EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 11 novembre 2024, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères de la République française, Monsieur Jean-Noël Barrot, et le ministre des affaires étrangères de la République de Colombie, Monsieur Luis Gilberto Murillo Urrutia, ont signé à Paris une nouvelle convention d'extradition.

En matière de coopération judiciaire pénale, la France et la Colombie sont d'ores et déjà toutes deux Parties à la convention unique des Nations unies sur les stupéfiants du 30 mars 19611(*), la convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes du 19 décembre 19882(*), la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale du 15 novembre 2000 (dite « convention de Palerme »)3(*), la convention des Nations unies contre la corruption du 31 octobre 20034(*), la convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, du 10 décembre 19845(*), et la convention sur la cybercriminalité du Conseil de l'Europe du 23 novembre 20016(*).

Sur le plan bilatéral, la France et la Colombie sont liées par la convention d'entraide judiciaire en matière pénale signée à Paris le 21 mars 19977(*) et par la convention pour l'extradition réciproque des criminels signée à Bogotá le 9 avril 1850 entre la République française et la République de la Nouvelle-Grenade.

En revanche, aucun accord ne lie la France et la Colombie en matière de transfèrement de détenus.

Désireux de promouvoir une coopération judiciaire bilatérale plus efficace en matière pénale, afin en particulier de lutter contre la criminalité organisée, notamment le trafic international de stupéfiants, la France et la Colombie ont souhaité établir un nouveau cadre juridique dans le champ de l'extradition, la convention de 1850 ne prévoyant pas le trafic de stupéfiants dans sa liste de crimes permettant l'extradition.

La convention se compose de vingt-huit articles.

L'article 1er énonce l'engagement de principe des Parties à se livrer réciproquement toute personne qui, se trouvant sur le territoire de l'une des Parties, fait l'objet de poursuites ou qui est recherchée aux fins d'exécution d'une peine privative de liberté par les autorités compétentes de la Partie requérante en raison de la commission d'un crime ou d'un délit.

L'article 2 définit les infractions pouvant donner lieu à extradition, à savoir celles punies, en vertu des lois des deux Parties, d'une peine privative de liberté d'un minimum de deux ans ou d'une peine plus sévère. En outre, dans le cas d'une extradition sollicitée aux fins d'exécution d'une peine, la durée de la peine restant à subir doit être d'au minimum un an.

Le paragraphe 3 précise que si plusieurs infractions sont à l'origine de la demande d'extradition et qu'au moins l'une de ces infractions rempli les conditions de peine encourue et/ou de durée de peine restant à exécuter, l'extradition peut être accordée pour l'ensemble des infractions reprochées.

Le paragraphe 4 inclut expressément les infractions en matière fiscale, de douane et de change.

L'article 3 énumère les motifs obligatoires de refus d'extradition. Classiquement, la remise n'est pas accordée pour les infractions considérées par la Partie requise comme des infractions exclusivement militaires, des infractions politiques ou comme des faits connexes à des infractions politiques ou que l'extradition est demandée dans un but politique. Sont cependant exclus du champ des infractions politiques l'homicide ou la tentative d'homicide contre un chef d'État un chef de gouvernement ou d'un membre de sa famille.

L'extradition est refusée si la Partie requise a des raisons sérieuses de croire que l'extradition a été demandée aux fins de poursuivre ou de punir une personne pour des considérations de race, de religion, de nationalité, de sexe, d'origine ethnique, d'handicap physique ou mental, d'orientation sexuelle, d'opinions politiques ou d'appartenance à un groupe social déterminé ou que la situation de cette personne risque d'être aggravée pour l'une ou l'autre de ces raisons.

L'extradition n'est pas davantage accordée si la personne réclamée a fait l'objet, dans la Partie requise, d'un jugement définitif de condamnation, de relaxe ou d'acquittement, d'une mesure de grâce ou d'amnistie pour l'infraction à l'origine de la demande d'extradition ou encore si l'action publique ou la peine prononcée à raison de ces faits sont couvertes par la prescription au regard de la législation de l'une ou l'autre des Parties. Les actes interruptifs ou suspensifs de prescription intervenus dans la Partie requérante doivent cependant être pris en considération par la Partie requise, dans la mesure où sa législation le permet.

Enfin, afin de préserver les droits de la défense, l'extradition est également refusée lorsque la personne est réclamée pour être jugée dans la Partie requérante par un tribunal n'assurant pas les garanties fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense ou par un tribunal institué pour son cas particulier ou lorsque l'extradition est demandée pour l'exécution d'une peine infligée par un tel tribunal.

Enfin, l'extradition est exclue si la Juridiction spéciale pour la paix colombienne considère que la garantie de non extradition est applicable à la personne réclamée, en accord avec les dispositions de la loi statutaire de l'administration de la justice de la Juridiction spéciale pour la paix.

L'article 4 traite de l'extradition des nationaux. La nationalité est appréciée à la date de la commission des faits. La remise peut être refusée lorsque la personne réclamée a la nationalité de la Partie requise. En cas de refus fondé uniquement sur la nationalité, la Partie requise doit, conformément à sa législation et sur dénonciation des faits par la Partie requérante, soumettre l'affaire à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale. La Partie requise informe la Partie requérante de la suite réservée à sa demande.

La même procédure s'applique en cas d'extradition aux fins d'exécution de peine.

L'article 5 liste les motifs facultatifs de refus d'extradition. La remise peut ainsi être refusée lorsque l'infraction objet de la demande a été commise hors du territoire de la Partie requérante et que la législation de la Partie requise n'autorise pas la poursuite de la même infraction commise hors de son territoire. De même, lorsque conformément à la législation de la Partie requise, ses autorités judiciaires ont compétence pour connaître de l'infraction à l'origine de la demande d'extradition, ou lorsque la personne réclamée fait l'objet dans la Partie requise de poursuites pour la ou les infractions pour lesquelles l'extradition est demandée ou lorsque les autorités compétentes de la Partie requise ont décidé de mettre fin aux poursuites qu'elles ont exercées. La remise peut également être refusée si la personne a été définitivement condamnée ou a bénéficié d'une décision de relaxe ou d'acquittement dans un État tiers pour les infractions objet de la demande d'extradition. Enfin, à titre humanitaire, l'extradition peut ne pas être accordée lorsque la remise de la personne réclamée est susceptible d'avoir pour elle des conséquences d'une gravité exceptionnelle, notamment en raison de son âge ou de son état de santé.

Les articles 6 à 10 règlent les questions de procédure, de transmission des demandes et des pièces à produire. Sauf stipulation contraire de la convention, la législation de la Partie requise est seule applicable aux procédures d'arrestation provisoire, d'extradition et de transit.

La demande d'extradition et toutes correspondances ultérieures sont transmises par la voie diplomatique.

Les demandes d'extradition doivent être formulées par écrit et dans tous les cas être accompagnées d'un exposé circonstancié des faits, leur qualification juridique, les références des dispositions légales qui leur sont applicables, y compris celles relatives à la prescription, d'une copie authentifiée des dispositions légales applicables aux infractions et peines correspondantes et aux délais de prescription et, lorsqu'il s'agit de faits commis hors du territoire de la Partie requérante, du texte des dispositions légales ou conventionnelles attribuant compétence à ladite Partie ; des renseignements susceptibles de permettre l'identification formelle et la localisation de la personne réclamée. Selon les cas, la demande doit également comporter l'original ou une copie certifiée conforme du mandat d'arrêt ou de la décision de condamnation exécutoire, outre une déclaration relative au reliquat de la peine restant à exécuter, ou tout autre acte ayant la même force délivrée dans les formes prescrites par la loi de la Partie requérante.

La demande et les pièces à produire doivent être traduites dans la langue officielle de la Partie requise. Ces documents sont dispensés de toute formalité de légalisation mais doivent être authentifiés par l'autorité de la Partie requérante.

En présence d'informations insuffisantes ou irrégulières, la Partie requise sollicite tout complément d'information nécessaire ou porte à la connaissance de la Partie requérante les omissions ou irrégularités à réparer. La Partie requise peut fixer un délai.

L'article 11 régit la procédure d'arrestation provisoire, applicable en cas d'urgence. Elle est transmise aux autorités compétentes de la Partie requise par la voie diplomatique. La demande d'arrestation provisoire doit être formée par écrit, indiquer l'existence de l'une des pièces prévues aux alinéas b) et c) du paragraphe 2 de l'article 7, mentionner l'infraction pour laquelle l'extradition est demandée, la date, le lieu et les circonstances de la commission de l'infraction ainsi que tous les renseignements disponibles permettant l'identification et la localisation de la personne recherchée et faire part de l'intention d'envoyer une demande d'extradition.

L'arrestation provisoire prend fin si la demande d'extradition ne parvient pas à la Partie requise dans un délai de 60 jours suivant l'arrestation de la personne, sans préjudice de la possibilité d'une nouvelle arrestation provisoire et remise de la personne réclamée en cas de réception ultérieure d'une demande d'extradition en bonne et due forme.

L'article 12 fait obligation à la Partie requise d'informer dans les meilleurs délais la Partie requérante des suites qu'elle entend réserver à la demande d'extradition, étant observé que tout refus, même partiel, doit être motivé. Lorsqu'il est fait droit à la demande, les Parties fixent, d'un commun accord, la date et le lieu de la remise qui doit, sauf cas de force majeure, intervenir dans un délai de 60 jours maximum à compter du lendemain du jour où la personne est mise à la disposition de la Partie requérante, à défaut de quoi la personne réclamée est remise en liberté.

L'article 13 règle la question de la peine de mort et des peines contraires à l'ordre public de la Partie requise en énonçant que l'extradition est refusée lorsque l'infraction à l'origine de la demande d'extradition est passible ou punie d'une telle peine par la législation de la Partie requérante, sauf à ce que cette dernière donne des garanties jugées suffisantes par la Partie requise que cette peine ne sera pas requise et que si elle est prononcée, elle ne sera pas exécutée. Les Parties s'engagent également à ce qu'aucune personne remise ne puisse se voir infliger ou appliquer une peine qui en vertu du droit international, serait constitutive de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants, ni être soumise à la disparition forcée ou aux peines de réclusion à perpétuité, d'exil et d'expropriation arbitraire de ses biens.

Les articles 14 et 15 énoncent la règle traditionnelle de la spécialité et encadrent la réextradition vers un État tiers de la personne remise. La Partie requérante ne peut en effet tirer profit de la présence de la personne extradée sur son territoire pour la poursuivre, la juger, la détenir ou restreindre sa liberté individuelle pour des faits distincts de ceux ayant motivé son extradition et commis antérieurement à sa remise ou encore pour la réextrader vers un autre État. Des exceptions sont néanmoins prévues à ce principe lorsque la Partie requise y consent ou lorsque la personne réclamée, ayant eu la possibilité de quitter le territoire de la Partie à laquelle elle a été livrée, ne l'a pas quitté dans un délai de trente jours suivant sa libération définitive ou y est retournée après l'avoir quitté. En outre, en cas de modification de la qualification légale de l'infraction pour laquelle une personne a été extradée, cette dernière ne peut être poursuivie ou jugée que si l'infraction nouvellement qualifiée peut donner lieu à extradition dans les conditions de la convention et vise les mêmes faits que ceux pour lesquels l'extradition a été accordée.

Les articles 16 et 17 prévoient la possibilité de différer la remise lorsqu'il existe des procédures en cours à l'encontre de la personne réclamée sur le territoire de la Partie requise ou lorsqu'elle y exécute une peine pour une infraction autre. La remise peut également intervenir à titre temporaire lorsque des circonstances particulières le justifient, dans des conditions et pour une durée déterminées par les Parties, et à la condition expresse que la personne sera maintenue en détention et renvoyée à la Partie requise à l'issue de la période convenue.

L'article 18 prévoit que la Partie requérante, à la demande de la Partie requise, l'informe des résultats des poursuites pénales engagées contre la personne extradée, de l'exécution de sa peine ou de sa réextradition vers un État tiers et lui adresse copie de la décision finale et définitive.

L'article 19 traite de la remise des biens. Sur demande de la Partie requérante, la Partie requise saisit et remet les biens et documents pouvant servir d'éléments de preuves matériels ou qui, provenant de l'infraction, ont été trouvés en la possession de la personne réclamée au moment de son arrestation ou ont été découverts ultérieurement, et ce même dans le cas où l'extradition n'a pu avoir lieu en raison du décès, de la disparition ou de l'évasion de la personne réclamée. Si les biens sont susceptibles de saisie ou de confiscation sur le territoire de la Partie requise, elle peut aux fins d'une procédure pénale en cours, les garder temporairement ou les remettre sous-condition de restitution. Ces règles ne font pas obstacle à la nécessaire préservation des droits de la Partie requise ou des tiers sur lesdits objets.

L'article 20 fixe les règles applicables au transit d'une personne extradée par un État tiers vers l'une des Parties à travers le territoire de l'autre Partie. Le texte précise également les règles spécifiques applicables au transit par la voie aérienne.

L'article 21 règle les hypothèses de concours de demandes d'extradition, la Partie requise devant tenir compte, dans sa décision, de toutes circonstances et notamment de la gravité des infractions, du lieu des infractions, des dates respectives des demandes.

L'article 22 fixe les conditions dans lesquelles les données à caractère personnel communiquées au titre de la convention peuvent être utilisées par la Partie à laquelle elles ont été transmises.

L'article 23 traite de la question de la prise en charge et de la répartition des frais occasionnés par les opérations d'extradition ou de transit.

L'article 24 énonce le principe selon lequel la convention ne porte pas atteinte aux droits et obligations résultant pour chaque Partie de tout autre traité ou accord auxquelles l'une ou l'autre des Parties ou les deux sont Parties.

Les articles 25 à 28, de facture classique, fixent les modalités d'application dans le temps, de règlement des différends, de modifications, d'entrée en vigueur et de dénonciation de la convention.

Telles sont les principales observations qu'appellent la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Colombie.

* 1 Publiée par décret n°69-446 du 2 mai 1969.

* 2 Publiée par décret n°91-271 du 8 mars 1991.

* 3 Publiée par décret n°2003-875 du 8 septembre 2003.

* 4 Publiée par décret n°2006-1113 du 4 septembre 2006.

* 5 Publiée par décret n°87-916 du 9 novembre 1987.

* 6 Publiée par décret n° 2006-580 du 23 mai 2006.

* 7 Publiée par décret n° 2001-548 du 20 juin 2001.

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