EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les Yézidis, une minorité ethnique et religieuse kurdophone du nord de l'Irak, ont été la cible d'un projet de destruction massive mené par Daech entre 2014 et 2017.

Le 3 août 2014, les troupes de l'État islamique ont envahi la région du Sinjar, foyer de plus de 60 % de la population yézidie mondiale, forçant près de 200 000 Yézidis à l'exil.

Ce massacre de grande ampleur aura laissé derrière lui les traces d'un crime à caractère sexiste, racial et religieux. Un crime contre l'humanité, un crime génocidaire.

En janvier 2020, le bilan est effrayant : ce sont 5 000 à 10 000 Yézidis tués, des hommes convertis ou meurtris, des jeunes garçons envoyés dans des camps d'endoctrinement et de recrutement, et près de 6 500 femmes et enfants enlevés.

Les femmes et jeunes filles ont été converties, séquestrées, battues, mutilées, vendues et même louées en tant qu'esclaves sexuelles ou sabayas. Les marchés d'esclaves (souk sabaya) se sont multipliés, des applications cryptées (Telegram et Signal) et des sites internet ont servi de plateformes de mise en vente des prisonnières de guerre et de leurs enfants au même titre que de vulgaires marchandises.

Une entreprise de réification dont Daech a bien évidemment pris soin de revendiquer le fondement religieux.

L'asservissement des femmes et de leurs enfants a été l'élément névralgique d'une politique institutionnalisée au dessein idéologique, mais aussi, sans nul doute, financier.

En effet, les sabayas, vendues d'abord exclusivement aux djihadistes irakiens et étrangers, pour une somme variant de 200 à 1 500 dollars, ont parfois été revendues pour des sommes exorbitantes à leurs propres familles.

D'après l'ONU, en janvier 2016, Daech aurait reçu 850 000 dollars de familles yézidies pour le retour de 200 victimes enlevées. En 2014, l'État islamique aurait gagné entre 35 et 45 millions de dollars en paiement des rançons des Yézidis enlevés.

Après un certain silence de la communauté mondiale face aux horreurs du massacre, les autorités internationales et nationales ont entrepris des politiques médiatiques et juridiques afin de rendre justice aux victimes yézidies. 

À cet égard, on se félicite de la remise du prix Nobel de la paix 2018 à Nadia Murad, ancienne esclave sexuelle de Daech.

Dans son rapport intitulé « Ils sont venus pour détruire : les crimes de l'EI contre les Yézidis », publié en 2016, la commission d'enquête indépendante des Nations unies sur la Syrie a conclu que les faits commis à l'encontre des Yézidis étaient constitutifs de génocide, de crimes contre l'humanité, de crimes de guerre et d'abus des droits de l'homme, invitant à la reconnaissance de ces derniers par la communauté internationale.

Ce n'est qu'en mai 2021, soit sept ans après le massacre, que l'équipe d'enquête des Nations unies chargée d'amener l'État islamique, en Irak et au Levant (EIIL), à répondre de ses crimes (UNITAD) affirme avoir établi « des preuves claires et convaincantes que le génocide avait été commis par l'EIIL contre les Yézidis en tant que groupe religieux ».

En s'appuyant sur ces conclusions, un tribunal allemand a, pour la première fois, condamné un Irakien de Daech à perpétuité pour le génocide des Yézidis (« Allemagne : un Irakien de l'EI condamné à la perpétuité pour le "génocide" des yézidis », Le Monde, 30 novembre 2021) grâce au travail de l'avocate internationale Amal Clooney.

En octobre 2020, le Gouvernement irakien et le Gouvernement régional du Kurdistan ont trouvé un accord pour l'administration, la sécurité et la reconstruction de la région du Sinjar. En mars 2021, le Parlement irakien a adopté une loi au profit les survivants yézidis, qui reconnaît le génocide et établit un cadre de réparation financière.

Tout en saluant ces initiatives, nous ne pouvons que constater qu'à ce jour, ce sont encore plus de 2 700 femmes et enfants qui sont portés disparus et des milliers de Yézidis qui vivent dans des camps de réfugiés. Il serait temps que les mesures annoncées soient appliquées pour que ce peuple laminé puisse enfin retrouver ses terres ancestrales et la dignité qui lui est due.

« Le sang sèche vite en entrant dans l'histoire », dit Jean Ferrat, dans sa chanson hommage aux déportés, Nuit et brouillard.

C'est pour inscrire cette histoire tragique dans la loi que la présente proposition vise, dans son article unique, à reconnaître le génocide du peuple yézidi.

C'est un acte important pour les victimes et leurs familles.

Partager cette page