M. François-Noël Buffet, président du groupe d’amitié France-Indonésie et Timor-Est, et ses collègues Mme Catherine Procaccia, MM. Jean-Jacques Lozach et Jean-Yves Leconte, se sont entretenus avec S.E. M. Hotmangaradja Pandjaitan, ambassadeur d’Indonésie à Paris, qui était accompagné de plusieurs chefs de service de l’ambassade, et avec M. Oke Nurwan, directeur général en charge du commerce extérieur au ministère indonésien du commerce, qui effectuait une tournée auprès des attachés commerciaux indonésiens présents en Europe.

Les échanges ont d’abord porté sur les relations commerciales entre l’Union européenne (UE) et l’Indonésie. M. Oke Nurwan a indiqué que les négociations en vue de la conclusion d’un accord commercial (Comprehensive Economic Partnership Agreement, ou CEPA) se poursuivent, un quatrième round de négociations ayant eu lieu en février 2018, à Solo, en Indonésie. Si des progrès ont été enregistrés, notamment sur les questions de la propriété intellectuelle, de la sécurité sanitaire et phytosanitaire et du règlement des différends, des questions importantes restent à aborder, en particulier concernant les secteurs de l’énergie et des matières premières. L’UE est attentive aux questions de développement durable et de conditions de travail. Un cinquième round de négociations est prévu en juillet et l’accord pourrait être conclu en 2018. D’une manière générale, le Président de la République d'Indonésie M. Joko Widodo souhaite favoriser les échanges commerciaux en assouplissant les règlementations qui limitent l’achat de produit étrangers.

Mme Catherine Procaccia a souhaité obtenir des précisions sur le développement du tourisme en Indonésie, qui constitue un volet important de la stratégie économique du Président Widodo.

M. Rully F. Sukarno, chef du service en charge de la communication, des affaires sociales et culturelles et du tourisme à l’ambassade d’Indonésie, a fait observer que les Français sont la deuxième nationalité la plus représentée parmi les touristes étrangers en Indonésie ; ils constituent également la deuxième communauté d’expatriés à Bali. Si cette dernière est très connue à l’étranger, elle n’est cependant qu’une île parmi les 17 000 que compte l’archipel indonésien. Ceci explique la volonté des autorités de développer de nouvelles destinations, comme Borobudur, le lac Toba ou Wakatobi, au sud de Sulawesi. La construction d’un nouvel aéroport à Sumatra placera la région du lac Toba à seulement trente minutes de vol de Singapour. L’objectif est d’attirer 15 millions de touristes en Indonésie en 2018, dont environ 300 000 Français.

M. Jean-Jacques Lozach a demandé si le nombre de Français établis en Indonésie tendait à augmenter et si Total poursuivait son activité à Bornéo.

M. Jean-Yves Leconte a noté que la communauté française était en croissance, y compris à Jakarta, où la construction d’une nouvelle école française est envisagée. Le choix du site n’est cependant pas facile en raison de la difficulté à circuler en voiture dans la capitale indonésienne.

M. Hotmangaradja Pandjaitan a indiqué que les activités de Total à Bornéo ont été reprises par l’entreprise indonésienne Pertamina, dans le cadre d’une politique visant à confier une plus grande part de la production d’hydrocarbures à des entreprises locales. La société Total reste toutefois active dans le domaine de l’exploration.

M. François-Noël Buffet a demandé si le dossier de l’huile de palme constitue toujours un sujet de différend entre la France et l’Indonésie.

M. Hotmangaradja Pandjaitan a répondu qu’après les discussions autour de la loi « Biodiversité », en 2016, le débat s’est déplacé au niveau européen. Le Parlement européen a en effet adopté une résolution proposant d’interdire les biocarburants produits à partir de l’huile de palme à compter de 2021. Les ambassadeurs de plusieurs pays européens ont été invités à visiter des plantations pour mieux apprécier les efforts réalisés en matière de production d’huile de palme durable.

Mme Catherine Procaccia a indiqué que l’Alliance pour une huile de palme durable a signé un partenariat avec le WWF afin de définir les modalités permettant de garantir l’origine de l’huile de palme.

M. Jean-Yves Leconte a demandé si l’Indonésie, comme les Philippines, est confrontée au phénomène du retour de combattants partis se battre dans les rangs de l’État islamique.

M. Hotmangaradja Pandjaitan a répondu que seize Indonésiens, sur les deux cents qui se sont rendus au Moyen-Orient, sont revenus sur le territoire. Ils ont été arrêtés et font l’objet d’une enquête judiciaire.

M. François-Noël Buffet a souhaité obtenir des précisions sur les élections locales prévues en Indonésie au mois de juin.

M. Oke Nurwan a indiqué que 172 collectivités sont concernées par ces élections. Il sera cependant difficile de leur donner une signification sur le plan politique : en effet, les alliances entre partis varient selon les territoires et des partis qui s’opposent au niveau national peuvent diriger ensemble une collectivité. Il sera donc difficile de dire si les résultats du scrutin expriment un soutien ou une défiance à l’égard du président.

M. Jean-Jacques Lozach a demandé quels étaient les projets du gouvernement indonésien dans le domaine des infrastructures et dans celui du numérique.

M. Hotmangaradja Pandjaitan a répondu que le président Widodo a lancé un vaste programme de construction d’infrastructures de transport, qui prévoit 300 km d’autoroutes supplémentaires, un aéroport dans chaque grande ville et de nouvelles routes maritimes. Ces projets sont financés, pour partie, par des investisseurs étrangers, dont beaucoup viennent de la Chine ou du Japon, et pour partie par l’État, ce qui entraîne une augmentation de la dette publique. L’opposition attaque le président sur cette hausse de la dette publique, mais celle-ci vient financer des investissements qui devraient avoir un impact positif sur la croissance économique.

Les autorités indonésiennes sont conscientes de l’importance du numérique dans l’économie contemporaine. C’est pourquoi un ministre des télécommunications et du numérique a été nommé, avec pour mission de développer le commerce en ligne et de favoriser la création de start-ups. Si 140 millions d’habitants ont accès à l’informatique et à internet, il reste des efforts à accomplir pour en faire bénéficier ceux qui vivent dans les régions plus isolées.

Par ailleurs, le Gouvernement envisage la création d’une cyber-agence qui serait chargée de lutter contre les cyber-attaques mais aussi de traiter des problèmes nouveaux comme la diffusion des fake news.

Concernant la lutte contre le cyber terrorisme, l’ambassade a proposé une coopération plus étroite avec la France. Si les autorités françaises ont donné leur accord de principe, cette coopération tarde à déboucher sur des réalisations concrètes.

M. Jean-Yves Leconte a fait observer que les services de renseignement français sont mobilisés sur plusieurs terrains d’opérations et qu’ils manquent sans doute de ressources pour répondre rapidement aux sollicitations des autorités indonésiennes. Une coopération en matière de lutte anti-terroriste est néanmoins souhaitable car on sait que les combattants islamistes cherchent à se regrouper dans des endroits où ils seront moins surveillés et il est important que l’Indonésie ne puisse leur servir de refuge.

M. Agung Kurniadi, chef de mission-adjoint, a précisé que l’agence indonésienne de lutte anti-terroriste, le BNPT, coopère avec la DGSE. L’Indonésie a récemment proposé la conclusion d’un protocole d’accord tendant à renforcer les échanges entre ces deux services.

M. Hotmangaradja Pandjaitan a souligné que l’Indonésie est un pays musulman modéré. Elle est cependant confrontée, comme d’autres pays, à la diffusion de l’idéologie wahhabite, ce qui favorise la constitution de groupes radicaux, difficiles à interdire dans un État démocratique. Si certains groupes politiques tentent d’exciter les passions, comme les manifestions à Jakarta l’ont montré en 2017, la société reste fondamentalement tolérante.

M. Agung Kurniadi a ajouté que le gouvernement a mis en place un forum inter-religieux afin d’encourager le dialogue entre les représentants des cultes.

Mme Catherine Procaccia a demandé, d’une part, si des migrants tentaient toujours de gagner l’Australie par bateau, d’autre part, s’il était envisageable que Timor-Est adhère à l’Association des Nations du Sud-Est asiatique (ASEAN).

Sur le premier point, M. Hotmangaradja Pandjaitan a répondu que la politique de l’Australie consistant à renvoyer les migrants vers l’île de Nauru avait eu un effet dissuasif. Concernant Timor-Est, son adhésion paraît difficile à court terme car cet État souffre d’un retard de développement par rapport aux autres États de l’ASEAN. L’Indonésie a en revanche proposé que l’Australie rejoigne l’organisation afin de renforcer la stabilité régionale.

De gauche à droite : MM. Agung Kurniadi, Oke Nurwan, François-Noël Buffet, S.E. Hotmangaradja Pandjaitan, Mme Catherine Procaccia, MM. Jean-Jacques Lozach et Jean-Yves Leconte.

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