2) Un fragile équilibre à préserver
Les libertés démocratiques inscrites dans la Constitution de 1990 ont été scrupuleusement respectées par le Président Nujoma, son Gouvernement et la SWAPO (South West African People's Organisation), et la délégation du Sénat a été impressionnée par la détermination de ses divers interlocuteurs à le préserver.
Ce climat serein, auquel s'ajoute une visible simplicité de mode de vie des dirigeants namibiens, et un souci de maintenir le dynamisme économique déployé par la population de souche allemande (près de 80 000 personnes sur environ 1,7 million d'habitants) ne doit pas masquer l'existence de diverses sources de tension potentielle. La première d'entre elle découle de l'inégalité de développement entre le nord et le sud du pays, séparés par la ligne "rouge" située à 200 km environ au nord de Windhoek.
Cette frontière informelle partage le pays en deux zones : le sud, sans grandes ressources agricoles autres que l'élevage, peu peuplé et sanitairement sûr ; et le nord, plus humide, où se concentre l'essentiel de la population la plus pauvre, qui pratique des cultures de subsistance, et reste liée aux régions du sud de l'Angola plus qu'au reste de la Namibie.
Cette région constitue le fief de l'ethnie ovambo, fortement représentée au sein de la SWAPO, et à laquelle l'indépendance n'a guère apporté d'améliorations concrètes. La pression ainsi exercée sur les autorités pour une meilleure répartition des richesses (notamment le projet de réforme agraire, évoqué plus loin) ne peut être ignorée.
Un autre élément délicat tient au quasi-monopole exercé par la population de souche allemande sur l'activité économique et, de façon moins visible, sur le secteur administratif (notamment dans l'attribution des marchés).
Certes, les ressentiments de la population d'origine envers les européens sont bien moins forts qu'en Afrique du Sud, car la séparation raciale n'y a jamais été aussi pesante et réglementée. Cependant, tout laisse à penser que l'inégalité actuelle des compétences sera longue à résorber, et que ce délai pourrait être propice à une radicalisation des deux communautés. L'entreprise de réconciliation nationale à laquelle s'est attaché, dès son élection, le Président Nujoma (pas d'épuration dans la fonction publique, appel à des collaborateurs d'origine européenne...) a permis, jusqu'à présent, d'apaiser les tensions.