Le groupe d’amitié France-Saint-Siège, présidé par M. Dominique de Legge (Les Républicains – Ille-et-Vilaine), a reçu, le 8 juin 2021, Mgr Éric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims et président de la Conférence des évêques de France (CEF), accompagné du Père Hugues de Woillemont, secrétaire général de la CEF.

De gauche à droite : P. Hugues de Woillemont,
 Mgr Éric de Moulins-Beaufort et M. Dominique de Legge

Étaient en outre présents MM. Philippe Bas (LR – Manche), Jérôme Bascher (LR – Oise), Philippe Bonnecarrère (Union centriste – Tarn), Pierre Cuypers (LR – Seine-et-Marne), Bernard Fournier (LR – Loire), Loïc Hervé (Union Centriste – Haute-Savoie), Jean-Michel Houllegatte (Socialiste écologiste et républicain – Manche), Daniel Laurent (LR – Charente-Maritime) et Mmes Marie Mercier (LR – Saône-et-Loire), Brigitte Micouleau (LR – Haute-Garonne) et Patricia Schillinger (Rassemblement des démocrates progressistes et indépendants – Haut-Rhin).

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M. Dominique de Legge, président, après avoir rappelé les différentes étapes du parcours du président de la CEF, depuis ses études à Sciences-Po jusqu’à l’archevêché de Reims en passant par ses missions d’aumônier de collège, de directeur au séminaire, de curé de paroisse, de professeur à la faculté Notre-Dame, de secrétaire du cardinal André Vingt-Trois et de vicaire général de l’archevêché de Paris, l’a invité à s’exprimer sur trois décisions du Pape François et leur réception dans l’Église de France : la réforme du droit canon sur les agressions sexuelles, le lancement du synode sur la synodalité et la création de ministères ordonnés détachés du sacerdoce pour les laïcs, hommes et femmes.

Mgr Éric de Moulins-Beaufort a tout d’abord fait part de sa joie de revenir au Sénat pour échanger sur la vie de l’Église et la manière dont la CEF travaillait avec le Vatican. Il a expliqué qu’il se rendait à Rome deux fois par an, une fois en décembre pour rencontrer le Pape après l’Assemblée plénière des évêques de novembre, qui est la plus importante, et une seconde fois pour des échanges plus longs avec les différents dicastères de la Curie. Il souhaite être plus attentif à la présence française dans le Gouvernement de l’Église car de nombreux prêtres, religieux et religieuses ainsi que des laïcs y travaillent et y jouent un rôle éminent, comme Sr Nathalie Becquart, religieuse xavière, sous-secrétaire du synode des évêques, ou Mgr Bruno-Marie Duffé, secrétaire du dicastère pour le service du développement humain intégral.

Concernant la réforme du droit canon, il a expliqué que la réforme portait sur la partie relative aux sanctions. Le code de droit canon incrimine désormais les agressions sexuelles comme des atteintes au commandement « Tu ne tueras pas », et pas seulement au commandement sur l’adultère, qui renvoyait plutôt à une question de discipline sacerdotale. Il s’agit donc de reconnaître la portée très grave de ces actes et l’atteinte à la vie des victimes. C’est une première étape. Un code de procédure est attendu dans les prochains mois pour faciliter sa mise en œuvre. En France, les évêques ont pris la décision de créer un tribunal pénal. Il devrait être constitué à l’automne. Une instance d’appel pourrait voir le jour avec le concours des épiscopats francophones de Belgique et de Suisse.

De gauche à droite : MM. Daniel Laurent, Bernard Fournier, Pierre Cuypers,
Philippe Bas, Jean-Michel Houllegatte et Jérôme Bascher

S’agissant de la gestion des agressions commises par des religieux en France, les évêques ont publié une lettre ouverte aux fidèles en mars. Ils ont souhaité affronter la question de leur responsabilité en commun. La Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE), présidée par M. Jean-Marc Sauvé, devrait rendre son rapport final à l’automne. Elle poursuit actuellement ses vérifications dans les archives. Par ailleurs, une enquête sur la population générale sera menée. L’Institut français d'opinion publique (IFOP) interrogera 30 000 Français à défaut de pouvoir utiliser l’enquête périodique de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) sur la sexualité, qui a été reportée à cause de l’épidémie. La CIASE proposera une analyse, formulera des explications sur ce qu’il s’est passé et des suggestions pour remédier aux défaillances. Au-delà de ce travail, la CEF souhaite créer un lieu de mémoire de ces faits, participer activement à la prévention et au suivi des coupables, et contribuer à la reconstruction des victimes. Pour cela, un fonds de dotation indépendant des associations cultuelles ou diocésaines sera créé. Il sera nécessaire d’en parler pour récolter des fonds et ce sera une bonne chose pour que le sujet ne soit pas oublié, a estimé Mgr de Moulins-Beaufort.

Abordant ensuite le sujet de la synodalité, le président de la CEF a expliqué que le Pape avait souhaité lancer personnellement cette consultation de tous les catholiques sur la synodalité dans l’Église à l’occasion du 50e anniversaire du motu proprio de Paul VI qui avait créé le synode des évêques après le Concile Vatican II. Le Pape François pense que cette philosophie doit imprégner tous les niveaux de l’Église, et pas seulement ses instances centrales. Les fidèles doivent participer à la définition des orientations. Un travail débutera donc dans chaque diocèse en octobre. Il aboutira en mars 2022 au niveau des conférences épiscopales nationales. Une première synthèse sera rédigée pour discussion au sein des conférences continentales. C’est un processus nouveau au niveau mondial, mais la France a déjà une grande expérience des synodes. Elle est sans doute le pays où il y a eu le plus de synodes diocésains du fait du manque de prêtres et de la nécessité de réorganiser les diocèses.

Enfin, il a souligné qu’en France le catéchisme, les lectures à la messe et de nombreux autres services étaient assurés depuis longtemps par les laïcs, hommes ou femmes. La création de ministères ordonnés ne devrait pas conduire à un changement visible, mais elle nécessite une réflexion sur sa mise en œuvre.

De gauche à droite : Mme Patricia Schillinger et MM. Loïc Hervé
et Philippe Bonnecarrère

Répondant à Mme Patricia Schillinger sur la question des agressions sexuelles commises par le clergé, le président de la CEF a précisé que :

-        les termes « d’agressions et de violences sexuelles » sont préférés à ceux « d’abus » ou de « pédophilie » à la demande des victimes. Il est également important de ne pas employer des expressions qui correspondraient à une qualification juridique ;

-        les autres religions ou confessions chrétiennes sont sans doute également concernées par ces phénomènes d’agression, mais la présence de l’Église catholique est beaucoup plus importante dans la société française ;

-        en Alsace-Moselle, les financements publics ne sont pas destinés à abonder le fonds de dotation, qui sera créé pour accompagner les victimes.

Interrogé ensuite par M. Jean-Michel Houllegatte sur le décalage qu’il pouvait y avoir entre les difficultés actuelles de l’Église et les très beaux textes émanant du Pape et touchant un large public au-delà des catholiques, Mgr Éric de Moulins-Beaufort a relevé que, au-delà de la crise sur les agressions sexuelles qui est douloureuse, mais aussi l’occasion d’une purification en « traitant la maladie », l’Église devait faire face à un changement de société. Citant Teilhard de Chardin qui disait « Nous vivons un immense changement humain, tous les fondements de l’âme religieuse sont transformés », il a souligné que nous voulions désormais agir non pas par devoir, mais pour notre épanouissement personnel, dans une société où le plus grand nombre connaît la surabondance. Cela change tout, y compris la relation à Dieu. Parallèlement, l’Église abandonne le rôle d’encadrement de la société qu’elle jouait depuis Clovis et Saint Remi, pour aborder « l’âge de la fraternité ». La société elle-même a renoncé à dire le Bien et le Mal ; on légifère sur ce qui est possible. Si la société ne dit plus ce qu’est le meilleur, chacun reste libre de le faire et de le chercher. C’est le rôle de l’Église de soutenir les hommes de bonne volonté dans cette direction. À cet égard, évoquant plusieurs projets ou propositions de loi à l’invitation de M. Philippe Bonnecarrère, il a observé que les hommes et femmes politiques devaient faire face aux demandes de citoyens qui transforment un manque, une frustration ou une souffrance en un besoin et un droit à faire valoir sur la société, tandis que beaucoup d’autres refusent de se priver ou de priver leurs proches d’une potentialité. Quoiqu’il en soit, la haute dignité de l’être humain mérite d’être rappelée.

De gauche à droite : Mme Marie Mercier, M. Daniel Laurent, Mme Brigitte Micouleau,
MM. Bernard Fournier, Philippe Bas, Pierre Cuypers, Jérôme Bascher
et Jean-Michel Houllegatte

Puis disant partager les préoccupations de M. Daniel Laurent qui évoquait la chute de la fécondité en Europe et la baisse du nombre des mariages, Mgr Éric de Moulins-Beaufort a souligné que c’était le signe d’une grande inquiétude pour l’avenir. Or, le message chrétien est un message de confiance, de conversion et d’action pour faire le bien sur cette terre.

Concernant les vocations sacerdotales, il a indiqué à M. Pierre Cuypers qu’il avait beaucoup d’admiration pour la jeunesse catholique, mais qu’assurément l’engagement pour la vie faisait peur. Des jeunes, qui autrefois l’auraient fait, n’entrent plus au séminaire, comme d’ailleurs ils tardent à se marier.

Enfin, interrogé par M. Jérôme Bascher, il a évoqué le rôle particulier de l’enseignement catholique, qui a une mission d’annonce de la foi et plus largement de formation humaine et à l’exercice de la liberté. Pour cela, il faut aussi des enseignants catholiques. Il s’est réjoui à cet égard que de nombreux jeunes se tournent vers des métiers qui ont du sens et qui sont utiles à l’humanité, estimant qu’il fallait tendre vers une économie dynamique qui ne soit pas seulement tirée par la surconsommation.

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