EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En Guadeloupe, le service public de l'eau potable et de l'assainissement présente des carences graves et structurelles qui affectent son fonctionnement, avec des coupures d'eau fréquentes, d'ampleurs et d'origines diverses. À ce jour, les difficultés de distribution d'eau sont exacerbées par la crise de la Covid-19. Le calendrier des tours d'eau, censés pallier les coupures récurrentes, n'est plus respecté.
Et des secteurs entiers nont plus d'eau au robinet pendant plusieurs jours voire plusieurs semaines consécutives.

Cette crise de l'eau est aujourd'hui la conséquence d'une accumulation de difficultés : tout d'abord, un réseau de distribution vétuste et mal entretenu, dont le rendement peine à atteindre 40 % (soit une perte de 60 % de la quantité d'eau distribuée). L'état réel du réseau de distribution est par ailleurs mal connu, ce qui nuit dès lors à la planification d'actions efficaces en termes de réparation. Les budgets des services d'eau et d'assainissement des collectivités locales et des opérateurs sont exsangues, car ils doivent supporter des charges élevées (notamment salariales) et ne disposent pas toujours de recettes suffisantes à cause de fragilités dans le comptage et la facturation et d'un taux d'impayés élevé.

À titre d'exemple, l'une des principales autorités organisatrices du service, le Syndicat Intercommunal d'Alimentation en Eau et d'Assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG), présente une situation financière fortement dégradée, comme l'a rappelé récemment la chambre régionale des comptes. À ce jour, il n'est plus en mesure d'exercer ses compétences dans des conditions garantissant la continuité du service public, la santé et l'ordre public, ni de réaliser les investissements indispensables pour l'amélioration de la distribution de l'eau.

Enfin, des défaillances importantes dans la gouvernance de l'eau freinent depuis plusieurs années tout redressement de la situation. Si la Guadeloupe est un territoire riche en eau, bénéficiant d'une pluviométrie élevée et de nombreuses sources et rivières, la crise de l'eau est paradoxalement devenue systémique en Guadeloupe, et les tentatives de restructuration antérieures des compétences relatives à l'eau et à l'assainissement, en l'absence notamment de consensus local chez les élus, ont successivement échoué ces dernières années.

Il est donc aujourd'hui indispensable qu'une solution soit rapidement mise en place pour améliorer la gouvernance de l'alimentation et de la distribution de l'eau, préalable indispensable pour moderniser les réseaux et répondre à l'urgence de la situation. Les populations de Guadeloupe attendent qu'une action forte et déterminée soit menée pour résoudre les difficultés subies au quotidien ; difficultés encore plus prégnantes en cette période de crise sanitaire.

Dans un sondage publié en novembre 2020, la distribution et la gestion de l'eau apparaissent comme étant la première préoccupation des populations de Guadeloupe, à 45 % ; avant le chômage, la santé, la pollution au chlordécone ou encore la sécurité (« Baromètre politique en Guadeloupe » - Qualistat Études et Conseil ).

Ainsi, la présente proposition de loi vise à créer un service unique de l'eau potable et de en Guadeloupe continentale. La création de cette structure relève, d'abord, de l'ordre public et en particulier de la salubrité et de la santé publiques au sens des missions particulières que la loi confie aux services publics de l'eau et de l'assainissement, au sens respectivement des articles L. 2224-7 et L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales.

Elle est imposée par la loi, ensuite, d'une part en raison d'une situation très dégradée ne permettant pas un retour dans les meilleurs délais à un fonctionnement normalisé et pérenne de l'exercice de ces compétences, et d'autre part en raison des échecs antérieurs pour trouver des solutions locales selon les procédures de droit commun.

Elle s'impose, enfin, dans l'objectif de regrouper au sein d'une même structure la région, le département et les EPCI à fiscalité propre disposant des compétences qui sont dévolues à titre obligatoire par la loi en matière d'eau, d'assainissement des eaux usées et de gestion des eaux urbaines aux communautés d'agglomération depuis le 1 er janvier 2020. Ce regroupement permettra une gestion unifiée des compétences, seule à même de garantir que les investissements nécessaires à la remise à niveau et à la modernisation des réseaux actuellement en déshérence puissent conforter, sur le territoire guadeloupéen, la pérennité des infrastructures et qu'un exercice effectif tant des missions des services d'eau potable que celles relatives à l'assainissement collectif et non collectif auxquelles sont attachés des impératifs de préservation de la santé publique et de lutte contre la pollution de l'environnement soit assuré au profit des habitants.

Afin de garantir un service public de qualité en matière d'eau et d'assainissement dans le département de la Guadeloupe, la proposition de loi prévoit donc la création dun syndicat mixte ouvert dénommé « Syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assinissement de Guadeloupe » dont les cinq communautés d'agglomération de Guadeloupe « continentale » seront membres aux côtés du département et de la région. Cette création interviendra à la date à laquelle le préfet, en concertation et après avis des établissements et des collectivités membres, arrêtera les statuts du syndicat et devra intervenir au plus tard au 1 er septembre 2021.

Ce syndicat mixte ne recouvrira pas le périmètre de la communauté de communes de Marie-Galante, puisque ce territoire dispose d'un service public d'eau autonome ne connaissant pas de difficulté majeure.

Concernant les dispositions financières, le syndicat mixte appliquera les dispositions communales en matière de recettes et de dépenses notamment de dépenses obligatoires. La présente proposition de loi n'implique donc aucune charge au sens de l'article 40 de la Constitution.

Les modalités de contributions des membres au profit du syndicat sont fixées selon des principes simples : le département et la région de Guadeloupe contribuent chacun à hauteur de 25%, les EPCI en fonction du nombre d'abonnés estimé selon le périmètre de chacun des deux services publics. En l'absence de dispositions spécifiques aux syndicats mixtes dans le droit commun, la loi prévoit que les contributions des membres ont le caractère de dépenses obligatoires.

Enfin, en matière de biens, il est décidé d'opérer un transfert en pleine propriété similaire à la procédure prévue à larticle L.5215-28 du code général des collectivités territoriales. Au 1 er septembre 2021, les biens, droits et obligations seront transmis au syndicat mixte et, dans un délai d'un an, les biens seront transférés en pleine propriété entre le syndicat mixte et ses membres. À défaut de transfert effectif dans un délai dun an, un décret pris en Conseil d'État réglera les conditions du transfert.

Enfin, l'article 2 propose d'adosser au syndicat mixte une commission consultative , sur le même modèle que ce qui est prévu par le code général des collectivités territoriales à l'article L. 1413-1. Cela permettra ainsi d'inscrire la consultation des associations d'usagers et d'assurer leur avis sur l'exercice des compétences en matière d'eau par le syndicat. Leurs représentants pourront également bénéficier d'une lisibilité et d'une transparence sur les investissements réalisés pour améliorer la distribution et la qualité de l'eau sur le territoire de Guadeloupe.

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