Le 15 juin 2022, le groupe d’amitié France-Vanuatu-Iles du Pacifique, présidé par Mme Catherine PROCACCIA (Les Républicains – Val-de-Marne), a entendu, en visioconférence, M. François-Xavier LEGER, ambassadeur de France aux Fidji, Kiribati, Nauru, Tonga et Tuvalu.

MM. Jean-Jacques LOZACH (Socialiste, Écologiste et Républicain – Creuse), vice-président, Lucien STANZIONE (SER – -Vaucluse), Olivier CADIC (Union centriste – Français établis hors de France), Stéphane DEMILLY (Union centriste – Somme) et Mme Cécile CUKIERMAN (Communiste, républicain, citoyen et écologiste – Loire) ont également participé à l’entretien.

Mme Catherine PROCACCIA, présidente, a d’abord rappelé le parcours de M. François-Xavier LEGER : très bon connaisseur du Japon, il a été nommé ambassadeur aux Fidji en septembre 2021 après avoir occupé pendant trois ans cette même fonction au Népal. Elle a ensuite évoqué les activités du groupe d’amitié, en indiquant que celui-ci avait auditionné depuis deux ans, en visioconférence, les différents ambassadeurs en poste dans la région. Elle a précisé que le groupe avait organisé des déplacements en 2010, 2016 et 2018 qui ont permis à une délégation de se rendre dans les différents États couverts par l’ambassade, à l’exception de Nauru.

M. François-Xavier LEGER, ambassadeur a précisé qu’il n’avait pu arriver aux Fidji qu’en novembre 2021, compte tenu des difficultés de transports liés à la situation sanitaire. Il n’a pas encore eu la possibilité de se rendre dans les quatre autres États pour lesquels l’ambassade est compétente : Kiribati, Nauru, Tonga et Tuvalu.

Des États insulaires en réalité très différents

Ces cinq États, qui ont obtenu leur indépendance dans les années 1970, sont très divers : si les Fidji sont constituées d’un archipel de trois cents îles, d’une superficie totale de 18 000 km2, Nauru est composé d’une île unique d’une surface de 21 km2. Le PIB des Fidji atteint 6 000 dollars par habitant, contre seulement 1 500 dollars à Kiribati. Fidji est une République tandis que les Tonga sont un royaume dans lequel le monarque dispose de pouvoirs importants.  Un tiers de la population fidjienne est d’origine indienne en raison de l’arrivée au XIXe siècle de travailleurs venus du sous-continent.

L’impact de la crise Covid

Ces États ont été touchés de manière différente par la crise sanitaire : si 65 000 cas de contamination ont été comptabilisés aux Fidji, 11 700 à Tonga et 13 000 à Kiribati, tandis que Nauru et Tuvalu ont réussi à maintenir une politique de « zéro Covid »  et ont été très peu touchés. La pandémie a entraîné un effondrement du tourisme et une désorganisation des chaînes d’approvisionnement préjudiciable à leurs économies.

Un poids international accru en raison des ambitions chinoises

Depuis plusieurs mois, la région est le terrain de grandes manœuvres diplomatiques : la tournée effectuée en février par le Secrétaire d’État américain Antony BLINKEN a été suivie d’une visite des ministres des affaires étrangères japonais, australien et chinois. Le contrôle des espaces maritimes et les ressources naturelles sont au centre de cette lutte d’influences. La diplomatie française s’inscrit dans le cadre de la stratégie indopacifique et met l’accent sur la question climatique.

Créée en 1971, la principale organisation régionale, le Forum des îles du Pacifique (FIP), dont sont membres la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, vient de connaître une période de tensions pendant quinze mois, en raison d’un désaccord sur le choix de son nouveau secrétaire général. Leur candidat n’ayant pas été retenu, les États de l’aire micronésienne ont menacé de quitter l’organisation. Un compromis vient d’être trouvé : le secrétaire général finira son mandat mais les États micronésiens ont obtenu des garanties écrites pour la désignation de son successeur, ainsi qu’une répartition des postes plus représentative des trois groupes régionaux.

D’après les chiffres du Lowy Institute, les pays océaniens ont reçu l’an dernier 3,8 milliards de dollars d’aide au développement, principalement en provenance d’Australie, de Nouvelle-Zélande et du Japon, les Fidji étant le principal récipiendaire. Selon ces chiffres, l’aide française au développement représente un montant de 13 millions de dollars, dont 3,7 millions pour le Vanuatu et 360 000 dollars pour Fidji.

Les relations avec la France

Historiquement, la relation entre la France et les États du Pacifique a souffert de deux motifs de crispation : les essais nucléaires, qui appartiennent au passé, et la situation de la Nouvelle-Calédonie, pour laquelle les États de la région prennent acte du fait qu’une intense concertation a été menée et que la population  a été consultée. Alors que le contexte est devenu plus favorable, on peut regretter que les visites ministérielles demeurent si espacées, la dernière remontant à 2017. Un sommet France-Océanie a eu lieu, en visioconférence, en 2021.

Les échanges commerciaux avec la France sont réduits, Fidji étant le principal partenaire. En 2021, les exportations françaises vers ce pays ont atteint 17 millions d’euros. Plusieurs grandes entreprises y sont implantées, notamment la BRED, TotalEnergies, Pacific Energy, qui est une entreprise polynésienne, ou encore Suez.

La France est une puissance présente dans le Pacifique : seulement 557 km séparent Fidji de Wallis-et-Futuna. En cas de catastrophe naturelle, une aide peut être apportée rapidement depuis la Nouvelle-Calédonie grâce à nos forces armées. En dépit des tensions diplomatiques, la France et l’Australie ont apporté ensemble une aide humanitaire aux Tonga en début d’année à la suite d’une importante éruption volcanique.

L’Agence française de développement (AFD), qui conduit des projets transversaux comme l’initiative Kiwa, et l’Institut de recherche pour le développement (IRD) sont implantés à Nouméa. La France participe également à un réseau d’établissements d’enseignement supérieur associant quatorze universités, le PIURN (Pacific Islands Universities Research Network). De manière générale, la position française sur la lutte contre le changement climatique et son soutien au multilatéralisme sont appréciés dans la région.

Le plan d’action défini par le ministère fixe plusieurs priorités à l’ambassade. Il lui revient de suivre l’actualité politique des cinq États, de travailler avec la délégation de l’Union européenne, de faire valoir la stratégie indopacifique de la France et de contribuer à la bonne intégration des collectivités françaises du Pacifique dans leur environnement régional. Dans le domaine économique, elle facilite l’implantation des entreprises françaises et promeut les énergies renouvelables. Elle mène enfin une diplomatie d’influence dans ces pays qui sont davantage tournés vers l’Australie et la Nouvelle-Zélande, les États-Unis et le Royaume-Uni. Dans ce cadre, l’Alliance française à Suva veille à maintenir un programme d’enseignement et d’activités culturelles tout au long de l’année.

Échanges avec les sénateurs

Mme Cécile CUKIERMAN a observé que la France était présente dans la région mais qu’elle était confrontée à la concurrence de puissances disposant de moyens considérables.

M. François-Xavier LEGER a souligné que la récente visite du ministre chinois des affaires étrangères avait été plutôt une bonne opération, en dépit du rejet du projet d’accord sur la sécurité régionale, qui a été beaucoup commenté dans les médias. Organisée de manière confidentielle, cette tournée de grande ampleur a renforcé l’influence chinoise dans la région, même si Nauru et Tuvalu continuent de reconnaître Taïwan.

L’ambassade de France dispose de moyens réduits puisque seuls deux agents titulaires y sont affectés en plus de l’ambassadeur. Elle peut collaborer avec deux personnes de Nouvelle-Calédonie, l’une représentant le gouvernement de Nouvelle-Calédonie, l’autre un groupement d’entreprises (New Caledonia Trade & Invest), et coopère avec nos ambassades à Canberra, Wellington, Port-Vila et Port-Moresby. Des visites ministérielles plus régulières et une participation active aux travaux du FIP permettraient d’affirmer la présence française dans la région.

M. Olivier CADIC a souhaité obtenir des précisions concernant la communauté française ainsi que sur la politique des visas.

M. François-Xavier LEGER a répondu que 160 ressortissants français, qui forment une communauté assez soudée, sont enregistrés aux Fidji. Ils se répartissent en trois grandes catégories : les employés des institutions ou agences internationales comme l’ONU ou la Banque mondiale ; les salariés des grandes entreprises ; et ceux des petites entreprises, principalement dans les secteurs du tourisme et de l’agroalimentaire.

Concernant les visas, le suivi des dossiers a été externalisé à une entreprise locale. Les demandes, quelques dizaines par an, sont ensuite traitées par le service consulaire de l’ambassade à Singapour. Ils ne peuvent être délivrés dans un délai inférieur à quinze jours, ce qui est gênant pour les ressortissants fidjiens, les patrons d’entreprise ou les joueurs de rugby par exemple, qui effectuent des déplacements courts et fréquents. Les ressortissants des Tonga, de Tuvalu et de Kiribati n’ont pas besoin de visa pour effectuer de courts séjours dans l’espace Schengen. Il serait pertinent d’exempter également de visa les ressortissants fidjiens : ce serait un bon signal politique et cela ferait gagner du temps au service de l’ambassade.

Mme Catherine PROCACCIA, présidente, a indiqué pour conclure qu’elle était disposée à appuyer cette proposition auprès du ministère des affaires étrangères au nom du groupe d’amitié.

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