ELEMENTS DU DISCOURS PRONONCE AU BANQUET HOCHE

organisé par la Fédération Radicale Socialiste de Seine-et-Oise 

(1948)

Regrets de l’absence du Président Edouard Herriot qui assiste au déjeuner offert par M. Vincent Auriol, Président de la République, aux Ministres des Affaires étrangères du Royaume-Uni, de l’U.R.S.S. et de la France.

Seule la présence de ce grand Français aurait pu donner à cette manifestation l’éclat qui l’eut placée au pendant de celle que Gambetta présida en juin 1972.

Mais joie du Président Monnerville de présider cette cérémonie. Il n’a pas hésité à décliner l’invitation du Président de la République, pour pouvoir exprimer dans cette cité de Versailles, témoin des fastes de la Monarchie et de la naissance de la Ière République, et signe de la pérennité de la volonté du peuple de France, l’admiration et la reconnaissance d’un fils d’Outre-Mer envers ce général légendaire que fut Hoche.

Jeune élève d’une école laïque dirigée par un instituteur élève des instituteurs français, il a déjà connu une admiration sans bornes pour ces jeunes généraux de la Révolution, serviteurs d’un noble idéal. Son imagination s’est donnée libre cours. Peut-être l’a-t-elle entraîné trop loin. Non. L’étude plus poussée de l’histoire n’a pu qu’accentuer son enthousiasme, la réalité ayant atteint les limites extrêmes de l’imagination.

M. Monnerville dit l’émotion qui l’étreint lui, fils de la France d’Outre-Mer, de parler aujourd’hui de Hoche. Il dit la foi de tous ses frères dans cet idéal républicain dont les fils de France, et particulièrement ce jeune général, ensemencèrent l’Europe et le Monde.

Foi également dans la pérennité française, dans le destin de ce pays qui, à l’heure où tout semble crouler, trouve dans ses enfants cet esprit qu lui donne les généraux de l’An II et ces nouveaux héros, illustres ou obscurs, de la Résistance qui surent maintenir le prestige de l’idéal.

La vie, hélas trop courte de Hoche (Soldat à 16 ans, Général à 25 ans, mort Général en chef à 29 ans), mérite une attention particulière.

Tout a été dit sur cette vie, et sur les oeuvres qui l’ont remplie.

Mais il convient d’en tirer les leçons, et de les méditer.

Le Président Monnerville ne retiendra aujourd’hui que :

1. la fidélité à la République

2. le civisme

3. la tolérance du Général Hoche, vertus du véritable républicain.

1. FIDELITE A LA REPUBLIQUE

Fils du peuple –fils d’un garde du chenil du roi.

Lui-même palefrenier aux écuries royales. 

Sa soif de s’instruire, de s’élever, sans rougir et sans oublier ses origines populaires.

Participe à la Révolution (prise de la Bastille).

S’engage aux gardes françaises, soldats du peuple. 

Véritable culte de la République se retrouve à chaque instant de sa vie.

Liberté – Egalité – Fraternité. Tous ses actes furent conformes à ces principes. La simple fidélité à ces principes lui conféra aux yeux de tous une autorité et une influence considérables.

Vertu de l’exemple – Rappel de la parole de Gambetta : « Ses soldats, qu’il appelait « soldats de la liberté » : « C’est à l’âme de Hoche qu’ils avaient allumé leur âme pour soutenir cette lutte jusqu’à la mort, jusqu’à l’immolation d’eux-mêmes et c’est ainsi que Hoche avait fait des armées « républicaines ».

2. CIVISME

Fils du peuple –et fidèle à ses origines.

Respectueux du régime dans lequel il a foi.

Ne le réserve pas pour lui et ses concitoyens ; à l’instar de l’Angleterre ou de l’Amérique, mais il n’a de cesse qu’il le porte aux autres nations et toujours plus loin.

Rappel de trois témoignages :

Général Mangin – discours prononcé le 7 juillet 1919 à l’occasion de la Translation des cendres du Général Hoche à Weissenthurn :
« Dans sa courte carrière, Hoche eut le temps de déployer ses qualités de soldat et de chef, de citoyen et d’homme d’Etat. Sa vaste intelligence, sa connaissance des hommes et son caractère intrépide étaient mis au service d’un patriote ardent et d’une profonde conviction républicaine. Parmi les héros de la Révolution, son nom brille de l’éclat le plus pur, que n’ont pu obscurcir ni les luttes des partis, ni même la guerre civile ».

Interrogé à propos du coup d’Etat de Fructidor, Hoche déclare que ce coup d’Etat avait peut être été rendu nécessaire par la sauvegarde de la République, mais ajoute qu’il valait mieux pour la liberté qu’un des généraux qui commandait en chef les armées de la République ne fût pas intervenu directement dans cette circonstance ; qu’une République était bien près de sa ruine quand elle était visiblement sous l’égide d’une renommée militaire trop éclatante, qu’il fallait qu’elle fût servie et non protégée. 

Hommage à lui, rendu par Thiers :

« Possédant à 27 ans, une réunion de qualités militaires et civiles qui devient souvent dangereuse pour la liberté, il n’avait pas cette coupable audace d’esprit qui peut porter un capitaine illustre à ambitionner plus que la qualité de citoyen ; il était républicain sincère et égalait le patriotisme et la probité de Jourdan. La liberté pouvait applaudir sans crainte à ses succès et lui souhaiter des victoires ».

Preuve du civisme : 

Haine de Saint-Just. Arrestation de Hoche alors qu’il arrive à l’armée d’Italie. Il refuse de fuir. Incarcéré à la Conciergerie.

Demande justice, mais ne ressent aucune amertume à l’égard de la République des persécutions dont il est l’objet de la part de ceux dont il défend les idées. Entendant attaquer la République, il a pour son interlocuteur cette réponse cinglante : « Comment ! N’avez-vous donc pas de patrie ? ».

3. TOLERANCE

Vis-à-vis des ennemis de l’intérieur.

Vis-à-vis des ennemis de l’extérieur.

Intérieur : 

Vendée : pacificateur de la Vendée (employant tour à tour l’humanité, la vertu, la probité, la force, la ruse et toujours la dignité qui convient à des républicains).

Tolérance religieuse.

Quiberon : fermeté d’abord, oubli ensuite.

Extérieur : 

Rhénanie : tolérance sur tous les plans : administratif, religieux, culturel.

Grand capitaine,

Politique avisé,

Homme d’Etat incontesté,

Administrateur de rare qualité,

Nul n’eut de doute sur ce qu’il serait devenu.

Rappel des inscriptions composées par le secrétaire perpétuel de l’Académie française, M. Villemain : « Mort trop tôt pour la France, s’il eut vécu, sa gloire toujours croissante n’eut rien coûté à la liberté de son pays ».

Ces vertus furent sa raison, comme elles étaient la raison de la France.

Il y joignait un amour profond du travail. 

Ses devises : « Res, non verba » « ago quod ago »

Rappel des temps actuels : appel au travail dans l’union et le respect des droits de chacun.

La République, fondée sur la vertu civique, ne saurait résister à l’indiscipline, indiscipline individuelle ou collective.

Car il n’est pas de liberté sans discipline. Partant, sans autorité reconnue et respectée.

Revenant au point de départ, le Président Monnerville montre ce que les populations d’Outre-Mer doivent à la République et surtout cette liberté que les années 1789-1848-1875 apportèrent en diverses étapes, au monde entier.

Cette liberté de France, c’est bien elle que, se levant d’un même élan, les territoires d’Outre-Mer, la Guyane, sa petite patrie, vinrent défendre en 1941. Et Monsieur Monnerville souligne la marche symbolique de ces troupes de l’Union Française venant délivrer de l’oppression l’Alsace, patrie de Victor Schoelcher, leur libérateur.

Enfin, sous les acclamations, le Président du Conseil de la République invite l’assistance émue à garder toujours présente à l’esprit cette parole du Général Hoche au représentant du peuple Boursault : « Ma figure peut paraître de glace lorsqu’on ne me connaît pas, mais en matière de liberté, mon âme sera de feu ».

Il termine ainsi : « que notre âme soit de feu lorsqu’il s’agit du maintien de la devise des républicains : Patrie et Liberté ».

Gaston MONNERVILLE.