EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

À l'issue d'un cycle de travaux accomplis sur près d'une année, le groupe de travail commun aux commissions des affaires sociales et des lois du Sénat, rapporté par MM. Jean Sol (Les Républicains, Pyrénées-Orientales) et Jean-Yves Roux (Rassemblement démocratique social et européen, Alpes-de-Haute-Provence) a rendu ses conclusions sur l'avenir de l'expertise psychiatrique et psychologique en matière pénale 1 ( * ) et a souligné l'urgence de consacrer un véhicule législatif dédiée à cette question, habituellement traitée de manière incidente.

Entre justice et santé, la mission des experts psychiatres et psychologues, auxiliaires de la justice pénale, consiste, en matière présentencielle, à éclairer le magistrat sur le discernement du commettant au moment de l'acte et, en matière post-sentencielle, à évaluer la dangerosité du détenu arrivé au terme de l'exécution de sa peine.

De plus en plus sollicités par des magistrats saisis de contentieux sensibles et d'une demande de protection accrue contre le risque de récidive, les experts font l'objet d'une pression importante, aggravée par la diminution constante de leurs effectifs. Les causes de cette désaffection sont à rechercher dans les conditions matérielles de leur pratique : une formation unanimement dénoncée comme insuffisante, une rémunération peu incitative et indifférente à la complexité des affaires dont ils ont à connaître, un accès au dossier médical de la personne examinée non automatique, l'accomplissement fréquent de l'expertise présentencielle au stade de la garde à vue,...

De nombreuses difficultés ont été relayées aux rapporteurs du groupe de travail, qui ont eu à coeur de bâtir un ensemble de propositions cohérent, soucieux d'appréhender le travail d'expertise dans sa globalité.

Outre l'exercice concret de l'expertise, la réflexion sur l'avenir des missions de l'expert ne peut faire abstraction du débat actuel sur les causes de l'irresponsabilité pénale, qu'ont suscité les circonstances du meurtre de Mme Sarah Halimi en avril 2017, et au sujet duquel la Cour de cassation doit se prononcer le 14 avril prochain. Cette affaire, où se discute la responsabilité pénale d'un criminel ayant agi sous l'emprise de psychotropes, appelle du législateur une précision du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal.

En conséquence, le chapitre I er de la présente proposition de loi entend préciser les causes de l'irresponsabilité pénale.

L' article premier ajoute un critère à la qualification d'une abolition du discernement du commettant, en prévoyant que le trouble psychique ou neuropsychique dont il peut se prévaloir ne peut être issu que d'un état pathologique ou d'une exposition contrainte aux effets d'une substance psychoactive.

L' article 2 précise l'article 158 du code de procédure pénale en indiquant que, dans le cas où le juge d'instruction sollicite une expertise pour établir le discernement du commettant, cette expertise doit se concentrer sur les seules causes d'irresponsabilité ou d'atténuation de la responsabilité pénale.

Le chapitre II porte plusieurs dispositions relatives aux conditions de réalisation de l'expertise présentencielle.

L' article 3 impose que la première expertise ait lieu dans un délai maximal de deux mois après l'incarcération du commettant.

L' article 4 apporte aux articles 63-3, 706-88 et 706-8-1 du code de procédure pénale certaines précisions, afin de spécifier que l'examen clinique de garde à vue ne peut se prêter à la réalisation d'expertises psychiatriques ou psychologiques requises par l'enquête.

L' article 5 prévoit qu'au cours de l'instruction soit explicitée dans le code de procédure pénale la capacité qu'a le juge de mettre le dossier médical à la disposition de l'expert, en sa qualité d'auxiliaire de justice.

Enfin, l' article 6 tend à mieux encadrer la possibilité pour les parties de solliciter un complément d'expertise pénale ou une contre-expertise pénale au moment de l'ouverture de l'instruction et supprime la prérogative du président de la chambre d'instruction prévue à l'article 186-1 du code de procédure pénale de ne pas saisir la chambre d'un appel d'une demande de contre-expertise.

Le chapitre III se consacre pour sa part aux modalités de l'expertise post-sentencielle.

L' article 7 complète l'article 717-1 du code de procédure pénale en prévoyant que le juge d'application des peines communique systématiquement les résultats des expertises pré-sentencielles et post-sentencielles aux experts chargés de l'examen des détenus ainsi qu'aux conseillers des services pénitentiaires d'insertion et de probation.

L' article 8 tend à clarifier, au sein du code de procédure pénale, la répartition des missions entre l'équipe chargée de l'évaluation pluridisciplinaire de dangerosité et l'expert post-sentenciel, en prévoyant notamment que les conclusions de leurs travaux respectifs fassent l'objet d'une communication mutuelle. L'article 8 homogénéise également la réalisation des expertises post-sentencielles en les élargissant aux psychologues formés en psychopathologie.

L' article 9 ouvre la possibilité à l'expert psychiatre post-sentenciel, chargé d'évaluer l'opportunité thérapeutique d'une injonction de soins et des traitements afférents, d'assumer les missions de médecin coordonnateur du détenu lors de sa sortie d'incarcération.

Le chapitre IV traite des obligations déontologiques s'imposant à l'expert.

L' article 10 prévoit pour tout expert psychiatre ou psychologue inscrit sur les listes agréées une obligation déclarative de ses liens d'intérêts, laquelle pourra être consultée par les conseils des parties au moment de la désignation de l'expert.


* 1 « Expertise psychiatrique et psychologique en matière pénale : mieux organiser pour mieux juger » , rapport d'information de MM. Jean Sol et Jean-Yves Roux, fait au nom de la commission des lois et de la commission des affaires sociales, n° 432 (2020-2021) - 10 mars 2021.

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