NOTE DE SYNTHESE

Le cumul de nationalités résulte du fait que chaque Etat fixe de manière souveraine et unilatérale les conditions d'octroi de sa nationalité.

La plurinationalité peut exister dès la naissance, par exemple lorsque le père et la mère sont de nationalités différentes, ou encore du fait de l'application combinée de règles relevant du droit du sol et du droit du sang.

Elle peut aussi se produire après la naissance : à la suite d'un événement modifiant la nationalité de l'intéressé (adoption par exemple) ou d'un changement volontaire de nationalité, lorsque l'Etat qui accorde la nouvelle nationalité n'exige pas l'abandon de la nationalité d'origine.

Il existe un réseau de conventions bilatérales et multilatérales destinées à éviter les cas de cumul de nationalités . Pour les pays européens, la convention la plus importante est la convention de 1963 du Conseil de l'Europe qui lie 13 pays.

Malgré cette convention, le cumul de nationalités est traité fort différemment par les droits nationaux. On peut ainsi opposer le droit anglais, qui l'admet presque sans restriction, au droit allemand, qui ne l'autorise qu'exceptionnellement.

C'est pourquoi on a retenu plusieurs pays européens qui ont adopté des positions divergentes sur cette question : l' Allemagne , la Belgique , l' Espagne , l' Italie , les Pays-Bas , le Portugal , le Royaume-Uni et la Suisse . Parmi ces pays, seuls le Portugal et la Suisse n'ont pas ratifié la convention de 1963 du Conseil de l'Europe. L'Espagne et le Royaume-Uni n'ont toutefois ratifié que la partie de la convention relative aux obligations militaires, et non celle concernant la réduction des cas de nationalités multiples.



En effet, cette convention s'efforce non seulement de limiter les cas de cumul de nationalités, mais également de résoudre le problème du service national pour les plurinationaux.

La question particulière du service national n'est pas abordée ici. En effet, lorsque la convention de 1963 n'est pas applicable, l'individu soumis aux obligations militaires accomplit presque toujours son service national dans le pays où il a sa résidence habituelle. Ce principe, posé par de nombreuses conventions bilatérales, est très souvent mis en oeuvre même en l'absence d'accord formalisé.

Pour analyser les législations relatives au cumul de nationalités, on s'est efforcé de répondre à deux questions :

- L'adoption, le mariage et l'acquisition volontaire d'une autre nationalité sont-ils facteurs de cumul de nationalités ?

- Quand il possède plusieurs nationalités, l'intéressé doit-il faire un choix à un moment donné (âge de la majorité par exemple) entre celles-ci ?

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1) En Espagne, en Italie, au Portugal et au Royaume-Uni, l'adoption d'un national par un étranger constitue une source potentielle de cumul de nationalités.

En effet, dans chacun de ces quatre pays, l'adoption d'un national par un étranger est sans effet en droit interne. L'adoption peut donc se traduire par un cumul de nationalités si la législation du pays de l'adoptant prévoit que l'adoption confère à l'adopté la nationalité de l'adoptant.

En revanche, en Allemagne, en Belgique, aux Pays-Bas et en Suisse, l'adoption par un étranger ne peut pas créer de cumul de nationalités car l'adopté perd sa nationalité d'origine si l'adoption lui confère celle de l'adoptant.

2) Dans tous les pays étudiés, l'adoption d'un mineur étranger peut conduire à un cumul de nationalités.

Dans tous les pays, l'adoption d'un mineur étranger se traduit par l'attribution de la nationalité de l'adoptant à l'adopté. Seules les lois belge et portugaise contiennent des restrictions à cette règle générale. La loi belge prévoit une exception dans le cas où les adoptants belges sont eux-mêmes nés à l'étranger : ils doivent alors réclamer explicitement l'attribution de la nationalité belge au profit de leurs enfants adoptifs. Au Portugal, seule l'adoption plénière confère la nationalité portugaise à l'adopté.



L'adoption est donc source de cumul de nationalités pour autant que la législation du pays de l'adopté ne prévoie pas la perte de la nationalité d'origine en cas d'adoption par un étranger.

3) L'acquisition volontaire d'une nationalité étrangère par un national peut être cause de cumul de nationalités en Italie, au Portugal, au Royaume-Uni, en Suisse et, dans une moindre mesure, en Espagne.

En effet, dans les quatre premiers pays sus mentionnés, l'acquisition volontaire d'une nationalité étrangère par un national ne suppose pas la renonciation à la nationalité d'origine.

L'introduction de cette règle est récente au Portugal et en Italie puisqu'elle remonte aux dernières réformes du droit de la nationalité, qui datent respectivement de 1981 et de 1992.

En Espagne, cette règle ne s'applique qu'aux ressortissants des pays qui ont conclu des " traités de double nationalité ", comme le prévoit l'article 11-3 de la Constitution. Le cumul de nationalités ne peut donc concerner que les citoyens des pays d'Amérique latine, des Philippines, d'Andorre, de Guinée équatoriale, ainsi que les Portugais.

En revanche, en Allemagne, en Belgique et aux Pays-Bas, l'acquisition d'une nationalité étrangère s'accompagne de la perte de la nationalité d'origine. Aux Pays-Bas, une réforme du droit de la nationalité supprimant cette disposition est actuellement en cours d'examen par le Parlement. En Allemagne, cette perte ne se produit que si l'intéressé ne réside pas de façon permanente sur le territoire de la République fédérale.

4) Dans tous les pays sauf en Allemagne et aux Pays-Bas, l'acquisition volontaire de la nationalité par des étrangers peut être source de double nationalité.

L'étranger qui souhaite acquérir la nationalité belge, italienne, portugaise, britannique ou suisse n'a pas besoin de renoncer à la sienne. Il peut donc ainsi devenir double national.

Pour l'Espagne, cette possibilité n'est ouverte qu'aux ressortissants des pays qui ont signé des " traités de double nationalité ". Dans les autres cas, l'acquisition de la nationalité espagnole suppose la renonciation à la nationalité précédemment détenue.

De même, l'acquisition de la nationalité allemande est, sauf cas particuliers, subordonnée à l'abandon de la nationalité antérieure. Le tribunal administratif fédéral a d'ailleurs eu l'occasion de rappeler récemment que les autorités administratives compétentes pour les décisions de naturalisation devaient s'efforcer d'éviter les cumuls de nationalités.

La loi néerlandaise sur la nationalité qui, dans l'ensemble, s'efforce d'éviter les cumuls de nationalités, est moins rigide que la loi allemande. Si, en principe, tout étranger souhaitant acquérir la nationalité néerlandaise doit renoncer à sa nationalité d'origine, une exception est prévue pour les étrangers de moins de 25 ans nés aux Pays-Bas et y résidant depuis leur naissance, et la réforme que le Parlement examine actuellement prévoit de rendre plus aisées les possibilités de cumul.

5) Le mariage a les mêmes effets que l'acquisition volontaire de la nationalité par des étrangers.

Les réformes adoptées au cours des vingt dernières années pour éliminer tout élément de discrimination sexuelle des législations sur la nationalité se sont notamment traduites par la suppression des dispositions tendant à accorder automatiquement la nationalité du mari à l'épouse étrangère.

Désormais, le mariage permet seulement d'obtenir la naturalisation dans des conditions simplifiées. En matière de cumul de nationalités, il emporte donc les mêmes conséquences que l'acquisition volontaire de la nationalité par un étranger.

6) Seules les législations espagnole et néerlandaise prévoient la perte d'une des nationalités détenues en cas de cumul.

Cette perte survient au plus tôt à l'âge de la majorité. Ainsi, les Espagnols qui ont une deuxième nationalité depuis l'enfance perdent automatiquement, à l'âge de la majorité ou de l'émancipation, la nationalité espagnole s'ils utilisent exclusivement leur autre nationalité (sauf pour les ressortissants de pays qui ont signé des " traités de double nationalité ").

De même, les Néerlandais qui ont résidé après leur majorité de manière ininterrompue pendant 10 ans dans le pays où ils sont nés et dont ils possèdent également la nationalité perdent automatiquement la nationalité néerlandaise si leur résidence à l'étranger n'est pas justifiée par des raisons professionnelles.

Dans tous les autres pays, même en Allemagne où le législateur s'est efforcé par tous les moyens d'empêcher le cumul de nationalités, aucune disposition n'oblige les détenteurs de plusieurs nationalités à abandonner ou à choisir l'une d'elles.

Cependant, conformément à la convention de 1963 du Conseil de l'Europe, toutes les législations prévoient la possibilité pour les plurinationaux de renoncer volontairement à l'une de leurs nationalités.

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Les deux pays dotés des législations les plus restrictives à l'égard du cumul de nationalités sont les Pays-Bas et surtout l'Allemagne.

Aux Pays-Bas, la réforme qu'examine actuellement le Parlement devrait se traduire par une plus grande reconnaissance du cumul de nationalités.

La question a fait l'objet de vives discussions en Allemagne au cours des dernières années. Les voix favorables à l'introduction de la plurinationalité au profit des étrangers vivant dans le pays et désireux de se faire naturaliser se sont multipliées. Un projet de loi modifiant la loi de 1913 sur la nationalité est en préparation mais la coalition au pouvoir n'est pas encore parvenue à un accord sur son contenu.

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