C. LES RELATIONS AVEC LA RUSSIE ET LA PLACE DE L'UKRAINE EN EUROPE


• Compte tenu de son histoire, de sa situation géopolitique et économique, l'Ukraine ne peut ignorer la Russie. Pour autant, les relations entre les deux pays ne sont pas exemptes d'arrière-pensées et les sujets d'opposition ne manquent pas. « Le partage et le contrôle de l'arsenal nucléaire et de la flotte de la mer noire, le statut de la Crimée, les droits des Russes, les frontières : tels sont les principaux points de litige et les leviers de Moscou contre la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Ukraine.» ( ( * )1) .

Les interlocuteurs de la délégation ont reconnu que le dialogue russo-ukrainien était parfois difficile, mais ont tous insisté sur l'importance qu'ils attachent aux relations avec la Russie. On a récemment appris que les Présidents russe et ukrainien seraient parvenus à un accord informel sur la réorganisation de l'ancienne flotte soviétique de la mer noire. Ainsi, tous les problèmes en suspens sur les ports d'attache de la partie russe de cette flotte basée en Crimée seraient en passe d'être réglés. On ne peut que souhaiter la confirmation de ces informations.

Les relations avec la Russie sont d'autant plus complexes qu'il existe de fortes minorités russes dans de nombreuses parties de l'Ukraine, que les Russes sont largement majoritaires en Crimée et qu'une partie de la population ukrainienne est russophone.

L'Ukraine a signé des traités de paix et d'amitié avec tous les autres pays voisins sauf avec la Roumanie. Il existe en effet un différend territorial entre ces deux pays, qui rend plus difficile leur rapprochement. La Roumanie, en effet, revendique la Bucovine du Nord et l'île des Serpents devenues soviétiques en 1948.

D'une manière générale, l'Ukraine conduit une politique tournée vers l'Ouest. Elle ne refuse pas la coopération avec les pays de la C.E.I., mais est hostile aux initiatives qui pourraient limiter sa souveraineté.


• L'objectif à long terme de l'Ukraine est l'adhésion à l'Union européenne. Pour l'heure, l'Ukraine a signé le 14 juin 1994 un accord de partenariat et de coopération avec l'Union européenne ainsi qu'un accord intérimaire destiné à mettre en vigueur rapidement certaines dispositions de l'accord de partenariat.

L'Union européenne a signé des accords de partenariat et de coopération avec l'ensemble des pays de la C.E.I. Ces accords contiennent des dispositions commerciales, des dispositions relatives aux activités des entreprises, aux investissements et aux services, enfin des dispositions institutionnelles avec la mise en place d'un conseil de coopération au niveau ministériel.

L'accord de partenariat et de coopération entre l'Union européenne et l'Ukraine n'est pas encore entré en vigueur, faute de ratification par l'ensemble des Parlements des pays de l'Union européenne. Le Parlement ukrainien a, pour sa part, ratifié cet accord dès la fin de l'année 1994. Plusieurs personnalités ukrainiennes nous ont fait remarquer que le Parlement français n'avait pas encore ratifié l'accord. Le projet de loi a été déposé par le Gouvernement le 5 juin 1996 et a été adopté le 11 décembre par l'Assemblée nationale ; sur le rapport de M. Yves Guéna ( ( * )1) , la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat a approuvé le projet de loi le 18 décembre 1996. Il devrait être définitivement adopté en janvier 1997.

Les relations entre l'Union européenne et l'Ukraine ne sont pas exemptes de difficultés. Ainsi, l'Ukraine a le sentiment d'avoir à faire face à un certain protectionnisme de l'Union européenne à l'égard de ses exportations, particulièrement en ce qui concerne les produits sidérurgiques. Il est vrai que la mise en place de clauses de sauvegarde ou de mesures antidumping à l'égard de produits provenant de pays auxquels l'Union européenne souhaite venir en aide peut paraître incohérente, mais l'Union européenne doit également prendre en compte la situation de son marché et de ses producteurs. Le 8 octobre dernier, le Conseil de l'Union européenne a donné mandat à la Commission européenne pour qu'elle négocie de nouveaux accords sur l'acier pour une période de cinq ans avec la Russie, l'Ukraine et le Kazakhstan. On peut espérer que ces négociations conduiront à des solutions satisfaisantes.


• L'une des questions les plus importantes qui se pose à l'Ukraine est celle de sa sécurité. L'Ukraine, qui a renoncé à son statut de puissance nucléaire en échange d'un traité garantissant sa sécurité, redoute par-dessus tout de devenir une « zone grise » entre la Russie et une Organisation du Traité de l'Atlantique Nord élargie à bon nombre de Pays d'Europe Centrale et Orientale.

L'Ukraine a signé dès le 8 février 1994 le partenariat pour la paix mis en oeuvre dans le cadre de l'OTAN. Par la suite ce partenariat a été rejoint par l'ensemble des Républiques issues de l'ancienne Union soviétique.

La question de l'élargissement de l'OTAN a été abordée au cours de plusieurs des entretiens de la délégation sénatoriale. M. Oleksander MOROZ, Président de la Rada, a plaidé pour un processus progressif prenant en compte la situation de l'ensemble des pays du continent européen. Ces propos rejoignent les paroles prononcées par le Président de l'Ukraine, M. Leonid KOUTCHMA, devant l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, le 23 avril 1996 : « En ce qui concerne la coopération avec les organisations comme l'OTAN et l'UEO, l'Ukraine cherche une voie de coopération équilibrée, dont la première étape a été constituée par le partenariat en faveur de la paix. Elle considère qu'une zone dénucléarisée dans la région pourrait contribuer beaucoup à la stabilité. La sécurité du continent serait en tout cas vouée à l'échec si les pays non alignés se retrouvaient dans une sorte de zone tampon, grise, entre l'OTAN et le puissant voisin de l'Ukraine. Celle-ci n'est pas hostile à tout élargissement de l'OTAN, mais elle considère que cet élargissement doit être un processus ouvert et ne doit pas contribuer à la réapparition de confrontations. »

* (1) Claire Mouradian, « Le retour de l'U.R.S.S. ? », Politique internationale, 1996.

* (1) Rapport n° 158, 18 décembre 1996.

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