/documents/hf_l-xiii_enc_15051891_rerum-novarum.html
[4] www.diplomatie.gouv.fr/fr/le-ministere-et-son-reseau/actualites-du-ministere/article/laicite-colloque-commemorant-le-centenaire-de-l-accord-poincare-cerretti-de
[5] www.legifrance.gouv.fr/dossierlegislatif/JORFDOLE000042635616/
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