EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En France, comme dans de nombreuses régions du monde, les déserts médicaux sont le symptôme d'un décalage progressif et persistant entre l'offre et la demande de soins. Leur existence contrarie le principe d'égal accès de chaque personne aux soins que son état de santé nécessite, découlant du droit à la protection de la santé reconnu à toute personne par le préambule de la Constitution de 1946.

En 2017, 11 300 communes étaient concernées par une offre de soins insuffisante pour sa population, soit une commune sur trois 1 ( * ) . Loin de se résorber, ce phénomène tend à s'aggraver, avec un effet ciseau résultant de l'augmentation de la demande de soins en raison du vieillissement de la population et du départ à la retraite d'un grand nombre de médecins généralistes non remplacés. L'Île-de-France figure parmi les régions les plus touchées, avec près de la moitié des médecins libéraux franciliens âgés de plus de 60 ans. Dans les territoires ultramarins, les tensions sur l'offre de soins sont exacerbées, en particulier à Mayotte dont la densité médicale est vingt fois plus faible que dans l'Hexagone. Conséquences directes d'un déséquilibre dans la démographie médicale, 20% des Français ne disposent pas de médecins traitants, près de la moitié des patients confrontés à des délais d'attente particulièrement longs décide de reporter ou de renoncer à leurs soins et les services des urgences sont de plus en plus saturés.

Ces déséquilibres dans la démographie médicale sont essentiellement dus à deux facteurs : le manque antérieur d'anticipation des besoins futurs avec une diminution du numerus clausus jusqu'au début des années 2000 et une moindre attractivité de certains territoires au regard de l'évolution des attentes des jeunes médecins, dans un contexte de liberté d'installation. Depuis une vingtaine d'année, les gouvernements successifs ont déployé une multitude de dispositifs pour tenter d'enrayer ce phénomène : incitations financières, fin du numerus clausus , création de postes de médecins généralistes à exercice partagé ville-hôpital, augmentation des délégations de compétences, création de postes d'assistants médicaux, etc.

Si les incitations financières se sont révélées peu efficaces, il ressort d'une étude internationale menée par la DRESS 2 ( * ) que les étudiants issus de déserts médicaux et ceux ayant effectués un stage en médecine générale ambulatoire, en particulier dans un désert médicale, sont plus enclins à s'installer dans ces mêmes zones.

Partant de ce constat, cette proposition de loi présente un ensemble de mesures, de court terme et de plus long terme, visant à favoriser l'accès aux soins dans les déserts médicaux.

Afin de limiter le reste à charge des patients contraints de se rendre aux urgences en raison d'une offre de soins limitée, l' article 1 er prévoit une exonération ou une limitation du forfait patient urgence dans les zones sous-dotées en médecins. Il s'agit d'une mesure de court terme, visant à améliorer l'accès aux soins non programmés dans les déserts médicaux et à lutter contre le renoncement aux soins d'une partie de la population.

L' article 2 propose d'allonger dun an la durée des études de médecine générale afin de prévoir une année de stage dans une zone sous-dotée, sous la responsabilité d'un médecin référent. Il s'agit de prévoir une immersion des étudiants prochainement diplômés dans les déserts médicaux afin d'encourager leur installation ultérieure et de favoriser l'accès aux soins dans ces territoires, sans remettre en cause la liberté d'installation des médecins.

L' article 3 prévoit que les centres hospitaliers régionaux et les centres hospitaliers universitaires mettent à disposition du personnel médical pour renforcer l'offre de soins dans les centres de santé et les maisons de santé situées dans des déserts médicaux - les conditions de cette mise à disposition étant assurées par les projets territoriaux de santé.

L' article 4 est un gage financier.

En complément de cette proposition de loi, nous défendons par ailleurs plusieurs mesures d'ordre réglementaire :

- instaurer un guichet unique d'accompagnement à l'installation des médecins dans les déserts médicaux visant à centraliser à l'échelle de chaque département les besoins territoriaux en coordination avec le conseil départemental, les aides financières, l'accompagnement administratif et les informations relatives à la vie familiale du professionnel ;

- développer le mentorat des étudiants en médecine issus de zones sous-dotées lors du premier cycle de leur scolarité afin de favoriser la découverte de la médecine et leur réussite ;

- plus généralement, favoriser l'attractivité des études médicales pour les élèves issus de la ruralité ;

- instaurer au sein des facultés de médecine une filière dédiée à la médecine rurale ;

- limiter le délai de soutenance de la thèse d'exercice en médecine à l'issue des études afin de favoriser l'installation rapide des médecins.

Enfin, nous encourageons vivement le gouvernement à effectuer une évaluation globale de l'efficacité des différents dispositifs déployés depuis 2005.


* 1 Emmanuel Vigneron : « La France des déserts médicaux », Le Monde, 30 mars 2017.

* 2 « Remédier aux pénuries de médecins dans certains zones géographiques. Les leçons de la littérature étrangère » Les dossiers de la DRESS N°89, décembre 2021.

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