Rapport de groupe interparlementaire d'amitié n° 32 - 1er décembre 1999

Disponible au format Acrobat (3 Moctets)

Rapport d'activité

de la section française

de l'Assemblée parlementaire

de la Francophonie

(1 er octobre 1999 - 1 er octobre 2000)

Présenté par M. Louis Mexandeau,

député, Président délégué de la Section française

BUREAU DE LA COMMISSION DE L'ÉDUCATION, DE LA COMMUNICATION ET DES AFFAIRES CULTURELLES

Aoste, 8-10 novembre 1999

-------------

Le Bureau de la Commission de l'Éducation, de la Communication et des Affaires culturelles s'est réuni à Aoste, en Italie, les 8, 9 et 10 novembre 1999, sous la présidence de M. Bernard Comby, député confédéral suisse. Neuf sections étaient présentes. La section française était représentée par MM. Joël Bourdin, sénateur (RI) de l'Eure), rapporteur, et Bruno Bourg-Broc, député (RPR) de la Marne, vice-président de la sous-commission de l'Éducation.

Après un rappel, par M. Bernard Comby, président, des travaux de la commission ainsi que des recommandations et résolutions adoptées par l'assemblée générale d'Ottawa, M. Robert Louvin, président du conseil régional de la Vallée d'Aoste, hôte du Bureau, a prononcé un mot de bienvenue, rappelé l'identité francophone de la Vallée d'Aoste et évoqué les conséquences pour la région de la fermeture du tunnel du Mont Blanc.

Le Bureau a ensuite adopté son ordre du jour.

M. Dimo Dimov, député de Bulgarie, rapporteur, a présenté un projet de résolution portant sur la lutte contre l'échec scolaire. Un débat s'est engagé, au cours duquel sont intervenus MM. Jacques Chagnon, député du Québec, Joël Bourdin, Ego Perron, conseiller du Val d'Aoste, Robert Louvin, Pascal Manga, député du Sénégal, Nataniel Bah, député du Bénin, ainsi que Mmes Alphonsine N'Diore, député de Côte d'Ivoire, et Teresa Charles, président délégué de la section de la Vallée d'Aoste. Ce débat a notamment porté sur les prolongements de l'éducation par la formation continue, les inconvénients des passages de classe automatiques, l'adaptation des formations aux besoins des entreprises, les "discriminations positives", les taux d'encadrement, l'insertion des élèves lés plus démunis et l'intégration de l'Afrique et de ses particularismes dans la résolution.

M. Robert Louvin, co-rapporteur, a rappelé la nécessité de tenir compte des contraintes budgétaires et a mis en garde contre une école au seul service de la production et de l'économie qui négligerait les enjeux culturels et esthétiques. M. Dimo Dimov, rapporteur, a souligné les spécificités des pays de l'Est. En conclusion, sur proposition de M. Bernard Comby, président, le Bureau a décidé que les sections seraient invitées à formuler leurs remarques par écrit avant le 30 novembre et qu'une synthèse serait rédigée et envoyée aux sections avant la prochaine réunion de la commission, en mars 2000, en vue de l'examen et de l'adoption du projet de résolution à présenter à la prochaine assemblée générale.

M. Bruno Bourg-Broc, rapporteur, a présenté un pré-rapport sur "la privatisation de la presse et le pluralisme d'opinions". Il y définissait largement la presse, en y incluant l'audiovisuel et le multimédia, et mettait en évidence les avantages, au regard du pluralisme d'opinions, d'une presse privée, par rapport à une presse publique, tout en soulignant les risques d'une application trop libérale des règles du marché. Il s'est aussi interrogé sur les moyens d'appliquer ces principes dans les pays du sud et a sollicité les témoignages de leurs représentants pour approfondir son étude. Au cours du débat, citant l'exemple du Val d'Aoste, M. Robert Louvin a évoqué la question de la survie de la presse francophone dans les pays où existe un pluralisme linguistique. M. Bernard Comby, président, a repris la proposition du rapporteur de procéder à des auditions et a souligné les risques liés aux situations dominantes et aux monopoles. Il a aussi évoqué la place de la presse francophone dans les pays où les francophones sont minoritaires. M. Dimo Dimov a rappelé que l'étatisation de la presse conduisait à centraliser tous les moyens dont dépendait la liberté d'opinion et a mis en garde contre le rachat pur et simple d'une presse étatisée par de grands groupes capitalistes. Il a également mentionné la place considérable prise aujourd'hui par la télévision, approuvant sur ce point les orientations du pré-rapport.

Évoquant la situation du Bénin et du Niger, M. Nataniel Bah a rappelé que la liberté concédée aux journalistes ne suffisait pas à garantir le pluralisme d'opinions, car ceux-ci, confrontés à de graves difficultés économiques, pouvaient être tentés de se mettre aux services des plus offrants, transformant leurs articles en "publi-reportages". Pour lui, la liberté de la presse ne garantissait le pluralisme d'opinions que lorsque les moyens financiers allaient de pair. M. Bernard Comby, président, a rappelé que la formation des professionnels de la presse et la fixation d'un code de déontologie devaient être placées en tête des priorités. Le Bureau a décidé que le rapport et un projet de résolution seraient présentés par M. Bruno Bourg-Broc lors de la prochaine réunion de la commission.

Pendant ses travaux, le Bureau de la commission a reçu la visite de M. Ennio Pastoret, assesseur (ministre) à l'éducation et à la culture du gouvernement régional valdotain. Le ministre a notamment souligné l'importance que revêtait cette réunion pour la défense de la langue française au Val d'Aoste.

Le Bureau, sur la demande du Secrétaire général parlementaire, M. Jacques Legendre, a inscrit la "lutte contre le Sida" parmi ses thèmes de travail et a chargé Mme Alphonsine N'Diore ainsi que MM. Pascal Manga et Nataniel Bah de rédiger un pré-rapport pour la réunion de la commission en mars 2000.

Toujours sur la demande de M. Jacques Legendre, le Bureau a débattu de l'opportunité de rédiger une résolution en prévision des négociations de l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) à Seattle. Un texte a finalement été adopté, portant sur l'exception culturelle, la défense de la liberté des États d'organiser la scolarité comme ils l'entendent, et la promotion de normes sociales et environnementales minimales. Cette résolution du Bureau sera immédiatement adressée aux instances concernées.

Le Bureau a également demandé à M. Joël Bourdin de présenter un bref rapport et un projet de résolution sur "l'Université francophone multi-sites de l'Océan indien".

Il a ensuite décidé d'étudier la proposition de M. Jacques Chagnon sur les possibilités de formation à distance en matière parlementaire qu'offraient les inforoutes, afin de s'assurer que ce thème ne relevait pas d'une autre commission.

Enfin le Bureau a fixé, sur proposition de la section gabonaise, la prochaine réunion de la commission à Libreville, au Gabon, du 6 au 10 mars 2000. Il a ajouté à l'examen des rapports et des projets de résolution déjà mentionnés la désignation d'un président provisoire, jusqu'à l'assemblée générale de juillet, en remplacement de M. Bernard Comby, démissionnaire, ainsi que l'audition des nouveaux responsables de l'Agence universitaire de la Francophonie.

SÉMINAIRE PARLEMENTAIRE

Bangui (République Centrafricaine), 13-15 décembre 1999

La Commission des Affaires parlementaires a organisé à Bangui (République Centrafricaine) du 13 au 15 décembre 1999, un séminaire parlementaire consacré au parlement centrafricain de l'an 2000, décliné en trois sous-thèmes :

- le rôle et le travail du parlementaire

- le rôle de l'opposition et de la majorité

- le rôle des partis politiques

Ce séminaire répondait au souhait exprimé par les autorités centrafricaines de tenir à Bangui, un séminaire parlementaire d'information et d'échanges au profit de l'ensemble des 109 parlementaires centrafricains alors que nombre d'entre eux venaient d'être élus pour la première fois lors du scrutin législatif de novembre et décembre 1998.

M. Pierre Favre, ancien député, est intervenu comme conférencier animateur sur les deux premiers thèmes.

LE TRAVAIL ET LE RÔLE DU PARLEMENTAIRE

Communication de M. Pierre Favre

Remarque préliminaire : à la différence de la République centrafricaine, dont le Parlement est monocaméral, le pouvoir législatif en France est exercé par deux assemblées, l'Assemblée nationale, élue au suffrage universel direct, et le Sénat, élu au suffrage indirect.

Étant ancien membre de l'Assemblée nationale, j'évoquerai plus spécifiquement dans mon exposé le travail et le rôle du député.

En France, comme en Centrafrique, le député est élu au scrutin uninominal dans une circonscription ; ce faisant, il remplit une double fonction :

- il est d'abord, conformément à la théorie de la représentation nationale, l'élu de la nation, et a vocation, à ce titre, à participer à l'élaboration des lois et au contrôle du

Gouvernement ;

- mais il est aussi l'élu d'une petite portion de territoire - la circonscription -, et ses électeurs attendent d'abord de lui qu'il s'occupe de leurs problèmes.

I - LE DÉPUTÉ, ÉLU DE LA NATION

Dans tout système démocratique, le député dans son assemblée participe à l'élaboration des lois et au contrôle du gouvernement, c'est-à-dire qu'il intervient dans les débats, travaux, réunions qui se déroulent dans le cadre des différentes instances parlementaires.

Si tous les députés sont en principe élus sur une base égalitaire, ils ne jouent pas tous le même rôle au sein du Parlement : leur activité diffère selon qu'ils sont députés « de base », ou qu'ils exercent des responsabilités particulières dans leur groupe politique, dans une commission, ou à l'Assemblée (par exemple, membres du Bureau, rapporteur...) ; ils sont alors chargés à des degrés divers, d'animer les différentes structures de l'assemblée et de régler les conflits.

Le rôle du député dépend aussi - et c'est ce que nous développerons demain - de son appartenance à la majorité parlementaire ou à l'opposition.

Depuis 1995, l'augmentation du travail législatif et la tendance au renforcement du contrôle parlementaire ont conduit à remplacer les deux sessions parlementaires annuelles initialement prévues par la Constitution de 1958 par un régime de session unique d'une durée de 120 jours. Le député consacre en général trois jours par semaine aux travaux de l'Assemblée nationale (du mardi matin au jeudi soir) ou plus, s'il suit un texte ou les travaux d'une commission.

Les trois pôles d'activité principaux sont les travaux en commission, les travaux au sein du groupe politique, et la séance publique.

A) Les travaux en commission

Chaque député doit être membre d'une des six commissions permanentes, tout en ne pouvant appartenir qu'à une seule ; il choisit donc le plus souvent sa commission en fonction de son expérience personnelle et de ses centres d'intérêt, le groupe politique ayant la faculté de trancher si le nombre de candidats pour une même commission est trop élevé.

Les débats en commission, qui permettent de « défricher et d'examiner de manière approfondie les textes, se caractérisent par une assez grande liberté ; les tensions politiques ont tendance à s'apaiser pour faire place à une discussion plus ouverte.

Outre l'examen des textes, les commissions permanentes consacrent une part croissante de leurs travaux au contrôle du Gouvernement.

Cette activité est traditionnelle à l'occasion de l'examen du budget : les rapporteurs budgétaires adressent des questionnaires détaillés aux ministères et auditionnent les différents responsables. Mais elle s'exerce aussi à l'occasion des auditions auxquelles les commissions procèdent avant l'examen de chaque texte important, ou sur les sujets qu'elles ont elles-mêmes choisi d'aborder. En outre, depuis 1988, les commissions peuvent ouvrir à la presse les auditions qu'elles organisent.

Les commissions permanentes recourent de plus en plus souvent aux missions d'information, confiées à un ou à plusieurs députés appartenant à une seule ou à plusieurs commissions. Les missions d'information offrent une plus grande souplesse dans leurs règles de constitution et dans leur fonctionnement que les commissions d'enquête et de contrôle.

B) Les groupes politiques

La participation du député aux différents aspects du travail parlementaire passe très largement par le groupe politique auquel il appartient : l'affectation dans les différentes commissions (permanentes ou spéciales, d'enquête ou de contrôle) nécessite l'accord du groupe, les possibilités d'intervention et le temps de parole dans les discussions générales et débats organisés sont déterminés par lui, de même que l'inscription pour les questions au Gouvernement...

Le groupe met à la disposition des députés des moyens de documentation, ainsi que des personnels - assistants de groupe, secrétariat -, pour les aider dans leur travail parlementaire. En outre, les rencontres régulières qu'il organise avec différentes délégations, groupements syndicaux et socio-professionnels, constituent pour les députés une source d'information appréciable ; lors de la préparation d'amendements sur un texte ou de l'élaboration d'une proposition de loi, ces échanges fournissent des éclairages utiles et permettent d'opérer des choix.

Le groupe étant généralement le prolongement du parti politique à l'intérieur de l'assemblée, il offre un cadre à la constitution de structures de travail en liaison avec les groupes de travail et experts de la formation politique correspondante. Ses réunions plénières hebdomadaires permettent de discuter des grandes orientations qui s'inscrivent très largement dans la ligne de la formation politique, même si le groupe dispose d'une certaine autonomie.

Les députés membres du Bureau du groupe arrêtent avec le secrétariat les positions qui seront défendues dans les débats, animent les groupes de travail, coordonnent amendements et propositions de lois, et organisent ainsi en amont le travail en séance publique.

C) La séance publique

Elle est par excellence le lieu de l'activité parlementaire :

- elle est l'aboutissement du travail préalable considérable qui s'est effectué en commission et au sein des groupes ;

- c'est en séance publique que l'Assemblée se prononce définitivement sur les textes et où peut être mise en jeu la responsabilité du Gouvernement ;

- elle est ouverte aux citoyens et surtout à l'ensemble des médias.

Le programme de travail de l'Assemblée nationale est arrêté par la Conférence des Présidents 1 ( * ) qui se réunit une fois par semaine ; le Gouvernement dispose d'un droit de priorité dans l'ordre du jour, mais depuis 1995, une séance par mois est consacrée à l'examen de propositions de loi.

Les députés ne peuvent assister à tous les débats ; ils suivent prioritairement les débats de politique générale ou les questions au Gouvernement, et, en fonction de leurs motivations - expérience professionnelle, intérêt pour leur circonscription, demande de leur groupe politique -, assistent à la discussion de textes plus spécialisés.

Si la durée des débats en séance publique s'est progressivement accrue jusqu'à devenir très importante, le temps consacré à chaque texte est resté limité car le nombre de projets de lois à examiner a lui aussi augmenté ; les débats sont donc très organisés, chaque groupe dispose d'un temps de parole qu'il répartit entre ses membres et seul, un petit nombre de députés a la possibilité d'intervenir, « une minute d'intervention pour un député représentant 576 minutes de silence pour les autres »...

Toutefois, en dehors du débat organisé, le député dispose de plusieurs moyens d'intervention lors de la discussion d'un projet ou d'une proposition de loi, ou d'un budget : inscription sur un article, dépôt d'un amendement, intervention pour ou contre un amendement, procédure du rappel au règlement...

II - LE DÉPUTÉ DANS SA CIRCONSCRIPTION

Il ne faut pas sous-estimer le lien qui unit le député à sa circonscription, quelle que soit la diversité des situations locales, liée au découpage électoral - circonscriptions urbaines, rurales, juxtaposition d'éléments sans unité -, à la tradition politique de la circonscription, à l'ancienneté dans le mandat du député, au nombre et à la nature des autres mandats qu'il détient éventuellement.

Mais qu'il cumule ou non les mandats, le député doit jouer localement quatre rôles, à travers lesquels s'exprime toujours plus ou moins sa qualité d'élu national :

- celui de relais de l'information

- d'intercesseur entre les citoyens et le pouvoir

- animateur du développement local

- représentant de la République

A) Le député, relais de l'information

C'est le rôle le plus directement lié à son mandat, le plus politique aussi, qui consiste à faire le lien entre la circonscription, la formation politique et l'assemblée ; ce rôle varie considérablement selon que le député est dans la majorité ou dans l'opposition, mais il comporte toujours deux aspects :

1) expliquer aux habitants de sa circonscription les conséquences locales des mesures adoptées au niveau national et justifier les prises de position de son parti. Le député le fait à l'occasion de discours, rencontres, débats avec les responsables locaux ou avec les électeurs ; par l'intermédiaire de la presse locale ; il publie aussi souvent son propre journal, parfois en association avec plusieurs de ses collègues.

2) en sens inverse, se faire l'écho des préoccupations locales et faire « remonter » les aspirations des populations vers les responsables politiques nationaux. Le député exerce cette activité de médiation, d'abord de façon directe lors d'échanges avec ses collègues en réunion de groupe lorsqu'il revient le mardi de sa circonscription dans son assemblée ; ensuite par le biais des questions qu'il peut poser au Gouvernement en séance publique, deux fois par semaine, et qui sont télévisées, ou des questions écrites, qu'il adresse aux différents ministères, et dont les réponses sont publiées au Journal Officiel et parfois reprises dans la presse locale.

B) Le député, intercesseur entre les citoyens et le pouvoir

C'est la suite logique du rôle précédent, et les députés sont en général organisés pour recevoir les électeurs et répondre à leurs demandes : ils s'entourent d'une équipe de collaborateurs, tiennent des permanences, se déplacent dans les quartiers, répondent au courrier.... Les demandes sont diverses, le député étant souvent le dernier recours lorsque toutes les autres démarches ont échoué.

D'autres personnalités - le maire, le conseiller général ou régional - jouent aussi le rôle d'intercesseurs, mais l'appel au député revêt aux yeux des électeurs une valeur particulière, car c'est lui qui a le plus directement accès au pouvoir.

De fait, dans la plupart des cas, les demandes donnent lieu à des interventions, dont l'efficacité dépend notamment de l'importance du réseau de correspondants sur lesquels le député peut compter, de ses contacts avec les administrations et dans les entreprises.

C) Le député, acteur du développement local

Les affaires locales concernent au premier chef les élus locaux (maires, conseillers généraux, conseillers régionaux). Mais le député aussi, est partie prenante du développement économique, social et culturel de sa circonscription, d'autant qu'il est mieux placé pour l'inscrire dans la perspective plus vaste des enjeux économiques et politiques nationaux.

Il favorise la mise en place de structures nécessaires à ce développement (institutions de coopération intercommunales, par exemple), et s'appuie sur un certain nombre de réseaux et d'institutions dont il est, directement ou indirectement, l'animateur :

- les élus locaux sont souvent les interlocuteurs privilégiés du député, notamment en zone rurale - maires qui appartiennent à la même formation politique ou à des formations alliées, et à défaut, conseillers municipaux minoritaires de son camp -. Le député les aide à résoudre les problèmes quotidiens ou à obtenir les financements ou subventions nécessaires aux communes, auprès du conseil général, du conseil régional, ou des services de la préfecture.

- les milieux socio-professionnels : le député reçoit régulièrement les responsables de la vie économique et sociale (chambre de commerce, d'agriculture, chambres des métiers, syndicats agricoles...)

- les associations trouvent dans le député un interlocuteur capable, non seulement de les appuyer au plan local, mais de relayer leurs idées dans les débats nationaux qui concernent la vie sociale, l'enseignement, l'environnement.

- le député suit de très près l'activité des établissements de sa circonscription (entreprises, établissements scolaires et universitaires, institutions médico-sociales...)

D) Le député, représentant de la République

Le rôle de représentation tient une place très importante dans la vie du député. C'est une fonction lourde et contraignante, mais qui illustre bien la place du parlementaire dans la vie locale, à la fois représentant du Parlement, du peuple, et détenteur de la souveraineté nationale.

Sa présence dans les manifestations officielles confèrent à celles-ci une solennité notoire, mais elle est aussi très appréciée dans les réunions associatives, professionnelles, sportives, culturelles, parce qu'elle leur donne une forme de reconnaissance.

Je souhaiterais conclure par deux remarques :

Le député est au coeur de nombreux paradoxes : à une époque où l'on constate un repli sur soi et une aspiration à la gestion indolore du quotidien, le député doit aller vers les autres et affronter les problèmes ; dans une société de plus en plus complexe, où les valeurs et les idéologies deviennent incertaines, il doit définir les enjeux et proposer des choix.

Malgré la diversité des rôles qu'est appelé à jouer le député, son mandat présente une profonde unité, due à sa nature essentiellement politique, et constitue à la fois un enjeu et un engagement :

- Il est perçu comme un enjeu par tous les acteurs de la vie politique : électeurs, qui surveillent les prises de position de leur représentant, et qui, le cas échéant, lui demandent des explications ; formations politiques, qui ayant accordé l'investiture au candidat, parfois après d'âpres négociations, sont très attentives par la suite à la loyauté de l'élu.

- à l'inverse, le député est tenu à un certain engagement : engagement à l'égard des positions de son groupe politique qu'il a contribué à définir ; mais engagement aussi à l'égard de lui-même, puisqu'investi d'un mandat représentatif, il doit se prononcer selon sa conscience.

LE RÔLE DE L'OPPOSITION ET DE LA MAJORITÉ

Communication de M. Pierre Favre

Le Parlement, dont les élus représentent la nation, vote les lois et contrôle le gouvernement. Dans l'accomplissement de cette double mission, il ne fonctionne pas selon la règle de l'unanimité : il y a une majorité, et une minorité qui s'expriment.

La démocratie suppose l'alternance : une équipe accède au pouvoir, l'exerce sous le contrôle de sa majorité et de l'opposition et est jugée par les électeurs au terme de son mandat. Elle est reconduite en cas de succès, et remplacée par l'opposition en cas d'échec.

Le rappel de ces principes simples permet d'effectuer une première approche des rôles respectifs de la majorité et de l'opposition : la principale mission de la majorité au pouvoir est de soutenir le Gouvernement ; le rôle de l'opposition est d'incarner une force de remplacement (I).

En fait, le contenu de ces rôles est le fruit d'une évolution propre à chaque milieu politique, la réponse à des besoins qui varient en fonction des époques et des contextes.

En France, l'efficacité des rôles respectifs de la majorité et de l'opposition passe par un renforcement des pouvoirs du Parlement et par une clarification du débat politique (II)

I - LE RÔLE DE LA MAJORITÉ EST DE SOUTENIR LE GOUVERNEMENT : LA VOCATION DE L'OPPOSITION EST DE LE REMPLACER

A) Le paradoxe du système français

La multiplicité et l'absence de structure des partis semblant une donnée intangible de la vie politique française, les fondateurs de la V ème République ont assuré la stabilité du régime en donnant à l'Exécutif la primauté sur le Législatif.

La Constitution de 1958 a ainsi mis en place un système dans lequel l'Exécutif peut gouverner avec une faible majorité ou une majorité indisciplinée :

- Le Gouvernement est maître de l'ordre du jour parlementaire (art. 48) ; le domaine de la loi est strictement délimité (art. 34) et le rôle du Gouvernement dans son élaboration est prépondérant (procédure du vote bloqué - art. 44.3 -, restriction du droit d'initiative des parlementaires).

- Les pouvoirs de contrôle des assemblées sont limités : la responsabilité du Gouvernement ne peut être mise en cause que par l'Assemblée nationale, et selon une procédure compliquée (art. 49).

En fait, très rapidement 2 a émergé un système de partis structurés, clairement séparés entre les formations de la majorité, destinées à soutenir le Gouvernement, et celles de l'opposition, destinées à le critiquer. De 1962 à 1974, ce système de partis a engendré une majorité de gouvernement que l'alternance au pouvoir a rétablie dans un contexte différent, en 1981.

Dès lors, sur le plan institutionnel et plus précisément parlementaire, la Constitution s'est souvent révélée répressive pour la majorité, car les instruments de rationalisation du parlementarisme - recours au vote bloqué (art. 44.3 de la Constitution), à l'engagement de responsabilité (art. 49.3) - ont en fait servi à rationaliser les relations entre le Gouvernement et sa propre majorité.

B) Le rôle de la majorité parlementaire : soutien et participation

a) Appui inconditionnel ou soutien critique ?

Depuis que s'est constitué un système de partis structurés, l'appui inconditionnel apporté au Gouvernement - et par-delà - au Président de 2 ( * ) la République, élu depuis 1962 au suffrage universel - représente le premier devoir et la première fonction de la majorité gouvernementale.

Cette exigence, qui ne faisait pas partie de la tradition française, est plus ou moins facilement entrée dans les moeurs d'abord du parti gaulliste, puis du parti socialiste, parti du Président Mitterrand.

C'est ainsi, par exemple, que les députés socialistes, qui avaient obtenu la majorité absolue des sièges en 1981, entendaient bien demeurer une force de proposition, et ne pas jouer un rôle de « godillots ».

Louis Mermaz, alors Président de l'Assemblée, concevait ainsi le rôle du parti majoritaire :

« le parti, c'est ce qui est essentiel. Le Président, le Gouvernement, la majorité de gauche, cela forme un bloc, le pouvoir. Pour que ce bloc ne s'endorme pas, ne se fossilise pas, il faut que le parti ait un rôle fondamental à jouer. D'abord un rôle de réflexion idéologique, ensuite le parti a pour rôle de veiller à ce que le programme soit appliqué, à être le gardien de ce programme ; par ailleurs, il doit empêcher que le pouvoir ne s'isole, et il doit exercer à travers son groupe parlementaire le contrôle de l'action gouvernementale. »

Le risque est alors que l'Exécutif se fasse déborder par sa majorité parlementaire, surtout si elle est animée par un parti dominant.

C'est pourquoi cette majorité doit être organisée et disciplinée : le groupe socialiste à l'Assemblée nationale a fonctionné selon le double principe de la liberté de discussion et de la discipline de vote : les Présidents de l'assemblée et du groupe parlementaire (L. Mermaz et P. Joxe), deux proches du Président de la République, assuraient une liaison permanente entre la Présidence et le groupe. Plus qu'en réunion de commission, c'était en réunion de groupe que s'effectuait l'essentiel du travail législatif, et que s'opérait la conciliation entre le rôle actif reconnu aux députés, et la discipline de parti, indispensable au fonctionnement correct du parlementarisme majoritaire.

Le soutien inconditionnel à l'action du Gouvernement et à la personne de ses membres est évidemment plus difficile à obtenir lorsque la majorité est composée d'une coalition de partis politiques.

On l'a vu, par exemple de 1976 à 1981, avec la « fronde » des députés gaullistes à l'égard du Premier Ministre Raymond Barre et du Président Giscard d'Estaing ; on le constate encore à l'heure actuelle, avec la composition « plurielle » de la majorité (Parti Socialiste, Parti communiste, Verts).

Qu'il soit inconditionnel ou critique, le soutien de la majorité a pour contrepartie sa participation au Gouvernement.

b) Une majorité de participation

Sous la V ème République, le soutien qu'apportent les partis de la majorité ne va pas sans la participation de leurs représentants au Gouvernement, même si le principe maintes fois rappelé est que le Gouvernement procède du Chef de l'État, et non pas du Parlement.

Certes, il subsiste toujours des ministres-techniciens, sans attache avec les partis politiques, mais le système de partis en vigueur implique que tout groupe parlementaire appartenant à la majorité de gouvernement ait au moins un ministre et quelques secrétaires d'État.

C) La vocation de l'opposition : constituer une force de remplacement

a) En conséquence, sa fonction revêt trois aspects : critique raisonnée du Gouvernement, proposition d'un programme alternatif, et présentation d'équipes nouvelles

1) L'opposition joue le rôle de garde-fou, prévenant le gouvernement contre tout excès ; elle remplit en fait une mission d'intérêt général en encadrant les actions du Gouvernement. C'est pourquoi elle doit disposer des garanties nécessaires à la mise en oeuvre de sa fonction régulatrice - protection de la personne de l'opposant ; financement des partis d'opposition selon les mêmes critères que ceux appliqués aux partis de la majorité -.

2) L'opposition a vocation à contenir et aiguillonner la majorité au pouvoir, mais aussi à la remplacer. Pour exercer pleinement son rôle, elle doit promouvoir un programme alternatif crédible, proposer le correctif approprié aux travers qu'elle dénonce. En effet, en l'absence de solution de substitution, les titulaires du pouvoir ne sont pas réellement responsables.

3) L'opposition gagne donc à se fédérer et s'organiser pour permettre l'émergence de nouveaux talents, constituer un vivier de personnalités capables participer activement et de manière critique au travail parlementaire, et à terme, de remplacer l'équipe en place.

b) De fait, l'organisation et le fonctionnement des assemblées parlementaires assurent la participation de l'opposition

Tout d'abord, le bicamérisme peut faciliter la représentation de l'opposition : en France, lorsque le Gouvernement et la majorité sont orientés à gauche, le Sénat, assemblée traditionnellement de centre droit, joue le rôle de chambre de l'opposition auprès de laquelle la minorité à l'Assemblée nationale trouve éventuellement un soutien.

Par ailleurs, dans chaque assemblée du Parlement français, des représentants de la minorité siègent au Bureau, participent à la Conférence des Présidents, aux bureaux des commissions permanentes et spécialisées...

Le déroulement de la séance est organisé de manière à ce que l'opposition puisse s'exprimer ; le temps de parole entre les groupes est réparti en fonction de leur importance numérique. Les députés d'opposition disposent de l'initiative des lois, comme du droit d'amendement.

Toutefois, il n'y a pas à proprement parler de statut de l'opposition, bien que l'idée ait été évoquée, au sein de la majorité, avec l'élection de Valéry Giscard d'Estaing à la présidence de la République en 1974. Plusieurs réformes ont été néanmoins introduites dans la lettre et la pratique institutionnelles pour fournir à l'opposition des moyens d'expression supplémentaires 3 ( * ) .

II - L'EFFICACITÉ DES RÔLES RESPECTIFS DE LA MAJORITÉ ET DE L'OPPOSITION PASSE PAR UN RENFORCEMENT DES POUVOIRS DU PARLEMENT ET PAR UNE CLARIFICATION DU DÉBAT POLITIQUE

A) Le mouvement en faveur d'une revalorisation du Parlement français a enrichi les rôles de la majorité et de l'opposition

Dans les périodes de cohérence entre majorités présidentielle et législative, la légitimité principale vient du Président de la République, élu depuis 1962 au suffrage universel ; le Premier ministre et l'Assemblée nationale ont alors, du fait des règles constitutionnelles, un rôle second.

Le souci de donner plus de place à la représentation nationale dans ses différentes composantes a conduit à favoriser l'initiative parlementaire et à développer la fonction de contrôle :

la réforme constitutionnelle d'août 1995 a permis au Parlement de déterminer chaque mois l'ordre du jour d'une de ses séances, et d'y inscrire les propositions de lois, de débats... de ses membres ; cette faculté a profité à tous les groupes politiques, de la majorité ou de l'opposition.

la fonction de contrôle connaît un grand essor :

- les procédures classiques ont été renforcées, avec l'instauration des questions au Gouvernement, à raison à présent, de deux séances d'une heure par semaine ; elles sont, depuis 1981, retransmises en direct à la télévision.

- le rôle d'information des commissions permanentes s'est élargi ; depuis 1996, elles peuvent bénéficier, à leur demande et pour une durée de six mois, des prérogatives des commissions d'enquête.

- ces dernières ont accru leurs pouvoirs d'investigation ; deux réformes intervenues en 1977 et 1991 leur ont donné des moyens nouveaux ; la levée du secret des auditions, notamment, a simplifié leur fonctionnement et accru l'impact de leurs travaux auprès du public.

- le Parlement tente en outre de se doter d'instruments d'évaluation qui lui soient propres (cf. création en 1996 des Offices parlementaires d'évaluation de la législation et des politiques publiques).

Destinée à aménager le rythme de travail et le contenu des débats, l'instauration d'une session unique a entraîné un accroissement des activités de contrôle en séance publique ; la révision constitutionnelle d'août 1995 a apporté un correctif au mouvement de rationalisation du Parlement opéré en 1958.

La disproportion des moyens d'information mis à la disposition respectivement du Parlement et de l'Exécutif, a conduit à moderniser les moyens matériels mis au service des parlementaires, et à développer les effectifs d'aide et d'assistance.

D'autres réformes sont en projet :

- l'accroissement de six à dix du nombre des commissions permanentes, où s'accomplit l'essentiel du travail parlementaire, ce qui permettrait, en outre, de diversifier leurs présidences entre les différentes sensibilités de la majorité, voire de l'opposition ;

- l'extension de la fonction de contrôle à d'autres domaines de l'action publique, défense ou politique étrangère, par exemple ;

- l'approfondissement du contrôle en matière de finances publiques et de dépenses sociales.

Mais si la revalorisation du Parlement a enrichi les rôles respectifs de la majorité et de l'opposition une clarification du débat politique est nécessaire pour que ces deux forces puissent remplir pleinement leur rôle.

B) Une nécessaire clarification du débat politique

a) La question de la cohabitation

La France vit actuellement en régime de cohabitation, c'est-à-dire dans un système où la majorité parlementaire est opposée au Président de la République.

C'est la troisième fois depuis 1986 que ce phénomène se produit, avec, toutefois, quelques différences :

Les deux premières cohabitations (1986-1988, puis 1993-1995) avaient pour origine le renouvellement de l'Assemblée nationale au terme normal de son mandat ; elles ont fait coexister pendant deux ans chacune un Président de la République de gauche élu en 1981, réélu en 1988, et une majorité parlementaire de droite, issue des urnes en 1986, puis en 1993.

La troisième cohabitation a été provoquée par la dissolution de l'Assemblée nationale par le Président Chirac en 1997, et la victoire des partis de gauche aux élections qui ont suivi. Le Président ayant été élu en 1995, cette cohabitation doit donc durer cinq ans, à moins qu'une nouvelle dissolution intervienne avant 2002, date des prochaines élections législatives.

Pour certains, la cohabitation est positive : elle favorise l'approfondissement de la démocratie en permettant à chaque camp - aux deux grandes familles principales de la vie politique française - d'être représenté et de participer au processus de décision ; elle organise ce faisant un système de pouvoirs et de contre-pouvoirs, le Gouvernement étant couplé avec sa majorité parlementaire, et le Président de la République étant le chef de l'opposition.

Pour d'autres, il n'y a pas de démocratie sans débat et séparation claire entre majorité et opposition.

b) Les conséquences de la cohabitation

L'actuelle cohabitation « longue et consensuelle » fausse le clivage entre majorité et opposition :

1) le Président de la République est tenu à des compromis tactiques avec le Gouvernement, faute de pouvoir mener une guerre ouverte qui conduirait à une crise institutionnelle.

En choisissant le consensus, il s'éloigne de son soutien qu'est l'opposition ; par ailleurs, s'il décide de se représenter à l'élection présidentielle, il devra défendre un programme antagoniste à celui qu'il aura accepté pendant cinq ans.

2) l'opposition qui considère peu ou prou le Président comme son leader voit son action entravée ; elle dispose d'une moindre marge de manoeuvre pour élaborer un projet alternatif et doit choisir entre s'effacer dans l'orbite du Chef de l'État, ou regagner sa pugnacité en se libérant de la tutelle présidentielle qui la neutralise.

3) Pour le gouvernement, l'absence d'une opposition forte est préjudiciable, car faute d'une critique externe, il doit trouver à l'intérieur de sa majorité la force de résister aux surenchères.

On insistera en conclusion sur les devoirs attachés aux rôles respectifs de la majorité et de l'opposition, et brièvement évoqués au cours de cet exposé :

- en ce qui concerne la majorité, respecter l'opposition dont la tâche est de proposer des solutions alternatives et de défendre des opinions différentes ; favoriser sa participation à l'activité et aux décisions législatives, en lui donnant les moyens de s'opposer efficacement.

- du côté de l'opposition, reconnaître la légitimité de la majorité régulièrement élue, assumer sa fonction de manière responsable en prenant une part effective au processus institutionnel ; se préparer à son rôle de future majorité, en ayant conscience qu'elle représente un recours.

XIIIème ASSEMBLÉE RÉGIONALE EUROPE

Valais (Suisse), 10-11 janvier 2000

-------------

Une délégation de la section française de l'APF a participé à la XIII ème Assemblée régionale Europe qui s'est tenue en Suisse les 10 et 11 janvier 2000 à l'invitation de la section du Valais.

Cette délégation comprenait Mme Odette Trupin, députée (S) de la Gironde, MM. Michel Bécot, sénateur (UC) des Deux-Sèvres et Simon Loueckhote, sénateur (RPR) de Nouvelle-Calédonie.

Après les allocutions d'accueil prononcées par Mme Marie-Paule Zufferey-Ravaz, Présidente du Grand Conseil du Canton du Valais, M. Yves-Gérard Rebord, Président de la section du Valais et premier vice-président du Grand Conseil du Canton du Valais, et M. Jean-Jacques Rey-Bellet, Président du Gouvernement du Canton du Valais, l'Assemblée a entendu le rapport d'activité de son chargé de mission Europe, M. Philippe Charlier, député de la Communauté française de Belgique.

Après avoir rappelé les nouvelles adhésions des Cantons de Vaud et de Genève, il a insisté sur l'utilité de contacts avec d'autres Parlements de langue latine où le français n'a pas de statut vraiment particulier, puis il a fait le point sur la place du français au sein des organes de l'Union européenne, la problématique de l'exception culturelle et la promotion du français sur la scène internationale avant d'évoquer les programmes de coopération.

Dans le débat qui a suivi, Mme Odette Trupin est intervenue sur l'Union européenne et sur le rôle que les parlementaires ont à jouer pour échapper au "tout anglais". Elle a constaté que les candidats à l'Union européenne se rapprochent de la France et renforcent l'enseignement du français dans leur pays. Elle a souhaité qu'une réflexion soit menée sur les transferts de technologie dans le cadre des échanges économiques en incitant les PME à mettre en place des partenariats avec les PME francophones.

En introduction aux travaux des Commissions, l'Assemblée a entendu une intervention de M. Jean-Loup Dherse, ancien vice-président de la Banque mondiale sur "l'éthique ou le chaos".

La délégation française a participé aux travaux des deux commissions. Mme Odette Trupin a animé l'une de ces commissions sur le thème de "la francophonie dans les pays d'Europe centrale et orientale". Après avoir dressé un état des lieux, elle a abordé les questions de jumelages et de coopération décentralisée retraçant leur historique et leur développement depuis 1990. Enfin, elle a brossé un bilan de la coopération scolaire et universitaire. Après un exposé introductif de M. Denis Maillat, professeur de l'université de Neuchâtel, l'autre commission a examiné "la contribution des Parlements au développement économique".

Chaque thème a donné lieu à une résolution.

En séance plénière, les participants ont entendu deux interventions :

- la première de M. Roger Dehaybe, Administrateur général de l'Agence intergouvernementale de la Francophonie sur les programmes de coopération de la Francophonie en Europe. Il a mis l'accent sur les regroupements linguistiques régionaux et sur la place du français dans l'Union européenne ;

- la seconde de M. Arthur Bodson, Président de l'Agence universitaire de la Francophonie, qui a fait un bilan de la restructuration de l'Agence, ainsi que des programmes de coopération réalisés en Europe.

L'Assemblée régionale a enfin décidé de présenter au prochain Bureau la candidature de M. Bernard Anselme, député de la Communauté française de Belgique, au poste de Chargé de mission Europe en remplacement de M. Philippe Charlier.

La prochaine assemblée régionale Europe devrait avoir lieu à Budapest (Hongrie) fin 2000 ou au premier trimestre 2001.

COMMISSION POLITIQUE

Québec, 26-27 janvier 2000

-------------

La Commission politique de l'APF s'est réunie à Québec les 26 et 27 janvier sous la présidence de M. Pierre-André Wiltzer, député (UDF) de l'Essonne.

Vingt sections ont participé aux travaux de la Commission. La section française était représentée par MM. Louis Mexandeau, Président délégué de la section, député (S) du Calvados, Pierre-André Wiltzer et Guy Penne, sénateur (S) représentant les Français établis hors de France.

Les participants ont examiné les propositions présentées par M. Bernard Patry, député (Canada), concernant le financement de l'APF. Ils ont réitéré leur souhait qu'une subvention au titre du fonctionnement de l'APF soit accordée par l'Organisation Internationale de la Francophonie, la plupart des autres structures interparlementaires existantes (OTAN, Conseil de l'Europe, OSCE, etc.) recevant une telle subvention. Ils ont également décidé d'appliquer strictement les dispositions relatives au retard dans le paiement des cotisations.

M. El Hadj Ibrahima Bah, député (Guinée) a présenté son rapport sur la situation politique dans le monde francophone. Plusieurs projets de résolutions à soumettre au Bureau ont été adoptés sur Haïti, la Côte d'Ivoire, le Niger, la Guinée, le Togo, les Comores et le Proche-Orient. La Commission a aussi proposé, conformément à son Règlement, la suspension de la Côte d'Ivoire jusqu'au rétablissement de l'ordre constitutionnel accompagné d'élections libres et transparentes et la réintégration du Niger où un nouveau parlement vient d'être élu à la suite d'élections dont le déroulement régulier a été contrôlé par des observateurs internationaux. Par ailleurs, une recommandation concernant la suspension de la participation aux Sommets de la Francophonie des pays dans lesquels les institutions ont été renversées par la force, a été transmise au Bureau de l'APF.

La Commission a ensuite entendu les rapports de M. André Boulerice, député (Québec), sur le suivi du Plan d'action adopté par les chefs d'État lors du Sommet de la Francophonie (Sommet de Moncton) et de M. Jean-Pierre Perdieu, député (Communauté française de Belgique) sur les critères et types d'adhésion à l'APF.

M. Pierre-André Wiltzer a présenté un projet d'accord-cadre entre l'APF et l'Organisation internationale de la Francophonie et dressé un bilan des signatures et ratifications du Traité de Rome créant la Cour pénale internationale, invitant les pays membres de l'APF à le ratifier. Un projet de résolution en ce sens a été adopté.

M. Bernard Patry présentera, lors de la prochaine réunion de la Commission, un rapport sur le problème des enfants en situation de conflits armés.

La prochaine réunion de la Commission aura lieu à Yaoundé (Cameroun) début juillet 2000.

BUREAU DE L'APF

Québec, 28-29 janvier 2000

-------------

À l'invitation de la section québécoise, le Bureau de l'APF s'est réuni à Québec les 28 et 29 janvier, à la suite de la commission politique. Dix-sept des dix-neuf sections représentées au Bureau étaient présentes.

Les sections du Bénin, du Burkina Faso, du Gabon, de Guinée, du Québec et du Val d'Aoste étaient conduites par leur Président d'Assemblée. MM. Louis Mexandeau, Jacques Legendre, Pierre-André Wiltzer et Guy Penne ont participé à la réunion.

Les travaux du Bureau ont été présidés par M. Nicolas Amougou Noma, Président de l'APF. M. Jacques Legendre, Secrétaire général parlementaire de l'APF, sénateur (RPR) du Nord, a présenté son rapport d'activité. Il a regretté que la place réservée à l'APF au Sommet de la Francophonie de Moncton n'ait pas correspondu à son statut. Il a fait un bilan des missions francophones d'observation des élections et de la coopération parlementaire menée par l'APF dans les différents parlements d'Afrique, d'Europe centrale et orientale et d'Asie.

Le Bureau a ensuite procédé à l'audition de M. Zéphirin Diabré, Administrateur délégué du PNUD et de M. Riddah Bouabid, Observateur permanent de l'Organisation internationale de la Francophonie auprès des Nations Unies sur le thème "Synergies et coopération entre le système de l'ONU, la Francophonie et l'APF".

Plusieurs projets de résolution ont été adoptés pour proposer la réintégration de la section nigérienne et la suspension de la section de la Côte d'Ivoire, ou sur la situation à Haïti en prévision des élections législatives, en Guinée (procès de M. Alpha Condé, problème des réfugiés), aux Comores et au Proche-Orient. Le Bureau a également adopté une résolution relative à la ratification de la Convention de Rome créant la Cour pénale internationale, et une autre sur le financement de l'APF. L'envoi de missions en Guinée, en Haïti et au Togo a été confirmé.

Le Bureau a nommé M. André Damseaux, député (Communauté française de Belgique) au poste de Vice-Président de l'APF, M. Jos Scheuer, député (Luxembourg), au poste de Trésorier et a confirmé la nomination de M. Bernard Anselme, député (Communauté française de Belgique) au poste de chargé de mission Europe.

Un bilan des travaux des différentes commissions a été présenté. M. Pierre-André Wiltzer a rappelé les différents thèmes de la commission politique réunie les deux jours précédents.

Au nom du président de la commission des affaires parlementaires, M. Guy Penne a indiqué que les rapports qui seront discutés à Phnom Penh (Cambodge) du 2 au 5 mars prochain, auront pour thème les inforoutes, le statut des suppléants, les procédures de démocratie semi-directe, la coopération, et l'autonomie financière des assemblées (M. Guy Penne, Rapporteur).

Les prochains travaux de la commission des affaires culturelles porteront sur l'Université francophone multi-sites de l'Océan Indien (M. Joël Bourdin, sénateur (RI) de l'Eure), la privatisation de la presse et le pluralisme d'opinions, (M. Bruno Bourg-Broc, député (RPR) de la Marne), et la lutte contre l'échec scolaire.

La commission de la coopération examinera quant à elle un rapport de M. Jacques Brunhes, député (C) des Hauts-de-Seine, sur l'évaluation des critères de développement humain du PNUD dans les pays de la Francophonie au cours des dix dernières années, ainsi que trois autres rapports sur le bilan des programmes d'ajustement structurel dans les pays en développement, la corruption et les accords multilatéraux d'investissements.

Le Bureau a ensuite entendu les rapports des chargés de mission des régions Afrique, Amérique et Europe sur l'activité de leurs régions.

Sur proposition de M. Jean-Pierre Charbonneau, Président de l'Assemblée nationale du Québec, un groupe de réflexion du Bureau de l'APF sur l'implication des femmes parlementaires en Francophonie a été créé.

Sur rapport de M. Jos Scheuer, trésorier, le projet de budget pour 2000 a été adopté.

Il a été décidé que les Parlements du Burkina Faso, de Centrafrique, de Guinée, du Mali, du Niger et d'Égypte (pour la traduction du site en français) bénéficieraient du programme de l'APF visant à créer un site Internet dans les Parlements du Sud.

Après une intervention de M. Michel Couderc, Secrétaire général de la Questure de l'Assemblée nationale française, le Bureau a pris acte de la création de l'Association des Secrétaire généraux francophones.

Le Bureau a nommé plusieurs personnalités dans l'Ordre de la Pléiade.

À l'invitation de la section camerounaise, la prochaine réunion du Bureau et la XXVI ème session ordinaire se tiendront à Yaoundé au début du mois de juillet 2000.

CONFÉRENCE DES FEMMES DE LA FRANCOPHONIE

Luxembourg, 4-5 février 2000

-------------

Réunis sous le thème "Femmes, pouvoir et développement", trois-cents représentants des États et des gouvernements, des organisations non gouvernementales et des organisations internationales et régionales de la Francophonie ainsi que de l'Organisation internationale de la Francophonie, de l'Agence intergouvernementale de la Francophonie, des opérateurs directs et de l'APF ont débattu pendant deux jours sur les expériences, les acquis et les problèmes de la promotion de la femme dans les pays francophones.

Mme Odette Trupin, députée (S) de la Gironde, faisait partie de la délégation de l'APF à cette réunion.

Cette conférence a donné aux délégués l'occasion de faire le point sur l'avancement de la mise en oeuvre du programme d'action qui avait été adopté lors de la Conférence mondiale des femmes en 1995 à Beijing.

Par l'adoption de la "Déclaration de Luxembourg", la Francophonie poursuit l'objectif de garantir aux femmes une citoyenneté partagée, entière et active. Afin d'y parvenir, les efforts de la Francophonie porteront, du côté politique, sur l'amélioration de la participation des femmes à la vie politique de manière à favoriser leur accès à la prise de décision. Ils porteront également, dans la sphère du développement, sur une meilleure participation des femmes à la vie économique afin qu'elles puissent lutter efficacement contre la pauvreté. Les participants ont invité les États et les gouvernements à favoriser notamment la promotion de l'égalité par "la mise en place ou le renforcement d'un mécanisme de concertation pour la définition, l'exécution, le suivi et l'évaluation des politiques". Ils ont par ailleurs invité le Secrétaire général de la Francophonie notamment à "intégrer des femmes au niveau décisionnel dans les actions de promotion de la paix et de la démocratie, et à procéder à une étude sur la place des femmes dans les parlements de la Francophonie". Ils ont enfin demandé à l'Agence de la Francophonie, en collaboration avec les opérateurs directs, "de veiller à la mise en place d'un mécanisme transversal de conception, de réalisation, de coordination et d'évaluation, chargé de la sensibilisation, de l'information et de la formation au principe d'égalité entre les femmes et les hommes".

Depuis l'adoption du plan d'action de Beijing, les délégués ont constaté qu'il y a eu des progrès importants en matière de condition féminine au sein des pays francophones, particulièrement en matière de reconnaissance juridique des droits des femmes ce qui ne signifie pas toutefois une participation pleine et effective des femmes à tous les secteurs de la société.

Pour y arriver, tous les acteurs de la société doivent y participer activement. Les délégués ont insisté notamment sur la nécessité de poursuivre et de renforcer les actions en matière d'éducation, d'alphabétisation et de formation, sur l'importance du rôle de la société civile dans le processus de démocratisation et sur l'amélioration des droits économiques des femmes.

À la suite de cette manifestation, le groupe de réflexion sur l'implication des femmes parlementaires en Francophonie, s'est réunie le 18 mai dernier à Paris.

Au cours de cette réunion, les discussions ont porté sur le mandat du groupe de réflexion, sur les conditions d'une meilleure participation des femmes à la vie politique, sur le renforcement de la place et du rôle des femmes francophones dans les organisations internationales, sur le futur regroupement des femmes parlementaires de l'APF, sur la rencontre des femmes parlementaires qui aura lieu dans le cadre de la XXVI ème session ordinaire de Yaoundé et sur la Déclaration de Luxembourg.

COMMISSION DE LA COOPÉRATION ET DU DÉVELOPPEMENT

Bamako (Mali), 21-24 février 2000

-------------

La Commission de la Coopération et du Développement de l'APF s'est réunie à Bamako, à l'invitation de la section malienne, du 21 au 24 mars 2000, sous la présidence de M. Félix Onkeya, député du Gabon. Dix-huit sections de l'APF ont participé aux travaux.

M. Jacques Brunhes, député (C) des Hauts-de-Seine, représentant la section française, a présenté un rapport sur « l'évaluation des critères de développement humain du PNUD dans les pays de la Francophonie au cours des dix dernières années ». Après avoir dressé le constat d'un accroissement des inégalités dans le monde, il s'est notamment interrogé sur les conséquences économiques, et surtout sociales, de la transition libérale dans les pays d'Europe de l'Est, des politiques de développement menées sous l'égide du FMI et de la Banque mondiale en Afrique, ainsi que des excès du processus de mondialisation en cours.

La Commission a également examiné trois autres rapports, portant sur « la corruption », « les accords multilatéraux d'investissements », et un « bilan des programmes d'ajustement structurel dans les pays en développement ».

COMMISSION DES AFFAIRES PARLEMENTAIRES

Phnom Penh (Cambodge), 2-3 mars 2000

-------------

À l'invitation de la Section cambodgienne, la Commission des Affaires parlementaires de l'APF s'est réunie à Phnom Penh les 2 et 3 mars 2000, sous la présidence de M. Pierre DeBané, sénateur du Canada. Seize sections de l'APF étaient représentées.

M. Guy Penne, sénateur (S) représentant les Français établis hors de France, et Vice-Président de la Commission, a présenté un rapport de synthèse relatif à « l'autonomie financière des assemblées ».

Se fondant sur les réponses des sections au questionnaire qu'il leur avait préalablement adressé, le rapporteur a étudié l'étendue de l'autonomie financière des assemblées à partir de plusieurs critères : conditions d'élaboration, d'exécution et de contrôle des assemblées sur leur budget, existence d'un patrimoine propre et moyens matériels mis à la disposition des élus.

Trois autres rapports ont également fait l'objet d'une présentation, suivie de débats : l'impact des inforoutes sur les programmes de coopération interparlementaire de l'APF, le statut des suppléants dans les parlements francophones, et les procédures de démocratie directe.

La Commission a ensuite examiné les programmes de coopération interparlementaire dont elle assure le suivi : la restructuration des services documentaires des Parlements du Sud (PARDOC), les stages de formation et les séminaires parlementaires, les missions d'observation des élections.

Elle a enfin étudié les modalités de mise en oeuvre des deux nouveaux programmes de coopération interparlementaire qu'elle sera chargée de suivre : les inforoutes de l'APF et le Parlement francophone des Jeunes.

COMMISSION DE L'ÉDUCATION, DE LA COMMUNICATION ET DES AFFAIRES CULTURELLES

Libreville (Gabon), 6-8 mars 2000

-------------

La Commission de l'éducation, de la communication et des affaires culturelles s'est réunie à Libreville, au Gabon, du 6 au 8 mars 2000. Dix-sept sections étaient présentes. La délégation française était composée de MM. Joël Bourdin, sénateur (RI - Eure), rapporteur, et Bruno Bourg-Broc, député (RPR - Marne), vice-président de la sous-commission de l'Éducation.

La Commission a tout d'abord élu pour président M. Robert Louvin, président du Conseil régional du Val d'Aoste, et pour président de la sous-commission de l'éducation, M. Rémy Scheurer, député suisse, en remplacement de M. Robert Louvin.

Elle a ensuite entendu une communication de M. André Mba Obame, ministre gabonais de l'Éducation et porte-parole du Gouvernement sur la politique de l'éducation au Gabon. Cette communication a été suivie d'un débat portant sur les expériences des pays africains représentés, sur l'insuffisance des effectifs d'enseignants, la désaffection des élèves, la spécificité de l'éducation des filles, le poids des traditions, les transports scolaires ou les disparités régionales.

Puis M. Robert Louvin a présenté son rapport "Pour une école de la réussite, la lutte contre l'échec scolaire" qui a été adopté ainsi que le projet de résolution correspondant.

La Commission a également entendu une communication de M. Arthur Bodson, président de l'Agence universitaire de la francophonie portant sur l'historique, le rôle, les modalités de gestion et les actions de l'agence. M. Arthur Bodson a également fait le point sur la mise en place d'une "Université virtuelle" destinée à développer l'usage des nouveaux outils de communication dans le cadre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Au cours du débat qui a suivi, ont été évoquées les conséquences de la crise traversée par l'agence sur les projets en cours et les choix à opérer dans le nouveau cadre budgétaire.

M. Joël Bourdin a présenté un projet de résolution sur les conditions de la pérennisation de l'Université de l'Océan indien. Après discussion, la Commission a décidé de différer son adoption jusqu'à ce qu'elle ait connaissance du bilan que devrait dresser la Commission européenne de l'expérience actuelle ainsi que des possibilités de financement de son financement sur le long terme.

M. Bruno Bourg-Broc a présenté un avant-projet de rapport sur « la privatisation de la presse et le pluralisme d'opinions », destiné à cadrer le débat et à envisager diverses orientations susceptibles d'inspirer un projet de résolution. À la suite d'une discussion approfondie, la Commission a décidé d'enrichir le rapport des différentes contributions et de redéfinir son objet en retenant pour thème « la liberté de la presse et le pluralisme d'opinions ».

La Commission a ensuite examiné le rapport de M. Nathaniel Bah, député du Bénin sur la « lutte contre le Sida en Afrique » et a entendu une contribution sur ce sujet du Docteur Pierre Mpélé, fonctionnaire à Onusida. Au terme du débat, la Commission a décidé de constituer un groupe d'étude « Santé » coordonné par M. Robert Louvin, président.

La Commission a enfin entendu une communication de M. Jacques Chagnon, député du Québec, sur la diversité culturelle et le dialogue des cultures dans le cadre de la préparation de l'avis de l'APF pour le sommet de Beyrouth en 2001.

REMISE DES INSIGNES DE L'ORDRE DE LA PLÉIADE

Paris, 28 mars 2000

-------------

M. Raymond Forni, Premier vice-président, suppléant M. Laurent Fabius, nommé Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a remis à plusieurs récipiendaires les insignes de l'Ordre de la Pléiade, Ordre de la francophonie et du dialogue des cultures.

Dans son allocution, il s'est interrogé sur les raisons pour lesquelles la francophonie parvenait à se maintenir vivante dans un environnement qui ne lui est pas toujours propice. Par delà l'évidence de l'amour de la langue et de la culture qu'elle porte, l'attachement à la francophonie a d'autres motivations, qui procèdent d'une réflexion sur le monde contemporain et du rayonnement d'une vision du monde : La communauté francophone n'est pas fondée sur des liens de puissance, mais centrée sur l'humanisme. Ce n'est pas une notion désuète, mais une référence pour demain, avec ce qu'elle comporte d'équilibre, de tolérance, de respect pour l'esprit et ses oeuvres, d'honnêteté intellectuelle, d'attention à l'individu, de sens du dialogue et de l'ouverture à l'autre, de lucidité et d'espoir dans le progrès. Valeurs qui reçoivent une actualité nouvelle dans un monde cherchant ses repères.

La francophonie doit être à même de proposer des réponses à un monde en quête de normes. Elle connaît la mondialisation et ne la redoute pas. Elle n'est pas dominante, ne se veut pas dominatrice. Son existence incarne l'idéal d'un monde authentiquement multipolaire. C'est seulement par l'alliance de toutes les différences que l'on peut éviter l'uniformisation et préserver l'exception culturelle.

Dans cet esprit, un des messages de la francophonie doit être celui de l'universalité des droits de l'homme, trop souvent contestée ou mise à mal. La francophonie a partie liée avec la démocratie. La première condition de la démocratie est que la parole l'emporte contre la violence, le débat sur la force.

Pour remplir sa vocation, la francophonie doit éviter tout repli sur elle-même. Il lui appartient au contraire de se projeter vers l'autre et vers l'avenir. Il faut toutefois être conscient que la foi ne suffit pas et que le salut ne vient que par les oeuvres. La francophonie doit faire et faire savoir, en s'inscrivant de plain pied dans les réalités contemporaines. Il faut que la francophonie soit associée à l'expansion des sciences, trouve toute sa place dans la société de l'information, saisisse les chances supplémentaires que lui offrent les technologies de la communication. Internet, en créant un espace francophone virtuel, en facilitant la communication, l'accès aux sources et la diffusion des contenus, peut être un atout majeur de la francophonie.

PARTICIPATION À UNE MISSION DE L'APF

Guinée, 10-13 avril 2000

-------------

Une délégation de l'APF, conduite par son président, M. Nicolas Amougou Noma, s'est rendue en Guinée du 10 au 13 avril 2000. MM. Pierre-André Wiltzer, vice-président de l'Assemblée nationale et président de la Commission politique de l'APF, et Guy Penne, sénateur et vice-président de la Commission des affaires parlementaires, ont participé à cette mission d'information qui comportait deux volets : le premier, sur la situation de M. Alpha Condé, député arrêté le 16 décembre 1998 et détenu depuis sans levée de son immunité parlementaire. Le second, sur la situation créée par l'afflux de réfugiés en provenance notamment du Libéria et de la Sierra Leone qui traversent depuis plusieurs années de violents conflits.

SÉMINAIRE PARLEMENTAIRE

Port-Vila (Vanuatu), 17-19 avril 2000

-------------

La Commission des affaires parlementaires a organisé du 17 au 19 avril 2000, à Port-Vila (Vanuatu), un séminaire parlementaire au bénéfice de l'ensemble des 52 parlementaires francophones et anglophones.

Les travaux se sont tenus en langue française, une traduction simultanée en langue anglaise pour les parlementaires anglophones ayant été assurée par des traducteurs recrutés par le parlement.

Ainsi que l'avaient souhaité les parlementaires du Vanuatu, les trois conférenciers venus des régions Afrique, Amérique et Europe, ont traité des thèmes suivants : les fonctions législatives et de contrôle du parlement, les mécanismes de stabilité gouvernementale, les groupes politiques au parlement.

M. Simon Loueckhote, sénateur (RPR) de Nouvelle-Calédonie, est intervenu sur chacun d'entre eux.

En effet, chaque thème a fait l'objet d'un exposé en séance plénière par chacun des trois conférenciers, puis de séances en ateliers avec jeux de questions-réponses et échanges d'expériences. Les parlementaires ni-vanuatu, aussi bien anglophones que francophones ont identifié des points communs avec chaque pays représenté par les conférenciers : le système institutionnel d'inspiration anglo-saxonne décrit par M. Roger Bertrand (député-Québec, ancien président de l'APF), l'apprentissage de la démocratie au Bénin commentée par M. Georges Guédou et l'expérience d'autonomie de la Nouvelle-Calédonie, territoire voisin, exposé par M. Simon Loueckhote (sénateur français et président du Congrès de Nouvelle-Calédonie).

La dernière journée s'est terminée par l'élaboration en atelier et l'exposé en séance plénière d'une série de voeux émis par l'ensemble des parlementaires ni-vanuatu.

LES GROUPES POLITIQUES AU PARLEMENT

Communication de M. Simon Loueckhote

En France, la constitution de groupements politiques au sein des assemblées a longtemps parti contraire au principe de la souveraineté nationale, reconnu à partir du XVIII ème siècle, selon lequel les élus représentent la Nation toute entière, et à l'interdiction du mandat impératif, qui en est le corollaire et assure à chaque élu sa liberté de vote et d'action au Parlement.

Ce n'est donc qu'au début du XX ème siècle, sous la III ème République, que les groupes politiques qui s'étaient en fait formés au sein des assemblées se sont organisés, et qu'en 1946, leur existence a été reconnue par la Constitution de la IV ème République.

L'accroissement progressif du rôle des groupes au sein des assemblées a été de pair avec la formation des partis politiques modernes et avec l'établissement d'un système de partis. À l'heure actuelle, les groupes politiques assurent l'expression des partis au sein des assemblées (I) et constituent un des rouages essentiels de la vie parlementaire (II).

I - LES GROUPES POLITIQUES : EXPRESSION PARLEMEN-TAIRE DES PARTIS

Les principaux partis de la vie politique française sont représentés au Parlement, mais contrairement à la Constitution précédente, la Constitution de 1958, qui a fondé la V ème République ne mentionne pas expressément les groupes parlementaires.

L'article 4 fait état des « partis et groupements politiques » qui « concourent à l'expression du suffrage et doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie », tandis que l'article 23 interdit la formation au sein de l'Assemblée nationale, de « groupes de défenses d'intérêts particuliers, locaux ou professionnels ».

Ce sont les Règlements des assemblées adoptés en 1959 qui précisent le rôle dévolu aux groupes politiques.

A) La coïncidence entre groupes parlementaires et partis politiques s'est accentuée sous la Vème République

a) Les groupes de nature exclusivement parlementaire, qui existaient sous les Républiques précédentes, ont disparu.

1) Pour éviter la multiplication des groupes, préjudiciable au bon fonctionnement du régime, les Règlements des assemblées ont augmenté l'effectif minimum nécessaire à la création d'un groupe.

Le Sénat, où le quota a été fixé à 15 membres, compte 6 groupes ; à l'Assemblée nationale, le nombre de membres, initialement établi à 30, a été ramené à 20 en 1988, pour permettre au parti communiste, dont l'effectif parlementaire après les élections était tombé à 27 députés, de continuer à disposer d'un groupe.

2) Si la création d'un groupe n'est pas une obligation 4 ( * ) , le fait de n'appartenir à aucun groupe, qui est conforme au principe d'indépendance inhérent au mandat parlementaire, représente cependant une situation marginale et comporte des inconvénients tels qu'on a imaginé des solutions intermédiaires, l'apparentement à un groupe ou la formation d'un groupe des « non-inscrits » 5 ( * ) .

Les groupes se constituent en remettant au Président de l'assemblée une déclaration politique signée de leurs membres, accompagnée de la liste de ses membres et du nom du président du groupe. Ces documents sont publiés au Journal Officiel. Par ailleurs, l'appartenance à plusieurs groupes est interdite.

b) Il n'y a pas de rapports, en droit, entre groupe et parti, mais en pratique, l'orientation, les initiatives, la stratégie du groupe s'inscrivent très largement dans la ligne de la formation politique.

Les groupes, qui réunissent des parlementaires « par affinités politiques », et les formations politiques ressortissent à des ordres juridiques différents 6 ( * ) . Formations intérieures des assemblées, les groupes sont des réunions de députés ou de sénateurs dépourvus de personnalité morale ; les partis politiques sont constitués sous forme d'associations, et sont soumis à la législation applicable à ce type de groupement.

En fait, les relations entre les groupes et les partis sont facilitées par la présence au sein du groupe des principaux dirigeants élus du parti, et, réciproquement, par celle des dirigeants du groupe dans les instances du parti.

L'autonomie des groupes par rapport aux partis est plus ou moins large ; à l'exception du groupe communiste, dont le fonctionnement est régi par les statuts du parti, la plupart des groupes établissent leurs règles de fonctionnement interne.

B) La participation des élus aux différents aspects du travail parlementaire passe très largement par les groupes politiques auxquels ils appartiennent.

a) Les groupes politiques assurent l'encadrement des parlementaires

Les groupes contrôlent dans des proportions et selon un formalisme variable, les initiatives de leurs membres (interventions, dépôts de propositions, d'amendements et de questions), et supervisent les affectations dans les différentes commissions.

Les réunions plénières hebdomadaires des groupes politiques, qui se tiennent après la publication de l'ordre du jour, permettent à leurs membres de répartir entre eux le travail, d'arrêter les grandes orientations, de s'informer sur les textes en discussion et de définir la position à prendre sur chacun d'eux.

b) Ils leur fournissent une assistance technique

Les groupes politiques offrent aux parlementaires une source d'information appréciable en mettant en place des groupes de travail spécialisés, souvent en liaison avec les groupes de travail et les experts des formations politiques, en organisant des rencontres, des auditions de représentants du monde syndical et associatif, par exemple.

Grâce aux cotisations des membres et aux subventions versées par les assemblées, les groupes recrutent des personnels qu'ils mettent à la disposition des parlementaires ; ces « assistants de groupe » jouent le rôle de conseillers techniques et aident à préparer le travail en commission ou en séance publique.

Certains groupes éditent régulièrement un bulletin d'information très détaillé, où figurent des éléments de réponse à des questions ou à des courriers adressés au président du groupe. Par ailleurs, l'utilisation des techniques informatiques a renforcé les relations entre les parlementaires et leurs groupes.

II - LES GROUPES POLITIQUES : ROUAGES ESSENTIELS DE LA VIE PARLEMENTAIRE

Remarque préliminaire : les groupes sont représentés au sein du Bureau des assemblées et dans les formations intérieures - commissions permanentes et non permanentes -, en fonction de leur importance numérique.

Leur organisation repose sur deux organes : le bureau du groupe, élu par l'ensemble des membres du groupe ; le secrétariat, organe technique placé sous le contrôle du Bureau.

A) Le Bureau du groupe

a) Chaque groupe détermine les règles de composition de son Bureau.

Ainsi, au groupe RPR, les anciens Premiers ministres sont membres de droit du Bureau ; les vice-présidents sont de permanence un jour par semaine, et assurent la représentation du Bureau du groupe. Le secrétaire général du RPR assiste aux réunions du Bureau et fait le lien entre le groupe et le parti.

b) À quelques détails près, le fonctionnement des Bureaux de groupe est identique.

Les Bureaux des groupes se réunissent chaque semaine pendant la session.

Le Bureau exécute les décisions prises par le groupe ou les prend lui-même, en cas d'urgence.

Il propose au groupe la désignation des orateurs dans les débats inscrits à l'ordre du jour, chaque groupe disposant d'un temps de parole limité.

Les propositions de loi, voire les questions lui sont soumises.

Au sein des Bureaux, les prérogatives des présidents des groupes sont importantes. Ils assistent à la Conférence des Présidents, qui détermine l'ordre du jour de l'assemblée ; ils jouent souvent dans les grands débats, le rôle de porte-parole de leur groupe ou assurent les explications de vote ; ils ont la faculté de demander des suspensions de séance, des scrutins, et l'application du quorum.

C'est pourquoi les groupes élisent en général à leur tête des parlementaires chevronnés, rompus aux techniques parlementaires, qui sont reconduits plusieurs années de suite dans cette fonction.

B) Le secrétariat général du groupe remplit trois fonctions :

a) Il assure la bonne marche de l'activité législative :

Il supervise les candidatures des membres du groupe aux commissions permanentes et non permanentes (commissions d'enquête et de contrôle).

Les groupes disposent en effet dans les commissions d'un nombre de sièges proportionnel à leur importance numérique. Si le nombre des candidatures pour une commission est trop élevé, c'est le groupe qui tranche entre les parlementaires intéressés.

Il vérifie que chaque texte inscrit à l'ordre du jour, est pourvu d'un rapporteur (pour les groupes de la majorité), ou d'un responsable de groupe qui fait fonction de porte-parole du groupe (pour l'opposition).

Il adresse au Service de la séance la liste des parlementaires qui interviendront dans les débats.

Il organise « le tour de garde » en séance, c'est-à-dire une présence minimum des députés membres du groupe, et s'assure, notamment lors des votes de censure, que chaque absent a pu donner procuration à un collègue.

Dès que les textes sont votés, il transmet à son homologue de l'autre assemblée les consignes appliquées sur tel ou tel texte, pour éviter que des amendements contradictoires soient adoptés par les groupes homologues des deux assemblées.

b) Il s'assure que les initiatives des députés respectent les statuts du groupe.

c) Il assure la liaison entre les parlementaires, répond à leurs demandes et transmet les décisions du bureau en veillant à leur exécution.

Les groupes contribuent ainsi de manière significative à améliorer le travail parlementaire, en favorisant l'information et la spécialisation des parlementaires. On peut toutefois déplorer que les travaux menés au sein des groupes déplacent les discussions de la séance publique vers des salles à huis clos. Par ailleurs, la question essentielle que pose l'appartenance à un groupe demeure celle de la liberté de l'élu ; isolé, celui-ci dispose de moindres possibilités d'intervention ; membre d'un groupe, il est soumis à certaines contraintes, et notamment à une discipline de vote, qui est appliquée de manière stricte dans plusieurs groupes.

LES FONCTIONS LÉGISLATIVE
ET DE CONTRÔLE

Communication de M. Simon Loueckhote

Rénover le travail parlementaire, légiférer moins et mieux, développer et diversifier les méthodes de contrôle... Toutes ces questions liées à la modification du rôle du Parlement sous la V ème République ont une actualité quasi permanente.

La particularité du système français est que la prépondérance de l'Exécutif dans le processus législatif, que l'on retrouve dans la plupart des pays, se situe autant sur le plan institutionnel que sur le plan politique. Elle ne tient pas seulement à l'existence depuis 1962, d'une majorité parlementaire de soutien, mais provient aussi de l'ensemble de moyens constitutionnels dont dispose le gouvernement pour faire prévaloir ses vues.

Quant au pouvoir de contrôle du Parlement, la Constitution de 1958 établit une séparation très stricte entre le droit à information et à investigation, et le droit de censurer le Gouvernement.

Nous examinerons plus en détail les restrictions apportées aux fonctions législative et de contrôle du Parlement (I), avant d'évoquer les correctifs apportés depuis une vingtaine d'années pour renforcer le rôle de la représentation nationale (II).

I - DES FONCTIONS LÉGISLATIVE ET DE CONTRÔLE RESTREINTES

A) Par la délimitation du domaine de la loi

(Nous en reparlerons lors de l'exposé sur les mécanismes de stabilité gouvernementale)

Jusqu'en 1958, la loi se définit comme l'acte voté par le Parlement, et apparaît, à ce titre, comme 1'« expression de la volonté générale » ; la conséquence est qu'il n'y a pas d'autorité supérieure à celle de la loi, et que son domaine est illimité. Le pouvoir réglementaire est un pouvoir dérivé, dont la vocation est « d'assurer l'exécution des lois ».

En réaction, la Constitution de 1958 délimite a priori le domaine de la loi et reconnaît l'existence d'un domaine réglementaire autonome. La loi devient une catégorie d'acte juridique, soumise au contrôle du Conseil Constitutionnel, institution nouvelle chargée de veiller à la conformité des lois à la Constitution, ce qui limite la puissance du Parlement et permet au Gouvernement de résister aux empiétements de la loi dans le domaine réglementaire.

B) Par la prépondérance du Gouvernement dans le processus législatif

Comme sous les Républiques précédentes, l'élaboration de la loi exige une collaboration constante entre les organes législatif et exécutif. Mais cette collaboration a été rationalisée au profit du Gouvernement.

a) l'initiative législative

L'initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement (cf. art. 39.1). Mais le Gouvernement dispose de la priorité dans l'établissement de l'ordre du jour (cf. art. 48). En pratique, si le nombre de propositions de lois déposées est plus élevé que celui des projets, le nombre des lois d'origine gouvernementale l'emporte de beaucoup sur celui des lois d'origine parlementaire 7 ( * ) .

Le droit d'amendement (cf. art. 44) représente certainement l'élément le plus efficace de l'initiative législative, parce qu'il permet d'infléchir l'action du gouvernement.

Toutefois, la marge de manoeuvre de l'opposition est faible ; ce sont les rapporteurs des commissions, représentants des groupes majoritaires, qui ont le plus de chance de faire adopter leurs amendements ; en outre, la distinction entre amendement d'origine gouvernementale ou parlementaire est faussée par le fait que le gouvernement peut faire déposer un amendement par un membre de la majorité 8 ( * ) . Enfin et surtout, la possibilité pour le Gouvernement de recourir au vote bloqué (procédure prévue à l'art. 44.3), suspend le droit d'amendement du Parlement sur tout ou partie d'un texte.

Enfin, les irrecevabilités législatives concernant les textes et les amendements prévues en matière financière et pour inconstitutionnalité (art. 40 et 41 de la Constitution) profitent essentiellement au Gouvernement et limitent l'initiative législative des parlementaires.

b) La maîtrise du Gouvernement sur le bicamérisme

Le Gouvernement choisit l'assemblée de dépôt des projets de loi (cf. art. 39.2), et c'est le texte présenté par le Gouvernement qui est discuté en séance publique par la première assemblée saisie (cf. art. 42).

Le Gouvernement détermine le rythme des débats : Il a la faculté de déclarer l'urgence sur un texte, ce qui en limite l'examen à une seule lecture dans chaque chambre. Il peut laisser la navette se poursuivre entre les deux assemblées ou l'interrompre après deux lectures en provoquant la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion (cf. art. 45) ; en cas d'échec de la commission mixte paritaire, il peut mettre fin au désaccord entre les deux chambres en donnant le dernier mot à l'Assemblée nationale.

Si les parlementaires disposent de ressources de procédure pour pratiquer l'obstruction et allonger démesurément les discussions (comme les motions de procédure et le dépôt massif d'amendements), le Gouvernement peut écourter le débat en recourant au vote bloqué (possible à chaque stade de la procédure et dans les deux chambres), voire le suspendre en engageant sa responsabilité (devant l'Assemblée nationale uniquement).

C) Par un encadrement strict du pouvoir de censure

La mise en jeu de la responsabilité politique du Gouvernement, organisée par les articles 49 et 50, s'effectue uniquement devant l'assemblée élue au suffrage direct, l'Assemblée Nationale, à l'initiative du Premier ministre, ou des députés.

a) L'initiative du Premier Ministre (art. 49.1 et 49.3)

1) Il faut distinguer deux cas :

- celui de l'engagement de responsabilité sur le programme du Gouvernement ou éventuellement sur une déclaration de politique générale. C'est un « vote de confiance » qui a lieu à la majorité absolue des suffrages exprimés, par scrutin public à la tribune.

- celui de l'engagement de responsabilité sur un texte, dont nous aurons l'occasion de reparler. Dans ce cas, le texte est considéré comme adopté sauf si une motion de censure est votée.

b) L'initiative des députés : la motion de censure spontanée (art. 49.2)

La motion de censure, qui ne peut être déposée qu'en période de session, doit être signée par un dixième au moins des membres de l'Assemblée, un même député ne pouvant signer plusieurs motions de censure à la fois. Le vote ne peut intervenir que 48 heures après le dépôt de la motion - afin de laisser aux députés un délai de réflexion, et de mobiliser les troupes.

La principale innovation de l'article 49.2 de la Constitution réside dans le mode d'adoption de la motion. Seuls sont recensés les votes qui la soutiennent ; c'est-à-dire que seuls les députés favorables à la censure participent au scrutin, qui a lieu à la tribune.

La motion est adoptée à la majorité des membres composant l'Assemblée. Les députés qui ne participent pas au vote sont donc censés appuyer le Gouvernement. Si la motion de censure est adoptée, le Premier ministre est tenu de remettre la démission du Gouvernement au Président de la République (art. 50 de la Constitution) ; si elle est repoussée, ses signataires ne peuvent en déposer une nouvelle au cours de la même session.

En pratique, cette forme de motion a perdu beaucoup de sa raison d'être à partir du moment où a existé une majorité homogène et disciplinée.

D) Par le « fait majoritaire »

À partir de 1962, la formation d'une majorité de soutien, soumise à une stricte discipline de groupe (cf. l'exposé sur les groupes politiques), s'accompagne de la concentration à son profit de la plupart des responsabilités.

Si dans chaque assemblée, les six commissions permanentes doivent refléter dans leur composition, la configuration politique de la Chambre, la majorité se répartit les présidences sans que l'on puisse se référer à des règles bien établies. Le Règlement du Sénat précise que tous les groupes politiques sont représentés au Bureau des commissions ; à l'Assemblée nationale, l'attribution des présidences a soulevé des controverses 9 ( * ) .

II - LE RENOUVEAU DU PARLEMENT

La restriction du droit de censure a conduit les deux assemblées à renforcer progressivement les autres formes du contrôle de l'activité gouvernementale ; par ailleurs, la révision constitutionnelle d'août 1995 a apporté un correctif au mouvement de rationalisation du Parlement opéré en 1958.

A) Vers de nouvelles formes de contrôle

Le souci de « décrisper » la vie politique et de doter l'opposition d'une plus large possibilité d'expression avait conduit le Président Giscard d'Estaing à élargir en 1974 à soixante parlementaires la saisine du Conseil Constitutionnel sur la conformité d'une loi votée, avant sa promulgation 1 ( * )0 .

a) Des pouvoirs d'information en développement

1) En plus des questions orales, avec ou sans débat, une procédure de questions au Gouvernement a été instaurée en 1974 à l'Assemblée Nationale, en marge de la Constitution, par un accord direct avec l'Exécutif.

Le temps de séance est réparti entre les groupes en fonction de leur importance numérique. Les questions sont appelées selon un ordre d'alternance par groupe politique qui varie à chaque séance, ce qui permet à chaque groupe de prendre régulièrement la parole en premier. Tous les membres du Gouvernement sont présents dans l'Hémicycle.

Les deux séances hebdomadaires de questions sont retransmises en direct à la télévision. Le système des questions au Gouvernement a été étendu au Sénat en 1982, mais selon une fréquence moindre.

La discussion par l'Assemblée Nationale de la seconde partie de la loi de Finances comprend depuis 1978 et surtout 1981 une phase de questions des députés au ministre dont le budget est examiné . La procédure est analogue à celle des questions au Gouvernement.

Indépendamment de l'intérêt suscité par la procédure, le foisonnement législatif et réglementaire a entraîné une croissance très rapide du nombre des questions écrites.

2) Le rôle d'information des commissions permanentes s'est élargi

* Outre leurs attributions d'ordre purement législatif, les commissions permanentes assurent l'information de l'assemblée en procédant à des auditions dans le cadre ou en dehors de la procédure législative ; elles peuvent aussi constituer des groupes de travail sur des sujets particuliers.

Depuis 1996, elles bénéficient, à leur demande et pour une durée n'excédant pas six mois, des prérogatives des commissions d'enquête.

* Au sein de la commission des Finances, les rapporteurs budgétaires peuvent suivre et contrôler de façon permanente, sur pièces et sur place, l'emploi des crédits inscrits aux budgets des différents ministères 1 ( * )1 , et disposent du concours de la Cour des Comptes.

3) Le Parlement tente en outre de se doter d'instruments d'évaluation qui lui soient propres

En 1996, deux lois d'origine parlementaire ont créé les Offices parlementaires d'évaluation de la législation et des politiques publiques, qui viennent s'ajouter à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, créé en 1983.

b) Un accroissement des pouvoirs d'investigation

Considéré dès l'origine comme le corollaire indispensable des pouvoirs du Parlement, le droit d'enquête a suscité de nombreux abus sous les Républiques précédentes. C'est pourquoi, les constituants de 1958 l'ont enfermé dans un cadre contraignant, tandis que le phénomène majoritaire le privait par la suite d'une grande part de son intérêt.

Deux réformes intervenues en 1977 et 1991, ont donné aux commissions d'enquête des moyens nouveaux - notamment un droit de citation directe pour les auditions, qui est assorti de sanctions pénales - et amélioré leur fonctionnement en levant le secret des auditions.

De ce fait, les commissions d'enquête jouissent d'une influence certaine, même si leurs conclusions ne constituent pas des décisions : leur publication et l'écho donnés aux travaux dans les médias placent le Gouvernement dans une quasi-obligation d'agir.

Les missions d'information ont une vocation voisine de celle des commissions d'enquête, les parlementaires utilisant d'ailleurs l'une ou l'autre formule, en fonction du sujet et de l'opportunité politique. Elles présentent toutefois l'avantage d'une plus grande facilité de création et d'un moindre formalisme dans les règles de fonctionnement (en particulier, aucun délai n'est imposé pour la remise du rapport).

B) L'instauration d'une session unique a élargi le cadre de l'activité parlementaire

La révision constitutionnelle du 4 août 1995 instaure le principe d'une session annuelle 1 ( * )2 , dont la durée a été fixée par le Parlement à cent vingt jours. Destinée, au plan technique, à aménager le rythme du travail parlementaire en augmentation constante et le contenu des débats, elle s'inscrit, au plan institutionnel, dans la logique d'un renforcement et d'une diversification des pouvoirs du Parlement, et de sa capacité de contrôle de l'action gouvernementale.

Dorénavant, l'Assemblée nationale peut déterminer chaque mois l'ordre du jour de deux de ses séances et y inscrire les propositions de lois, de débats etc... de ses membres. Cette faculté profite bien sûr à tous les groupes politiques.

Il faut ajouter en conclusion que la disproportion des moyens d'information mis à la disposition respectivement le Gouvernement et le Parlement a poussé les assemblées à moderniser leurs méthodes et leurs instruments de travail, et à développer les effectifs d'aide et d'assistance aux parlementaires.

D'autres réformes sont en projet :

- augmenter le nombre des commissions permanentes (dix au lieu de six), où s'accomplit l'essentiel du travail parlementaire, ce qui permettrait, en outre, de diversifier leurs présidences entre les différentes sensibilités de la majorité, voire de l'opposition ;

- étendre la fonction de contrôle à d'autres domaines de l'action publique (défense ou politique étrangère, par exemple) ;

- approfondir le contrôle en matière de finances publiques et de dépenses sociales.

LES MÉCANISMES DE LA STABILITÉ
GOUVERNEMENTALE

Communication de M. Simon Loueckhote

Les échecs du parlementarisme à la française ont inspiré, après la seconde guerre mondiale, un courant de réformes, qui en utilisant la technique de réglementation juridique des rapports politiques visait à préserver la stabilité gouvernementale des débordements parlementaires.

Mise en oeuvre sans succès sous la IV ème République, cette entreprise a été relancée de manière plus radicale en 1958, en vue de supprimer les deux maux qui avaient paralysé les institutions des Républiques précédentes : la prépondérance négative d'un Parlement, qui entrave l'action gouvernementale, tout en renonçant lui-même à légiférer ; l'utilisation de la crise ministérielle comme instrument de gouvernement.

Sans rompre avec la tradition républicaine, libérale et parlementaire, la Constitution de la V ème République fonde la stabilité du régime sur un rééquilibrage des pouvoirs et une rationalisation des mécanismes parlementaires (I) ; mais cette réforme profonde des institutions s'est accompagnée d'excès engendrés par l'évolution de la vie politique et par la pratique institutionnelle (II).

I - LES FONDEMENTS INSTITUTIONNELS DE LA STABILITÉ GOUVERNEMENTALE

La stabilité du nouveau régime est fondée d'une part sur le rééquilibrage des pouvoirs et l'indépendance de l'Exécutif par rapport au Législatif, et d'autre part sur la mise en place de mécanismes parlementaires permettant au gouvernement d'agir sans majorité.

A) Le renforcement et l'indépendance de l'Exécutif, conditions du rééquilibrage des pouvoirs

a) La Constitution de 1958 dote le Président de la République et le Premier Ministre de pouvoirs importants

Si le Premier ministre dirige l'action du gouvernement (art. 21.1), dispose à titre principal du pouvoir réglementaire, et engage la responsabilité du gouvernement devant l'Assemblée nationale (art. 49.1), la direction de l'État est entièrement confiée en cas de crise au Président (art. 16) ; la décision de dissoudre l'Assemblée nationale lui appartient (art. 12) ; la possibilité d'un dialogue direct avec le peuple lui est ouverte par la voie du référendum (art. 11). C'est lui qui nomme le Premier ministre et met fin à ses fonctions (art. 8).

Selon la conception du Général de Gaulle, qui a largement inspiré la Constitution, le Président de la République est le détenteur initial du pouvoir exécutif, au même titre que le Parlement l'est du pouvoir législatif.

L'autorité du Chef de l'État est renforcée par la réforme constitutionnelle de 1962 qui instaure le suffrage universel direct pour son élection, et lui confère de ce fait, une légitimité démocratique équivalente à celle des membres de l'Assemblée nationale.

b) La Constitution de 1958, en délimitant le domaine de la loi, dépouille le Parlement de son monopole normatif

Jusqu'à présent, la souveraineté de la loi, corollaire de la souveraineté parlementaire, constituait un dogme intangible et son domaine, par définition illimité, ne connaissait de bornes que celles que le Législateur acceptait de s'imposer ; aussi, les gouvernements des III ème et IV ème Républiques avaient tenté de doter le pouvoir réglementaire d'une assise plus large, en faisant voter par les assemblées des « lois de pleins pouvoirs », ou « d'habilitation »...

À partir de 1958, la loi votée par le Parlement et dont le domaine est défini par l'art. 34 de la Constitution, constitue une catégorie d'acte juridique, au même titre que les décrets et les règlements pris par le Gouvernement.

Simultanément, un contrôle effectif de la constitutionnalité des lois est mis en place et confié au Conseil Constitutionnel, nouvelle institution, chargée également de préserver le domaine réglementaire des empiétements de la loi.

L'indépendance de l'exécutif est confortée par l'incompatibilité des fonctions ministérielles avec le mandat parlementaire, qui contribue par ailleurs à réduire l'influence du Parlement.

B) La rationalisation des mécanismes parlementaires

Elle est destinée à encadrer une majorité faible, divisée ou encore indisciplinée ; l'opposition, par définition minoritaire, peut en effet moins facilement provoquer une crise.

a) La réforme parlementaire assure au Gouvernement les moyens de diriger effectivement le travail législatif.

Pour les rédacteurs de la Constitution, l'action politique se traduit avant tout par l'édiction de normes. On rappellera les prérogatives qui permettent au gouvernement d'impulser et d'ordonner le déroulement des travaux parlementaires :

La priorité pour la fixation de l'ordre du jour (art. 48.1) ; la maîtrise du bicamérisme : les projets de lois sont déposés au choix du gouvernement dans l'une ou l'autre assemblée (art. 39.2) ; la possibilité de déclarer l'urgence sur un texte, ce qui en limite le nombre des lectures (art. 45.2), celle d'interrompre la navette entre les deux assemblées pour donner le dernier mot à l'Assemblée nationale (art. 45.4), ou encore celle d'utiliser la procédure du vote bloqué (art. 44.3). En outre, le gouvernement contrôle l'exercice du droit d'amendement et encadre la procédure budgétaire. Des restrictions financières sont apportées à l'initiative législative (art. 40).

b) La procédure relative à l'engagement de responsabilité du gouvernement sur un texte est soigneusement organisée

Le régime précédent avait tenté de rationaliser les rapports entre le Président du Conseil et l'Assemblée nationale, notamment ceux concernant l'engagement de responsabilité, par le jeu de la question de confiance. Mais ce moyen de pression s'est avéré inopérant pour faire adopter un texte.

En effet, lorsque la confiance était demandée aux députés par le Président du Conseil à l'occasion du vote d'un texte, le vote qui intervenait était apprécié sous deux angles : celui de la confiance, qui devait être refusée à la majorité absolue des membres de l'assemblée ; et celui de l'adoption du texte, qui était repoussée à la majorité simple. Le texte pouvait donc être rejeté sans que le gouvernement tombe, mais ce mécanisme de dissociation des majorités conduisait en fait à un blocage institutionnel, le gouvernement restant en place sans pouvoir agir.

La Constitution de 1958 remédie à ce dysfonctionnement. Aux termes de l'art. 49.3, lorsque le Premier ministre engage la responsabilité du gouvernement devant l'Assemblée nationale sur le vote d'un texte, le texte est considéré comme adopté sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est adoptée à la majorité. Rappelons que la motion de censure doit être signée par un dixième au moins des députés et que seuls sont recensés les votes qui la soutiennent.

Les cohabitations successives que la France a connu à partir de 1986 ont permis d'éprouver l'adaptabilité des mécanismes mis en place en 1958. Le renforcement de l'Exécutif profite pendant ces périodes au Premier ministre qui, appuyé par sa majorité parlementaire ne « procède » plus du Président de la République, exerce pleinement les compétences qui lui sont dévolues par la Constitution, en utilisant les instruments du parlementarisme rationalisé ; le Président de la République ne joue plus le rôle moteur du couple exécutif, mais devient de facto, chef naturel de l'opposition.

L'efficacité des mécanismes s'est toutefois avérée excessive après la formation d'un système de partis structurés, et la pratique institutionnelle qui s'est instaurée dès les premières années du régime a conduit à une instrumentalisation du Parlement.

II - LES EXCÈS DES MÉCANISMES DE STABILITÉ

A) L'apparition du fait majoritaire et la mise sous le boisseau de la majorité

a) L'apparition du fait majoritaire, qui marque une profonde rupture avec les régimes sans vraie majorité qui avaient précédé, doit beaucoup à la fois au mode de scrutin adopté, et au nouveau mode d'élection du Président de la République.

La Constitution de 1958 a substitué à la représentation proportionnelle, pratiquée sous la IV ème République, le scrutin majoritaire uninominal à deux tours pour l'élection des députés. Ce mode de scrutin a favorisé la formation de majorités de coalitions stables.

L'émergence d'une configuration politique nouvelle s'accomplit véritablement en 1962, avec la crise qui accompagne le référendum concernant l'élection du Président de la République au suffrage universel direct ; se regroupent d'un côté des formations d'opposition, et de l'autre l'alliance de soutien au Général de Gaulle.

La création d'un système bipolaire, se confirme lors des élections législatives qui suivent le référendum.

Ces caractères sont renforcés par le mode d'élection du Président, qui impose que seuls, les deux candidats arrivés en tête au premier tour se présentent au second. Le système exige donc que les partis mènent une stratégie d'alliance pour accéder au pouvoir et l'exercer.

b) Avec la constitution du majorité cohérente, la rationalisation des mécanismes parlementaires se révèle très contraignante car les prérogatives réglementaires se superposent à la discipline politique de la majorité.

Ainsi, l'arrivée d'une majorité cohérente dans l'hémicycle après 1962 n'entraîna pas un relâchement des contraintes. Ce n'est qu'à partir des années 1970 qu'un aménagement moins unilatéral du travail parlementaire fut introduit à l'Assemblée nationale, et qu'un dialogue s'instaura entre le gouvernement et les groupes qui le soutenaient, les contraintes étant intériorisées ; et la même rigueur parlementaire fut appliquée à nouveau aux députés socialistes qui avaient obtenu la majorité absolue des sièges en 1981.

B) L'instrumentalisation du Parlement

Fondamentalement, l'abaissement du Parlement provient du fait qu'en période de majorités cohérentes, comme cela a été le cas jusqu'en 1986, le gouvernement tire son autorité non pas de la majorité parlementaire, mais du Président de la République, qui dispose d'une légitimité démocratique équivalente à celle des élus de l'Assemblée nationale.

De toute façon, la collusion entre une majorité parlementaire et un Exécutif fort, qu'il soit dirigé par le Président de la République en période de majorités cohérentes, ou par le Premier ministre en période de cohabitation, confine les députés dans un rôle passif, parfois poussé à l'absurde.

L'engagement de responsabilité sur un texte permet au gouvernement de faire adopter un texte sans que les députés se prononcent sur le texte lui-même (cf. art. 49.3). Couplé avec l'art. 38, selon lequel le gouvernement peut pour l'exécution de son programme demander au Parlement l'autorisation de prendre pendant une durée limitée des mesures qui sont normalement du domaine de la loi, il permet à l'Exécutif de légiférer sans le Parlement.

Les techniques du parlementarisme rationalisé ont servi à plusieurs reprises (notamment entre 1962 et 1974, puis entre 1981 et 1986) à exclure l'opposition du débat parlementaire.

Les excès du parlementarisme rationalisé ont suscité des tentatives pour réhabiliter le Parlement, en encourageant, comme on l'a vu, ses capacités d'initiative en matière législative, et surtout en développant ses fonctions de contrôle.

Par ailleurs, il ne faut pas conclure que la discipline majoritaire rend superflues les armes du parlementarisme rationalisé ; elles conservent une utilité lorsque la majorité repose sur une coalition, et qu'il faut contenir les rivalités et l'indocilité des différentes composantes.

ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE LA SECTION FRANÇAISE DE L'APF

Paris, 17 mai 2000

-------------

La section française de l'APF s'est réunie en assemblée générale à l'Assemblée nationale, le mercredi 17 mai 2000, sous la présidence de son président-délégué, M. Louis Mexandeau, député (S) du Calvados.

L'Assemblée a nommé Mme Odette Trupin, députée (S) de la Gironde, vice-présidente de la section, en remplacement de Mme Catherine Tasca.

L'Assemblée a arrêté la composition de la délégation qui se rendra à la XXVI ème session de Yaoundé, du 5 au 9 juillet 2000 : MM. Louis Mexandeau, président-délégué de la section française ; Pierre-André Wiltzer, député (UDF) de l'Essonne, président de la Commission politique de l'APF ; Guy Penne, sénateur (S) représentant les Français établis hors de France, vice-président de la Commission des affaires parlementaires de l'APF ; Jacques Brunhes, député (C) des Hauts-de-Seine, rapporteur ; Mme Odette Trupin, députée (S) de la Gironde, rapporteur ; MM. Joël Bourdin, sénateur (RI) de l'Eure, rapporteur ; Philippe Marini, sénateur (RPR) de l'Oise ; Michel Bécot, sénateur (UC) des Deux-Sèvres.

Les participants ont ensuite évoqué les prochaines activités de la section française puis entendu un rapport du trésorier de la section sur les comptes de l'année 1999 et les perspectives pour 2000.

CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS DE LA RÉGION EUROPE

Namur, 19-20 juin 2000

-------------

La Conférence des Présidents de la région Europe s'est réunie à Namur (Belgique) les 19 et 20 juin 2000, à l'invitation de la section de la Communauté française de Belgique, sous la présidence de M. Bernard Anselme, chargé de mission Europe.

Quinze sections de l'APF ont participé aux travaux, la section française étant représentée par son Président délégué, M. Louis Mexandeau, député (S) du Calvados.

Dans son rapport d'activité, M. Bernard Anselme a tout d'abord fait le point sur la mission qu'il a effectuée en Bulgarie et en Macédoine. La République de Macédoine est désormais membre associé des sommets des pays ayant le français en partage et a la volonté de participer aux différentes instances de la Francophonie. Une demande d'adhésion à l'APF doit intervenir avant l'Assemblée générale de Yaoundé et chaque section européenne devrait y apporter son soutien.

Il a ensuite retracé le programme de coopération mis en oeuvre par la région Europe dont les premiers bénéficiaires ont été les sections albanaise et moldave. À ce titre, un parlementaire et deux fonctionnaires viennent d'effectuer un stage de deux fois dix jours dans des Parlements de la région Europe. Le Parlement français a ainsi reçu les trois stagiaires au mois de mai. Ce programme de coopération comportait également la fourniture d'un fonds documentaire et une contribution en matériel. D'ici la fin de l'année, deux parlementaires albanais et moldave devraient être accueillis en stage, dont un à l'Assemblée nationale. Pour 2001, la République de Macédoine et la Bulgarie ont été retenues comme sections bénéficiaires.

Répondant à l'invitation de la section hongroise, la Conférence des Présidents a décidé que la prochaine Assemblée régionale Europe se tiendra du 21 au 23 mai 2001 à Budapest pour examiner deux rapports sur les thèmes suivants :

- Le renforcement de la coopération entre les Parlements des pays francophones d'Europe, dans la perspective de l'élargissement de l'Union européenne ;

- L'équivalence des diplômes et des titres en Europe dans la perspective d'une mobilité professionnelle intensifiée.

Il a été décidé que la question des brevets européens ferait également l'objet d'un projet de résolution.

BUREAU DE L'APF

Yaoundé, 4 juillet 1999

-------------

À l'invitation de la section camerounaise, le Bureau de l'APF s'est réuni à Yaoundé, le 4 juillet, sous la présidence de M. Nicolas Amougou Noma, Président de l'APF, Premier vice-président de l'Assemblée nationale du Cameroun.

Des dix-huit sections représentées au Bureau, quatorze ont participé à cette réunion. La section française était représentée par son président délégué, M. Louis Mexandeau, député (S. - Calvados), M. Pierre-André Wiltzer, député (UDF - Essonne), président de la commission politique, et M. Guy Penne, sénateur (S. - Français établis hors de France), vice-président de la commission des affaires parlementaires. Mme Odette Trupin, députée (S. - Gironde), représentait le groupe de réflexion sur l'implication des femmes parlementaires en francophonie.

Après avoir entendu une communication de son Président, le Bureau a décidé de transmettre à l'Assemblée plénière un avis favorable à l'adhésion de la Macédoine en tant que section associée et de suspendre la section de la Côte d'Ivoire, conformément à la décision prise lors de la session d'Abidjan en juillet 1998 de ne plus reconnaître aux pays dont le parlement a été dissous par la force la possibilité d'être représentés par une section. Il a émis le voeu de réintégrer le Niger, ayant constaté le retour à un ordre constitutionnel démocratique dans ce pays. Concernant la réintégration du Rwanda, le Bureau a souhaité qu'un échéancier électoral soit déposé avant toute décision.

M. Jacques Legendre, sénateur (RPR - Nord), Secrétaire général parlementaire, a ensuite présenté son rapport d'activité. Il a fait le point sur le suivi des résolutions de la session ordinaire d'Ottawa et du Bureau de Québec, sur le Sommet de Moncton, sur les soubresauts de la démocratie en Afrique, sur les travaux des Assemblées régionales et des commissions, sur la participation de l'Assemblée aux activités de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF), sur les missions d'observations des élections et les programmes de coopération interparlementaire. Un débat auquel ont participé les sections française, burkinabé, canadienne, égyptienne, québécoise, suisse, valdôtaine et vietnamienne s'est instauré notamment au sujet de l'impact des conflits armés sur les enfants, de la conservation des monuments artistiques en Afrique et de la présence de l'APF au Symposium international sur le bilan des pratiques de la démocratie, des Droits de l'homme et des libertés dans l'espace francophone, organisé par l'OIF à Bamako (Mali) à la fin de l'année 2000.

M. Nicolas Amougou Noma, Président, a rendu compte de la mission effectuée en Guinée du 10 au 13 avril dernier, au moment de l'ouverture du procès de M. Alpha Condé, député à l'Assemblée nationale de Guinée, président du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), candidat à l'élection présidentielle de 1998 et détenu depuis cette date.

Les chargés de mission Afrique, Amérique et Europe ont présenté un bilan des actions de leurs régions.

Le Bureau a pris acte du rapport du trésorier sur les comptes de l'exercice 1999 et a nommé plusieurs personnalités dans l'Ordre de la Pléiade.

À l'invitation de la section française, la prochaine réunion du Bureau se tiendra à Caen.

XXVIème SESSION DE L'APF

Yaoundé, 6-9 juillet 1999

-------------

La XXVI e session ordinaire de l'APF a réuni à Yaoundé (Cameroun) 36 délégations composées de près de 150 parlementaires francophones, dont les présidents des assemblées du Cameroun, Burkina Faso, Gabon, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée équatoriale, Maurice, Niger, Sénégal, Centrafrique, Valais, Val d'Aoste et du canton de Vaud. Outre les membres ayant assisté au Bureau, la délégation française était composée de M. Jacques Brunhes, député (C - Hauts-de-Seine), rapporteur de la commission de la coopération et du développement et de MM. Joël Bourdin, (RI - Eure), rapporteur de la commission de l'éducation, Jean Delaneau (RI - Indre-et-Loire) et Philippe Marini (RPR - Oise), sénateurs.

La journée du 6 juillet a été consacrée aux réunions des quatre commissions : politique, affaires culturelles et éducation, affaires parlementaires, coopération et développement. La cérémonie d'ouverture a été présidée par M. Paul Biya, président de la République du Cameroun, qui a ouvert les travaux.

S. Exc. M. Philippe Sawadogo, ambassadeur du Burkina Faso, membre du Conseil permanent de la Francophonie, représentait M. Boutros Boutros-Ghali, secrétaire général de la Francophonie, au nom duquel il a fait un bilan de l'Organisation internationale de la Francophonie : coopération avec les autres organisations internationales (ONU, OUA, Commonwealth, groupe ACP, organisation des États américains, suivi des accords de coopération et signature de nouveaux accords), mission d'information et de contact en Côte d'Ivoire, missions de conciliation dans différents pays, missions d'observation des élections, contacts avec les États marquant un intérêt pour participer aux travaux de l'OIF, 1 ère Conférence des femmes de la Francophonie, préparation du Symposium de Bamako, préparation du Sommet de Beyrouth.

La Macédoine a été admise en tant que section associée, la section du Niger a été réintégrée et celle de la Côte d'Ivoire suspendue.

Le débat général a porté sur le dialogue des cultures, dans la perspective du Sommet de Beyrouth de 2001. M. Louis Mexandeau a mis en garde les pays francophones contre la mondialisation des industries culturelles qui comporte un risque d'uniformisation et appelle en conséquence la reconnaissance du droit de défendre la diversité culturelle. Constatant que les progrès technologiques ont transformé les produits culturels en marchandises aux enjeux considérables dans le domaine de l'audiovisuel et que cette approche marchande s'est accompagnée d'un déséquilibre croissant des échanges internationaux au profit des États-Unis, il a souhaité que les pays francophones soutiennent la défense de la diversité culturelle.

M. Jacques Legendre, secrétaire général parlementaire, a souhaité que l'APF se penche sur le thème de la préservation du patrimoine africain. Puis il a présenté son rapport d'activité qui a été approuvé.

À la suite du compte rendu de la mission qui s'est rendue en Guinée, l'Assemblée a adopté une résolution en faveur de la libération de M. Alpha Condé.

S'agissant de la mission d'observation en Haïti, des réserves ont été émises sur le déroulement des élections législatives, sénatoriales, municipales et locales du 21 mai 2000. L'Assemblée a décidé de ne pas envoyer de mission au second tour et a adopté une résolution sur la situation dans ce pays.

Le rapport financier présenté par le trésorier a été approuvé et l'Assemblée a entendu les comptes rendus d'activité des chargés de mission régionaux (Afrique, Amérique, Europe).

En tant que rapporteur du groupe de réflexion sur l'implication des femmes parlementaires en francophonie, Mme Odette Trupin a proposé la définition d'une stratégie pour une meilleure participation des femmes à la vie politique à travers des actions de court et moyen terme, destinées à modifier rapidement le paysage politique dans les différents pays afin d'intégrer les femmes à la prise de décision, aux niveaux local et national, et des mesures à long terme, visant à changer les mentalités. Elle a également présenté les objectifs et la mise en place d'une structure permanente.

Une convention entre l'APF et l'Organisation internationale de la Francophonie a été ratifiée, en vue d'intensifier leur collaboration.

Elle prévoit une information et une consultation réciproques ainsi qu'un partenariat dans les programmes de coopération parlementaire décidés par les Sommets.

La commission politique avait retenu comme thèmes des ses travaux : la situation politique dans le monde francophone, le suivi du plan d'action de Moncton et l'impact des conflits armés sur les enfants.

La commission de l'éducation, de la communication et des affaires culturelles a présenté des rapports sur la lutte contre l'échec scolaire, pour une école de la réussite, la lutte contre le sida, la diversité culturelle, ainsi que l'avant-projet de plan général de l'Avis de l'APF en vue du Sommet de Beyrouth sur le dialogue des cultures. M. Joël Bourdin a présenté un rapport sur la création de l'université de l'Océan indien, décidée dans son principe en 1991, lors du Sommet des Chefs d'État de la Commission de l'Océan indien. Cette université est financée par l'Union européenne. Elle a été créée pour une expérimentation de trois ans en 1998 qui sera prolongée jusqu'en 2002 ; elle forme des étudiants dans les domaines de l'environnement, la gestion des entreprises et les nouvelles technologies.

Les rapports de la commission des affaires parlementaires ont porté sur le statut des suppléants dans les Parlements francophones, les procédures de démocratie directe, les programmes de coopération interparlementaire (Pardoc, inforoutes de l'APF, missions d'observation des élections, séminaires et stages), le Parlement francophone des jeunes. M. Guy Penne a présenté un rapport sur l'autonomie financière des parlements. Il a retracé les modes d'expression et a, en conclusion, fait remarquer, d'une part, que si l'autonomie financière est une condition souvent nécessaire du plein exercice de ses pouvoirs par le Parlement, elle n'en est pas, loin s'en faut, une condition suffisante et que, d'autre part, autonomie financière ne doit pas signifier absence de transparence.

Ont été enfin adoptés les rapports de la Commission de la coopération et du développement concernant les programmes d'ajustement structurel dans les pays en développement, la corruption et les accords multilatéraux d'investissements. M. Jacques Brunhes a dressé un bilan de l'évaluation des critères de développement humain du PNUD dans les pays de la Francophonie au cours des dix dernières années et apporté quelques éléments d'explication : les stratégies conduites par les institutions de Bretton Woods en Afrique, la transition libérale en Europe centrale et orientale et le caractère ultra libéral de la mondialisation.

Outre les rapports des commissions, l'Assemblée a adopté plusieurs textes :

- une recommandation visant à ce que les dirigeants des pays dans lesquels les institutions ont été renversées par la force ne soient pas invités aux Sommets de la Francophonie ;

- plusieurs résolutions en faveur de la libération du député Alpha Condé et de ses co-accusés, sur la situation en Guinée, au Proche-Orient, au Togo, à Haïti, aux Comores ainsi que deux résolutions sur les conventions relatives respectivement à la Cour pénale internationale et aux mines antipersonnelles, et une sur le Symposium de Bamako.

L'assemblée plénière a décidé que le Niger serait désormais représenté au Bureau de l'APF, en remplacement de la Côte d'Ivoire.

La prochaine session ordinaire se déroulera à Québec (Canada) au mois de juillet 2001.

MISSIONS D'OBSERVATION D'ÉLÉCTIONS

- Au Sénégal

Une mission de l'APF, à laquelle participait M. Simon Loueckhote, sénateur (RPR) de Nouvelle-Calédonie, s'est rendue au Sénégal pour suivre le premier tour des élections présidentielles du 27 février 2000.

Au cours de leur séjour, les observateurs ont visité les institutions chargées du contrôle des opérations de vote, de la surveillance de l'utilisation de la télévision et de la proclamation des résultats et rencontré plusieurs personnalités politiques sénégalaises.

Les observateurs ont pris note des positions de chacun sur les problèmes cruciaux du processus électoral, notamment ceux relatifs à l'établissement du fichier des électeurs, à l'établissement et à la distribution des cartes électorales, aux pièces probantes d'identification des électeurs, à l'organisation des bureaux de vote, au dépouillement des votes, à l'acheminement des procès-verbaux vers les commissions de recensement au niveau départemental, régional et national, et au rôle dévolu par la loi aux différentes institutions administratives ou juridictionnelles chargées de l'organisation, du recensement du contrôle des opérations de vote ou de proclamation des résultats.

Le dimanche 27 février, jour du scrutin, les observateurs se sont déployés à travers différentes régions, pour procéder à l'observation sur place du scrutin. Plus de 220 bureaux de vote ont pu ainsi être visités au cours de cette journée entre l'heure d'ouverture et l'heure de fermeture des bureaux, dans les villes de Dakar, Saint-Louis, Thiès, Louga, Kaolack, Fatick, Rufisque et de leurs environs.

Le lundi 28 février, les observateurs ont été reçus par le Président Abdou Diouf. Ils ont également repris contact, le même jour, avec M. Wade puis avec M. Niasse.

Au terme des différentes rencontres qu'ils ont eues avec ces personnalités, des constats qu'ils ont pu effectuer à partir de la presse écrite, de la radio, de la télévision, et de l'observation effective du scrutin, les observateurs ont constaté que les difficultés relatives au fichier électoral et aux cartes d'électeurs ont pu en définitive faire l'objet d'une solution négociée et consensuelle acceptable. Ils ont estimé que la campagne électorale précédant le scrutin s'était caractérisée, malgré quelques incidents, par un esprit d'ouverture et de tolérance. Les candidats ont pu s'exprimer librement à travers la radio et la presse écrite. La télévision publique a couvert la campagne d'une manière équitable, sous la surveillance du Haut Conseil de l'Audiovisuel.

La visite des bureaux de vote leur a permis de constater que le scrutin s'est déroulé dans de bonnes conditions d'organisation et sans incidents. La formation des responsables de bureau de vote a été jugée adéquate. Le matériel et l'équipement étaient qualitativement et quantitativement satisfaisants. Le scrutin a eu lieu dans la discipline, la transparence et la neutralité de l'administration.

En conclusion, la mission d'observation de l'Organisation de la Francophonie, tout en exprimant son entière satisfaction pour ces acquis déjà importants pour la consolidation de la démocratie, a souhaité que le processus électoral se poursuive jusqu'à la proclamation finale des résultats par le Conseil constitutionnel, dans le même climat de neutralité, de sincérité et de transparence.

- À Haïti

Une mission de l'APF, à laquelle a participé M. Léo Andy, député (S) de Guadeloupe, s'est rendue à Haïti pour suivre les élections législatives, sénatoriales, municipales et locales du 21 mai 2000.

La mission s'est répartie en cinq équipes qui ont observé le scrutin à Jacmel, Benet, Delmas, à Port-au-Prince et dans ses environs.

Les observateurs de la Francophonie ont rencontré les autorités politiques et administratives, les institutions et les partis politiques impliqués dans le processus électoral, le Conseil électoral provisoire chargé de l'organisation et du contrôle du scrutin ainsi que les missions diplomatiques et les partenaires au développement.

Il ressort des constatations faites dans les bureaux de vote observés que le scrutin s'est déroulé généralement dans le calme et la sérénité, grâce à la patience et la discipline des électeurs qui ont participé massivement à ces élections.

La mission a relevé des insuffisances dans le déroulement du scrutin, en ce qui concerne la formation du personnel et l'organisation matérielle des opérations de vote (ouverture tardive des bureaux de vote, retards dans l'acheminement du matériel électoral, difficultés dans l'accréditation des mandataires dans certains cas).

En dépit de ces insuffisances, la mission a estimé, en l'état de ses observations, que les électeurs avaient pu librement et régulièrement exercer leur choix.

La Délégation de la Francophonie a félicité le peuple haïtien pour la maturité dont il a fait preuve et a engagé les acteurs de la vie politique à respecter la volonté exprimée par le peuple et à poursuivre la consolidation de la démocratie et de l'État de droit.

À la mi-juin, le résultat des élections n'était toujours pas publié par le Conseil électoral et des incidents violents ont eu lieu, notamment dans la capitale. Rapidement, l'opposition a dénoncé les conditions du dépouillement et annoncé qu'elle ne participerait pas au second tour.

La publication des résultats donne une avance considérable au parti de l'ancien président Aristide alors que les observateurs impartiaux, et en particulier les missions diplomatiques présentes à Port-au-Prince, évoquent des problèmes sérieux survenus dans le dépouillement, de nature à avoir faussé les résultats.

ANNEXES

Rapport présenté par Mme Odette TRUPIN à l'occasion de la XIIIème Assemblée régionale Europe, relatif à L'ÉTAT DE LA FRANCOPHONIE DANS LES PECO ET AUX PERSPECTIVES DE COOPÉRATION

Pour partie appelés à rejoindre l'Union européenne à brève échéance, les Pays d'Europe centrale et orientale (PECO) figurent parmi les priorités pour la Francophonie. Ils représentent actuellement 10 % des 55 millions d'apprenants de français hors de France.

Jusqu'en 1990, l'apprentissage des langues étrangères était régi dans les PECO par un système de quotas qui assignait à chaque langue une « part de marché », avec une priorité réservée au russe. Depuis l'effondrement des régimes communistes, l'offre linguistique s'est libéralisée tandis qu'une réforme progressive des systèmes éducatifs se mettait en place.

L'anglais a massivement bénéficié de cette conjoncture et a acquis une position dominante dans cette zone.

Dans une moindre mesure, le français a également progressé dans la plupart des PECO. Il se maintient dans ses bastions traditionnels que sont la Roumanie et la Moldavie, et se développe d'une manière notable dans des pays (Hongrie, Pologne, République tchèque) où il était auparavant peu implanté mais qui manifestent une volonté de diversifier leur politique linguistique. En revanche, l'apprentissage du français baisse de manière inquiétante en Bulgarie.

Par ailleurs, on observe dans l'ensemble de ces pays un intérêt croissant pour la production culturelle francophone, qu'il s'agisse du livre, du cinéma, des émissions audiovisuelles ou des spectacles (théâtre notamment).

Les pays francophones ainsi que les instances multilatérales de la Francophonie consentent un effort important en faveur de la promotion du français dans cette région du Monde. Nous étudierons particulièrement dans ce rapport les perspectives offertes par les jumelages et la coopération décentralisée, ainsi que la coopération scolaire et universitaire.

I - É TAT DES LIEUX DE LA FRANCOPHONIE PAR PAYS

Albanie

En Albanie, le français est enseigné au niveau secondaire à environ 90 000 élèves (14 % du total), et au niveau universitaire à 1 200 étudiants (4 %). Ces chiffres sont demeurés stables dans la période récente.

L'enseignement du français profite, d'une manière générale, de la modernisation en cours du système éducatif albanais : accroissement rapide de l'enseignement précoce des langues étrangères, ouverture de sections bilingues (deux en français, qui fonctionnent depuis la rentrée 1999), introduction du télé-enseignement à l'université polytechnique de Tirana, etc.

Par ailleurs, la chaîne francophone TV5 est diffusée par voie hertzienne dans une quinzaine de villes.

Bulgarie

Le recul du français se poursuit en Bulgarie. Alors qu'il était en 1990 à égalité avec l'anglais dans les lycées classiques, il n'arrivait plus en 1998 (selon les derniers chiffres disponibles) qu'en troisième position derrière l'anglais et le russe, et juste devant l'allemand, avec 120 000 élèves, soit 16 % des apprenants d'une langue étrangère. Sa situation était encore plus défavorable dans les lycées professionnels où il venait en quatrième position avec 13 000 élèves.

Cette évolution négative peut s'expliquer par la faible implantation des investisseurs francophones et le manque de soutien des institutions bulgares, mais aussi par le fait que, contrairement à ce que l'on observe en Roumanie ou en Moldavie, la francophonie n'a pas de véritables bases sociales dans ce pays. Sur la douzaine d'associations francophones recensées en Bulgarie, la seule qui soit réellement active est l'Association des Professeurs de Français.

Plus encourageante est la réussite de la vingtaine de sections bilingues dans les lycées et des filières universitaires francophones (en chimie, génie électrique, gestion et hôtellerie), qui atteste de l'existence d'un potentiel en Bulgarie pour la francophonie à haut niveau.

L'augmentation de la fréquentation des centres et instituts culturels français et francophones constitue un autre motif de satisfaction, qui va dans le même sens. Des expériences intéressantes de collaboration sont menées entre les centres culturels français et l'Institut Goethe, l'Institut hongrois et la Fondation Pro Helvetia.

Croatie

Dans ce pays, le français (9 000 apprenants dans le primaire, 12 000 dans le secondaire, soit respectivement 2 et 6,5 % des élèves) pâtit non seulement de la concurrence de l'anglais, mais également de celle de l'allemand et de l'italien, qui enregistrent une forte poussée.

Au niveau supérieur, le nombre d'étudiants inscrits à une formation en français ne dépasse pas 600.

Hongrie

L'augmentation du nombre d'apprenants de français en Hongrie (8 % des 14-18 ans, 5,5 % des étudiants) témoigne d'un regain d'intérêt pour notre langue, très fortement devancée toutefois par l'anglais et l'allemand. Elle s'explique aussi par les mesures adoptées récemment en faveur des langues étrangères : depuis 1998 en effet, l'apprentissage d'une langue étrangère est obligatoire et celui d'autres langues est recommandé. Le baccalauréat comportera des épreuves dans deux langues étrangères à compter de 2004.

Il existe en Hongrie quatre lycées accueillant des classes bilingues francophones, trois filières universitaires francophones et un IUT avec un enseignement renforcé du français.

L'Institut français de Budapest ainsi que les cinq Alliances françaises implantées dans les grandes villes connaissent une fréquentation soutenue. Environ un million de foyers hongrois reçoivent la chaîne TV5, et depuis 1997 paraît une revue bilingue bimestrielle, « La nouvelle Gazette de Hongrie », tirée à 1 000 exemplaires.

Macédoine

En Macédoine, le taux d'enseignement du français demeure stable, à un niveau assez élevé : 35 % des 7-14 ans, 30 % des 15-18 ans et 30 % des étudiants, soit au total 75 000 apprenants. Le français devrait en outre profiter de l'introduction envisagée d'une deuxième langue étrangère dans le primaire.

TV5 émet cinq heures par jour sur la troisième chaîne nationale. Les bouquets numériques sont plutôt défavorables à la Francophonie, car essentiellement constitués de productions américaines.

Moldavie

Le cas de la Moldavie est très particulier, dans la mesure où le français fait véritablement partie du « patrimoine » de ce pays. C'était en effet la seule langue étrangère enseignée entre les deux guerres, et lorsque la Moldavie a été intégrée à l'URSS, elle est demeurée la langue étrangère la plus enseignée et la plus parlée.

Le français, traditionnellement enseigné dès l'âge de huit ans à l'école primaire, est aujourd'hui étudié dans tout le pays par 400 000 élèves, soit 72 % du nombre total (deux fois plus que pour l'anglais). Quatre-vingt lycées ont un programme d'enseignement de français renforcé, et une dizaine des classes bilingues. Citons pour exemple le lycée franco-roumain Asachi, fort de 2 500 élèves et dont est issue la majorité des cadres dirigeants actuels.

Il convient également de mentionner l'enseignement précoce, dans les écoles maternelles, en progression très rapide.

À l'université, 30 000 étudiants choisissent le français comme première ou deuxième langue étrangère. Des cours de français spécialisé (français de l'entreprise, de la banque et de la finance, relations internationales) sont proposés depuis 1997 par l'Académie d'études économiques, qui constitue l'un des principaux viviers des futurs cadres d'entreprises moldaves. De même, l'Université technique et l'Université agraire forment chacune un contingent d'ingénieurs en langue française.

Malgré l'arrivée massive de l'anglais, notamment dans le supérieur (grâce notamment aux bourses généreuses offertes par la Fondation Soros pour des stages dans les pays anglophones), les autorités moldaves restent très attachées à la tradition francophone et soutiennent toutes les initiatives tendant à maintenir le français au premier rang des langues étrangères enseignées en Moldavie.

Les moldaves francophones peuvent suivre des informations en français sur deux radios locales. TV5 dessert la capitale et ses environs, et la chaîne nationale moldave se propose de réserver prochainement trois heures hebdomadaires pour la diffusion de la langue et de la culture françaises.

Pologne

La situation du français est assez favorable en Pologne où son enseignement est en augmentation régulière (+ 30 % entre 1994 et 1998). Cette tendance devrait se poursuivre sous l'influence de plusieurs facteurs : les réformes de l'éducation en cours visant à un recrutement plus large de la filière « Enseignement général », une volonté de rééquilibrage en matière d'apprentissage des langues liée à la perspective d'intégration dans l'Union européenne, et la récente ouverture de la Pologne aux instances de la Francophonie (statut d'observateur obtenu lors du Sommet de Hanoï en novembre 1997.

Actuellement, avec un total de 400 000 apprenants, soit 5 % de l'ensemble des élèves et étudiants, le français ne constitue toutefois que la 4 ème langue étrangère enseignée après l'anglais (35 %), l'allemand (23 %) et le russe (22 %). C'est dans les lycées d'enseignement général que le français occupe sa meilleure position (18 % d'apprenants).

Bien que les références culturelles restent avant tout américaines, on observe un intérêt croissant pour les biens culturels francophones, notamment le livre et le cinéma.

République tchèque

Le cas de la République tchèque est particulièrement intéressant dans la mesure où ce pays, où la proportion de francophones est relativement faible, a demandé à bénéficier d'un statut d'observateur aux Sommets de la Francophonie, effectif depuis le Sommet de Moncton de septembre 1999.

L'argumentaire produit par les autorités tchèques en appui à leur candidature à la Francophonie, après avoir évoqué les relations historiques avec la France, souligne que :

« L'accession au statut d'observateur auprès de la Francophonie est considérée par les instances tchèques comme une perspective de soutien à un enseignement élargi du français dans notre pays.

Les autorités de l'État tchèque reconnaissent le besoin de la diversité culturelle et donc, aussi, linguistique, qui seule permet à une petite nation de sauvegarder son identité dans le monde actuel.

Dans cette période, où la désaffection à l'égard du russe amena la jeune génération à s'intéresser surtout à l'anglais, le Ministère tchèque de l'Éducation nationale s'efforce de renforcer la position du français comme deuxième langue étrangère. »

Ce souci de diversification linguistique a été par ailleurs sensiblement renforcé par la perspective de l'adhésion à l'Union européenne.

La République tchèque a donc entrepris, depuis 1990, un effort substantiel pour encourager l'enseignement du français :

- subventions pour soutenir l'édition de manuels (qui n'existent pas pour les manuels d'anglais et d'allemand) ;

- financement de stages dans des pays francophones pour les enseignants de français ;

- programme ambitieux de formation de professeurs de français (700 par an) ;

- soutien financier accordé à la très active Association des professeurs de français.

En outre, le projet le plus important concerne les sections bilingues implantées dans cinq lycées, tant à Prague que dans trois autres grandes villes. Depuis 1995, près de 900 élèves ont déjà obtenu l'équivalent du baccalauréat dans le cadre de ces sections, qui sont gérées en coopération avec la France et la Belgique et considérées parmi les plus performantes en Europe.

Cette politique ambitieuse a déjà commencé à porter ses fruits. Certes, dans les lycées classiques, avec 13 % des élèves, le français n'est toujours que la troisième langue enseignée, loin derrière l'anglais (89 %) et l'allemand (68 %). Toutefois, ce chiffre est en augmentation rapide et a déjà triplé depuis 1990.

Roumanie

La Roumanie a acquis un statut de membre à part entière de la Francophonie institutionnelle en 1993, lors du V ème Sommet à l'Île Maurice. L'année suivante était créée une institution qui n'a pas d'équivalent dans les autres PECO, le Conseil national consultatif pour la Francophonie. Présidé par le Ministre des Affaires étrangères, il est chargé de coordonner l'action de tous les organismes, gouvernementaux ou associatifs, en la matière. Très actif, il a notamment contribué au succès de la XII ème Conférence ministérielle de la Francophonie qui s'est tenue à Bucarest en décembre 1998.

Le dynamisme de la Roumanie dans le domaine de la Francophonie institutionnelle s'explique par la place particulière qu'occupe le français dans ce pays, où il fait l'objet d'un engouement traditionnel remontant au XVII ème siècle.

Aujourd'hui, après cinquante ans d'imposition du russe comme première langue étrangère, l'intérêt pour la langue française ne cesse de s'accroître, grâce notamment au renouvellement des relations économiques, politiques et culturelles avec la France et d'autres pays francophones. Ainsi, le français est choisi à tous les niveaux pré-universitaires par 50 % des élèves devant l'anglais, le russe et l'allemand (600 000 élèves dans le primaire et 1 700 000 dans le secondaire).

Il existe en Roumanie 64 lycées possédant une section bilingue française, ce qui concerne 2 500 élèves.

Au niveau universitaire, plus de 6 000 étudiants sont inscrits dans les seize départements d'études françaises, qui forment des professeurs, et près de 1 500 dans des filières francophones (polytechnique, économie, sciences politiques, construction, droit).

La proportion de francophones en Roumanie atteint 21 % (4 % de francophones réels, et 17 % d'occasionnels).

Sur le plan des médias, l'audience régionale et un taux de pénétration élevé ont permis à RFI d'asseoir son réseau. En 1996 est né le quotidien francophone « Bucarest Matin », qui diffuse à environ 10 000 exemplaires. La télévision nationale propose une émission hebdomadaire consacrée à la Francophonie et à l'enseignement du français ; on observe par ailleurs un net essor des chaînes M6 et TV5.

Enfin, l'augmentation du public consommateur d'activités culturelles francophones est très sensible en Roumanie, que ce soit dans le domaine du livre ou de la fréquentation des centres, instituts ou alliances françaises (9 établissements au total, répartis sur l'ensemble du territoire).

Slovaquie

Le français est appris par 3 % des effectifs du primaire et 11 % de ceux des lycées classiques (6 % dans les lycées techniques). Les effectifs globaux d'élèves apprenant le français dans l'enseignement primaire et secondaire n'augmentent plus depuis l'année scolaire 1993-1994, alors que ceux des anglophones et des germanophones continuent de croître au détriment du russe.

750 élèves sont inscrits dans les quatre sections bilingues implantées dans des lycées (trois franco-slovaques et une belge). Des filières partiellement francophones existent dans des départements universitaires d'économie, gestion et finances.

La langue française est peu présente dans les médias slovaques.

Slovénie

Le français reste très minoritaire dans le système éducatif de la Slovénie (3 % des effectifs du secondaire), loin derrière l'anglais, l'allemand et l'italien.

La diffusion de TV5 est limitée, de même que celle de RFI.

Yougoslavie

Les perspectives pour la Francophonie en Yougoslavie, où le français était traditionnellement bien représenté (35 % d'apprenants parmi les lycéens en 1997), sont évidemment très dépendantes de l'évolution de la situation politique et économique dans ce pays.

II - JUMELAGES ET COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE

1/ Historique des jumelages et de la coopération décentralisée

La pratique des jumelages, née dans l'après-guerre, constitue la première manifestation de relations formalisées entre des collectivités locales françaises et leurs homologues à l'étranger.

Les jumelages se sont d'abord développés en Europe, surtout avec l'Allemagne, dans la perspective de la politique de réconciliation, mais également avec certains pays de l'Est, essentiellement la Pologne et la Roumanie. Ils constituaient alors principalement des cadres d'échanges culturels.

La coopération décentralisée est apparue dans les années 60, lorsque des communes se sont engagées dans des actions concrètes de solidarité, notamment avec des localités des pays sahéliens.

Les lois de décentralisation de 1982 ont permis un essor important de la coopération décentralisée, en créant un climat propice au développement des initiatives des collectivités territoriales françaises dans le domaine international. Dès lors, un nombre important de projets de coopération décentralisée ont été lancés, parfois de manière un peu désordonnée. Un recentrage s'est très vite avéré nécessaire ; mené sous l'égide des ministères concernés, il a abouti à un meilleur ciblage des champs géographiques et techniques d'intervention, ainsi qu'à une meilleure identification des partenaires. La loi du 6 février 1992, relative à l'administration territoriale de la République, est venue apporter dans son Titre IV le cadre juridique qui faisait jusqu'alors défaut à la coopération décentralisée.

Le ministère des Affaires étrangères soutient cette forme de coopération en co-fmançant, jusqu'à hauteur de 50 %, une grande partie des projets. Par ailleurs, plusieurs organismes, tels que Cités-Unies pour les communes, et l'APCG (Association des Présidents de Conseils généraux) pour les départements, apportent un soutien logistique. En ce qui concerne plus particulièrement les PECO, certaines associations jouent également un rôle d'impulsion et de coordination. Citons notamment : Initiatives France-Hongrie, la Fondation France-Pologne, et l'association Eurom, avec la Roumanie.

Le principal intérêt de ce type de coopération est de permettre une véritable implication des populations et des acteurs locaux des collectivités partenaires (associations, écoles et établissements d'enseignement, centres culturels, entreprises, services publics, etc.). Ce faisant, elle remplit une fonction citoyenne. Coopération de proximité, elle contribue à une meilleure connaissance entre les peuples, en permettant de nouer des liens durables et souvent amicaux entre les sociétés civiles.

2/ Jumelages et coopération décentralisée avec les PECO

Durant la période communiste, la dimension francophonie apparaissait de manière forte dans les jumelages entre villes françaises et villes de l'Est. À partir de 1990 se sont développées des actions à caractère économique, mais la culture et le soutien à la francophonie, par le biais d'actions éducatives, constituent toujours l'un des moteurs des nouveaux jumelages entre la France et les PECO, et en particulier la Roumanie.

Les actions à dominante francophonie des collectivités françaises en Europe centrale et orientale sont souvent motivées par des relations affectives, nouées sur des « coups de coeur », portées par des hommes et consolidées avec le temps.

Aujourd'hui les populations d'Europe centrale et orientale souhaitent d'autant plus se rapprocher des pays francophones, échanger avec eux une culture, des valeurs communes, que se dessine la perspective prochaine pour plusieurs PECO de leur entrée dans l'Union européenne. C'est aussi pour cette raison qu'apparaît une certaine évolution, notamment depuis 1995, les collectivités locales incluant de plus en plus une dimension « développement municipal » et « démocratie locale » dans leurs coopérations. Même si la dimension francophone de telles actions apparaît moins évidente, elle demeure présente dans la mesure où il s'agit de la diffusion du droit d'inspiration francophone, et d'une culture spécifique dans la gestion des affaires locales.

Dans la répartition du budget consacré par le ministère des Affaires étrangères à la coopération décentralisée, les PECO représentent un poste important (avec 27 % du total des crédits), les deux principaux pays bénéficiaires étant la Pologne et la Roumanie (environ 7 % chacun). Les autres pays sont, pour l'essentiel, la République tchèque, la Hongrie et la Slovaquie.

Le ministère a enregistré jusqu'en 1994 une croissance forte des demandes de co-financements des collectivités locales pour l'ensemble des PECO. Une légère décrue se fait sentir depuis 1995, qui s'explique parfois par une certaine lassitude des collectivités, mais surtout par le fait que certains projets ayant réussi à s'inscrire dans la durée émargent aujourd'hui à d'autres budgets, dont notamment le programme Phare de l'Union européenne.

III - COOPÉRATION SCOLAIRE ET UNIVERSITAIRE

Dans ces domaines, les actions de coopération menées par la France reposent sur des financements déconcentrés (établissements) ou bilatéraux (Ministère des Affaires étrangères), le Ministère de l'Éducation nationale apportant son concours sous forme d'expertise technique.

1/ Coopération scolaire

Dans le cadre de la coopération scolaire avec les PECO, et plus particulièrement dans le domaine de l'enseignement du français, la France apporte son soutien aux sections francophones bilingues et participe, lorsqu'elle est sollicitée par ses partenaires étrangers, à la conception des programmes scolaires de français.

a) Soutien aux sections bilingues francophones

Excepté en Bulgarie, où leur existence remonte aux années 50, la création de sections bilingues dans les PECO date du début des années 90 et constitue un mode privilégié de promotion de la langue française dans ces pays.

Actuellement, on dénombre 23 sections bilingues francophones en Bulgarie, une en Croatie, 4 en Hongrie, 5 en Macédoine, 11 en Moldavie, 6 en Pologne, 5 en République tchèque, 64 en Roumanie. Deux sections ont été créées en Albanie à la rentrée 1999.

La grande diversité des contextes et des conditions de création des sections bilingues se traduit aujourd'hui par la variété des dispositifs.

La définition minimale de l'enseignement bilingue francophone est la suivante : un enseignement intensif du français, langue et littérature, et l'enseignement en français d'au moins une discipline non scientifique. D'un pays à l'autre, le nombre de disciplines enseignées en français est variable (trois en moyenne).

À l'exception de quelques cas en Roumanie, les sections bilingues sont implantées dans des lycées d'enseignement général. L'accès se fait sur concours très sélectif : par leur mode de recrutement, ces sections sont donc des filières d'excellence. Dans certains pays, le diplôme national obtenu à l'issue de ces cursus porte la mention « section bilingue ».

Dans ce domaine, la coopération française vise en premier lieu à assurer la formation continue des enseignants des sections bilingues stages courts ou longs en France, avec une approche méthodologique et/ou linguistique, sessions de formation sur place, universités d'été.

Par ailleurs, des missions de l'inspection générale du Ministère de l'Éducation nationale sont régulièrement organisées afin de participer à la conception ou à la rénovation des programmes. En effet, les programmes des sections bilingues correspondent en général aux programmes nationaux, enseignés partiellement en français. Afin de leur donner une cohérence biculturelle, une rénovation en profondeur des contenus et des méthodes pédagogiques s'avère souvent nécessaire. Des groupes de travail mixtes, chargés de faire des propositions dans ce domaine, sont constitués avec certains États.

b) Participation à la conception des programmes scolaires et des épreuves de français

Le ministère français de l'Éducation nationale est régulièrement sollicité par ses homologues étrangers, notamment des pays d'Europe de l'Est, afin de participer à la refonte des programmes scolaires de français ou à la conception des épreuves de français aux examens du cycle secondaire. Cette coopération peut s'organiser sous forme de séjours d'études en France, de missions d'experts sur place ou de participation à des groupes de travail bilatéraux.

À titre d'exemple, le ministère apporte actuellement sa contribution à la rénovation des programmes de français dans l'enseignement secondaire professionnel en Macédoine. De même, en Slovénie, il fournit un appui à la commission nationale de français pour l'élaboration de l'épreuve de français, langue vivante étrangère, à l'examen de fin d'études secondaires (matura).

2/ Coopération dans l'enseignement supérieur

Depuis 1990, la coopération universitaire avec les PECO a connu un essor important. Les établissements d'enseignement supérieur, avec le soutien des ministères des Affaires étrangères et de l'Éducation nationale, ou encore sur financements multilatéraux voire sur ressources propres, sont très actifs sur cette zone géographique. Les dispositifs de cette coopération sont divers.

a) Les accords interuniversitaires

Le nombre de conventions passées entre établissements a considérablement augmenté à partir de 1990. Ces accords, qui, définissent les programmes d'échanges, favorisent notamment la mobilité des étudiants et des enseignants-chercheurs et sont pris en compte dans les attributions de bourses du gouvernement français pour des séjours d'études en France au niveau du 3 ème cycle. En outre, les universitaires français participent à la rénovation des cursus entrepris par leurs partenaires des PECO, notamment dans le domaine de l'enseignement du français et des sciences humaines et sociales.

On compte 35 accords interuniversitaires franco-bulgares, 50 franco-hongrois, 72 franco-polonais, 92 franco-roumains, 15 franco-slovaques et 31 franco-tchèques.

b) Les enseignements partiellement ou entièrement francophones


• Les filières bilingues francophones

Depuis 1990, des établissements d'enseignement supérieur français, avec le soutien des ministères concernés et parfois de l'Agence universitaire de la Francophonie (AUF), ont participé à la mise en place de telles filières au sein d'universités partenaires des PECO. Tous les niveaux d'enseignement sont concernés (1 er , 2 ème et 3 ème cycle, post-diplôme). Une coopération très riche concerne également les filières professionnalisantes courtes du type IUT (Pologne, Hongrie, et prochainement République tchèque et Slovaquie). Ces filières sont sanctionnées par une certification française. Il peut s'agir de diplômes nationaux (licence, maîtrise, DESS) ou de diplômes d'université. La France s'efforce également d'obtenir de ses partenaires une reconnaissance de la formation acquise dans le cadre du cursus local.

Un exemple de ces filières est le Collège juridique franco-roumain de Bucarest, dont le cursus a été développé par une vingtaine d'universités françaises et plusieurs organismes professionnels tels que le Barreau de Paris. La formation, d'une durée de quatre ans, est sanctionnée par un double diplôme, à la fois la « licenta » de la faculté de droit de Bucarest et la maîtrise de droit français et européen délivrée par l'université Paris I. Une filière fonctionnant sur le même principe bilingue est proposée aux cadres roumains désireux de se spécialiser dans le droit des affaires français et européen.

On dénombre en tout trois filières franco-bulgares (économie, génie chimique et génie électrique), dix filières franco-hongroises (gestion et droit, journalisme, sciences de l'ingénieur, génie mécanique et informatique), vingt-et-une filières franco-polonaises (droit, économie et gestion) et dix filières franco-roumaines (droit, économie et gestion, sciences de l'ingénieur).


• Les modules francophones

C'est un dispositif plus léger que les filières bilingues. Il s'agit de modules d'enseignement en français assuré par des universitaires missionnaires des établissements partenaires français, intégrés au cursus local.

Ce dispositif est particulièrement développé en République tchèque et en Slovaquie, dans les domaines du droit et de l'économie, et en Roumanie (plus de cent modules actuellement, dans toutes les disciplines). En Roumanie, se tiennent également de nombreuses écoles d'été qui se déroulent en français dans différentes disciplines.


• Les actions de coopération de l'Agence universitaire de la Francophonie (AUF)

Sur les 86 filières universitaires francophones animées par l'AUF dans le Monde, 18 concernent des PECO : 5 en Bulgarie, 2 en Hongrie, 7 en Moldavie et 4 en Roumanie. Les matières couvertes sont principalement le droit, l'économie et la gestion, les sciences politiques et les sciences de l'ingénieur. Il existe également une filière de médecine en Moldavie et une d'agronomie en Bulgarie.

Ces filières sont développées au sein d'universités nationales grâce à la mobilisation d'une coopération universitaire multilatérale. Elles délivrent des diplômes de second cycle avec possibilités de co-diplômation avec des universités françaises.

L'AUF a également mis en place l'IFAG (Institut de la Francophonie pour l'administration et la gestion), qui s'est ouvert en octobre 1996 à Sofia. La formation, qui s'adresse à des étudiants de niveau 3 ème cycle provenant de sept pays de la région, repose sur le soutien d'un « consortium » composé de dix établissements universitaires du monde francophone, dont l'École des hautes études commerciales de Montréal, l'Institut commercial de Nancy, l'Université de Liège, etc.

_____________________

La Francophonie possède un réel potentiel en Europe centrale et orientale, où notre culture jouit toujours, malgré les vicissitudes de l'Histoire, d'un prestige considérable.

Face à l'offensive massive menée par les États-Unis, le développement du français dans cette région implique avant tout la promotion du multilinguisme, car le problème n'est pas l'anglais, dont tout le monde s'accorde à penser qu'il est incontournable, mais l'anglais seul. Il convient donc de relayer les efforts entrepris dans ce domaine par l'Union européenne et le Conseil de l'Europe, visant à inciter l'ensemble des pays européens, et notamment les PECO, à diversifier leur politique linguistique en rendant obligatoire dans leur système éducatif l'apprentissage de plusieurs langues vivantes.

Si les jumelages offrent des perspectives intéressantes, surtout pour le capital de sympathie et de liens amicaux qu'ils suscitent, les actions de coopération décentralisée doivent être mieux coordonnées car on assiste encore trop souvent à un « saupoudrage » sans cohérence, parfois redondant et à l'efficacité douteuse. L'accent doit être mis sur le suivi des projets afin d'en assurer la viabilité et la pérennité.

Dans le domaine de la coopération universitaire, où les synergies entre établissements, ministères et instances multilatérales ont permis la réalisation de projets intéressants et adaptés, la priorité doit maintenant être donnée à l'accueil des étudiants étrangers dans les pays francophones, qui constitue incontestablement le point faible de notre dispositif. Cet accueil est actuellement insuffisant tant sur le plan quantitatif (nombre de bourses octroyées) que qualitatif (conditions de vie, encadrement et intégration des étudiants). Le programme Edufrance, mis en place par la France depuis novembre 1998, témoigne d'une prise de conscience, mais les moyens budgétaires qui lui sont affectés semblent encore très en deçà des besoins.

Parmi les autres pistes à exploiter, citons brièvement :

- un soutien accru aux sections bilingues, qui restent souvent limitées aux établissements implantés dans les capitales ;

- la promotion de l'enseignement précoce des langues étrangères ;

- l'enseignement du français dans la formation permanente des adultes ;

- une véritable politique de communication sur la Francophonie grâce aux médias et au réseau Internet ;

- le développement de l'enseignement à distance au moyen des nouvelles techniques de l'information ;

- la mise en réseau des multiples instituts, centres culturels, et de l'ensemble des organisations et associations qui oeuvrent à la promotion de la Francophonie à l'étranger.

Rapport présenté par M. Jacques BRUNHES dans le cadre de la Commission de la coopération et du développement, relatif à L'ÉVOLUTION DES CRITERÈS DE DÉVELOPPEMENTDU PNUD DANS LES PAYS DE LA FRANCOPHONIE AU COURS DES DIX DERNIÈRES ANNÉES

Le Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD) publie depuis 1990 un rapport annuel, intitulé « Rapport mondial sur le développement humain », qui est rapidement devenu un instrument précieux pour tous ceux qui s'intéressent aux problèmes liés au développement dans le Monde.

En effet, l'originalité du rapport est d'analyser ces questions non seulement sous l'angle économique, mais d'y associer aussi des données relatives au domaine social, pays par pays.

Le désormais célèbre IDH (Indice du Développement humain), qui fait figure de référence incontournable, combine selon une formule de péréquation relativement complexe un indicateur à caractère socio-économique (le PIB par habitant, corrigé en fonction des parités de pouvoir d'achat), à des indicateurs à caractère purement social (espérance de vie à la naissance, taux d'alphabétisation des adultes, et taux de scolarisation tous niveaux confondus).

Nous nous proposons dans le présent rapport d'étudier l'évolution de l'IDH et de chacune de ses composantes dans les pays du monde francophone entre 1990 et 1997 (dernières données fournies par le PNUD dans son Rapport 1999).

Cette analyse nous permettra d'évaluer les tendances qu'ont connues ces pays, au plus proche de la réalité vécue par les populations.

Nous tenterons ensuite de mettre ces évolutions en corrélation avec les stratégies de développement et les choix en matière d'organisation économique et sociale qui ont marqué le monde francophone durant la dernière décennie du XX éme siècle.

1/ Bilan du développement humain dans les années 90

L'examen de l'évolution des indicateurs de développement humain entre 1990 et 1997 fait apparaître une marginalisation croissante de l'Afrique subsaharienne et une dégradation inquiétante de la situation dans la plupart des PECO (Pays d'Europe centrale et orientale). Il confirme en revanche le développement de plusieurs pays émergeants dans le Bassin méditerranéen et en Asie du Sud-Est. Toutefois, la crise financière que cette région a subie en 1998-99 et ses conséquences inégales dans le domaine socio-économique ont sans doute modifié certaines données. Le haut niveau atteint par les indicateurs dans les pays du Nord masque des inégalités internes croissantes.

a) Afrique subsaharienne

Sur les 19 pays francophones d'Afrique subsaharienne, 15 figurent en 1997 parmi les 30 derniers pays classés par le PNUD selon leur IDH (seulement cinq de ces trente derniers pays ne sont pas africains).

En termes d'évolution des indicateurs, une nette distinction s'impose entre les États d'Afrique centrale et ceux d'Afrique occidentale.

Les premiers voient leurs performances globales stagner, voire diminuer dans le cas du Burundi et de la République centrafricaine. À l'exception du Gabon, le PIB par habitant a baissé entre 1990 et 1997 dans tous les pays de la zone, où il s'est même effondré au Burundi, au Cameroun, en République démocratique du Congo et au Rwanda. Sur le plan social, la situation n'est guère plus encourageante, puisque l'espérance de vie moyenne n'a légèrement augmenté qu'au Cameroun et au Tchad ; la dégradation des conditions sanitaires a entraîné sa baisse partout ailleurs et au Rwanda, qui détient le triste record mondial en la matière, elle n'atteint plus désormais qu'environ 40 ans. Le taux de scolarisation a quant à lui progressé au Congo et au Gabon, mais fortement chuté au Burundi et au Cameroun.

L'évolution de l'IDH apparaît plus favorable en Afrique de l'Ouest, où il a progressé dans tous les pays. Le PIB par habitant a toutefois reculé au Niger et au Togo, et l'espérance de vie a brutalement chuté en Côte d'Ivoire. Le taux de scolarisation a en revanche augmenté dans l'ensemble de la zone.

Toutefois, ces quelques progrès enregistrés en Afrique occidentale apparaissent dérisoires par rapport au retard de développement accumulé dans l'ensemble de l'Afrique subsaharienne, où la majeure partie de la population vit dans la précarité et le plus extrême dénuement.

Les années 90 auront donc été une décennie perdue pour l'Afrique subsaharienne, dont le processus de marginalisation par rapport au reste du monde s'est encore accentué. En termes de revenu, l'écart entre le cinquième des personnes vivant dans les pays les plus riches et le cinquième habitant les pays les plus pauvres (essentiellement africains) atteignait 74 à 1 en 1997, contre 60 à 1 en 1990 (et 30 à 1 en 1960).

b) Pays d'Europe centrale et orientale (PECO)

Les indicateurs de développement humain du PNUD font apparaître des évolutions inquiétantes dans plusieurs pays d'Europe centrale et orientale.

L'indicateur synthétique d'IDH a en effet baissé en Albanie, et de manière plus significative encore en Bulgarie. Ce résultat s'explique principalement par l'effondrement du PIB par habitant dans ces deux pays (il a également baissé plus légèrement en Hongrie).

Très préoccupante également est l'évolution des critères sociaux, qui avaient atteint un niveau élevé dans cette région (baisse de l'espérance de vie en Bulgarie et en Roumanie, du taux de scolarisation en Albanie et en Moldavie).

La Pologne apparaît toutefois comme une exception, dans la mesure où l'ensemble des indicateurs y ont progressé durant la période considérée (avec notamment une hausse notable du PIB par habitant).

Il convient par ailleurs de noter que ces pays (avec ceux de la Communauté des États Indépendants) enregistrent certaines des plus fortes augmentations du coefficient de Gini, qui mesure les inégalités internes en matière de revenu.

c) Bassin méditerranéen et Asie du Sud-Est

Nous avons regroupé ces deux zones dans la mesure où elles abritent des pays francophones que l'on peut qualifier d'« émergeants ».

Il s'agit de pays dont l'IDH a connu une hausse significative durant cette décennie. L'augmentation du PIB par habitant s'y est accompagnée d'une évolution favorable des indicateurs sociaux.

Ces États sont dans l'ensemble parvenu, grâce notamment à des réformes internes et des investissements étrangers massifs, à améliorer les conditions de vie de leurs populations, ce qui toutefois n'exclut pas la persistance d'importantes poches de pauvreté.

d) Pays francophones « du Nord »

Les pays francophones dits « du Nord » (Belgique, Canada, France, Luxembourg et Suisse) figurent tous parmi les vingt premiers dans le classement établi par le PNUD.

Leurs indicateurs, tant économiques que sociaux, ont continué à progresser à un rythme comparable durant la dernière décennie.

Ces résultats globaux ne permettent toutefois pas de faire apparaître une évolution qui est commune à ces pays, bien que se manifestant à des degrés variables : il s'agit de la montée des inégalités internes, avec surtout un phénomène d'« installation » de pans entiers de la société dans une situation de pauvreté et de précarité.

e) Autres pays francophones

La situation des pays francophones de l'Océan Indien est très contrastée, entre ceux qui peuvent être rattachés au groupe des pays émergeants (Maurice, Seychelles), et ceux dont le développement n'a pas progressé durant la dernière décennie (Comores et Madagascar, qui ont subi une baisse de leur PIB par habitant).

Enfin, dans les Caraïbes, la République d'Haïti a connu une évolution très défavorable de l'ensemble de ses indicateurs de développement humain.

2/ Quelques éléments d'explication de ce bilan

a) Les stratégies conduites par les institutions de Bretton Woods en Afrique

Ainsi que l'illustrent les chiffres publiés par le PNUD, les politiques de développement mises en oeuvre en Afrique francophone subsaharienne n'ont pas permis à cette région de décoller. Entre autres causes, cet échec apparaît en grande partie imputable au rôle joué par le FMI et la Banque mondiale (dites « institutions de Bretton Woods »), auxquels ces pays ont eu largement recours lors des deux dernières décennies.

L'octroi d'une assistance financière par les institutions de Bretton Woods obéit en effet au principe de conditionnalité, pratique qui s'est renforcée avec la création des plans d'ajustement structurel (PAS) dans les années 80. Ce principe consiste, pour les pays aidés, à se voir imposer des réformes profondes uniformes, sans prise en compte de la spécificité socio-économique et culturelle de chaque pays. Ces réformes sont inspirées de ce qu'il est aujourd'hui convenu d'appeler le « consensus de Washington », expression apparue en 1990 et désignant un ensemble de recommandations économiques censées favoriser le retour à une croissance stable et fonder les bases d'une stratégie de développement. Ce consensus repose sur le dogme néo-libéral basé sur la déréglementation, une flexibilité accrue de l'économie à partir des mécanismes du marché, l'ouverture, tant commerciale que financière, et le retrait de l'État.

Ces orientations ont abouti à une impasse. Certains indicateurs macro-économiques se sont certes améliorés (notamment la réduction des déficits publics), sans pour autant que les dynamiques de croissance soient relancées. Au contraire, dans la plupart des pays, les politiques de réduction de la demande ont été à l'origine d'une forte récession et d'une explosion du chômage. Par ailleurs, l'investissement dans les secteurs sociaux (éducation, santé) a fortement souffert des politiques d'austérité, tandis que le délabrement des infrastructures compromettait la perspective d'une reprise.

En ce qui concerne plus spécifiquement les pays de la Zone franc, les effets néfastes de ces politiques dans le domaine social ont été considérablement amplifiés par la dévaluation du franc CFA imposée en janvier 1994 par les institutions de Bretton Woods. D'une ampleur sans précédent (la valeur de la monnaie a été divisée par deux), cette mesure a particulièrement affecté les classes moyennes des zones urbaines en raison de leurs habitudes de consommation intégrant une grande part de produits importés, dont les prix ont brutalement doublé après le changement de parité. La hausse du prix des fournitures scolaires et des produits pharmaceutiques, également importés, a quant à elle pénalisé l'ensemble des populations.

Face à ce constat d'échec, les institutions financières internationales ont été mises en cause, ce qui les a conduites à envisager une révision de leurs pratiques, notamment en termes de conditionnalité. Un consensus au sein de ces organisations commence à se former aujourd'hui autour de la nécessité de mettre en place des politiques d'accompagnement des mesures de libéralisation, qui concernent en particulier l'encouragement de l'investissement dans les ressources humaines et les infrastructures, la discipline budgétaire et la bonne gouvernance, la gestion de la transition démographique.

Mais surtout, on assiste à un élargissement des objectifs poursuivis par ces institutions, allant au-delà de la recherche de la seule croissance et intégrant la dimension sociale du développement (santé, éducation, protection de l'environnement). La priorité récente semble devoir porter sur la lutte contre la pauvreté. Cette stratégie repose sur une collaboration étroite entre le FMI et la Banque mondiale, alors que les relations entre les deux institutions était jusqu'alors plutôt placée sous le signe de la concurrence. Les critères d'attribution des nouvelles Facilités de croissance et de réduction de la pauvreté (FCRP), destinées aux pays les moins avancés, ne feront plus seulement référence au strict cadrage macro-économique mais s'appuieront sur un rapport détaillé préparé conjointement par les experts des institutions financières et les autorités nationales des pays concernés. Votre rapporteur s'interroge sur la mise en application concrète de ces nouvelles orientations. Seul l'avenir permettra d'en apprécier réellement les résultats.

L'autre volet de la nouvelle politique des institutions de Bretton Woods concerne la réduction de la dette, dont le service devient de plus en plus insupportable pour les pays en développement. À titre d'exemple, l'association Jubilee 2000, qui a recueilli à travers le monde plus de 17 millions de signatures appuyant son appel à l'annulation des créances sur les pays pauvres, estime que « treize enfants meurent chaque minute des conséquences de la dette ». Dans ce domaine le FMI et la Banque mondiale ont lancé en 1996 l'initiative intitulée « PPTE » (Pays pauvres très endettés) visant à effacer jusqu'à 90 % du montant de la dette multilatérale d'une quarantaine de pays figurant parmi les moins avancés. L'économie ainsi réalisée doit être consacrée à des projets de développement définis et suivis conjointement par les deux institutions. Toutefois, la question du financement de ce programme, qui figurait à l'ordre du jour du Sommet du FMI et de la Banque mondiale réuni en avril dernier, n'a pu être définitivement résolue, et à ce jour seuls sept pays ont pu en bénéficier.

Par ailleurs, lors du Sommet de Cologne en juin 1999, les membres du G7 se sont engagés à effacer partiellement leurs créances bilatérales, pour un montant global de 70 milliards de dollars. Depuis lors, la France, suivie de l'Allemagne et des États-Unis, ont annoncé leur intention de faire porter leur effort sur la totalité des sommes qui leur sont dues par les plus endettés de leurs créanciers. Cependant, la mise en application de ces engagements se fait attendre. Et la plus grande incertitude demeure sur la façon dont seront désignés les pays bénéficiaires de ces mesures, de même que sur l'éventualité de conditionnalités qui pourraient leur être appliquées.

Toutefois cette nouvelle orientation, si elle était effectivement suivie, trancherait enfin avec la tendance constatée au cours des vingt dernières années, qui ont vu les ressources publiques consacrées à l'aide au développement s'amenuiser progressivement. Les flux d'aide représentent aujourd'hui moins de 0,3 % du PIB des pays membres du CAD (Comité d'aide au développement), ce qui représente un effort très inférieur à l'objectif de 0,7 % qui avait été fixé par les Nations unies dans les années 70.

b) La transition libérale en Europe centrale et orientale

Pour les pays d'Europe centrale et orientale (PECO), la chute du mur de Berlin en novembre 1989 a entraîné des changements profonds de système économique et de régime politique. Depuis lors, ces pays traversent une difficile période dite « de transition », dont le bilan au bout de dix ans s'avère très contrasté dans le domaine économique, et globalement négatif sur le plan social.

Le changement de système économique s'est opéré, à quelques nuances près, de la même façon dans tous les pays concernés, d'une part parce que les nouveaux dirigeants étaient animés d'une même foi dans le libéralisme économique, et aussi parce qu'ils ont tous été influencés par les organisations financières internationales, particulièrement le FMI.

Dès le début des années 1990, les PECO ont donc mis en oeuvre un train de réformes visant à basculer radicalement d'un système d'économie planifiée à celui d'une économie libérale de marché : libération des prix et des salaires, restructuration d'entreprises, vaste programme de privatisations, ouverture à la concurrence internationale. Confrontés aux déséquilibres engendrés par ces politiques (hyper-inflation, perte de compétitivité, effondrement de la production), les dirigeants ont été contraints, souvent sous la pression populaire, d'infléchir le rythme des réformes, sans toutefois en modifier fondamentalement les objectifs.

Cette politique a entraîné un bouleversement profond de cette région du monde. Les Européens de l'Est ont restructuré quantité d'anciens combinats obsolètes, créé des dizaines de milliers de PME dont un nombre non négligeable ont su se positionner sur des marchés prometteurs à l'exportation. L'inflation est désormais sous contrôle. Par ailleurs, la transition a permis l'apparition d'une classe moyenne qui peut déjà revendiquer les standards de vie occidentaux, en même temps qu'une paupérisation accrue d'une frange importante de la population.

Toutefois, la situation de ces pays apparaît assez contrastée entre ceux, peu nombreux, dont les performances en termes de croissance se sont maintenues ou ont progressé (Pologne notamment) et ceux où elles ont subi une nette régression (en premier lieu la Bulgarie).

Par ailleurs, le coût des réformes s'avère très élevé sur le plan humain. Les revenus n'ont augmenté que pour une partie très limitée de la population. En effet, à quelques exceptions près (dont la Pologne), le niveau de vie moyen a chuté dans les pays de la zone, parfois très fortement. La pauvreté a fait un bon spectaculaire : le pourcentage de la population réputée vivre en dessous du seuil de pauvreté fluctue désormais entre 30 et 50 % selon les cas. Dans la plupart des pays, la part des dépenses alimentaires dans le budget des ménages dépasse 50 % du total. Cette situation a entraîné l'essor de l'économie de subsistance, du troc et du secteur informel, lequel est estimé à 20 % du PNB en Roumanie.

Cette dégradation très sensible sur le plan social a deux causes principales. D'une part, le chômage, qui fait désormais partie des réalités dans les PECO où son taux se situe en moyenne entre 10 et 15 % de la population active (19 % en Albanie). Compte tenu des restructurations encore programmées, les perspectives s'annoncent sombres dans ce domaine.

D'autre part, la maîtrise des finances publiques s'est faite au détriment des dépenses sociales qui ont été les premières à subir les coupes budgétaires. La plupart des PECO ont diminué les allocations de maternité et familiales, renoncé à la gratuité des soins médicaux et de l'enseignement supérieur, suspendu le financement de logements sociaux et réduit les prestations aux chômeurs. Ces mesures ont des conséquences dramatiques : outre le développement de poches de grande pauvreté, déjà évoquée, on assiste partout à une baisse du niveau d'éducation, à la réinstallation de manière endémique de maladies disparues (la tuberculose, par exemple), à un effondrement de la natalité et à une hausse de la mortalité.

L'ensemble de ces difficultés explique la lassitude croissante et la déception de larges couches de la population, qui se traduisent par des mouvements de contestation sociale ainsi que, fréquemment lors des élections, par la sanction politique des équipes au pouvoir.

La transposition systématique du libéralisme « à l'occidentale » dans les PECO n'apporte pas les résultats escomptés : d'une part les pays qui s'enlisent dans la transition sont plus nombreux que ceux où des dynamiques positives cumulatives sont parvenues à s'enclencher. D'autre part, la qualité de vie des populations s'est globalement dégradée.

Ce constat devrait faire réagir l'Union européenne, qui non seulement a soutenu ces pays financièrement mais leur a aussi prodigué des conseils en politique économique de manière assez impérative à travers les conditions imposées par le FMI et la Banque mondiale.

c) Le caractère ultra-libéral de la mondialisation

Le phénomène connu sous le terme de « mondialisation », qui s'est considérablement accéléré dans la période récente, a profondément bouleversé les équilibres internationaux.

Les formidables progrès accomplis dans les domaines des communications (informatique, télécommunications, Internet) et des transports ont en effet permis une ouverture sans précédent des marchés, tant en ce qui concerne les mouvements de capitaux que ceux des marchandises. Aujourd'hui, plus de 1500 milliards de dollars changent quotidiennement de mains sur les marchés financiers, qui sont interconnectés à l'échelle mondiale, et les échanges commerciaux concernent près d'un cinquième des biens et services produits chaque année sur la planète.

La mondialisation peut être porteuse d'un grand nombre d'opportunités pour des millions de personnes dans le monde. L'accroissement des échanges, les technologies nouvelles, les investissements étrangers, le développement des médias et des autoroutes de l'information sont autant de facteurs qui sont susceptibles d'alimenter la croissance économique et le progrès de l'humanité. Les richesses et les techniques dont nous disposons globalement sont plus importants que jamais.

Toutefois, le caractère ultra-libéral de la mondialisation aboutit à une répartition très inégale de ces opportunités.

Peu nombreux sont les pays, outre ceux dits « du Nord », qui parviennent à tirer parti de la mondialisation grâce notamment aux investisseurs étrangers qui y trouvent une main d'oeuvre qualifiée à très bon marché.

Mais à l'autre extrême, on trouve un groupe important de pays qu'ignore le processus de mondialisation, et dont au contraire la marginalisation ne fait que s'accroître, ce qui apparaît d'ailleurs paradoxal si l'on considère que beaucoup d'entre eux sont fortement dépendants des échanges mondiaux : les exportations représentent ainsi près de 30 % du PIB de l'Afrique subsaharienne, contre seulement 20 % pour la sphère OCDE. Mais les cours des matières premières exportées par les pays africains, pour l'essentiel imposés par des sociétés multinationales occidentales, ne cesse de baisser en valeur relative depuis le début du siècle. Ainsi, les revenus de ces pays se sont effondrés, et leur économie est tellement dégradée qu'ils n'attirent presque plus d'investissements étrangers. Autre conséquence, qui compromet gravement leurs chances de développement pour l'avenir, ils sont quasiment privés d'accès aux nouvelles technologies de l'information et du savoir : avec 19 % de la population mondiale, les pays de l'OCDE rassemblent plus de 90 % des utilisateurs d'Internet.

Ce résultat s'explique en grande partie par le fait que l'ouverture des marchés s'est faite sur une base idéologique purement libérale, visant à promouvoir une concurrence parfaite entre des acteurs économiques inégaux, sans que soit prise en compte l'extrême diversité des situations géographiques. Par manque de moyens, les pays petits et pauvres n'ont pu faire entendre leur voix au sein des forums de négociations sur le commerce international, notamment lors de l'Uruguay Round qui s'est presque limité à un dialogue entre représentants des pays du Nord. En revanche, les intérêts des grandes compagnies multinationales, qui s'avèrent les principales gagnantes du libre-échangisme, sont constamment relayés au sein de ces instances par de puissants groupes de pression.

Outre l'accroissement des inégalités entre les différentes régions du monde, le processus de mondialisation a eu de graves conséquences sur le plan humain qui n'ont pas épargné les pays riches eux-mêmes. En effet, arguant des contraintes de la concurrence mondiale, les restructurations d'entreprises se sont accompagnées de pertes d'emploi massives, alors même que, par souci de maîtrise des dépenses publiques, la plupart des États ont été conduits à remettre en cause des pans entiers de leurs dispositifs de protection sociale. La flexibilité et le développement du travail précaire se sont traduits par une plus grande insécurité en termes d'emploi et de revenu.

TABLEAUX COMPARATIFS

Tableau 1 : Évolution de l'IDH dans les pays de la Francophonie entre 1990 et 1997

L'indicateur de développement humain (IDH), dont la valeur est comprise entre 0 et 1, est un indice composite comportant trois éléments :

- le niveau de vie, mesuré d'après le PIB réel par habitant, exprimé en PPA (parité de pouvoir d'achat) ;

- l'espérance de vie moyenne à la naissance ;

- le niveau d'éducation, mesuré par un indicateur combinant pour 2/3 le taux d'alphabétisation des adultes et pour 1/3 le taux brut de scolarisation (tous niveaux confondus).

Pour chacun de ces éléments, les données utilisées sont fournies par des organisations internationales (FMI, Banque mondiale, ONU, UNESCO) ou estimées par le PNUD lorsqu'il n'en existe pas de plus fiables.

Le PNUD a inauguré un nouveau mode de calcul de l'IDH dans son dernier Rapport 1999, faisant intervenir des péréquations assez complexes. Les données pour 1990 figurant dans le tableau ont été recalculées selon cette nouvelle méthode, sauf dans les cas où cela n'a pas été possible (ils sont signalés par la mention « N.D. » - non disponible).

Tableau 2 : Évolution du PIB par habitant

L'unité de base est le dollar de 1987. Le PNUD procède pour cet indicateur à des corrections afin de tenir compte des parités de pouvoir d'achat.

Tableau 3 : Évolution des critères sociaux de l'IDH

Concernant le taux d'alphabétisation des adultes, les données fournies par le PNUD ont été considérablement affinées entre 1990 et 1997, rendant pour la plupart des pays la comparaison inopérante entre ces deux dates.

TABLEAU 2

ÉVOLUTION DU PIB PAR HABITANT

PIB par habitant (en dollars de 1987)

Évolution

1990

1997

AFRIQUE

Bénin

332

371

+ 39

Burkina Faso

257

290

+ 33

Burundi

229

162

- 67

Cameroun

911

756

- 155

Centrafrique

418

387

- 31

Congo

1 092

946

- 146

République démocratique du Congo

190

97

- 93

Côte d'Ivoire

893

899

+ 6

Djibouti

N.D.

N.D.

Gabon

4 422

4 575

+ 153

Guinée

409

447

+ 38

Guinée Bissau

209

234

+ 25

Mali

260

271

+ 11

Mauritanie

466

513

+ 47

Niger

308

269

- 39

Rwanda

316

222

- 94

Sénégal

676

674

- 2

Tchad

215

211

- 4

Togo

394

363

- 31

PIB par habitant (en dollars de 1987)

Évolution

1990

1997

AMÉRIQUE DU NORD

Canada

15 895

16 525

+ 630

ASIE

Cambodge

111

139

+ 28

Laos

322

415

+ 93

Vietnam

N.D.

N.D.

BASSIN MÉDITERRANÉEN

Égypte

900

1 015

+ 115

Liban

N.D.

N.D.

Maroc

916

927

+ 11

Tunisie

1 310

1 670

+ 360

CARAÏBES

Haïti

340

258

- 82

Sainte-Lucie

N.D.

N.D.

EUROPE OCCIDENTALE

Belgique

15 897

16 809

+ 912

France

17 485

18 554

+ 1 069

Luxembourg

22 501

28 010

+ 5 509

Suisse

28 114

26 441

- 1 673

EUROPE ORIENTALE

Albanie

640

562

- 78

Bulgarie

3 176

2 332

- 844

Hongrie

2 456

2 372

- 84

Moldavie

N.D.

N.D.

Pologne

1 559

1 926

+ 367

Roumanie

1 452

1 457

+ 5

PIB par habitant (en dollars de 1987)

Évolution

1990

1997

OCÉAN INDIEN

Comores

475

380

- 95

Madagascar

245

209

- 36

Maurice

2 129

2 752

+ 623

Seychelles

4 400

4 632

+ 232

Rapport présenté par M. Guy PENNE dans le cadre de la Commission des affaires parlementaires, relatif à L'AUTONOMIE FINANCIÈRE DES ASSEMBLÉES

L'autonomie financière des assemblées est généralement perçue comme une conséquence de la souveraineté parlementaire, et trouve son fondement dans le principe de séparation des pouvoirs inscrit dans la Constitution ; dans la presque totalité des pays, le principe de l'autonomie financière des assemblées est formellement reconnu par les textes - Constitution ou textes à valeur constitutionnelle, Règlements intérieurs des assemblées... - 1 ( * )3 .

Sa finalité est différente de celle d'un simple procédé d'administration : elle doit permettre aux assemblées d'exercer librement les compétences dont elles sont investies par la Constitution, et en particulier d'accorder les crédits demandés par le gouvernement et d'en contrôler l'utilisation.

De fait, l'expérience montre que l'un des objectifs essentiels des assemblées est de défendre ou d'accroître leur indépendance financière par rapport à l'Exécutif.

La réalité de l'autonomie financière est cependant difficile à apprécier puisque les assemblées n'ont pas de ressources propres et que leur budget fait partie du budget général de l'État.

Mais plusieurs critères permettent d'en évaluer l'étendue : les conditions d'élaboration (I), d'exécution et de contrôle de son budget par le Parlement (II) ; l'existence d'un patrimoine propre et les conditions matérielles de l'exercice du mandat parlementaire (III).

***

I - LA PLUPART DES ASSEMBLÉES ÉLABORENT LEUR BUDGET DE MANIÈRE INDÉPENDANTE

Les modalités d'application varient évidemment selon la logique du système institutionnel - fédéralisme, État unitaire -, et la nature du régime - parlementaire de type anglo-saxon, semi-parlementaire à la française etc... -

Il faut par ailleurs préciser que le terme de « budget » est inadapté ; il s'agit de « dotations de crédits » inscrites au budget de l'État.

A) Dans la majorité des cas, l'élaboration des demandes de crédits ne fait pas intervenir d'organes extérieurs aux assemblées

En général, les demandes de crédits sont préparées par les services financiers des assemblées, établies par l'autorité parlementaire compétente et transmises aux assemblées pour discussion et vote (s'il s'agit d'un document distinct du budget général de l'État), ou au Ministre des Finances pour insertion dans le budget général de l'État.

Ainsi, au Parlement de la Communauté française de Belgique, les demandes de crédits sont proposées par les services. Après consultation des chefs de services au sein du conseil de direction, le greffier soumet au Bureau de l'Assemblée un avant-projet de budget qui est discuté par celui-ci, puis soumis pour examen à la commission compétente, qui siège à huis clos.

En France, dans chacune des assemblées, le service des Affaires financières centralise les demandes de crédits du Président et des services. Le projet de budget est présenté aux Questeurs, qui arrêtent les propositions budgétaires et les soumettent à la « commission commune des crédits », organisme mixte composé des Questeurs des deux assemblées et de magistrats de la Cour des Comptes (qui n'ont pas voix délibérative) et présidé par un président de chambre de la Cour des Comptes.

La commission arrête les propositions budgétaires propres à chaque assemblée, qui sont transmises par le président au Ministre du budget, qui inscrit les crédits demandés dans le projet de loi de Finances.

En Ontario, des amendements à l'Acte de l'Assemblée législative ont été introduits en 1974 pour doter le Parlement d'organes lui permettant d'administrer ses finances et de contrôler son budget. Les demandes de crédits des départements de l'Assemblée sont approuvées par la Commission de régie interne, composée de six membres (trois ministres et un député de chaque parti politique), et présidée par le Président de l'Assemblée ; elles sont ensuite transmises au Ministre des Finances pour être incluses dans les dépenses du Gouvernement.

B) Les instances parlementaires décident seules du montant et de la structure de leurs dépenses

Il est de la nature des Parlements de générer des dépenses et très peu de recettes ; au titre des recettes qui complètent les ressources budgétaires des Parlements figurent, par exemple, les ventes de documents parlementaires et de publications, les recettes des buvettes et restaurants, les loyers et location des salles.

a) Sauf exceptions (Cambodge, Sénégal), le montant des demandes de crédit n'est pas limité ; en France, par exemple, l'article 7 de l'ordonnance de 1958 indique seulement que les propositions des assemblées concernent « les crédits nécessaires à leur fonctionnement ».

Dans la pratique, les instances parlementaires sont attentives à ne pas présenter un budget sans rapport avec le budget général de l'État et tiennent compte, notamment, du taux d'augmentation de ce dernier, ou de la politique d'économie, voire d'austérité annoncée. La Section du Jura précise ainsi que les demandes de crédits ne sont pas limitées si elles apparaissent justifiées, et plusieurs Parlements indiquent que des négociations ou des discussions ont lieu, si nécessaire, avec le Ministre des Finances (Cambodge, CFB, Jura, Québec).

Selon les éléments chiffrés disponibles, les budgets des assemblées représentent moins de 1 % du budget de l'État (Canada, France, Roumanie, Sénégal).

b) La structure des dépenses donne des indications sur le fonctionnement de l'assemblée

Sous réserve des différences de dénominations ou de classification, et de l'inévitable imprécision des indications données, la distinction la plus fréquente qui apparaît dans les budgets est celle effectuée entre dépenses de fonctionnement - qui recouvre les dépenses liées au mandat parlementaire et celles liées à l'activité des différents services du parlement -, et dépenses d'investissement.

Il ressort des chiffres communiqués par les sections que les parts respectives des deux grands postes peuvent varier considérablement d'une assemblée à l'autre. Ainsi, l'Assemblée nationale du Sénégal consacre 45 % de son budget aux dépenses d'investissement ; le Sénat français 10 % et l'Assemblée nationale 5 %.

Par ailleurs, certaines structures budgétaires ne font pas clairement apparaître de dépenses d'investissement (celles du Parlement de la CFB ou du Jura, par exemple) ; ou bien ces dépenses sont partagées avec l'Exécutif : ainsi, en Suisse, « les dépenses d'investissement pour le Parlement concernent également le gouvernement, le budget de l'informatique du Parlement est intégré dans celui du Gouvernement et les dépenses pour l'entretien du bâtiment du Parlement et son chauffage sont prises en charge par des rubriques autres que parlementaires ».

Enfin, à l'intérieur des dépenses de fonctionnement, la part des dépenses concernant le personnel est plus ou moins importante.

Ces remarques sont à rapprocher des indications concernant le patrimoine des assemblées et les moyens matériels mis à la disposition des élus, qui seront développées plus loin (III).

C) Les assemblées votent leur propre budget

Le budget des assemblées est souvent voté en séance plénière avec le budget de l'État, dans lequel il est inscrit (France, Ontario, Québec, Sénégal, Suisse), mais peut faire l'objet d'un vote séparé (Québec, Roumanie, Val d'Aoste). Quoi qu'il en soit, il est dans plusieurs cas approuvé par un vote global, ou de manière tacite :

En France, les demandes de crédit figurent au budget des charges communes, qui n'est pas discuté et fait l'objet d'un vote global ; l'autonomie financière est aussi assurée entre les assemblées puisque la tradition veut qu'une chambre ne discute pas les crédits de l'autre.

Au Québec, les crédits de l'Assemblée, une fois adoptés par le Bureau, sont inscrits au budget général de l'État et en principe étudiés en réunion plénière par les députés ; en pratique, cette examen n'a pas eu lieu depuis 1996.

En Suisse, le budget du Parlement est intégré au budget général de la Confédération, dans un chapitre séparé. Il est ensuite examiné par les commissions des Finances des deux conseils, et fait l'objet d'une délibération en séance plénière dans chaque chambre. Il est souvent tacitement approuvé.

La publicité du budget est assurée dans la totalité des Parlements, par sa publication au Journal Officiel ou dans un document parlementaire spécial.

En Suisse, le budget de l'Assemblée fédérale est publié dans un volume de plus de 600 pages ; au Canada, il est rendu public dans sa totalité ; en Roumanie, au Sénégal, il est intégralement publié au Journal Officiel, en tant que partie de la Loi de Finances. Le Conseil de la Communauté Française de Belgique publie son budget dans un document parlementaire numéroté.

Mais l'information la plus facilement accessible aux citoyens ne concerne souvent que les grandes lignes du budget.

En France, le montant des dotations aux assemblées parlementaires est inscrit en une ligne au budget des charges communes, au titre II du budget de l'État qui est publié au Journal Officiel ; une présentation plus détaillée par grand poste de dépense en est faite dans le « rapport relatif aux budgets des assemblées parlementaire », qui est établi par la commission commune 1 ( * )4 , annexé au projet de loi de Finances, et publié.

II - LES ASSEMBLÉES MAÎTRISENT L'EXÉCUTION DE LEUR BUDGET ET EN ASSURENT LE CONTRÔLE

A) L'exécution du budget est assurée par une organisation entièrement parlementaire

Sauf exception, les modalités d'exécution du budget sont prévues par les textes (lois sur les Finances publiques ou Règlements intérieurs), et les règles de la comptabilité publique s'appliquent aux budgets des assemblées, avec parfois, quelques aménagements.

Ainsi, la gestion de l'Assemblée nationale du Québec s'exerce dans le cadre des textes qui lui sont applicables, mais le Bureau est autorisé à y déroger, en adoptant des règles « qu'il juge nécessaires » et qui peuvent différer de celles qui s'appliquent dans l'Administration.

En France, les dispositions légales ou réglementaires relatives à la comptabilité publique ne sont pas applicables directement au sein des assemblées ; à l'Assemblée nationale, le Bureau a fixé un règlement particulier, actuellement en cours d'adaptation, qui ménage une certaine souplesse destinée à permettre l'exécution rapide des décisions qu'il prend.

L'exécution du budget s'effectue selon des schémas différents.

* Dans la majorité des assemblées, c'est un haut fonctionnaire qui en est responsable.

Ainsi, au Royaume du Cambodge, le Secrétaire général de l'Assemblée nationale est chargé d'exécuter le budget, le Président de l'Assemblée étant l'Ordonnateur principal de crédits ; le Secrétaire général du Parlement jurassien est chargé d'exécuter le budget, engager les dépenses et de les payer ; au Sénat de Roumanie, le Secrétaire général est l'Ordonnateur principal de crédits ; à ce titre, il décide d'engager les dépenses et est notamment responsable de la tenue de la comptabilité. En Ontario, l'administration du budget de l'Assemblée législative est la responsabilité du Directeur général des services administratifs ; en plus d'un rôle de conseil financier, il a pour mandat d'engager les dépenses de l'Assemblée, approuver et défrayer les dépenses des parlementaires, et superviser la comptabilité.

Mais la compétence financière des fonctionnaires peut être plafonnée à certaines sommes ; c'est le cas au Parlement de la CFB, où au-delà d'un certain montant la décision d'engager les dépenses est prise par le Bureau.

* L'exécution du budget peut aussi être assurée par un organe de l'assemblée - Bureau ou Comité de régie interne 1 ( * )5 , à la Chambre des Communes ou au Sénat du Canada -

* Dans certaines assemblées, les Questeurs assument un rôle-clé.

En France, la gestion administrative et financière des assemblées dépend entièrement des Questeurs, qui sont aussi les seuls ordonnateurs ; mais les dépenses financièrement les plus importantes sont prises par le Président et le Bureau ; l'exécution relève d'un personnel placé sous l'autorité des Questeurs. Au Sénégal, le Président est responsable de l'exécution du budget et ordonnateur principal ; les Questeurs proposent les engagements de dépenses, en assurent la liquidation et préparent l'ordonnancement.

Au Maroc, une commission spéciale donne quitus aux questeurs et contrôle les dépenses.

B) La plupart des assemblées font état d'un contrôle purement interne de leur budget, qui s'effectue a posteriori

Au Canada, le contrôle des budgets respectifs des deux assemblées est effectué par les organes chargés de la gestion des Chambres, Bureau de régie interne (Chambre des Communes) et Comité de régie interne (Sénat), où siègent des représentants de l'opposition..

En Belgique, le contrôle de l'Assemblée de la CFB sur l'exécution de son budget est entier. Les comptes sont soumis au Bureau, puis transmis à la commission des Finances pour examen le Bureau statue sur les conclusions contenues dans le rapport de la commission, qui sont publiées dans un document parlementaires, après avoir été communiquées à l'assemblée.

Le système de contrôle interne en place dans les assemblées françaises s'effectue à la clôture de chaque exercice. À l'Assemblée nationale et au Sénat, les Questeurs présentent un rapport à la Commission spéciale chargée de vérifier les comptes ; cette dernière examine les pièces justificatives, auditionne les Questeurs, et établit un rapport qui est publié.

Quelques assemblées sont soumises pour l'exécution de leur budget à un contrôle externe, qui « double » le contrôle interne.

Ainsi, au Sénat de Roumanie, le contrôle, interne, est réalisé par le Service du contrôle financier et les Questeurs. Ces derniers vérifient périodiquement l'exécution budgétaire, qui est débattue et approuvée en séance plénière. Le Bureau du Sénat peut également solliciter le contrôle de la Cour des Comptes sur l'exécution du budget.

Au Québec, la Loi sur l'Assemblée nationale permet à la Direction des ressources financières d'exercer les pouvoirs de représentant du Contrôleur des Finances. Les comptes de l'assemblée sont toutefois vérifiés par le Vérificateur général (au même titre que ceux des ministères).

À l'Assemblée nationale du Sénégal, un contrôle interne est effectué par la Commission de la Comptabilité et du contrôle, et par la Cour des Comptes.

C) La pratique des assemblées en cas de déficit ou d'excédent budgétaire révèle aussi dans une certaine mesure, l'étendue de leur autonomie

L'obtention de crédits supplémentaires en cours d'année est toujours possible, en général après discussion avec le Ministre compétent, et selon les mêmes mécanismes que pour l'élaboration de la demande de crédits.

Les Parlements s'efforcent toutefois de procéder à des virements de crédits à l'intérieur de leur propre budget, ou à des réductions de dépenses. Ces demandes supplémentaires sont parfois théoriques, dans la mesure où certaines assemblées disposent de fonds de réserve.

Les excédents sont, dans la plupart des cas, reversés au budget de l'État (Jura, Québec, Roumanie,), réservées au budget général (Cambodge), inscrites sur un fonds de réserve à gestion séparée (CFB), ou encore conservées par l'assemblée et prise en compte dans l'élaboration des prévisions budgétaires de l'année suivante (Ontario).

En Suisse, les crédits inutilisés par l'Assemblée fédérale restent dans les caisses de l'État ; le Parlement ne peut effectuer aucun placement.

À l'Assemblée nationale du Sénégal, elles sont, selon l'appréciation de l'ordonnateur, reversées au Trésor, ou affectées sur proposition des Questeurs et en accord avec le Bureau.

En France, sous la III ème République, les dotations inemployées en fin d'année étaient reversées au budget général. Après la guerre, les assemblées ont décidé de les conserver pour se constituer des réserves.

III - LE BILAN EST PLUS NUANCÉ EN CE QUI CONCERNE L'AUTONOMIE PATRIMONIALE ET LES MOYENS MATÉRIELS DONT DISPOSENT LES ÉLUS

A) Une autonomie patrimoniale incomplète

Rares sont les assemblées qui possèdent les bâtiments qu'elles occupent et les gèrent de manière autonome. C'est le cas des assemblées françaises et du Sénat de Roumanie.

Pourtant, plusieurs Parlements considèrent que leur indépendance par rapport à l'Exécutif n'est effective que lorsqu'ils jouissent d'une autonomie patrimoniale. C'est la raison pour laquelle en Ontario, les édifices du Parlement et ses alentours ont été transférés à l'Assemblée législative en 1992 ; en Belgique, les bâtiments qu'occupe actuellement le Conseil sont propriété de la CFB, mais l'assemblée est en passe d'acquérir un immeuble qui fera partie de son patrimoine propre. Au Royaume du Cambodge, l'Assemblée nationale dispose d'une salle pour la séance plénière et de trois bâtiments annexes réservés aux neuf commissions et au Secrétariat général.

Au Québec, l'Assemblée nationale possède et gère l'Hôtel du Parlement et plusieurs immeubles, les terrains étant propriété de l'État.

Au Canada, le Sénat et la Chambre des Communes occupent les immeubles appartenant à l'État ; à ce titre, ils indiquent leurs exigences en matière d'entretien au ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, qui est le gardien des édifices publics et responsable de leur conservation.

L'autonomie du Parlement passe aussi par la mise à disposition des parlementaires de moyens leur permettant d'assumer parfaitement leur mission.

B) Les indemnités parlementaires sont, sans exception, définies et gérées par les assemblées

Cette faculté est souvent prévue par la loi, les Règlements intérieurs en précisant les modalités de calcul, et les retenues éventuelles...

En France, l'ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique prévoit que l'indemnité parlementaire comprend deux parties : l'indemnité proprement dite, dont elle fixe le mode de calcul, et l'indemnité de fonction, dont elle laisse aux règlements intérieurs des assemblées le soin de déterminer les conditions de variation.

En Belgique, la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 stipule que chaque Conseil fixe le montant de l'indemnité allouée à ses membres. L'assemblée n'a pas d'élus directs ; ses membres reçoivent l'indemnité du Conseil au sein duquel ils sont élus.

En Suisse, le cadre général des indemnités parlementaires est défini dans une loi sujette au référendum facultatif qui fixe les indemnités forfaitaires annuelles ; les montants des indemnités journalières sont prévus par arrêté, non soumis au référendum facultatif, ce qui permet des adaptations périodiques.

C) La majorité des assemblées prennent en charge les rémunérations des assistants et secrétaires et/ou les dépenses afférentes aux locaux

Les modalités diffèrent selon les Parlements, et les facilités accordées aux élus sont plus ou moins larges.

En Ontario et au Québec, les parlementaires reçoivent un budget couvrant les frais de personnel à l'assemblée et dans leur circonscription, ainsi que les loyers de leurs bureaux, voire les équipements.

Certaines assemblées fournissent à leurs membres des bureaux et leur versent des crédits pour rémunérer leur personnel (France). L'Assemblée nationale cambodgienne prend en charge le traitement d'un assistant par député ; le Parlement jurassien ne prévoit pas d'assistants ou de secrétaires attachés aux députés ou aux groupes ; toutefois, des experts peuvent être rémunérés avec l'accord du Bureau, et le Parlement s'acquitte des frais de location des locaux.

D) Peu d'assemblées, en revanche, ont mis en place un véritable régime autonome d'assurance maladie et vieillesse pour leurs membres qu'elles gèrent en totalité

En France, un Fonds de sécurité sociale, qui couvre le risque maladie des parlementaires et anciens parlementaires a été créé et organisé dans chaque chambre, ainsi qu'une Caisse de pensions. La réglementation applicable à ce régime de protection sociale autonome est fixée par les autorités de chaque assemblée (Bureau et Questeurs). Le Fonds de sécurité social est administré par un comité de gestion qui comprend les trois Questeurs, un représentant de chaque groupe politique, et un ancien député.

Dans les pays où l'activité parlementaire n'a pas un caractère professionnel (comme au Jura ou en Suisse), aucun régime de protection spécifique au mandat n'est prévu. En Suisse, cette protection, très modeste, vient en complément du régime général auquel tous les travailleurs sont astreints.

Mais l'existence d'un régime autonome exclusivement prévu pour les élus n'implique pas nécessairement sa gestion directe par l'assemblée.

Les membres de l'Assemblée nationale du Québec ont leurs propres régimes d'assurance collective et de retraite gérés respectivement par une mutuelle et un organisme chargé d'administrer les régimes des employés de l'État.

En Roumanie, les parlementaires sont couverts pour les risques maladie et vieillesse par un régime autonome ; les cotisations sont versées à des fonds spéciaux gérés par des organismes extérieurs.

Au Sénégal, les parlementaires bénéficient du régime de protection sociale autonome géré par l'Assemblée nationale ; le régime des retraite, en revanche, est géré par un organisme extérieur (compagnie d'assurance).

Lorsqu'il n'existe pas de régime autonome de protection sociale, les parlementaires relèvent soit du régime général, soit d'autres régimes.

Ainsi, au Canada, les députés et sénateurs peuvent adhérer à trois régimes de protection sociale des fonctionnaires de l'État. Dans certains cas, les coûts sont assumés par le gouvernement ; dans d'autres, ils le sont en partie ou en totalité par le parlementaire, les primes étant retenues sur son indemnité mensuelle.

***

Cet examen rapide des modes d'expression de l'autonomie financière des assemblées invite à conclure par quelques réflexions :

La maîtrise par les Parlements de leurs moyens financiers s'acquiert avec le temps et l'affermissement de la démocratie. Toutefois, il est hasardeux de voir dans l'autonomie financière d'un Parlement le critère et la mesure de l'étendue de ses pouvoirs. Si l'autonomie financière est une condition souvent nécessaire du plein exercice de ses pouvoirs par le Parlement, elle n'en est pas, loin s'en faut, une condition suffisante.

Autonomie financière ne doit pas signifier absence de transparence. Il semble de l'intérêt des Parlements de fournir aux électeurs une information accessible et détaillée sur les conditions financières de leur fonctionnement. Cette exigence est d'autant plus nécessaire en l'absence de contrôle externe sur l'exécution des budgets parlementaires. Un contrôle exercé par les citoyens obéirait par ailleurs à la logique du principe de séparation des pouvoirs, qui fonde l'autonomie financière des assemblées, et selon lequel le pouvoir arrête le pouvoir.

Rapport présenté par Mme Odette TRUPIN, Rapporteure du Groupe de réflexion sur L'IMPLICATION DES FEMMES EN FRANCOPHONIE l'occasion de la XXVIème session de l'APF

Le groupe de réflexion du Bureau de l'APF 1 ( * )6 s'est réuni le 18 mai dernier à Paris pour élaborer des propositions sur les deux points contenus dans le mandat qui lui avait été confié à Québec (élaboration d'une stratégie pour améliorer la participation des femmes à la vie politique dans l'espace francophone, d'une part ; orientations et structure d'un éventuel regroupement des femmes parlementaires de l'APF, d'autre part), en vue de les présenter au Bureau, à la réunion des femmes et à la session ordinaire de l'APF.

Les participantes ont désigné Mme Céline Signori, Présidente, Mme Vieyra-Soglo, Vice-Présidente et Mme Odette Trupin, Rapporteure du groupe de réflexion.

I - STRATÉGIE POUR UNE MEILLEURE PARTICIPATION DES FEMMES À LA VIE POLITIQUE

?? Comme point de départ de leur réflexion, les participantes ont rappelé les principaux freins à l'accès des femmes au pouvoir politique dans l'espace francophone : éducation insuffisante, poids des traditions, gestion des responsabilités familiales, préjugés sexistes, manque d'appui au sein des partis politiques.

Selon les dernières études 1 ( * )7 , on assiste toutefois à une double évolution :

* Le niveau de participation des femmes aux structures de pouvoir n'est plus lié au niveau de développement du pays : on remarque de manière générale une prise de conscience et une attitude plus volontariste, ainsi qu'une présence plus massive des femmes dans les sphères du pouvoir politique, bien que l'accès aux positions dominantes soit encore très inégal ;

* La place des femmes dans la vie sociale et politique est de plus en plus importante, notamment dans les pays du Sud ;

Mais il ne faut pas pour autant négliger les disparités de statut juridique entre les femmes des pays du Nord, d'une part, et celles d'Afrique ou d'Asie, d'autre part, qui appellent des actions concrètes et adaptées aux différents types de situation.

?? L'amélioration de la participation des femmes à la vie politique s'inscrit donc dans une stratégie globale, car elle suppose la reconnaissance du principe d'égalité des chances dans tous les domaines. À partir de là, deux types d'actions sont envisageables :

1) Des actions de court et moyen terme, destinées à modifier rapidement le paysage politique dans les différents pays afin d'intégrer les femmes à la prise de décision, aux niveaux local et national.

Ces actions sont de nature à amorcer l'ensemble du processus : une représentation suffisante des femmes dans les assemblées leur permettra d'infléchir les orientations et les décisions, et de réformer le mode de fonctionnement des institutions. C'est en effet par les assemblées que sont définis et modifiés les cadres légaux qui façonnent les droits des femmes dans tous les domaines, et surtout dans celui de la décision politique.

C'est ainsi que les femmes parlementaires de l'APF pourraient prendre des initiatives concrètes :

1) au sein de leurs Parlements respectifs pour renforcer les bases juridiques de l'égalité entre hommes et femmes 1 ( * )8 - par le dépôt de propositions de lois, d'amendements, par la mise en place de groupes de travail à l'intérieur des groupes politiques ou des commissions, par le biais des questions aux gouvernements, en suscitant des débats en séance publique.... -

2) au sein de leurs partis pour que soit assurée une égale participation des femmes et des hommes aux activités du parti et aux instances de décision (équilibre des candidatures hommes/femmes ; mise en place de programmes de formation politique destinés aux femmes ; création de branches féminines au sein des partis...).

3) en direction de l'Exécutif pour que soient créés des départements ministériels consacrés aux droits des Femmes, et pour que des politiques de promotion de ces droits soient encouragées.

2) Des mesures à long terme, visant à changer les mentalités

L'origine fondamentalement culturelle du déficit de participation des femmes à la vie politique appelle une modification des codes de comportement, tant masculins que féminins.

?? Le rôle des élues est, à cet égard, prépondérant car il est nécessaire de mettre en place méthodiquement un ensemble de règles interdisant et réprimant dans tous les secteurs de la vie publique et privée, les discriminations fondées sur le sexe.

?? Cette action doit se prolonger par des mesures tendant à développer la conscience citoyenne des femmes, c'est-à-dire l'appréciation exacte de leur rôle au sein de la collectivité : élimination progressive de l'opposition entre activités dans et hors du foyer ; réhabilitation du travail domestique (statut de la femme au foyer).

Il faut amener les femmes à s'impliquer dans des actions qui les concernent, encourager au niveau local, la constitution de structures de solidarité, de mouvements de femmes, associations d'entraide etc... favoriser les échanges dans le domaine de l'éducation et de la formation... 1 ( * )9 .

II - OBJECTIFS ET STRUCTURE D'UN REGROUPEMENT DES FEMMES

1) Les objectifs assignés au regroupement des femmes parlementaires de la Francophonie s'intègrent dans cette stratégie d'ensemble. Ils sont pluriels :

?? Favoriser les échanges d'expériences entre les élues, comme c'est le cas dans d'autres assemblées internationales - Union interparlementaire ; Assemblée parlementaire du Commonwealth ; Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe -, mais en privilégiant la dimension francophone ;

?? et, de ce fait, contribuer à dynamiser de manière nouvelle l'usage de la langue française ; dans cette logique, la création d'un site Internet des femmes francophones pourrait être envisagée à terme.

?? Poursuivre l'effort en faveur d'une plus grande présence des femmes au sein de l'APF, dans les délégations, au Bureau, et d'une plus grande participation aux activités de l'organisation - réunions de commissions, missions d'observation électorales, séminaires -, à tous les niveaux.

Il semblerait judicieux, à cet égard, d'intégrer dans les travaux des commissions des thèmes spécifiques intéressant spécialement les femmes, chacune des commissions étudiant à tour de rôle un thème en rapport avec son domaine de compétence, ce qui permettrait de croiser régulièrement et systématiquement les expériences dans des domaines différents 2 ( * )0 .

?? Assurer un rôle de veille de l'amélioration de la participation des femmes aux structures du pouvoir et du développement, en mettant en place un suivi de certaines décisions prises lors de la Conférence des femmes francophones de Luxembourg, et de celles prises à New York dans le cadre de la Conférence dite « Pékin+5 ».

?? Amorcer un rapprochement des femmes de l'APF avec des élues membres d'autres organisations internationales, comme par exemple les femmes parlementaires de l'Union Interparlementaire (UIP). Le Plan d'Action de l'UIP ouvre d'ailleurs la voie à un rapprochement de cet ordre, puisqu'il appelle à la mise en place d'un mécanisme international pour l'égalité des sexes, destiné à rassembler et diffuser des informations, mettre au point des directives d'action, et développer un réseau d'échanges sur les politiques nationales menées dans ce domaine.

2) Mise en place d'une structure permanente

Conformément à la décision prise par le Bureau à Québec, en janvier 2000, l'institution d'une structure permanente s'effectuerait en deux temps :

?? le groupe de réflexion demeurerait en place jusqu'en 2001, avec pour tâche d'affiner et de compléter son étude sur les orientations, la structure et les modalités de fonctionnement d'un regroupement des femmes parlementaires de la Francophonie. Il présenterait ses propositions à la session ordinaire de juillet 2001.

Les participantes ont suggéré un changement d'appellation du « Groupe » en « Comité de réflexion ».

?? en juillet 2001 serait mis en place un regroupement des femmes parlementaires.

S'agissant de la forme que pourrait prendre cette structure, les participantes ont écarté d'emblée la création d'une nouvelle commission de l'APF, hypothèse qui exigerait au préalable une modification du Règlement de l'Assemblée.

Elles ont suggéré l'adoption d'une formule souple et évolutive, comme la création d'un réseau de femmes parlementaires, formule mise en oeuvre dans d'autres assemblées internationales ; un projet de règlement intérieur de ce réseau pourrait être élaboré par le groupe de réflexion sur la base des expériences existantes, et arrêté à Québec lors de la XXVII ème session ordinaire, en juillet 2001.

S'agissant du coût de la nouvelle structure, les membres du réseau se réuniraient dans le cadre de l'Assemblée générale, notamment pour débattre des rapports concernant les femmes élaborés en commission et pour suivre les actions destinées à favoriser la participation des femmes engagées au sein des parlements nationaux et dans le cadre de l'APF. Cette solution présenterait l'avantage de ne pas alourdir la contribution demandée à chaque section 2 ( * )1 ; elle imposerait en outre la présence de femmes dans chaque délégation et au sein des commissions.

S'agissant, enfin, de la composition, la nouvelle structure réunirait les femmes parlementaires présentes dans les délégations, mais l'ouverture du réseau aux parlementaires hommes pourrait être également envisagée.

* 1 La Conférence des Présidents comprend le président de l'assemblée, les vice-présidents, les présidents des groupes politiques, les présidents de commissions, le rapporteur général de la commission des Finances, ainsi que le ministre représentant le Gouvernement.

* 2 Dès 1962, avec la crise qui accompagna le référendum concernant l'élection du Président de la République au suffrage universel

* 3 1) la modification la plus importante résulte de la réforme constitutionnelle d'octobre 1974, qui donne à soixante députés ou soixante sénateurs la possibilité de déférer les lois, avant leur promulgation, au Conseil Constitutionnel ; une autre réforme est l'institution, à l'Assemblée nationale, puis au Sénat, des questions au Gouvernement, qui s'est faite en marge de la Constitution, par un accord direct entre l'Exécutif et l'Assemblée nationale.

* 4 Le Règlement de l'Assemblée nationale dispose ainsi que « les députés peuvent se grouper par affinités politiques » ; celui du Sénat, que « nul ne peut être contraint de faire partie d'un groupe ».

* 5 baptisé « réunion administrative des Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe », au Sénat, et « Députés n'appartenant à aucun groupe », à l'Assemblée nationale.

* 6 C'est ainsi que l'exclusion par un parti d'un de ses membres élus n'a pas d'effet sur l'appartenance au groupe politique, tant que le groupe n'a pas pris de décision dans le même sens.

* 7 Sur les 92 lois adoptées en 1999, 17 étaient d'origine parlementaires

* 8 Ainsi, en 1999, sur la totalité des amendements adoptés, dix pour cent étaient présentés par le gouvernement, vingt-cinq pour cent par les parlementaires et soixante-cinq pour cent par les commissions

* 9 En 1981, le Premier ministre proposa qu'elles soient réparties à la proportionnelle des groupes ; l'opposition de droite refusa au motif que la majorité doit assumer toute la responsabilité du travail parlementaire. Lors de l'alternance, en 1986, cette doctrine fut reprise, et le groupe socialiste n'eut aucune présidence, ni vice-présidence.

* 10 Cf. révision constitutionnelle du 29 octobre 1974. Cette faculté était initialement réservée par l'art. 61.2 de la Constitution au Président de la République, au Premier ministre et aux Présidents des assemblées.

* 11 Cf. ordonnance du 30 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959.

* 12 L'art. 28 de la Constitution de 1958 prévoyait, dans sa rédaction initiale, que la première session s'ouvrait le 2 octobre, pour quatre-vingt jours ; la seconde session, le 2 avril, pour quatre-vingt-dix jours.

* 13 Cf Tableau des réponses au questionnaire annexé au présent rapport

* 14 Voir plus haut

* 15 Le Bureau de régie interne de la Chambre des Communes est composé du Président de la Chambre qui es assume la présidence, de deux membres du Conseil privé, du chef de l'opposition et d'autres députés membres des partis majoritaires et minoritaires ; la composition du Comité sénatorial permanent de régie interne, qui compte une quinzaine de membres, est pratiquement la même (cf.Loi sur le Parlement du Canada).

* 16 Soit sept femmes parlementaires représentant les trois régions de l'APF et la zone Asie (Mmes DIALLO et VIERA-SOGLO pour la région Afrique, Mmes LOSIER-COOL et SIGNORI pour la région Amérique, S.A.R. la Princesse NORODOM Vacheahra pour l'Asie, et Mmes NAGEL et TRUPIN pour la région Europe).

* 17 Notamment celles de la consultation lancée au cours de l'année 1999 par l'Agence intergouvernementale de la Francophonie sur « l'état de la participation des femmes au pouvoir et au développement dans l'ensemble de l'espace francophone »

* 18 Par exemple reconnaissance du principe de l'égalité dans la Constitution et instauration de mécanismes de contrôle du respect de ce principe ; législation garantissant aux femmes le droit de voter et d'être élues et contrôle de l'application de ces droits ; promotion d'un statut de l'élu.

* 19 cf. sur le modèle de ce qui existe dans certains pays africains.

* 20 On peut rappeler à titre d'exemple le rapport présenté en 1998 dans le cadre de la Commission de la coopération et du développement de l'APF sur « les problèmes de population-éducation et de population - développement » ; de la même manière, la commission politique pourrait effectuer une étude sur la situation des femmes dans les conflits ; la commission des Affaires parlementaires, sur les conséquences, pour les femmes, de la mise en place d'un statut de l'élu etc...

* 21 Rappel : la Commission politique a refusé le principe d'une augmentation des cotisations lors de sa dernière réunion

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page