M. PELLETIER -

La représentation nationale est réunie, en décalage avec l'actualité, pour réviser notre Constitution et y introduire enfin ! un droit des collectivités locales, pour libérer notre société et remettre en oeuvre la démocratie locale. L'enjeu de cette relance de la décentralisation est de réconcilier le citoyen avec la res publica . Il y faut courage, conviction et responsabilité du Gouvernement et des élus, mais la réussite s'impose pour refonder notre démocratie, après le choc du 21 avril 2002. Dans ma très longue expérience de parlementaire, je ne me souviens pas d'une telle perte de confiance, d'un tel divorce entre la population et ses représentants. Les causes de ce malaise, conjoncturelles et structurelles, imposent des modifications de comportement et le changement des rapports entre l'Etat et les citoyens. L'Etat français demeure centralisateur, protecteur, paternaliste et peu éloigné du despotisme administratif que redoutait Tocqueville.

La décentralisation n'a pas été suffisante. Mon groupe, le RDSE, a constitué, il y a un an un groupe de travail dont les propositions ont été livrées en juin : il faut un rééquilibrage des pouvoirs locaux pour faciliter la gestion du quotidien, l'Etat conservant ses fonctions régaliennes : l'Etat moderne sera, pour paraphraser Michel Crozier, un Etat modeste.

L'apport essentiel de cette révision est d'introduire dans le texte constitutionnel les expérimentations. L'autonomie sera délicate à mettre en oeuvre : elle a un coût et elle est indissociable de la péréquation. Mon groupe a constitué un groupe de travail sur ce sujet.

La décentralisation a été trop souvent perçue comme un retour aux féodalités locales. Sa relance doit, au contraire, permettre de ressourcer l'Etat et instaurer la démocratie des petits espaces dont parlait Soljenitsyne.

A l'exception de quelques-uns de mes collègues qui regrettent que la péréquation ne soit pas prévue par le texte, mon groupe votera cette révision. (Applaudissements)

M. CHASSAIGNE -

Je salue le message de paix du Président du Congrès et du Premier ministre au début de la séance.

Le groupe des députés et députées communistes et républicains s'est clairement prononcé en faveur de la décentralisation, l'Etat restant responsable de la cohésion nationale et du développement équilibré des territoires. Il faut une refonte de nos institutions pour développer la démocratie participative, en rupture avec les institutions de la V è République.

Ce n'est pas avec des conseils régionaux bicolores, sans minorités, que l'on y parviendra. Il y faudra des ressources aussi. Notre engagement en faveur de la décentralisation ne peut nous faire voter ce texte qui exprime une conception rétrograde de la démocratie. Il est marqué par une crainte vis-à-vis des citoyens : le droit de pétition par exemple n'est pas vraiment assuré. Le principe de subsidiarité remet en cause la compétence générale reconnue aux collectivités locales.

Ce texte donne des gages au Sénat et lui confère une primauté nouvelle : c'est un recul de la démocratie représentative. (Murmures)

Votre projet remet en cause le principe d'égalité devant la loi. Le droit à l'expérimentation augmentera les distorsions dans une France éclatée. C'est un remodelage du territoire autour des métropoles régionales qui nous est proposé, alors que les services publics ferment. (Applaudissements sur plusieurs bancs) L'Etat se lance dans le déménagement du territoire ! (Même mouvement)

Ce projet marque la volonté du gouvernement de conforter les inégalités : la solidarité n'en sort pas grandie. Le volet financier confirme cette indifférence. Le problème de la réforme radicale des impôts locaux n'est pas posé. C'est le principe d'égalité dans notre droit qui est remis en cause. Liberté, égalité, fraternité sont menacées, ce sont les valeurs de la République qui sont battues en brèche. (Murmures) Nous ne sous-estimons pas l'ampleur de cette réforme : une loi ne suffisait pas car il ne s'agit pas seulement de décentralisation. Le texte vise en réalité à réduire les dépenses publiques et sociales. Ce projet, comme la privatisation de nos services publics, atteste de la détermination du Gouvernement à mener une politique ultra-libérale. Cette réforme a reçu le soutien du Medef (Ah ! Ah !) au nom d'une prétendue efficacité.

La République représente des valeurs à réaliser : on ne l'instrumentalise pas. L'organisation administrative n'a rien à voir avec nos principes fondamentaux. Vous avez, monsieur le Premier ministre, préféré l'urgence qui éloigne citoyens et parlementaires. Nous attendons les lois organiques avec inquiétude et vigilance. Le Président de la République a du reste préféré un Congrès au référendum, alors que le Congrès doit être réservé aux révisions constitutionnelles mineures. Nous ne souscrivons donc ni à la forme ni au fond de ce texte : nous avons pour objectif de vous empêcher de réaliser vos objectifs rétrogrades. (Applaudissements)

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