SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (Octobre 2008)

ALLEMAGNE

Si le code civil accorde à chacun une créance alimentaire sur ses descendants en ligne directe, le code social affirme le caractère subsidiaire de l'aide sociale par rapport à la protection sociale - en particulier par rapport aux prestations de la branche dépendance - et aux contributions alimentaires .

En pratique, l'obligation alimentaire envers les ascendants concerne essentiellement les enfants . En effet, le code social permet aux communes de récupérer les sommes correspondant aux prestations fournies au titre de l'aide sociale et qui auraient pu être financées par l'obligation alimentaire, mais il limite cette possibilité aux dettes des enfants.

Depuis quelques années, la jurisprudence s'efforce d'édicter des règles générales qui restreignent le montant des contributions alimentaires payées par les enfants .

1) L'obligation alimentaire envers les ascendants

a) Les débiteurs

D'après le code civil, seuls les « parents en ligne directe » sont concernés par l'obligation alimentaire. L'obligation alimentaire n'est donc pas limitée par le degré de parenté , mais elle ne vaut pas pour les alliés , de sorte que les gendres et les brus sont théoriquement dispensés de toute contribution alimentaire envers les parents de leur conjoint.

Toutefois, les gendres et les brus sont indirectement astreints à une obligation alimentaire envers leurs beaux-parents, car la jurisprudence estime qu'une personne qui n'a pas de revenus propres peut aider financièrement ses parents, si son conjoint dispose d'importantes ressources. En effet, l'obligation alimentaire envers les parents peut alors être remplie grâce aux ressources du conjoint, qui a lui-même un devoir d'entretien dans le cadre du mariage.

b) L'étendue de l'obligation alimentaire

Il n'existe pas de barème : le code civil fait dépendre le montant des contributions alimentaires à la fois des besoins des uns et des possibilités financières des autres. Il précise qu'aucune contribution ne peut être exigée si le versement de celle-ci constitue une menace pour la propre subsistance du débiteur, à condition que le train de vie de ce dernier soit « convenable », compte tenu de ses autres obligations financières.

En outre, bien que le code ne le prévoie pas explicitement, l'obligation alimentaire n'existe qu'en cas de concomitance de la situation de besoin de l'un et de la capacité contributive de l'autre.

2) La prise en compte de l'obligation alimentaire par la législation sociale

a) Le principe du remboursement par les débiteurs

Compte tenu du caractère subsidiaire de l'aide sociale, les communes n'attribuent cette dernière qu'après avoir vérifié que ni les demandeurs ni leurs enfants ne pouvaient fournir l'effort financier nécessaire. Les premiers peuvent être conduits à mobiliser leur patrimoine (1 ( * )) . Quant aux enfants, ils font en règle générale l'objet d'une enquête approfondie (questionnaires, interrogation des employeurs et des établissements financiers, etc.).

Bien que le code civil impose aux petits-enfants une obligation alimentaire envers les grands-parents, les communes vérifient seulement la situation financière des enfants, car le code social ne leur donne la possibilité d'obtenir le remboursement des dépenses engagées au titre de l'aide sociale qu'à l'égard de ces derniers.

Pour apprécier la capacité qu'ont les enfants à contribuer à l'entretien de leurs parents, les communes se réfèrent au barème établi par la cour d'appel de Düsseldorf et mis à jour environ tous les deux ans, et que les autres tribunaux appliquent. Depuis le 1 er janvier 2008, ce barème, qui prend en compte tous les revenus, quelle que soit leur origine, prévoit que le débiteur :

- a le droit de déduire de son revenu imposable total certaines dépenses obligatoires, comme l'épargne en vue de la retraite (au moins 5 % du revenu pour un salarié, davantage pour un non-salarié) ou le remboursement des prêts immobiliers conclus pour l'acquisition de la résidence principale, la déduction des sommes correspondant au remboursement des autres emprunts n'étant admise que si la conclusion de nouveaux contrats de prêt est antérieure à l'apparition de la situation de besoin de l'ascendant ;

- conserve 1 400 € par mois (2 ( * )) , cette somme étant augmentée de 1 050 € (2) pour le conjoint et d'un montant variable pour chaque enfant à charge (entre 204 et 670 € selon l'âge des enfants et les revenus des parents) ;

- garde, outre le minimum auquel il a droit compte tenu de sa situation de famille, la moitié de la différence entre son revenu imposable diminué des dépenses considérées comme obligatoires et ce minimum.

Les revenus pris en compte sont ceux du foyer, et non ceux du seul débiteur alimentaire, de sorte que ce dernier peut avoir à verser une contribution alimentaire à un parent même s'il dispose de faibles ressources. En effet, lorsque les revenus des deux membres d'un couple sont déséquilibrés, on considère que celui qui a les revenus les plus faibles ne participe aux dépenses de son propre foyer que dans une proportion limitée et peut, par conséquent, fournir une contribution alimentaire à un ascendant.

En cas de besoin, la commune peut demander que la contribution alimentaire soit financée en tenant compte du patrimoine du débiteur , mais un minimum, que l'on peut estimer à 25 000 € ou à 75 000 € selon que l'intéressé est ou non propriétaire de sa résidence principale, doit rester à sa disposition.

Ce barème n'est pas appliqué de la même façon sur l'ensemble du territoire de la République fédérale : les Länder du Sud (Bavière et Bade-Wurtemberg) sont considérés comme plus généreux que les autres, et la mise en oeuvre du barème est moins uniforme dans les Länder de l'ex-Allemagne de l'Est que dans les anciens Länder .

Tous les deux ans, la situation du débiteur est réexaminée.

b) Les limites au remboursement

Au cours des dernières années , les tribunaux , sensibles aux difficultés de la génération « intermédiaire », qui a des obligations à la fois à l'égard des jeunes et des personnes âgées, se sont efforcés de fixer des règles qui limitent le montant des dettes alimentaires des enfants envers leurs parents .

La jurisprudence (3 ( * )) estime qu'aucune créance alimentaire ne doit entraîner une « baisse sensible et durable du niveau de vie » du débiteur, à moins que le train de vie de l'intéressé ne se caractérise par un « luxe débordant ». Elle considère également que le débiteur alimentaire doit disposer d'un patrimoine suffisant pour garantir sa propre autonomie au moment de sa retraite.

En juin 2005, la Cour constitutionnelle fédérale a rendu une décision limitant l'obligation alimentaire des enfants envers leurs parents. Elle rappelle que :

- la situation de besoin de l'un doit correspondre à la capacité contributive de l'autre, ce qui exclut qu'une personne dont les revenus ont augmenté soit mise à contribution pour des dépenses passées ;

- la commune ne peut pas exiger d'enfants dont les revenus sont insuffisants pour qu'une contribution leur soit réclamée qu'ils consacrent leur patrimoine à l'entretien de leurs parents ;

- le législateur ne considère pas les parents comme des créanciers alimentaires prioritaires . En effet, le code civil les place non seulement après les enfants, les enfants majeurs encore à charge et les époux, mais également après les petits-enfants.

De plus, la Cour constitutionnelle fédérale indique que les dernières évolutions normatives traduisent la volonté du législateur de voir chacun assurer sa propre subsistance. Selon la Cour constitutionnelle, la diminution des pensions de retraite servies par le régime général et l'avantage fiscal accordé aux personnes qui épargnent en vue de la retraite témoignent de cette tendance à la responsabilisation individuelle. Du reste, la Cour constitutionnelle fédérale souligne que la loi sur le minimum vital des personnes âgées et handicapées, entrée en vigueur le 1 er janvier 2003 et dont les dispositions, codifiées le 1 er janvier 2005, figurent désormais dans le code social, prévoit que les demandes de mise en oeuvre de l'obligation alimentaire ne sont pas prises en compte lorsque le revenu annuel imposable du débiteur ne dépasse pas 100 000 €.

Par ailleurs, pour des raisons d'équité, une commune peut, dans un cas particulier, renoncer au remboursement des dépenses d'aide sociale. Cette disposition permet par exemple de ne demander aucune contribution aux enfants qui n'ont plus de relations avec leurs parents depuis de nombreuses années ou à ceux qui ont de graves problèmes de santé.

* (1) La conservation d'un montant minimal, que l'on peut estimer actuellement à environ 2 500 €, leur est toutefois garantie.

* (2) 1 300 et 950 € dans les Länder de l'ex-Allemagne de l'Est.

* (3) Au cours des dernières années, la Cour fédérale suprême, c'est-à-dire la juridiction suprême de l'ordre judiciaire, a rendu plusieurs décisions relatives à l'obligation alimentaire des enfants envers leurs parents.

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