Colloque Sénat-Ubifrance sur l'Australie et la Nouvelle-Zélande



Le secteur des services, moteur de l'économie

Sont intervenus :

Corinne BOT, Conseiller du commerce extérieur de la France, PDG, the Polyglot Group, Sydney
Christophe HOAREAU, Ernst and Young Australia, Sydney
François CRISTOFARI , Conseiller du commerce extérieur de la France, CEO, BNP Paribas Australie Nouvelle-Zélande, Sydney
Garry DRAFFIN, Directeur général international, Invest Australia, Sydney

Les débats étaient animés par Carole GAESSLER, journaliste.

Carole GAESSLER

Vous avez réussi, Madame Bot, à créer une entreprise dans le domaine des services, en Australie, alors que vous êtes française. Comment avez-vous fait ?

Corinne BOT

Je me suis implantée en Australie, il y a maintenant dix-huit ans de cela. La création d'une société est facile dans ce pays, comme cela a déjà été indiqué. L'implantation est encore plus simple dans le secteur des services puisque l'investissement initial est limité. Il est donc assez aisé de fonder une petite société et de la faire progresser. Il est toutefois important d'offrir un service de qualité pour assurer la croissance.

Je tiens ainsi à souligner que les petites entreprises peuvent réussir en Australie. Les différents intervenants, qui se sont succédé, ont surtout évoqué les grands groupes. Or l'économie australienne peut accueillir les petites et moyennes entreprises à un coût moindre que la France. Les risques sont réduits et l'Australie constitue un excellent tremplin pour se développer dans la zone Asie-Pacifique. En outre, les paiements sont sûrs et rapides ; ce qui permet d'avoir rapidement un bilan positif.

Carole GAESSLER

Votre entreprise est une agence de recrutement ; vous connaissez donc bien les secteurs d'activités en Australie. Quels sont les secteurs qui recrutent dans le domaine des services ?

Corinne BOT

Notre société ne fait pas que du recrutement ; elle offre des solutions en ressources humaines. Nous avons ainsi étendu la gamme de nos activités. De fait, nous avons récemment contribué à la création d'un incubateur pour les PME-PMI australiennes.

La demande de services est très forte en Australie, qu'il s'agisse des services pour les sociétés ou pour les personnes. Aussi, une idée originale reposant sur une prestation bien organisée permet de remporter des marchés.

Carole GAESSLER

Le service à la personne est déjà très important en Australie. Quelle est, dès lors, la valeur ajoutée qu'une société française peut apporter ?

Corinne BOT

Je crois que les Français ont une approche très professionnelle, qui repose sur une véritable expertise. En outre, la relation client est généralement excellente car les engagements souscrits se traduisent toujours par des actes.

Carole GAESSLER

La situation est-elle similaire en Nouvelle-Zélande ?

Corinne BOT

Pour l'instant, nous travaillons surtout en Nouvelle-Zélande depuis l'Australie. Nous envisageons une implantation en Nouvelle-Zélande car le marché est similaire au marché australien qui est de surcroît proche géographiquement.

Christophe HOAREAU

Ernst & Young est présent en Australie depuis de très nombreuses années. En revanche, nous avons créé, depuis dix-huit mois, un French business centre dédié aux clients français implantés en Australie. Cette création s'inscrit dans une logique, impulsée par l'agence de Paris, de déploiement de centres dédiés aux entrepreneurs français dans le monde entier. Nous dénombrons actuellement une vingtaine de bureaux français. Nous avons ainsi tissé un réseau à l'échelle mondiale employant une centaine de collaborateurs français. Le bureau australien regroupe une quinzaine de Français, associés à différentes nationalités représentatives du melting-pot australien. L'ancrage local nous semble vraiment important. Il est facilité par une culture du travail qui est partagée entre Français et Australiens.

En revanche, la communauté des affaires en Australie est très petite. Les décideurs économiques ont fréquenté les mêmes universités et se connaissent tous. Il est donc indispensable de pénétrer ce milieu pour conquérir des parts de marché. Ainsi, la quinzaine de collaborateurs australiens que notre société emploie disposent des points d'entrée dans cet univers des décideurs. En revanche, les collaborateurs français bénéficient de leur ancrage dans la communauté des affaires française. La combinaison des deux permet d'obtenir des résultats très positifs. Ainsi, Jean-Louis Latour a pu entrer en contact avec les responsables du Queensland pour aborder les problèmes d'infrastructures, par l'entremise de l'un de nos collaborateurs australiens.

Carole GAESSLER

Il faut donc entrer dans une logique de cooptation si je vous comprends bien ?

Christophe HOAREAU

Il est certain que les contacts personnels jouent un rôle important. Toutefois, les appels d'offres et les marchés publics sont extrêmement transparents.

Carole GAESSLER

Je souhaiterais savoir si les expatriés français sont solidaires. Existe-il des réseaux entre Français par delà les structures institutionnelles publiques ?

Corinne BOT

Tout à fait, la solidarité existe entre les Français ainsi qu'entre les femmes d'ailleurs. En effet, les PME-PMI sont, pour les deux tiers, dirigées par des femmes en Australie. Les CCE ou les missions économiques jouent certes un rôle ; il me semble toutefois que rien ne vaut la pratique du terrain pour aider les PME-PMI. Je crois que c'est le conseil de proximité qui est décisif pour les petites entreprises. Elles apprécient en effet d'être appuyées par des acteurs qui connaissent le terrain.

Carole GAESSLER

Je crois que BNP PARIBAS est la banque étrangère la plus ancienne en Australie.

François CRISTOFARI

En effet, la BNP s'est implantée en 1881 en Australie. A l'époque, 90 % des achats de laine en Australie étaient réalisés par des opérateurs français.

Carole GAESSLER

Vous m'avez indiqué que votre banque n'offrait pas de prêts aux PME.

François CRISTOFARI

Nous avons en effet abandonné la banque de détail pour nous spécialiser sur les crédits aux très grandes entreprises. Nous pouvons, en revanche, conseiller les PME qui souhaitent s'implanter en Australie et les adresser à des banques locales pour qu'elles trouvent des financements.

Carole GAESSLER

Nous aimerions que vous nous présentiez la place qu'occupent l'Australie et la Nouvelle-Zélande dans le marché financier.

François CRISTOFARI

Le secteur bancaire et financier est le troisième dans le domaine des services. Vous avez déjà indiqué que les services représentent 70 % du PIB australien. Dans les vingt dernières années, le secteur bancaire et financier a connu une croissance de 4,9 % par an alors que l'économie australienne progressait de 3,6 % par an. L'expansion de ce secteur est ainsi remarquable. De fait, l'Australie est désormais le quatrième marché mondial pour les fonds sous gestion, ce qui est peu connu du grand public. Elle n'est devancée que par les Etats-Unis, le Luxembourg et la France. L'importance de l'Australie résulte d'une loi qui impose à tous les employeurs de déposer 9% des salaires versés dans des fonds de pension. Nous pensons ainsi que l'Australie devrait, sous quinze ans, devenir la deuxième place mondiale pour les fonds sous gestion.

En outre, la capitalisation boursière de Sydney est deux fois plus importante que celles des marchés boursiers de Hong-Kong et de Singapour réunis. L'Australie a de surcroît dépassé le Japon, au cours des trois premiers trimestres de l'année 2006, pour les opérations de fusion acquisition dans la zone Asie-Pacifique.

Je voudrais toutefois revenir sur la spécificité de BNP Paribas Australie. Notre vocation est d'être une banque d'investissement et, à ce titre, nous finançons les grands projets, notamment dans le domaine des infrastructures ou dans le secteur minier. Toutefois, nous nous situons derrière les quatre banques locales. Le secteur bancaire fait ainsi exception à la règle du duopole puisque quatre banques très puissantes dominent le marché : ANZ, NAB, Westcap et CBA. Ces banques n'ont pas le droit de fusionner en raison d'un décret gouvernemental. En effet, l'Australie redoute la constitution de monopole. Ainsi, l'autorité en charge du respect de la concurrence, l'ACCC, est extrêmement puissante.

Je souhaiterais, par ailleurs, ajouter quelques commentaires plus personnels sur l'Australie. Je pense ainsi que la distance, si souvent évoquée, peut être abolie. Nous avons ainsi remporté un mandat récemment, avec un fund manager de Sydney. Ce dernier souhaitait disposer d'un reporting à six heures du matin à Sydney. La seule manière de répondre à cette demande consistait à utiliser notre agence de Wellington. En effet les employés de l'agence de Wellington, qui arrivent à sept heures dans leur bureau, sont en mesure d'adresser un reporting dès huit heures du matin. Or le décalage horaire est de deux heures entre ces deux pays. Ainsi, notre client de Sydney peut disposer de ces comptes-rendus à l'heure convenue. On peut donc tirer parti de la distance et des différences entre les fuseaux horaires. L'Australie compte ainsi des fuseaux horaires d'avance par rapport au Japon, à Singapour et à Hong-Kong. Il me semble que cette précision permet de mieux apprécier le positionnement géographique de l'Australie dans la région.

Je voudrais également ajouter des éléments aux contributions précédentes. Ainsi, la société australienne est certes très anglaise mais il ne faut pas négliger les apports latins résultant de l'immigration italienne et grecque opérée après guerre. La société australienne est ainsi riche de ses différences. Le caractère multiculturel de cette société a été amplifié par l'immigration en provenance du Moyen-Orient et de l'Asie au cours de ses dernières années. Il est dès lors possible de tirer profit de cette diversité.

En outre, je tiens à souligner que les clients australiens sont très fidèles si vous leur démontrez la qualité de votre service. Ainsi nos clients australiens ne nous perçoivent pas comme une banque étrangère. Ils nous considèrent, au contraire, comme une banque domestique. Cette loyauté n'a pas d'équivalent en Europe ou aux Etats-Unis.

Garry DRAFFIN

Je n'ai que quelques précisions à apporter. Le secteur des services est très développé en Australie, à l'instar des pays de l'OCDE, et représente 77 % du PNB. Notre pays ne se réduit donc pas au tourisme, au secteur minier ou à l'agriculture. Le secteur financier est l'activité la plus dynamique dans les services. Les fonds sous gestion australiens atteignent la somme de 1 000 milliards de dollars. Or ces fonds sont investis à travers le monde, y compris en France. C'est également un marché important au regard de la situation en Asie.

Toutes les grandes banques européennes ont désormais des fonctions régionales et mondiales en Australie. Je pense notamment à Deutsche Bank ou à ABN-Amro. Ainsi les effectifs du secteur bancaire et financier dépassent ceux de Hong-Kong, de Singapour et du Japon réunis. Les opportunités d'affaires sont donc énormes dans ce secteur et je suis persuadé que la croissance sera encore au rendez-vous à l'avenir.

Christophe HOAREAU

L'absence de chômage en Australie conduit à des difficultés de recrutement, notamment pour la fourniture des prestations nécessaires aux entreprises.

Carole GAESSLER

Nous avons, en effet, abordé cette question sans toutefois l'approfondir. Il est ainsi nécessaire de cibler le profil de la personne requise. Les risques de voir un salarié se faire débaucher par une autre entreprise sont très importants.

Corinne BOT

Le chômage est limité à 1,9 % dans la région de Sydney et il ne dépasse 4,7 % sur le territoire australien.

Carole GAESSLER

Il faut offrir des rémunérations importantes en ce cas.

Corinne BOT

La rémunération est l'un des critères pris en considération par les nouvelles générations. Elles sont également très attentives à la qualité des conditions de travail. Toutefois, je tiens à préciser que l'on peut trouver du personnel sans débaucher des salariés au sein des entreprises présentes sur le territoire. Ainsi, l'Australie a initié une politique d'immigration choisie qui consiste à délivrer des visas aux personnes porteuses de compétences dont le pays a besoin. Ainsi l'Office de l'immigration accorde des visas d'immigration aux entreprises. Celles-ci les utilisent pour attirer les individus qui peuvent suppléer aux carences de certaines compétences sur le territoire national. De fait les bénéficiaires de ce dispositif sont titulaires d'un visa pour une durée de trois ou quatre ans.

Cette politique constitue une inflexion majeure par rapport aux dispositifs antérieurs. En effet, l'octroi des visas était auparavant complexe et long. Il est aujourd'hui plus facile de venir s'installer en Australie pour y travailler si l'on est porteur d'une compétence spécifique. En outre, les avantages fiscaux consentis sont également importants ; ce qui permet d'offrir des salaires raisonnables. De fait, le recours aux visas est une solution qui est à la disposition des petites et moyennes entreprises.

Cécile DELETTRE, Chef de Service Marketing direct, Promotion des Ventes, Ubifrance

Je souhaiterais savoir s'il existe des possibilités de développement dans le secteur de la distribution pour des petites et moyennes entreprises. Faut-il recourir au système des franchises pour pénétrer ce marché ?

Jean-Louis LATOUR, Chef des services économiques pour l'Océanie

La franchise est un secteur extrêmement développé en Australie. Ce pays est en effet très vaste et éclaté en dépit de la forte urbanisation évoquée précédemment. De nombreux points de vente subsistent ainsi dans les villages. Les modes de distribution anciens, à l'image du colportage ou de la vente par correspondance, peuvent être employés en Australie. Toutefois, ils ne sont pas à privilégier en raison de la forte urbanisation du pays.

En ce qui concerne l'accès des PME au marché australien, il me semble indiqué de recourir aux services d'un importateur. L'appui d'un importateur distributeur ou d'un importateur relayé par des distributeurs est en effet la meilleure façon d'établir une présence en Australie. Les distributeurs ont ainsi des contacts avec les détaillants qui pourront amener le produit auprès des consommateurs australiens. Il est ainsi plus facile d'implanter une petite ou une moyenne entreprise en Australie qu'en Inde. La prospection des pays émergents est généralement très longue et éprouvante.

Christophe HOAREAU

L'Australie est un pays dans lequel la ponctualité est particulièrement prisée. J'ai ainsi appris à mes dépens qu'une arrivée différée de cinq minutes seulement est très mal perçue. J'engage désormais tous les Français que je rencontre à se montrer ponctuels aux rendez-vous. La ponctualité est en effet valorisée comme une marque de courtoisie.