Table des matières


Groupes sénatoriaux d'amitié
France-Roumanie
et France-Moldavie

LA ROUMANIE, LA MOLDAVIE

ET L'EUROPE

ACTES DU COLLOQUE

DU 21 JUIN 2000

Sous le haut patronage de :

Christian PONCELET , Président du Sénat

Jean-Daniel GARDÈRE , Directeur Général du Centre Français du Commerce Extérieur

et sous l'égide de :

Henri REVOL , Président du groupe sénatorial d'amitié France-Roumanie
Mme Josette DURRIEU , Présidente du groupe sénatorial d'amitié France-Moldavie

en présence de :

Nicolae TABACARU , Ministre des Affaires étrangères de Moldavie

Olivier RÉMOND , Conseiller économique et commercial àBucarest

- SERVICE DES RELATIONS INTERNATIONALES DU SÉNAT -

La Roumanie, la Moldavie
et l'Europe

Colloque organisé par la Direction des Relations Internationales du Sénat et le Centre Français du Commerce Extérieur

Ce colloque est placé sous le haut patronage de Christian PONCELET, Président du Sénat, et de Jean-Daniel GARDERE, Directeur général du Centre Français du Commerce Extérieur, et sous l'égide d'Henri REVOL, Président du groupe sénatorial d'amitié France-Roumanie et Josette DURRIEU, Présidente du groupe sénatorial d'amitié France-Moldavie.

Allocution d'ouverture

Christian PONCELET
Président du Sénat

Messieurs les Ministres, Madame et Messieurs les Présidents des groupes sénatoriaux d'amitié, mes chers collègues, Messieurs les Ambassadeurs, Excellences, Mesdames et Messieurs, je suis heureux de vous accueillir aujourd'hui au Sénat, en ma qualité de Président, pour ce nouveau colloque Sénat/ CFCE, consacré à la Roumanie et à la Moldavie. Je salue d'ailleurs la présence des représentants de ces deux pays. Roumanie et Moldavie sont nos deux soeurs latines de cette partie de l'Europe. Ce sont deux pays francophiles et francophones. Soyez donc les bienvenus au Sénat. Je forme le voeu que vous gardiez de bons souvenirs de nos travaux. Je voudrais tout de suite remercier Madame Durrieu et Monsieur Revol, Présidents des deux groupes d'amitié sénatoriaux, et saluer une nouvelle fois le CFCE.

Une politique sociale ambitieuse ne peut être menée sans politique économique. Il faut, en effet, que l'arbre donne des fruits. L'initiative du CFCE, en partenariat avec le Sénat, est donc importante. Je rappelle, en outre, que seul le Sénat représente les Français implantés à l'étranger, qui travaillent également pour l'économie de leur pays de résidence.

La Roumanie et la Moldavie, parmi les PECO, sont sans doute les pays qui ont éprouvé le plus de difficultés à sortir de la sphère soviétique et de son héritage. Vos pays, à vocation agricole, avaient effectivement été orientés vers l'industrie lourde, ce qui fut certes synonyme de compétences mais également de déstructurations des économies locales. Depuis la révolution de 1989 et l'indépendance de 1991, un régime de transition progressive, et non une thérapie de choc, a été choisi par les gouvernements successifs de ces pays. Cette transition a respecté le tissu social et économique des pays. Mais elle a également eu pour conséquence une croissance particulièrement lente à décoller, une inflation élevée et un endettement lourd.

Par ce colloque, nous voulons renforcer les courants d'échange et d'investissement entre la France, la Roumanie et la Moldavie. La France est le 4 ième partenaire commercial de la Roumanie et le 6 ième de la Moldavie. La France, de surcroît, est le pays qui investit le plus dans ces régions. Encore faut-il faire davantage. Nous n'avons donc pas à rougir de nos positions mais s'il est possible de faire mieux. Depuis de nombreuses années, des entreprises françaises sont présentes en Roumanie (automobile, banque, BTP...).

Je remercie d'ailleurs les représentants des entreprises présents ce matin. Dans bien des cas, l'implantation en Roumanie doit permettre aux entreprises de se tourner vers la Moldavie. Je vous invite à vous exprimer librement sur ces deux marchés, pour nous dire vos sentiments, le tout avec courtoisie, bien entendu. Parlez-nous également des obstacles qui existent dans ces pays et qui entravent un développement accru de nos relations économiques et commerciales. Je vous le rappelle : nos travaux sont aussi l'occasion de faire progresser toutes les parties, pour l'investisseur comme pour les intervenants locaux et les populations. La présence d'une entreprise française dans l'un de vos pays doit être, par exemple, l'occasion d'améliorer les conditions de vie des populations.

Sachez que je suis très attaché à la Roumanie et à la Moldavie. Un des lycées de ma petite ville est par exemple jumelé avec un établissement moldave. Une part d'affection joue donc ! Nos trois pays sont, en outre, membres actifs de la francophonie, mouvement présidé par l'ancien Secrétaire général des Nations Unies, Monsieur Boutros Boutros-Ghali. Nous avons, par conséquent, une certaine vision commune du monde et de l'homme, le seul combat qui vaille.

Depuis la décision du Conseil d'Helsinki, de décembre 1999, la Roumanie aborde les négociations d'adhésion à l'Union Européenne. La Moldavie, pour sa part, s'y prépare dans le cadre d'un accord de partenariat et de négociation, signé en 1998. Ce sont là des signes tangibles de leur vocation européenne évidente. Je suis convaincu que vos deux pays réussiront les réformes économiques entamées avec courage, comme vous avez mis en place la démocratisation et la stabilisation de vos relations avec vos voisins, en dépit d'un environnement peu favorable. Puisse ce colloque permettre une meilleure compréhension entre nos pays et un renforcement de nos liens, sur tous les plans. Je me félicite à ce propos de la participation de Ministres roumains et moldaves.

Je forme des voeux de plein succès pour nos travaux. Encore merci de votre attention.

Monsieur SEZESTRE

Monsieur le Président, Excellences, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, Mesdames et Messieurs, l'organisation de cette manifestation par le CFCE implique deux partenaires privilégiés : le Sénat et notre Poste d'Expansion Economique représenté par Olivier Rémond. Je salue également les personnalités présentes et les entreprises invitées.

Après l'intervention du Ministre des Affaires Etrangères de Moldavie, nous reprendrons nos débats, en abordant trois grands thèmes : la Roumanie et l'Europe, les perspectives du marché roumain, et comment s'implanter en Roumanie. Cet après-midi, nous évoquerons plus particulièrement la Moldavie. Enfin, deux tables rondes seront organisées.

Bon séminaire à tous. J'espère que nos travaux seront riches d'enseignements !

Un pays d'avenir

Nicolae TABACARU
Ministre des Affaires étrangères de Moldavie

Je voudrais avant son départ remercier le Président Poncelet pour son intervention, un discours encourageant et qui fait naître quelques émotions chez nous !

Monsieur le Président, Monsieur le Directeur, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, Mesdames et Messieurs, je suis très heureux d'être ce matin votre invité. Merci donc aux organisateurs de cette rencontre. Merci pour l'intérêt que vous témoignez au développement économique de mon pays.

La Moldavie est située à un carrefour de voies économiques et commerciales, entre l'Europe occidentale et l'immense marché de l'Est. En outre, le pays constitue un pont pour les relations commerciales entre l'espace balkanique, celui du bassin de la Mer Noire et les pays nouvellement indépendants. Depuis l'indépendance, nous avons choisi l'économie de marché. Les réformes dépendent en grande partie des investissements étrangers : nous avons donc estimé qu'il était nécessaire de préciser le cadre législatif. En 1992, nous avons par exemple adopté une loi relative aux investissements étrangers. Ce texte est favorable car il prévoit des avantages fiscaux et l'égalité de traitement entre les entreprises moldaves et non-moldaves. Pour la France, il existe, en outre, un accord bilatéral relatif à la protection des investissements. Toutes ces qualités font de la loi moldave sur les investissements, de l'avis de tous les experts, l'une des plus justes existant dans l'espace européen. Des lois existent également sur la franchise, les faillites, les terres, la propriété. Au total, 13 lois réglementent l'économie nationale.

Il fallait prendre d'autres réformes -je pense ici à la réforme agraire, à la libéralisation des prix, au développement du systèmes bancaire...- afin de favoriser la naissance d'un climat favorable aux investissements. C'est aujourd'hui chose faite. En effet, à ce jour, 63 pays sont présents sur notre territoire. Les entreprises de Russie, des Etats-Unis, d'Allemagne, d'Italie et autres sont extrêmement actives.

Cependant, la France occupe certainement une place à part dans la modernisation de notre économie nationale. Votre pays investit 200 millions de francs, pour devenir le troisième investisseur en Moldavie, derrière les Etats-Unis et la Russie. Toutes les conditions sont réunies pour qu'elle occupe bientôt la première place. Les investissements français représentent 17 % des investissements européens.

J'ajoute que les relations entre nos deux pays se renforcent. Fin 1998, la France était le 5 ième investisseur étranger. En 2000, elle occupe la troisième place. En janvier 2000, nous comptions ainsi 22 sociétés moldavo-françaises. Je citerai ici les investissements ou les projets de France Telecom, de Lafarge, de CF Energie du groupe Alstom... J'espère que ces exemples seront suivis.

Par ailleurs, la privatisation se poursuit en Moldavie. D'autres secteurs d'intérêt peuvent donc apparaître pour les investisseurs français. Je pense notamment aux plus importants secteurs économiques du pays : l'agriculture, les machines agricoles, l'équipement médical, l'énergie, les télécommunications, l'industrie du tabac et de la vinification... En outre, la Moldavie compte des entreprises de haute technologie et de main d'oeuvre qualifiée, qui faisaient jadis partie du complexe militaire de l'Est. Ces technologies performantes, y compris pour l'espace, connaissent actuellement une réorientation.

Concrètement, tout n'est pas encore valorisé. Les potentiels demeurent donc. D'autant que les échanges commerciaux ne sont pas encore à la hauteur des investissements français en Moldavie. Reste que nos Etats manifestent la volonté politique d'approfondir nos relations. Le Président Chirac s'est rendu en Moldavie, le Président moldave est venu en visite officielle à Paris. Ces relations devraient être facilitées par l'intégration de notre pays en Europe. Lors de la présidence française, nous espérons d'ailleurs que notre participation au pacte de stabilité sera officialisée.

Pour conclure, je voudrais remercier une nouvelle fois le Sénat et le CFCE, pour leur importante initiative. J'espère que notre coopération, en ce jour de fête de la Musique, se développera aussi bien qu'un orchestre piloté par notre francophonie commune, notre amitié et notre volonté d'aller de l'avant.

La Roumanie et l'Europe

Les perspectives économiques et commerciales de l'adhésion de la Roumanie

Olivier REMOND
Conseiller économique et commercial à Bucarest

Les perspectives économiques et commerciales ne constituent pas une question abstraite. En effet, les négociations engagées à ce jour ont un impact sur les échanges économiques et la vie des entreprises qui commercent à partir du pays ou qui veulent s'y implanter. Les discussions ont commencé en février. Sur 30 chapitres, cinq ont déjà été ouverts, notamment celui des relations économiques internationales. La négociation, sur ces cinq chapitres, est d'ailleurs close. Plusieurs chapitres devraient être ouverts durant la présidence française, dont le dossier des télécoms, celui de la concurrence, du droit des sociétés. Bref, le mouvement d'adhésion à l'Union va faire évoluer votre stratégie.

Sur le plan de la méthode, je vous indique que vous disposez de nombreux documents. Vous trouverez ainsi, dans les dossiers qui vous ont été remis, chiffres et données statistiques. Ces données ont notamment été recueillies sur Internet, outil qui permet de mettre à jour les informations. La lettre d'intention des autorités roumaines au FMI a également été incluse dans vos dossiers.

L'économie roumaine : une situation contrastée
Un retour difficile et progressif à la croissance

La Roumanie a connu une transition qui s'est traduite par une récession au cours des trois dernières années, avec une baisse du PNB de 15 à 20 % et une stagnation de l'activité économique si l'on inclut l'économie parallèle. En revanche, pour l'année 2000, la donne s'améliore. On prévoit ainsi une croissance de 1 à 2 % par an. Les exportations sont, par exemple, bien orientées et constituent un moteur de la croissance. Les équilibres financiers sont de plus en plus maîtrisés -de gré ou de force pourrait-on dire- suite aux actions des organisations internationales sur le déficit budgétaire (désormais limité à 3 % comme pour les pays membres de l'Union) et le déficit courant.... Si tout se passe bien, le pays devrait donc retrouver une croissance relative. Subsiste un point noir : l'inflation qui avoisine 25 ou 30 % annuellement. Mais, en la matière, la tendance est également positive.

La mise en oeuvre de réformes favorisant le désengagement de l'Etat

Le rythme des réformes en Roumanie appelle plusieurs commentaires. L'on dit souvent que les réformes se mettent lentement en place. Il s'agit certes d'un point de vue. Cela dit, depuis plusieurs années, les réformes finalisées sont nombreuses, notamment dans le secteur bancaire. Le système bancaire est, en effet, en voie de privatisation et d'assainissement, si bien qu'en quelques années, ce système, auparavant fragile comme dans les autres pays de la zone, a retrouvé un certain dynamisme. Les privatisations sont également synonymes d'opportunités, pour l'énergie par exemple.

Toutefois, les réformes sont quelque peu grevées par l'instabilité législative des dernières années. Nous espérons cependant que le dernier système adopté sera le bon, ou tout au moins qu'il sera suffisamment stable pour que les règles du jeu puissent à leur tour se stabiliser à moyen terme. Force est de constater que l'application de la législation roumaine, en dépit des compétences des avocats, est pour le moins malaisée du fait de ces changements incessants. Il en va d'ailleurs de même pour la fiscalité.

Les atouts du marché roumain
Une identité européenne

A de nombreux égards, la Roumanie est déjà un pays européen. A ce jour, 60 % des échanges de la Roumanie s'effectuent avec l'Union européenne. Deux partenaires sont particulièrement importants : l'Italie, qui réalise plus de 20 % des échanges, et l'Allemagne. La France, en 1999, était le troisième partenaire du pays. Pour l'année 2000, la place de la Russie s'accroît mais ce changement tient essentiellement à la hausse des prix de l'énergie (pétrole et gaz). En dehors de ces aspects, la Russie a quasiment disparu du paysage. Il s'agit là d'une différence entre notre situation et celle de la Moldavie. Nous pourrons y revenir ultérieurement. La Turquie, pour l'année 2000, est le troisième client de la Roumanie. De même, la Grèce investit largement.

Un champ de développement pour les entreprises françaises

Les investissements français sont, pour leur part, très divers et concernent par exemple l'agriculture, l'automobile. Cela dit, les grands Groupes sont encore moteurs. Il faut espérer que les succès des industries françaises en Roumanie inspirent les petites et moyennes entreprises. En 2000, d'autres investissements sont prévus : celui de Vivendi, qui a récemment remporté la concession des eaux de Bucarest, pour ne citer que ce seul exemple. Par ailleurs, un accord de coopération entre l'Union et la Roumanie est entré en vigueur en 1995. Les droits de douane sur les produits industriels sont donc désormais compris entre 5 et 7 % seulement.

S'agissant des infrastructures, nombre de projets ont été amorcés ; ils pourront être remodelés dans le cadre du pacte de stabilité. La Roumanie est un gros consommateur de financements multilatéraux -1,5 milliard d'euros par an : 650 millions de l'Union, 400 millions d'euros de la BEI, notamment dans les transports (route, chemin de fer et infrastructures aériennes), interventions de la BERD, de la Banque Mondiale, auxquels il faut ajouter les financements multilatéraux...

Notons que la Roumanie est le deuxième pays d'intervention pour la BERD, derrière la Russie. Quoi qu'il en soit, cet ancrage des financements multilatéraux est très important.

La présence française en Roumanie est donc diverse, mais concentrée essentiellement sur Bucarest. Pourtant, d'autres zones sont prometteuses : Alcatel est, par exemple, implantée à Timisoara depuis près de 10 ans. Selon vos activités, n'hésitez donc pas à étudier les différentes régions, surtout si la production en Roumanie constitue une solution pour votre entreprise. Une des tables rondes reviendra d'ailleurs sur ce thème, tandis que la seconde sera consacrée à la vente en Roumanie.

La Roumanie a certes une vocation européenne mais plusieurs années d'effort sont encore nécessaires pour parvenir à une certaine convergence en termes de pouvoir d'achat.

Les instruments communautaires de pré-adhésion : Phare, Ispa et Sapard

Eda FABRO-FUAD
Attachée commerciale, Cellules entreprises et coopération, représentante permanente de la France auprès de l'Union Européenne

Nous venons de mentionner l'importance de l'aide communautaire. Cette aide est effectivement lourde et très diversifiée. Je voudrais, ce matin, vous parler des trois instruments les plus utilisés en Europe de l'Est, pour que les pays de cette zone atteignent le niveau d'intégration à l'Union, le moment venu.

Le programme Phare est né en 1989. Depuis deux ans, pour les 10 pays concernés par les négociations d'Union, Phare a un rôle de pré-adhésion. Deux nouveaux programmes présentent un caractère structurel : Ispa concernant les infrastructures de transport et environnement et Sapard relatif au développement rural.

Quels sont les moyens alloués à ces instruments de pré-adhésion ? Au total, les aides communautaires représentent 10,5 milliards d'euros, sur plusieurs années. L'aide à la Roumanie, pour sa part, se chiffre entre 600 et 660 millions d'euros par an.

Ces programmes sont fondés sur des objectifs répondant aux critères de Copenhague. Les priorités des programmes tiennent compte de documents de base qui serviront de guides de la programmation : partenariat pour l'adhésion, plan national d'adoption de l'acquis, plan de développement national, stratégies de développement des transports et environnement, plan national de développement rural.

Le programme Phare

Le programme Phare est composé de la manière suivante : programme national, programme(s) de coopération transfrontalière et programme multi-pays, auxquels s'ajoute l'aide Phare de participation aux programmes communautaires. Je parlerai, ce matin, uniquement du programme national. Les programmes multi-pays, qui correspondent à des thèmes horizontaux, sont les plus importants en volume. Ils portent notamment sur les douanes et les statistiques.

Le Comité de Bruxelles étudiera demain les propositions du programme national pour la Roumanie. Des enveloppes budgétaires ont donc été proposées. Le programme Phare comporte deux volets, l'investissement et l'institutionnel. Le montant total alloué au volet investissement s'élève à 147,01 millions d'euros, contre 67,95 millions pour l'institutionnel, qui prend souvent la forme de jumelages. Dans certains cas, un conseiller pré-adhésion est détaché auprès du pays bénéficiaire. La France participe dans ces conditions à 14 actions de jumelage en Roumanie. D'une manière générale, la proportion entre investissement et institutionnel est variable.

Les aides du programme Phare correspondent à des subventions. Elles sont donc non remboursables. Des allocations budgétaires annuelles sont également prévues et des cofinancements sont possibles.

Le programme Ispa

Le programme Ispa concerne des projets d'infrastructures supérieurs à 5 millions d'euros. Le financement communautaire peut atteindre 75 % des dépenses publiques. Le fonctionnement d'Ispa est similaire à celui des fonds de cohésion. Le pays bénéficiaire doit donc instaurer une agence locale. Le tout est supervisé et contrôlé par la délégation de l'Union sur place mais aussi par Bruxelles.

Le programme Sapard

Le programme Sapard a pour objectif l'aide à l'obtention de l'acquis, dans le domaine agricole. Les actions Sapard sont très diverses : investissements agricoles, contrôle qualité, normes, refonte des registres fonciers, conservation du patrimoine, achat d'équipement, développement privé, assistance technique, études... Là encore, le financement peut atteindre 75 %. Si le projet est destiné à la production de revenus de la part d'une entreprise privée, le plafond de 75 % sera atteint si les fonds publics ne dépassent pas 50 % du coût global de l'investissement. Sachez également que la gestion de Sapard est décentralisée, comme pour le FEOGA. Enfin, une agence nationale de développement rural sera créée sur place.

A ce jour, seuls quatre grands projets ont été adoptés dans le cadre d'Ispa mais le prochain Comité devrait examiner des projets présentés par la Roumanie. Il s'agit de huit projets d'infrastructures routières et de deux projets environnementaux. Ces programmes sembleraient éligibles. Les propositions de programme seront présentées à la Commission pour validation. Un comité de gestion, constitué des 15 Etats membres, étudie également ces dossiers. La mise en oeuvre des programmes est de plus en plus déconcentrée car les pays doivent être dotés de structures nécessaires à l'application desdits programmes.

Je vous indique, par ailleurs, que le Commissaire Patten a annoncé une réforme des règles de passation des marchés. En tout état de cause, les règles de passation ne seront pas totalement uniformes.

Enfin, sachez qu'une bonne partie de l'aide, pour le développement et l'aide aux PME -aux entreprises privées en général- ira au développement régional. Par ailleurs, un programme multilatéral permet à la Commission de finaliser les possibilités d'obtention de facilités pour les PME. Ces facilités prennent la forme de micro-crédits à taux bonifiés, mis en place de concert avec la BERD.

La cellule Entreprises et Marché est à votre disposition pour vous aider dans vos démarches locales, après le lancement d'appels d'offres lors de la recherche de partenaires. En outre, la cellule de Bucarest est également une source d'appui et d'information.

Perspectives du marché roumain

Les nouvelles tendances de l'industrie roumaine

François BENOIT
Directeur du centre français de Timisoara

Ce centre culturel travaille pour l'Ambassade et doit être le relais de la France dans la zone Ouest du pays, près de la Hongrie, pays très actif au plan économique. Timisoara compte 500 000 habitants tandis que la ville d'Arad en compte 200 000. L'Ouest du pays dispose de deux aéroports internationaux. Ainsi, il existe depuis deux mois un vol direct Paris, Timisoara et Bucarest. Nous rencontrons donc de plus en plus de Français dans notre région.

Depuis 18 mois, j'ai constaté que des entreprises faisant de l'assemblage, comme Salomon, demandent à leurs sous-traitants de produire leurs matières premières dans cette région. Les visites d'entreprises françaises sont donc fréquentes. Dans notre région, nous comptons également avec une entreprise textile, qui travaille avec les sous-traitants locaux. De plus, cette zone est proche de la Hongrie et de l'Autriche qui offrent de nombreuses perspectives. A court terme, une autoroute à 4 voies devrait relier Timisoara à une ville hongroise. Des entreprises peuvent donc souhaiter faire de cette zone leur plate-forme pour la région, comme l'ont déjà fait Cora et Norbert Dentressangle qui ont, il y a peu, construit un site sur place. La région de Timisoara doit donc permettre à de nombreuses entreprises de pénétrer le marché roumain, voire les autres marchés régionaux, y compris la Yougoslavie. J'ajoute que, suite aux implantations d'Alcatel, des entreprises high tech s'installent à leur tour dans cette région.

Face à ce développement récent, nous avons créé un club d'entreprises qui organise des réunions mensuelles. Nous avons ainsi travaillé, en juillet, sur les injections plastiques, afin que les entreprises puissent parfaire leurs connaissances quant au marché, aux découchés, aux concurrents...

Vous trouverez dans vos dossiers un résumé, ou Focus, réalisé par Bucarest Business. Le nom des entreprises françaises installées à Timisoara y est consigné.

Le potentiel du secteur informatique et des télécommunications

Vlad TEPELEA
Directeur Général d'Algoritma et Président de l'Association nationale des entreprises de software (ANIS)

Je suis très heureux et honoré de cette invitation. Je salue d'ailleurs les organisateurs de notre rencontre, le CFCE, le Sénat et Monsieur Rémond. Je suis, en outre, très heureux de pouvoir m'exprimer en français !

Le secteur informatique et des télécommunications me semble viable dans nos deux pays, ce pour trois raisons :

· le développement de la société de l'information est une priorité ;

· l'ANIS considère que la clef de voûte de ce développement est l'industrie du logiciel ;

· le secteur est florissant.

En outre, compte tenu de nos affinités, de notre prochaine adhésion à l'Union et de la position de la France en Roumanie, je vous propose de penser à la création d'un pôle informatique puissant en Roumanie et en Moldavie.

Environnement de l'informatique et des télécommunications

La croissance des dépenses en informatique et télécommunications est réelle en Roumanie. Cela dit, la part du PIB consacrée à ce secteur est encore peu élevée, puisqu'elle avoisine les 20 dollars par habitant en 1997. Le taux de pénétration des lignes téléphoniques terrestres est de 18 %, contre 6 % pour les mobiles. La pénétration de l'Internet, en chiffres absolus, est certes limitée en Roumanie mais la dynamique est réelle. Si nous affichons le taux de pénétration le plus faible de la zone, devant l'Albanie, notre taux de croissance est cinq fois supérieur à ceux des pays voisins. En revanche, les Roumains sont relativement bien équipés en PC, surtout dans les entreprises. J'ajoute que l'intérêt des sociétés étrangères pour acheter des ISP en Roumanie est croissant. Notre pays est également celui où le taux de câblage est le plus élevé, si bien que le taux de pénétration de la télévision dans les ménages est de 39 %.

L'industrie des services informatiques et des logiciels représente 1 200 milliards de lei, selon une étude réalisée par le cabinet Pierre Audoin Conseil. Nous comptons 1 200 sociétés de services environ, et 13 000 informaticiens. Le revenu per capita et per anum dans cette industrie est de 10 400 dollars, pour l'année 1998. J'ajoute que les chiffres de l'étude de ce cabinet sont maintenant doublés par d'autres chiffres, issus de différentes études. S'agissant du e-commerce, toutes les estimations ont été dépassées, et largement. La réalité a été trois fois plus élevée que la prévision. Le commerce électronique commence à exister dans notre pays, comme celui de RTC Office. Comme ailleurs, le paiement électronique reste à préciser, d'autant qu'une législation adaptée est en cours de discussion au Parlement. Je remarque incidemment que le Parlement, en 1997, a rejeté une loi sur le paiement électronique. D'où notre retard actuel, alors que nous étions, à cette époque, en avance.

Un facteur s'avère particulièrement favorable pour le commerce électronique : il s'agit de la croissance importante de l'usage des cartes de paiement électronique depuis 1999.

Le 15 mars 2000, dans une déclaration politique adressée à Bruxelles, la Roumanie a affirmé que la société de l'information était une véritable priorité.

L'ANIS

Cette association regroupe 60 sociétés environ, soit quelque 2 700 informaticiens. Nous coordonnons les entreprises fabricantes de logiciels. L'ANIS est une association professionnelle, qui vise à assurer un environnement favorable au développement des technologies de l'information notamment, et à freiner le départ de jeunes informaticiens roumains de talent. Nous tentons de privilégier une législation spécifique, le développement des infrastructures de communication...

En outre, notre organisation compte au nombre des membres de l'EISA, représentée à Bruxelles.

Un cas concret : Algoritma

Il s'agit d'une société dont l'activité, en tant que SII, a démarré en 1994. Aujourd'hui, nous avons diversifié notre gamme de services et offrons des logiciels, mais aussi des sites, de l'intégration de systèmes, des développements, dans les technologies mobiles, par exemple. Par ailleurs, nous sommes partenaires de Microsoft, d'IBM, d'Oracle...

G. Moisil, qui peut être considéré comme le père de l'informatique en Roumanie, disait, il y a 40 ans, que les individus bientôt seront divisés en deux catégories : ceux qui savent utiliser un ordinateur et les anciens.

Les standards de la consommation en Roumanie

Yann BURNEL
Secrétaire général du projet Dacia,
Direction des opérations internationales de Renault

Standards et consommation sont deux mots qu'il est difficile d'associer, compte tenu de leurs définitions respectives. Dans une société en pleine mutation comme celle de la Roumanie, je préfère parler de niveaux de consommation, pour l'automobile notamment.

Je voudrais ce matin traiter trois questions : celle du cadre, celle de l'attitude du consommateur roumain dans ce nouveau contexte et, enfin, celle de la place du secteur automobile.

Le nouveau contexte économique

La Roumanie a connu un véritable bouleversement, vraie révolution de la consommation. Ainsi, le taux de motorisation a doublé en 10 ans, pour atteindre 125 pour mille aujourd'hui contre 55 pour mille en 1989. Cette évolution de l'environnement n'est pas sans conséquences. Nous relevons notamment :

· des conséquences positives, comme le retour à la propriété, la possession de son logement et la fin de la pénurie -nous sommes d'ailleurs parvenus à une situation de sur-offre ;

· des conséquences négatives, comme la dégradation du pouvoir d'achat, qui est de facto faible, et l'incertitude du lendemain. En outre, le système bancaire semble vulnérable.

Le comportement des consommateurs

Il existe, à mon sens, trois attitudes possibles :

· La survie, pour s'assurer un niveau de vie décent

Ce choix implique que l'on retrouve des pratiques anciennes, héritées du communisme. Ainsi, dans certaines circonstances, on assiste à un retour aux solidarités traditionnelles, et notamment familiales.

· La défiance

Les Roumains ont été affectés par différents maux comme la crise bancaire ou les problèmes des médias. Par conséquent, le consommateur ne peut acheter spontanément nos produits. Il importe donc que nous le convainquions.

· La valorisation des produits d'origine européenne

Je ne m'étends pas sur cette question qui, somme toute, est extrêmement classique.

La Roumanie est le quatrième pays en termes de population dans les PECO. Cette population est jeune et éduquée. A mon sens, une typologie des consommateurs peut être faite selon les termes suivants :

· les consommateurs primaires, 35 % du total, qui sont exclus de la consommation -il faut donc satisfaire leurs besoins primaires comme le logement et la nourriture ;

· la classe intermédiaire demandeuse d'automobiles, d'électroménager, d'équipement hi-fi, soit 45 % de la population ;

· les nantis qui représentent 20 ou 25 % de la population -les critères marketing habituels sont inapplicables au sein de cette population.

La place du secteur automobile au sein de l'économie roumaine

Pour parler de mon secteur, sachez que le marché de l'automobile s'est ouvert au cours des dernières années, avec de nouveaux entrants (dont le Coréen Daewoo) et le développement des importations de véhicules d'origine occidentale. Les Roumains ont des goûts proches des nôtres mais il existe un fossé entre leurs aspirations et leurs moyens. Jadis, le pays était fermé et chacun possédait une Dacia. Aujourd'hui, nous mettons donc l'accent sur les services et les offres complémentaires.

A ce jour, les deux constructeurs nationaux occupent 70 % du marché. Leurs véhicules coûtent entre 3 000et 9 000 dollars. Ils sont donc prioritairement destinés à la classe moyenne. La part des véhicules importée, cependant, est passée de 4 à 17 %. Ces chiffres témoignent de la formidable évolution de ce marché, évolution qui devrait s'accélérer avec l'ouverture du marché commun à la Roumanie.

Je voudrais vous poser une question sur la répartition des consommateurs : vos chiffres m'ont surpris. Si les 35 % d'exclus de la consommation ne constituent pas une surprise, je m'étonne de ce que seuls 40 % d'une classe intermédiaire puisse s'acheter une voiture... Est-ce à dire que l'économie parallèle est omniprésente ?

Yann BURNEL

Dans mes chiffres, le terme de nanti doit être relativisé. Les exclus ne peuvent rien acheter avec 1 dollar par jour, ce qui correspond pourtant au montant de leur revenu. Les autres catégories relèvent d'une consommation réelle ou potentielle. Ces populations peuvent donc avoir accès à certains biens, comme la télévision. Ces estimations, en outre, me sont purement personnelles. Toutefois, en faisant jouer la solidarité familiale, les personnes parviennent à réunir les fonds nécessaires. D'ailleurs, 86 % des véhicules sont achetés comptant.

S'implanter en Roumanie

Investissement direct ou privatisation

Alin GIURGIU
Directeur général du Fonds de la propriété d'Etat

Je suis très honoré d'être parmi vous ce matin, en tant que francophile à défaut d'être parfaitement francophone ! Mon propos portera sur les privatisations en Roumanie.

Le rôle du fonds de la propriété d'Etat

Nous avons commencé le mouvement de privatisation en 1993 ; il concernait 9 600 entreprises d'Etat. A ce jour, nous comptons encore 2 500 entreprises d'Etat. Toutefois, nous prévoyons 348 liquidations, cette année. Selon nos prévisions, le mouvement de privatisation devrait s'achever en 2001. Le capital social à administrer est encore de 1,7 milliard de dollars. Nous devons, en outre, suivre 6 300 contrats de post-investissement.

Notre mission consistait, tout d'abord, à privatiser les entreprises d'Etat, pour créer une masse critique au niveau de la production privée en Roumanie. Je crois que nous avons atteint cette masse critique car les entreprises privées génèrent désormais 68 % du PNB. Notre seconde mission porte sur le marché du capital roumain. Nous avons ainsi participé au développement de la Bourse de Bucarest et de notre équivalent du Nasdaq : le Rasdaq.

Notre mission comporte également un volet régional : nous essayons d'attirer des investisseurs dans certaines régions : près de la Mer Noire -compte tenu de nos liens avec la Turquie-, dans la région des Balkans -compte tenu du pacte de stabilité-, dans la région du Danube, avec les Autrichiens, les Hongrois... Enfin, notre mission présente une dimension globale : nous essayons, via des investissements, de favoriser la globalisation. En effet, des entreprises roumaines participent aux échanges de produits et de services dans un cadre global.

La stratégie poursuivie

La rapidité d'exécution de notre projet est fondamentale. Nous n'avons pas privatisé immédiatement après la révolution de 1989, si bien que les entreprises supportent de lourdes dettes. C'est pourquoi, notre stratégie table sur un engagement total : dans la mesure du possible, nous tentons de privatiser, si ce n'est pas possible, alors nous n'avons d'autre choix que celui de liquider les sociétés. Un autre élément de notre stratégie consiste à élaborer une vision à long terme. Enfin, nous jouons sur les synergies.

Le nombre d'entreprises privatisées chaque année a augmenté depuis 1993, et ce même si nous n'avons pas engagé le mouvement par la privatisation des grandes entreprises. De même, l'augmentation du capital social traité chaque année est nette, et atteint 698,8 milliards de lei. Notons également la croissance exponentielle des investissements étrangers dans la privatisation roumaine : ils sont passés de 400 millions de dollars en 1997 contre 1 640 millions sur 1998/1999.

Cette année, s'agissant des privatisations, nous offrons différentes opportunités. Les transactions de l'exercice 2000 devraient représenter 1,6 milliard de dollars. Deux secteurs me semblent importants à l'heure actuelle : la banque et l'assurance. Pour ces secteurs, le projet Phare nous appuie dans le processus de privatisation, notamment pour la Roumanian Commercial Bank. Je vous signale également que notre conseil, dans cette opération, est Merryl Lynch. Nous bénéficions également de l'aide Phare pour la privatisation de l'ASTRAM. En outre, dans le cadre d'un programme avec la Banque Mondiale, deux privatisations sont prévues : Sidex, producteur d'acier sur le Danube, et Alprom, producteur d'aluminium. Dans ce dernier dossier, nous sommes conseillés par Paribas.

Dans certains cas, des sociétés d'Etat sont regroupées en pools. Tel est le cas dans l'industrie chimique et de fibres, ou l'équipement automobile. Pour certains de ces pools, la Société Générale est notre conseil. Nous avons parallèlement nos propres projets, comme Oltchem, dans le domaine de la pétrochimie, ou la privatisation de certains hôtels et villas sur la côte de la Mer Noire.

Je répondrai volontiers à vos questions. N'hésitez pas en outre à consulter notre site web (www.sof.ro) ou à consulter nos CD Roms.

Les critères de choix

Dana GRUIA-DUFAUT,
Avocat au barreau de Paris,
Avocat-Conseil de l'Ambassade de France en Roumanie,
Cabinet Bertagna-Gruia Dufaut

Je voudrais ce matin vous parler de la Roumanie et du choix à faire entre investissements directs et privatisations. Selon l'Agence Roumaine de Développement, 6,4 milliards de dollars avaient été investis dans le pays, à fin 1999. La France occupe la première place en termes de capitaux investis, pour un montant de 715 millions de dollars. France Telecom, Renault, la Société Générale et Lafarge sont en la matière les principaux intervenants. La France est suivie par les Pays-bas, les Etats-Unis et l'Allemagne. Par ailleurs, notre pays occupe la première place en termes de sociétés créées, avec 8 500 entités. Les types d'investissements étrangers en Roumanie, ce qui inclut les bureaux de représentation -contrairement à l'expression « investissement direct »-, renvoient aux filiales, aux succursales, aux sociétés mixtes...

Les bureaux de représentation ont un rôle sur le marché roumain, un rôle de VRP ou d'agent commercial. Ces bureaux ne peuvent normalement pas signer eux-mêmes des contrats... Les autorisations de fonctionnement sont généralement délivrées pour un an, et sont renouvelables. Les bureaux de représentation ont longtemps bénéficié d'une imposition favorable. Actuellement, ils sont soumis à l'impôt sur les sociétés, soit selon une grille du nombre de salariés, soit selon le revenu net, c'est-à-dire commissions de la société-mère moins les charges.

Les filiales et sociétés mixtes sont de formes diverses : SA (sachant que plus aucun capital minimal n'est exigé pour les investisseurs étrangers), Société à Responsabilité Limitée (SRL), société en nom collectif, en commandite simple ou par action. Les investisseurs étrangers choisissent souvent une SRL à associé unique, parfois la SA. Salomon, lors de son investissement en Roumanie, a choisi la solution de l'associé unique de SRL, comme Bouygues ou Guyomar par exemple.

Le second volet à prendre en compte est celui des privatisations. En août 1990, les unités de l'Etat sont devenues des régies autonomes, dans les secteurs stratégiques de l'Etat, ou se sont organisées en sociétés commerciales type SA ou SRL, destinées à être privatisées. Je constate d'ailleurs que les régies sont de plus en plus appelées à être privatisées, ainsi que nous le vérifions dans le domaine de l'électricité.

Les privatisations se sont intensifiées en 1995, suite au vote de la loi sur l'accélération de la privatisation. La population a reçu, en plus des certificats de 1991, des coupons nominatifs : l'on parle désormais d'actionnaires PPM. Nous avons donc assisté à une privatisation de masse, qui a concerné, dans certains cas, jusqu'à 60 % du capital. Même lorsqu'un acteur étranger est intéressé, l'Etat conserve toujours au minimum 51 % du capital. Tel fut le cas pour Romcin, avant l'opération de Lafarge. Romcin comptait d'ailleurs 10 000 à 15 000 petits actionnaires. Entre 1996 et 2000, les méthodes de privatisation furent la vente d'actifs et la vente d'actions. S'agissant de la vente d'actions, le Fonds de la Propriété d'Etat a privilégié la négociation directe puis d'autres procédures comme les enchères publiques, l'offre sur le marché, les offres publiques de vente... Par ailleurs, dans le cas de la vente d'actifs, le Fonds de la Propriété d'Etat a considéré certains actifs pour la privatisation mais aussi pour la liquidation.

Que choisir donc, investissement direct ou privatisation ? Toute solution a ses avantages et ses inconvénients. Longtemps, les privatisations ont souffert car les pouvoirs publics n'accordaient pas de garantie de passif. Désormais, cette garantie existe mais seulement pour le volet fiscal. Des sociétés, comme Lafarge ou la Société Générale, ont préféré travailler sur les privatisations afin de s'implanter plus rapidement sur le marché. En revanche, la création d'une société nouvelle a été privilégiée pour développer un nouveau marché. L'exemple de France Telecom avec Dialog, pour la téléphonie mobile, est à cet égard probant.

Comment améliorer l'environnement des affaires

Patrick de VALLOIS
Ex-délégué du groupe Rhône-Poulenc Roumanie
et ex-Directeur général de Rhodia Roumanie

Je suis très honoré de prendre la parole devant vous, après huit années passées en Roumanie. Nous nous sommes installés dans ce pays en adoptant une stratégie claire. Après 1989, nous voulions nous implanter très rapidement, d'où la création d'une structure en 1991. A moyen terme, nous avons créé une société commerciale. A long terme, le Groupe, correspondant au pôle chimie de l'ancien Rhône-Poulenc, entend sans doute pérenniser son investissement, notamment dans le domaine de la chimie de spécialité et les additifs pour l'agroalimentaire. Le moment venu, nous serons donc les partenaires idéaux.

Une volonté ferme

A défaut de répondre à la question posée, je vous ferai part de mon expérience. En 1989, nous faisions figure de pionniers, tant les entreprises françaises et étrangères implantées en Roumanie étaient rares. Mais nous n'avons jamais regretté notre pari. A aucun moment, nous n'avons eu à déplorer des pertes financières et nous avons très sensiblement augmenté notre part de marché. Tout indique donc que l'investissement industriel du Groupe portera ses fruits, comme dans les autres pays. Cela étant, en 1990, le pays était en pleine transition, les lois étaient inadaptées, les textes des plus confus, et les fonctionnaires nous faisaient part d'interprétations variables, si bien qu'il était nécessaire de recourir à de bons conseils fiscaux... En tout état de cause, si vous êtes sûrs de votre bon droit, ne cédez pas aux diktats.

L'organisation en groupements ou associations

Force est de constater que les progrès sont réels depuis cette période. Mais les textes subissent encore une grande instabilité. Les règles du jeu changeantes empêchent de finaliser des business plans adaptés. Dans ces conditions, cependant, tous les investisseurs, roumains ou non se sont trouvés dans la même situation. Des associations ont donc vu le jour, dont le Foreign Investor Council , ou FIC, présidé par Monsieur Taillardat. Un livre blanc avait été, à l'époque, rédigé. Actuellement, le dialogue avec les autorités roumaines est plus erratique. Pour autant, il n'est pas inexistant et le FIC vient de réactualiser son livre blanc.

Mon conseil aux investisseurs, présents et futurs, est de participer activement à la vie de ces associations pour leur donner un poids croissant vis-à-vis des autorités roumaines et de peser de façon diplomatique mais ferme sur l'environnement. Renforçons donc ces groupements d'investisseurs, pour faciliter le développement des affaires en Roumanie. Par ailleurs, les investisseurs doivent largement dialoguer avec les postes d'expansion économique, qui peuvent faire remonter, à qui de droit, les informations du terrain. Les pouvoirs publics, comme les organisations internationales d'ailleurs, apprécient les informations microéconomiques. Enfin, n'oublions pas les Chambres de Commerce, qui peuvent faciliter la vie de leurs adhérents.

Les sociétés, en outre, doivent faire preuve de solidarité entre elle. Rhône-Poulenc a, par exemple, développé une politique de portage pour aider certaines entreprises intéressées par le marché roumain. Nous avons ainsi réalisé un portage pour 25 sociétés, françaises ou étrangères. Nous avons toujours souhaité aider des entreprises plus petites et complémentaires à notre activité.

L'importance de la formation

Nous investissons considérablement dans la formation de notre personnel et nous engageons en priorité des personnels roumains issus de formations franco-roumaines, notamment des troisièmes cycles universitaires. Nous devons cet effort de formation à nos fournisseurs et à nos clients roumains. Plus nous formerons nos salariés, plus nous contribuons à créer de véritables partenariats, avec des clients de plus en plus francophiles.

Jamais la Roumanie n'a eu autant de chance ! Je suis donc très confiant dans l'évolution de ce pays et dans l'amélioration de l'atmosphère de travail. Les pouvoirs publics roumains devront écouter tandis que les sociétés devront faire les efforts nécessaires pour se faire entendre.

L'attrait des ressources humaines en Roumanie

Raphaël GARCIA
Président Directeur général, Eurocedres

Je travaille en Roumanie depuis neuf ans. Je me permets donc de confirmer ce qui a déjà été dit sur les couches intermédiaires -et la reproduction de solidarités traditionnelles- et sur l'économie parallèle. Les enquêtes de climat social, notamment dans les gros combinats métallurgiques, montrent que cette solidarité et cette économie parallèle sont actuellement prégnantes en Roumanie.

Pour ma part, je définirais trois types de salariés apparaissant sur le marché du travail :

· ceux des grandes entreprises d'Etat, souvent qualifiés mais peu modernes en termes de mentalité ;

· les salariés qui ont déjà travaillé dans les sociétés privées, et qui sont davantage soumis aux contraintes de l'intensité du travail et, par conséquent, plus rapidement adaptables ;

· les jeunes, qui recherchent un emploi.

Je parlerai également d'une quatrième catégorie, celle des chômeurs, qui pèse d'un poids de plus en plus important dans les régions roumaines, notamment les régions mono-industrie. L'investissement dans ces régions de reconversion peut donc être opportun. Notre expérience dans ce domaine, suite par exemple aux restructurations survenues en Lorraine, pourrait être utile.

Une main d'oeuvre peu chère

La moyenne des salaires évolue autour de 760 francs nets, soit un montant brut de 1 000 francs. Toutefois, les disparités sont nettes selon les branches. En tout état de cause, notamment lors des entretiens d'embauche, il importe d'adapter sa politique salariale, afin d'éviter toute inflation. Sachez également que pour un salaire net de 200 euros, le coût global pour l'employeur s'élève à 427 euros.

Une main d'oeuvre qualifiée

En Roumanie, le niveau de formation est important. Le pays compte ainsi une population importante d'ingénieurs. La formation secondaire concerne 49 % de la population, dont 16,7 % dans des domaines techniques. La formation supérieure, quant à elle, touche 7,8 % des Roumains. En dépit de ce niveau de formation, il est difficile de définir le management et l'encadrement au sein des entreprises. Le taux moyen de chômage avoisine les 11,6 %. Cependant, certaines zones atteignent un taux de chômage de 18 % ou 20 %. C'est notamment le cas dans la région d'Hunedoara, qui est une ancienne zone mono-industrie. On avance le chiffre officiel de 20 %, mais je pense que 40 % de chômeurs est une donnée sans doute plus proche de la réalité.

Une population jeune

Suite aux départs intervenus, après la révolution de 1989, les pyramides des âges sont souvent favorables dans les entreprises. Le personnel y est jeune et techniquement qualifié. Pourtant, la responsabilisation des équipes pose parfois problème. Il est notamment difficile d'expliciter l'idée d'initiative ou d'animation. La qualité doit dépasser le stade de la théorie et de la formation pour devenir une réalité concrète. Enfin, il convient de mieux lier rémunération et compétences, condition de l'implication de chacun dans sa tâche.

En définitive, les Ressources Humaines en Roumanie présentent un coût social attractif, une main d'oeuvre qualifiée, jeune et souhaitant évoluer vite. Ainsi, au sein de mon équipe de dix personnes, la moyenne d'âge est de 29 ans. Cela dit, les mentalités doivent encore se moderniser. Sinon, le risque est grand de « s'engluer » dans les entreprises.

Les risques roumain et moldave

Jean-Pierre TAILLARDAT
Président directeur général, Lafarge Romcin

J'ai trois raisons de vous parler ce matin :

· je dirige une entreprise roumaine privatisée, pour 200 millions de dollars ;

· je préside en Roumanie l'association des investisseurs ;

· Lafarge a investi pour 10 millions de dollars en Moldavie.

Pour autant, je n'ai pas la prétention de faire une analyse de risques sophistiquée.

Il est indéniable que la qualité de la main d'oeuvre constitue un atout non-négligeable. Cependant, les Roumains sont marqués par leur passé : ils ont notamment appris à travailler d'une certaine manière, qui répond à des critères qui ne sont pas nécessairement les nôtres. Je souscris donc aux propos de Monsieur Garcia. Cela étant, la situation peut évoluer, pour autant que la formation soit au rendez-vous. Par ailleurs, le risque lié aux opérations de restructurations et aux réductions d'effectifs me semble limité, si tant est que les aspects humains et communicatifs soient correctement traités, comme en France. J'avancerais même que faire bouger une entreprise de 8 000 personnes en Roumanie est sans doute plus facile que de faire évoluer une société comme EDF. Les pouvoirs publics attendent d'ailleurs de notre part un certain tact dans le traitement des dossiers sociaux.

Concernant la fiscalité, nous avons abordé les risques de passif dans les acquisitions ; sachez également que tout investissement dans un pays mal connu ne vous dispense pas d'un travail préalable d'étude, bien au contraire. Cela dit, les textes sont encore peu clairs. Certains règlements ne sont pas publiés. Dans le cas d'un contrôle fiscal, vous pouvez donc vous retrouver dans une situation très inconfortable. Il importe, par conséquent, de vous entourer de fiscalistes et autres spécialistes. En outre, je vous conseille d'entretenir des contacts avec les Ministères, pour savoir par exemple -et par écrit si possible-, si votre interprétation de tel texte est acceptable.

Sous ces conditions, et dès lors que votre organisation est adaptée au pays, il est possible de travailler en Roumanie sur le plan fiscal. La lourdeur administrative pose certes parfois problème, les délais sont parfois synonymes d'incertitudes, mais malgré tout, les affaires iront à leur terme. Et j'ajoute que les dossiers français sont parfois lents en France, règles du Conseil de la Concurrence obligent. L'importance des contacts personnels -rencontrer les personnes, sans attendre que les rouages administratifs se mettent en place, connaître les dossiers...- est réelle.

L'expérience de Lafarge, au cours des dernières années, montre qu'il est possible de mener à bien des opérations en Roumanie. Pour notre part, Nous avons, par exemple, acheté un site privatisé et effectué des restructurations.

Le risque de défaillance de la dette externe, comme en 1999, fut sans doute un moment périlleux. Mais il n'y a pas eu de défaillance. Je crois, en outre, que ce risque n'est pas aujourd'hui majeur, en dépit de ce qu'allègue Standard & Poors , par exemple. La fragilité du système bancaire illustre simplement le fait que le processus de réforme n'a pas été à son terme. Mais la privatisation des grandes banques permettra d'améliorer la donne et de gommer des pratiques anciennes. En outre, l'acquis communautaire devrait renforcer cette bonne orientation.

Les questions de propriété sont également importantes pour les investisseurs. De petites difficultés administratives et juridiques subsistent toutefois sur ce plan.

Cela dit, je conclurai sur une note optimiste, que je n'aurai sans doute pas eu il y a cinq mois. La perspective d'adhésion de la Roumanie à l'Europe se concrétise peu à peu, notamment au travers de jumelages. Cette intégration détermine un axe d'action pour les prochaines années. Dès lors, quels que soient les résultats des prochaines élections roumaines, les marges de manoeuvre seront réduites. En outre, cette intégration oblige la Roumanie à penser au moyen terme. Ainsi, certains textes s'inscrivent aujourd'hui dans la durée. Nous avons ainsi pu apprécier l'importance de la déclaration politique de mars 2000, sur la société de l'information, mentionnée par Vlad Tepelea.

L'expérience de Lafarge en Moldavie est réduite : les réformes sont moins avancées qu'en Roumanie, les privatisations sont juste entamées, la position de la Moldavie entre l'Union et l'Europe de l'Est est floue. Courant 1999, nous avons cependant acquis une usine, proche de la République autoproclamée de Transnistrie. Cette usine est, en outre, en compétition avec un site voisin. Mais cela participe de notre prise de risque. Je souligne que la main d'oeuvre locale est comparable à celle de la Roumanie. En revanche, s'agissant de la privatisation, une décision de l'Etat est contestée par la justice du pays...Les résultats des élections ont parfois de curieuses conséquences.

En définitive, nous manquons d'éléments d'informations sur le fonctionnement de l'administration moldave dans la durée. Notons simplement qu'il est vrai ce pays est plus proche de la Russie, tant géographiquement que culturellement !

La Moldavie

La privatisation des terres en Moldavie et les opportunités d'investissements

William PARMAKSIZIAN
Attaché économique et commercial, Ambassade de France en Moldavie

Je vous prie pour ma part d'excuser Madame l'Ambassadrice, retenue en Moldavie.

Je vous parlerai, aujourd'hui, de la privatisation des terres, thème qui aura l'avantage de vous rendre plus concrète votre perception de la Moldavie.

Une privatisation mal programmée

Nous l'avons largement évoqué, le rythme des privatisations est variable selon les pays. Certaines privatisations sont arrêtées en Moldavie, d'autres se poursuivent, notamment dans les domaines de l'énergie et de l'électricité. La privatisation des terres, quant à elle, a débuté il y a trois ans sous l'influence d'une agence américaine. Les ouvriers des kolkhozes ont reçu des bons de propriété des terres agricoles. Ces bons de propriété ne sont pas contestables. A ce jour, 600 des 1 000 privatisations prévues sont d'ores et déjà effectives. Les Américains, lorsqu'ils agissent, le font vite. Toutefois, en amorçant le mouvement de privatisation, ils ont omis que pareille opération suppose, à terme, la mise en oeuvre d'une véritable réorganisation économique. Par conséquent, nous avons assisté à un démantèlement sauvage des propriétés, chacun partant ensuite travailler isolément sur des lopins de 1 ou 1,5 hectare. Il va de soi que de telles surfaces ne pouvaient autoriser qu'une agriculture de subsistance.

L'amorce d'une réorganisation de l'économie rurale

Ceci étant, grâce notamment aux programmes de la Banque Mondiale et de l'Europe, la formation des personnels des banques et des paysans s'amorce peu à peu, ne serait-ce que pour favoriser les micro-projets. En outre, l'accès aux crédits devient possible. Parallèlement, un remembrement est en cours. Les personnes demeurent certes propriétaires de leurs terres mais décident de les regrouper. Ce faisant, il est désormais plus facile d'exporter la production agricole vers les villes et de contribuer ainsi à leur approvisionnement. Progressivement, les importations agricoles devraient donc diminuer. Je signale, pour information, que le remembrement, en France, a pris plusieurs d'années. Il n'est donc pas raisonnable d'espérer que la Moldavie réalise pareil défi en quelques mois. Quoi qu'il en soit, des parcelles de plus de 100 hectares sont de plus en plus nombreuses.

L'insertion sur ce nouveau marché

Comment occuper des positions dans ce processus et s'insérer sur ce marché ? Rappelons, en préambule, que les banques ont commencé à financer ces nouvelles exploitations. Par ailleurs, certains villages pratiquent une forme de solidarité : le village dans son entier peut être responsable, ce qui permet de satisfaire plus aisément aux critères de solvabilité. En tout état de cause, s'agissant de la sphère agricole, les zones prometteuses sont ardemment recherchées. Il s'agit notamment de trouver de nouveaux débouchés en s'établissant dans des zones où les moyens de consommation sont plus élevés. Des sociétés se sont donc implantées en Moldavie contribuant ainsi à faire de ce pays une plate-forme régionale. La Moldavie devient donc une tête de pont vers le Grand Est (Russie, Ukraine) au même titre que la Roumanie, par exemple.

Pour mettre en oeuvre ce projet, des financements sont disponibles auprès de l'Europe ou de la Banque Mondiale. Il existe également des outils bilatéraux et des instruments des Ministères français de l'Economie et des Affaires Etrangères. Les acteurs présents sur place ont compris la problématique locale : ils ne s'intéressent pas directement au pouvoir d'achat des Moldaves mais transforment localement des matières premières pour réexporter les produits finis vers des pays dont les potentiels de consommation sont plus marqués. Cela se fait dans différents domaines, comme le jus d'oranges par exemple.

Ainsi, une entreprise française travaille pour le n°1 Français des fruits secs à coque. 500 à 600 tonnes de cerneaux sont produites par an. Ce site serait susceptible de devenir une plate-forme pour la région. Les terres sont également disponibles pour l'industrie du vin.

Sachez pour conclure que la situation est certainement perfectible. La stabilisation macro-économique est fragile et le pays verra cette année l'organisation d'une élection présidentielle. Néanmoins, il est possible de prendre, sur ce marché, des positions stratégiques à faible coût. D'après mon expérience, ceux qui réussissent travaillent avec un partenaire local, trouvé après bien des recherches. Dans ces pays, comme le disait Monsieur Taillardat, nous ne pouvons pratiquer certaines méthodes usitées en France, dans le cas de restructurations d'entreprises par exemple. Il faut montrer aux équipes que nous leur faisons confiance, les valoriser et les traiter comme nous voudrions être considérés. Si vous agissez autrement, vous vous exposerez à des risques certains, car les contrôles sont toujours effectifs. Il y a donc des positions à prendre, les risques sont maîtrisés, comme le montrent les expériences de France Telecom et de Lafarge, qui avaient connu pourtant quelques surprises initialement. Il importe, dans la mesure du possible, d'être les premiers, d'autant que le pays est également francophone que francophile.

Je vous indique également que Julien de Ruf m'a succédé depuis quelques semaines. Il sera à votre disposition et se fera un plaisir de vous accueillir dans nos modestes locaux.

La privatisation de l'électricité

Marie-Hélène BERARD
Conseiller à la Direction générale, CCF

Le contexte

Je m'apprête donc à vous parler de la privatisation de l'électricité en Moldavie, privatisation réussie, voire exemplaire. Pourtant, le sujet était sensible, tant au plan politique que social, puisque les consommateurs avaient l'habitude de payer leur énergie à moindre coût. En outre, traditionnellement, les pays de l'Est sont des pays où les pertes en ligne sont lourdes. Engager cette privatisation était donc courageux. La Moldavie, sur cette voie, est donc en avance. J'ajoute que la privatisation était difficile car le pays importe de l'énergie. Au plan national, la Moldavie produit grosso modo 25 % de sa consommation d'énergie, 35 % sont importés de l'Ukraine, 30 % de la Transnistrie -ce qui pose nombre de problèmes- et 10 % de Roumanie.

La privatisation s'est faite dans le contexte d'un marché déjà bien organisé par les autorités. Une première loi a été promulguée en 1998, pour définir les rôles respectifs du Gouvernement, du régulateur (l'ANRAE alors que le régulateur français vient juste de voir le jour...) et les compagnies d'électricité. L'ANRAE, né en 1997, est un organe indépendant, dont les membres ne peuvent normalement être remplacés durant leur mandat, lequel est d'une durée de 5 ans. Je signale que les pouvoirs de cet organisme sont réels.

Les modalités de mise en oeuvre du processus de privatisation

La privatisation a commencé avec les entités de distribution. Le Ministère de l'Economie a lancé un appel d'offres pour l'aider dans ce processus. En juin et juillet 1999, le CCF a donc commencé à travailler sur ce dossier. Un appel d'offres à investisseurs a été lancé en août 1999, pour la privatisation de compagnies de distribution. Nous avons reçu huit réponses. Après examen, deux entreprises ont maintenu leurs offres, la compagnie espagnole et son équivalente ukrainienne. Finalement, l'acteur espagnol a été retenu. Cette société, qui dispose d'une importante quantité de cash, souhaite se développer dans cette zone. Les conditions de l'opération sont très favorables pour les pouvoirs publics. En effet, elle représente un montant en cash de 25 millions de dollars et des investissements de 60 millions de dollars sur cinq ans. Le montant total des investissements, sur la durée globale du projet, devrait s'élever à 100 millions de dollars, pour trois sociétés de distribution sur cinq. Cela correspond à une modernisation très importante du réseau.

Au cours des discussions, les tarifs et la méthode de fixation des tarifs furent les points les plus conflictuels. L'investisseur espagnol a dû s'entendre avec les autorités de privatisation et les Ministères pour trouver une règle acceptable d'évolution des tarifs. En définitive, un compromis a été trouvé. Il débouche sur un relèvement des tarifs, acceptable à mes yeux pour les clients, qu'il s'agisse de particuliers ou d'entreprises. Le contrat a été signé le 7 février 2000. Nous avons lancé un nouvel appel d'offres concernant les deux autres sociétés de distribution. A ce jour, nous avons reçu trois réponses. Le processus est donc en cours. L'ensemble du processus devrait être achevé d'ici à la fin de l'année.

Par ailleurs, la Moldavie a également initié la privatisation de son appareil de production, avec la mise en vente de 70 % des actions de trois centrales électriques. Le processus a été amorcé en mars 2000. La date de remise des offres pour ces trois centrales thermiques est fixée en septembre, et le closing est prévu pour décembre.

Globalement, je dois reconnaître que le processus fut plutôt simple à mettre en oeuvre, en dépit d'intérêts parfois divergents entre vendeur et acheteur. Cela dit, ces intérêts divergents sont habituels. La procédure fut claire, très bien organisée, transparente.

Témoignages d'entreprises

Agnès GABORIT

Ecoutons maintenant le témoignage d'entreprises françaises implantées en Moldavie.

La société IC3A

Jacques COTTIER, gérant, IC3A

Depuis ce matin, nous évoquons principalement l'expérience de grands Groupes. Je ne conteste certes pas l'importance d'un pareil sujet. Pour autant, je crois que ce pays présente de nombreuses opportunités pour de petites sociétés. Notre société, IC3A, compte 13 salariés. Notre domaine d'activité est celui de la conserverie et des matériels d'embouteillage.

En 1993, j'ai souhaité relever le défi de m'implanter à l'Est, à titre d'essai. J'ai donc vendu des matériels d'embouteillages en Russie. Face aux problèmes que nous avons rencontrés, nous avons pris la décision de descendre dans le Sud. Nous sommes donc arrivés en Moldavie, dont le climat est proche de celui de la Bourgogne, voire du Bordelais. Nous avons, dans ce pays, découvert d'énormes possibilités, pour le vin comme pour les légumes. Notre chiffre d'affaires s'élève aujourd'hui à 24 millions de francs, dont 2 millions sont réalisés à l'étranger.

La Moldavie est un petit pays, indépendant depuis 1991. Le pays a été occupé durant 150 ans par les Russes. Inutile donc de préciser que plusieurs visites sur place sont pour le moins nécessaires pour comprendre le pays. La Moldavie compte 4,7 millions d'habitants. Les villes principales sont les suivantes : Chisinäu, au centre, Tighina, Comrat et Cahul, au Sud. L'économie y est importante et abrite notamment un complexe agroalimentaire. L'agriculture et l'industrie fournissent 64 % de la valeur ajoutée du pays. Toutefois, la branche agraire est dominante. Je ne détaillerai pas les principales cultures car elles sont connues. Vous savez notamment que la production céréalière est importante. L'industrie du verre se développe également, ce qui n'est pas neutre du point de vue de notre production de bouteilles.

Il semblerait que cette zone compte 60 % d'entreprises non-étatiques. Je ne sais si ce pourcentage reflète la réalité. Quoi qu'il en soit, deux grands secteurs sont capitaux pour le négoce :

la sphère vitivinicole, car 570 000 tonnes de raisin doivent être transformées chaque année -cette production permet d'obtenir 29 millions de décalitres de vin et 3 millions de décalitres d'eau-de-vie ;

le secteur fruit et légumes, notamment les fruits secs (noix, pruneaux).

Je mentionnerai aussi le tabac, dont les entreprises ont tout intérêt à évoluer, notamment dans les entreprises de traitement. Interviennent enfin les grandes cultures, comme les betteraves à sucre et les céréales... Il est à noter que la fabrication de produits frais est importante mais que la chaîne du froid demeure perfectible. Les besoins sont élevés dans différents domaines agricoles : emballage, conditionnement, énergie, groupes de froid par exemple, caisses de stockage, palettes de récolte...

Il est sans doute possible de vendre des semences car les Moldaves utilisent les mêmes graines. De même, des plants de vigne peuvent être importés. Les entreprises françaises pourraient également introduire en Moldavie des produits phyto-sanitaires. Le secteur laitier est lui aussi important -les normes et les techniciens français seraient certainement utiles dans cette région. Les besoins sont également réels dans l'industrie : construction, injection de plastiques...

Nous sommes en Moldavie depuis 1994 et j'ai travaillé en collaboration avec le poste d'expansion économique. A cette époque, la seule loi était celle du plus fort -en outre, le poste d'expansion était peu développé. Il y avait des passe-droit et il fallait connaître les bonnes personnes. Les choses étaient donc difficiles. Cela dit, la donne est plus favorable aujourd'hui. Dans tous les cas, vous ne pourrez pas travailler tout seul. La concurrence, contre les Italiens, les Turcs par exemple, est très vive. Les Italiens ont ainsi monté dans les villes des bureaux qui n'hésitent pas à démarcher les entreprises. Pour notre part, nous avons monté une petite structure pour concurrencer Italiens et Allemands. Travaillez donc de concert, ensemble, tout en étant attentifs à votre compétitivité. Les Français sont mal placés pour tout ce qui concerne les aides pouvant être apportées aux clients. Les Italiens parlent, par exemple, de leasing ou de prêts, même s'il s'agit avant tout d'arguments commerciaux. A 80 %, mes ventes ont toujours été payées en cash, avec des acomptes qui représentent 40 % du contrat. Il convient d'engager le client, d'autant que celui-ci pourra ne pas respecter ses engagements.

Pour réussir dans le négoce en Moldavie, j'insisterai finalement sur un seul point : se regrouper et ne pas travailler tout seul.

L'exemple de Mercier Pépinières

Jean-Pierre MERCIER, Gérant, Mercier Pépinières

Notre Groupe est spécialisé dans l'agriculture. Et notre Groupe est, paradoxalement, internationalisé. Depuis plus de 100 ans, nous produisons des plants de vigne et plantons des vignobles, partout dans le monde, y compris dans l'Europe de l'Est qui comptait 2,8 millions d'hectares de vignes il y a 10 ans. Ce total a été divisé par deux en quelques années et les plants de vigne restants sont dans un piteux état. C'est dire si le potentiel est indéniable.

Nous avons choisi la Moldavie car ce pays est au centre de cette zone. Cela dit, sachant que votre implantation dans un pays étranger connaîtra toujours sur le long terme des hauts et des bas, à la différence d'autres intervenants, je dirai que notre société moldave connaît un bas ces temps-ci. En 1998, avec des partenaires moldaves, dont un principal, nous avons monté une SEM à 50/50 pour constituer une entreprise de pépinières devant produire 15 millions de plantes par année, soit le tiers des besoins du pays. A la fin de l'année, notre partenaire n'a pas pu faire face à ses engagements et nous a laissé supporter toute la charge de l'investissement. Dans notre métier, 3 ou 4 ans de latence sont nécessaires, car il faut planter les vignobles mères dans un premier temps. Nous sommes donc une situation difficile. Nous arrivons maintenant devant une nécessité : procéder à la deuxième tranche d'investissement. Je n'ai pas pour l'instant les solutions financières. Les banques sont réticentes, les taux d'inflation sont proches de 25 à 30 %, ce qui réduit le loyer de l'argent en monnaie nationale, le taux en dollar sont proches de 18 %, les dossiers d'aide de l'Union sont trop compliqués et sans doute pas conçus pour les petites entreprises... Les questions sont donc nombreuses. J'ajoute que les routes sont dans un piteux état en Moldavie. Se développer dans ce pays n'est donc pas très aisé. Nous avions aussi pensé à produire des plants localement, compte tenu du climat et de la main d'oeuvre. mais les règles phytosanitaires ne permettent pas de valider les plants pour les exporter, hormis en Russie.

Je suis donc dubitatif actuellement. J'ai peut-être démarré trop tôt l'aventure, d'autant que nous ne sommes pas dans la situation d'une industrie de masse.

La Moldavie a aussi lancé une grande usine de bouteilles. Mais ces produits sont de piètre qualité, notamment quant aux goulots. De surcroît, leur exportation est malaisée car les routes sont de mauvaise qualité. En outre, le pays semble fermé sur lui-même et n'a pas de port maritime.

Je ne souhaite finalement à personne de s'engager dans les conditions qui furent les nôtres ! Soyez bien convaincus que nous vivons une situation gênante !

Agnès GABORIT

Merci pour votre franchise !

Olivier REMOND

Je précise simplement, pour la Moldavie, que le dispositif public dans ce pays est en transition et en rénovation. La notion de présence française publique en Moldavie est récente. L'Ambassade de France existe depuis 5 ans et est stabilisée depuis 24 mois. Le poste d'expansion économique, en 1997, a de plus évolué car nous suivons la Moldavie depuis la Roumanie et non plus depuis la Russie. Des procédures publiques commencent à voir le jour, pour une PME d'ailleurs, via un FASEP. J'ajoute que nous avons commencé à apporter des garanties COFACE, sur du court terme, pour des banques. Cela dit, il y a 22 banques dans le pays, ce qui est sans doute trop. Certaines mériteraient sans doute un bon audit... Le dispositif est donc en transition. Le fait que nous ayons associé Roumanie et Moldavie a dans ce cadre un certain sens. Je mentionne également les discussions pour l'adhésion du pays à l'OMC. Il faut donc être encourageants, d'autant que le potentiel, notamment agricole, du pays est indéniable.

Marie-Hélène BERARD

Les priorités de l'Union européenne pour la Moldavie, et ses 4,7 millions d'habitants, ne sont pas les mêmes que pour la Roumanie. Le pays est petit. Cela présente des avantages et des inconvénients. On arrive à travailler facilement, on peut contacter aisément les gens, pour citer ces exemples...

Agnès GABORIT

Je vous propose de lancer les tables rondes ! Merci aux intervenants.

Le Groupe sénatorial d'amitié
France-Roumanie

Composition du Bureau

Président :

M. Henri REVOL (RI)

Président d'honneur :

M. Jean PUECH (RI)

Vice-Présidents :

M. Yann GAILLARD (RPR)

M. Jean BOYER (RI)

Mme Danièle POURTAUD (SOC)

M. Georges MOULY (RDSE)

M. Henri LE BRETON (UC)

Mme Danielle BIDARD-REYDET (CRC)

M. Philippe ADNOT (NI)

Secrétaires :

M. Joseph OSTERMANN (RPR)

M. Nicolas ABOUT (Yvelines)

M. Léon FATOUS (SOC)

M. Georges BERCHET (RDSE)

M. André MAMAN (UC)

M. Paul LORIDANT (CRC)

M. Philippe DARNICHE (NI)

Le Groupe sénatorial d'amitié France-Moldavie

Composition du Bureau

Président :

Mme Josette DURRIEU (SOC)

Vice-Présidents :

M. André BOYER (RDSE)

M. Jacques LEGENDRE (RPR)

M. Jean-Marie POIRIER (UC)

Mme Gisèle PRINTZ (SOC)

Secrétaire :

M. Bernard PIRAS (SOC)

Secrétaire exécutif :

M. Daniel SANTOT

Tél. : 01.45.49.23.56

Fax : 01.42.34.20.93

Courrier électronique : d.santot@senat.fr

Colloque organisé sous l'égide des Groupes sénatoriaux d'amitié
France-Roumanie et France-Moldavie
par la Direction des Relations internationales du Sénat
et la Direction de l'Information économique et réglementaire du C.F.C.E.
Pour toute information sur les colloques Sénat-CFCE, vous pouvez contacter
le Service des Relations internationales du Sénat :
M. Marc LE DORH, Administrateur des services du Sénat
Tél : 01.42.34.30.52 - Fax : 01.42.34.27.99 - Courrier électronique : m.ledorh@senat.fr
ou consulter le site internet du Sénat : www.senat.fr/international

Synthèse réalisée en temps réel par la société Hors Ligne -- 01 55 64 04 44