LE SAHARA OCCIDENTAL : UNE RÉGION EN PLEINE EXPANSION

La délégation a fait étape dans trois villes : Dakhla, Agadir et Taroudant. Ces visites lui ont permis d'aborder les deux thèmes majeurs de ce déplacement : le dossier du Sahara occidental et le secteur agricole marocain, principal moteur de la croissance économique.

DAKHLA - AGADIR - TAROUDANT

DAKHLA (106 277 habitants en 2015) située au Sahara occidental est de facto sous administration marocaine depuis 1975. Dans ce cadre, elle est une commune urbaine (municipalité), chef-lieu de la province d'Oued Ed Dahab.

Fondée par les Espagnols en 1502 , elle prend le nom de Villa Cisneros au XIX e siècle. Elle devient l'une des étapes de l'Aéropostale entre Toulouse et Saint-Louis du Sénégal. Nombre de ses pilotes y firent escale, dont Jean Mermoz, Antoine de Saint-Exupéry ou encore Henri Guillaumat.

Dakhla se trouve à 650 km au sud de Laâyoune, et à 1 690 km au sud de Rabat, sur l'étroite péninsule du Rio de Oro , qui s'étend sur environ 40 km parallèlement à la côte atlantique. Située sur le tropique du Cancer, à la latitude de La Havane, Canton ou Hawaï, c'est l'une des dernières villes avant la Mauritanie.

Les principales ressources ou activités économiques de Dakhla sont :

- le tourisme surtout pour les sports nautiques. Dakhla est classée depuis 2014 en tête des spots de sports nautiques à l'échelle mondiale ;

- la pêche . La ville est le premier fournisseur du marché marocain, et même de plusieurs marchés étrangers tels que l'Europe et certains pays asiatiques avec une production qui dépasse 10 % de l'ensemble des richesses maritimes du royaume. Dakhla est aujourd'hui l'un des plus grands ports de pêche des provinces du Sud, dont la population varie du simple au double en fonction des périodes de pêche.

AGADIR (421 844 habitants en 2015) est une ville berbérophone, située sur la côte atlantique, à 508 km au sud de Casablanca. Elle est le chef-lieu de la région Souss-Massa.

Ancien comptoir portugais , le port a connu une longue période de prospérité remise en cause au XVIII e siècle par le port voisin et concurrent d'Essaouira. Au début du XX e siècle, elle est le lieu principal de la rivalité entre l'Allemagne et la France dans cette partie de l'Afrique ; le traité de 1911 entre les deux pays permet à la France d'établir son protectorat sur le Maroc.

Ravagée par un tremblement de terre en 1960 (15 000 morts), la ville a été entièrement reconstruite 2 km plus au sud, lui offrant l'occasion de se moderniser et de connaitre ainsi un renouveau économique. Elle dispose depuis lors d'un grand port avec quatre bassins : port de commerce, triangle de pêche, port de pêche et port de plaisance. Elle fut d'ailleurs le premier port sardinier au monde dans les années 1980. Elle aménage aussi sa côte, qui s'étire sur plus de 10 km, avec une des plus belles promenades de front de mer de la région.

Agadir est depuis cette époque l'un des pôles économique et touristique marocain avec Casablanca, Rabat ou Marrakech. Tourisme, pêche et production et exportation d'agrumes et de légumes produits dans la fertile vallée du Souss sont les principales activités de la ville.

Agadir est également un centre universitaire important : elle est le siège de l'université Ibn Zohr, l'une des plus grandes au Maroc, qui comprend la faculté de médecine, la faculté des sciences, la faculté des sciences juridiques, économiques et sociales et la faculté des lettres et des sciences humaines. Elle accueille également le lycée français d'Agadir, qui regroupe 1 200 élèves français, marocains et étrangers.

TAROUDANT (80 100 habitants en 2015) est une ville du Sud-Ouest du Maroc , située dans la plaine du Souss , chef-lieu de cette province. Capitale d'un petit royaume saadien au XIe siècle ; elle fût longtemps une base de résistance à la monarchie alaouite, comme toute la région du Souss. La ville a souffert de la fermeture du port d'Agadir entre le 18 e et le début du 20 e siècle. Depuis lors, le dynamisme d'Agadir lui a largement profité : sa population est ainsi passée de 69 000 habitants à plus de 80 000 depuis le début des années 2000.

Taroudant et ses alentours ont une vocation essentiellement agricole (exploitations et coopératives agricoles, notamment d'agrumes comme les oranges et les clémentines, et production d'huile d'argan et d'olive) ; elle a aujourd'hui comme ambition le développement d'un secteur industriel agroalimentaire.

La ville est également une destination touristique du fait de son passé de capitale du royaume saadien (remparts et souks) et de sa proximité avec le Haut Atlas et la vallée du Souss.

I. L'AGRICULTURE, FACTEUR DE CROISSANCE AU SAHARA OCCIDENTAL

A. L'AGRICULTURE MAROCAINE

1. Ses principales caractéristiques

Les cinq traits distincts de l'agriculture marocaine tiennent tant à la structure des exploitations qu'à la place du secteur primaire dans l'économie marocaine.

- Une surface agricole utile restreinte

La surface agricole utile (SAU) du Maroc est estimée à 8 700 000 hectares , soit 12,25 % de la superficie totale du pays. Il convient d'ajouter à cette surface les terrains de parcours (plus de 20 millions d'hectares ), peu productifs, mais qui jouent un rôle non négligeable en zone pastorale pour l'alimentation des cheptels .

- La forte dualité des structures d'exploitation

D eux types d'exploitations coexistent :

- d'une part, de petites exploitations (moins de 5 ha) tournées vers l'autoconsommation et le marché local. Majoritaires en nombre (70 %), mais couvrant seulement un tiers de la SAU , elles ont un poids social considérable.

- d'autre part, de grandes à très grandes exploitations , en nombre limité, qui travaillent à l'exportation pour des produits aux standards internationaux.

- L'importance de la gestion de l'eau

La gestion de l'eau et de l'irrigation représentent des enjeux importants pour l'agriculture marocaine. Il faut distinguer :

- les zones agricoles pluviales, qui représentent plus de 80 % des surfaces. Très largement dépendantes de la pluviométrie, elles sont donc moins productives ;

- les zones irriguées qui contribuent de manière prépondérante à la production agricole. Elles bénéficient de la politique de construction de barrages engagée dans les années 1970 ou de petits ouvrages hydrauliques initiée dans les années 1985-1990.

- Un secteur économique vital

Sur le plan économique, le secteur agricole a un impact considérable sur la croissance dans la mesure où il contribue à hauteur de 15 % à 20 % au PIB global. Il apporte aussi une contribution essentielle à l'emploi : 3 à 4 millions de ruraux travaillent dans le secteur agricole, et le secteur de la transformation agro-alimentaire emploie entre 60 000 et 100 000 personnes. Enfin, le secteur agricole a un impact décisif sur les grands équilibres macro-économiques du pays, et notamment sur la balance commerciale .

- Une agriculture en partie adossée à l'Union européenne

Le Maroc signé en 1996 un accord d'association qui prévoit notamment la libéralisation progressive des échanges de produits agricoles et de la pêche . Les produits agricoles marocains bénéficient ainsi, à l'entrée dans l'Union européenne, de faibles droits de douane , dans la limite de contingents stricts.

Par ailleurs, le Maroc se voit reconnaître, depuis 2008, un « statut avancé »  dans ses relations avec l'Union européenne et a signé, dans ce cadre, un accord sur le commerce bilatéral en 2012. Pour les produits agricoles, il prévoit une libéralisation immédiate de 45 % en valeur des exportations de l'Union européenne vers le Maroc et de 70 % en 10 ans. Pour les fruits et légumes, les produits laitiers, les oléagineux et les conserves alimentaires, la libéralisation est totale. En contrepartie, l'accès au marché européen est libre immédiatement pour les produits agricoles marocains, mais sous conditions pour les plus sensibles d'entre eux comme la tomate.

MAROC : PRINCIPALES DONNÉES AGRICOLES

Superficie (km 2 )

446 550 000

Population (millions 2018 et évolution 2017/2018)

35,7 (+1%)

Indice de développement humain (IDH) (2017)

0,667 (123 e rang mondial)

PIB (milliards USD - FMI 2017)

110,2 (61 e rang mondial)

Taux de croissance du PIB (évolution 2016/17)

+ 4,1%

PIB par habitant (USD - 2017)

3 177

Part de l'agriculture dans le PIB (2017)

12,3% (dont 1,06% pour la pêche)

Surface arable (millions d'ha)

8,7

Terres agricoles (millions d'ha)

30,4

Surface forestière (millions d'ha)

7,9

Balance commerciale tous secteurs, y compris services (milliards € - 2018)

- 10,6

Échanges commerciaux agroalimentaires (millions € - 2018)

Exportations : 5 298

Importations : 4 173

Balance commerciale agroalimentaire (millions € - 2018)

+ 1 125

Source : Office des changes Maroc

Exportations agroalimentaires vers la France (millions € - 2018 et évolution 2017/2018)

1 067,3 (+3,18%)

Part du flux bilatéral dans les importations agroalimentaires 2018 (en % des importations de la France)

0,7%

Rang parmi les fournisseurs de la France

10 e

Part du flux bilatéral dans les exportations agroalimentaires 2018 (en % des exportations de la France)

0,5%

Rang parmi les clients de la France

23 e

Source : Douanes France

2. Le plan « Maroc vert »

L'agriculture marocaine doit faire face à trois défis majeurs :

- la stabilisation de la population rurale et la lutte contre la pauvreté ;

- l 'aménagement du territoire et le développement régional, notamment pour les régions périphériques ;

- le développement durable , notamment en termes de préservation des ressources en eau .

Au vu de ces enjeux, le gouvernement marocain a lancé en avril 2008 un ambitieux programme de développement agricole, dit plan « Maroc vert » (PMV), qui place l'agriculture au rang des toutes premières priorités du pays. Ce plan a comme objectif premier de faire de l'agriculture un secteur performant susceptible de devenir un moteur de l'économie tout entière. Son deuxième objectif est de lutter contre la pauvreté et de maintenir une population importante en milieu rural. L'investissement privé, accompagné d'une aide publique si nécessaire, est un facteur clé de ce développement agricole. L'ensemble des filières est concerné, afin de préserver les équilibres territoriaux et sociaux.

Le PMV repose sur deux piliers :

- le premier pilier, dit « Pilier I » vise à développer une agriculture productive à haute valeur ajoutée en grande partie tournée vers l'exportation . Toutes les filières agricoles sont concernées, mais plus particulièrement celles ayant des potentialités de développement élevées comme les agrumes, les cultures maraichères et l'oléiculture. Les projets mis en oeuvre visent à augmenter les surfaces cultivées, à améliorer la productivité et la qualité des produits, et à obtenir des gains de parts de marché à l'exportation. Ces projets font appel à l'investissement privé complété par des aides publiques ;

- le second pilier, dit « Pilier II » vise à l'accompagnement solidaire de la petite agriculture . Il s'agit d'améliorer les revenus des exploitants agricoles les plus fragiles, en particulier dans les zones défavorisées. Il est prévu d'affecter des fonds publics à des projets socio-économiques pouvant concerner plus de 800 000 exploitants. À titre d'exemple, certains projets soutiennent la constitution de petites coopératives « agrégeant » de petits exploitants qui peuvent bénéficier ainsi d'un encadrement technique, de débouchés pour leur produits et éventuellement de financements.

Les nombreux projets lancés dans le cadre du PMV sont gérés par l'Agence pour le développement agricole (ADA), créée en 2009 pour mettre en oeuvre la stratégie adoptée par le gouvernement en la matière. Beaucoup d'autres structures comme les services déconcentrés du ministère de l'Agriculture ou les offices régionaux de mise en valeur agricole interviennent également.

La mise en oeuvre de ce plan a très largement contribué au développement du secteur agricole, avec toutefois un déséquilibre entre les deux piliers, au bénéfice du premier. La situation de certaines catégories de ruraux défavorisés s'en trouve affectée, notamment chez les ouvriers agricoles.

3. Les entretiens et visites de la délégation

Lors de son séjour, la délégation a visité plusieurs sites agricoles :

ü à Dakhla, le domaine « AJIDA » ;

ü à El Koudia (Taroudant) : le domaine de KAMARED, le groupe coopératif « MAISADOUR Maroc », la société AMENSOUSS, le groupe LYMONA.

a) Les entretiens et visites à Dakhla (15 avril 2019)

Dakhla est une ville en plein essor économique et touristique. Son développement bénéficie au secteur agricole, les conditions climatiques offrant un avantage de précocité pour les cultures maraîchères.

Des serres ont été construites dans les environs de la ville, où sont cultivés les produits des maraîchers de Dakhla, particulièrement la tomate et les melons , connus pour leur qualité gustative.

Cet ensemble de serres est exploité par cinq producteurs-exportateurs qui occupent près de 5 000 hectares ciblés par le plan de développement régional de culture maraichère et parmi eux l'Ajida.

(1) La vocation agricole et maritime de la région de Dakhla

Avant les années 1980, il n'y avait pratiquement aucune activité agricole dans cette région, au moins au niveau commercial. Au travers de projets financés par la région de Dakhla et de plans spécifiques de développement, les filières d'élevage et de primeurs se sont développées de manière importante , en particulier la culture des tomates et melons et l'élevage de chameau pour la consommation de viande et de lait. La production végétale est pour 90% destinée à l'exportation, notamment vers l'Union européenne, la Russie et le Canada.

Cette expansion de l'activité agricole s'appuie sur plusieurs atouts :

- un foncier domanial très vaste (120 000 ha de parcours pour l'élevage et 1 000 ha cultivables) ;

- un climat tempéré ;

- des ressources en eau substantielles (nappe phréatique, barrage et proximité de la mer pour la désalinisation) ;

- un cheptel important (100 000 têtes, dont 25% de camélidés).

Les projets de développement ciblent en priorité les femmes et les jeunes de la région grâce à des centres de formation pour les métiers de l'agriculture.

Concernant la gestion de l'eau, primordiale pour le développement des activités agricoles, l'utilisation de la nappe phréatique est rationalisée grâce à la généralisation des systèmes de goutte à goutte pour les cultures. Par ailleurs, un projet de construction d'une usine de dessalement d'eau de mer de Dakhla est programmé pour 2020. Alimenté en énergie éolienne par un parc d'une capacité de 26 MW et permettra l'irrigation de 5 000 hectares, ce projet devrait générer 10 000 emplois permanents.

Le secteur de la pêche et du traitement des produits de la mer bénéficie quant à lui d'atouts qui en font un pôle d'attraction des investissements dans la région :

- un positionnement géostratégique sur l'Atlantique compris entre Lagouira et Oued Lakraa, à proximité des îles Canaries ;

- un étalement sur 667 km le long du littoral ;

- une baie de 400 km2, très favorable pour l'élevage de l'aquaculture ;

- une richesse halieutique abondante et très diversifiée.

Actuellement, les produits de la mer sont traités ou valorisés dans des usines de valorisation et de congélation des produits de la pêche (76), des fermes aquacoles (10), des fabriques de glace (4), des  magasins de mareyage (50), des centres d'expédition des coquillages (3) et dans une conserverie du poisson pélagique. Ce secteur emploie près de 17 000 personnes.

(2) Le groupe d'intérêt économique « AJIDA »

Quinze jeunes entrepreneurs agricoles sahraouis, dont sept femmes, ont créé en 2015 l'association des jeunes investisseurs dans le domaine agricole (AJIDA), puis en 2016 le domaine« AJIDA » sous la forme d'un groupement d'intérêt économique (GIE) pour lancer une production maraîchère au sein du périmètre irrigué de Guraret El Hedda. Le GIE est adossé au plus grand producteur maraicher de la région, ROSAFLOR, filiale du groupe Hassan Derhem.

L'objectif est l'optimisation des surfaces exploitables sur 50 ha 5 ( * ) , ainsi que la valorisation de la production dans le cadre d'un partenariat public-privé autour de terres agricoles relevant du domaine privé de l'État.

Grâce aux conditions climatiques qui permettent une grande précocité des cultures maraîchères et à la disponibilité d'eaux souterraines, ces jeunes entrepreneurs se sont lancés dans la production de tomates-cocktail et de melons charentais verts sous serre.

Melon vert charentais : pollinisation par des abeilles élevées sur place - plantation en décembre et récolte en mai.

Tomate-cocktail : pollinisation par des bourdons élevés sur place - plantation en juillet et récolte en septembre.

En période de récolte et d'arrachage, le site emploie 300 ouvriers. La production est en moyenne pour les deux cultures de 2500 tonnes par an.

De gauche à droite : M. Hervé MARSEILLE, Mmes Dominique ESTROSI SASSONE

et Catherine DUMAS, MM. Christian CAMBON et Jackie PIERRE,

Mme Corine FERET et M. Jean-Noël GUERINI

Le projet a bénéficié d'aides et subventions de la puissance publique (chambre d'agriculture, direction régionale du ministère de l'Agriculture et Agence pour le développement agricole) qui ont beaucoup aidé à la réussite du projet à travers :

- les aménagements hydro-agricoles (équipement du bassin d'irrigation, système d'irrigation goutte à goutte, creusement de puits, formation, quai de chargement, atelier de mécanique, digue de protection des inondations...) ;

- l'acquisition du matériel agricole ;

- l'installation de serres et filets de protection des cultures maraîchères sous serre.

Chaque entrepreneur a bénéficié de 5 ha de surface agricole, ainsi que d'un crédit bancaire de l'ordre de 2 000 000 euros.

En 2018, le GIE AJIDA a été distingué au Salon international de l'Agriculture du Maroc (SIAM) comme étant le meilleur producteur maraicher de la région.

Actuellement, 200 à 300 ouvriers travaillent sur l'exploitation. La production est de 100 tonnes/ha de tomates-cerise et 50 tonnes/ha de melons. Des ruchers ont été installés pour la pollinisation des cultures. L'Europe, dans le cadre d'un contrat de commercialisation avec un grand producteur-exportateur, est la principale destinatrice de cette production .

Les principaux obstacles qui ont entravé le démarrage de l'activité sont la lourdeur des procédures administratives , le transport et la logistique , le choix des fournisseurs ainsi que les problèmes relatifs à la plantation et aux maladie s.

Actuellement, les enjeux pour l'avenir de ce projet sont :

- l'installation de panneaux solaires pour réduire le coût de la facture énergétique ;

- la garantie de la qualité de la production destinée à l'exportation puisqu'elle doit aujourd'hui, à l'instar des autres opérateurs, être transportée à Biougra, première zone primeuriste à 1 200 km au nord de Dakhla . L e vote , par le Parlement européen le 16 janvier 2019, de l'accord 6 ( * ) visant à étendre les préférences commerciales Union européenne-Maroc aux produits principalement agricoles et piscicoles venant du territoire du Sahara occidental, est de ce point de vue une bonne nouvelle. En effet, la préférence commerciale devrait permettre aux producteurs locaux d'empaqueter leurs produits sur place et de les exporter depuis la région de Dakhla.

b) Les entretiens et visites à El Koudia (Taroudant) (17 avril 2019)
(1) Le domaine de Kamared

Créé en 2002, le domaine de Kamared est à l'origine une joint - venture avec un partenaire sud-africain. Il produit actuellement cinq variétés de raisin (53 ha) et de framboise (18 ha). Le montant de l'investissement a été de 3 millions d'euros pour le raisin et de, 0,7 millions d'euros pour la framboise. La production s'étale sur toute l'année, selon une alternance raisin (de mai à juillet) et framboise (de décembre à avril) produisant des rendements de 25 tonnes/ha pour le premier et de 16 tonnes/ha pour la seconde. La culture se fait hors-sol pour bénéficier d'un sol plus léger que le milieu naturel car constitué d'un mélange de tourbe et de fibres de coco. La cueillette est en majorité réalisée par des femmes. Le domaine emploie entre 200 et 500 ouvriers et cadres selon les récoltes.

Grâce à son ensoleillement, le Maroc occupe le « créneau commercial de l'hémisphère Nord » avec l'Égypte et Israël, avant les productions espagnoles et italiennes du début d'été. Le délai est en général de trois semaines à un mois de précocité. 90% de la production est exportée, les principaux clients étant dans l'ordre :

- pour le raisin : l'Allemagne, le Royaume uni et la France ;

- pour la framboise : la France et les Pays-Bas.

La gestion de la ressource en eau est l'un des défis permanent du domaine. La disponibilité annuelle, répartie en trois forages, est de 274 000m 3 /an pour un besoin total prévisionnel estimé à 408 000 m 3 /an, soit 291 000 m 3 /an pour le raisin et 117 000 m 3 /an pour les framboises ; le déficit annuel est donc de 134 000 m 3 /an.

(2) Le groupe MAISADOUR Maroc

Issu d'une coopérative céréale des Landes créée en 1936 et implanté dans plus de 80 pays dont le Maroc depuis 2002, le groupe agroalimentaire coopératif MAISADOUR est structuré autour :

- d'un pôle agricole (céréales, agrofournitures, semences, légumes, nutrition et productions animales) ;

- d'un pôle « gastronomie » avec foie gras, jambon de Bayonne, saumon, caviar... (marques Delpeyrat, Comtesse du Barry, Sarrade et Delmas) ;

- d'un pôle « volailles » qui va de l'abattage à la découpe et à la commercialisation (marque Fermiers du Sud-Ouest) ;

- d'un pôle « jardineries et motoculture » regroupant un réseau de jardineries, une centrale d'achat et des points de vente motoculture.

LES CHIFFRES CLÉS DU GROUPE MAISADOUR

Source : groupe MAISADOUR

Les principales activités de MAISADOUR Maroc sont :

- des cultures contractuelles en fruits et légumes ;

- des prestations de services en conditionnement et en machinisme agricole ;

- la distribution d'alimentation animale et de semences ;

- des productions avec des exploitations en location (maïs, salades, melons, framboises...).

Pour cette dernière activité, les productions réalisées au Maroc sont récoltées en contre-saison par rapport aux productions réalisées dans le Sud-Ouest de la France , région d'origine du groupe coopératif. Ainsi, la production marocaine de maïs doux épis (de novembre à janvier et d'avril à juin) vient compléter la production des agriculteurs aquitains (de juillet à septembre). L'intégralité de la production est exportée, pour l'essentiel vers l'Union européenne, avec comme premier client le Royaume Uni.

Au-delà de l'activité traditionnelle de production, depuis trois ans, MAISADOUR Maroc s'est attaché à devenir un véritable laboratoire du développement international pour le groupe coopératif MAISADOUR . Historiquement orienté vers les fruits et légumes à l'export, le groupe s'est tourné vers la distribution de semences et d'aliments pour les équins sur le marché national.

Le groupe s'est aussi attaché à développer les standards internationaux dans le secteur agricole marocain afin de faciliter son intégration dans les marchés internationaux, principalement européens. En 2006, il a ainsi investi dans la construction d'une unité de conditionnement près d'Agadir. Il bénéficie d'une certification environnementale ( Global Cap ) qui lui permet d'accéder aux marchés à forte valeur ajoutée, notamment ceux d'Europe du Nord. Enfin, en matière sociale, le groupe est l'un des trois lauréats du prix de l'égalité professionnelle créé au Maroc pour célébrer la journée internationale de la femme.

L'activité de MAISADOUR Maroc en quelques chiffres

Un chiffre d'affaires de 2,376 millions d'euros en 2015-2016

Près de 400 salariés en équivalents temps plein (ETP)

700 ha de production de maïs doux,
45 ha de salade et 45 ha de fruits rouges

(3) La société Amensouss

En 2008, le ministère de l'agriculture a lancé le projet d'irrigation de Sebt El Guerdane pour remédier au manque d'eau dans la région, dû essentiellement à la surexploitation, et faire face à la baisse du niveau de la nappe phréatique de 2 à 3 mètres par an dans cette zone. La solution a été de ramener l'eau du barrage d'Aoulouz, distant de 90 km, par des conduites souterraines, et d'ainsi de sauvegarder 9 618 ha exploités par près de 730 agriculteurs cultivant essentiellement des agrumes destinés à l'exportation.

Pour ce faire, trois pistes ont été envisagées :

- un financement par l'État, mais très coûteux pour les finances publiques et donc difficilement envisageable ;

- un financement par l'État (53%) et les usagers (47%), onéreux pour les usagers s'agissant des installations de raccordement (5 000 €/ha) et des tarifs de consommation (0,17 €/m 3 ) ;

- un partenariat public-privé avec l'État (24%), le délégataire en fonds propres (44%), un prêt au délégataire (24%) et les usagers (8%). Cette solution a été privilégiée car elle est la plus accessible aux petits agriculteurs (installations de raccordement de 800 €/ha et tarifs de consommation 0,14 €/m 3 ).

Le délégataire Amensouss s'est engagé à faire les travaux d'adduction (300 km de conduites) depuis le barrage. 600 usagers ont été raccordés pour une surface totale de 10 000 ha, les exploitations desservies ayant des surfaces de 1 à 500 ha. 11 000 emplois agricoles ont été ainsi préservés et 40 emplois créés pour la gestion de la ressource. Les travaux ont été menés entre 2007 et 2009.

La distribution est gérée informatiquement (carte de localisation et télégestion), tout comme le recouvrement des recettes, que le délégataire s'est engagé à recouvrer.

Un comité de suivi se réunit au moins une fois par an avec des représentants de l'État, du délégataire, des élus de la province et des représentants des usagers.

Le choix du partenariat public-privé et du raccordement au lac de barrage a permis de :

- réduire les coûts de pompage de moitié et le prélèvement sur la nappe phréatique ;

- ralentir très fortement la disparition des exploitations, notamment des petites exploitations ;

- préserver la diversité des exploitations.

(4) Le groupe Lymouna

Créé en 1990, le groupe Lymouna est centré sur la production de primeurs et leur conditionnement. À l'origine limité à la tomate, le groupe a élargi sa production aux agrumes ; il exporte environ 120 000 tonnes vers l'Union européenne, la Russie et le Canada.

Les domaines du groupe et producteurs affiliés s'étendent, dans la région d'Agadir et de Taroudant, sur une superficie de plus de 303 ha. 80% sont dédiés à la tomate (ronde, allongée, grappe, cerise...) et 20% au melon vert charentais et aux légumes divers (courgette, haricot plat, haricot vert filet, piment fort, poivron, petits pois, fève...). La production annuelle est de 45 000 tonnes de tomate (toutes variétés confondues), 1 000 tonnes de melon et 2 000 tonnes de légumes variés.

Mmes Corinne FERET et Dominique ESTROSI SASSONE

et M. Hervé MARSEILLE

En mai 2018 , le groupe a lancé le projet de création d'une vaste plateforme agro-industrielle à Sebt El Guerdane près de Taroudant . S'étendant sur une superficie de 16 ha, extensibles à 36 ha à terme, elle comprend plusieurs zones (commerciale, industrielle, logistique et administrative) dans la région de Sebt El Guerdane. Près de 40 millions d'euros seront à terme investis. Deux stations de primeurs et d'agrumes déjà fonctionnelles, en plus de l'unité d'emballage de carton, visitée par la délégation , seront construites. Ce projet devrait générer 700 nouveaux emplois directs, qui s'ajouteront aux 107 postes déjà créés. Il permettra permettra d'encourager les coopératives et les jeunes promoteurs, participant ainsi à la stabilisation des populations locales.


* 5 En 2018, la superficie exploitée est passée de 27 à 51 ha, dont 27 ha pour la tomate et 24 ha pour le melon.

* 6 Accord adopté après une mission de la commission du commerce international du Parlement européen, qui s'est rendue en septembre 2018 à Dakhla et a visité le domaine AJIDA.

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