EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Cette proposition de loi vise à définir juridiquement les enfants nés sans vie, à permettre à leur parent de leur donner un patronyme et à introduire, le cas échant, une action relative à la filiation pour les enfants nés sans vie.

En France, lorsqu'un enfant décède avant que sa naissance n'ait été déclarée à l'état civil, le code civil distingue deux cas.  Cette distinction apparaît entre l'alinéa 1et l'alinéa 2 de l'article 79-1 du code civil :

« Lorsqu'un enfant est décédé avant que sa naissance ait été déclarée à l'état civil, l'officier de l'état civil établit un acte de naissance et un acte de décès sur production d'un certificat médical indiquant que l'enfant est né vivant et viable et précisant les jours et heures de sa naissance et de son décès. »

A défaut du certificat médical prévu à l'alinéa précédent, l'officier de l'état civil établit un acte d'enfant sans vie. Cet acte est inscrit à sa date sur les registres de décès et il énonce les jour, heure et lieu de l'accouchement, les prénoms et noms, dates et lieux de naissance, professions et domiciles des père et mère et, s'il y a lieu, ceux du déclarant. L'acte dressé ne préjuge pas de savoir si l'enfant a vécu ou non ; tout intéressé pourra saisir le tribunal judiciaire à l'effet de statuer sur la question. »

Cet article est sujet à interprétation pour deux raisons : tout d'abord en ce qui concerne le premier alinéa, la question de la viabilité de l'enfant est une notion médicale et non juridique, et dont les contours restent imprécis. Les parents sont donc potentiellement soumis à l'appréciation du corps médical. La notion de viabilité a toutefois été précisée par la circulaire n° 50 du 22 juillet 1993 relative à la déclaration des nouveau-nés décédés à l'état civil : conformément aux recommandations de l'Organisation mondiale de la santé, les enfants pesant au moins 500 grammes ou nés après 22 semaines d'aménorrhée sont présumés viables, indépendamment de tout autre critère (et notamment la prise en compte d'éventuelles malformations ou pathologies).

Enfin, pour ce qui est du second alinéa, la question qui se pose est son domaine d'application, puisque le texte ne précise pas comment distinguer une fausse couche de la perte d'un enfant. La question, à la fois juridique et médicale, est donc de savoir à quel stade de développement on peut considérer qu'un enfant (mort-né) existe.

Cette question est traitée par la loi dans la plupart des pays européens, à l'exception de l'Allemagne, de la Belgique et de la Suisse pour lesquels cette question relève de la matière réglementaire.

En France, une circulaire du 30 novembre 2001 proposait de se référer aux critères de viabilité posés par l'OMS : pour un foetus mort-né de moins de 22 semaines d'aménorrhée ou de moins de 500 grammes, l'acte d'enfant né sans vie ne pouvait pas être dressé. Cependant, la Cour de cassation a infirmé cette pratique par 3 arrêts du 6 février 2008, selon lesquels l'administration ne pouvait refuser de dresser un acte d'enfant né sans vie sur le fondement d'une règle posée par une simple circulaire. Deux décrets et deux arrêtés ont donc été pris le 20 août 2008 afin de préciser la notion d'enfant mort-né : pour qu'un acte d'enfant né sans vie puisse être dressé, il faut que la femme ait accouché. Cette notion d'accouchement se distingue, selon le texte de la circulaire, de l'IVG ou de la fausse couche du premier trimestre. En revanche, l'interruption de grossesse pratiquée pour des raisons médicales après le délai légal pour l'IVG peut être assimilée à un accouchement. La notion reste donc encore floue et mérite une définition législative.

En outre, la circulaire du 19 juin 2009 qui s'appuie sur l'article 79-1 du code civil indique pour les enfants nés sans vie « aucun nom de famille ne peut être conféré » à un enfant né sans vie. Seule le nom peut être mentionné.

L'article 1 de la présente proposition de loi vise à prévoir une définition légale et précise de l'enfant né sans vie et d'octroyer aux parents la possibilité de donner à leur enfant né sans vie les prénoms et noms de leur choix.

Enfin, si l'acte d'enfant né sans vie fait figurer le nom des parents, et si un enfant né sans vie peut faire l'objet d'une reconnaissance 1 ( * ) , l'article 318 du code civil s'oppose à ce qu'un enfant qui n'est pas né viable puisse faire l'objet d'une action en recherche ou en contestation de la filiation.

Ce point peut être sujet à modification ou du moins précision puisque dans un arrêt Znamenskaya contre Russie en date du 2 juin 2005, la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la Russie sur le fondement de l'article 8 de la convention pour n'avoir pas permis à la requérante de faire modifier l'état civil de son enfant mort-né, qui apparaissait comme le fils de son ex-mari alors qu'il était issu de son union ultérieure avec un autre homme avec lequel elle vivait en concubinage depuis plusieurs années.

L'article 2 de la présente proposition de loi vise à permettre une action relative à la filiation pour les enfants nés sans vie.

Il convient de préciser par ailleurs que même si les enfants nés sans vie qui ne sont pas juridiquement considérés comme mort-nés font l'objet d'une attention croissante, ils restent à l'écart du mouvement général de reconnaissance législative.

Ainsi, ces enfants n'entrent pas dans le champ d'application de la législation sur l'état civil.


* 1 Article 396 de l'instruction générale relative à l'État civil du 21 septembre 1955

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