Les standards de la consommation en Roumanie

Yann BURNEL
Secrétaire général du projet Dacia,
Direction des opérations internationales de Renault

Standards et consommation sont deux mots qu'il est difficile d'associer, compte tenu de leurs définitions respectives. Dans une société en pleine mutation comme celle de la Roumanie, je préfère parler de niveaux de consommation, pour l'automobile notamment.

Je voudrais ce matin traiter trois questions : celle du cadre, celle de l'attitude du consommateur roumain dans ce nouveau contexte et, enfin, celle de la place du secteur automobile.

Le nouveau contexte économique

La Roumanie a connu un véritable bouleversement, vraie révolution de la consommation. Ainsi, le taux de motorisation a doublé en 10 ans, pour atteindre 125 pour mille aujourd'hui contre 55 pour mille en 1989. Cette évolution de l'environnement n'est pas sans conséquences. Nous relevons notamment :

· des conséquences positives, comme le retour à la propriété, la possession de son logement et la fin de la pénurie -nous sommes d'ailleurs parvenus à une situation de sur-offre ;

· des conséquences négatives, comme la dégradation du pouvoir d'achat, qui est de facto faible, et l'incertitude du lendemain. En outre, le système bancaire semble vulnérable.

Le comportement des consommateurs

Il existe, à mon sens, trois attitudes possibles :

· La survie, pour s'assurer un niveau de vie décent

Ce choix implique que l'on retrouve des pratiques anciennes, héritées du communisme. Ainsi, dans certaines circonstances, on assiste à un retour aux solidarités traditionnelles, et notamment familiales.

· La défiance

Les Roumains ont été affectés par différents maux comme la crise bancaire ou les problèmes des médias. Par conséquent, le consommateur ne peut acheter spontanément nos produits. Il importe donc que nous le convainquions.

· La valorisation des produits d'origine européenne

Je ne m'étends pas sur cette question qui, somme toute, est extrêmement classique.

La Roumanie est le quatrième pays en termes de population dans les PECO. Cette population est jeune et éduquée. A mon sens, une typologie des consommateurs peut être faite selon les termes suivants :

· les consommateurs primaires, 35 % du total, qui sont exclus de la consommation -il faut donc satisfaire leurs besoins primaires comme le logement et la nourriture ;

· la classe intermédiaire demandeuse d'automobiles, d'électroménager, d'équipement hi-fi, soit 45 % de la population ;

· les nantis qui représentent 20 ou 25 % de la population -les critères marketing habituels sont inapplicables au sein de cette population.

La place du secteur automobile au sein de l'économie roumaine

Pour parler de mon secteur, sachez que le marché de l'automobile s'est ouvert au cours des dernières années, avec de nouveaux entrants (dont le Coréen Daewoo) et le développement des importations de véhicules d'origine occidentale. Les Roumains ont des goûts proches des nôtres mais il existe un fossé entre leurs aspirations et leurs moyens. Jadis, le pays était fermé et chacun possédait une Dacia. Aujourd'hui, nous mettons donc l'accent sur les services et les offres complémentaires.

A ce jour, les deux constructeurs nationaux occupent 70 % du marché. Leurs véhicules coûtent entre 3 000et 9 000 dollars. Ils sont donc prioritairement destinés à la classe moyenne. La part des véhicules importée, cependant, est passée de 4 à 17 %. Ces chiffres témoignent de la formidable évolution de ce marché, évolution qui devrait s'accélérer avec l'ouverture du marché commun à la Roumanie.

Je voudrais vous poser une question sur la répartition des consommateurs : vos chiffres m'ont surpris. Si les 35 % d'exclus de la consommation ne constituent pas une surprise, je m'étonne de ce que seuls 40 % d'une classe intermédiaire puisse s'acheter une voiture... Est-ce à dire que l'économie parallèle est omniprésente ?

Yann BURNEL

Dans mes chiffres, le terme de nanti doit être relativisé. Les exclus ne peuvent rien acheter avec 1 dollar par jour, ce qui correspond pourtant au montant de leur revenu. Les autres catégories relèvent d'une consommation réelle ou potentielle. Ces populations peuvent donc avoir accès à certains biens, comme la télévision. Ces estimations, en outre, me sont purement personnelles. Toutefois, en faisant jouer la solidarité familiale, les personnes parviennent à réunir les fonds nécessaires. D'ailleurs, 86 % des véhicules sont achetés comptant.