EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La révision du traité instituant le Mécanisme européen de stabilité (MES) s'inscrit dans une ambition d'approfondissement de l'Union économique et monétaire (UEM) portée à la fois par la France depuis le discours de la Sorbonne du 26 septembre 2017 du président de la République et par la Commission européenne qui a publié un paquet de mesures pour la refonte de l'UEM le 6 décembre 2017. Les travaux de révision du traité se sont déroulés en 2018 et 2019 en filière Eurogroupe format inclusif (à 27). L'accord final a été trouvé à l'Eurogroupe du 14 juin 2019 sur un projet de traité MES révisé, accord qui a été étendu à la documentation opérationnalisant ce traité lors de l'Eurogroupe du 4 décembre 2019. Le traité MES révisé a été signé à Bruxelles le 27 janvier et le 8 février 2021. L'objectif de cet accord est de développer le MES afin de renforcer la résilience de la zone euro et le cadre de gestion des crises. La révision vise notamment à réduire les risques de cercles vicieux entre les crises financières et les crises de dettes souveraines. Pour ce faire, elle comporte des avancées sur quatre points majeurs : l'amélioration de l'efficacité des instruments de précaution destinés aux États de la zone euro, la création d'un filet de sécurité au Fonds de résolution unique, le renforcement et l'indépendance du MES ainsi que l'inscription d'une nouvelle règle de vote entourant les cas de restructuration.

Parallèlement, conformément aux termes de référence endossés par le Sommet de la Zone Euro de décembre 2018, les États membres se sont entendus sur un accord visant à modifier l'accord concernant le transfert et la mutualisation des contributions au Fonds de résolution unique.

L'accord initial, signé par 26 États membres de l'UE 1 ( * ) et dont les dispositions s'appliquent aux 21 États membres participant à l'Union bancaire, prévoit le transfert des contributions au Fonds par les États participants et définit les modalités de recours aux ressources des compartiments nationaux et de la partie mutualisée du Fonds pendant la période transitoire de 8 ans au cours de laquelle le Fonds doit attendre sa taille cible (2024). Cet accord modificatif était nécessaire pour tenir compte de l'entrée en vigueur de la facilité de soutien du MES au CRU (Conseil de résolution unique) (voir partie 2) deux ans avant la fin de la période transitoire. Il permet ainsi d'assurer une mutualisation progressive des contributions ex post extraordinaires que le CRU appellerait pour rembourser l'utilisation éventuelle de la facilité de soutien pendant les deux années qui précédent la fin de la période transitoire. À l'instar du traité MES révisé, l'accord modificatif a été signé à Bruxelles le 27 janvier et le 8 février 2021.

Le traité MES révisé est divisé en 7 chapitres (« membres et but », « direction », « capital », « opérations », « gestion financière », « dispositions générales relatives au MES » et « dispositions transitoires »), 49 articles, soit un de plus par rapport à la version initiale, et 4 annexes (« clé de contribution du MES », « souscription au capital autorisé », « critères d'admissibilité applicables à l'assistance financière octroyée par le MES à titre de précaution » et « critères d'approbation des prêts et des versements au titre de la facilité du dispositif de soutien »), soit deux de plus.

L'accord modifiant le traité instituant le MES est composé d'un préambule et de cinq articles.

Le préambule rappelle le contexte général de conclusion de l'accord. L'article 1 présente les modifications apportées au préambule, aux considérants, aux articles et aux annexes du traité instituant le MES. Dans le détail, le traité MES révisé introduit les modifications suivantes au traité du 27 septembre 2012 :

1- La révision des instruments de précaution du MES

L'article 14 modifié vise à présenter les deux types de lignes de crédit de précaution que le MES peut octroyer à un État frappé par un choc exogène mais dont les fondamentaux économiques sont sains : la ligne de crédit de précaution assortie de conditions (Precautionary Conditioned Credit Line ou PCCL en anglais) et la ligne de crédit de précaution assortie de conditions renforcées (Enhanced Conditions Credit Line ou ECCL en anglais).

L'instrument PCCL n'est assorti d'aucune conditionnalité macroéconomique liée à la mise en oeuvre de réformes structurelles. Son accès est toutefois conditionné au respect ininterrompu des critères ayant trait aux fondamentaux économiques sains, détaillés à l'annexe III du traité révisé. L'État sollicitant cet outil n'a pas à présenter de Memorandum of Understanding (MoU) mais uniquement une lettre d'intention adressée au conseil des gouverneurs et évaluée par la Commission européenne.

Les États non éligibles à la ligne PCCL mais dont la situation économique reste solide et la dette publique soutenable peuvent faire appel à la ligne ECCL qui est - quant à elle - soumise à la conclusion d'un Mémorandum of Understanding (MoU) signé par la Commission européenne au nom du MES, le directeur du MES et l'État en question.

La Commission européenne et le directeur général du MES évaluent tous les six mois le respect des conditionnalités attachées aux deux instruments une fois qu'un État y a fait appel. Le conseil d'administration examine le rapport et l'accès à la ligne est interrompu si l'État ne remplit plus les critères d'admissibilité (pour la PCCL) ou la conditionnalité du protocole d'accord (pour l'ECCL), sauf à ce que le conseil d'administration en décide autrement d'un commun accord. Une marge supplémentaire est appliquée à l'État ayant déjà puisé dans les fonds sauf si le conseil des gouverneurs juge que le non-respect est dû à des événements échappant au contrôle de l'État.

L'article 14 modifié renvoie également à des lignes directrices qui opérationnaliseront les paramètres des instruments de précaution susmentionnés, notamment (i) en déterminant le contenu exact de la lettre d'intention à adresser dans le cadre de la PCCL et en confiant à la Commission européenne le soin de vérifier sa compatibilité avec tous les avis et recommandations adressés à l'État dans le cadre du Semestre européen ; (ii) en fixant la maturité maximale de la ligne PCCL à cinq ans et en détaillant la procédure pour étendre cette maturité ; et (iii) en se référant à une pré-évaluation confidentielle du directeur du MES de l'accès de l'État membre à l'un ou l'autre des instruments de précaution.

Les articles 5 (conseil des gouverneurs) et 13 (procédure d'octroi d'un soutien à la stabilité) sont modifiés pour tenir compte de la révision des instruments de précaution du MES.

2- La création d'une facilité de soutien du MES au CRU

L'article 18 bis est inséré. Il vise à présenter le fonctionnement de la facilité de soutien du MES au Conseil de résolution unique (CRU) dit filet de sécurité ou common backstop en anglais. Le conseil des gouverneurs approuve d'un commun accord l'octroi de la facilité - ligne de crédit de dix ans renouvelables - sur une demande du CRU et sur une proposition du directeur général. Par la suite, le conseil d'administration est compétent pour décider d'un commun accord de l'octroi des prêts et des versements dans le cadre de cette facilité sur demande du CRU. Le directeur général du MES peut recevoir délégation du conseil d'administration à cet égard.

L'article 18 bis décrit également la procédure d'urgence qui peut être activée en cas de menace sur la viabilité économique et financière de la zone euro et abaisse le seuil d'approbation des prêts et versements à 85 % des voix exprimées en conseil d'administration. La procédure est suspendue après deux utilisations et peut être rétablie sur la base d'un commun accord en conseil des gouverneurs.

L'article 18 bis explique enfin en quoi consiste la condition de permanence du cadre juridique sur la résolution bancaire en renvoyant expressément à des articles du règlement sur le mécanisme de résolution unique (MRU) du 15 juillet 2014, de la directive sur le redressement et la résolution bancaire (BRRD) du 15 mai 2014 et du règlement concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit du 26 juin 2013 (CRR). Le conseil des gouverneurs procède à un réexamen complet de cette facilité et se prononce expressément d'un commun accord pour son maintien si cette condition n'est pas remplie.

L'article 18 bis mentionne également la documentation secondaire (droit dérivé du traité MES révisé) qui sera amenée à préciser les paramètres exacts du filet de sécurité et qui a vocation à être approuvée par les organes compétents du MES dans la limite de leurs attributions et après ratification du traité modifié : la résolution du conseil des gouverneurs mettant la facilité à la disposition du CRU, la résolution du conseil des gouverneurs fixant le plafond nominal du filet de sécurité et explicitant la condition de permanence du cadre juridique, les lignes directrices du filet de sécurité à adopter en conseil d'administration et l'accord entre le MES et le CRU détaillant les modalités et conditions financières de la facilité. Des projets de documents secondaires ont été endossés par l'Eurogroupe et le sommet zone euro de décembre 2019.

L'annexe IV est insérée. Son 2 ème paragraphe expose les critères exacts à respecter pour approuver les prêts et les versements successifs du MES au profit du CRU.

L'article 12 modifié pose les principes de neutralité budgétaire à moyen terme et de recours en dernier ressort de la facilité.

Le considérant 15 ter nouveau indique que les États membres du MES reconnaissent la nécessité de garantir un processus décisionnel rapide et efficace pour utiliser la facilité. Il évoque également les termes de référence endossés par le Sommet des chefs d'État et de gouvernement de la zone euro du 14 décembre 2018 qui s'est mis d'accord sur un délai de 12 heures après une demande de prêt du CRU pour que le conseil des gouverneurs se prononce (que le directeur du MES peut exceptionnellement étendre à 24 heures en cas d'opération de résolution complexe).

Un système d'alerte précoce - déjà prévu pour les autres instruments de soutien du MES - est prévu à l'article 18 bis nouveau pour s'assurer de recevoir en temps utile tout remboursement des sommes dues dans le cadre de la facilité.

Il est ajouté que le statut de créancier privilégié dont bénéficient les prêts du MES et décrit au considérant 13 modifié s'étend également aux prêts du MES au CRU dans le cadre de la facilité.

Le considérant 9 bis nouveau dispose que les États membres de l'UE hors zone euro qui participent à l'Union bancaire (Croatie, Bulgarie) et ont donc établi une coopération renforcée avec la BCE au sens du règlement 1024/2013 du 15 octobre 2013 conférant des missions spécifiques à la BCE ayant trait à la surveillance prudentielle des établissements de crédit doivent fournir des lignes de crédit au FRU parallèlement au MES. Ils participent à la facilité selon des conditions identiques aux États membres du MES et sont invités à participer en tant qu'observateurs au conseil des gouverneurs et au conseil d'administration lorsque ces organes débattent de ce sujet.

Les articles 3 (buts), 5 (conseil des gouverneurs), 6 (conseil d'administration), 20 (politique tarifaire) et 37 (interprétation et règlement des litiges) sont modifiés en conséquence pour tenir compte de l'introduction de la facilité.

Enfin, les termes de référence du 14 décembre 2018 ont acté la suppression de l'instrument de recapitalisation directe des institutions financières (DRI). Conformément à l'article 19 (révision et modifications de la liste des instruments d'assistance financière), le conseil des gouverneurs proposera de discontinuer cet instrument après ratification du traité révisé. Un projet de résolution du conseil des gouverneurs en ce sens a été endossé lors de l'Eurogroupe de décembre 2019.

3- Le renforcement du rôle du directeur du MES et de l'indépendance du MES

L'article 13 modifié clarifie et étend le mandat du MES dans la procédure d'octroi d'un soutien à la stabilité. Il est désormais chargé, avec la Commission européenne, d'évaluer l'existence d'un risque pour la stabilité financière de la zone euro, la soutenabilité de l'endettement public et la capacité du MES à rembourser l'assistance apportée ainsi que les besoins de financement de l'État ayant présenté une demande (de soutien à la stabilité ou d'assistance à titre de précaution). Il présente la proposition d'octroi d'assistance (soutien à la stabilité ou précaution) que le conseil des gouverneurs doit adopter. Sauf pour l'instrument de précaution PCCL, il négocie - avec la Commission européenne et la BCE (et le FMI le cas échéant) - et signe avec la Commission le protocole d'accord. Il s'assure, avec la Commission, du respect continu des conditionnalités détaillées dans le protocole.

Un protocole de coopération entre le MES et la Commission, mentionné à l'article 13 modifié, indique les modalités exactes de coopération dans et hors du cadre des programmes d'assistance financière. Un accord est intervenu sur un projet de protocole de coopération entre les deux institutions en novembre 2018.

L'article 3 révisé (« buts ») confie au MES - en sus de la mobilisation de ressources financières pour assurer un soutien à la stabilité à ses membres - une mission de suivi et d'évaluation de la situation macroéconomique et financière des États membres y compris la soutenabilité de l'endettement public. Ce rehaussement du rôle du MES se traduit également par l'élargissement des missions du directeur général à la négociation des protocoles d'accord, l'évaluation de la soutenabilité de l'endettement public et au suivi du respect des conditionnalités attachées à l'assistance comme décrit ci-dessus. Le considérant 11 ter nouveau apporte une précision supplémentaire en indiquant que si le MES et la Commission européenne ne s'entendent pas sur une évaluation commune, la Commission procède à l'évaluation globale de la soutenabilité de la dette publique et le MES évalue la capacité de l'État concerné à le rembourser.

L'article 12 révisé (« principes ») et le considérant 15 bis nouveau visent en outre à clarifier la répartition des rôles entre les institutions et organes de l'Union européenne - au premier rang desquels la Commission européenne - et le MES dans la gouvernance économique de la zone euro. Le considérant 15 bis nouveau énonce ainsi que la coordination des politiques économiques des États, dont les modalités sont arrêtées par le droit de l'Union, ne fait pas partie des missions du MES et incombe ainsi à la Commission et au Conseil. L'article 12 révisé dispose en outre que la Commission veille à ce que les programmes d'assistance financière soient conformes au droit de l'Union chaque fois que ce contrôle s'avère pertinent dans le cadre de ses responsabilités au titre du traité. Enfin, le considérant 10 modifié précise que la Commission et la BCE n'ont pas de pouvoirs décisionnels au titre des missions que leur confie le traité et que leurs actions n'engagent donc que le MES.

L'article 7 modifié (directeur général) et le considérant 16 modifié consacrent l'indépendance du directeur général du MES et de son personnel ainsi que sa soumission au droit de l'UE. L'article 30 modifié (comité des commissaires aux comptes) prévoit que le rapport du comité des commissaires aux comptes est également transmis au Parlement européen et le considérant 7 modifié précise que les États parties au MES reconnaissent le dialogue entre le directeur du MES et le Parlement européen.

L'article 40 modifié prévoit une nouvelle modalité de transfert des soutiens octroyés par la FESF (Facilité européenne de stabilité financière) au MES (ainsi que les droits et obligations afférentes) : le conseil des gouverneurs peut ainsi autoriser la création d'une tranche supplémentaire de capital appelable (sans droits de vote) auquel les États membres de la FESF (qui sont les mêmes que ceux du MES) peuvent souscrire à hauteur de leur clé de contribution à la FESF et dont le montant maximal ne peut excéder l'encours total en principal des prêts de la FESF multiplié par 165 %. Cette disposition participe à l'objectif de fusion du MES et de la FESF en une seule entité (le MES) qui pilotera l'ensemble des programmes d'assistance financière aux États de la zone euro.

4- La facilitation des restructurations de dettes souveraines

L'article 12 et le considérant 11 modifiés prévoient l'introduction dans les obligations souveraines de tous les gouvernements de la zone euro d'une clause d'action collective. Ils sont modifiés de sorte que les CAC, actuellement à agrégation à double seuil, soient à partir du 1er janvier 2022 à agrégation à seuil unique. Cette modification vise à permettre d'amender les termes et conditions des contrats obligataires en un seul vote de l'ensemble des créanciers, sans avoir à rechercher l'assentiment ligne obligataire par ligne obligataire d'une majorité (qualifiée) de détenteurs d'obligations. Il s'agit de simplifier le processus et d'éviter qu'une minorité de blocage sur une ou plusieurs lignes de titres obligataires fasse échec à un projet de restructuration pour les lignes concernées. Avec une agrégation à seuil unique portant sur la totalité de la dette, il devient plus difficile de rassembler une minorité de blocage, en raison des montants concernés, et si la restructuration est entérinée, elle a plus de chance de s'appliquer à toute la dette. Les modalités juridiques détaillées ont été arrêtées par le sous-comité du Comité économique et financier, chargé du marché de la dette souveraine en zone euro (ESDM) sous forme de termes communs de référence. S'agissant de l'implication du secteur privé (private sector involvement ou PSI en anglais) dans les restructurations de dettes publiques, le MES se voit confier un rôle de facilitateur entre l'État concerné et ses créanciers privés sur une base volontaire, informelle, non-contraignante et confidentielle (considérant 11 bis nouveau). Le considérant 12 est amendé pour préciser que le recours au PSI se fait de manière appropriée et proportionnée et en cohérence avec les pratiques du FMI.

Les quatre autres articles de l'accord modifiant le traité instituant le Mécanisme européen de stabilité concernent ses modalités de gouvernance :

L'article 2 expose les conditions de dépôt de l'accord modificatif.

L'article 3 traite de la consolidation du traité instituant le MES.

L'article 4 présente les modalités de ratification, approbation ou acceptation de l'accord modificatif. L'accord est soumis à la ratification, à l'approbation ou à l'acceptation des signataires. Les signataires sont informés par le dépositaire du dépôt et de la date de dépôt de chaque instrument.

L'article 5 traite des conditions d'entrée en vigueur de l'accord modificatif et des conditions d'adhésion des États membres. En vertu de cet article, l'accord entre en vigueur à la date de dépôt des instruments par tous les signataires. Les États membres de l'Union ayant présenté une demande d'adhésion au traité instituant le MES peuvent présenter une demande d'adhésion à l'accord modificatif avant son entrée en vigueur.

Telles sont les principales observations qu'appelle l'accord modifiant le traité instituant le Mécanisme européen de stabilité.


* 1 Sauf la Suède et le Royaume-Uni qui a quitté l'UE depuis.

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