Le Sénat français et les collectivités territoriales



Dernière mise à jour le 24 octobre 2007

AVANT PROPOS

Un nombre croissant de Sénats ou secondes chambres dans le monde reçoivent pour mission constitutionnelle de représenter les collectivités territoriales de leurs pays.

Ces Sénats et secondes chambres se tournent vers le Sénat français pour tirer profit de son expérience dans ce domaine. En effet, depuis 1875, le Sénat français est le représentant des collectivités territoriales et l'article 24 de la Constitution française du 4 octobre 1958 réaffirme cette compétence.

Le présent recueil a pour objet de présenter, de façon descriptive, la spécificité du Sénat français dans ce domaine, ainsi que la façon dont sont organisées les relations du Sénat et des Sénateurs avec les collectivités territoriales et les élus locaux.

I. LA SPÉCIFICITÉ DU SYSTÈME FRANÇAIS

Trois éléments caractérisent les relations qu'entretiennent le Sénat et les collectivités territoriales : en premier lieu, l'importance et le nombre des dispositions constitutionnelles concernant le sujet ; en deuxième lieu, le nombre et la variété des collectivités territoriales, en particulier des institutions intercommunales, et donc le nombre des élus locaux qui constituent un maillage politique du territoire sans équivalent dans les autres États ; en troisième et dernier lieu, la spécificité institutionnelle que les deux éléments précédents confèrent au Sénat.

A. LES DONNÉES CONSTITUTIONNELLES

La Constitution française consacre un nombre relativement important de dispositions aux collectivités territoriales et au rôle du Sénat en la matière. L'article premier indique d'ailleurs que « la France est une République indivisible » et que « son organisation est décentralisée ».

1. Le Sénat représente les collectivités territoriales

Une disposition fondamentale est le dernier alinéa de l'article 24 de la Constitution aux termes duquel « le Sénat est élu au suffrage indirect ; il assure la représentation des collectivités locales de la République ». Deux conséquences découlent donc de cet article :

· assemblée législative à part entière puisque « le Parlement comprend l'Assemblée nationale et le Sénat », ce dernier se voit de surcroît confier, de manière parfaitement explicite, une fonction particulière : celle de représenter les collectivités territoriales.

· le Sénat doit être élu au suffrage universel indirect et les sénateurs sont effectivement élus, dans le cadre de chaque département par un collège électoral composé de membres eux-mêmes élus : les députés et les conseillers régionaux élus dans le département ; les conseillers généraux du département ; et des membres des conseils municipaux ainsi que des délégués des communes, cette dernière catégorie représentant 95,50 % du total du collège électoral. Les sénateurs sont donc, selon la formule usuelle, « les élus des élus » et ils portent, de ce fait, une attention toute particulière aux questions concernant les collectivités territoriales.

2. Une priorité d'examen législatif (art. 39 al. 2)

Le rôle spécifique du Sénat en matière de collectivités territoriales est également marqué par la dernière phrase de l'article 39 de la Constitution qui confère au Sénat une priorité d'examen pour les projets de loi les concernant : « les projets de loi ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales... sont soumis en premier lieu au Sénat » indique en effet cette phrase. Il s'agit là de tirer les conséquences de la mission constitutionnelle de représentation des collectivités locales conférée au Sénat, lui permettant d'examiner, avant l'Assemblée nationale, les projets de loi gouvernementaux intervenant sur ce thème.

3. La constitutionnalisation des principes régissant les collectivités territoriales

Le Titre XII de la Constitution, composé de 9 articles, est intégralement consacré aux collectivités territoriales de la République, 6 de ces 9 articles étant d'ailleurs consacrés aux populations et collectivités d'outre-mer (auxquels il convient d'ajouter les articles 76 et 77 constituant le Titre XIII intitulé « Dispositions transitoires relatives à la Nouvelle-Calédonie »). Les principes fondamentaux régissant les collectivités territoriales sont donc inscrits dans les trois premiers articles du Titre XII dont le contenu est le suivant :

· l'article 72 énumère les collectivités existantes (communes, départements, régions, collectivités à statut particulier et collectivités d'outre-mer régies par l'art. 74) et prévoit la possibilité de création d'autres collectivités. Il inscrit ensuite les quatre principes suivants : principe de subsidiarité ; principe de libre administration ; principe de la possibilité d'expérimentation temporaire à titre dérogatoire ; principe de non tutelle entre les collectivités territoriales.

· l'article 72-1 constitutionnalise l'exercice du droit de pétition et du droit à référendum à l'échelon local ;

· l'article 72-2 définit le régime financier des collectivités territoriales en posant les quatre principes suivants : principe de libre disposition des ressources dans les conditions fixées par la loi ; principe de l'autonomie financière des collectivités territoriales ; principe de compensation financière intégrale en cas de transfert de compétences ; et principe de péréquation destiné à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales

B. LA DENSITÉ DU MAILLAGE LOCAL

La spécificité du système français d'administration locale résulte également du nombre particulièrement élevé de collectivités territoriales existantes (la France à elle seule en compte autant que tous les autres pays de l'Union européenne) ainsi que du nombre également élevé de structures intercommunales : on dénombre au total près de 58.000 entités, la France comptant environ 550.000 élus locaux.



L'organisation locale en chiffres

1. Collectivités territoriales

36 778

Communes

100

Départements

26

Régions

2. L'intercommunalité

18 503

Syndicats intercommunaux

2 388

Communautés de communes

164

Communautés d'agglomération

14

Communautés urbaines



1. Les catégories de collectivités locales

L'organisation administrative locale de la France comporte, depuis la décentralisation, trois niveaux de collectivités locales de plein exercice : la commune, le département et la région.

a) La commune

Plus petite subdivision administrative mais aussi la plus ancienne, puisqu'elle a succédé aux villes et paroisses du Moyen Âge, elle a été instituée en 1789 avant de connaître un début d'autonomie avec la loi du 5 avril 1884, véritable charte communale.

Cette profondeur historique a une conséquence importante : les collectivités territoriales françaises ne sont pas de simples découpages administratifs mais bel et bien des collectivités sociales. Ainsi que le résumait excellemment un sénateur, « les Français ne vivent pas dans les collectivités locales : ils les constituent ».

La commune est gérée par un conseil municipal élu au suffrage universel direct tous les 6 ans. Une fois élus, les conseillers municipaux élisent le maire parmi eux. Il est l'exécutif de la commune qu'il représente et dont il gère le budget. Il est l'employeur du personnel communal et exerce les compétences de proximité : écoles, urbanisme, action sociale, voirie, transport scolaire, ramassage des ordures ménagères, assainissement.

Il est également agent de l'État pour les fonctions d'état civil, d'ordre public (sécurité, tranquillité, salubrité), d'organisation des élections et de délivrance de titres réglementaires.

b) Le département

Création de la Révolution, le département devient collectivité locale autonome, avec un organe délibérant et un exécutif élus, par la loi du 10 août 1871. Il est géré par un conseil général élu pour 6 ans au suffrage universel, qui élit à son tour un président exécutif du département qui prépare et exécute les délibérations du conseil général, gère le budget et dirige le personnel.

Le département a de larges compétences : action sociale, construction et entretien des collèges, remembrement rural, organisation des transports scolaires.

c) La région

Structure la plus récente de l'administration locale française, la région est devenue collectivité territoriale à la suite des lois de décentralisation, le 16 mars 1986, date de la première élection des conseillers régionaux élus pour 6 ans au suffrage universel ; son existence a été consacrée par la révision constitutionnelle du 28 mars 2003.

Les conseillers régionaux élisent le président du conseil régional qui prépare et exécute le budget, dirige le personnel et conduit la politique de la région axée sur la planification, l'action économique, l'aménagement du territoire et la formation professionnelle.

2. Les structures intercommunales

L'intercommunalité est une réponse au nombre élevé des communes françaises, à la faiblesse des moyens d'action de la plupart d'entre elles, et à la nécessité de s'adapter au développement du rôle de l'État à partir de 1918, puis à celui de l'État-providence à compter de 1945.

On distingue deux catégories de finalité de l'intercommunalité, regroupées sous le vocable commun d'établissement public de coopération intercommunale (E.P.C.I.) :

- l'intercommunalité associative dite « de gestion » (sans fiscalité propre) : c'est le syndicat de communes qui a fait ses preuves depuis plus de cent ans ;

- et l'intercommunalité dite « de projet » dotée d'une fiscalité propre.

a) Les syndicats de communes

· La formule a été créée par la loi du 12 mars 1890 créant le SIVU (syndicat intercommunal à vocation unique) et elle s'élargira plus tard aux SIVOM (syndicat intercommunal à vocation multiple).

· Elle a été utilisée notamment pour l'électrification, les réseaux d'eau, le transport urbain, l'assainissement et l'exercice des compétences dépassant le cadre communal.

· Le succès de la formule résulte également de la souplesse : libre détermination de l'objet du syndicat ; gestion le plus souvent égalitaire (deux délégués par commune en général) ; absence de fiscalité propre et détermination de la participation de chaque commune chaque année par le syndicat.

· Au 1 er janvier 2005, il existait 18 503 syndicats intercommunaux.

b) L'intercommunalité de projet

Depuis la loi du 12 juillet 1999, il existe trois catégories d'EPCI constituant l'intercommunalité de projet : les communautés urbaines, proposées aux très grandes agglomérations (plus de 500 000 habitants) ; les communautés d'agglomération, concernant les villes de taille moyenne (plus de 50 000 habitants) ; et les communautés de communes, concernant essentiellement les communes rurales.

(1) Les communautés de communes

· Objet : La communauté de communes est un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) regroupant plusieurs communes dans un périmètre d'un seul tenant et sans enclave. Elle a pour objet d'associer des communes au sein d'un espace de solidarité, en vue d'élaborer un projet commun de développement et d'aménagement de l'espace.

· Fonctionnement : la communauté de communes est administrée par un conseil communautaire composé de délégués de communes adhérentes ; chaque commune dispose au minimum d'un siège et aucune commune ne peut disposer de plus de la moitié des sièges. La répartition des sièges entre les communes membres se fait à l'amiable ou à défaut en fonction de la population.

· Compétences : la communauté de communes exerce des compétences obligatoires imposées par la loi et des compétences librement transférées par les communes membres.

Les compétences obligatoires sont l'aménagement de l'espace et les actions de développement économique intéressant l'ensemble de la communauté.

La communauté de communes doit par ailleurs exercer une autre compétence obligatoire qu'elle choisit dans les quatre groupes suivants : protection et mise en valeur de l'environnement ; ou politique du logement et du cadre de vie ; ou création, aménagement et entretien de la voirie ; ou construction, entretien et fonctionnement d'équipements culturels et sportifs et d'équipements de l'enseignement préélémentaire et élémentaire.

· Ressources : les ressources de la communauté de communes proviennent de la fiscalité locale et des dotations de l'État dont la principale est la dotation globale de fonctionnement (DGF).

(2) Les communautés d'agglomération

· Objet : la communauté d'agglomération est destinée à structurer le territoire urbain et elle a pour objectif d'associer des communes au sein d'un espace de solidarité en vue d'élaborer et conduire ensemble un projet commun de développement urbain et d'aménagement de leur territoire. Elle est un EPCI regroupant plusieurs communes formant, à la date de sa création, un ensemble de plus de 50 000 habitants, d'un seul tenant et sans enclave, autour d'une ou plusieurs communes centre de plus de 15 000 habitants (le seuil démographique ne s'applique pas si la communauté d'agglomération comprend le chef-lieu de département).

· Fonctionnement : le conseil communautaire est formé de représentants des communes membres ; la répartition des sièges au sein du conseil communautaire se fait soit par accord amiable, soit en fonction de la population. Dans les deux cas, chaque commune doit disposer au minimum d'un siège et aucune commune ne peut disposer de plus de la moitié des sièges.

· Compétences : quatre blocs de compétences obligatoires :

- en matière de développement économique : création, aménagement, entretien et gestion de zones d'activité industrielle, commerciale, tertiaire, artisanale, touristique, portuaire et aéroportuaire qui sont d'intérêt communautaire et actions de développement économique d'intérêt communautaire ;

- en matière d'aménagement de l'espace communautaire : schéma directeur et schéma de secteur, création et réalisation de zones d'aménagement concerté d'intérêt communautaire, organisation des transports urbains ;

- en matière d'équilibre social de l'habitat sur le territoire communautaire : programme local de l'habitat ; politique du logement d'intérêt communautaire ; actions et aides financières en faveur du logement social d'intérêt communautaire pour la mise en oeuvre de la politique communautaire d'équilibre social de l'habitat ; actions en faveur du logement des personnes défavorisées ;

- en matière de politique de la ville : développement urbain, prévention de la délinquance ; réintégration des quartiers difficiles dans l'ensemble urbain.

La communauté d'agglomération doit en outre exercer au moins trois compétences parmi les cinq suivantes : voirie, parcs de stationnement ; assainissement ; eau ; environnement (lutte contre la pollution de l'air, lutte contre les nuisances sonores, élimination et valorisation des déchets) ; équipements culturels et sportifs.

(3) Les communautés urbaines

· Objet : Créée en 1966, réaménagée en 1999, la communauté urbaine est un EPCI regroupant plusieurs communes d'un seul tenant et sans enclave qui forment à la date de sa création un ensemble de plus de 500 000 habitants et qui s'associent au sein d'un espace de solidarité, pour élaborer et conduire ensemble un projet commun de développement urbain et d'aménagement de leur territoire.

· Fonctionnement : La communauté urbaine est administrée par un conseil composé de délégués des communes. La répartition des sièges est établie par accord amiable ou faute d'accord, selon les modalités définies par la loi qui font appel à la représentation proportionnelle.

· Compétences : La communauté urbaine exerce l'ensemble des compétences exercées par les communautés d'agglomération qu'elles soient obligatoires ou optionnelles. En outre, une communauté urbaine a la possibilité d'ajouter à ses compétences obligatoires toute autre compétence que les communes acceptent de leur transférer.

C. L'ENRACINEMENT DES SÉNATEURS AU SEIN DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Pour bien saisir la spécificité des relations qu'entretiennent les sénateurs français avec les collectivités territoriales, il faut comprendre que sénateurs et collectivités locales ne constituent pas deux mondes différents entre lesquels s'établiraient, de temps à autre, des contacts sous forme de visites sur le terrain, de « descentes vers les provinces », de « descentes à l'intérieur ». Il faut tout au contraire partir du constat que les sénateurs sont véritablement immergés au sein des collectivités locales, qu'ils en sont partie intégrante pour la plupart d'entre eux, et que les relations qu'ils entretiennent avec elles sont donc non pas des relations d'extériorité, mais des relations d'intériorité.

Trois éléments contribuent puissamment à cette mission : le régime électoral du Sénat ; la possibilité d'exercer à la fois le mandat national et un mandat local ; et enfin le rythme de travail du sénateur.

1. Le régime électoral du Sénat

Le premier élément à considérer est le régime électoral du Sénat mais il convient d'évoquer aussi les conséquences qu'il induit.

1.1. Les caractéristiques fondamentales du régime électoral du Sénat sont les suivantes :

· Le Sénat est une assemblée permanente, se renouvelant par moitié tous les trois ans, chaque sénateur étant élu pour un mandat de six ans. Le mandat sénatorial est donc plus long que celui du Président de la République (5 ans) et que celui des députés (5 ans) et il est d'une durée identique à celui des élus communaux et des élus départementaux. Il est donc le plus long des mandats nationaux.

· Deux modes de scrutin différents régissent l'élection sénatoriale, leur application étant fonction du nombre de sièges sénatoriaux à pourvoir dans le département. Dans les départements élisant de 1 à 3 sénateurs, c'est le scrutin uninominal majoritaire à deux tours qui s'applique, ce qui sera, en 2011, le cas pour 70 départements et 5 collectivités d'Outre-mer totalisant 166 sièges de sénateurs. Dans les départements élisant 4 sénateurs ou plus, c'est en revanche le scrutin de liste à la représentation proportionnelle qui est appliqué : tel sera, en 2011, le cas de 30 départements et des sénateurs représentant les Français établis hors de France, totalisant 180 sièges de sénateurs 1 ( * ) .

· Dans chaque département, enfin, et quel que soit le mode de scrutin applicable, le collège électoral sénatorial se compose de façon identique des députés et des conseillers régionaux élus dans le département, des conseillers généraux du département, et, pour les 95% restants du collège électoral, des élus municipaux et des délégués des conseils municipaux. Le collège électoral sénatorial est donc un conseil d'élus, un collège d'élus locaux dans sa quasi-totalité, et même un collège de gestionnaires locaux.

1.2. Le régime électoral du Sénat induit donc des conséquences importantes sur cinq plans au moins :

· Les sénateurs sont bien, conformément à la mission que la Constitution confère au Sénat, les représentants des collectivités territoriales françaises puisque leur collège électoral est dans sa quasi-totalité composé d'élus territoriaux.

· La campagne électorale pour l'élection sénatoriale se déroule dans des conditions très différentes de celle pour l'élection des députés. Il ne s'agit pas ici de viser la totalité des citoyens par des techniques médiatiques de masse à grands renforts de propagande électorale, de meetings publics, etc ... Il s'agit de convaincre les élus locaux rompus à la gestion quotidienne des problèmes locaux de la justesse de ses positions et de sa capacité à résoudre les questions posées aux collectivités locales.

· C'est dire que, pour les élections sénatoriales, le profil personnel du candidat l'emporte, du moins dans les départements où le scrutin uninominal s'applique, sur l'affiliation politique et partisane ...

· On relève également que le scrutin sénatorial est un vote sans abstention ... Le vote y est d'ailleurs obligatoire et l'abstention sans motif valable est sanctionnée.

· C'est enfin le rôle du Sénat en tant qu'institution qui se trouve marqué par les caractéristiques de son régime électoral. Représentant des collectivités territoriales et des autonomies locales, le Sénat doit « produire de la centralité » dans un Etat en cours de décentralisation ; assemblée permanente renouvelée par moitié tous les trois ans et composée de membres détenant le mandat national le plus long, il doit « produire de la continuité » dans la marche des affaires publiques ; il doit enfin mettre à profit son caractère moins partisan que celui de l'Assemblée nationale pour assurer au sein des institutions une fonction régulatrice d'instance de contestabilité oscillant entre le soutien critique et l'opposition constructive selon que la majorité de l'Assemblée nationale -et donc le Gouvernement- est de la même orientation politique ou non que la majorité sénatoriale.

2. Le cumul des mandats

Le deuxième facteur contribuant à l'immersion des sénateurs au sein des collectivités locales est la possibilité, pour un parlementaire national, de détenir également un mandat local et d'exercer une fonction exécutive locale.

On relève ainsi, qu'après le renouvellement triennal du Sénat intervenu le 26 septembre 2004, seuls 22% des 331 sénateurs ne détenaient aucun mandat local ; 53% d'entre eux détenaient un mandat local et 25% détenaient deux mandats locaux ...

Si l'on s'attache maintenant non plus à la détention des mandats mais à celle des fonctions exécutives locales, on observe que 128 sénateurs exerçaient la fonction de maire, 33 celle de président du Conseil général et 3 celle de président d'un Conseil régional ...

Il y a donc, pour 80% environ des sénateurs en cours de mandat, une immersion organique et personnelle au sein de la collectivité des élus locaux qui permet d'affirmer que les sénateurs, loin « d'entretenir des relations avec les collectivités locales » comme deux mondes se rencontrent épisodiquement, en sont l'émanation directe et les représentants non pas venus de l'extérieur mais issus de l'intérieur.

3. Le rythme de travail des sénateurs

Le rythme de travail des sénateurs constitue le troisième facteur d'immersion des sénateurs au sein des collectivités territoriales puisque le sénateur français passe généralement plus de temps dans son département d'élection, où il demeure d'ailleurs, qu'au Sénat, à Paris.

Les principes régissant le « temps sénatorial » sont en effet les suivants :

· Le Parlement français connaît une session annuelle qui commence le premier jour ouvrable d'octobre et prend fin le dernier jour ouvrable de juin. Cette session unique de 9 mois n'est traditionnellement interrompue que durant une quinzaine de jours pour les fêtes de Noël et du Nouvel an, une semaine en février, puis une semaine en mars ou avril.

· Durant les semaines de session normale -c'est-à-dire en dehors de la période budgétaire qui dure 20 jours pendant lesquels le Sénat siège tous les jours, y compris parfois le dimanche- le Sénat se réunit en séance publique les mardi, mercredi et jeudi de chaque semaine.

· En pratique, l'agenda du sénateur se déroule donc comme suit : il arrive de son département au Sénat en milieu de journée le mardi et consacre le tout début de l'après-midi à la réunion de son groupe politique puis assiste à la séance publique ouverte généralement à 16 h. Le mercredi matin est consacré aux réunions des commissions, puis, du mercredi après-midi au jeudi soir, c'est à nouveau l'assistance à la séance publique. Le sénateur quitte enfin Paris pour rejoindre son département le jeudi en fin de journée ou le vendredi matin, selon les facilités de transports ou les rendez-vous qu'il peut avoir dans les ministères.

Il ressort donc très clairement de cette présentation du rythme de travail sénatorial que le sénateur partage son temps de façon à peu près égale -mais avec un avantage au local, toutefois- entre sa présence au Parlement et sa présence sur le terrain. Ce rythme induit une approche des relations avec les collectivités locales bien différente de celle de nombreux pays où les parlementaires vivent en fait, principalement dans la ville siège du Parlement. Le sénateur français ne « descend » pas sur le terrain ; il « monte » à Paris, et il y monte porteur des attentes des collectivités territoriales qu'il représente et dont il est l'émanation.

* 1 Le Sénat compte en effet 12 sièges de sénateurs représentant les Français établis hors de France. Ces sénateurs sont élus par l'Assemblée des Français de l'étranger, elle-même élue au suffrage universel direct par les Français établis hors de France.