Mardi 4 mai 2021, les membres du groupe d’amitié France-Irak, présidé par Mme Nicole Duranton (RDPI – Eure), ont reçu au Sénat Mme Bariza Khiari, vice-présidente de la fondation Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit (Aliph).

Étaient présents, outre Mme Nicole Duranton, Mme Marie Evrard (RDPI – Yonne), M. Claude Kern (UC – Bas-Rhin), M. André Gattolin (RDPI – Hauts-de-Seine).

I - Genèse de la fondation

Mme Bariza Khiari a présenté aux membres du groupe la genèse d’Aliph, issue d’une tribune publiée par elle-même en 2015, alors qu’elle était sénatrice, et Mme Sylvie Robert, demandant que la France s’implique dans la défense du patrimoine menacé de destruction dans le monde, notamment à travers la création d’un fonds pour sa réhabilitation. Prolongée par un rapport du président-directeur du Louvre, M. Jean-Luc Martinez, défendant un « droit d’asile des œuvres », cette initiative a donné naissance à Aliph, grâce à l’impulsion du Président François Hollande. Il avait alors nommé Jack Lang comme son représentant au sein du conseil d’administration de la fondation. Après l’élection du Président Emmanuel Macron, Mme Bariza Khiari lui a succédé.

II - Une gouvernance agile

Aliph est une fondation de droit suisse, hébergée à Genève à titre gracieux. Elle compte parmi ses membres les deux États fondateurs que sont la France et les Émirats arabes unis, ainsi que l’Arabie saoudite, le Koweït, le Maroc, le Luxembourg et la Chine, qui a récemment renouvelé sa contribution. Siègent aussi au conseil d’administration des donateurs privés, ce qui permet de donner à la fondation une culture du résultat. Un conseil scientifique décide, en toute indépendance, des projets qui seront retenus pour financement.

Le fonds fonctionne en « mode start-up » : l’équipe compte une quinzaine de personnes, et acquiert ponctuellement les services dont elle a besoin. Cette organisation lui donne une très grande agilité. Ainsi 5 millions d’euros ont pu être mobilisés en quelques jours pour la sauvegarde des monuments et maisons endommagés par la catastrophe du port de Beyrouth.

Aliph n’est pas seulement un instrument financier, puisque la fondation participe au montage des projets. Les candidatures sont envoyées à une plateforme pour un premier tri ; puis les projets ayant passé ce filtre sont soumis au conseil scientifique.

III - Une trentaine de projets soutenus en Irak

La fondation est présente dans 30 pays. En Irak, elle soutient une trentaine de projets, ce pays ayant été désigné, avec le Mali, comme l’une des priorités du board. L’un de ces projets est la reconstruction du monastère de Mar Behnam, détruit par Daech. C’est un monument symbolique du fait de sa dimension interconfessionnelle, car les chrétiens, les yézidis et les musulmans y priaient ensemble (voir la vidéo de présentation du projet). Le chantier a été conduit par l’ONG Fraternité en Irak ; les habitants, qui avaient pourtant subi de graves destructions, ont offert les pierres de leurs propres maisons pour la reconstruction.

Aliph soutient également plusieurs projets de reconstruction à Mossoul, dont celle du musée de la ville. Au centre-ville, l’Unesco pilote la reconstruction de la mosquée al-Nouri, elle aussi détruite par Daech, tandis qu’Aliph soutient la reconstruction de deux églises chrétiennes, deux mosquées et de la synagogue.

Réhabiliter ces sites, c’est montrer à la jeunesse musulmane de ces pays que son identité est multiple : chrétienne, juive, musulmane, nabatéenne… C’est un moyen d’éviter un enfermement idéologique et religieux mortifère.

Aliph soutient également, en Irak, la sauvegarde de l’arche sassanide de Taq Kasra, près de Bagdad, ou encore une action de premier secours sur le site parthe de Hatra, gravement endommagé par Daech.

Interrogée par Mme Nicole Duranton sur les relations d’Aliph avec les autorités irakiennes, Mme Bariza Khiari a souligné que celles-ci étaient bonnes ; la principale difficulté vient de la longueur des procédures et de la difficulté d’obtenir des visas de longue durée à entrées multiples.

IV - Une coopération à approfondir avec les entreprises françaises, une action à élargir au niveau européen

Mme Bariza Khiari a ensuite été interrogée par Mme Nicole Duranton sur la coopération entre Aliph et les entreprises françaises. Lors d’une réunion organisée au ministère de la culture, la fondation s’était déclarée disposée à investir 30 millions d’euros, attendant un retour sur investissement en matière d’emplois, d’ingénierie ou d’études. Les entreprises présentes n’ont proposé que des projets de formation, alors que le personnel des pays où Aliph est présente est déjà bien formé. En France, Aliph travaille principalement avec les ONG au service des chrétiens d’Irak et Iconem, spécialisée dans la numérisation du patrimoine dans les zones de guerre.

Mme Bariza Khiari a noté que les entreprises françaises sont plus réticentes à s’engager localement que leurs homologues d’autres pays, et moins enclines à sortir de leur zone de confort pour conquérir de nouveaux marchés. Elle a donc suggéré une action de sensibilisation au niveau de la commission de la culture, ou des affaires économiques, pour intéresser les entreprises françaises à la thématique de la sauvegarde du patrimoine.

Il est également nécessaire de sensibiliser les pays européens à ces questions : outre la France, seul le Luxembourg est représenté au sein d’Aliph. Mme Bariza Khiari a donc proposé que la présidence française de l’Union européenne inscrive la thématique du patrimoine en danger à son agenda, avec l’organisation d’une deuxième conférence des donateurs.

M. André Gattolin a suggéré la publication d’une tribune par les présidents des groupes d’amitiés concernés par la thématique, pour appeler l’Union européenne à se mobiliser.

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