Discours prononcé par M. Roger LISE, Membre honoraire du Parlement, Président de la Société des Amis du Président Gaston Monnerville,
lors de l'inauguration de l'Esplanade Gaston Monnerville

Roger LISE, Membre honoraire du Parlement et Président de la Société des Amis du Président Gaston Monnerville

Monsieur le Président du Sénat,
Monsieur le Maire de Paris,
Monsieur le Maire du VIe arrondissement,
Mesdames, Messieurs,

Lorsque Gaston MONNERVILLE nous a quittés le  7 novembre 1991, l'idée s'est tout de suite imposée : la disparition de l'ancien Président du Sénat ne devait pas entraîner la fin de son influence morale. Aussitôt un très grand nombre de personnalités, dont beaucoup de sénateurs, ont institué une « association du souvenir », dont le but est de rappeler la vie de ce grand homme, afin de les présenter en exemple à la jeunesse de France et tout particulièrement à la jeunesse de l'outre mer.

La SOCIETE DES AMIS DU PRESIDENT GASTON MONNERVILLE ayant bien voulu me porter à sa présidence, c'est en son nom que je prends la parole, puisque l'inauguration de ce jour résulte très largement d'initiatives et d'efforts inlassables de tout un chacun, durant plus de 12 ans, et, pour satisfaire à la vérité, je dirai qu'il faut les mettre principalement à notre actif, mais également à celui d'autres associations, telle le COLLECTIF de Patrice KARAM.

Tout d'abord, je ne manquerai pas de remercier Monsieur Jean-Pierre LECOQ, maire du Sixième arrondissement, à qui nous savons gré d'avoir approuvé et toujours soutenu notre démarche.

J'exprimerai aussi toute notre gratitude à Monsieur Bertrand DELANOE, qui a choisi l'emplacement idéal pour honorer MONNERVILLE, aussi, bien sûr, au Conseil de Paris qui a pris, à l'unanimité, la décision dont résulte la cérémonie de ce jour.

Monsieur Christian PONCELET, quant à lui, il sait très bien pourquoi il a droit lui aussi à notre vive reconnaissance ; il veille avec constance sur les travaux de notre association ; et son aide ne nous a jamais manqué.

En présence de tant de femmes et d'homme d'outre-mer, je veux souligner que MONNERVILLE est un modèle pour le combat politique. Car il a fondé toute sa vie sur des principes. Et ces principes, il les a, non seulement exaltés par la parole, mais aussi défendus, quand il le fallait, les armes à la main.

Le combat de sa vie fut celui des Droits de l'Homme ; dont il voulut qu'ils fussent réellement appliqués, partout ou flottait le drapeau tricolore. Sa vie durant, MONNERVILLE s'est attaché à tenter de faire réformer le régime de l'Empire français, cet ensemble de terres, dont il considérait qu'il était essentiel pour la puissance de la France, mais aussi il voyait trop bien que les peuples étaient soumis à l'arbitraire, aux injustices et aux excès de l'ordre colonial.

MONNERVILLE a toujours rappelé qu'il avait des ancêtres africains, déportés comme esclaves aux Antilles. Les deux hommes qu'il a le plus admirés étaient l'abbé GREGOIRE, auteur de la première abolition de l'esclavage et Victor SCHOELCHER auteur de la seconde. Ces deux « combattants de l'Idéal », ces deux grands libérateurs furent ses modèles politiques ; car tous deux montraient qu'un décret peut changer la vie.

C'est par l'action de tels hommes, que la France n'est pas seulement une terre et une nation. Elle n'est pas exactement un pays comme les autres. Elle est aussi, et peut-être surtout, le lieu symbolique des Droits de l'Homme.

Aussi, le patriotisme d'un MONNERVILLE s'attachera à défendre autant le pays qui consacre ces valeurs, que de s'opposer à l'invasion du territoire géographique. Il ne fut pas le seul ; n'oublions pas que Maghrébins, Africains, et autres composèrent le gros des troupes qui ont libéré la France du joug hitlérien. Et que beaucoup en sont morts.

MONNERVILLE ne cessa de lutter contre le racisme, tous les racismes, Il fut l'un des premiers, dès 1933, à dénoncer vigoureusement la politique antisémite d'HITLER, comme à mettre en garde la classe politique contre les visées du dictateur sur l'Empire français.

MONNERVILLE est ce même homme qui, en 1938, a convaincu Georges MANDEL, ministre des colonies, de nommer Félix EBOUE, un noir descendant d'esclaves, au gouvernement du Tchad, car le Tchad était la plaque tournante de l'Afrique. Qui tenait le Tchad, tenait la clef stratégique. L'épopée du Général de GAULLE a pu, dès le départ, disposer d'une base purement française et la reconquête de la France commença à FORT-LAMY.

Si MONNERVILLE jugeait que les quatre vieilles colonies devaient être assimilées, en revanche, pour les possessions de l'Empire, il préconisait la suppression du régime colonial et proposait la plus large indépendance : dans une sorte de fédération, (un COMMONWELLS à la française), où chaque pays associé, libre de régler toutes ses affaires intérieures, n'aurait en partage avec la France, que la gestion des intérêts communs.

L'UNION FRANCAISE, instituée en 1946, ne fut qu'un premier pas. En 1958, MONNERVILLE approuva la Constitution nouvelle, car elle créait la COMMUNAUTE, une fédération de pays autonomes, liées à la France selon les règles dont il rêvait depuis si longtemps.

Mais par l'affranchissement rapide et total de ses membres, cette Communauté s'est désagrégée en moins de quatre ans. Nous constatons le résultat actuel.

MONNERVILLE est, en 1947, élu président de la seconde Assemblée ; et constamment réélu, durant vingt-deux ans. La Cinquième République en fait, en 1958, le second personnage de l'Etat, lui un homme de couleur !

Comment ne pas admirer, et c'est tout à l'honneur de notre pays, qu'un descendant d'esclaves, un sang-mêlé, ait occupé l'une des charges les plus prestigieuses de la République. Et cela, je le souligne, en vertu de ses seuls mérites : dès l'enfance, il est un excellent élève, puis un étudiant boursier remarqué de ses maîtres, plus tard, il devient un grand avocat, il se révèle un orateur dont l'éloquence est célèbre... Dès la première heure, il s'engage dans la Résistance...

Pour conclure, je résume.

Autant par ses qualités d'homme politique que par l'éclat de sa carrière, Gaston MONNERVILLE est digne d'être cité en exemple, tout particulièrement aux enfants et jeunes d'outremer. Puisqu'il fut l'un des leurs.

Il est indispensable d'en faire un modèle, au moment où nous voyons renaître les racismes les plus hideux, au moment où la France s'interroge sur elle-même.

Nous devons également rappeler aux enfants de l'outremer, les efforts et le courage, qui ont mis en lumière, le lutteur en quelque sort emblématique, que fut l'ancien Président du Sénat.

Il est donc judicieux, il est donc opportun, il est juste qu'aujourd'hui, tout près d'un grand lycée où se rendent quotidiennement quantité de jeunes, nous inaugurions l'esplanade qui portera désormais le nom de Gaston MONNERVILLE.

Gaston MONNERVILLE, un caractère, une conscience.