L'hommage du Sénat au Président WILSON

par Gustave RIVET, Sénateur de l'Isère

Ce grand palais si fier d'un passé glorieux
Qui depuis plus d'un siècle entendit nos aïeux
Illustres dans les arts, les sciences, les lettres,
Puissants hommes d'Etat, nos aînés et nos maîtres,
Et qui s'enorgueillit d'historiques splendeurs ;
Qui dans les jours troublés vit nos grands orateurs
Sur la foule par eux entraînée et guidée
Répandre la semence auguste de l'Idée,
Et d'un verbe éloquent de grandeur revêtu
Tracer le droit chemin et prêcher la vertu,
Ce palais vénérable où l'on écoute encore
Vibrer leur noble voix comme un écho sonore ;
Qui vit de grands tribuns faire leur grand devoir,
Ce fier Sénat français s'émeut pour recevoir

L'illusre président de la libre Amérique. -
Soyez le bienvenu dans notre République ! -

Ici, tous en entrant, ont laissé sur le seuil
Leur esprit de parti pour mieux vous faire accueil,
Et la Haute Assemblée en un accord suprême
O noble Citoyen, vous reçoit et vous aime
Car dans ce temps tragique en vous s'est incarné
L'idéal qui semblait à l'abîme entraîné,
Vous paraissez avec la majesté d'un Juste,
Et le front couronné d'une auréole auguste.
Ce qui fait si grand et si noble à nos yeux ;
Qui vous revêt de cet éclat prestigieux
C'est votre esprit jugeant froidement et sans haine
Dans votre conscience implacable et sereine.
Et c'est que nous voyons, par delà l'Océan
Dressé derrière vous tout un peuple géant
Dont vous représentez l'ardeur si généreuse,
- Et tous, nous l'acclamons d'une âme chaleureuse.

Vers l'Europe penché, vous avez entendu
L'appel désespéré du vieillard éperdu,
Les sanglots étouffés, la prière plaintive,
Les supplications de la mère captive ;
Les pleurs inconsolés et navrants de l'enfant
Innocent et sacré, que son âge défend,
Et les cris déchirants des vierges outragées ...

Ces victimes, hélas, ne seront pas vengées, -
Mais votre noble voix dès longtemps a flétri
Les infâmes bourreaux, et sur le pilori
Que vous avez dressé, solennel, dans l'Histoire,
Vous les avez traînés pour clouer leur mémoire
Vous l'avez bien senti, - les crimes du Germain
C'étaient des attentats contre le Droit humain,
C'était l'écrasement par la soldatesque ivre
Des peuples qui voulaient avoir le droit de vivre,
Les traités devenus des chiffons de papier,
Et sans pudeur, la loyauté foulée au pied
Et la Force faisant la loi. - La violence
De la Justice en pleurs renversant la balance,
Le Hun reparaissait ; et c'était le retour
Des féroces instincts de l'hyène et du vautour,
La "Kultur" au bandit, hélas, prostituée ...
- C'était la conscience étouffée et tuée ! ...

Vous qui, respectueux de la tradition,
Servez dans son esprit la Révolution,
Démocrate nourri par la Grèce et par Rome,
Vous avez de nouveau crié les Droits de l'homme,
Et par tous les forfaits du Barbare, irrité,
Luttant pour le Progrès et pour la Liberté,
Armé d'un fer vengeur votre noble Patrie ! -
Sublime dévouement ! - superbe idolâtrie
De l'équité, de la droiture et de l'honneur !

Qu'il est beau d'immoler au Devoir son bonheur !
Vous n'avez point offert à notre France en armes
De platoniques voeux, des regrets ou des larmes,
Mais voulant pour toujours donner au genre humain
Un avenir meilleur, un plus sûr lendemain,
Vous avez envoyé vos milices guerrières
Près de nos grands soldats lutter comme des frères,
Et nous vîmes flotter sous nos yeux consolés
Auprès de nos drapeaux les drapeaux étoilés !...
- Et les Yanks valeureux, fiers de leur s
acrifice,
A côté des Français, mourir pour la justice !

Et maintenant qu'enfin a triomphé le Droit
Que le monde respire et s'assure ; et qu'il croit
Au ciel rasséréné voir en cette tourmente
Apparaître ton doigt, ô justice immanente,
Vous êtes à nos yeux comme un fier chevalier
Grand redresseur des torts, - et qui sait allier
Les châtiments vengeurs et la pitié sublime
Le mépris des bourreaux, l'amour pour la victime
Aussi, par l'univers vous êtes respecté
Pour vos sages conseils, et votre volonté ;
Comme un justicier la France vous acclame,
Elle vous suit avec sa pensée et son âme,
Avec tout ce qu'elle a de noble dans l'esprit,
Et l'idéal que des grands aïeux elle apprit,

- Et digne du Pays dont elle fut l'élue,
Notre Assemblée, ô grand Citoyen, vous salue !

Gustave RIVET
Sénateur de l'Isère (1903-1924)

Discours d'Antonin DUBOST, Président du Sénat

(en français et en anglais) (voir la notice du Président DUBOST)

Discours du Président du Sénat, au déjeuner offert par le Sénat à Monsieur le Président WILSON (FR)

Monsieur le Président,

Mes collègues et moi vous remercions d'avoir bien voulu répondre à notre invitation, et nous donner quelques heures d'un temps que nous savons consacré à de hautes méditations, et à d'importantes négociations où le sort des peuples est engagé.

Le Peuple Français, vous le connaissez maintenant ! Dès vos premiers pas sur la terre de France, dès votre entrée dans Paris, il s'est donné à vous d'un coeur spontané, et il a lu aussitôt dans votre franc sourire, sur votre physionomie si ouverte et si loyale que spontanément aussi vous vous donniez à lui.

Aujourd'hui, vous êtes ici dans un vieux Palais de France, et c'est dans ce grand décor d'autrefois qu'avec une pensée renouvelée par l'ardeur républicaine, mais avec une continuité patriotique, le Sénat Français poursuit une histoire qui compte déjà quinze siècles ! Soyez-y le bienvenu, Monsieur le Président, vous et vos idées !

Nulle part, votre magnifique ambition de substituer à l'équilibre périodiquement rompu des forces matérielles, l'arbitrage définitif, des forces morales, ne pouvait rencontrer plus d'enthousiasme qu'en France, et nulle part plus qu'au Sénat, puisque les Statuts de la Paix internationale y furent, de longue date et en premier lieu, préparés par quelques-uns de ses membres les plus éminents. Mais croyez aussi, Monsieur le Président, que nulle part dans le monde n'est un Pays qui plus que la France soit soumis à une fatalité aussi redoutable, celle de subir directement la poussée séculaire d'une race de proie, race qui semble elle-même poussée par quelque obscur, quelque ancestral besoin de migration !

Notre problème national est donc de combiner notre passé européen, notre sécurité positive, matérielle, avec les conditions de l'ordre nouveau que vous avez si noblement formulé, parce que cet ordre nouveau devra toujours s'appuyer sur une force quelconque dont la France sera, en définitive, la sentinelle la plus avancée et la plus exposée.

Nous croyons fermement avec vous, Monsieur le Président, et permettez-moi d'ajouter sincère et grand ami, qu'un nouvel ordre mondial, et peut être une harmonie mondiale sont possibles, où la Patrie Française sera enfin libérée du cauchemar de l'invasion, la Patrie Française pour laquelle près de quatorze cent milles hommes viennent encore de donner leur vie !

C'est avec cet espoir que nous nous engagerons franchement dans la sublime croisade que vous êtes venu entreprendre sur le sol dévasté de la vieille Europe, où la haine et la discorde hurlent encore après que le canon s'est tu, et où l'anarchie fait déjà chanceler sur elle-même une vaste portion de l'humanité !

La tâche est gigantesque, mais elle est digne de votre Pays habitué aux grandes entreprises, du nôtre, vieil ouvrier de la civilisation occidentale, et de vous, Monsieur le Président, de votre grand coeur et de votre haute intelligence que nous saluons d'un joyeux espoir et d'une ardente acclamation !

Adress of the President of the french senate, at the lunch offered by the Senate, to president Wilson (EN)

Mr Président,

My collegues and myself thank you for having been so good as to accept our invitation and give us some hours of a time which we know to be devoted to high meditations and important negociations upon which the fate of the peoples depend.

The French people, you know them now. From your first steps on the land of France, since your entry into Paris, they spontaneoustly gave their hearts to you and they perceived at once, in your frank smile in your so loyal and open physiognomy, that you too were spontaneously giving yourself to them.

You are to day in an old Palace of France, and it is among those grand reminders of past times, that, with a thougtht rejuvenated by Republican ardor, yet with patriotic continuity, the French Senate shapes a history which counts already fifteen centuries. Be welcome here, Mr. President, you and your ideas.

Nowhere could your splendid ambition to substitute to the periodically broken equilibrium of material forces, the definitive award of moral forces, elicit more enthusiasm than in France, and nowhere more than in the Senate, since the Statutes Of International Peace, have been first of all and for a long time prepared by some of its most eminent members. But be assured also, Mr. President, that there is nowhere in the world a country submitted to a more formidable fatality than is France, that of being directly subjected to the secular thrust of a race of prey, a race which seems to be driven by some ancestral longing for migration.

Our national problem consists therefore in combining our European past, our actual, material security, with the condition of the new order for which you have given so noble a formula, because this new order will ever have to lean on some force for which France will, when all is told, stand the most advanced and exposed sentinel.

We firmly believe with you, Mr. President, and allow me to add, sincere and great friend, that a new world order and perhaps a world harmony are possible in which our French country will at last be liberated from the nightmare of invasion, our French country for which nearly fourteen hundred thousand men have just given their lives.

It is with such a hope that we shall most willingly participate in the sublime crusade which you came to undertake on the devastated soil of old Europe, where hatred and discord while howl, after the guns have become silent, and where anarchy causes a vast part of mankind to stagger.

The task is a gigantic one, but it is worthy of your country accustomed to great undertakings, and of ours, an ancient artisan of western civilisation and of you, Mr. President, of your great heart and of your high intelligence which we salute with a joyful hope and a fervent acclamation !

Discours prononcé par M. Woodrow WILSON, Président des Etats-Unis d'Amérique

(Salle des Conférences du Sénat le 20 janvier 1919)

Monsieur le Président,

Vous avez fait sentir par la générosité de vos paroles le prix de votre bienvenue. C'est pour moi un honneur unique que de vous entendre m'appeler votre ami. Ne me permettrez-vous pas d'appeler tous ceux qui sont ici réunis autour de vous "mes amis". (Vifs applaudissements).

Partout dans ce grand pays la bienvenue qui a été réservée à moi-même et à ceux qui m'ont entouré m'a touché comme si je sentais, comme si je voyais devant moi se rencontrer l'âme de nos deux pays. (Nouveaux applaudissements).

Nous savons les longs périls au travers desquels la France a passé. La France a pu penser quelquefois, que, pour nous, ces périls étaient lointains et que nous n'en comprenions pas toute la gravité. Nous les avons toujours connus, nous les avons suivis. Il est vrai qu'il nous était impossible de comprendre à certains moments combien ces périls étaient terriblement proches. Pendant ces années d'angoisse, angoisse que nous avons tous partagée, il n'est pas douteux que l'anxiété de la France a été suprême. C'était elle qui se tenait debout comme une sentinelle à la frontière de la liberté. (Très bien ! Très bien !).

Elle avait fait dans le passé, elle avait fait dans son histoire récente de grandes choses pour construire le monde nouveau, de grandes choses pour construire la France elle-même sur des bases de liberté et de progrès. Tandis qu'elle était toute entière à ce travail à côté d'elle, séparé par la ligne imperceptible d'une frontière et par un petit pays que sa neutralité ne devait pas protéger, il y avait là un grand territoire couvert d'un nuage sombre, le nuage des ambitions malsaines, le nuage des desseins criminels, et ce nuage s'étendant jusque sur la frontière de la France. (Applaudissements).

Pour la France il n'y avait pas là seulement un danger, mais un défi permanent. La France cependant attendait dans le calme, la France se préparait à faire face à ce qui pouvait tomber sur elle, mais c'était une belle chose, tandis qu'elle préparait ses fils à combattre s'il le fallait, de la voir s'abstenir de faire jamais quoi que ce fût qui eût l'apparence d'une agression ou d'une provocation. (Applaudissements prolongés). Elle se préparait pour sa défense, elle ne se préparait pas pour imposer sa volonté à un autre peuple, mais pour empêcher d'autres de violer sa propre volonté et de lui imposer la leur. (Très bien ! Très bien !).

Lorsque je vous rencontre, lorsque je vois vos charmants compatriotes, ce que je lis dans leurs yeux, ce que j'entends dans leurs paroles, c'est ceci : l'Amérique a toujours été notre amie. Maintenant elle est quelque chose de plus : elle nous a pleinement compris, elle sera toujours notre amie. (Applaudissements).

Si le danger qui a menacé la France dans le passé pouvait être permanent, la France, comme vous l'avez dit Monsieur le Président, resterait la première exposée au péril. Mais beaucoup d'éléments nouveaux doivent l'aider à se rassurer. Nous voyons devant nous naître un monde nouveau. Ce monde s'est éveillé à la communauté de ses intérêts. Il sait que son avenir même en dépend, l'avenir des institutions libres est celui de la civilisation. Il sait que si le péril dans lequel la France a vécu devait se continuer, la menace serait pour le monde entier. Contre elle, ce n'est pas seulement la France, c'est le monde entier qui doit s'organiser.

Dans l'hospitalité que je reçois, dans les paroles qui m'accueillent, je ne vois pas seulement votre aimable bienveillance et votre cordialité fraternelle. J'y vois aussi un dessein, j'y vois une pensée dirigeante. Cette pensée c'est que nous devons nous tenir fortement les uns aux autres, c'est que nous devons nous aider les uns les autres, ceux qui ont combattu pour la liberté, ceux qui l'ont défendue et sauvée sont liés par un serment de ne jamais se séparer. (Vifs applaudissements). C'est l'esprit que je sens dans cette réunion qui nous entoure.

Je suis venu ici représentant d'un peuple qui sent profondément et qui veut profondément ce qu'il veut. Mes paroles ne valent qu'en tant qu'elles sont l'expression de la volonté du peuple américain. Je vous remercie comme si c'était le peuple des Etats-Unis qui fut ici pour voir de ses yeux dans vos yeux tout ce que j'y vois de bienvenue et d'affection. (Applaudissements).

La France par ses efforts et ses sacrifices a mérité et a gagné l'amitié fraternelle du monde entier. La France pourrait presque être regardée comme privilégiée d'avoir souffert et d'avoir trouvé par là-même de quoi elle était capable et de quelle substance elle était faite. Elle est devenue plus chère que jamais à tous ceux qui aiment la liberté et à tous ceux qui comptent sur l'union des amis de la liberté pour assurer le progrès et l'avenir du monde. (Applaudissements vifs et prolongés et répétés. L'assemblée debout acclame longuement le Président WILSON).

Transcription prof. MANTOUX.

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Le programme musical

PARTIE MUSICALE

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MUSIQUE DE LA GARDE RÉPUBLICAINE

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 PROGRAMME

1. American Stars (Marche) G. BALAY.

2. Le Caïd (Ouverture) A. THOMAS.

3. Grand Fantasia on Dixie OTTO LANGEY.

4. Ballet de Coppélia L. DELIBES

5. American Fantaisie V. HERBERT.

6. Samson et Dalila (Sélection) SAINT-SAENS.

7. Meeneowha (Intermezzo) R. VENUTO.

8. Polonaise de Concert P. VIDAL.

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M. NOTÉ de l'Opéra chantera La Marseillaise