Colloque sur la Corne de l'Afrique



Table des matières


Actes du colloque Sénat-Ubifrance
sur la Corne de l'Afrique

Jeudi 2 mars 2006

« Pour un renforcement de la présence française
dans la corne de l'Afrique »

M. Christian PONCELET
Président du Sénat

M. Christian PONCELET ,
Mme Brigitte GIRARDIN ,
Ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie et
S. Exc. Mme Sahle-Work ZEWDE,
Ambassadeur d'Ethiopie en France

M. Mahamoud ALI YOUSSOUF
Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale de Djibouti

A la tribune
(de gauche à droite)
M. Louis DUVERNOIS
Président du groupe interparlementaire France-Djibouti et Corne de l'Afrique du Sénat,
Mme Brigitte GIRARDIN,
M. Christian PONCELET ,
M. René ANDRE
Président d'UbiFrance et
M. Mahamoud ALI YOUSSOUF

Vue de la salle Clemenceau

Mme Brigitte GIRARDIN ,
S. Exc. M. Rachad FARAH,
Ambassadeur de Djibouti en France et
Mme Zeinab KAMIL ALI,
Directrice des ports et des zones franches de Djibouti

Ouverture

Christian PONCELET
Président du Sénat

Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Monsieur le Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale de Djibouti,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Chers collègues,
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,

Le Sénat est heureux d'accueillir aujourd'hui ce colloque économique sur la Corne de l'Afrique, zone qui recouvre cinq pays - Djibouti, l'Erythrée, l'Ethiopie, la Somalie et le Soudan - dont plusieurs représentants nous font aujourd'hui l'honneur, mais également le plaisir de leur présence. Je leur souhaite d'ailleurs, au nom de l'ensemble des sénateurs, la bienvenue parmi nous.

Dans le cadre de nos colloques économiques internationaux, nous n'avions plus traité de cette zone depuis 1999, soit presque sept années pendant lesquelles les choses ont beaucoup avancé et durant lesquelles nous avons sans doute pris, en ce qui nous concerne, un peu de retard.

Bien entendu, nous avons organisé cette opération avec notre partenaire habituel, UbiFrance, dont je tiens à saluer à nouveau le dynamisme et l'efficacité.

Mais pour l'occasion, nous bénéficions aussi du concours de trois autres acteurs prestigieux : le Medef international, le Comité français des investissements en Afrique (CIAN) et le Forum francophone des Affaires.

A tous, nous disons un grand merci et un grand bravo pour leur implication active et concrète dans cette rencontre.

Je souhaite enfin saluer le rôle du Président du groupe d'amitié France - Pays de la Corne de l'Afrique, mon collègue et ami le sénateur Louis Duvernois, représentant des Français à l'étranger, qui travaille depuis plus de deux ans à ce projet.

La Corne de l'Afrique reste aujourd'hui une région de contrastes avec :

• Djibouti, espace de francophonie dans une zone majoritairement anglophone ou arabophone ;
• deux immenses pays : l'Éthiopie, siège de l'Union africaine, et le Soudan, pays le plus vaste d'Afrique ;
• l'Érythrée, jeune État à l'indépendance récente, et la Somalie, dont la stabilisation peine encore après treize ans de chaos et de guerre civile.

Au plan économique, la Corne de l'Afrique ne jouissait pas jusqu'à présent d'une très bonne réputation auprès des entreprises françaises et des investisseurs internationaux, en raison des tensions graves ou des conflits meurtriers qui ont affecté la région ces vingt dernières années, des sécheresses qui rendent encore indispensable l'aide alimentaire internationale, laquelle reste malheureusement encore insuffisante.

La région, en effet, n'a pas été épargnée par les épreuves.

Je pense à la guerre entre l'Erythrée et l'Ethiopie, terminée aujourd'hui mais sans que la paix soit pleinement installée, aux conflits soudanais, le premier entre le Nord et le Sud et le second avec le drame humanitaire du Darfour, qui préoccupe tant, et à juste titre, la communauté internationale.

Tous ces conflits ont bien entendu freiné les perspectives économiques de la région. Mais un état des lieux objectif incite aujourd'hui, fort heureusement d'ailleurs, à plus d'optimisme.

L'hostilité latente entre l'Éthiopie et l'Érythrée tend à s'atténuer et permet d'espérer le « décollage » de la zone franche de Massawa, indispensable au redressement économique de l'Erythrée.

Au Soudan, le conflit nord-sud se règle désormais par la négociation. Quant au Darfour, l'implication et les pressions de la communauté internationale pour la recherche d'une solution pacifique restent très fortes et permettent d'espérer une solution prochaine et durable.

Le Président Duvernois, qui s'est rendu au Soudan, à ma demande, avec les sénateurs Philippe Marini et André Rouvière en octobre 2005, pourra nous le confirmer : le cadre institutionnel est prêt et, dès à présent, ce pays offre de réelles opportunités d'affaires grâce, notamment, à ses immenses gisements pétroliers.

En Somalie, la situation reste certes précaire, mais l'État de droit se restaure progressivement. Si le processus va à son terme, nos entreprises ont tout intérêt à se tenir prêtes à répondre à une énorme demande de reconstruction.

Dans ce paysage, je n'oublierai pas de citer Djibouti, pays ami où la présence française est déjà considérable, y compris sur le plan militaire puisque nous y maintenons d'importantes forces qui concourent à la stabilité de l'ensemble de la sous-région.

Djibouti bénéficie d'atouts substantiels avec son équipement portuaire - le nouveau port en eaux profondes de Doraleh, notamment - ou en tant que terminus du fameux chemin de fer djibouto-éthiopien, tour de force technique réalisé avec l'aide de la France, à partir de 1917.

Je me permettrai cependant d'inviter nos amis djiboutiens à mieux garantir la stabilité des contrats et le libre jeu des règles de la concurrence, deux sujets auxquels les entreprises européennes sont particulièrement sensibles.

Pour le reste, notre coopération avec Djibouti est excellente et nous partageons avec cet État les valeurs de la francophonie et un passé commun où se sont forgés des sentiments très forts d'estime et de considération réciproques.

Ma conclusion rejoindra celle du groupe d'amitié France - Pays de la Corne de l'Afrique, dans son rapport de mai 2004 ; comme lui, je crois souhaitable que la France renforce sa présence dans cette région très importante sur le plan stratégique et où, de surcroît, nous jouissons d'un bon crédit général de sympathie.

Nos entreprises ont une carte à jouer dans les pays de la Corne de l'Afrique, qui vont exprimer d'importants besoins d'infrastructures et d'équipements lourds dans les années à venir.

Pour ce qui nous concerne, le Sénat ne peut que les encourager et les soutenir dans cette démarche.

A tous, je souhaite donc aujourd'hui, et pour l'avenir, de fructueux travaux, en espérant que vous garderez de votre passage au Sénat un bon souvenir, qui vous encouragera à y revenir. Je vous remercie de m'avoir écouté.

Brigitte GIRARDIN
Ministre déléguée à la la coopération, au développement et à la francophonie

C'est un grand plaisir pour moi de prendre la parole à l'occasion de l'ouverture de ce colloque économique consacré à la Corne de l'Afrique. Cette région a connu, ces dernières années, de nombreux événements tragiques, et des tensions très graves. Cet état de fait a sans doute détourné l'attention des investisseurs étrangers et français de cette zone. Cependant, l'organisation de ce colloque marque notre volonté commune de ne pas céder au pessimisme, et d'envisager positivement l'avenir de cette région. Je remercie donc Louis Duvernois d'avoir pris l'initiative d'organiser cette journée de rencontres et d'échanges.

Avant toute chose, sans-doute convient-il de rappeler quelques réalités à propos des pays de la Corne de l'Afrique : l'Erythrée, l'Ethiopie et le Soudan disposent de potentialités et de ressources réelles ; Djibouti joue un rôle essentiel dans la défense de la francophonie.

Le Soudan a mis fin à la guerre civile qui sévissait au Sud, retrouvant du même coup des possibilités de développement économique. Je rappelle à ce titre le succès d'entreprises françaises, comme Alstom, en 2003, alors que le pays n'était pas encore stabilisé. Le Soudan bénéficie maintenant de l'aide de la communauté internationale, à laquelle la France a contribué, à hauteur de 35 millions d'euros. En Ethiopie, nos entreprises, notamment dans le secteur minier, ne peuvent ignorer l'appel qui leur a été lancé par les autorités éthiopiennes en 2005.

La communauté internationale et l'Union africaine (UA) s'investissent pour rétablir la stabilité dans la Corne de l'Afrique. En ce qui concerne la France, nous allons installer une antenne dans le Sud Soudan ; nous allons désigner également un coopérant technique auprès des autorités somaliennes ; les 9 et 10 mars prochains, une conférence réunira les autorités soudanaises, les bailleurs de fonds et la communauté internationale, afin de définir les conditions du retour à la stabilité dans cette région. Cette semaine enfin, un document cadre de partenariat sera signé avec Djibouti : l'aide qui sera apportée à ce pays ami en matière d'éducation, de santé et d'infrastructures urbaines sera arrêtée dans ce cadre.

Je tiens à renouveler tous mes engagements pour la promotion des entreprises dans les pays de la Corne de l'Afrique. Les potentialités de cette région sont immenses, et la France entend bien contribuer à son développement, dans le cadre d'une politique de coopération durable.

René ANDRE
Président d'UbiFrance

Je veux tout d'abord adresser mes souhaits de bienvenue et de remerciement à Monsieur Mahamoud Ali Youssouf, Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale de Djibouti, et à toutes les personnalités présentes. Je suis très heureux qu'UbiFrance soit présent à cette tribune : UbiFrance collabore, depuis 1997, à l'organisation conjointe de colloques économiques, avec le Sénat. Ce partenariat contribue grandement au renforcement de notre action d'information des entreprises françaises souhaitant se développer à l'étranger.

La Corne de l'Afrique, malgré un environnement politique qui demeure fragile, voire tendu, malgré la sécheresse et la pauvreté, offre de réelles opportunités aux entreprises. La France est le premier partenaire commercial de Djibouti, et son premier fournisseur. De nouvelles opportunités, liées à la nouvelle dimension portuaire de Djibouti, à l'interconnexion existant avec l'Ethiopie et au commerce courant existent. Ces opportunités devraient inciter les entreprises à prospecter davantage dans ce pays.

L'Erythrée souffre d'une balance commerciale déséquilibrée : les exportations françaises représentent en effet près de 10 fois les exportations vers la France. De nouveaux développements devraient permettre à l'Erythrée de tirer davantage profit de sa fenêtre sur la Mer Rouge.

L'Ethiopie est le deuxième pays d'Afrique par sa population, il est un des principaux pays bénéficiaire de l'aide au développement. Le gouvernement s'est engagé dans un vaste plan de développement de ses infrastructures ; 2005 a représenté notre meilleur année en termes d'échanges, 2006 devrait conforter cette tendance. La France est le deuxième pays investisseurs en Ethiopie : les récents succès d'Accor, d'EDF, d'Areva et consorts doivent inciter d'autres entreprises à venir s'implanter dans ces pays.

Les entreprises françaises doivent également se tenir prêtes à développer leur présence en Somalie, pays où les institutions et, plus généralement, la situation, sont en cours de stabilisation.

Quant au Soudan, il est à noter qu'un programme de réformes a stabilisé l'économie, ce qui devrait permettre une accélération de la croissance en 2006. De grands projets d'infrastructures ont été mis en place ; des opportunités existent dans les domaines de l'énergie, des télécommunications, de la chimie, de l'agroalimentaire ou encore de la pharmacie.

Je tiens à remercier une nouvelle fois les organisateurs de ce colloque et, tout particulièrement, le Sénateur Duvernois. Je remercie également les responsables des entreprises qui témoigneront de leur activité sur le terrain, et de la réalité des affaires menées avec succès, mais aussi de leurs difficultés. Je vous souhaite à tous de fructueux travaux.

Nouvelles perspectives de développement de Djibouti et de la Corne de l'Afrique

Mahamoud ALI YOUSSOUF
Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale de Djibouti

Je souhaite tout d'abord vous présenter mes vives félicitations pour la tenue de ce colloque ; je tiens à saisir cette occasion pour vous exprimer la gratitude du Gouvernement et de l'Assemblée nationale de Djibouti pour l'attention que cette rencontre traduit envers notre pays et, plus généralement, envers les pays la Corne de l'Afrique. Ce colloque, qui atteste de notre volonté de renforcer la présence française dans la Corne de l'Afrique, revêt une importance particulière : certes, la Corne de l'Afrique a été, dans un passé récent, une région tourmentée. La paix et la stabilité sont, heureusement, maintenant de retour. Il va de soi que les forces françaises basées à Djibouti ont contribué au retour de cette stabilité ; elles sont également un vecteur de développement. Rappelons que la présence française dans la Corne de l'Afrique n'est pas seulement militaire, elle a également une dimension économique, commerciale et culturelle. Nous appelons de nos voeux un renforcement de cette dernière.

Dans la Corne de l'Afrique, des hommes et des femmes luttent chaque jour pour leur survie et l'obtention d'un mieux-être : il s'agit clairement de la problématique du sous-développement et de la misère. Face à une telle situation, notre Gouvernement s'interroge, au quotidien, sur les solutions les plus adéquates à mettre en oeuvre, sur le terrain. A cet égard, il est notamment favorable à une meilleure intégration de la région, qui pourra prendre place dans le cadre de l'IGAD, d'une part, et du COMESA, d'autre part. Dans le même temps, il va de soi que la globalisation des échanges rend complexe le développement d'une économie intégrée, comme nous le souhaitons.

Djibouti ne peut rester en marge du phénomène de mondialisation. Nous considérons que la consolidation de l'espace économique commun qu'est le COMESA nous permettra de mieux exploiter nos atouts ; Djibouti s'est ainsi proposé pour accueillir le prochain forum du COMESA. Il va de soi, en outre, que les cartes à jouer par les pays de la Corne de l'Afrique, dans le cadre de la globalisation, sont loin d'être insignifiantes. Dans ce cadre, nous considérons que la France doit demeurer un partenaire privilégié, ce partenariat représentant un atout de taille. Par sa position géostratégique, Djibouti est propice aux échanges commerciaux, et a tout à gagner à une intégration régionale : nous avons donc mis un accent particulier sur le développement des infrastructures et sur la libéralisation de notre politique monétaire. Nos potentialités sont fortes : une trentaine de projets, engagés suite au dernier tour de table avec nos partenaires arabes, sont maintenant lancés. Nous invitons ainsi les entreprises françaises à saisir les opportunités qui s'ouvrent à elles. Dans cette perspective, nous nourrissons le souhait de devenir une véritable plaque tournante pour les échanges commerciaux qui prendront place dans le cadre du COMESA.

Prochainement, nous signerons un nouveau cadre de partenariat avec la France, et un accord de promotion des investissements : il s'agira d'un cadre juridique particulièrement propice aux investissements que les entreprises françaises pourront développer à Djibouti.

Je tiens à rappeler que nous sommes fiers de partager, avec vous, la langue et la culture françaises. Nous souhaiterions que la présence francophone soit davantage renforcée à Djibouti, et que l'Organisation Internationale de la Francophonie nous accorde plus d'importance. Malgré notre enclavement linguistique, notre attachement à la culture et à la langue françaises ne fait, en effet, aucun doute.

Louis DUVERNOIS,

Je souhaite vous dire combien je suis heureux, Monsieur le Ministre, de vous accueillir au Sénat. L'idée de ce colloque est en effet née à Djibouti : nous avions pris l'engagement de l'organiser, et nous avons tenu parole.

Je voudrais souligner la présence dans cette salle de Monsieur  André Massida, membre élu de l'Assemblée des Français de l'étranger, conseiller du commerce extérieur de la France à Djibouti, et vice-Président de la Chambre de commerce de Djibouti. J'ajouterai que l'IGAD a été sollicitée pour participer à nos travaux, mais n'a pas pu se joindre à nous pour des raisons techniques. L'IGAD, cela dit, a clairement montré son intérêt pour ce colloque ; à l'instar de l'OUA, d'ailleurs.

Djibouti, porte économique de la Corne de l'Afrique

Stève GENTILI
Président du Forum francophone des affaires, BRED - Banque Populaire

La Corne de l'Afrique demeure une région mal connue par les entreprises françaises, qui ne jouent pas toutes pleinement la carte qu'elles devraient. Située au coeur de cette région, Djibouti n'en constitue pas moins un partenaire important de la France.

Occupant une position géographique stratégique, Djibouti est convoitée à cet égard ; Djibouti marque en effet l'entrée vers la Corne de l'Afrique et le Sud de la Mer rouge et présente, en cela, un intérêt économique certain.

A ce dernier titre il faut rappeler que Djibouti offre une ouverture vers le marché de l'Ethiopie (qui compte 77 millions d'habitants), vers l'ensemble des pays de la Corne de l'Afrique dont les potentialités sont très fortes. Soulignons que Djibouti abrite le Siège de l'IGAD, et nourrit l'ambition de jouer un rôle plus actif dans le processus d'intégration économique de la Corne de l'Afrique. Djibouti est également membre du COMESA, au sein duquel il joue un rôle actif. Djibouti est bien placé pour devenir un point de passage régional, grâce à un ensemble d'infrastructures efficaces. De surcroît, Djibouti peut être un tremplin vers ses voisins de la péninsule arabe. Sur le plan pratique, les équipements sont de bonne qualité ; ce pays se place résolument dans une perspective libérale en matière d'échanges, d'une part, et en matière monétaire, d'autre part.

Le principal atout de Djibouti est le secteur tertiaire (transports, activités bancaires, commerce...). Djibouti en est conscient et se prépare à une véritable révolution, aboutissant à l'avènement d'une économie moderne, fondée sur les services et les échanges. L'objectif est également de faire de Djibouti un port d'éclatement, permettant de réacheminer les marchandises dans toute la région. Sur le plan bancaire et financier, Djibouti présente de belles perspectives : librement convertible, sa monnaie est une monnaie de référence. Enfin, le développement technologique en matière d'information et de communication devrait se poursuivre.

Au final, Djibouti souhaite devenir un pôle d'excellence dans le développement des technologies de pointe ; ce pays dispose de nombreux atouts pour cela : je pense, tout particulièrement, à ses universités. Djibouti est maintenant un pays en mouvement, résolument tourné vers le monde moderne.

Les entreprises et les investisseurs français, à l'instar de leurs concurrents étrangers, doivent donc y prendre des initiatives.

Echanges avec la salle

Michel DUPLAT, entrepreneur

Apifat, que je représente, est une entreprise qui compte monter au Soudan une ferme Lait et Viande. Cette ferme exploitera des bovins importés d'Europe, et compte les exporter ensuite vers l'Arabie Saoudite. Je souhaite savoir si Djibouti compte des installations que nous pourrions utiliser dans ce cadre.

Mahamoud ALI YOUSSOUF

Le Soudan est en effet un grand pays d'élevage, et a passé des conventions d'exportation de biens de consommation avec les pays du Golfe. Je profite de votre intervention pour vous signaler que Djibouti a mis en place un centre de réacheminement du bétail, qui vise à canaliser les exportations, placer le bétail en quarantaine, et effectuer les actions nécessaires à la certification de ce bétail selon les normes internationales.

Son excellence l'Ambassadeur du Soudan Abdelbasit ELSANOSI

Je félicite Monsieur Duplat d'avoir commencé à aborder ce secteur du bétail : il existe en effet, dans la région, des marchés présentant des potentialités fortes. Ces marchés sont tout à fait prêts à continuer à accueillir la viande soudanaise, l'une des meilleures de la région selon moi.

Zeinab KAMIL ALI, Directrice des ports et des zones franches de Djibouti

Le port de Djibouti va perdre son activité dédiée aux containers ; l'activité d'exportation de bétail deviendra ainsi la principale activité de ce port. J'invite donc Monsieur Duplat à venir visiter nos infrastructures.

Stève GENTILI

Djibouti compte une agence d'investissement, destinée à recevoir les entreprises souhaitant investir à Djibouti. Cette agence est donc à la disposition des entreprises françaises.

Nicolas PARIS, BCM

Nous venons d'ouvrir une succursale au Sud-Soudan, cette ouverture a été, d'un point de vue administratif, très facile. Nous considérons que Djibouti pourrait devenir une base logistique pour les entreprises industrielles présentes dans la Corne de l'Afrique, mais je souhaiterais savoir quelle est la réalité des liaisons entre Djibouti et ses voisins.

Mahamoud ALI YOUSSOUF

Sans moyens de transport, il va de soi qu'il est impossible de développer une quelconque activité commerciale. Or l'Afrique souffre de ce déficit de moyens de transport, qui posent donc un problème très important. Rappelons, en ce qui concerne Djibouti et la Corne de l'Afrique, qu'il existe une communication ferroviaire entre l'Ethiopie et Djibouti : nous sommes en train de la mettre en concession, ce qui la rendra plus performante. Nous aimerions également relier ce chemin de fer à l'East African Railway Network : un tronçon doit encore être réalisé mais, lorsque cela sera fait, toute la région sera connectée. De surcroît, il existe un bon réseau de lignes aériennes dans la Corne de l'Afrique. La compagnie éthiopienne, en particulier, est très performante.

Djibouti veut devenir un hub économique et, pour cela, nous nous devons de développer de nouvelles infrastructures. Plus généralement, nous voulons asseoir notre développement dans les transports sur deux valeurs clés : la rapidité et l'efficacité.

Son Excellence l'Ambassadrice d'Ethiopie Sahle-Work ZEWDE

L'Ethiopie pourrait servir de trait d'union dans la Corne de l'Afrique. Les infrastructures de transport se sont développées rapidement entre le Soudan et l'Ethiopie, et entre le Kenya et l'Ethiopie. Il existe donc un fort dynamisme en matière de développement des infrastructures de transport en Ethiopie, qui devrait continuer à se développer.

Monsieur André MASSIDA

Je tiens à rappeler aux investisseurs français qu'ils ne doivent plus avoir, de Djibouti, l'image d'une simple base militaire. Djibouti souhaite s'affranchir de cette image, et développe d'ailleurs des infrastructures qui permettront aux opérateurs d'asseoir leur essor dans la zone : je pense évidemment au port privé de Doraleh.

De la salle

L'Erythrée dispose de richesses importantes, mais n'a pas encore pu en profiter. Malgré la faiblesse des moyens qui sont en notre possession, nous essayons de développer nos infrastructures de transport avec nos voisins.

Alain DE WOLFF, Nexans

De nombreux pays d'Afrique de l'Ouest développent des programmes d'électrification rurale, celle-ci constituant notre coeur de métier. Qu'en est-il en matière de développement de l'électrification rurale dans la Corne de l'Afrique ?

Mahamoud ALI YOUSSOUF

Il s'agit en effet d'un domaine prioritaire pour nos pays de la Corne de l'Afrique. Djibouti développe un programme d'interconnexion électrique avec l'Ethiopie, qui nous permettra d'étendre l'électrification des zones rurales. Les produits français entrant dans la construction des lignes électriques sont les plus prisés à Djibouti, du fait des liens particulier qui nous unissent ; je vous invite donc à venir nous rencontrer, vos produits seront les bienvenus.

L'Ambassadeur du Soudan Abdelbasit ELSANOSI

Au Soudan, nous avons pour projet de construire un grand barrage au Nord du pays, dont la capacité de production électrique sera forte. Alstom a d'ailleurs annoncé son intention de participer à ce projet.

Djibouti, Ethiopie, Ethiopie, Somalie, Soudan : quelles opportunités pour nos entreprises ?

Pierre BOEDOZ, Chef de la mission économique d'Addis Abeba
Jean-Pierre FILIPPI, Chef de la mission économique de Khartoum
Thomas COURBE, Chef de Bureau Afrique, Maghreb, Minefi - DGTPE
Thierry COURTAIGNE, Vice-président Directeur général du MEDEF International

I. Cadrage économique, projet et opportunités

Pierre BOEDOZ

1. L'Ethiopie

L'Ethiopie compte quelque 70 millions d'habitants, et est devenue le deuxième pays d'Afrique, par sa population, en 2005. Cette population présente une croissance naturelle de 2,9 %. Le PIB/habitant s'élève à un peu moins de 100 dollars ; le PIB global s'élève à huit milliards de dollars. La pauvreté relative concerne 81 % de la population, la pauvreté absolue 26 % de la population. Le secteur primaire génère 42,5 % du PIB, le secteur secondaire 11 % et le secteur tertiaire 46,5 %. L'économie est donc très largement tirée par l'agriculture, l'état de cette dernière conditionnant significativement la santé économique du pays tout entier. Notons à ce dernier titre que le secteur primaire est marqué, depuis deux ans, par une belle croissance. Le secteur tertiaire, pour sa part, compte quelques belles entreprises : je pense en particulier à la compagnie aérienne Ethiopian Airlines . Ce pays joue également le rôle de hub pour les transports aériens de l'Afrique de l'Ouest. Les dernières élections ont vu la reconduction sur Président Mélès Zenawi, en mai 2005. Le régime éthiopien est démocratique et parlementaire.

Depuis deux ans, l'économie éthiopienne est tirée par la croissance du secteur agricole. La sécheresse, en Ethiopie, est avant tout un problème humanitaire, et touche des zones peu agricoles : elle n'aura pas d'incidences négatives sur la croissance. Ainsi, la croissance s'est élevée à 11,3 % en 2003/2004, et à 5,1 % en 2005. L'inflation est contenue, et se situe donc à des niveaux tout à fait raisonnables pour un PMA comme l'Ethiopie. Les investissements représentent un peu plus de 20 % du PIB : la dette extérieure, quant à elle, s'élève à environ 69 % du PIB.

S'agissant de la présence française en Ethiopie, il est à noter que la France a, pendant longtemps, occupé une part de marché modeste, à hauteur de 2 %. Les échanges ont bénéficié d'une réelle redynamisation en 2005, un vrai rapprochement bilatéral a été à l'oeuvre. En 2006, les exportations françaises devraient bien se comporter, et atteindre le niveau des 105 millions d'euros. La France deviendrait ainsi le premier exportateur européen en Ethiopie ; elle est d'ores et déjà le deuxième investisseur étranger dans ce pays. Rappelons qu'il existe en Ethiopie une section active d'une dizaine de conseilleurs du commerce extérieur de la France. Nous avons en outre signé, en mai 2004, un accord de protection et d'encouragement réciproque des investissements ; une convention fiscale a été paraphée en 2005. Il n'y a pas de banques étrangères en Ethiopie : cela représente une réelle opportunité pour prospecter ce marché, dans la mesure où, à terme, le secteur bancaire s'ouvrira à l'international. Plus généralement, le thème des privatisations des entreprises éthiopiennes commencent à intéresser les entreprises françaises, et nous espérons que cette privatisation s'accélérera. Outre le secteur bancaire, que j'évoquais précédemment, je pense notamment à l'industrie sucrière et au chemin de fer.

Plusieurs entreprises françaises ont signé récemment des contrats. Il s'agit, notamment, du Groupe Accor (qui a ouvert un Novotel de 100 chambres, et un Ibis de 140 chambres dans la capitale), de Total (qui a racheté des stations service de Mobil), ou encore de Steca (qui fournit du matériel pour l'embouteillement d'eau).

L'Ethiopie présente de nombreux atouts :

• elle compte plus de 70 millions d'habitants, et entretient des relations historiques avec la France ;
• elle est le pays le plus aidé d'Afrique subsaharienne ;
• la sécurité des biens et des personnes y est parfaitement garantie ;
• l'Ethiopie est dotée de plusieurs marchés porteurs : je pense au commerce courant, au marché de l'eau ou encore à l'électricité. Citons encore les télécommunications, les routes, le transport ferroviaire et le tourisme.

2. Djibouti

S'agissant de Djibouti, il est à noter que sa population s'élève 650 000 habitants, le PIB par habitant est de 910 dollars par an. La pauvreté relative et absolue reste importante, l'économie est tirée par le secteur tertiaire : celui-ci génère 87,5 % du PIB. Le PIB progressera d'une manière plus régulière qu'en Ethiopie, mais de façon moins importante. L'inflation est bien contenue, le déficit budgétaire l'est également. La dette extérieure se monte à 69 % environ, et devrait progresser légèrement au cours des années à venir. Enfin, la France reste le premier fournisseur de la Djibouti, même si la Chine y est de plus en plus présente.

3. Soudan

Jean-Pierre FILIPPI

Le Soudan est devenu le premier client de la France parmi les pays de la zone. Khartoum devient quant à elle, peu à peu, une véritable capitale internationale et va notamment accueillir la prochaine rencontre de la Ligue arabe. Rappelons par ailleurs que le Soudan est récemment revenu dans le concert des Nations : après l'accord de paix global, un Gouvernement d'unité nationale a été formé. Depuis lors, l'accord de paix continue à se mettre en place et les choses vont dans le bon sens. Le Soudan présente un potentiel prometteur : il dispose de richesses minières extraordinaires et insuffisamment exploitées. Il dispose également d'un bon potentiel hydraulique. Dans le domaine agricole, les perspectives sont intéressantes. Le potentiel agricole commence à se mettre en place, et ne doit donc pas être négligé. Je suis persuadé que la Banque mondiale et les bailleurs de fonds mettront l'accent sur ce potentiel agricole. Signalons par ailleurs que les infrastructures se développent ; je pense, notamment, aux infrastructures de télécommunication, particulièrement bonnes au Soudan.

En ce qui concerne les hydrocarbures, le Soudan va bientôt être en mesure de produire un million de barils/jour. Des grands projets industriels et tertiaires sont engagés : il s'agit par exemple du nouvel aéroport de Khartoum, de centrales thermiques et d'une grande sucrerie.

D'un point de vue économique, il est à noter que le Gouvernement soudanais a de bonnes relations avec le FMI. La croissance est comprise entre 6 et 8 % selon les années. Un plan de réforme est en place, des négociations sont en cours pour que le Soudan intègre l'OMC. L'assistance apportée par les Occidentaux demeure largement non-structurante, mais il est possible que la situation change fortement dans les mois à venir.

La présence de la France est encore peu significative ; elle n'en demeure pas moins très active. Le centre culturel de Khartoum doit être mentionné à ce titre : nous formons de nombreux jeunes Soudanais, auxquels les entreprises françaises pourront recourir. Le solde commercial avec la France s'élève à 107 millions d'euros. Il existe plusieurs créneaux porteurs pour les entreprises françaises : il s'agit en particulier de l'automobile, du ferroviaire ou des télécommunications. Les opportunités à saisir sont donc nombreuses. J'ajoute enfin que Khartoum est devenue une « vraie » capitale : son urbanisme est en cours de révision et des immeubles très modernes ont été construits.

4. L'Erythrée et la Somalie

Thomas COURBE

La population somalienne se monte à 8,6 millions d'habitants, et à 4,5 millions d'habitants pour l'Erythrée. La situation politique est relativement stable : pour la Somalie, elle s'améliore nettement depuis 2004, mais le Gouvernement n'étend son contrôle sur le pays que progressivement. En ce qui concerne l'Erythrée, il est à noter que ce pays est indépendant depuis 1993. Courant 2005, de nouvelles tensions avec l'Ethiopie ont pris place : il en est résulté une relative détérioration des relations avec les donateurs.

Le PIB de la Somalie s'élève à 1,3 milliard de dollars, le taux de croissance est de 1,7 %. Les versements de la diaspora représentent 60 % du PIB. La dette extérieure équivaut à 200 % du PIB. Les exportations s'élèvent à environ 65 millions de dollars, et sont constituée aux deux tiers de bétail à destination de pays du Golfe. Les importations s'élèvent à 180 millions de dollars. Le flux d'investissements directs étrangers est très limité.

Une véritable révolution est à l'oeuvre en Somalie dans le secteur des télécommunications ; neuf opérateurs couvrent le pays, le nombre de souscripteurs de lignes téléphoniques est relativement élevé. Les coûts de télécommunication sont très bas.

Le PIB de l'Erythrée est de 920 millions de dollars. L'inflation s'élevait à 25 % en 2004, mais a été maîtrisée en 2005 : elle a été abaissée à 14 %. Les exportations sont composées de biens agricoles, les exportations sont constituées de pétrole, de biens de consommation et de biens manufacturés. Ces dernières se montent à 550 millions de dollars. En Erythrée, le secteur primaire est minoritaire, le secteur secondaire relativement développé. Le secteur tertiaire est très développé également et génère 60 % du PIB.

Les relations de ces deux pays avec la communauté financière internationale sont globalement réduites : l'UE a annoncé un don de 50 millions d'euros pour la reconstruction de la Somalie. La Chine a financé, à hauteur de 6,5 millions d'euros, l'achat de biens d'équipement. La France a apporté une aide de 320 000 euros en 2004. Huit programmes financés par la Banque mondiale sont en cours, et peuvent offrir des opportunités aux entreprises françaises.

Les relations commerciales de la Somalie avec la France vont dans le sens d'une baisse des exportations, et d'une hausse des importations (en particulier de produits agricoles somaliens). Pour l'Erythrée, les exportations vers la France ont été multipliées par trois en l'espace d'un an. Les importations sont également en forte hausse.

Les opportunités de marché sont liées à l'effort de développement mené par ces deux pays. Elles portent sur le secteur de transport et le secteur agricole.

II. L'environnement des affaires dans la région

Thierry COURTAIGNE

Je tiens à affirmer dès à présent que le Medef et les entreprises de France ont un fort tropisme africain ; l'Afrique représente en effet pour nous une grande priorité. Cela a toujours été le cas, et cela le restera. Nous sommes contre l'idée que tous les investissements doivent se concentrer autour de quelques pays. Au contraire, nous estimons que nous devons nous tourner également vers des pays émergents de petite taille. Nous avons d'ailleurs tout intérêt à travailler avec des partenaires qui souhaitent notre présence, et nous accueillent favorablement.

Rappelons que les pays de la Corne ne sont pas intégrés : nous ne pouvons pas réellement parler « d'environnement des affaires de la région ». Il ne s'agit pas encore d'un ensemble, ce que nous regrettons. Les récents conflits qui ont opposé certains de ces pays ne doivent pas, cela dit, être perçus comme un obstacle insurmontable, bien au contraire.

Le Medef International connaît bien les pays de la Corne de l'Afrique, dans la mesure où nous nous sommes d'ores et déjà rendus dans la plupart d'entre eux. Récemment encore, une délégation du Medef International s'est rendue en Ethiopie. Je tiens à ce titre à remercier UbiFrance pour son soutien dans ce cadre : nous avons pu nouer des contacts très intéressants lors de cette visite. Nous retournerons en Ethiopie. Nous retournerons également au Soudan, ce voyage est d'ores et déjà programmé. Je tiens à rappeler plus généralement que nous avons le soutien des pouvoirs publics français - je pense au personnel diplomatique en place et, évidemment, à UbiFrance - pour que ces voyages soient totalement couronnés de succès.

L'Ethiopie dispose d'un très fort potentiel pour les entreprises françaises. Il est à noter que ce pays présente de bonnes conditions de sécurité des biens et des personnes. La monnaie y est stable, des filières économiques (comme la filière horticole par exemple) sont en train de se mettre en place. Les investisseurs français peuvent profiter de ces filières. La main d'oeuvre éthiopienne est reconnue pour sa gentillesse et son calme, les dirigeants sont compétents.

L'Ethiopie n'a pas résolu, toutefois, toutes ses difficultés : nous apprécierions notamment que le secteur bancaire s'ouvre davantage ; l'ouverture de l'Ethiopie sur le monde extérieur est par ailleurs perfectible : le commerce est en effet insuffisamment libéralisé ; le système foncier doit être transformé ; la formation professionnelle doit se développer. Les infrastructures en tout genre constitueront les bases du développement de ce pays ; le tourisme recèle également d'importantes potentialités en termes de développement.

Je souhaite enfin vous adresser une recommandation : le Medef joue un rôle d'interface essentiel en France, et constitue une véritable instance de dialogue. Il est essentiel, selon moi, qu'il joue le même rôle d'interface dans les pays de la Corne de l'Afrique. De surcroît, je crois fortement en l'association d'investisseurs étrangers : il appartient aux Gouvernements des pays de la Corne de l'Afrique d'encourager de telles associations.

Témoignages d'entreprises

Michel de VIVO, Responsable de zone, EDF
Zeina KAMIL ALI, Directrice des ports et des zones franches de Djibouti
Frédéric THENEVIN, Coordinateur commercial, Sofréavia
JeanDYENS, Directeur technique et commercial en Ethiopie, Meilland International, Directeur, Oda Farms
Henry DELANNOY, Directeur commercial, CMA-CGM
La table ronde était animée par Pierre BOEDOZ.

I. L'exemple d'EDF

Michel de VIVO

Je souhaite vous présenter l'expérience d'EDF au Soudan, en Ethiopie et à Djibouti. Je dois vous dire que nous avons été surpris de l'accueil qui nous a été réservé dans ces trois pays : il était en effet excellent.

Nous sommes arrivés au Soudan en 1998, nous avons signé depuis une douzaine de contrats. Peu à peu nous avons gagné la confiance des Soudanais et, à partir de 2000, les contrats signés étaient des contrats importants. Il s'agit, notamment, de contrats d'assistance à la conduite de centrales, ou d'ingénierie. Ainsi, nous ne construisons pas de centrales, notre activité se résume à une activité de conseil. Ces contrats représentent un montant total à 13 millions d'euros.

Le Soudan présence de nombreux avantages : le potentiel de développement y est fort, tout devant encore être construit. La présence étrangère y est d'ailleurs de plus en plus forte : la compétition entre les investisseurs s'accroît, même si le terrain demeure encore plus ouvert que dans d'autres pays. La main d'oeuvre est de bon niveau, les Soudanais sont francophiles, ont le sens du respect des engagements. Les conditions de sécurité sont excellentes, la communauté française est solidaire. Il est possible de scolariser les enfants français au Soudan.

Ce pays présente en revanche plusieurs inconvénients.

• Les bailleurs de fonds internationaux ne sont pas encore de retour, ce qui ne manque pas d'engendrer des problèmes de garantie bancaire, voire de financement.
• Si les ingénieurs soudanais sont de très bon niveau, ils sont souvent attirés par les pays du Golfe.
• La concurrence chinoise et indienne est forte.

En ce qui concerne l'Ethiopie, nous avons gagné des contrats il y a quatre ans pour la construction du centre de dispatching national : nous en assurons toute l'ingénierie. Nous avons signé d'autres contrats, relatifs à des études de faisabilité de barrage et à des études d'interconnexion avec les pays voisins. Ces contrats représentent environ cinq millions d'euros.

Les avantages de l'Ethiopie sont les suivants :

• il y existe de nombreux programmes de construction ;
• la présence des bailleurs de fonds est forte ;
• les ingénieurs et les techniciens sont de bon niveau ;
• le suivi des procédures et le respect des règles est une réalité ;
• la sécurité urbaine est bonne ;
• la scolarisation est possible.

Quelques inconvénients doivent toutefois être notés :

• les circuits décisionnels administratifs sont parfois longs et complexes ;
• les appels d'offres sont soumis à une forte concurrence ;
• la sous-traitance locale doit être bien cernée.

Enfin, nous sommes présents à Djibouti depuis plusieurs décennies. Ce pays est marqué par la présence importante des bailleurs de fonds. Le développement est possible, avec l'extension du port : il faut y être présent. D'autant que la population y est clairement francophile, et que nos expatriés s'y sentent très bien.

II. La stratégie nationale de développement des ports et des zones franches à Djibouti

Zeinad KAMIL ALI

Depuis 2000, Djibouti a initié une stratégie nationale de développement des ports et des zones franches, ciment du développement économique. Elle vise à revaloriser la position stratégique de Djibouti, de telle sorte que cette position ait des retombées économiques. Nous voulons, plus généralement, créer un environnement économique propice aux affaires.

Le projet de Doraleh, qui est un port en eaux profondes, consiste à faire de Djibouti un port d'éclatement, au bénéfice de toute la région. Le développement de ce port permettra notamment de fidéliser notre clientèle éthiopienne. Doraleh est opérationnel depuis septembre 2005 ; il est notamment composé d'un terminal pétrolier respectant toutes les normes internationales, et offre un intérêt réel pour tous les pays de la région. Ce complexe portuaire comptera également un terminal pour les porte-containers. Celui-ci, dont la construction va bientôt commencer, sera opérationnel en 2008. Il sera en mesure d'accueillir les porte-containers de la dernière génération, qui présentent une taille de 10 000 pieds.

Depuis mai 2004, un nouveau régime juridique pour les zones franches est en place : le développement de celles-ci est assis sur le principe du guichet unique - donc de l'interlocuteur unique. Cela facilitera les démarches d'installations des investisseurs, et permettra de combattre la corruption. De surcroît, ce nouveau régime juridique offre de réelles incitations fiscales aux investisseurs, qui ne se trouvent soumis à aucune imposition.

III. L'exemple de Sofréavia

Frédéric THENEVIN

Créée en 1969, Sofréavia est spécialisée dans le domaine de l'aviation. Nous sommes présents dans la Corne de l'Afrique depuis plus de dix ans. Notre chiffre d'affaires s'élève à 30 millions d'euros, notre actionnaire principal est l'Etat français. Notre activité se répartit sur l'Europe, l'Afrique et l'Asie. La Corne de l'Afrique représente environ 10 % du chiffre d'affaires total de Sofréavia.

Je souhaite maintenant vous donner quelques exemples des projets conduits dans les pays de la Corne de l'Afrique :

• nous avons vendu un simulateur aérien au Soudan : nous avons fourni les équipements, et formé les instructeurs ;
• nous avons signé un contrat avec l'Ethiopie, pour un montant de 1,9 million de dollars. Nous allons moderniser les équipements utilisés pour la formation des contrôleurs aériens, et former ceux-ci ;
• nous avons fourni un simulateur permettant de former les contrôleurs aériens de Djibouti ;
• nous avons assuré le design du terminal passagers de Makalé.

Les projets menés dans la région sont essentiellement financés sur des fonds internationaux délivrés, notamment, par l'UE. Ces projets concernent l'aviation civile, et sont régulièrement soumis à des appels d'offres internationaux.

IV. L'exemple de CMA-CGM

Henry DELANNOY

Je représente la compagnie française CMA-CGM, troisième transporteur mondial de containers. Nous avons transporté, l'année dernière cinq millions de containers pour un chiffre d'affaires de cinq milliards d'euros. Nos bateaux effectuent 600 passages annuels du canal de Suez, et nous nous sommes donc naturellement intéressés aux pays de la Corne de l'Afrique.

La Somalie est, en tant qu'armateur, un lieu de tous les dangers : nous évitons donc les côtes de ce pays, où les pirates sont fréquents. Elle est encore pour nous un pays de non-droit, où nous n'avons aucune activité.

L'Erythrée est un pays très pauvre, et dépend totalement de l'aide internationale. Nous n'avons guère de raison de nous intéresser aux ports érythréens, et je vois mal quelles peuvent être leurs perspectives de développement.

En revanche, les trois autres pays de la Corne de l'Afrique sont d'une importance considérable pour nous. Nos bateaux s'arrêtent dans les grands hubs de ces pays ; pour la desserte de la Mer Rouge, nous utilisons le porte de Djedda. En ce qui concerne Djibouti, je tiens à féliciter ce pays pour les initiatives prises en matière portuaire. Je dois avouer que ce qu'il se passe, au niveau du transit éthiopien, d'une part, et au niveau du transit, d'autre part, est remarquable. Pour autant, les mouvements de bateaux par heure restent évidemment en-deçà des standards internationaux. Nous sommes de surcroît très intéressés par le développement du port de Doraleh : nous serons le cas échéant prêts à étudier l'éventualité d'y effectuer des escales.

En Ethiopie, nous n'avons pas le droit d'exercer notre métier en notre nom propre. Nous sommes donc représentés par un tiers, avec un certain succès. En ce qui concerne le Soudan, je dois vous dire que nous avons été très déçus par les perspectives de développement dans ce pays. Le futur River Bank de Khartoum, les perspectives attendues en termes d'investissement ne sont pas du tout en relation avec l'état de Port Soudan. En effet, nous ne parvenons pas à faire escaler nos bateaux dans ce port, et je dois vous dire que je ne comprends pas pourquoi ce pays n'a pas tenté de mieux accueillir les bateaux de marchandises. Je m'interroge réellement sur l'intérêt que porte le Soudan à ses infrastructures portuaires.

V. L'exemple de Meilland International

Jean DYENS

Meilland est un spécialiste de la rose, nous réalisons un chiffre d'affaires de 50 millions d'euros. Nous nous sommes récemment implantés en Ethiopie, en développant des plants rosiers et en vendant nos plantes. Nous réalisons, dans ce pays, un chiffre d'affaires de trois millions d'euros. Mon rôle a été de contacter les investisseurs locaux, puis de réaliser les transferts de technologies aux projets développés.

Ce pays présente pour nous plusieurs avantages :

• Le climat est exceptionnel là où nous sommes implantés. Sur les hauts plateaux, la pluviométrie est très bonne.
• Le Gouvernement nous a apporté une aide essentielle. Nous n'avons jamais bénéficié d'une telle aide dans les autres pays où nous sommes présents.
• Il existe une association des horticulteurs éthiopiens, qui permet des échanges entre notre industrie et le Gouvernement.
• Les Ethiopiens s'intéressent à notre industrie ; la main d'oeuvre est très motivée, ce qui nous incite encore plus à opérer des transferts de technologie.
• L'Ethiopie est caractérisée par une absence complète de corruption.
• La sécurité des biens et des personnes y est réelle.

J'ai été moi-même tenté d'investir, en mon nom propre, dans ce pays. J'ai donc investi trois millions d'euros dans une ferme en Ethiopie, et cet investissement s'est déroulé dans d'excellentes conditions.

Conclusion

Anthony BOUTHELIER
Président délégué du CIAN

Nous avons assisté à l'ouverture de potentialités nombreuses dans le cadre de ce colloque, et cette conclusion doit, en fait, constituer une ouverture sur de nouveaux développements. Pour que le développement soit de mise, la création de richesse doit être au rendez-vous. Les entreprises sont les véritables créatrices de richesse, et sont donc des praticiens du développement. Elles savent « ce qui marche » : il faut une bonne osmose entre un secteur privé dynamique, et un Etat de droit fort. Je souhaite donc que chacun ait à l'esprit que les entrepreneurs sont des gestionnaires de risque ; ils ont besoin de visibilité, donc d'un Etat de droit. Il est à noter enfin que ces risques à gérer vont forcément de pair avec de bonnes affaires à réaliser.

Au début du déjeuner offert par le Président du Sénat dans les Salons de Boffrand, M. Louis Duvernois, président du groupe interparlementaire France - Pays de la Corne de l'Afrique, a prononcé l'allocution suivante :

Louis DUVERNOIS.

Mme et MM les Ambassadeurs,
Chers Collègues,
Mmes, Messieurs,
Chers amis,

Rassurez-vous, après nos travaux de ce matin, je ne vais pas vous imposer un nouveau discours !

Je voulais simplement vous remercier d'avoir participé nombreux à cette rencontre, qui concrétise une fois de plus l'attachement que le Sénat porte à la Corne de l'Afrique.

Je veux aussi saluer nos partenaires, qui se sont donné du mal pour le succès de notre colloque : UbiFrance, bien sûr, mais aussi le Medef international, le Comité français des investissements en Afrique (CIAN) et le Forum francophone des Affaires.

Cette synergie montre qu'en matière internationale aussi, le Sénat peut faire avancer les choses, fédérer des projets et faciliter les initiatives.

Nous avons travaillé de concert avec tous les ambassadeurs concernés, que je tiens à remercier ainsi que leurs collaborateurs.

Le temps n'est plus à la diplomatie de façade ! Aujourd'hui, les diplomates s'investissent activement dans les échanges économiques et les relations commerciales. Le monde des affaires leur doit souvent beaucoup, et leur apport est bien réel, même s'il se veut discret.

Comme l'a indiqué ce matin le Président Poncelet, l'idée de ce colloque est né lors d'une rencontre du groupe d'amitié France-Pays de la Corne de l'Afrique avec nos Conseillers du commerce extérieur, dont on ne dira jamais assez le dévouement au service des intérêts économiques français.

Vous le savez, depuis trois ans, notre groupe sénatorial ne chôme pas : nous multiplions les rencontres à Paris, et nous nous sommes déjà rendus à Djibouti, en Érythrée, et Éthiopie et au Soudan. Dès que possible, nous comptons aussi aller en Somalie.

Pour ma part, je suis heureux que ce groupe contribue au développement de notre coopération avec la Corne de l'Afrique, zone importante à beaucoup de points de vue, et où l'influence française gagnerait à être consolidée et renforcée.

C'est d'ailleurs le principal message que nous devons tirer de cette matinée : au-delà des enjeux industriels et commerciaux, les États de la Corne de l'Afrique sont des pays amis qui, dans beaucoup de domaines, expriment une forte « demande de France ».

Ne les décevons pas !

A notre tour, soyons envers eux porteurs d'un message de considération et de soutien dans leur marche vers plus de stabilité, plus de développement économique et plus de démocratie.

Merci de votre attention ; à tous, je souhaite un agréable déjeuner.